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Session ordinaire de 2001-2002

COMMISSION de la PRODUCTION et des ÉCHANGES

RÉUNION DU MERCREDI 24 OCTOBRE 2001

Projet de loi de finances pour 2002

Audition de Mme Marie-Noëlle Lienemann, Secrétaire d'Etat au logement
sur les crédits de son ministère

PRÉSIDENCE de M. Pierre Ducout
Vice-président de la commission

La séance est ouverte à neuf heures dix.

M. le Président - Je suis très heureux d'accueillir aujourd'hui, au sein de la commission élargie, Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement, qui nous présentera les crédits du logement prévus dans le projet de loi de finances pour 2002, ainsi que M. Dumont, rapporteur spécial, et, naturellement, M. Cacheux, rapporteur pour avis de notre commission.

Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement - Les orientations qui caractérisent le budget du logement dans le projet de loi de finances pour 2002 sont le renforcement de l'aide à la pierre et un effort accru en faveur du renouvellement urbain.

En 2001, les crédits consacrés à l'aide au logement n'ont pas été entièrement consommés, alors que la réforme engagée par M. Besson avait permis de les revaloriser, car la reprise économique a allégé les besoins. De plus, l'estimation initiale des crédits nécessaires était sans doute excessive, si bien que l'on a dépensé beaucoup moins que prévu.

Paradoxalement, cette tendance devrait se confirmer en 2002, quelles que soient les incertitudes qui pèsent sur l'évolution de l'emploi. En effet, le PARE, parce qu'il prévoit l'allongement de la période d'indemnisation du chômage, réduira la charge de l'Etat en matière d'aide au logement. De ce fait, les crédits de l'aide au logement sont en diminution de 1,9 % dans le projet de budget qui vous est présenté.

Il en résulte une marge de man_uvre supplémentaire, que le Gouvernement a affecté à l'aide à la pierre. La construction de logements sociaux sera favorisée, de manière que le nombre de logements locatifs aidés passe de 50 000 en 2001 à 55 000 en 2002. Quant aux crédits PALULOS, ils seront maintenus à leur niveau actuel. En effet, aussi longtemps que les constructions étaient peu nombreuses, l'accent était mis sur la rénovation. Pour autant, à choisir, je préfère construire plutôt que rénover. Par ailleurs, M. Bartolone et moi-même avons décidé d'accélérer le programme de démolition des logements sociaux vétustes, en triplant les crédits à cette fin.

Une autre de mes préoccupations tient à l'amélioration de la qualité de services, dont les crédits ont également été triplés. Il s'agit, ce faisant, de renforcer la sécurisation et la "résidentialisation" de l'ensemble du parc social.

L'ANAH a permis de remettre sur le marché 35 000 logements vacants à vocation plutôt sociale. Ses crédits seront maintenus au niveau réel dégagé en 2000. Ainsi, les 2,7 milliards de francs à dépenser l'année dernière sont reconduits. Le rôle de l'ANAH dans la reconquête du tissu urbain n'est pas mis en cause. Cependant, la Cour des comptes lui a reproché de trop disperser ses crédits et de ne pas les concentrer suffisamment sur les zones urbaines. Pour y remédier, le conseil d'administration de l'ANAH et de la grande ANAH a décidé de cibler l'action de l'Agence sur le secteur le plus social et sur la lutte contre l'habitat insalubre ou indécent. Ainsi, les crédits affectés à la lutte contre le saturnisme sont maintenus, les 125 millions de francs de dotations n'ayant pas été totalement consommés lors des exercices antérieurs. Le plan de salubrité lancé par le Gouvernement vise à faire en sorte que l'ensemble des crédits inscrits à ce titre soit consommé. Le FSL, qui a doublé en trois ans, est maintenu à hauteur de 500 millions de francs.

J'en viens à l'accession sociale à la propriété qui me tient particulièrement à c_ur. Chacun sait en effet que la première aspiration de nos concitoyens est d'accéder à la propriété. S'agissant du prêt à taux zéro, les dotations et l'économie générale du dispositif sont maintenues. Principale innovation pour cette année, la création d'une prime de 70 000 F au bénéfice de 1 000 ménages à revenu modeste projetant une acquisition. La construction de logements en zone urbaine sensible contribuera à renforcer la mixité sociale par le haut.

En matière d'investissement social et de fiscalité, le dispositif Besson sera renforcé. Ainsi, la déduction forfaitaire dans l'ancien à vocation sociale est portée de 25 à 60 %. Cette évolution répond à une demande ancienne du Haut comité au logement des plus démunis et elle présente un caractère réellement incitatif. Grâce à elle, les possibilités d'accession à la propriété offertes aux ménages à revenu moyen devraient sensiblement progresser, d'autant que ces ménages peuvent bénéficier d'un accompagnement social, même si les associations ne sont pas toujours assez présentes.

Ce projet de budget s'inscrit dans la continuité des exercices antérieurs. Il tend pour l'essentiel à conforter et à amplifier les orientations de la loi SRU, voulue et portée par mon prédécesseur, M. Besson.

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial de la commission des finances sur les crédits du logement - Année après année, votre rapporteur constatait la faiblesse de la production en logements locatifs et le décalage croissant entre l'offre et la demande de bailleurs sociaux, en particulier en Ile-de-France et à Paris. Madame la ministre, à votre arrivée au ministère correspond une relance de la construction de logements sociaux et l'objectif de mise sur le marché de 55 000 nouveaux programmes devrait être atteint en 2002. Cette inflexion est le fruit de votre volonté politique, clairement affichée et accompagnée des moyens nécessaires, tel l'amortissement du foncier sur cinquante ans.

La sous-consommation des crédits affectés à la lutte contre le saturnisme est intolérable en ce qu'elle traduit un manque de mobilisation des acteurs de terrain. Ainsi, l'agence de bassin Seine-Normandie a clairement refusé d'assumer ses responsabilités et je ne puis que vous inviter à interpeller votre collègue de l'environnement pour que l'ensemble des administrations compétentes renforcent leur implication dans la lutte pour la résorption de l'habitat insalubre.

La convention du 11 octobre dernier entre l'Etat et l'Union de l'économie sociale et du logement, qui tend à mobiliser les ressources du 1 % logement sur les actions de renouvellement urbain, a suscité quelques inquiétudes : ne risque-t-on pas d'assécher l'aide à la pierre, de moins bien prendre en compte les besoins en logement social locatif et d'alourdir encore les mécanismes de collecte du 1 % ? La Société foncière, qui projette la commercialisation de 15 000 logements par an, deviendra-t-elle un nouveau bailleur social au détriment des organismes HLM, lesquels se sentent quelque peu mis à l'écart, notamment pour ce qui concerne le foncier d'assise des immeubles détruits ?

J'en viens à l'accession sociale à la propriété pour saluer, une nouvelle fois, votre très forte volonté politique en la matière. Les crédits inscrits au bleu budgétaire pour 2002 doivent favoriser une accession réellement sociale, voire très sociale. Ainsi, les mille bénéficiaires de la prime de 10 700 euros seront réellement incités à poursuivre leur parcours résidentiel dans de bonnes conditions.

Les crédits inscrits au bleu pour 2002 traduisent l'effort budgétaire de l'Etat en faveur du logement social. Si la dotation globale est en légère diminution - moins 0,5 % -, cela s'explique pour l'essentiel par la diminution des aides à la personne - moins 1,86 % -, lesquelles représentent cependant 72 % des dépenses pour un montant total de 5,237 millions d'euros. A compter du 1er janvier 2002, le barème unique et définitif sera mis en place pour répondre à une volonté d'équité sociale. Ainsi, pour les ménages, il ne sera opéré aucune différenciation entre les revenus du travail et ceux tirés des transferts sociaux. 3,5 millions de foyers bénéficieront à ce titre d'un gain de 1 800 F par an dès cette année. Le coût de la réforme est estimé à 6 milliards et demi de francs mais la situation économique très favorable a permis de dégager des marges de man_uvre appréciables pour l'ensemble des prestations.

Le FSL est doté de 82 millions d'euros. Si l'efficacité de ses interventions n'est pas mise en cause, de fortes critiques ont été adressées à sa gestion, beaucoup déplorant des retards injustifiés et des manques. Sans doute convient-il de le réformer.

L'aide aux associations qui logent des personnes défavorisées est dotée de 33 millions d'euros, soit une augmentation de 20 % qui correspond à la mesure nouvelle relative à l'accueil des gens du voyage. Il y a, bien sûr, un grand intérêt à créer des aires d'accueil et à renforcer leur capacité.

Pour 2002, 457 millions d'euros sont inscrits sur la ligne fongible pour un programme de 555 000 logements. Les PALULOS sont dotées de 142 millions d'euros et les crédits pour la démolition sont multipliés par trois, l'objectif étant d'intensifier le renouvellement urbain. Pour cela, vous avez décidé, et c'est heureux, de déconcentrer la décision au préfet. Encore faudrait-il que vos circulaires soient totalement lisibles et que l'on ne transfère pas à l'échelon local les lenteurs nationales. Il faut réduire le délai de démolition, qui est actuellement de trois à cinq ans.

La qualité du service fait l'objet d'une attention particulière avec la création d'un article spécifique doté de 47 millions d'euros en AP et de 11 millions en CP. Les aides aux nomades mobilisent 22 millions d'euros. Les opérations sociales - réquisitions, démolitions, changements d'usage - sont dotées de crédits qu'il faudra consommer. J'insiste donc pour que l'administration soit mobilisée et responsabilisée, avec une obligation de résultat. Même en période préélectorale, les actions doivent être engagées pour répondre aux vrais besoins du pays.

En ce qui concerne l'ANAH, la commission des finances a émis le souhait que vous puissiez amender le bleu afin de doter l'agence des 200 millions qui lui manquent. Cette somme pourrait provenir de la taxe sur les logements vacants, dont il faudra toutefois vérifier l'efficacité - et c'est bien ce que j'ai l'intention de faire. Vous l'avez dit, l'agence a été dotée de missions nouvelles dans le cadre de la loi SRU car elle est porteuse de la prime pour l'amélioration du logement.

Pour l'accession, les crédits affectés au prêt à taux zéro sont en diminution mais l'objectif de 110 000 prêts reste le même. La subvention moyenne est passée à 50 000 F en 2000, la diminution est donc constante depuis 1996.

Quant à la société de garantie prévue dans la loi SRU, et contre la création de laquelle j'avais lutté en vain, les travaux se poursuivent en vue de son installation, mais les 200 millions nécessaires n'ont toujours pas été budgétés. Il serait quand même paradoxal, compte tenu des réserves que j'avais émises à l'époque, que cette société soit alimentée par la caisse de garantie du logement locatif social. Le report au 1er janvier 2003 de l'entrée en vigueur de cette société s'impose. Il reste sans doute à convaincre certains de vos collègues ; nous nous y emploierons au moment du MURCEF. Cela montre aussi qu'une politique du logement dynamique et efficace intéresse d'autres départements ministériels. Ce projet de budget ne déroge pas à la règle, ainsi, les articles 5 et 12 qui ont été adoptés la semaine dernière auront des effets non seulement sur le logement des plus démunis, mais aussi sur le 1 %.

Le droit au logement pour tous doit être mis en _uvre, la volonté ne manque pas, les moyens budgétaires sont inscrits, c'est pour cela que la commission des finances a donné un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

M. Alain Cacheux, rapporteur pour avis sur les crédits de l'urbanisme et du logement - Après les présentations qui viennent d'être faites, je ne reviendrai pas sur le détail de ce budget.

Un effort très significatif est fait, dans le cadre de la réforme des aides à la personne, avec l'inscription de 6,5 milliards de francs. Cela traduit une harmonisation des aides quels que soient les ressources du demandeur ou son statut - locataire du parc public ou du parc privé. L'augmentation sensible de l'aide, qui passe à 1 800 F par an, profitera à plusieurs millions de locataires, sans que personne n'y perde. Cette réforme ne se traduit pas par une augmentation des crédits, tout simplement parce que l'amélioration de la situation économique a réduit le nombre de demandes.

Je souhaite que cette harmonisation n'incite pas un certain nombre de propriétaires privés à augmenter les loyers au motif que les locataires bénéficient d'une aide plus importante. Il convient donc de surveiller l'évolution des loyers dans le privé, mais aussi dans le public. L'harmonisation ne doit pas non plus orienter de façon privilégiée les candidats locataires vers le parc privé, ni inciter des locataires à quitter le parc public. En effet, à conditions d'aides égales, le parc privé n'a les mêmes contraintes ni de mixité sociale, ni d'attribution, ni de loyer plafond, ni de plafond de ressources. Une intention louable ne doit donc pas conduire à la ghettoïsation du parc social que nous souhaitons précisément éviter.

J'en viens aux organismes HLM. Certes, les crédits PALULOS sont maintenus à un niveau élevé - 1 milliard de francs - dans une ligne que l'on appelle improprement fongible, puisque l'on passe son temps à la répartir entre constructions neuves et réhabilitations. Bien sûr, des adaptations peuvent être décidées par les préfets, mais elles demeurent limitées. Avec la TVA à taux réduit sur les travaux de gros entretien et l'avantage des taux bonifiés, on aboutit à une aide publique de 30 %. Mais les besoins restent très importants. Les organismes doivent mieux distinguer ce qui doit faire l'objet d'une réhabilitation lourde et ce qui doit être démoli. Ils y seront aidés par l'élaboration d'un plan du patrimoine. Même si le rythme des démolitions progresse, il ne concerne qu'une petite partie du parc, dont l'essentiel relève de réhabilitations. Il ne faudrait pas qu'en limitant les crédits PALULOS, avec la volonté louable de promouvoir les constructions neuves, on aboutisse à une sous-consommation et à des annulations.

Dans la loi de finances pour 2001, on a heureusement décidé de réduire de 30 % l'assiette de la taxe foncière sur les propriétés bâties situées en zone urbaine sensible, ce qui représente, en année pleine, un effort de 800 millions de francs au profit des organismes HLM. Toutefois, beaucoup d'entre eux ont cru comprendre que cette mesure devait être la contrepartie soit du gel des loyers et de la sortie modérée de ce gel - sortie modérée dont il convient de s'assurer -, soit de l'amélioration du patrimoine, donc d'un engagement à effectuer de gros travaux d'entretien et de grosses réparations, soit de l'embauche d'un certain nombre de gardiens - un pour 100 logements. Il conviendrait de mieux les informer de l'effort réel qu'ils doivent accomplir.

S'agissant de la relance de l'aide à la pierre, nous souhaitons tout d'abord que l'ANAH, dont les missions ont été élargies par la loi SRU, soit dotée en conséquence. Pour le parc social lui-même, l'augmentation des crédits est incontestable. Encore faut-il que ces dotations ne soient pas annulées pour partie, comme cela a été régulièrement le cas jusqu'ici. Par ailleurs, les sommes en cause restent relativement modestes et leur apport est quelque peu marginal dans le montage des opérations. Le plan de relance s'est certes traduit par un relèvement des subventions pour un quart de ces opérations, mais sa réussite demeure suspendue à la négociation d'avantages de taux avec les organismes du 1 %. Les loyers de sortie restent élevés, ce qui conduit à attribuer des APL importantes et contribue à une certaine uniformisation sociale au stade des attributions de logements. Le dispositif joue ainsi contre la recherche d'une plus grande mixité sociale. Je plaide donc pour l'aide à la pierre. Pendant des années, le budget du logement a été hypothéqué par la forte croissance des aides à la personne et il importe maintenant de réagir pour rendre les loyers de sortie plus compatibles avec cet objectif de mixité.

Cela étant, je souhaite bien entendu que ma commission adopte les crédits de votre ministère.

M. Jean-Marie Morisset - Madame la ministre, votre budget pour 2002 est un budget de simple reconduction. Rien n'est fait pour réformer les dispositifs qui souffrent d'insuffisances, en particulier le PTZ et le dispositif relatif à l'investissement locatif privé. Par ailleurs, votre Gouvernement ne semble pas avoir tiré les leçons de la crise de la construction locative sociale et persiste à inscrire à ce budget 55 000 logements sociaux sans songer à réformer le PLUS ni à refonder sa politique en la matière.

Certes, vous affichez une hausse de 2,7 % des autorisations de programme mais votre budget demeure marqué par le poids des aides à la personne qui, à 34,3 milliards contre 35 en 2001, continueront de représenter plus de 70 % de vos crédits. Entre 1997 et 2001, elles ont augmenté de près de 16 % ! Elles permettent sans doute de solvabiliser des locataires souvent modestes et de sécuriser les bailleurs mais leur réforme décidée l'an passé n'a toujours pas permis d'amorcer une maîtrise des dépenses publiques dans ce secteur. En outre, cette réforme ne prend pas en compte les aides à l'accession : vous préférez privilégier la location.

Ce budget n'apporte aucun changement majeur, ne comporte aucune orientation nouvelle, comme si nous n'affrontions pas une crise durable de la construction sociale. Les difficultés chroniques de ce secteur exigent pourtant qu'on fasse évoluer les outils de la politique du logement. Vous tentez bien d'endiguer la crise en imposant des contraintes de construction aux communes, mais la coercition ne suffira pas à redonner un nouveau souffle à ce secteur, tout au moins pas avant plusieurs années.

En outre, la demande est aujourd'hui plus diversifiée et le locatif social ne doit être qu'une étape de la trajectoire qui conduit à l'accession sociale à la propriété. De toute évidence, votre projet ne reflète pas une telle ambition, comme l'attestent aussi bien le poids des aides à la personne que l'augmentation des crédits de la construction sociale, qui pèse sur le développement du parc privé.

Vous proposez de stabiliser ces crédits alors même qu'ils sont régulièrement sous-consommés. Depuis 1997, le nombre de logements sociaux mis en chantier chaque année a été réduit de moitié. Pour 2000, on fait état de 42 600 financements locatifs aidés, pour 70 000 inscrits au programme...

Les crédits affectés aux démolitions passent de 170 à 500 millions, mais seront-ils consommés eux aussi ? Malgré la création du PLUS et le plan de relance, le Gouvernement ne parvient pas à traduire dans les faits son discours. Le PLUS, qui s'est substitué au PLA ordinaire ou à loyer minoré, ne s'est pas révélé plus efficace que lui.

La crise de la construction locative sociale met en évidence une crise profonde, comme en témoignent le développement de la vacance et l'incapacité du système à garantir le logement des plus démunis. En 2000, le parc privé aura accueilli deux fois plus de locataires disposant d'un revenu inférieur à 30 000 F par an que le parc public. Celui-ci est-il donc en mesure de répondre à sa vocation ? Par ailleurs, comment mieux prendre en compte l'existence d'un important parc social « de fait » ?

La mission d'orientation et de contrôle de la commission des finances a avancé cinq grandes propositions en vue de relancer cette politique du logement social : je regrette que le Gouvernement n'en ait repris aucune à son compte.

L'accession à la propriété répond à une demande sociale réelle et permet de soutenir l'activité immobilière. Or, depuis 1997, les aides à la pierre se sont lentement érodées et de nombreuses autres mesures ont perdu de leur efficacité. Le PAP est ainsi mort progressivement, faute de réévaluation des critères d'éligibilité, et le PTZ souffre d'être restreint aux primo-accédants ; de surcroît, la portée en est limitée par le plafonnement de la subvention de l'Etat et par la réduction de la période de remboursement. Enfin, le prêt à 0 %, doté de 7 milliards en 1997, ne le sera plus que de 5,7 milliards en 2002 et la diminution par rapport à 2001 est de 2,2 % alors même que plus de 110 000 ménages en bénéficient encore.

Nous éprouvons également quelque inquiétude en ce qui concerne l'ANAH, dont la dotation n'atteint pas les 3 milliards que nous souhaitions. Nous espérons que vous saurez rectifier cette anomalie, l'outil ayant fait ses preuves partout sur le territoire.

Une fois de plus, le Gouvernement n'aura pas apporté de réponse durable aux besoins des mal-logés, toujours aussi nombreux malgré le programme de prévention des exclusions, et le parc public ne sera pas mieux à même de remplir ses missions. Vous n'avez pas non plus apporté d'explication sur l'inefficacité de certaines mesures récentes, comme le numéro unique d'enregistrement qui était censé rendre les attributions plus transparentes, ou la taxe sur les logements vacants, qui apporte plus de complications administratives que de recettes à l'ANAH. Vous n'avez pas davantage répondu à nos observations de l'an passé : aucun correctif n'est proposé pour relancer le logement social, pour améliorer la consommation des PLUS ou pour encourager les bailleurs sociaux à construire. Par ailleurs, vous ne tenez pas compte de nos suggestions, qu'il s'agisse d'ouvrir le dispositif Besson aux opérations concernant ascendants ou descendants, de réajuster la subvention dans le cadre du dispositif PLUS ou d'abaisser la quotité de travaux à réaliser pour les prêts à taux zéro dans l'ancien.

Enfin, ce budget ne mobilise pas de moyens propres à aider les pays à réaliser leurs projets communs de développement : avec quels crédits l'Etat va-t-il contractualiser avec eux en vue de rendre les politiques locales du logement aussi efficaces que durables ?

Mme Janine Jambu - Ce budget, le dernier de la législature, reste dans la ligne définie par la gauche plurielle depuis son accession au pouvoir. Des avancées ont été réalisées, auxquelles nous avons contribué, mais les budgets restent insuffisants, notamment en raison des critères rigoristes européens. Il faut néanmoins citer le rétablissement partiel de l'aide à la pierre, le relèvement des plafonds d'accès et du seuil d'application du surloyer, la suppression du droit au bail, le gel des loyers en 2000 et 2001 ou la baisse de la TVA par exemple. Les grandes lois d'orientation sur la lutte contre les exclusions et sur la solidarité et le renouvellement urbains ont aussi comporté des mesures phares sur la répartition des logements sociaux, qui appellent à être mises en application. Mais les moyens ne suivent pas. En matière de construction sociale, et malgré un récent sursaut, les objectifs n'ont jamais été atteints, tant du fait de la limitation des dépenses publiques que d'une conception étriquée du logement social. L'objectif pour 2002 est de 55 000 logements locatifs sociaux, mais dont il faut ôter 15 000 démolitions et 10 000 ventes : il est donc insuffisant. En outre, les crédits sont prioritairement affectés aux communes qui comptent moins de 20 % de logements sociaux : que deviennent les projets des autres ? L'accent est mis sur les démolitions. Pour « casser les ghettos », mais comment y parvenir quand subsistent des problèmes d'emploi, d'écoles, de pouvoir d'achat et que les politiques d'attribution des logements les favorisent ? Cette priorité explique la réduction du nombre de PALULOS, mais le risque est grand de laisser se dégrader le parc. Quelle est au total la part du parc ancien qui a vocation à être détruite ?

L'amélioration des services et le développement durable sont des objectifs que nous partageons. Nous sommes d'ailleurs à l'origine du dispositif sur l'exonération du foncier bâti en ZUS, en contrepartie de l'amélioration des services rendus aux locataires. Mais comment les mesures prévues - gardiennage, entretien - seront-elles financées ? Les locataires expriment une inquiétude légitime sur la sortie du gel des loyers, et sur l'évolution des charges. D'autre part, le surloyer facultatif demeure largement pratiqué. La réforme de l'APL qui entre dans sa deuxième phase étant déjà financée, on pourrait nettement revaloriser les allocations logement pour aider les locataires à faire face à leurs charges et revoir cette disposition aberrante qui consiste à suspendre le versement de l'APL en cas d'impayé, - c'est-à-dire à appuyer sur la tête de quelqu'un qui se noie. Je note par ailleurs en cette rentrée un retour des expulsions qui montre le mauvais fonctionnement du dispositif préventif. Il est nécessaire de faire le point avec les bailleurs et les préfets.

En ce qui concerne l'accession à la propriété, 110 000 PTZ seront financés et un dispositif expérimental sur l'accession très sociale, dont une partie sera consacrée à Toulouse, sera mis en place. Toutefois, l'avenir de l'accession sociale semble assombrie par le coût du foncier et de la construction et par les conditions restrictives d'accès aux PTZ. Le taux de TVA de 5,5 % sera-t-il maintenu pour l'activité du BTP ? Quant au secteur privé, je salue les mesures de la loi SRU sur les copropriétés dégradées et la résorption de l'habitat insalubre. La grande ANAH doit avoir les moyens d'y contribuer. Enfin, le dispositif d'amortissement fiscal Besson est reconduit et amélioré. Au total, 73 % des crédits sont consacrés à l'aide à la personne. Pour le reste, 18 % sont consacrés au parc privé, contre 7 % pour le parc social. Voilà qui laisse dubitatif quant à la conception de la politique publique du logement. Cela m'amène à vous interroger sur la stratégie arrêtée par la Caisse des dépôts pour l'évolution du parc social de sa filiale SCIC. Il y a quelques mois encore, nous nous battions pour que la SCIC soit soumise à des sujétions sociales et vous entérinez aujourd'hui des mesures de libéralisation des loyers et de la vente, ce qui ne pourra que conduire à la diminution du parc, mettre en difficulté les actuels locataires et participer aux déséquilibres des communes qui, comme la mienne ont un important parc SCIC. Cela nous éloigne d'un pôle public de financement qui accompagnerait les grands projets de la gauche, et le logement social en est un.

Le bilan de cette législature, sous réserve de ces observations, nous amène à nous prononcer favorablement sur ces crédits.

M. Gilbert Meyer - J'avais déploré l'an passé le manque d'ambition du projet de budget. Toutes les conditions, et notamment économiques, étaient réunies pour faire de 2001 l'année de la relance du logement, mais le manque de cohérence de vos mesures l'ont empêchée. Le bilan de cette année est donc globalement décevant. Dans le secteur privé, autorisations, mises en chantier et opérations d'amélioration du parc sont en net recul. L'activité du logement locatif social, pourtant soutenu par les collectivités, a également stagné avec un nombre de mises en chantier de logements neufs particulièrement faible. Cette récession a des incidences très sensibles sur l'activité du bâtiment et sur les prix de la construction. Pour 2002, on prévoit une croissance zéro, voire une récession. L'objectif est dès lors de la modérer le plus possible.

En ce qui concerne le logement public, le projet rassemble une panoplie de mesures dont le financement n'est pas assuré. Vouloir éradiquer l'habitat indigne est bien généreux, mais encore faudrait-il y consacrer des moyens et traiter les véritables problèmes. Depuis l'arrivée de la gauche plurielle au pouvoir, le nombre de logements locatifs mis en chantier ne cesse de diminuer, et cette tendance s'est encore creusée en 2001. Moins de 50 000 PLUS/PLAI ont été réalisés sur les 70 000 prévus et à peine 120 000 PALULOS ont été consommées. Les promesses faites en 1997 évoquaient 120 000 logements neufs par an et 180 000 réhabilitations. Nous en sommes très loin. On doit déplorer que le Gouvernement se soit entêté à ignorer le problème. Il aura ainsi fallu attendre la proximité des élections pour que le budget en tienne compte. Mais seuls sont programmés pour l'an prochain 55 000 prêts locatifs à usage social, 110 000 primes à l'amélioration de logements locatifs et quelques prêts locatifs aidés d'intégration. Ces chiffres sont particulièrement prudents au regard des objectifs démesurés auxquels nous avions été habitués. Mais si des mesures complémentaires d'incitation ne sont pas prises, ils risquent d'être encore surestimés.

Les mauvais résultats de la construction s'expliquent aussi par l'insuffisance chronique des crédits de paiement. Les opérateurs hésitent à s'engager s'ils ne sont pas assurés d'obtenir rapidement les subventions prévues. Votre rapporteur le dit lui-même : les moyens ne suivent pas les annonces politiques.

J'en viens à la limitation des crédits PALULOS, pour dire que l'instauration, pour la ligne fongible, d'une clé de répartition entre construction et réhabilitation pose de sérieuses difficultés aux organismes. Elle fixe en effet à 30 % au maximum la part des crédits susceptibles d'être consacrés à la réhabilitation ; malheureusement, ce plafond ne tient aucun compte des contingences locales, si bien que dans certains départements le blocage est manifeste.

C'est le cas dans le Haut-Rhin, où la ligne fongible a été déterminée avec l'objectif de privilégier la construction plutôt que la réhabilitation. C'est ainsi que 650 logements PLUS et PLAI ont été financés chaque année, ainsi que 1 600 logements PALULOS. Pour cette année, l'ensemble des logements programmés sera de 3 000, pour une enveloppe globale de 43 millions de francs. Mais, étant donné la répartition imposée, 12,8 millions seulement pourraient être affectés à la réhabilitation, ce qui est très insuffisant, deux opérations engagées à Mulhouse et à Colmar consommant à elles seules 26 millions, l'équivalent actuel de deux années de crédits PALULOS. Il faut donc trouver une solution, soit par dérogation à la règle de 30 %, soit par l'octroi de crédits spécifiques hors ligne fongible.

Les opérations de rénovation urbaine sont par ailleurs à l'origine de coûts accessoires dont l'Etat ne tient pas compte. C'est le cas, notamment, de la vacance que génèrent inévitablement les requalifications. Il en résulte un manque de recettes qui peut être estimé à 5 % du coût global de l'opération. Les capacités d'intervention des organismes HLM en sont diminuées d'autant, alors que le manque à gagner n'est pas dissociable de l'opération qui en est la cause. Cette charge devrait donc bénéficier d'un financement approprié.

S'agissant du parc privé, le projet de loi est marqué par une refonte du dispositif d'incitation à la location « très sociale », visant à le rendre plus attrayant. On se félicitera également de l'exonération de la contribution sur les revenus locatifs consentis dans certains cas et de l'extension à d'autres dépenses du crédit d'impôt de 15 % déjà autorisé pour certains travaux.

Cependant, des problèmes demeurent. Ainsi, l'ANAH se trouvera vraisemblablement en difficulté. Depuis l'adoption de la loi SRU, ses missions ont été élargies et elle prendra notamment en charge, à partir du 1er janvier, les primes d'amélioration de l'habitat versées aux propriétaires-occupants. Mais, dans le même temps, les plafonds de ressource auxquels sont soumis les candidats à la PAH ont été relevés. On ne peut que s'en féliciter, mais cette mesure aura pour conséquence immédiate d'augmenter sensiblement le nombre des bénéficiaires, si bien que l'ANAH va se trouver à l'étroit dans son budget, les crédits n'ayant pas été ajustés comme il l'aurait fallu. Ces difficultés prévisibles ont d'ailleurs conduit le conseil d'administration de l'Agence à ramener de 25 % à 20 % son taux de subvention de base. Quoi qu'il en soit, ce sont au moins 200 millions de francs qui feront défaut. Il conviendrait donc de revoir à la hausse le budget prévu de l'ANAH, afin qu'elle puisse faire face à ses missions.

Parlant de missions, je me dois de souligner que la propriété privée joue, elle aussi, une fonction sociale incontestable. A ce titre, les bailleurs privés expriment des attentes légitimes, notamment en matière fiscale. La suppression totale de la contribution sur les revenus locatifs en est une, car cette taxe n'a plus aucune justification. Le projet de budget 2002 prévoit certains cas d'exonération, qui devraient encore être étendus. De nombreuses voix ont également demandé des incitations à l'investissement locatif privé en faveur des ascendants et des descendants : on ne peut qu'y être favorable. De même, la pérennisation de la TVA à taux réduit sur les travaux relève du bon sens. Et les bailleurs privés qui acceptent un conventionnement devraient pouvoir prétendre, eux aussi, à l'exonération de la taxe foncière pendant quinze ans. Il convient enfin de relancer le prêt à taux zéro, dont les avantages disparaissent au fil des ans, ce qui est d'autant plus regrettable que sa diffusion contribue à doper le marché du logement.

Telles sont les pistes qu'il aurait fallu explorer pour rendre ce projet de budget plus ambitieux et surtout plus conforme aux attentes.

M. le Président - Je saurais gré aux orateurs de bien vouloir respecter strictement leur temps de parole.

M. Patrick Rimbert - On vous demande beaucoup, Madame la ministre ! A entendre les orateurs qui m'ont précédé, il n'y a jamais assez... Mais c'est la règle du jeu. Je concentrerai mon propos sur les priorités que traduit votre projet de budget, pour souligner que la réforme des aides au logement était très attendue. Il est donc bon de l'avoir confirmée. Elle reflète en effet une action politique cohérente, visant à ce que, de formel, le droit au logement devienne réel tout en incitant au retour à l'emploi par la suppression de l'effet de seuil. La persévérance du Gouvernement en cette matière est méritoire. La réforme, qui mobilise 3,3 milliards de francs, aura pour conséquence une augmentation moyenne de 10 % de l'aide au logement pour les ménages les plus modestes, effort très significatif. On se félicitera également de l'accroissement de l'aide à la médiation, qui demeure cependant insuffisante au regard de la complexité des problèmes à traiter. Le groupe socialiste soutient cette orientation.

L'application de la loi SRU marque également le projet de budget. Les objectifs de renouvellement urbain et d'accroissement de la mixité sociale qui caractérisent la loi SRU supposent en effet la construction de logements sociaux et donc d'aide à la pierre, dans le secteur public et dans le secteur privé. Jusqu'à présent, il faut bien dire que l'affichage primait. On se félicitera donc que ce projet de budget privilégie le réalisme et donc la vérité. Quoi qu'on en dise, la construction de logements sociaux a repris, ce qui démontre le bien fondé des mesures décidées. Je regrette toutefois que l'objectif fixé soit un peu trop raisonnable.

En effet, une dynamique est à l'_uvre, mais les projets sont complexes, si bien que du temps sera nécessaire avant qu'ils aboutissent. Mieux aurait donc valu tabler sur 60 000 agréments plutôt que sur 55 000, car de nombreuses communes sont engagées dans des constructions, y compris celles qui se disaient réticentes à l'application de la loi. Le projet de budget est tout aussi réaliste dans ses prévisions de rénovation. Si j'ai un reproche à faire, il portera sur la disposition de la loi SRU qui prévoit un abattement de la taxe foncière en faveur des HLM situées en zone sensible. Il semble en effet que les recettes à en attendre aient été « vendues » pour bien des objectifs : sortir du blocage des loyers, améliorer les conditions de vie des habitants des zones sensibles et financer le décret gardiens, par ailleurs tout à fait bienvenu, mais qui représente une charge supplémentaire non négligeable pour les bailleurs sociaux. Voilà un gâteau qui a vocation à régaler beaucoup de convives !

Je souhaite appeler toute votre attention sur le fait que l'on ne peut entreprendre de grandes opérations de renouvellement urbain que si l'on a gagné au quotidien et sur le terrain la confiance de ses interlocuteurs. Il faut donc rassurer les bailleurs sociaux qui sont prêts à s'engager dans de tels projets en leur garantissant que les fonds destinés à améliorer la qualité de vie dans les cités seront bien disponibles en temps utile.

S'agissant du parc privé et notamment du PTZ, plusieurs remarques formulées par les différents orateurs me semblent justifiées. Ainsi, il serait légitime que le dispositif puisse être utilisé pour loger ascendants ou descendants. Rappelons cependant que la politique gouvernementale a déjà permis de baisser sensiblement les taux d'intérêt, ce qui n'a pas manqué de favoriser l'accession au parc privé. De même, votre prédécesseur et vous-même avez beaucoup innové et favorisé l'expérimentation pour accentuer les aides à la pierre dans le cadre d'un objectif global de renforcement de la mixité sociale et de renouvellement urbain. Permettez-moi, Madame la ministre, de vous féliciter pour ces initiatives ; les collectivités locales vous en sauront gré.

Au titre des réserves, je pense sincèrement qu'un objectif de 60 000 nouveaux logements sociaux par an aurait pu être atteint. Nombre de communes qui n'ont pas atteint le seuil de 20 % de programmes sociaux fixé par la loi SRU sont en effet d'ores et déjà engagées dans de vastes opérations de construction. Quant à l'ANAH, j'ai bien compris qu'elle avait été « reformatée » en vue de mieux participer au renouvellement urbain et je m'étonne à ce titre que sa dotation n'ait pas progressé. Nul doute en effet que les 3 milliards de francs inscrits en 2001 eussent pu être consommés en 2002. Face au développement de l'intercommunalité, je m'interroge sur la pertinence de nos modes de gestion des crédits. Il est à craindre en effet que nombre de dotations restent sous-consommées faute d'adaptation de nos outils de gestion à ces nouvelles formes d'intervention. Il faudrait aller vers plus de contractualisation, en sorte que les collectivités qui s'impliquent de plus en plus dans la politique de l'habitat soient mieux accompagnées. Je considère notamment qu'il ne faut pas démobiliser les communes qui ont déjà atteint le seuil de 20 % de programmes sociaux en n'affectant les crédits nouveaux qu'à celles qui restent en deçà. Il faut aider tous ceux qui conduisent une véritable politique locale de l'habitat.

Bien entendu, le groupe socialiste votera votre budget et je regrette de n'avoir pas le temps de rappeler à tous ceux qui disent que nous n'avons rien fait l'ensemble des mesures que nous avons prises en faveur du logement depuis 1997.

M. Jean Proriol - Votre budget est un budget de reconduction pour un secteur en panne. Il sera manifestement insuffisant pour répondre aux défis du renouvellement urbain et pour relancer le logement social.

S'agissant du parc social locatif privé, je déplore la diminution des crédits affectés aux primes à l'amélioration de l'habitat qui traduit un désengagement de l'Etat dans un secteur important, en particulier pour les jeunes et pour les ménages modestes. Par ailleurs, le dispositif fiscal visant à faciliter le logement des personnes défavorisées dans le parc privé, ne devrait guère se développer. Or, il n'apporte pas de réel avantage financier pour les investisseurs et leur impose à l'inverse de nouvelles contraintes.

Pour reprendre le Titre premier du rapport rédigé par M. Dumont dans le cadre de la MEC au printemps dernier, « la politique du logement social est en panne d'efficacité ». Puis-je, Madame la ministre, vous rappeler les sous-titres de cet excellent document ?

Mme la Secrétaire d'Etat - Je l'ai lu !

M. Jean Proriol - Il y est fait état d'une crise profonde, d'une conjoncture paradoxalement aggravante, d'obstacles structurels, de méthodes sclérosées, de structures peu adaptées, d'une politique étatique émoussée, et j'en passe... Or, y a-t-il de meilleur outil pour atteindre la mixité sociale que la construction de nouveaux logements sociaux ? Je considère pour ma part qu'il faudrait en construire 80 000 par an. Dans ce même rapport Dumont, le directeur général de l'Union des fédérations d'organismes HLM, M. Paul-Louis Marty, relève que malgré les financements d'Etat via les PLUS ou les PLAI, pour chaque logement neuf construit dans le cadre d'un programme social, l'organisme HLM est conduit à apporter entre 80 000 et 100 000 F de fonds gratuits. Dès lors, si l'objectif est de construire 50 000 logements par an, les organismes doivent prévoir une charge supplémentaire dans leur budget de 5 milliards de francs. En ma qualité d'élu local et d'ancien président d'un OPAC, je ne puis que souscrire à l'analyse de M. Marty et déplorer une telle situation.

De même, je m'étonne que vous persistiez dans la voie qui consiste à préférer la démolition-construction à la réhabilitation des logements sociaux vétustes. Je reste perplexe devant cette politique qui consiste à détruire au moins autant qu'on ne construit alors que les besoins restent immenses. Parallèlement, je note que la vacance de certains programmes situés dans un environnement urbain qualifié de « répulsif » continue de progresser

J'observe également que nous attendons toujours le rapport d'étape de M. Cacheux, pourtant annoncé pour la mi-octobre et qui eût permis d'examiner ce projet de budget avec davantage d'éléments concrets.

Les aides personnelles au logement continuent de représenter 72 % du budget total mais il est à craindre, au vu de leur forte sensibilité à la conjoncture, que la réforme visant à instaurer un barème unique se révèle lourde de conséquences et hypothèque les autres programmes du ministère.

A votre arrivée en juin dernier, vous nous avez fait part de votre volonté de faire de l'accession sociale votre première priorité. Dès lors, je m'étonne que le PTZ n'ait pas été réévalué malgré la diminution de 200 millions de francs dont il avait fait l'objet l'année dernière. C'est pourtant le seul outil d'une véritable politique d'accession sociale à la propriété qui est, trop souvent, le parent pauvre de la politique du logement, la MEC en a fait le constat.

Un mot de l'accompagnement de la politique d'aménagement des collectivités locales : la loi SRU bouleverse les outils d'urbanisme et fixe des objectifs de planification, mais son application est extrêmement complexe et il faut absolument éviter de paralyser la construction dans cette attente.

Les aires d'accueil pour les gens du voyage bénéficient d'aides à l'investissement, mais leur réalisation se heurte à un certain nombre de difficultés et les collectivités locales, qui en supportent l'essentiel du coût, sont aussi confrontées, parfois, aux dégradations des terrains et à des problèmes de sécurité.

J'aimerais connaître votre sentiment, Madame la ministre, sur ce nouveau concept qu'étudie actuellement un groupe de travail du Conseil national de l'habitat, de « couverture logement universelle ».

Avec des crédits quasiment stables, ce budget est essentiellement un budget d'affichage, qui demeure fragile dans bien des secteurs sensibles et qui traduit surtout une attitude défensive. L'enjeu de la crise actuelle est d'adapter l'action publique aux transformations de la problématique du logement. Vos propositions ne permettent ni de refonder la politique du logement, ni de répondre à une demande de plus en plus diverse, c'est pourquoi le groupe Démocratie libérale ne votera pas ce budget.

M. Jean-Michel Marchand - Ce budget s'inscrit dans la continuité de la politique du Gouvernement et poursuit la réforme de l'aide personnalisée annoncée devant la Conférence de la famille le 15 juin dernier.

Nous avons bien noté votre volonté de rompre avec le fait, que nous dénonçons depuis des années, que les objectifs de construction de logements sociaux ne sont jamais atteints. Vous annoncez aujourd'hui la construction de 55 000 logements et nous faisons ce pari avec vous. Les besoins devront être couverts sur l'ensemble du territoire et non uniquement là où les 20 % de logements sociaux ne sont pas atteints. Peut-être ne nous donnons-nous pas toujours les moyens d'atteindre les objectifs et de consommer les crédits, mais cela tient au prix élevé du foncier et de la construction et aux difficultés des appels d'offres. Les organismes HLM sont ainsi amenés à prendre des risques, mais il faudra bien un jour leur donner les moyens de restaurer leur stabilité foncière et leurs fonds propres. Ils doivent atteindre l'équilibre car, sinon, on peut craindre des répercussions sur les loyers.

La loi SRU marque une volonté plus forte en matière de démolition-reconstruction. Il est en effet essentiel de transformer certains quartiers afin d'y promouvoir la mixité sociale. Il convient pour cela de lever les difficultés liées au financement des opérations et au relogement temporaire des habitants, qui doivent impérativement être réinstallés là où ils habitaient auparavant.

Nous déplorons la diminution des crédits destinés à la rénovation, qui demeure un outil essentiel pour améliorer rapidement la qualité de très nombreux logements, mais aussi pour reconquérir les centres villes.

L'accession à la propriété est facilitée par le prêt à taux zéro et par un certain nombre de mesures nouvelles dont je souhaite qu'elles montrent leur efficacité car nous en avons absolument besoin pour parvenir à cette mixité sociale en laquelle nous croyons.

Mais il faut aussi se préoccuper de ceux qui n'accèdent pas encore à la propriété. Le droit au logement pour tous, souvent réaffirmé, n'est toujours pas une réalité. Les associations d'accompagnement social, auxquelles vous avez fait allusion, manquent de militants et, surtout, de crédits. Il faut soutenir leur action en faveur des plus démunis, sédentaires et non sédentaires. A quand un fonds du logement associatif qui participerait au paiement des loyers ?

Autre préoccupation forte, la création effective des aires d'accueil pour les gens du voyage. Certes, la nouvelle loi apporte des réponses, mais un certain nombre de difficultés demeurent, notamment en ce qui concerne les pouvoirs de police du maire. Nous attendons des moyens qui soient vraiment à la hauteur des besoins car, à défaut, certains en prendraient prétexte pour différer la réalisation des aires nécessaires à un accueil décent de nos concitoyens gens du voyage.

La stagnation des fonds PALULOS est inquiétante, d'autant que l'enveloppe fongible est bien moins souple qu'auparavant. Il faut permettre aux offices et à des organismes sociaux spécifiés, d'utiliser, sous la direction des services de l'Etat, les deux enveloppes de façon plus souple.

Les offices HLM sont confrontés à des difficultés liées aux retards de paiement de certains locataires. Après un arrêté d'expulsion, ces derniers peuvent se voir suspendre l'APL, au risque d'une aggravation de leur endettement, dont les offices doivent répercuter les conséquences sur les autres locataires. Il convient donc de dégager les moyens, avec les acteurs de terrain, d'un véritable travail social d'accompagnement et de maintenir le versement de l'APL.

Nous notons avec satisfaction un retour marqué vers l'aide à la pierre, qui est un bon outil pour aller vers une qualité renforcée du bâti. On peut espérer parvenir ainsi à introduire dans le logement social la notion de haute qualité environnementale. La construction doit être précédée d'une réflexion d'ensemble sur les aspects liés au climat, à l'implantation des bâtiments, à leur intégration dans le paysage, au choix des matériaux, aux techniques utilisées - par exemple pour faire entrer la lumière -, aux équipements économes en eau et en énergie. Le département du Nord a déjà lancé des opérations de construction d'équipements collectifs, mais aussi de 150 logements, qui répondent à ces critères. La réhabilitation de 70 logements dans le bassin minier devrait aussi suivre cette voie. Il faudrait réfléchir, avec Bercy, à des exonérations fiscales pour de telles opérations.

Plus généralement, il faut tenir davantage compte des effets des nuisances sur le confort et sur la santé. De ce point de vue, je m'étonne de la sous-consommation des crédits destinés à la lutte contre le saturnisme.

A l'heure où de nombreux pays d'Europe orientent leur politique du logement vers une plus grande prise en compte des aspects sociaux et environnementaux, la France doit répondre aux aspirations de ses habitants. Ce budget est plus à la hauteur des réalisations passées que des ambitions nouvelles ; nous comptons sur vous pour le booster et nous le voterons.

Mme la Secrétaire d'Etat - Je dirai plutôt, Monsieur Marchand, que ce budget est à la croisée des chemins. Il est à la fois marqué par une volonté de réalisme et par une volonté de réformes progressives : nous tenons compte du passé tout en ayant le souci de favoriser des changements sans à-coups.

Contrairement à ce qu'on prétend, la situation du logement est globalement bonne en France. Comment parler de catastrophe en effet lorsqu'on construit en 2001 312 000 logements, contre 263 000 seulement en 1997 ? S'il y a crise, celle-ci concerne uniquement le logement social, mais je préférerais parler plutôt à ce propos de difficultés à répondre à la demande.

La réhabilitation atteint un record historique. Autre élément qui me semble indiquer une bonne santé du secteur : les prix dans le bâtiment se sont considérablement accrus. Le Gouvernement suit attentivement cette évolution, ne souhaitant pas prendre trop tard les mesures de régulation qui se révéleraient nécessaires, mais rien ne semble là de nature à inquiéter pour le long terme. J'observe d'ailleurs que d'autres pays européens connaissent une situation toute différente : le bâtiment est en crise en Allemagne, par exemple .

Par ailleurs, si je puis admettre les critiques qui concernent le logement social, il n'en est pas de même des reproches portant sur notre politique de soutien à l'investissement privé ou de soutien à l'accession à la propriété. Dans ces deux domaines la progression est incontestable, ce qui n'interdit toutefois pas de chercher à améliorer les dispositifs.

Pour relancer le logement social, la première question à résoudre est celle de l'adéquation entre les crédits inscrits et les réalisations effectives. Je suis convaincue que, cette année, nous atteindrons le chiffre de 50 000 logements construits. Peut-être même l'objectif de 55 000 logements est-il à notre portée. Mais, je ne trouve pas anormal que le ministère du budget ait répondu à mes demandes par une certaine retenue car il serait désastreux de creuser les déficits en avançant des chiffres irréalistes.

Outre une amélioration des circuits de financement et un relèvement des niveaux de financement, il me semble que s'impose un changement d'attitude de la part de certains élus locaux. La loi SRU a provoqué des états d'âme, voire de vives protestations, ici ou là, et cette attitude me semble expliquer en partie le blocage constaté au stade des réalisations. Cependant, j'observe que le Président de la République lui-même a souhaité devant le Haut Comité que des logements sociaux soient construits partout, y compris à Versailles. Je note aussi des comportements nouveaux, à Paris et même à Neuilly. Dans la capitale, nous aurons même beaucoup de mal à satisfaire les demandes de la nouvelle équipe. Pour éviter une démoralisation, je prépare une circulaire qui visera à rompre avec la logique de segmentation des crédits ; elle tendra aussi à accroître la fluidité des mécanismes, trop souvent sollicités uniquement en fin d'année. Les conditions de délégation seront assouplies, de manière à ce que les crédits puissent être mobilisés dès le début de l'année.

S'agissant de l'aide à la pierre, nous continuons de souffrir d'effets à long terme : de 1997 à 1999, les PLA n'étaient financés que par la fiscalité, ce qui a cassé le mécanisme. M. Besson a réagi en lançant les PLUS et en menant une politique d'amortissement des coûts financiers sur la longue durée, mais c'est là une tâche de longue haleine et il faudra encore quelque temps pour redonner aux offices HLM confiance dans l'avenir. En attendant, nous n'aurions pu faire face aux coûts croissants de la construction sans le recours aux ressources du 1 %.

Nous tiendrons bien sûr compte des suggestions de M. Cacheux. De même, nous nous attacherons à analyser plus finement l'évolution des coûts et à définir les mesures propres à assurer une bonne insertion des logements dans la ville.

Un élément décisif pour la relance réside dans la situation financière des organismes HLM. Or les fonds propres de ceux-ci atteignent actuellement 54 milliards, après une progression de 5 milliards, soit près de 10 % en un an. Les situations sont certes diverses, mais, globalement, le bouclage des opérations devient possible et nous tenons là un autre indice d'une possibilité de relance durable.

Il n'y a pas contradiction lorsque nous souhaitons en même temps construire et démolir : l'un est la condition de l'autre, souvent. D'autre part, nous manquons de logements sociaux et, à ce propos, je tiens à souligner que le seuil de 20 % est un minimum, non un maximum. Des communes qui l'ont atteint peuvent fort bien chercher à aller au-delà. Cela étant, il faut éviter de provoquer des déséquilibres en concentrant trop de logements sociaux dans une même zone. Les DDE recevront des instructions claires en ce sens. Tout l'art, toute la finesse de la déconcentration consistent à s'adapter au mieux aux situations et aux stratégies locales.

Les démolitions s'imposent aussi pour améliorer l'image du logement social. Ceux qui font du porte-à-porte dans les cités HLM de villes moyennes, quand ils évoquent le seuil de 20 %, entendent souvent maugréer en réponse : « Ah ! Vous allez faire du logement social... ».

Et si on fait observer au locataire qu'il habite dans un logement social, il proteste : le logement social, ce sont les barres dans les cités, les ghettos, les problèmes ! Mais cette image du logement social date des années 1960 et 1970. Les constructions actuelles n'ont plus rien à voir. Les démolitions s'imposent aussi parce que le cadre de vie n'est tout simplement plus acceptable. Certes, et même dans les bidonvilles, les habitants versent toujours une larme lorsque l'endroit où ils ont vécu, où ils ont essayé de recréer le tissu social, est démoli. Mais le fait qu'aucun nouvel habitant ne veuille venir est quand même un signe. Il faut donc détruire, mais en s'imposant des contraintes importantes vis-à-vis des habitants : il faut prendre le temps d'organiser leur déménagement, d'assurer un accompagnement social... Cela coûte très cher. C'est pourquoi les crédits ont été multipliés par trois alors que le nombre de démolitions ne passe que de 10 000 à 15 000. Il ne faut pas qu'elles deviennent des trous financiers pour les organismes HLM. L'augmentation des crédits doit permettre de conduire les opérations plus vite, mieux et en respectant les individus.

Les crédits PALULOS de rénovation ne sont pas réduits, mais maintenus. Certes, le besoin est grand. Mais je ne suis pas sûre, pour être franche, que les PALULOS soient l'outil le plus approprié. Il faut très vite mettre à plat les besoins et élaborer des plans d'entretien et de gestion du patrimoine. Ce n'est pas la peine de consommer trois PALULOS pour un immeuble qui va être supprimé ! Or de tels gaspillages sont courants. Par ailleurs, comme ces crédits accompagnent par nature des opérations importantes, on attend souvent que le parc soit vétuste pour agir. C'est pourquoi les populations plus favorisées s'en vont. Il faut changer cette logique. On n'en est plus à l'époque où François Mitterrand insistait sur 200 000 logements rénovés, ce qui était pourtant un grand progrès après qu'on eut laissé pourrir la situation dans les quartiers avant les années 1980. Nous sommes dans une nouvelle ère : celle de la rénovation continue. Il faut envisager la gestion du patrimoine sur la durée, donc élaborer des stratégies de financements publics pérennes. Si des marges budgétaires étaient dégagées, je veux bien les consacrer aux PALULOS, mais sous réserve que cette réflexion soit menée.

Cela implique aussi de mieux connaître les besoins des Français. Le numéro unique qui vient d'être mis en service sera très utile à cet égard, autant pour connaître le nombre des demandeurs que l'objet de leurs souhaits. Il n'est en effet pas besoin de construire des F1 et des F2 si ce sont des familles nombreuses qui font le plus de demandes. Des réunions vont bientôt avoir lieu entre les bailleurs et les mairies à propos des demandeurs qui attendent depuis longtemps et ne sont jamais considérés comme prioritaires. J'espère qu'elles commenceront dès décembre, même si les premiers chiffres donnés grâce à la procédure du numéro unique ne seront disponibles que dans un an.

En ce qui concerne la taxe sur le foncier bâti, elle ne doit pas entrer dans les comptes globaux des HLM. Les fonds doivent être consacrés à des opérations de proximité pour la qualité de vie immédiate des locataires. La priorité est la mise en place de gardiens. Un décret actuellement en cours d'examen au Conseil d'Etat prévoit un gardien pour 100 logements en ZUS pour l'an prochain. La même mesure hors ZUS devait être prise en 2005, mais le Conseil d'Etat insiste, arguant que la loi est déjà ancienne, pour qu'elle soit appliquée plus tôt. Nous trouverons un compromis. Lorsque des gardiens sont en place, la TFPB peut être consacrée à des opérations d'entretien ou même, dans les rares cas où ces opérations ont déjà été menées, à des travaux, comme par exemple pour la mise en place du tri sélectif. Il serait en effet injuste que des organismes dont la gestion est très bonne ne bénéficient pas de cette taxe.

En ce qui concerne la SCIC, il est essentiel de reprendre le dialogue avec la Caisse des dépôts. Son président a déjà pris l'engagement de vendre le patrimoine concerné aux organismes HLM désignés par les collectivités locales si celles-ci le souhaitent. Restent de nombreuses questions : combien, comment, où ? La Caisse des dépôts a une vision très particulière de la gestion des crédits que je trouve peu compatible avec ma conception du logement social. Nous allons donc négocier commune par commune les conditions de transfert du parc de la SCIC, bien que je regrette à titre personnel que la Caisse n'ait pas maintenu la vocation sociale de son patrimoine.

Mme Janine Jambu - C'est scandaleux, pour de l'argent public !

Mme la Secrétaire d'Etat - En ce qui concerne l'accession sociale, que l'on ne nous dise pas que le PTZ n'a pas évolué depuis 2000 ! Je vous rappelle que les PTZ n'étaient à l'origine pas budgétés. Ils étaient entièrement financés par le 1 % et consacrés à des opérations de courte durée. Le gouvernement Jospin a inscrit les crédits du PTZ au budget. Au mieux, 117 000 ont été réalisés. Nous en sommes aujourd'hui à 110 000, mais il faut rappeler que la baisse des taux d'intérêt a considérablement renforcé l'accès à la propriété. 80 % des Français sont susceptibles de bénéficier du PTZ. Je veux bien encore relever le plafond, mais je ne vois plus ce que la mesure aura de social. Il est nécessaire de mieux cibler le PTZ de façon sociale et surtout géographique, notamment en le recentrant sur les zones urbaines.

Nos priorités sont de favoriser l'accession « très sociale » et le renouvellement urbain. Dans ces deux domaines, on peut sans doute faire davantage, mais je ne suis pas certaine que l'outil adéquat soit le prêt à taux zéro : mieux vaudrait des aides à la pierre plus ciblées. Je me félicite à cet égard qu'une convention ait été signée avec les partenaires sociaux à propos du « 1 % », car des moyens sans précédent sont ainsi débloqués en faveur du renouvellement urbain.

Il reste à déterminer quelle part des 7 milliards de crédits de la Société foncière sera destinée au mouvement HLM. Pour moi, il ne s'agit pas de créer une « SIC  bis», mais de faire agir des opérateurs fonciers, dont les HLM feront naturellement partie. La discussion se poursuit, l'objectif étant, une fois encore, de faire de cette entité un outil de la mixité sociale, complémentaire et non pas rival du mouvement HLM. Je ne peux m'empêcher d'estimer infondées les critiques adressées au Gouvernement sur le prétendu manque de pérennité du financement de ces opérations. Ne sont-ce pas plus de 15 milliards de francs qui sont dégagés, sur 6 ans, pour ces missions ?

Je considère comme fondamental le maintien de l'aide à la pierre et, contrairement au ministère des finances, je suis favorable à ouvrir le bénéfice de la loi Besson en cas de location aux ascendants et aux descendants. Je ne désespère pas du pouvoir de persuasion du Parlement à cet égard... J'ajoute que dans un pays où la question du financement des retraites se pose de manière récurrente, l'idée que l'investissement pierre pourrait servir de complément de retraite ne me paraît pas infondée. Des avantages fiscaux sont consentis en faveur de placements financiers destinés à arrondir les pensions ; ne pourrait-on porter la même attention au placement pierre, qui a un impact social au moins aussi intéressant ? Ce débat honore le Parlement, et j'essaierai moi-même de convaincre mes collègues... Pour autant, il ne serait pas honnête de prétendre que la France connaît une crise de l'investissement locatif.

J'en viens à la situation de l'ANAH, pour souligner que j'ai été d'autant plus satisfaite de pouvoir maintenir ses crédits à leur niveau actuel, que la Cour des comptes avait critiqué le ciblage des interventions de l'Agence. On se félicitera d'autre part que le taux de TVA soit maintenu à 5,5 % pour les travaux. La mesure, prise à titre expérimental, sera soumise à nouveau à Bruxelles, et notre dossier est suffisamment solide pour que nous ayons de bonnes chances d'aboutir. Enfin, le crédit d'impôt de 15 % sur les travaux d'économie d'énergie accompagnera l'effort de réhabilitation conduit par l'ANAH.

Je répondrai par écrit aux questions qui m'ont été posées sur les aires d'accueil pour les gens du voyage. Je rappelle que la priorité actuelle est la définition des schémas, qui devront impérativement être communiqués aux préfets avant le 1er janvier 2002, faute de quoi ils seront imposés aux collectivités locales.

Je suis très sensible aux dysfonctionnements du FSL, qui devra évoluer. J'adresserai à Mme Jambu une réponse écrite à ses observations sur les expulsions. Je tiens cependant à lui rappeler que la plupart des expulsions se font lorsque les remboursements auxquels les locataires très endettés se sont engagés par contrat n'ont pas été faits, ou que les errements passés se reproduisent.

Une question de fond a été posée : quel est le niveau de décentralisation souhaité pour la politique du logement ? D'évidence, la déconcentration ne suffit pas, et je réunirai donc les présidents de région et de département pour définir l'évolution souhaitable. Toutefois, l'Etat doit demeurer le garant de l'égalité des droits et, pour cela, définir ses moyens d'intervention. Certains, je le sais, s'opposent à ce que l'Etat utilise la contrainte. Mais, dans ce cas, comment garantir le droit au logement une fois la décentralisation acquise ? Quant à l'aide au logement, elle ne saurait servir de bouée de sauvetage.

Cette aide au logement, je l'ai beaucoup critiquée dans le passé. J'étais en effet militante d'une association de locataires lorsque M. Barre l'a instituée et j'étais très défavorable à ce basculement de l'aide à la pierre vers l'aide à la personne, dont j'étais persuadée qu'elle contribuerait à l'inflation. Je pensais alors que le marché remplirait son rôle et qu'il suffirait de prévoir une aide en faveur des ménages les plus défavorisés. Je reconnais que l'évolution n'a pas été celle que je prévoyais, parce que le marché s'est fait de plus en plus spéculatif en ville, l'offre de terrains étant par nature inférieure à la demande. De ce fait, les loyers ont augmenté continûment, sans que les logements gagnent forcément en qualité pour autant. Dans un tel contexte, il apparaît nettement que l'aide à la personne doit être perpétuée, d'autant que la crise a eu un impact certain sur la solvabilité des locataires. On note d'ailleurs que toute amélioration de la situation économique réduit les besoins d'aide au logement. Je demeure néanmoins très favorable à une réorientation de l'aide à la pierre, ce qui ne signifie pas que l'aide à la personne doive disparaître.

Je serai par ailleurs très attentive à la sortie du blocage des loyers dans les HLM, dont la grande majorité a respecté ses engagements. Les préfets m'alerteront en cas d'augmentation supérieure à celle du coût de la vie.

Je suis convaincue que le projet de budget raisonnablement ambitieux qui vous a été soumis ouvre une voie nouvelle et qu'il favorisera le renouvellement urbain et, avec lui, ce que j'appelle l'urbanité républicaine. Pour autant, il ne faut rien négliger de ce qui fait la vie quotidienne, car le droit ne suffit pas si l'on n'a pas le sentiment d'être respecté.

M. le Président - Nous partageons tous les objectifs communs de garantir le droit au logement et d'accélérer le renouvellement urbain. Vous avez, Madame la ministre, fait diffuser aux maires un très intéressant opuscule relatif à la loi SRU. Je ne doute pas que sa lecture éclairera M. Proriol.

Vous insistez sur le rôle de conseil des DDE mais pouvez-vous nous garantir que des personnels supplémentaires seront affectés dans ce cadre ? De même, vous prévoyez d'aider les organismes à construire en zone urbaine sensible mais il faut agir plus largement en ne négligeant pas les zones péri-urbaines où le foncier a aussi beaucoup augmenté. Vous insistez sur la nécessité d'encourager l'accession sociale à la propriété. Or vous n'ignorez pas que les locataires occupant depuis plus de dix ans un logement social peuvent prétendre à l'acquérir. Cependant, les maires peuvent être amenés à refuser la mise en vente au motif qu'elle entraînerait pour eux une pénalité de 1 000 F par logement vendu si l'opération venait affecter le seuil de 20 % de logements sociaux fixé par la loi SRU. Dès lors, n'y a-t-il pas lieu de déduire du seuil les logements vendus aux locataires occupants ?

M. Léonce Deprez - La loi SRU a exprimé la volonté forte de ce Gouvernement de détruire les ensembles devenus inhabitables et nous ne pouvons que souscrire à cet objectif. Cependant, pour le mettre en _uvre avec efficacité, il serait temps de mettre un tigre dans le moteur des préfets pour qu'ils adaptent le mode d'intervention aux structures intercommunales. Pour éviter les déperditions de crédits, il y a lieu de prévoir des modes de financement qui affectent directement les ressources à l'échelon intercommunal. Le développement de l'intercommunalité nous offre une chance historique de réaménager le territoire national : saisissons-la pour recomposer un tissu urbain cohérent. Les préfets doivent être investis de pouvoirs supplémentaires pour inciter les structures intercommunales à appliquer une politique volontariste de l'habitat.

Mme Odile Saugues - Je tiens à saluer les avancées que ce projet de budget permettra de réaliser en matière de renouvellement urbain et d'éradication du logement indigne. Sous votre autorité, une définition du logement décent avait déjà été obtenue. Je me réjouis que nous cernions mieux aujourd'hui la notion d'habitat indigne. A ce titre, je regrette que vous n'ayez pas insisté sur l'importance de la convention que viennent de conclure votre département ministériel et le secrétariat d'Etat à l'économie solidaire avec la Fédération des coopératives de logement social. Cet accord tend en effet à sécuriser l'accession sociale à la propriété, qui reste le meilleur outil pour favoriser la mixité sociale.

Mme la Secrétaire d'Etat - S'agissant de la loi SRU, je tiens à indiquer qu'en dépit d'une certaine complexité du texte, il n'y a pas de réel point de blocage. En outre, 77 - dont 44 de catégorie A - des 299 postes budgétaires créés dans mon ministère seront affectés à sa mise en _uvre. Pour ce qui concerne l'éradication de l'habitat indigne, 11 départements ont été définis comme prioritaires et ils ont bénéficié de 11 postes de catégorie A pour mener à bien les opérations afférentes. Le plan d'éradication concerne 30 000 logements « très indécents » situés dans des poches d'insalubrité. J'ai bon espoir que l'insalubrité diffuse sera traitée par le nouveau mécanisme prévu par la loi qui consiste, en cas d'insalubrité avérée, à dispenser le locataire de payer son loyer. J'ajoute que le décret relatif au logement décent est actuellement à l'examen du Conseil d'Etat et qu'il sera publié avant la fin de l'année. Nous disposerons alors de tous les outils adaptés pour mettre fin aux situations les moins tolérables. Pour le bon usage des crédits, il importe que l'ensemble des acteurs - DDE, DDASS, collectivités locales - se mobilisent pour repérer les îlots les plus insalubres et suivre les opérations de relogement de leurs habitants. Veillons en effet ce que les occupants des zones les moins décentes ne soient pas relogés dans les quartiers les plus délabrés.

En matière d'accession à la propriété, la prime de 70 000 F sera également répartie en direction des ZUS et des autres zones, y compris péri-urbaines, sous réserve que les opérations afférentes ne renforcent pas le mitage du territoire.

Pour ce qui est des mises en vente de programmes HLM à leurs occupants, il me semble impératif d'adosser les acquisitions à des structures adaptées afin que ces opérations ne concourent pas à la constitution de copropriétés dégradées. J'ai en mémoire les ventes de programmes ruineux à entretenir réalisées par la SEM de la Caisse des dépôts et consignations. Les locataires occupants, très motivés à l'origine par le projet d'accession, n'ont pu faire face aux charges de la copropriété. Il convient de tout faire pour éviter que la mise en vente de programmes HLM à leurs locataires ne profite au final aux marchands de sommeil, trop heureux de récupérer à vil prix des copropriétés dégradées.

De même, s'agissant du seuil de 20 %, je souhaite dire avec la plus grande clarté, que je refuse de considérer que le locataire occupant qui acquiert son logement HLM contribue, si peu que ce soit, au développement du logement social. Si l'on s'engageait dans cette voie, il faudrait porter le seuil à 40 % ! Du reste, l'argument selon lequel il serait inéquitable de pénaliser la commune au titre des ventes réalisées dans ce cadre ne me convainc guère car les éventuelles pénalités qu'elle serait conduite à acquitter iraient de toutes façons au logement social.

J'en viens à la décentralisation de la politique du logement qui constitue à l'évidence un sujet complexe. Je suis pour ma part favorable à des stratégies de décentralisation qui prévoient expressément de confier la politique de l'habitat à un organe politique responsable devant le peuple - c'est-à-dire élu au suffrage universel - et présent sur tout le territoire. Or, à l'heure actuelle, les structures intercommunales n'existent pas partout. Dès lors, même si je considère que l'échelon intercommunal est un excellent espace pour gérer l'habitat, il n'est pas concevable de le retenir comme le niveau d'administration de droit commun tant qu'il n'est pas généralisé.

Quand on parle de renouveau, on ne saurait laisser de côté l'habitat rural : il faut soutenir les centres bourgs et bien insérer les villes dans un tissu global. Par ailleurs, j'ai toujours trouvé aberrant que des gens qui ne le souhaitent pas soient obligés de vivre en région parisienne, parce que l'aménagement du territoire est déséquilibré. Bien sûr, l'aspiration urbaine reste forte et le modèle urbain prédomine, mais nous devons effectivement nous préoccuper de l'ensemble du territoire. De ce point de vue, en dépit de son titre, la loi SRU améliore les capacités d'intervention des maires sur l'habitat rural.

Tous les programmes municipaux insistent sur la réhabilitation de l'ancien. S'il convient de préserver la vocation sociale de l'ANAH, il ne serait pas très compliqué de décentraliser ses politiques, d'autant que les sommes en jeu ne sont pas considérables et que les collectivités territoriales pourraient donc les assumer.

Les choses sont en revanche plus complexes pour le financement du logement social, en raison des masses budgétaires concernées, mais aussi de la nécessité de garantir une bonne répartition des opérations. Il convient donc plutôt de contractualiser - tel est l'objet des contrats locaux d'habitat - à condition toutefois que les élus fassent en sorte que les PLH s'appliquent effectivement. En effet, un trop grand nombre d'entre eux se contentent de signer sans rien réaliser ensuite, je pense en particulier aux plans locaux pour le logement des plus démunis. Le contrat a donc bien des vertus, à condition que l'Etat soit sûr que les actions sont effectivement menées. Dans ces conditions, je ne suis pas hostile à une contractualisation avec les agglomérations, cela a été fait avec le département d'Ille-et-Vilaine et avec la métropole de Rennes, et des négociations sont en cours avec la Ville de Paris et la région Ile-de-France. C'est ce mouvement que je souhaite accompagner pour mener une politique fondatrice.

M. Daniel Vachez - Tout le monde se plaint de l'insuffisance des constructions, en particulier en Ile-de-France, même si le changement de municipalité à Paris doit permettre d'aller de l'avant. Certaines municipalités se contentent souvent d'afficher leurs intentions mais leur politique traduit plutôt leurs réticences.

Ne pourrait-on imaginer de créer une Agence foncière qui recevrait les sommes versées par les municipalités qui ne respectent pas les 20 % de logements sociaux et qui serait un outil permettant au préfet de faire respecter effectivement cette obligation ?

J'ai noté votre ferme volonté que soient effectivement réalisées les aires d'accueil pour les gens du voyage, les schémas départementaux pouvant être décidés par les préfets si les présidents de conseils généraux traînent trop les pieds, comme c'est souvent le cas. Il me semble toutefois que les crédits inscrits dans votre budget ne permettront de réaliser que 2 000 places. Cela paraît insuffisant, même si peu de projets ont vu le jour en 2001, en raison notamment des élections municipales et de l'attente de la parution des décrets fixant les normes d'homologation. Ne risque-t-on pas d'être ainsi bien loin de l'objectif de 30 000 à 40 000 emplacements réalisés en quelques années ?

Mme la Secrétaire d'Etat - Je crois que ce sont plutôt 3 000 places qui pourront être réalisées, mais, si l'on m'apporte la preuve que davantage de projets sont susceptibles d'aboutir, je ne suis pas hostile à une augmentation des crédits, à condition qu'ils soient effectivement consommés.

En ce qui concerne l'Ile-de-France, la convention foncière qui a été définie avec le préfet et avec le président de la région, devrait entraîner une amélioration substantielle de l'aide foncière aux organismes d'HLM. Le président Huchon s'est déclaré intéressé par la création d'un établissement public foncier. L'Etat est prêt à l'accompagner dans cette démarche dont on étudie actuellement les conditions de réalisation. Nous sommes par ailleurs en train de renégocier avec la région la convention entre l'Etat et l'AFRP, afin d'en revoir la composition et les missions.

Bien que j'aie corrigé, en faveur de l'Ile-de-France, le déséquilibre de la dernière ventilation budgétaire, je me réjouis que le préfet de région ait demandé des crédits supplémentaires pour cette année. J'espère simplement qu'ils seront effectivement consommés.

Je répondrai par écrit à M. Marchand sur les associations. Je pense, par ailleurs, qu'il aura une bonne surprise avec le futur plan habitat et développement durable.

La commission, consultée, donne un avis favorable à l'adoption des crédits.

La séance est levée à 12 heures 10.

Le Directeur du service
des comptes rendus analytiques,

Jacques BOUFFIER

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Mercredi 24 octobre 2001
(Séance de 9 heures)

Projet de loi de finances pour 2002 :
Audition de Mme Marie-Noëlle Lienemann, Secrétaire d'Etat au logement sur les crédits de son ministère.


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