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ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES ÉCHANGES

COMPTE RENDU N° 27

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 6 février 2002
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. André Lajoinie, président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation, sur le projet de loi relatif au développement des petites entreprises et de l'artisanat (n° 3555)

 

(M. Jean-Claude Daniel, rapporteur). :

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La commission a entendu M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation, sur le projet de loi relatif au développement des petites entreprises et de l'artisanat (n° 3555).

M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation, a tout d'abord expliqué pourquoi il présentait ce projet de loi, particulièrement attendu par les responsables des petites et moyennes entreprises, par les organisations professionnelles, et de façon plus large par l'ensemble du monde économique.

Il a souligné que ce projet toucherait en effet deux millions d'entreprises, plus de 5,5 millions d'actifs, les petites entreprises représentant un secteur de première importance du point de vue économique et social et un fort potentiel de créations d'emplois et d'innovation.

Il a ajouté qu'elles jouent un rôle primordial dans le maillage territorial de notre pays et qu'il était donc essentiel de préserver et de développer ces emplois en facilitant la transmission de ces entreprises ou en favorisant leur croissance.

Constatant le niveau remarquable des créations d'entreprises ces deux dernières années (178 000 en 2001, soit un niveau identique par rapport à l'année précédente, chiffres les plus élevés depuis 1995), il a indiqué qu'elles étaient le résultat des mesures adoptées depuis 1997 mais qu'il fallait renforcer le dispositif en faveur des PME et de l'artisanat, car beaucoup d'entreprises ne parviennent pas à poursuivre leur activité au-delà de trois ans.

Evoquant les mesures favorables aux PME prises depuis cinq ans, il a cité la loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE), la réforme des marchés publics permettant aux PME d'y accéder, les mesures de baisse progressive de l'impôt sur les sociétés, la suppression graduelle de la part salariale dans l'assiette de la taxe professionnelle, la baisse de la TVA dans le bâtiment, la diminution des droits de mutation, les mesures spécifiques pour les très petites entreprises. En conclusion, il a rappelé que l'ensemble de ces mesures s'était traduit par une baisse de la charge fiscale des entreprises de 11,5 milliards d'euros depuis 1997.

Il a par ailleurs souligné les efforts financiers sans précédent consentis par l'Etat en faveur des PME, dont témoigne la dotation annuelle de 152,5 millions d'euros allouée aux fonds de garanties et aux financements spécifiques pour la création d'entreprise.

Après avoir relevé que ce projet de loi s'inscrivait dans la continuité de l'action antérieure, il a indiqué qu'il avait pour objectif, d'une part, de créer une discrimination positive en faveur des petites entreprises pour les aider à se moderniser et à améliorer leur compétitivité et, d'autre part, de permettre de densifier le tissu économique tant par une action volontariste en faveur de la création d'entreprises qu'en facilitant la pérennité et le développement des entreprises existantes, notamment en améliorant leurs conditions de financement et de transmission.

Le ministre a souhaité ensuite répondre à une objection couramment formulée selon laquelle ce projet de loi ne servirait à rien puisque les échéances électorales ne permettront pas son vote définitif. Il a rappelé que dès sa nomination, il avait demandé au Premier ministre la mise en chantier de ce projet pour répondre à la demande des petites entreprises, qui souhaitaient une meilleure reconnaissance de leur place dans l'économie, et au besoin d'une meilleure protection de l'entrepreneur et de sa famille, indispensable à la promotion de l'esprit d'entreprise.

Rappelant que ce projet avait été élaboré à la suite d'une mission confiée à MM. Didier Chouat et Jean-Claude Daniel en février 2001 qui, après avoir procédé à un grand nombre de consultations, avaient remis leur rapport en octobre, il a admis que ce projet de loi ne pourrait faire l'objet que d'une première lecture avant les élections, mais a estimé que les mesures qu'il contenait répondaient à une telle attente qu'elles devront nécessairement être prises en compte par le prochain Gouvernement.

Il a souligné que bien que ce projet de loi comporte un nombre réduit d'articles, il répond aux demandes les plus pressantes du secteur et traduit la volonté du Gouvernement de poursuivre par ces dispositions concrètes la politique de développement des petites entreprises et de l'artisanat ; il a indiqué qu'il serait accompagné de nombreuses mesures réglementaires dès le premier trimestre 2002, l'ensemble constituant un véritable plan de développement des PME.

Il a ensuite analysé les grands axes du projet.

Le premier volet a pour but de favoriser le développement de l'entreprise aux différents stades de sa vie, de la création à la transmission.

Il a noté que la première partie du texte avait deux objectifs majeurs : améliorer les conditions de financement des entreprises et limiter le coût de transmission des entreprises.

Il a indiqué qu'il fallait rendre l'épargne plus disponible dans le cas d'une création ou d'une reprise d'entreprise en permettant de mobiliser les ressources des PEL et des PEA sans remise en cause des avantages fiscaux : cette nouvelle mesure vient compléter la prorogation de l'avantage fiscal applicable aux apports à une société non cotée, et la création d'une réduction d'impôt pour la reprise de parts de sociétés, permettant d'alléger la charge financière d'une personne physique qui s'endette et de simplifier les conditions de reprise.

Il a souligné que le projet de loi comportait d'autres mesures fiscales permettant de limiter le coût de la transmission des plus petites entreprises : relèvement de 50 % du seuil d'exonération des plus-values professionnelles et de 75 % si l'entreprise est cédée à un salarié, exonération de droits dans le cas d'une donation à un salarié.

Parallèlement, il a expliqué que les petites entreprises devaient bénéficier de conditions de financement proches de celles de grandes entreprises et que l'augmentation des seuils pour les comptes Codevi de 4 600 à 6 000 euros permettrait d'accroître les ressources destinées à financer prioritairement les PME. Il a noté également que le taux de centralisation de ces ressources à la Caisse des dépôts et consignations serait augmenté de façon à en cibler la distribution vers des organismes et sur des produits spécifiquement destinés aux petites entreprises et aux entreprises artisanales.

Il a insisté sur l'importance du prêt pour la reprise d'entreprise, mesure réglementaire qui devrait s'appliquer à partir d'avril 2002, dont le montant, compris entre 8 000 et 32 000 euros, devrait faciliter les transmissions d'entreprise, dont le financement est aujourd'hui problématique.

Il a ajouté que ce projet de loi clarifierait les relations entre les banques et leurs clients, en particulier dans la gestion de la trésorerie, en imposant des délais de préavis minima avant dénonciation des concours de trésorerie.

Le deuxième volet du projet de loi vise à donner un statut moderne aux hommes et aux femmes qui font vivre les petites entreprises, qu'ils soient entrepreneurs ou salariés.

Après avoir insisté sur la nécessité de mettre fin à des situations inacceptables de non-droit, que l'on découvre au moment d'une séparation ou d'un divorce, et qui plongent les intéressés dans une situation précaire, ces conjoints ayant « travaillé » durant de nombreuses années de manière totalement informelle et ne possédant donc aucune protection sociale, il a estimé nécessaire de donner une impulsion décisive au statut de conjoint collaborateur, afin que le conjoint bénéficie d'un ensemble de droits sociaux et d'une véritable reconnaissance de sa contribution à l'entreprise.

Il a déploré que le statut de conjoint collaborateur ait connu très peu de succès depuis son instauration en 1982, 6 000 personnes seulement ayant opté pour ce statut, et a indiqué que le Gouvernement aurait souhaité prévoir une cotisation à l'assurance vieillesse mais qu'il avait dû y renoncer, de nombreux professionnels ayant souligné que les très petites entreprises ne pourraient pas supporter une telle charge financière.

Il a ensuite évoqué diverses mesures destinées à mieux protéger l'entrepreneur et sa famille et à remédier aux inconvénients résultant pour l'entrepreneur de la confusion du patrimoine personnel et professionnel, telles que l'institution « d'un reste à vivre » - sorte de minimum vital insaisissable attribué à l'entrepreneur, en cas de faillite - ou l'extension de la compétence des commissions de surendettement aux dettes professionnelles résultant d'une caution, de nombreuses personnes donnant une garantie manifestement disproportionnée par rapport à leurs revenus et se trouvant en situation critique lorsque le créancier appelle la caution en garantie.

Il a enfin indiqué que ce projet de loi comportait des dispositions qui accroissent les droits des salariés des petites entreprises, en organisant et finançant le remplacement du salarié parti en formation, et en donnant aux salariés l'accès aux mêmes avantages sociaux que ceux des salariés bénéficiant d'un comité d'entreprise, par l'institution de comités d'activités sociales et culturelles communs à plusieurs petites entreprises.

Enfin, le troisième volet du projet porte sur l'amélioration de l'environnement dans lequel s'exerce l'activité des petites entreprises, et vise à alléger les formalités et les charges.

Le ministre a indiqué que de nombreux décrets étaient en préparation, notamment ceux instituant une comptabilité simplifiée pour les TPE, facilitant les conditions d'immatriculation des entreprises auprès des centres de formalités des entreprises (CFE), ainsi que le recouvrement des cotisations personnelles des travailleurs indépendants. Il a, en outre, ajouté que d'autres textes étaient en préparation, notamment les textes d'application des mesures de simplification prévues par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.

Il a souhaité conclure en annonçant qu'un plan d'accompagnement du projet de loi serait publié très prochainement, visant à mettre en _uvre immédiatement une dizaine de mesures favorables aux PME, parmi lesquelles on peut citer une disposition permettant d'étaler les charges sociales lors de la création d'entreprise, une circulaire fiscale permettant d'échelonner le paiement des plus-values professionnelles en cas de « crédit vendeur », la mise en place de correspondants fiscaux pour permettre aux repreneurs d'entreprises de mieux connaître leurs droits et devoirs, l'amélioration des conditions de calcul des retraites pour les polypensionnés ainsi que l'alignement des indemnités journalières maternité sur celles du régime général. Enfin, la mission des centres de formalités des entreprises sera précisée et leur rôle en matière d'accueil des créateurs sera renforcé.

M. Jean-Claude Daniel, rapporteur, a rappelé qu'il avait, avec M. Didier Chouat, effectué à la demande du Premier ministre, pendant six mois, une mission parlementaire sur les PME, le commerce et l'artisanat, à l'issue de laquelle 250 à 300 mesures ont été proposées. Soulignant que les dix-sept articles du projet de loi reprennent les plus essentielles, il a rappelé que l'exposé des motifs évoquait le plan d'accompagnement des PME qui complète le projet, celui-ci ne constituant qu'un élément d'une politique d'ensemble.

Il a jugé que le projet de loi contenait de nombreuses avancées pour les PME, commerçants et artisans, telles que l'amélioration de l'accès au financement (mobilisation des plans d'épargne-logement, augmentation des seuils d'emploi des CODEVI, sécurisation des concours bancaires), les aides à la transmission (renouvellement des contrats installation-formation de l'artisan [CIFA], prêt d'aide à la reprise d'entreprises) et la modernisation du statut des hommes et des femmes des petites entreprises (institution d'un « reste à vivre », sécurisation des cautions, amélioration du statut de conjoint collaborateur et du financement de la formation des salariés).

Il a toutefois souhaité que le projet de loi soit complété par quatre propositions complémentaires permettant d'améliorer encore la situation du secteur. En premier lieu, il conviendrait d'instituer un observatoire des PME, articulé autour des trois axes que sont le recueil cohérent des données, l'observation et le partage des bonnes pratiques, et l'évaluation des politiques publiques. En second lieu, il semble nécessaire de mettre en _uvre un allègement dégressif des charges sociales, permettant d'éviter l'augmentation brutale des charges lors de la troisième année d'existence des petites entreprises. Par ailleurs, la coexistence d'un chômage important et de pénuries de main d'_uvre dans certains secteurs devrait conduire à offrir aux demandeurs d'emplois de plus de 26 ans une « deuxième chance » de se former aux métiers de l'artisanat et du petit commerce. Enfin, en ce qui concerne l'accès au financement, il a suggéré de territorialiser les concours publics destinés aux petites entreprises.

M. Jean-Paul Charié a rappelé qu'au cours des quinze années pendant lesquelles il avait été rapporteur sur le budget de ce secteur, il avait toujours cherché à dépasser les clivages politiques et apprécié les budgets avec objectivité, dans le souci, partagé par le commission, d'_uvrer en faveur des PME. Il a estimé que le ministre avait souligné à juste titre l'importance du développement, de l'enrichissement et du rayonnement des PME, considérant qu'aujourd'hui l'essor économique de petites entreprises et non plus comme autrefois la puissance militaire ou la performance de l'administration, détermine la puissance et la grandeur d'une nation. Il a donc estimé nécessaire, sans opposer les petites et les grandes entreprises, de soutenir prioritairement les premières.

Il a néanmoins jugé que le projet de loi présenté constituait une tromperie à plusieurs titres : d'une part, l'annonce de son vote à l'Assemblée nationale conduit à faire croire aux commerçants et artisans que le texte sera aussitôt applicable, alors qu'il ne pourra pas être définitivement adopté avant la fin de la législature ; d'autre part, le Gouvernement a attendu la fin de la législature pour se préoccuper des petites entreprises ;

Soulignant qu'il faisait partie des nombreux députés, toutes tendances politiques confondues, qui défendent les petites et moyennes entreprises et le secrétariat d'Etat dont elles dépendent, parfois contre d'autres ministères, il a dénoncé l'attitude du ministère de l'économie et des finances et de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) dont l'interprétation faite de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques est contraire à la volonté exprimée par le législateur. Il s'est également étonné que les administrations continuent de faire pression sur les collectivités locales afin que celles-ci choisissent le moins-disant dans le cadre d'appels d'offres, alors qu'est entré en vigueur le nouveau code des marchés publics.

M. Jean-Paul Charié a en outre dénoncé les mesures prises à l'encontre des PME lors des cinq dernières années, telles que l'application de la loi sur les 35 heures aux PME, le refus, par le Gouvernement, d'amendements portant sur le projet de loi relatif à la modernisation sociale visant à exclure de son dispositif les entreprises de moins de 50 salariés, l'absence de décret d'application en matière de qualification professionnelle, ou la non mise en place de la Commission des pratiques commerciales, deux ans après sa création par le législateur.

M. Jean-Paul Charié a estimé que le projet de loi ne traitait pas des vrais problèmes et notamment du statut des travailleurs indépendants. Il a jugé scandaleux que ceux-ci aient à payer le même taux de cotisation sociale que les salariés, alors que celui-ci est appliqué à une base largement supérieure. Il a également regretté que le projet de loi ne donne aucune définition de l'entreprise individuelle, des très petites ou des petites et moyennes entreprises, et qu'il n'aborde pas la question de la distinction entre patrimoine familial et patrimoine professionnel. Il s'est par ailleurs déclaré très défavorable à l'article 14 du projet, visant à instituer un Comité des activités sociales et culturelles (CASC), tout en soulignant qu'il était nécessaire de dire clairement que travailler dans des PME n'était pas source de désagrément, mais au contraire d'enrichissement intellectuel et financier. Il a déploré que l'attitude du Gouvernement vis-à-vis des salariés des PME ne mette pas en valeur ce point fondamental.

Enfin, M. Jean-Paul Charié s'est étonné des réticences de l'entourage du secrétaire d'Etat à communiquer les dix mesures d'accompagnement prises par le Gouvernement. Il a également regretté que ces mesures, publiées dans la presse, ne puissent être transmises aux députés, alors qu'elles sont présentées comme étant un complément indispensable du projet de loi. Il a conclu qu'un véritable fossé existait entre le projet de loi et les attentes du monde de l'artisanat et des PME.

M. Patrick Rimbert a, pour sa part, estimé que l'exposé des motifs du projet de loi mettait en évidence la continuité des mesures prises par le Gouvernement depuis cinq ans et a souligné qu'au-delà des procès d'intention, il convenait de relever les actions concrètes menées dans le domaine du commerce et de l'artisanat. Observant que, dès son entrée en fonction, le secrétaire d'Etat avait fait part de sa décision de présenter un projet de loi d'orientation traitant l'ensemble des problèmes propres aux très petites entreprises, il s'est félicité que des réponses concrètes leur soient désormais apportées, notamment en matière de financement ou de reprise de très petites entreprises (TPE). Il s'est également réjoui que le projet de loi aborde la question du statut des conjoints collaborateurs, ainsi que celle de la formation des salariés des TPE.

Constatant que la moitié des 270 000 PME n'a aucun salarié, et que l'embauche pose de telles difficultés juridiques et administratives que, bien souvent, les artisans y renoncent, il a regretté que la formule des chèques emploi salarié qui permettrait à l'artisan de moins s'inquiéter de son plan de charge à moyen terme et au salarié de disposer d'un emploi plus stable, soit absente du projet de loi, alors que tous, députés et ministres, étaient favorables à sa mise en _uvre. Soulignant que cette mesure avait fait l'objet de nombreuses questions au gouvernement auxquelles Mme Marylise Lebranchu avait répondu favorablement en 1999, de même que M. Laurent Fabius en 2000, il a rappelé que la ministre de l'emploi et de la solidarité avait, en 2001, souligné la complexité de la mise en _uvre d'un tel dispositif, en raison des différences de statut existant entre les métiers de l'artisanat. Rappelant qu'à l'heure actuelle, la seule solution pour les entrepreneurs était de recourir à l'intérim, il a donc interrogé le ministre sur la capacité de l'Etat à prendre en charge cette complexité et à offrir une alternative aux artisans. Il a par ailleurs souligné que des discussions avec les syndicats et le patronat sur les modalités de gestion d'un tel système étaient indispensables.

M. Roger Lestas s'est réjoui de l'inscription d'un projet de loi allégeant les procédures et les formalités pour les TPE et PME. Il a cependant émis un certain nombre de réserves sur le texte : en premier lieu, il a émis la crainte que la compétence attribuée aux communautés de communes en matière de taxe professionnelle, n'aboutisse à des augmentations risquant de pénaliser les petites entreprises et il s'est interrogé sur les possibilités de limiter, dans le projet de loi, la progression du taux de taxe professionnelle afin de ne pas pénaliser les PME installées dans les petites communes.

En second lieu, il a estimé qu'il convenait de simplifier davantage les procédures d'appels d'offres, rappelant que les dossiers déposés par les PME sont souvent rejetés parce qu'incomplets, alors même que ces entreprises sont techniquement compétentes pour satisfaire aux demandes des collectivités, qui font souvent appel à elles par la suite, lorsqu'il s'agit d'entretien.

M. Gilbert Biessy, soulignant qu'il était opportun de mieux prendre en compte les spécificités des TPE et des PME, a approuvé l'économie générale du projet de loi.

Il a cependant jugé qu'il fallait prendre davantage en compte la diversité des entreprises concernées. Soulignant qu'un artisan, une PME indépendante et une entreprise de 50 salariés dépendant d'un grand groupe n'avaient que peu de points communs, il a estimé que c'était d'abord la petite entreprise artisanale qui devait être aidée, tandis que pour les PME plus importantes et dépendantes de grands groupes, les banques devaient être des partenaires privilégiés.

M. Gilbert Biessy, déplorant les effets d'aubaine que peuvent avoir les mesures de soutien et d'aide proposées aux PME, a donc insisté sur la nécessité de mieux cibler les mesures, notamment en matière d'emploi et de formation.

Il a rappelé qu'une étude de l'INSEE, publiée en 1998, n'était pas aussi optimiste que certains députés sur le gisement d'emplois que représentent les PME : les PME indépendantes ont en effet perdu 270 000 salariés entre 1984 et 1992 alors que celles dépendant des grands groupes en ont embauché 300 000.

M. Gilbert Biessy a donc jugé indispensable de proposer des mesures plus ciblées et estimé que le projet de loi devait comporter des dispositions de nature à promouvoir la coopération entre les secteurs économiques au niveau des bassins d'emplois.

Il a également estimé qu'une des limites majeures du texte était la faiblesse des dispositions destinées à améliorer les droits des salariés. Il a insisté sur la dimension économique de ce problème, les salariés hésitant à rester dans le secteur de l'artisanat ou des PME en raison de l'absence d'avantages sociaux (chèques déjeuner, chèques vacances, protection sociale complémentaire). Il a aussi déploré que pour les entreprises de plus de 20 salariés, il n'ait pas été prévu de rendre obligatoire un comité d'entreprise de plein exercice afin de permettre aux salariés de s'opposer à l'externalisation de certaines activités menée par les grands groupes qui préfèrent créer artificiellement des PME qui sont en fait dépendantes d'entités plus importantes.

Il a conclu en soulignant la nécessité de mieux tenir compte de la diversité des entreprises de ce secteur et du rôle joué par les entreprises en matière d'aménagement du territoire.

Mme Monique Denise a interrogé le ministre sur le statut du conjoint collaborateur, considérant que le projet de loi n'apportait pas sur ce point les avancées attendues. Estimant nécessaire de proposer au conjoint collaborateur une véritable protection sociale, elle a souhaité qu'un dispositif analogue à celui prévu par la loi d'orientation agricole qui permet d'accorder des points gratuits de retraite ou de racheter des points soit prévu. Elle a à cet égard rappelé que, quelques mois après l'adoption de la loi d'orientation agricole, 75 % des conjoints concernés avaient opté pour le bénéfice des droits à retraite. Il lui a donc paru intéressant d'étendre ce dispositif aux conjoints collaborateurs des travailleurs indépendants afin de donner une réelle attractivité à ce statut.

M. Léonce Deprez, rappelant qu'il estimait inutile de surcharger les textes législatifs, s'est félicité que le projet de loi présenté par le ministre ne comporte qu'un nombre limité d'articles et s'attache ainsi à l'essentiel. Jugeant l'exposé des motifs très important, il a regretté que le rôle des PME et de l'artisanat dans l'aménagement du territoire n'y soit pas mieux affirmé et qu'il ne soit pas fait référence au pays, cadre essentiel du développement du commerce et de l'artisanat, même s'il est fait allusion à l'incitation donnée à la banque de développement pour les petites et moyennes entreprises (BDPME) à développer des partenariats régionaux et départementaux avec la création de Sofaris Régions. Il a estimé nécessaire d'aller plus loin et d'inciter à la signature de conventions entre les petites entreprises, les communautés de communes, qui devraient être au centre de l'économie partenariale, les banques et les Sofaris Régions afin de susciter des créations d'entreprises artisanales.

M. Léonce Deprez a également souligné que, comme pour l'agriculture, le statut du conjoint de l'entrepreneur est un élément fondamental pour le développement de l'activité artisanale, et estimé qu'une meilleure protection pouvait être assurée par des mesures incitatives, sans accentuation des charges.

M. Léonce Deprez s'est associé aux remarques de Mme Monique Denise et s'est inquiété du sort des femmes de commerçants et artisans qui parfois consacrent leur vie entière à l'activité professionnelle de leur époux sans pourtant bénéficier d'un véritable statut juridique.

M. François Brottes a insisté sur la responsabilité prédominante des banques, des donneurs d'ordres, et plus généralement d'un capitalisme financier aux pratiques outrancières et peu soucieux des petites entreprises, dans les difficultés que rencontrent fréquemment les commerçants et artisans.

Il a observé que le projet de loi opérait une clarification du statut et du financement des petites entreprises : elle leur sera d'un précieux secours, compte tenu de la complexité du dispositif actuel. Estimant nécessaire de développer chez les jeunes générations une culture du risque dont l'école, le quartier ou la famille n'assurent pas forcément la transmission, il a proposé que soit assurée dans les établissements scolaires une information sur la création d'entreprise, avant d'ajouter qu'un tel choix, peu coûteux, était avant tout affaire de volonté politique, comme le montrent les efforts de même nature effectués pour la réhabilitation de l'enseignement professionnel.

M. Serge Poignant, tout en notant à son tour que l'examen tardif de ce projet de loi en première lecture ne permettrait pas un vote définitif avant la fin de la législature, a fait part de la déception suscitée par ce texte chez les professionnels eux-mêmes (et notamment l'UPA), qui dénoncent le manque d'envergure du projet de loi.

Il s'est étonné que le Gouvernement s'en soit tenu à l'énoncé peu contraignant de dix mesures d'accompagnement et a regretté qu'une volonté politique en matière d'emploi et d'aménagement du territoire n'ait pas conduit, au-delà des objectifs énoncés, à l'inscription de dispositions précises dans le corps même de la loi. Il a déploré l'absence de définition de l'entreprise individuelle et l'insuffisance du texte sur quelques grandes questions : les 35 heures, la limitation de l'allégement des charges sociales aux deux premières années d'activité, la formation. En conséquence, il a estimé que ce projet ne traduisait pas une véritable volonté politique en faveur du commerce et de l'artisanat.

M. Nicolas Forissier a indiqué qu'il partageait le point de vue de M. Jean-Paul Charié et de M. Serge Poignant et a vivement regretté que les députés de la commission ne soient pas réunis aujourd'hui pour faire le bilan de l'application d'une loi d'orientation sur l'artisanat que l'Assemblée nationale aurait dû voter il y a cinq ans...

Il a indiqué que le projet de loi présenté par le Gouvernement était tout à fait insuffisant par rapport aux attentes des professionnels et estimé que le contexte électoral n'était sans doute pas étranger à cet état de fait.

Il a déploré que le débat soit biaisé d'avance, puisque ce texte ne sera pas définitivement adopté, créant de faux espoirs chez les artisans. Il a également regretté que l'artisanat ne soit pas mieux pris en compte et ne constitue pas le socle du projet de loi, qui évoque plus souvent les PME que l'artisanat.

Il a rappelé que les professionnels, même s'ils étaient conscients que le texte va dans le bon sens, se déclaraient surtout déçus par son manque d'ambition et la faiblesse des mesures proposées.

Il s'est par ailleurs déclaré très surpris des propos de M. Gilbert Biessy concernant la création d'emplois dans les PME. C'est une réalité sans équivoque en France, comme dans tous les pays de l'Union européenne : les entreprises artisanales et les PME ont créé bien plus d'emplois que n'en ont détruits les grands groupes. Il convient donc d'améliorer les conditions de création et d'existence de ces entreprises. Il a estimé que si, aujourd'hui, ces conditions étaient les mêmes qu'aux Etats-Unis, au Royaume-Uni ou en Espagne, la France compterait un million d'entreprises de plus.

Il a déploré les insuffisances du texte, notamment en ce qui concerne le statut du créateur d'entreprise et l'application des 35 heures dans les TPE et les PME, et enfin son caractère « étatiste », alors qu'il eut fallu supprimer les contraintes et réglementations trop lourdes. Il a donc indiqué que son groupe proposerait de nombreux amendements au projet de loi et qu'il demanderait des explications précises au Gouvernement sur les mesures transitoires d'application des 35 heures dans les PME.

M. Jean-Michel Marchand a fait part des réflexions que lui inspirait le volet formation du projet de loi. En matière de formation initiale, il a estimé souhaitable de clarifier, par des propositions nouvelles, les conditions de gestion et d'affectation de la taxe d'apprentissage selon des critères précis. La formation aux métiers de l'artisanat proposée dans les établissement scolaires doit être mieux connue, au-delà des opérations de sensibilisation des jeunes du type :  « forums des métiers » ; l'information doit aussi porter sur une réorientation, en cours de scolarité, vers ces filières. Enfin, s'agissant de la formation continue, il a jugé qu'elle nécessitait des moyens financiers adaptés et devait déboucher sur une reconnaissance financière et sociale de ceux qui la suivent.

S'agissant de l'aide au financement des entreprises, M. Jean-Michel Marchand s'est interrogé sur les fonds de garantie gérés par l'Institut de développement de l'économie sociale (IDES) dédiés à l'insertion par l'économique, aux femmes, aux personnes handicapées et à l'économie solidaire. Il s'est demandé si les sociétés d'intérêt collectif (SIC), qui devraient en bénéficier, sont considérées comme des entreprises ou se sont vu reconnaître un statut spécifique.

M. Michel Voisin s'est interrogé sur l'incidence des décisions européennes sur la législation française. Il s'est inquiété des conséquences des projets de la Commission européenne concernant la distribution automobile, notamment sur les métiers qui lui sont liés, relevant pour la plupart de PME. Observant qu'il existe une contradiction spécifiquement française caractérisée par une gestion très étatique de l'économie encadrant strictement les activités et une libéralisation sans contrôle, il a évoqué le risque d'exposer les PME à être broyées par les décisions européennes.

M. André Lajoinie, président, a rappelé qu'en ce qui concerne la réforme du règlement relatif à la distribution automobile, les parlementaires de la commission avaient été reçus l'an dernier par M. Mario Monti, commissaire européen responsable de la concurrence, et avaient pu, à cette occasion, faire part de leurs remarques sur les projets communautaires.

Il a noté que ce projet de loi suscitait beaucoup d'intérêt de la part des membres de la commission, s'est félicité de la priorité donnée à la petite et à la très petite entreprise, insistant sur le rôle essentiel joué par les petites entreprises artisanales et commerciales en matière d'aménagement du territoire, notamment dans les zones rurales et les zones urbaines difficiles.

En réponse aux différents intervenants, M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux PME, au commerce, à l'artisanat et à la consommation, a rappelé que le texte soumis aux députés constituait l'aboutissement d'une démarche gouvernementale de longue haleine et avait une nature plus technique que véritablement politique. Il a ainsi jugé infondées les critiques relatives au caractère trop tardif et au contenu trop limité du projet, observant que ce dernier avait toujours été annoncé comme un texte ciblé, à vocation pratique, dont l'examen en première lecture permettrait d'engager un débat approfondi, les professions concernées ayant déjà bénéficié depuis 1997 d'un soutien gouvernemental à travers de nombreuses aides et incitations fiscales.

Il a ensuite apporté les précisions suivantes :

- il a estimé que l'exposé des motifs du projet de loi répondait aux interrogations exprimées par de nombreux intervenants, et annoncé qu'il trouverait sa traduction, sur le plan normatif, dans des textes réglementaires et circulaires qui complèteront le dispositif du texte de loi ;

- concernant les pays et l'aménagement du territoire, il s'est appuyé sur sa propre expérience d'ancien député rural et ses nombreux déplacements sur le territoire national pour juger la détresse de certaines zones urbaines défavorisées, où l'artisanat est insuffisant, beaucoup plus inquiétante que celle des zones rurales, qui concentrent 75 % des artisans français. Il a par ailleurs rappelé que les conseils de développement des pays étaient parfois présidés par un artisan, ajoutant toutefois que les projets élaborés dans le cadre des pays ne pouvaient être mis en _uvre que grâce à l'appui des structures intercommunales ;

- concernant l'utilité de la fonction d'observatoire, il a indiqué que la fédération des centres agréés avait développé, à la demande du secrétariat d'Etat, un indice des TPE permettant de suivre l'activité de ces entreprises et s'était engagée à mener une enquête auprès de ses adhérents ; il a par ailleurs jugé préférable de confier la fonction d'observation à l'ADPME plutôt que de créer une nouvelle structure ;

- concernant l'extension des allègements de charges sociales à la troisième année d'activité, il a rappelé qu'une telle mesure coûterait environ 800 millions d'euros (5 milliards de francs), et que cette somme ne serait pas facile à dégager ;

- s'agissant de l'avenir du projet, M. François Patriat a estimé que l'attachement des professionnels aux dispositions qu'il contient, même si l'article 14 ne fait pas l'unanimité, permettait de penser que ce texte serait repris sous une forme ou sous une autre après la campagne électorale.

Il a souligné que l'article 14, portant création de comités des activités sociales et culturelles, avait pour but de rendre les métiers de l'artisanat plus attractifs et d'aider les artisans à trouver plus facilement qu'aujourd'hui des salariés qualifiés. Il a indiqué qu'aujourd'hui, un jeune ou un salarié qui cherche un emploi se tournera plus facilement vers une entreprise, où il disposera d'avantages sociaux (chèques vacances par exemple) et travaillera 35 heures, plutôt que vers une entreprise artisanale.

Par ailleurs, il a rappelé que ce dispositif confie aux partenaires sociaux le soin d'engager des négociations et qu'ils restent entièrement libres de définir les caractéristiques de ce comité des activités sociales et culturelles ;

- en ce qui concerne la définition de la TPE et de la PME, le ministre a rappelé que, d'une part, le projet de loi était axé sur l'entreprise individuelle, et que, d'autre part, aucun des partenaires qui réclament une définition de la TPE et de la PME n'est capable d'en proposer une satisfaisante ;

- concernant la base de calcul des cotisations sociales pour les non-salariés, il a rappelé que, pour les artisans, l'assiette est le bénéfice net, contre le salaire brut pour les cotisations salariales payées par les entreprises.

- s'agissant du chèque emploi salarié, la volonté politique ne manque pas pour faire avancer le dossier, mais il faut surmonter l'opposition des caisses de sécurité sociale. Il conviendrait donc de rechercher le consensus pour aboutir ;

- en matière fiscale, le passage à la taxe professionnelle unique est étalé sur 12 ans, ce qui devrait permettre d'amortir une hausse éventuelle ;

- l'augmentation du seuil d'application de la procédure d'appel d'offres à 90 000 euros et les simplifications - un document unique - devraient permettre très rapidement aux plus petites entreprises de « concourir » à égalité avec les plus grandes pour l'accès aux marchés publics ;

- concernant la question de la retraite du conjoint associé, la solution ne peut passer par un rachat de points ou des points gratuits, compte tenu des mécanismes de calcul des retraites de non salariés non agricoles, mais il est en effet nécessaire de trouver un dispositif équivalent ;

- en ce qui concerne la création d'un fonds de concours territorial, il existe déjà 22 fonds régionaux actuellement, de type SOFARIS. La mise en _uvre de tels outils dépend surtout de la volonté de la région ou du département de s'impliquer dans le développement économique du territoire. Or, le salon de l'entrepreneur a montré que tel n'était pas toujours le cas ;

- concernant la nécessité de mieux informer les jeunes sur la création d'entreprise, l'Union européenne a engagé des forums locaux, un peu partout en Europe, pour réfléchir au développement de la culture entrepreneuriale. Par ailleurs, M. Jean-Luc Mélenchon a récemment lancé l'opération « Lycées et Métiers » qui insiste également sur ce concept et ses applications ;

- en réponse aux interrogations de M. Serge Poignant sur la teneur des dix mesures de nature non législative présentées dans l'exposé des motifs du projet de loi, le ministre a indiqué qu'il s'agissait majoritairement de mesures concrètes d'accompagnement et de simplification fiscale et comptable, qui seraient rendues publiques à la fin de la semaine et qui étaient très attendues ;

- en ce qui concerne la création d'entreprises, de nombreuses réformes ont permis de la faciliter depuis cinq ans. Il convient que tous les partenaires s'impliquent davantage. Aujourd'hui, 10 000 prêts à la création d'entreprise ont été accordés ;

- les sociétés d'intérêt collectif peuvent bénéficier de subventions ;

- s'agissant des conséquences de la réforme du régime de distribution pour les concessionnaires automobile, le pire a été évité. La Commission ne remet en effet pas en cause le système des concessions. Les concessionnaires seront seulement habilités à vendre plusieurs marques et les pièces détachées ne seront plus vendues uniquement par les constructeurs. Dans ce domaine, il est nécessaire de concilier l'objectif de baisse des prix avec l'impératif de sécurité. La France y sera très attentive et le Gouvernement indiquera dans quelques jours quelle est sa position sur ce sujet.

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