ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION SPÉCIALE
chargée d'examiner le projet de loi
relatif à la bioéthique

COMPTE RENDU N° 2

Mardi 8 janvier 2002
(Séance de 17 heures 45)

Présidence de M. Bernard Charles,
Président

SOMMAIRE

Examen des articles du projet de loi relatif à la bioéthique (n° 3166) (M. Alain Claeys, Rapporteur)

 

Pages

2

- Titre Ier.

3

- Art. 1er

5

- Art. 2

6

La Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique a examiné, sur le rapport de M. Alain Claeys, Rapporteur, le projet de loi relatif à la bioéthique (n° 3166).

M. Alain Claeys, Rapporteur, a suggéré que, compte tenu du temps - cinq heures - prévu pour la discussion générale en séance publique, la Commission puisse engager immédiatement l'examen des amendements.

M. Jean-François Mattei a exprimé son accord avec cette proposition, indiquant qu'il défendra l'exception d'irrecevabilité lors de l'examen du texte en séance publique.

M. Roger Meï a souhaité que la date limite de dépôt des amendements soit prise en compte avec souplesse compte tenu de la brièveté des délais qui était impartie pour les déposer lors de la reprise des travaux de l'Assemblée nationale.

Présentant les recommandations adoptées par la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, Mme Yvette Roudy a souligné la place centrale des femmes au sein de l'assistance médicale à la procréation (AMP). Ces recommandations sont les suivantes :

- dans le souci de limiter les risques que font peser les méthodes et techniques d'AMP sur la santé des femmes, à l'instar du risque entourant la stimulation ovarienne, il est souhaitable qu'une information plus grande soit apportée aux couples qui recourent à l'AMP ;

- l'entretien psychologique préalable à l'entrée dans un processus d'AMP doit avoir lieu pendant toute la durée de ce parcours, de son commencement à son issue ;

- la transparence des résultats des centres d'AMP devrait être mieux assurée par la publication des statistiques non des cas de grossesse obtenus, mais des enfants nés vivants ;

- compte tenu de l'âge tardif d'entrée des couples dans le processus AMP, il serait souhaitable de supprimer l'exigence de vie commune qui s'impose actuellement aux concubins ;

- s'agissant du transfert post mortem, la Délégation souhaite que la loi ne traite pas expressément de cette question mais, dans le même temps, ne s'oppose pas à un tel transfert ;

- il serait souhaitable, par ailleurs, d'assurer un encadrement des traitements de stimulation ovarienne qui sont trop souvent prescrits par des médecins généralistes libéraux à des femmes qui, en réalité, n'ont pas de problème de stérilité ;

- la technique de fécondation de l'ICSI est totalement absente du projet de loi alors que l'on s'interroge sur les conséquences de l'utilisation croissante de cette technique sur les enfants qui en sont issus; il serait donc souhaitable de confier à la future agence, dont la création est prévue dans le présent projet de loi, le soin d'évaluer et de surveiller les nouvelles méthodes d'AMP que les progrès de la science pourraient contribuer à faire naître ;

- la répétition des fécondations in vitro sur une même femme pouvant conduire à des pratiques « d'acharnement thérapeutique », il faudrait étudier une mesure en vue de limiter le nombre de tentatives par personne ;

- s'agissant du recours à l'AMP avec tiers donneur, la loi actuelle n'est manifestement pas adaptée au cas où il y a don d'ovocytes alors que notre pays connaît une grave pénurie de ces dons. Il serait donc souhaitable d'assouplir les conditions pour pouvoir faire un tel don et de revoir l'obligation de « quarantaine » sanitaire qui s'impose aux embryons issus de ces dons et qui conduit à la destruction de près d'un tiers d'entre eux. Par ailleurs, on peut s'interroger sur le respect des principes de gratuité et d'anonymat du don lorsque l'on sait que la pratique des couples se présentant en AMP accompagnés d'une donneuse est répandue ;

- enfin, la composition du haut conseil de la future agence, telle que proposée dans le projet de loi, ne répond pas du tout aux attentes et à l'exemple de la HFEA britannique qui fait figure de modèle.

Le Président Bernard Charles a indiqué que ces observations seront annexées au rapport de la Commission spéciale.

Mme Marie-Thérèse Boisseau a indiqué que certaines de ces observations n'ont pas fait l'objet d'une adoption unanime au sein de la Délégation. Selon elle, les recommandations en faveur des entretiens psychologiques avec le couple engagé dans une AMP, du contrôle plus strict des traitements de stimulation ovarienne et de la composition de la future agence sur le modèle de la HFEA sont les plus importantes.

TITRE PREMIER

DROITS DES PERSONNES ET CARACTÉRISTIQUES GÉNÉTIQUES

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Jean-François Mattei, tendant à modifier l'intitulé du titre premier afin qu'il fasse référence aux droits de « la personne », et non pas aux droits « des personnes ».

M. Jean-François Mattei a rappelé que le texte du Préambule de la Constitution de 1946, celui de la décision du Conseil constitutionnel du 27 juillet 1994 et la rédaction de l'article 16 du code civil évoquent tous les « droits de la personne » et non pas « des personnes ».

Suivant l'avis favorable du Rapporteur, la rédaction proposée étant conforme à celle retenue pour l'intitulé du chapitre premier du titre premier du projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé, la Commission a adopté l'amendement.

Elle a ensuite examiné un amendement présenté par M. Jean-François Mattei, ayant également pour objet de modifier l'intitulé précité, afin qu'il vise l'« étude génétique des caractéristiques », et non les « caractéristiques génétiques ».

M. Jean-François Mattei a indiqué que la rédaction proposée dans le projet de loi n'était pas pertinente, les caractéristiques génétiques d'un individu pouvant être détectées à l'occasion d'un simple examen morphologique. Il a rappelé que le dispositif visait les études génétiques réalisées à partir de l'analyse de l'ADN de la personne. Il a conclu qu'il convenait d'encadrer ces études et non pas les caractéristiques génétiques elles-mêmes, au risque de conduire à une interprétation erronée des dispositions du titre premier.

Le Rapporteur a estimé nécessaire d'unifier et d'harmoniser les dénominations visant les tests génétiques avec celles retenues par le code de la santé publique et dans ses textes d'application. Dans cette perspective, il a estimé préférable le terme d'« examen » des caractéristiques génétiques, usité dans le code précité.

M. Jean-François Mattei a exprimé son accord avec le Rapporteur. M. Dominique Raimbourg a noté que l'article 2 du présent projet faisait bien référence au terme d'examen et non pas à celui d'étude. M. Roger Meï a jugé que le terme d'étude, qui recouvre un champ plus large, semblait plus adapté.

Mme Marie-Thérèse Boisseau a considéré plus pertinent le terme d'« étude » et demandé les raisons pour lesquelles celui d'« examen » devait lui être préféré. Le Président Bernard Charles a répondu que le code de la santé publique faisait référence à la notion d'examen.

Mme Yvette Benayoun-Nakache a souligné la différence entre ces deux notions, l'examen étant pratiqué de manière instantanée et l'étude faisant l'objet d'un processus plus long.

M. Philippe Nauche s'est opposé à l'amendement, estimant que le problème posé concernait avant tout l'utilisation faite de la connaissance des caractéristiques génétiques : une discrimination sera ainsi possible quel que soit l'examen réalisé, qu'il soit clinique ou biologique.

Le Rapporteur a proposé de retenir la notion d' « examen génétique des caractéristiques » et de la substituer à celle d'« étude génétique des caractéristiques » proposée par M. Jean-François Mattei pour l'intitulé du titre premier.

La Commission a adopté l'amendement ainsi modifié.

CHAPITRE PREMIER

Prohibition des discriminations

Article 1er : Prohibition des discriminations en raison des caractéristiques génétiques :

La Commission a examiné deux amendements présentés par le Rapporteur et le Président Bernard Charles, le premier, visant respectivement à supprimer le chapitre premier relatif à la prohibition des discriminations et l'article premier du projet de loi.

Le Rapporteur a rappelé que l'Assemblée nationale avait adopté, le 3 octobre 2001, un amendement, tendant à transférer le dispositif de l'article 1er du présent projet de loi, dans le projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Il a indiqué qu'en conséquence, il n'y avait plus lieu de maintenir cet article dans le projet de loi relatif à la bioéthique.

Aux interrogations de M. Yves Bur sur la probabilité de l'adoption définitive du projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé avant la fin de la présente législature, le Président Bernard Charles a rappelé que le Gouvernement avait déclaré l'urgence sur ce texte.

M. Jean-François Mattei, après avoir approuvé l'insertion de l'article premier dans le projet de loi précité, a considéré que d'autres dispositions du projet de loi relatif à la bioéthique auraient mérité de bénéficier de ce transfert en vue d'une promulgation plus rapide. Il a en outre estimé que l'insertion précitée dans le projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé ne devait pas fermer toute discussion sur les dispositions relatives à l'examen des caractéristiques génétiques à l'occasion de l'examen du présent projet.

Il a observé que certaines discriminations génétiques existaient déjà, notamment dans le cadre de la médecine du travail, en évoquant l'hypothèse qu'un salarié porteur d'un gène le prédisposant à développer un cancer qui, en cas d'exposition à un produit cancérigène, se retournerait contre son employeur, au motif qu'il ne l'aurait pas protégé malgré sa connaissance de cette prédisposition grâce à la réalisation d'un test génétique. Pour cette raison, il a annoncé qu'il proposerait ultérieurement un amendement modifiant l'intitulé du chapitre premier, afin de prohiber les discriminations « injustifiées », c'est-à-dire celles qui ne répondent pas à l'intérêt de la personne.

Le Rapporteur a rappelé que l'amendement visant à insérer l'article premier dans le projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé avait fait l'objet d'un vote unanime à l'Assemblée nationale. Il a estimé plus approprié, pour modifier soit le contenu, soit l'intitulé du chapitre en cause, de procéder par voie d'amendements au projet de loi précité. Par ailleurs, il n'a pas jugé souhaitable de mentionner le concept de « discriminations injustifiées » dans le texte, dans la mesure où cette notion conduirait notamment à confondre le constat d'inaptitude d'un individu avec une véritable discrimination.

La Commission a adopté ces deux amendements.

En conséquence, l'amendement présenté par M. Jean-François Mattei, proposant de modifier l'intitulé du chapitre premier, est devenu sans objet, de même que quatre autres amendements présentés par M. Jean-François Mattei à l'article premier, visant respectivement à modifier l'article 16-3 du code civil, l'article 225-3 du code pénal, les articles L. 122-45 et R. 242-23 du code du travail.

CHAPITRE II

Examen des caractéristiques génétiques et identification
d'une personne par ses empreintes génétiques

Article 2 : Examen des caractéristiques génétiques :

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Jean-François Mattei, tendant à remplacer dans l'intitulé de ce chapitre les mots « examen des caractéristiques génétiques » par les mots « étude génétique des caractéristiques » et adopté cet amendement compte tenu d'une modification de cohérence remplaçant le mot « étude » par « examen ».

La Commission spéciale a adopté un amendement présenté par M. Jean-François Mattei, tendant à intituler le chapitre III du livre Ier du code civil « Examen génétique des caractéristiques et identification d'une personne par ses empreintes génétiques. », après l'avis favorable du Rapporteur compte tenu, par cohérence avec les précédentes décisions de la Commission, du remplacement du mot « étude » par le mot « examen ».

En conséquence, l'amendement n° 172 présenté par M. Roger Meï est devenu sans objet.

Après que le Rapporteur eut appelé à une modification de cohérence, la Commission a adopté un amendement présenté par M. Jean-François Mattei, substituant aux mots « l'examen des caractéristiques génétiques » les mots « l'examen génétique des caractéristiques » à l'article 16-10 du code civil.

La Commission a ensuite adopté trois amendements présentés par le Rapporteur et le Président Bernard Charles, relatifs à l'expression du consentement à l'examen génétique des caractéristiques, le premier, visant à préciser qu'il est exprès, le deuxième, prévoyant l'information de la personne concernée quant à la nature et à la finalité de l'examen, le dernier, précisant que le consentement mentionne la finalité de l'examen.

La Commission a adopté un amendement de cohérence présenté par M. Jean-François Mattei, substituant aux mots « médecine prédictive » les mots « examen génétique des caractéristiques » dans l'intitulé du titre III du livre premier de la première partie du code de la santé publique.

Après avoir rejeté un amendement présenté par M. Jean-François Mattei, tendant à supprimer la modification de l'intitulé, la Commission a adopté un amendement oral présenté par le Rapporteur, visant, par cohérence avec les précédentes décisions, à faire référence à l'examen génétique des caractéristiques dans l'intitulé précité, à substituer aux mots : « l'étude génétique de ces caractéristiques », les mots « l'examen génétique de ces caractéristiques ».

La Commission a ensuite adopté un amendement présenté par le Rapporteur et le Président Bernard Charles, visant à sanctionner l'examen génétique des caractéristiques d'une personne à des fins autres que médicales ou scientifiques ou lorsque l'examen réalisé à des fins médicales ou de recherche scientifique a été réalisé sans que le consentement ait été recueilli dans des conditions prescrites par la loi.

En conséquence, un amendement rédactionnel présenté par M. Jean-François Mattei, visant à introduire la notion d'« étude génétique des caractéristiques » dans l'article 226-25 du code pénal, est devenu sans objet.

La Commission a adopté un amendement présenté par M. Jean-François Mattei, modifié par cohérence avec ses précédentes décisions, substituant aux mots « l'étude de ses caractéristiques génétique » les mots « l'examen génétique de ses caractéristiques » à l'article 226-26 du code pénal.

Puis la Commission a adopté l'article 2, ainsi modifié.


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