ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION SPÉCIALE
chargée d'examiner le projet de loi
relatif à la bioéthique

COMPTE RENDU N° 6

Mercredi 16 janvier 2002
(Séance de 14 heures 30)

Présidence de M. Bernard Charles, Président

SOMMAIRE

Examen, en application de l'article 88 du Règlement, des amendements au projet de loi relatif à la bioéthique (n° 3166) (M. Alain Claeys, Rapporteur)

 

Pages

 

Pages

- Art. 2

2

- Art. 15

3

- Art. 5

2

- Art. 16

4

- Art. 7

2

- Art. 19

7

- Art. 8

3

- Art. 21

7

- Art. 9

3

- Après l'art. 28

7

- Art. 13

3

- Titre

8

Statuant en application de l'article 88 du Règlement, sur le rapport de M. Alain Claeys, Rapporteur, la Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique a examiné les amendements au projet de loi relatif à la bioéthique (n° 3166).

Article 2 : Examen génétique des caractéristiques d'une personne :

La Commission a repoussé l'amendement rédactionnel n° 246 présenté par Mme Marie-Thérèse Boisseau, modifiant l'article 16-10 du code civil.

Article 5 : Principes généraux du don et de l'utilisation des éléments et produits du corps humain :

La Commission a accepté les amendements du Gouvernement :

- n° 278, modifiant l'article L. 1211-2 du code de la santé publique, afin d'étendre explicitement la dérogation prévue par cet article à l'obligation d'information de la personne sur laquelle un élément ou un produit de son corps a été prélevé, lorsqu'il est impossible de la retrouver ou lorsqu'elle est décédée ;

- n° 279, tendant à limiter l'exception au principe du consentement présumé, requis pour procéder à une autopsie médicale, au cas de nécessité impérieuse pour la santé publique ;

- n° 280, relatif à l'information du public sur le don d'organe, en prévoyant que cette information, actuellement assurée sous la responsabilité du ministre chargé de la santé, sera réalisée en collaboration avec le ministre chargé de l'éducation nationale.

Article 7 : Prélèvements d'organes :

La Commission a repoussé l'amendement n° 276 présenté par M. Jean-François Mattei, ayant pour objet de prévoir expressément, à l'article 16-3 du code civil, la possibilité de porter atteinte à l'intégrité du corps humain à titre exceptionnel dans l'intérêt thérapeutique d'autrui, M. Alain Claeys, Rapporteur, ayant souligné que cet amendement remettrait en cause la possibilité d'étendre le cercle des donneurs d'organe vivants prévue par le présent projet de loi.

La Commission a examiné l'amendement n° 203 présenté par M. Jean-François Mattei, ayant pour objet d'autoriser la technique de la « greffe en dominos » en dérogeant à la règle d'après laquelle doit exister un lien biologique ou un lien étroit et stable entre le donneur et le receveur.

M. Jean-François Mattei a souligné la nécessité de prévoir cette dérogation afin de viser expressément le cas de telles greffes.

Suivant l'avis du Rapporteur, la Commission a repoussé cet amendement.

Article 8 : Principes généraux applicables aux prélèvements de tissus ou de cellules ou à la collecte de produits issus du corps humain :

La Commission a accepté l'amendement n° 281 du Gouvernement, prévoyant que le ministre chargé de la santé doit donner, conjointement avec le ministre chargé de la recherche, son autorisation lorsqu'une banque de cellules et de tissus tumoraux est un établissement de santé.

Article 9 : Conditions d'élaboration des règles de bonnes pratiques :

La Commission a accepté l'amendement n° 282 du Gouvernement, prévoyant la tenue d'un répertoire des donneurs d'organes vivants afin d'évaluer les conséquences des prélèvements sur leur santé, le Rapporteur ayant souligné que cet amendement, s'il était adopté, se substituerait à celui adopté par la Commission à l'initiative de M. Jean-Michel Dubernard.

Article 13 : Produits de thérapie génique et produits cellulaires d'origine animale à finalité thérapeutique :

La Commission a ensuite examiné l'amendement rédactionnel n° 251 présenté par Mme Marie-Thérèse Boisseau, visant à substituer, dans l'article L. 5151-1 du code de la santé publique définissant les produits de thérapie génique, la redondance des termes « préparations » et « préparées ».

Après les observations de MM. Jean-Pierre Foucher et Jean-François Mattei, le Président Bernard Charles a souligné que le terme « préparation » emportait un régime juridique et une réglementation particuliers.

La Commission a repoussé cet amendement suivant l'avis défavorable du Rapporteur.

Article 15 : Interdiction du clonage reproductif :

La Commission a ensuite examiné l'amendement n° 240, présenté par M. Jean-François Mattei, visant, pour condamner le clonage reproductif, à créer une infraction pénale imprescriptible qualifiée de « crime contre l'humanité de l'homme », punie d'une peine d'emprisonnement à perpétuité.

Le Rapporteur a d'abord souligné la dimension juridique et symbolique particulièrement forte de la notion de crime contre l'humanité, et qu'il ne serait sans doute pas souhaitable de rapprocher un tel crime et la nouvelle infraction qu'il est proposé de créer. En outre, après s'être interrogé sur la portée de l'expression « humanité de l'homme », il a observé que les conditions prévues au code pénal pour définir le crime contre l'humanité n'étaient pas remplies par le clonage reproductif humain.

M. Jean-François Mattei a précisé que la rédaction qu'il proposait tendait précisément à différencier l'incrimination de celle du crime contre l'humanité prévue dans les termes actuels du code pénal.

Après que le Président Bernard Charles et Mme Yvette Roudy eurent exprimé leurs doutes quant à la pertinence de la proposition, M. Jean-François Mattei a insisté sur le fait que la définition de l'infraction proposée devait remplir le double critère de l'imprescriptibilité et du caractère international.

Le Rapporteur a souligné que la Commission a adopté deux amendements, visant à alourdir les peines prévues, et qu'il était disposé à envisager une proposition tendant à suspendre la prescription des faits à raison du clonage, à l'image de la solution adoptée pour les viols commis sur mineurs, c'est-à-dire que le point de départ de la prescription serait reporté à la majorité de la victime.

M. Jean-François Mattei a souligné que la victime pourrait porter plainte du fait des conditions de sa conception, et non du fait de sa naissance, de manière à ne pas laisser s'engager un débat similaire à celui qui a entouré la jurisprudence dite « Perruche ».

Après que Mme Yvette Roudy eut rappelé que la conception d'un clone humain relevait encore de la science-fiction, le Président Bernard Charles a suggéré de réfléchir à une disposition visant à rendre le crime de clonage reproductif imprescriptible.

Mme Yvette Roudy a rappelé que les crimes de viol, comme d'inceste, n'étaient pas imprescriptibles, l'enfant pouvant porter plainte dans les dix ans suivant sa majorité.

M. Jean-François Mattei a souligné qu'il convenait d'être très dissuasif vis-à-vis des personnes cherchant à créer des clones humains, et qu'il était prêt à se rallier à la proposition du Président.

En cohérence avec sa proposition visant à autoriser la recherche sur le clonage thérapeutique, M. Philippe Nauche a approuvé l'accroissement des sanctions visant le clonage reproductif.

La Commission a repoussé l'amendement n° 240.

Article 16 : Agence de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaines :

La Commission a examiné l'amendement n° 298, présenté par MM. Alain Claeys et Bernard Charles, visant à proposer une nouvelle définition des missions de l'Agence de la procréation, de l'embryologie et de la génétique humaines (APEGH).

Le Rapporteur a indiqué que l'amendement récapitulait l'ensemble des amendements adoptés par la Commission en ce qui concerne la définition des missions de l'agence et s'efforçait de clarifier la rédaction d'ensemble de l'article.

M. Jean-François Mattei a souhaité que le Rapporteur précise si l'agence devait se prononcer sur tous les protocoles de recherche impliquant l'embryon humain, même dans le cas de protocoles établis par des établissements publics tels que l'INSERM.

Le Rapporteur a indiqué que l'agence jouait effectivement le rôle d'un « filtre », cette possibilité constituant une condition essentielle à l'autorisation de la recherche sur l'embryon.

En réponse aux observations de Mmes Martine Lignières-Cassou et Yvette Roudy, le Rapporteur a indiqué que l'information du public sur les questions éthiques entourant l'assistance médicale à la procréation et l'embryologie continuerait à être assurée par le Comité consultatif national d'éthique.

La Commission a accepté l'amendement n° 298. En conséquence, elle a repoussé l'amendement n° 277 de M. Jean-Michel Dubernard.

La Commission a ensuite accepté l'amendement rédactionnel n° 295 de MM. Alain Claeys et Bernard Charles.

La Commission a accepté l'amendement n° 299 présenté par MM. Alain Claeys et Bernard Charles, prévoyant la présence de représentants d'associations _uvrant pour la défense des droits de l'homme parmi les membres du haut conseil.

La Commission a examiné l'amendement n° 284 présenté par Mme Yvette Roudy, précisant que le Haut Conseil comprend un tiers de scientifiques et de médecins, un tiers de représentants de l'Etat et un tiers de représentants d'associations d'usagers du système de santé, de défense des droits et des personnes _uvrant dans la réflexion pour l'éthique.

Après les observations du Président Bernard Charles, du Rapporteur et de Mme Yvette Roudy, l'amendement a été retiré.

Après avoir repoussé le sous-amendement rédactionnel n° 257 présenté par Mme Marie-Thérèse Boisseau à l'amendement n° 95 de la Commission, la Commission a examiné l'amendement n° 271 présenté par M. Jean-Michel Dubernard, visant à instaurer une veille parlementaire continue et prévoyant que le Parlement peut saisir l'APEGH.

Le Rapporteur, tout en partageant les objectifs poursuivis, a souhaité que sa rédaction soit améliorée par la précision que le Président de l'Assemblée nationale ou le Président du Sénat peut saisir l'APEGH, et la suppression de la disposition selon laquelle le rapport annuel de l'Agence fait l'objet d'un examen systématique de la part du Parlement.

La Commission a repoussé l'amendement n° 271, après que Mme Yvette Roudy et M. Jean-Pierre Foucher eurent souligné l'intérêt des propositions contenues dans cet amendement, l'examen du rapport pouvant être le fait de la commission compétente.

La Commission a ensuite examiné les amendements :

- n° 196 de M. Armand Jung, visant à permettre le recours au diagnostic préimplantatoire pour le couple désirant avoir un enfant dès lors qu'une maladie incurable est caractérisée dans la famille de l'un des parents ;

- n° 230 de M. Jean-François Mattei, visant à permettre le recours au diagnostic préimplantatoire pour le couple désirant avoir un enfant dès lors qu'une maladie incurable est caractérisée chez l'un des parents ou l'un de ses ascendants immédiats ;

- et n° 195 de M. Germain Gengenwin, visant à permettre le recours au diagnostic préimplantatoire pour le couple désirant avoir un enfant dès lors qu'une maladie incurable est caractérisée dans la famille au premier degré de l'un des parents.

Après avoir estimé que l'expression « dans la famille » ouvre la porte à de graves dérives, M. Jean-François Mattei a indiqué que cet amendement visait des maladies telle que la chorée de Huntington, maladie nerveuse mortelle dominante apparaissant à 40 ans. Certains parents ont exprimé la demande de pouvoir recourir au diagnostic préimplantatoire sans avoir l'obligation de subir eux-mêmes le diagnostic et de connaître ainsi leur statut génétique.

Tout en déclarant comprendre les motivations de ces amendements qui posent le problème du droit des malades de ne pas savoir, le Rapporteur a constaté que ces amendements auraient pour conséquence un élargissement de l'indication du DPI.

M. Jean-François Mattei a précisé que cette dérogation serait en réalité très limitée.

M. Philippe Nauche a estimé préférable de viser les ascendants plutôt que les ascendants immédiats.

M. Jean-François Mattei a approuvé cette proposition, en précisant toutefois qu'il convient de ne pas autoriser le diagnostic indirect en dehors de la lignée directe.

La Commission a accepté l'amendement n° 230, sous réserve de viser les ascendants des membres du couple et repoussé les amendements nos 196 et 195.

La Commission a accepté les amendements :

- n° 260 présenté par Mme Marie-Thérèse Boisseau, visant à préciser les conditions de l'information des femmes devant subir un traitement de stimulation ovarienne, suivant l'avis favorable du Rapporteur ;

- n° 294 présenté par MM. Alain Claeys et Bernard Charles, visant à soumettre à l'autorisation préalable du ministre chargé de la santé l'application clinique d'une nouvelle technique d'assistance médicale à la procréation, au vu des résultats des protocoles d'évaluation.

La Commission a ensuite examiné les amendements nos 155 et 156 présentés par Mme Martine Aurillac, visant à autoriser, en cas de décès du conjoint ou du concubin, le transfert d'embryon ou l'insémination artificielle, respectivement dans les douze mois et dans les six mois qui suivent le décès.

Le Rapporteur a émis un avis défavorable, étant opposé au principe de l'insémination artificielle post mortem et aux durées proposées.

Après les interventions de Mme Yvette Roudy, de MM. Bernard Charles et Jean-François Mattei, qui se sont déclarés défavorables à l'autorisation de l'insémination post mortem, la Commission a repoussé ces amendements.

Elle a ensuite accepté l'amendement rédactionnel n° 286 présenté par Mmes Yvette Roudy et Martine Lignières-Cassou renforçant l'obligation d'information des couples qui recourent à l'AMP.

Article 19 : Recherche sur l'embryon et les cellules embryonnaires :

La Commission a examiné les amendements nos 296 et 297 présentés par M. Philippe Nauche, visant à autoriser l'utilisation de cellules embryonnaires issues de transferts de cellules somatiques dans des ovules énucléés.

M. Philippe Nauche a indiqué qu'il convenait de ne pas se priver des résultats potentiels, même à long terme, des recherches en ce domaine. Il a estimé que les procédés de création de ces cellules soulevaient moins de difficultés éthiques que pour les cellules issues des embryons surnuméraires. Il a enfin expliqué que l'amendement proposé devait être replacé dans la perspective de l'interdiction du clonage reproductif, qui répond à l'argument suivant lequel la recherche sur le clonage thérapeutique faciliterait la dérive vers la pratique du clonage reproductif.

Le Rapporteur a souligné l'absence d'intérêt immédiat d'une autorisation de la technique dite du « clonage thérapeutique », l'ouverture de la recherche sur les cellules souches embryonnaires n'en étant qu'au premier stade et non à celui des applications thérapeutiques. En outre, le problème des conditions et des modalités du don d'ovocytes n'est pas réglé.

La Commission a repoussé ces amendements.

La Commission a ensuite accepté les amendements rédactionnels nos 291, 292 et 293 présentés par MM. Alain Claeys et Bernard Charles.

Article 21 : Dispositions pénales :

Après l'avis défavorable du Rapporteur, la Commission a rejeté l'amendement n° 275 présenté par Mme Christine Boutin, visant à supprimer le mot « eugénique » dans l'article 511-1 du code pénal.

Après l'article 28 :

La Commission a examiné l'amendement n° 197 corrigé de M. Jean-Michel Dubernard, visant à instaurer un mécanisme de veille et de suivi permanent de la présente loi.

Le Rapporteur a souligné la complexité du dispositif proposé, estimant qu'il encadrait excessivement l'action du Gouvernement comme du Parlement.

Après que M. Patrick Delnatte et Mme Yvette Roudy eurent exprimé le souhait d'une révision ponctuelle et fréquente de la législation, le Président Bernard Charles a souligné que l'agence serait chargée d'alerter le Gouvernement et le Parlement sur la nécessité de revoir cette législation.

Le Rapporteur a indiqué que la Commission avait déjà adopté deux amendements, l'un, créant une obligation de présentation, par l'agence, d'un rapport annuel, l'autre, posant le principe d'une révision de la loi à l'issue d'un délai de quatre ans.

Après que MM. Jean-Michel Foucher et Pierre Hellier eurent souligné que le Parlement pouvait, à tout moment, décider de réviser la loi, M. Jean-François Mattei a estimé qu'il conviendrait désormais de ne pas réserver l'appellation « bioéthique » à une loi en particulier pour en faire une catégorie spécifique, chaque loi pouvant comporter une part d'éthique.

La Commission a repoussé l'amendement n° 197 corrigé.

Titre

La Commission a repoussé l'amendement n° 172 présenté par M. Jean-Michel Dubernard, visant, à substituer aux mots : « la bioéthique », les mots : « l'éthique biomédicale » dans le titre du projet de loi.


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