ASSEMBLÉE NATIONALE

COMMISSION SPÉCIALE

chargée d'examiner la proposition de loi organique
relative aux lois de finances

COMPTE RENDU N° 2

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 26 octobre 2000
(Séance de 9 heures 45)

Présidence de M. Raymond Forni, Président,
puis de M. Philippe Auberger, vice-Président

SOMMAIRE

 

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- Présentation de la proposition de loi organique de M. Didier Migaud, Rapporteur, et débat d'orientation


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Le Président Raymond Forni a rappelé que l'ensemble du processus de révision de l'ordonnance, qui doit être mené rapidement à son terme, nécessiterait du « doigté » et qu'il faudrait, notamment, développer les contacts avec le Sénat.

M. Didier Migaud, Rapporteur, a rappelé que la proposition de loi organique avait deux objectifs : moderniser la gestion publique et renforcer les pouvoirs budgétaires du Parlement, en assurant, en particulier, leur continuité.

S'agissant de la modernisation de la gestion publique, le principe fondamental est qu'il faut responsabiliser les gestionnaires. Actuellement les modalités de gestion des crédits sont très encadrées, à travers la spécialité des chapitres budgétaires. Il faut plus de lisibilité et de souplesse. D'où l'introduction des « programmes », enveloppes globales de crédits, généralement limitatifs, la substitution d'une logique d'objectifs et de résultats à une logique de moyens et, enfin, le développement de la pluriannualité.

Les crédits de trois catégories de dépenses (fonctionnement, investissement, transfert) sur quatre seraient fongibles, mais la proposition de loi organique exclut de la fongibilité les crédits de personnel : il faut, en effet, poser des limites à ce principe de fongibilité. Mais, sur ce point, le texte de la proposition de loi organique peut être amélioré et la réflexion doit être approfondie.

Les transferts de crédits entre programmes ouvriraient la possibilité de définir des actions interministérielles. Enfin, la présentation d'une comptabilité d'engagement, sur la base de la méthode dite « des droits constatés », clarifierait les conditions de la gestion. Pour autant, la proposition de loi organique prévoit une double présentation de la loi de finances, car il paraît difficile d'abandonner totalement la comptabilité de caisse.

La souplesse de gestion prévue dans la proposition de loi organique a pour contrepartie nécessaire le renforcement du contrôle parlementaire sur le budget.

En premier lieu, il faut restaurer la portée de l'autorisation parlementaire. L'exemple caricatural des taxes parafiscales montre que l'ordonnance de 1959 est allée plus loin encore que la Constitution de 1958 dans la « rationalisation » du parlementarisme. Pour renverser cette tendance, la proposition de loi organique prévoit de redéfinir le régime des fonds de concours, des garanties de l'Etat et des opérations de trésorerie, notamment des opérations de reprise de dettes.

De plus, la lisibilité et la sincérité des documents budgétaires doivent être améliorées. D'où les dispositions relatives à une présentation du budget, à titre d'information, en section de fonctionnement et section d'investissement, à sa présentation à structure constante, à une meilleure explicitation des relations entre l'Etat, la sécurité sociale et les collectivités locales, à l'encadrement de la procédure de prélèvements sur recettes. La loi de finances devrait notamment récapituler toutes les impositions affectées aux organismes de sécurité sociale.

En deuxième lieu, la proposition de loi organique prévoit de mieux encadrer les procédures qui donnent au Gouvernement le pouvoir d'interférer avec l'autorisation parlementaire au cours de l'exercice. Les dispositions contenues dans la proposition de loi organique restent, cependant, dans le cadre de la Constitution de 1958 : le Gouvernement doit avoir les moyens d'agir, mais il doit respecter les pouvoirs du Parlement.

Dans cette perspective, la proposition de loi organique prévoit de limiter au service de la dette la notion de crédits évaluatifs, organise un encadrement de l'utilisation des crédits globaux, resserre le régime des décrets d'avance en exigeant un avis préalable des commissions des finances des deux assemblées, étend et densifie les dispositions relatives à la pluriannualité, révise les notions d'annulation et de virement de crédits, limite la notion de « services votés » à la stricte application des dispositions de l'article 47 de la Constitution, intègre au domaine de la loi de finances les modalités de répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales alors qu'aujourd'hui, une initiative parlementaire en ce domaine serait considérée comme un « cavalier ».

En troisième lieu, la proposition de loi organique contient plusieurs dispositions visant à renforcer le contrôle a posteriori sur l'exécution du budget. Ainsi, les ministères devraient présenter des rapports de performance pour chaque programme et justifier précisément de l'utilisation de leurs crédits, la déclaration générale de conformité établie par la Cour des comptes à l'appui du projet de loi de règlement serait remplacée par une véritable certification des comptes de l'Etat, les atteintes aux principes d'unité et d'universalité seraient limitées, avec, notamment, la suppression des budgets annexes et le cantonnement des comptes d'affectation spéciale, enfin, la procédure des fonds de concours serait plus encadrée.

Il faut également établir un calendrier qui favorise un meilleur exercice de la fonction budgétaire du Parlement. Celui-ci serait saisi du programme de stabilité avant sa transmission aux autorités communautaires, le débat d'orientation budgétaire serait institutionnalisé, dans le respect des prérogatives gouvernementales relatives à l'ordre du jour, et le projet de loi de règlement serait discuté avant l'été.

Le Rapporteur a appelé la Commission spéciale à s'interroger sur la pertinence des débats parlementaires sur le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale : les discussions générales ont de moins en moins de sens et il n'est pas sûr qu'elles contribuent à améliorer l'image du Parlement.

Il a enfin souligné que plusieurs questions devraient être approfondies.

S'agissant des dépenses de personnel, la proposition de loi organique propose plusieurs assouplissements au régime actuel des emplois budgétaires, mais il est possible d'aller plus loin. En particulier, on doit pouvoir considérer que les dépenses de personnel pourraient faire partie des crédits fongibles au sein d'un programme, à condition d'établir des garde-fous et de définir quels sont les bons critères pour encadrer les crédits de personnel : masse salariale ou indiciaire ? approche globale ou par corps ? pertinence de la notion d'emplois publics par rapport à celle d'effectifs ? Le Parlement a aujourd'hui bien du mal à appréhender la réalité des personnels réellement employés : il faut, à cet égard, sortir du flou.

Les modalités du contrôle des commissions des finances sur l'exécution du budget méritent également réflexion : les dispositions de la proposition de loi organique relatives au régime juridique des décrets d'avance prévoient, par exemple, que les commissions des finances des deux assemblées devront donner un avis préalable sur les projets de décret d'avance, avant leur signature et leur publication. D'aucuns considèrent que cette saisine obligatoire pour avis est contraire aux dispositions de l'article 21 de la Constitution. Mais un point de vue différent a été adopté dans la proposition de loi organique : le budget est en premier lieu un acte d'autorisation, donc le Gouvernement se doit de consulter le Parlement s'il souhaite modifier les termes de cette autorisation au cours de l'exercice.

S'agissant du développement du contrôle a posteriori, la loi de règlement doit se voir reconnaître une plus grande importance. La certification des comptes de l'Etat par la Cour des comptes représenterait donc une innovation majeure. Mais qu'en est-il des rapports de performances ? Il n'est peut-être pas dans la mission de la Cour des comptes de les certifier et d'évaluer les performances des administrations, car il s'agit, en l'occurrence, de se livrer à des considérations d'opportunité.

La présentation du budget en deux sections - fonctionnement et investissement - est un autre sujet important : il faut réfléchir à la pertinence de cette distinction pour l'Etat, dont l'équilibre budgétaire est déjà encadré par les règles résultant du Pacte de stabilité et de croissance. L'application à l'Etat de la « règle d'or » des finances publiques n'apporterait pas grand-chose à leur pilotage. Au bénéfice de ces observations, la proposition de loi organique fait référence à une présentation du budget en une section de fonctionnement et une section d'investissement, mais lui accorde une portée limitée, pas aussi importante que certains le souhaiteraient peut-être.

S'agissant enfin des programmes, reproche a été fait à la proposition de loi organique de ne pas prendre position sur leur nature et leur périmètre. Il s'agit plutôt d'une compétence gouvernementale. Il est cependant légitime que le Parlement puisse influencer la définition des programmes. Par exemple, faut-il envisager un découpage par mission (programme « recouvrement de l'impôt ») ou par acteurs (programmes « direction générale des impôts » et « direction générale de la comptabilité publique ») ? La proposition de loi organique a pris le parti de ne pas imposer de solutions contraignantes. Le cadre organique est, par définition, rigide et se conjugue mal avec la nécessaire souplesse qui doit présider à la conduite des actions publiques. Au demeurant, les agrégats actuels pourraient constituer une première ébauche des futurs programmes.

Le Président Raymond Forni a rendu hommage à l'effort de synthèse accompli par le Rapporteur sur un sujet complexe, particulièrement pour les commissaires qui ne sont pas membres de la Commission des finances.

Saluant également la démarche du Rapporteur, M. Jean-Pierre Delalande a estimé que la proposition de loi présentait nombre de pistes intéressantes et méritait donc un examen constructif. Il faudra d'abord se donner pour objectif de doter l'Etat d'une comptabilité lisible, compréhensible et dynamique, comme celle des collectivités locales, afin de faire apparaître clairement son bilan, ainsi qu'un état de son patrimoine.

Il conviendra également de réfléchir attentivement à l'articulation entre la loi de finances initiale et la loi de financement de la sécurité sociale, tant les « tuyauteries » entre les deux textes sont confuses et ne plaident pas pour la crédibilité de l'Etat. De même qu'a été obtenu un dépôt plus précoce du projet de loi de règlement, les progrès accomplis au cours des dernières années devraient permettre de disposer à brève échéance des comptes de la sécurité sociale dès le 15 mai. Enfin, en dehors de tout maximalisme et compte tenu des difficultés inhérentes à une révision constitutionnelle, il n'en faudra pas moins évoquer l'article 40 de la Constitution, disposition « autobloquante » pour les parlementaires, dont elle accrédite une prétendue irresponsabilité.

Le Président Raymond Forni s'est réjoui de l'approche que traduisait cette intervention, soulignant que les travaux de la Commission devaient dépasser les clivages traditionnels.

Déclarant partager ce même état d'esprit, M. François Goulard a rappelé que l'ordonnance organique de 1959 comportait deux aspects distincts : les modalités d'organisation de la discussion parlementaire des projets de loi de finances, d'une part, et les grands principes de l'organisation financière de l'Etat, d'autre part. Ces principes remontent au dix-neuvième siècle, époque où la gestion publique était très en avance par rapport à la gestion privée. Tel était encore le cas en 1959, les grandes entreprises ayant alors des modes de gestion extrêmement sommaires.

La proposition de loi organique va dans le bon sens, mais elle n'est pas révolutionnaire. En effet, elle continue de s'inscrire dans l'esprit qui avait prévalu en 1959, au lieu de se rapprocher des modes d'organisation et de gestion qui sont aujourd'hui appliqués dans le secteur privé. Ce ne sont pas des considérations idéologiques, mais des raisons pratiques, qui militent en ce sens, ainsi que le démontre la capacité, pour les plus grandes entreprises multinationales, de présenter des comptes consolidés mondiaux dès la mi-janvier, alors que l'on se heurte actuellement à des difficultés pour avancer encore le dépôt du projet de loi de règlement. Les notions de comptabilité générale, de comptabilité analytique et de contrôle de gestion doivent entrer dans la sphère publique, ce qui permettrait notamment d'établir des comptes consolidés rendant impossibles les débudgétisations et de mesurer le coût réel de chaque action publique. La Cour des comptes fournit un excellent travail, mais c'est une autre approche qui devra présider à l'audit de performance des services publics. Au-delà, si le Parlement veut mettre en place un véritable contrôle, il devra instaurer son propre organe d'évaluation, entièrement dédié à cette fonction.

Le Président Raymond Forni a souhaité que le Parlement se prépare activement à la mise en _uvre de la réforme de l'ordonnance organique. A cette fin, il a demandé au Secrétaire général de l'Assemblée nationale et de la Présidence de lui soumettre des propositions d'adaptation des structures administratives, notamment celles concernant la Commission des finances.

M. Jean-Pierre Delalande a rappelé, à cet égard, qu'il existait déjà un Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques, qu'il suffisait de tirer de son sommeil.

Le Président Henri Emmanuelli a fait part d'un récent appel d'offres en vue de doter la Commission des finances de moyens d'évaluation renforcés.

M. Philippe Auberger a considéré qu'il fallait analyser la réforme, comme l'a fait le Rapporteur, en abordant successivement trois questions : la préparation de la loi de finances, son examen et son vote, puis le contrôle de son exécution.

S'agissant de la préparation de la loi de finances, il a estimé qu'une notion essentielle devrait figurer dans la proposition de réforme de l'ordonnance : celle de la consolidation des comptes. La consolidation des comptes de l'Etat, de la protection sociale et des collectivités locales permettrait, en effet, de donner à la loi de finances une cohérence qui lui fait actuellement cruellement défaut.

Il a souhaité que cette consolidation soit effectuée selon les règles communautaires en vigueur pour la présentation des projections triennales de finances publiques transmises chaque année aux institutions de l'Union européenne. Seule une telle harmonisation peut, en effet, permettre des comparaisons significatives.

De même, il a jugé qu'il serait extrêmement utile que l'équilibre de la loi de finances soit défini selon des règles harmonisées pour tous les Etats membres de l'Union européenne.

Abordant la discussion des projets de loi de finances, M. Philippe Auberger a estimé que l'examen des dépenses, à défaut d'un droit effectif d'amendement, s'assimilait en fait à une discussion générale. C'est pourquoi il a appelé de ses v_ux la restauration d'un véritable pouvoir d'amendement du Parlement en matière de dépenses.

Plusieurs pistes pourraient être explorées à cette fin : soit une révision de l'article 40 de la Constitution, soit un examen rénové des budgets par ministère permettant de réaffecter les crédits entre les titres d'un même ministère.

Il a, par ailleurs, jugé fondamental de recourir à la notion de « personnel nouveau à recruter au cours d'une année », afin d'appréhender l'évolution réelle de l'emploi public. Le recours à la notion de création ou de suppression d'emploi, comme c'est actuellement le cas, s'est révélé notoirement insuffisant.

S'agissant du contrôle de l'exécution de la loi de finances, il a estimé qu'il ne fallait pas donner trop d'importance à l'examen de la loi de règlement, qui n'intervient qu'au terme de l'exécution des lois de finances. Si le Parlement veut réellement contrôler l'exécution de la loi de finances, il doit suivre cette exécution de manière continue et sur la durée. A cette fin, il pourrait être utile que les rapporteurs spéciaux suivent, très régulièrement, l'exécution des crédits dont ils ont la responsabilité. Ce contrôle continu pourrait donner lieu ensuite à des contrôles sur pièce et sur place.

M. Jacques Barrot a rappelé que le budget était un acte d'autorisation et de gestion.

Evoquant l'exemple américain, il a souhaité que l'acte d'autorisation budgétaire soit simplifié et soit donné sous la forme d'une autorisation d'engagement de l'Etat.

Tout en jugeant extrêmement pertinent le concept de programme, retenu par le Rapporteur en matière de gestion, il a souhaité que le recours à cette notion ne fasse pas obstacle au contrôle par le Parlement de l'exécution budgétaire. A cette fin, il serait souhaitable que le Parlement ait un droit de regard sur la définition des programmes ou sur la pratique de la fongibilité des dépenses au sein d'un programme.

Marquant son accord avec cette remarque, M. Jean-Jacques Jégou a également souhaité que le Parlement soit en mesure de créer, de fragmenter ou de supprimer les programmes. Par ailleurs, afin d'améliorer la lisibilité et la sincérité de la loi de finances, il a souhaité que la proposition de réforme permette le respect de principes fondamentaux, tels que celui de l'équilibre budgétaire, afin de faire apparaître si la dette publique est ou non remboursée, ou celui de l'universalité.

A cet égard, M. Philippe Auberger a rappelé que la direction du Trésor du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie élaborait, chaque année, un programme d'emprunts de l'Etat. Ce programme n'est ni présenté, ni discuté au sein du Parlement, qui vote simplement chaque année sur le principe du recours à l'emprunt. Il est souhaitable de progresser en ce domaine.

Rappelant que le droit budgétaire demeurait fondé sur des principes hérités du dix-neuvième siècle, M. Henry Jean-Baptiste s'est interrogé sur la pertinence du principe d'annualité, dont la mise en _uvre se traduisait par une multiplication des exceptions, mais demeurait malgré tout un obstacle à la remise en cause des services votés. Aux Etats-Unis, la pluriannualité budgétaire permet de porter un regard critique et efficace sur les services votés. C'est pourquoi une réforme mettant en place des budgets pluriannuels, au moins sur deux ans, serait sans doute souhaitable.

Mme Nicole Bricq est revenue sur le périmètre de la proposition de loi et des travaux de la Commission spéciale. Il est nécessaire d'obtenir des instruments permettant une lecture globale des comptes de l'Etat, de la sécurité sociale, des collectivités locales et des crédits européens, et d'harmoniser les règles applicables. Il est, par exemple, curieux qu'en matière de sécurité sociale, il n'existe pas d'équivalent de la loi de règlement et que le revenu minimum d'insertion ne figure pas dans la loi de financement de la sécurité sociale. Une réforme des dispositions organiques du code de la sécurité sociale paraît inévitable, si l'on veut assurer les clarifications nécessaires.

M. Jean-Pierre Delalande a cité un exemple de confusion des champs respectifs de la sécurité sociale et du budget de l'Etat : il n'est pas normal que la Caisse nationale des allocations familiales ait été chargée de financer des avantages non contributifs, c'est-à-dire des dépenses imposées par l'Etat, en l'occurrence des charges du Fonds de solidarité vieillesse.

M. Philippe Auberger a estimé indispensable de relayer au niveau organique la réforme constitutionnelle de février 1996, en prévoyant un minimum de consolidation des comptes.

M. Gilbert Meyer a indiqué qu'une loi de finances constituait un programme d'ouverture de crédits et permettait un cadrage des politiques publiques. Pourtant, les parlementaires ne sont pas en mesure de connaître le montant des crédits réellement disponibles et surtout la réalité de l'exécution en cours d'année. Il convient de rappeler les modalités de la préparation des budgets locaux par les maires : partant d'un produit fiscal donné, le maire, en début d'année, élague, en analysant leur utilité, les dépenses qu'il ne parvient pas à financer ; en juillet, il fait le point sur l'exécution, prend en compte les reports, ainsi que le rythme d'avancement des travaux, et prépare son budget suivant. La transparence et la fongibilité caractérisent donc la gestion locale.

M. Philippe Auberger a souligné que les reports de crédits étaient monnaie courante au niveau de l'Etat, surtout en matière de crédits militaires.

M. Didier Migaud, Rapporteur, s'est dit persuadé de la nécessité d'une consolidation des comptes, tout en rappelant qu'il convenait de respecter le cadre constitutionnel. Un document directeur récapitulant toutes les ressources de l'Etat et de la sécurité sociale est assurément indispensable.

Une comptabilité lisible et dynamique doit être mise en place. Il faut, pour cela, instaurer une comptabilité en droits constatés. Pour autant, il n'est par sûr qu'il faille abandonner la comptabilité de caisse. Peu de pays l'ont fait, et il serait probablement aventureux de ne retenir qu'un seul système.

S'agissant des audits et du contrôle, les rapporteurs spéciaux ont d'ores et déjà accès aux bases de données budgétaires de la comptabilité publique, mais un travail en continu peut poser des problèmes de disponibilité.

M. Jean-Pierre Delalande a alors suggéré de confier l'ensemble des rapports spéciaux à l'opposition ou de constituer des équipes composées des rapporteurs spéciaux et des rapporteurs pour avis, M. Didier Migaud, Rapporteur, marquant sa préférence pour la constitution de « binômes ».

M. Didier Migaud, Rapporteur, a indiqué que si les audits de gestion pouvaient être confiés à la Cour des comptes, il n'en allait peut-être pas de même des audits de performance. Ceux-ci relèvent des compétences de l'Assemblée, ce qui pose le problème de ses moyens.

S'agissant du principe de l'annualité et de la question des services votés, il faut convenir que ceux-ci sont, en pratique moins pesants qu'il n'y paraît, puisque le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie analyse de plus en plus près, chaque année, les services votés. En 2000, 30 milliards de francs ont ainsi pu être redéployés. Cela étant, les budgets présentent des rigidités évidentes, liées notamment à la fonction publique et à la dette. L'instauration de votes par programmes devrait cependant permettre de réduire ces rigidités. Il s'agirait même d'une révolution pour l'administration. La mise en place des programmes conduira toutefois à rendre plus aiguës les difficultés résultant de l'application de l'article 40 de la Constitution, celui-ci interdisant les réaffectations de dépenses. Pourtant, la fongibilité des crédits est au c_ur de la proposition de loi organique, même si la situation des collectivités locales n'est pas toujours comparable à celle de l'Etat.

M. Jean-Pierre Delalande a regretté que le prélèvement sur la Caisse des dépôts et consignations constitue une variable d'ajustement du budget de l'Etat, variable dont les parlementaires ne peuvent avoir connaissance que tardivement. Il faut des règles intangibles fixant la nature des recettes du budget.

M. Didier Migaud, Rapporteur, a estimé indispensable, s'agissant des dépenses de personnel, de dépasser la notion de création de postes. Le principe de fongibilité s'impose là aussi, mais il faut veiller à ce que l'investissement ne soit pas systématiquement sacrifié au profit des dépenses courantes.

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La Commission spéciale a ensuite procédé à un échange de vue sur son programme de travail.


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