ASSEMBLÉE NATIONALE


DÉLÉGATION
À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT
DURABLE DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 6

mercredi 20 septembre 2000
(Séance de 15 heures)

Présidence de M. Philippe Duron, président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Dominique Parthenay et de Mme Ariane Azéma, conseillers à la DATAR sur les schémas de services collectifs

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La délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire a entendu M. Dominique Parthenay et Mme Ariane Azéma, Conseillers à la DATAR sur les schémas de services collectifs.

M. le Président : Mes chers collègues, nous accueillons aujourd'hui M. Dominique Parthenay et Mme Ariane Azéma pour évoquer l'élaboration des schémas de services collectifs que nous devrons valider en fin d'année ou au début de l'année prochaine ; la délégation aura en effet un avis à émettre sur ces neuf schémas de services collectifs prévus par la loi.

Monsieur Dominique Parthenay, Madame Ariane Azéma, nous vous souhaitons la bienvenue. Notre chercherons, aujourd'hui, à savoir comment se sont élaborés ces schémas de services collectifs, à en saisir la philosophie générale, les lignes directrices et les évolutions depuis leur définition dans les articles de la loi ; nous chercherons également à savoir comment les régions ont réagi aux prototypes qui leur ont été soumis et à connaître notre calendrier de travail d'ici à la promulgation de ces neufs schémas de services collectifs.

M. Dominique Parthenay : Monsieur le président, je vous remercie de votre invitation. Je voudrais, dans un premier temps, souligner le travail de votre délégation sur le volet territorial des contrats de plan ; nous faisons activement la promotion de ce document qui nous aide beaucoup dans les négociations que nous conduisons sur ce sujet.

Nous avons prévu, Mme Ariane Azéma et moi-même, de vous faire une brève présentation à deux voix, afin de laisser du temps au débat. Mme Ariane Azéma m'a accompagné dans cette démarche de réflexion sur les schémas puisqu'elle faisait partie de l'équipe qui a travaillé sur ces questions lors de l'élaboration et de l'examen de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire (LOADDT) du 25 juin 1999. Par ailleurs, dans la réorganisation en cours à la DATAR, Mme Ariane Azéma devient conseillère, responsable du département "Planification territoriale".

Pour ma part, je brosserai l'histoire de ces schémas par rapport aux précédents épisodes de la planification au cours des dix dernières années. Je rappellerai quel a été le déroulement du processus.

Mme Ariane Azéma, quant à elle, tentera de tirer les enseignements des documents qui sont en notre possession et qui sont assez proches de ceux qui vous seront transmis, mais qui n'ont pas encore fait l'objet des derniers arbitrages. Nous devions avoir une réunion de ministres au mois de septembre qui devait traiter de l'ensemble des arbitrages - qui sont a priori assez peu nombreux -, mais cette réunion n'a pu avoir lieu et ne se tiendra pas avant le mois d'octobre.

Il convient de se souvenir que planification et aménagement du territoire ont toujours été liés. L'aménagement du territoire s'est inscrit dans une démarche consciente et volontaire qui rejoignait les préoccupations de la planification, même si la planification à la française telle qu'elle a été construite à partir de la fin de la seconde guerre mondiale s'est toujours voulue incitative et non pas normative, prescriptive.

Si l'on analyse ces deux politiques, on s'aperçoit que les temps forts et faibles de la planification ont également été les temps forts et faibles de l'aménagement du territoire.

Dès les débuts de la planification, en 1951-1952, on voit fortement apparaître les enjeux de l'aménagement du territoire dans le plan de la nation ; cela se poursuivra jusqu'au début des années 1970. Puis on assiste à un changement d'optique, en ce qui concerne à la fois les politiques d'aménagement du territoire et le plan. Ce dernier s'affaiblit. Cette modestie connaît une inflexion, non durable, avec la relance des procédures de planification en 1980 et plus particulièrement avec un nouvel outil, le plan de la région prévu par les lois de plan de 1982-1983, dont peu de régions se sont, en fait, servies.

De cette relance de la planification, il convient de retenir l'instrument mis à son service, le contrat de plan, qui, lui, a perduré ; il s'est même développé alors que le plan a disparu en 1993, avec le gouvernement d'Edouard Balladur, le gouvernement actuel n'ayant pas relancé les travaux de planification dans ce cadre traditionnel.

Une évolution un peu semblable, au moins du point de vue de l'État, s'est opérée en ce qui concerne la planification spatiale. A partir du début des années 1980, les compétences de planification spatiale ont été transférées aux collectivités locales, l'État ne disposant plus, sauf pour quelques éléments spécifiques, de compétences directes.

Entre les années 1960 et 1990, un triple processus a mis à mal la planification telle qu'elle avait été conçue et développée dans les années 1950 et 1960 : la multiplication des acteurs de l'aménagement du territoire, l'État n'étant plus le seul producteur de politiques publiques dans ce domaine ; l'accélération des mutations, économiques, sociales et culturelles, qui ont posé les problèmes de l'anticipation dans des termes nouveaux ; la modification du rôle de l'État, liée non seulement à la multiplication des acteurs infranationaux, mais aussi supranationaux, comme la Commission européenne, mais également à l'importance plus grande du marché dans les régulations publiques.

Dans ces conditions, fallait-il abandonner toute ambition planificatrice ? Cela a fait l'objet du débat qui s'est instauré au début des années 1990. Les mutations s'accélérant, la nécessité de les comprendre est devenue de plus en plus grande. Les nouveaux rôles de l'État - l'État régulateur, l'État garant du long terme, d'une stratégie du développement durable - imposent aussi sans doute que la puissance publique soit capable d'éclairer davantage, de donner un peu de prévisibilité à l'action publique. Enfin, on le voit bien à propos des grandes crises, notamment celles qui sont liées aux risques - sanitaires, écologiques, etc. -, la société exige de l'État qu'il soit garant d'un certain nombre d'évolutions que l'échelon local ne peut maîtriser seul.

Ce débat réapparaît au début des années 1990 sous deux formes. Tout d'abord, le Conseil d'État pose, dans le rapport de M. Labetoulle, le problème du droit de l'urbanisme et de la mise en cohérence des politiques d'aménagement et d'urbanisme en dressant un bilan, après dix ans de décentralisation. Ensuite, un grand débat a été impulsé par le ministre de l'intérieur, ministre de l'aménagement du territoire, M. Charles Pasqua, dans la perspective de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire votée en 1995 ; il en ressort fortement une demande d'un retour de la planification de la part des acteurs que nous voyons apparaître dans la loi de 1995. Mais ni le schéma national d'aménagement et de développement du territoire ni les schémas sectoriels qu'elle prévoyait n'ont connu de début d'application (seule exception, les directives territoriales d'aménagement). Cette loi a emprunté, en matière de planification, une voie qui était plus le reflet du passé qu'une vision de l'avenir, et a davantage mis l'accent sur la restauration d'outils des années 1960 que sur l'adaptation des questions de planification aux nouveaux enjeux et aux nouveaux modes d'intervention de la puissance publique.

De nouveaux outils sont apparus grâce à la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire du 25 juin 1999.

En ce qui concerne la planification, les objectifs de ce texte étaient la réalisation d'un meilleur équilibre entre les acteurs intervenant aujourd'hui dans le champ de la planification territoriale. De ce point de vue, l'on peut dire que la loi n'a pas été au terme de la réflexion qui avait été engagée et qui avait fait l'objet d'un rapport commandé par le comité interministériel d'aménagement du territoire (CIADT) de décembre 1997 à M. Yves Morvan, président du conseil économique et social de Bretagne ; ce rapport traitait des enjeux de la planification et du rôle que pourrait jouer l'échelon régional comme niveau d'articulation entre la planification nationale des politiques régaliennes d'une part, et les planifications territoriales des acteurs locaux des nouveaux territoires d'autre part.

La loi de 1999 crée un nouveau dispositif, les schémas de services collectifs, mais ne modifie pas de façon substantielle le rôle de l'échelon régional dans le champ de la planification. En effet, cet échelon aurait pu permettre une déclinaison fine de ces schémas, afin de mieux prendre en compte la diversité des territoires.

La question de l'articulation de cette nouvelle planification avec les différents outils de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme est sans doute aujourd'hui insuffisamment réglée. La loi a prévu que les schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire soient compatibles avec les schémas de services collectifs.

Assez curieusement, et je pense, plus par maladresse technique que par volonté politique, le projet de loi sur la solidarité et le renouvellement urbains, dont je n'ai pas vu la dernière rédaction, a supprimé le lien entre les schémas de services collectifs et les directives territoriales d'aménagement. On peut espérer que l'État rétablira la cohérence puisqu'il s'agit, en l'occurrence, de deux outils grâce auxquels il intervient.

M. le Président : Le législateur et le ministère ont estimé que les différents documents n'avaient pas la même portée juridique. C'est la raison pour laquelle ils n'ont pas souhaité que les schémas de services collectifs puissent s'imposer à des documents qui ont une portée juridique plus importante.

M. Dominique Parthenay : Nous disposons aujourd'hui d'un certain nombre d'analyses, et la nature juridique de ces documents dépendra de leur rédaction. Le fait que le Gouvernement ait souhaité que les décrets soient pris en Conseil d'État devrait nous assurer une sécurité juridique plus grande au moment de la parution de ces textes. Mais tout ce qui sera livré à l'appréciation des différents acteurs va laisser la définition de l'architecture institutionnelle au juge, alors que la loi aurait pu le faire. Tout ce qui ne sera pas clair risque de faire l'objet de contentieux.

La question de la portée juridique des schémas sur l'action des collectivités locales est fondamentale, dans la mesure où le champ d'un certain nombre de ces schémas relève à la fois de la compétence de l'État et de celle des collectivités ; si on se situait dans le domaine strictement régalien, cette question ne se poserait pas. Par conséquent, il est dommage de ne pas faire figurer dans la loi une définition plus précise.

Le deuxième point important, dans l'approche adoptée à l'occasion de cette nouvelle planification, est le renouvellement des champs et des méthodes de la planification.

Tout d'abord, l'on voit apparaître des domaines nouveaux dans lesquels il a été difficile de progresser car il convenait d'inventer des formes de planification. C'est le cas pour l'énergie, pour les espaces naturels et ruraux . C'est en partie aussi le cas pour les nouvelles technologies de l'information et de la communication, secteur où l'objet n'est plus de planifier des infrastructures, car la LOADDT de 1999 est intervenue après la loi de dérégulation des télécommunications du 26 juillet 1996 : on n'est plus confronté à un opérateur historique dépendant de la puissance publique, mais à un jeu d'acteurs beaucoup plus ouvert.

Ensuite, les méthodes changent, y compris dans des domaines encore régaliens, où l'État, à travers les contrats de plan, partage la décision et le financement d'un certain nombre de politiques ; le processus d'élaboration des ces schémas fait assez largement appel au débat et à la concertation avec un certain nombre d'acteurs, au niveau régional principalement.

Troisième élément, l'approche se veut nouvelle et s'incarne dans le terme de "schémas de services collectifs". Il ne s'agit pas de renoncer à toute politique d'équipement, d'infrastructure, mais il convient d'élargir le champ des sujets traités par ce nouvel outil de planification à d'autres modalités d'interventions publiques : dans de nombreux domaines, on doit mener des politiques plus complexes. Le stock d'infrastructures constitué, il faut désormais le faire vivre, le moderniser, l'adapter.

Cela nous a amenés à proposer un cadre commun à l'ensemble des schémas dont on verra d'ailleurs qu'il est globalement respecté, avec quelques adaptations toutefois, puisqu'ils sont loin d'être identiques dans leur contenu.

Nous avons souhaité que les schémas soient l'occasion d'un état des lieux du domaine considéré et qu'ils intègrent une analyse prospective à vingt ans. Mais soyons lucides : vingt ans a probablement du sens lorsqu'on traite des politiques infrastructurelles lourdes ; le débat sur un troisième aéroport dans la région parisienne est clairement un débat à vingt ans. Mais s'agissant du schéma des nouvelles technologies de l'information et de la communication, on a déjà bien du mal à imaginer ce que seront dans cinq ans l'environnement technologique et le cadre juridique de ce domaine. Il convient donc d'avoir présent à l'esprit que cet horizon de vingt ans a été choisi pour essayer de dépasser le cadre habituel de la programmation à court terme, pour essayer de se projeter dans des enjeux de moyen terme qui n'ont pas la même durée selon les schémas.

A partir de cet état des lieux, chaque schéma devrait pouvoir présenter un diagnostic et expliciter les objectifs de services.

Ces objectifs devraient, compte tenu de la méthode participative adoptée pour leur élaboration, être partagés par l'ensemble des acteurs. Il s'agit donc des objectifs de l'État, évidemment, mais peut-être aussi de ceux des collectivités locales et des différents intervenants dans le champ de la politique concernée.

Quant à la seconde partie du document, nous souhaitons qu'elle soit davantage orientée vers la stratégie d'action de l'État lui-même.

En ce qui concerne la procédure, nous étions confrontés à un calendrier délicat du fait de la mise en révision de la loi de 1995 annoncée par le Premier ministre en juillet 1997. Nous nous sommes lancés dans l'exercice avec beaucoup d'impétuosité, mais la LOADDT n'a été publiée que le 25 juin 1999. Or il fallait également élaborer les contrats de plan. Nous savions bien que nous aurions des difficultés à achever les schémas avant que ne s'engage la négociation des contrats de plan ; mais il nous paraissait indispensable que les deux travaux soient au moins concomitants et que l'un nourrisse l'autre, que l'on ne soit pas en contradiction avec un exercice de programmation qui devance l'exercice de planification ou qui l'ignore complètement.

Cela nous a amenés à travailler en nous appuyant sur des décisions des comités interministériels : le premier, datant de 1997, avait porté sur la révision de la loi de 1995 et engagé le processus des schémas.

La méthode retenue est assez simple.

La première étape, qui s'est ouverte fin 1997, a consisté à élaborer des documents, que l'on a appelé des documents de cadrage - un par schéma -, pour définir les orientations stratégiques, les grands choix de politiques publiques qui devaient figurer dans ces futurs schémas de services collectifs. Il ne s'agissait pas, à ce stade, d'entrer dans le détail des contenus, encore moins dans la "territorialisation" de ces contenus, mais de définir les grandes priorités dans les différents domaines. Le document de cadrage concernant la politique des transports, par exemple, avait mis en avant deux éléments essentiels : la question du report modal du fret de la route vers les autres modes de transport, et la question des transports collectifs urbains, question-clé dans la lutte contre les gaz à effet de serre.

Ces documents de cadrage ont été élaborés par les ministères de tutelle des différents schémas de services collectifs, puisque le choix avait été de s'appuyer sur les différents ministères à travers des comités stratégiques qui ont animé ce travail d'élaboration tout au long de la procédure et continuent de le faire.

En inventant des modalités nouvelles, nous avons laissé une certaine liberté d'organisation aux différents acteurs ; les comités stratégiques installés par les ministres sont assez divers : certains sont purement administratifs, composés de membres de l'administration centrale, d'autres sont entièrement composés d'experts, dans lesquels, au mieux, l'administration centrale joue un rôle de secrétariat.

Ces comités stratégiques ont donc bâti les documents de cadrage qui ont fait l'objet de validation interministérielle et qui ont été adressés aux préfets pour engager la deuxième phase de l'élaboration du schéma, la phase dite de contribution régionale.

En termes de calendrier, ces documents de cadrage ont été produits entre août 1998 et août 1999 ; le premier d'entre eux a été celui du ministère des transports, qui a souvent été un chef de file dans cette élaboration, compte tenu de sa culture et de sa pratique de la planification. Le dernier document produit a été celui du ministère des sports, ce schéma ayant été introduit par le débat parlementaire, et non pas dans le projet de loi initial.

Ces documents ont été adressés aux préfets de région, qui ont été chargés d'organiser une assez large concertation pour bâtir ce que nous avons appelé des contributions régionales. L'objectif n'était pas d'en faire l'addition pour réaliser un schéma national, mais de servir de matière aux comités stratégiques pour construire des schémas nationaux.

L'élaboration des contributions régionales s'est déroulée tout au long de l'année 1999. Les rythmes envisagés, qui prévoyaient la remise de ces contributions à l'été 1999, ont été assouplis ; les dernières contributions ont été achevées à la fin de l'année 1999.

Vous m'avez interrogé, monsieur le président, sur la manière dont les régions ont travaillé. Je ne dispose pas d'une analyse exhaustive et précise, mais je pense que, dans l'ensemble, les préfets et les administrations déconcentrées ont joué le jeu et qu'un vrai travail de concertation a été mené dans les régions, même si parfois il l'a été dans des délais que certains ont pu juger trop courts.

En région Rhône-Alpes, par exemple, huit commissions ont été mises en place, composées d'une centaine de participants et coprésidées par le vice-président de la région chargé du domaine considéré et le chef de service concerné. Un travail important a été réalisé.

Toutefois, on s'aperçoit, mais cela est lié au caractère assez divers du contenu des différents schémas, que dans un certain nombre de domaines, ces contributions ont été difficiles à élaborer. Je pense en particulier, aux contributions sur le schéma de l'information et de la communication. En fait, le problème du chef de file s'est posé, car on ne se situe plus dans une logique d'infrastructures.

Par ailleurs, nous avons pu constater que ces travaux avaient pu être réutilisés dans d'autres exercices. Je pense en particulier au schéma des espaces naturels et ruraux qui a servi à l'élaboration du plan national de développement rural : ce schéma avait fait l'objet, dans la plupart des régions, d'un vrai débat local sur les priorités définies.

A la fin de l'année 1999, une troisième étape s'est ouverte avec la rédaction des documents définitifs ; elle a abouti, pour l'essentiel, aux arbitrages du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) du 18 mai 2000, qui nous a permis d'engager un premier processus de validation interministérielle.

Nous entrons maintenant dans la dernière étape qui doit conduire à l'adoption des documents.

La loi a prévu un processus de consultation à la fois nationale et régionale. La consultation au niveau régional devrait permettre de recueillir l'avis des régions et des conférences régionales d'aménagement et de développement du territoire (CRADT).

La loi prévoit par ailleurs une délibération du conseil national d'aménagement et de développement du territoire (CNADT) et la délibération des délégations parlementaires de l'Assemblée nationale et du Sénat. Par ailleurs, la loi a également prévu la consultation d'un certain nombre de conseils spécialisés dans le champ des différents schémas, dont le CIADT a d'ailleurs élargi la liste, afin d'associer à la décision les grands conseils nationaux (par exemple, des transports, de protection de la nature, etc...), pour chacun des schémas.

Le dispositif initial avait envisagé une consultation en deux temps. Il apparaissait utile que les consultations nationales puissent se faire, enrichies des avis des régions et des conférences régionales d'aménagement et de développement du territoire. Par conséquent, la chronologie envisagée avait été, tout d'abord, de consulter les régions et les conférences régionales d'aménagement et de développement du territoire au cours du dernier trimestre de l'année 2000, et, ensuite, de procéder aux consultations nationales de janvier à mars, de façon à pouvoir synthétiser l'ensemble de ces avis au mois d'avril et de transmettre au Conseil d'État les projets de schémas de services collectifs pour, vraisemblablement, une approbation de ces documents avant l'été.

Le décalage du calendrier m'oblige à une certaine prudence sur ce programme originel : je crains que si nous envoyons les documents fin octobre, compte tenu des ajustements que ces textes nécessiteront après la réunion des ministres, nous ayons du mal à solliciter l'avis des régions dans un délai aussi court. Faudra-t-il maintenir le principe de la succession des consultations ?

Je voudrais insister sur un point important qui devra trouver toute sa place dans le document lui-même, je veux parler de l'évaluation et du suivi. On entre, avec ce dispositif, dans une nouvelle forme de planification où la régulation va prendre le pas sur la norme et la prescription. Tous les enjeux d'évaluation et de suivi sont fondamentaux pour faire vivre cet exercice, pour lui donner toute sa place dans le pilotage des politiques publiques. Nous devrons donc porter une grande attention à la manière dont cette question sera traitée dans le document lui-même, puisque nous avons souhaité que, dans les schémas de services collectifs, un développement soit consacré aux modalités de fonctionnement du dispositif.

Mme Ariane Azéma : Monsieur le président, je n'aborderai pas le contenu des schémas, car tous les arbitrages ne sont pas encore rendus. Par ailleurs, si la DATAR assure le suivi et la coordination d'ensemble des schémas, chacun d'entre eux est de la responsabilité du ministère qui l'a réalisé.

A partir des projets de schémas, je vous dirai ce qui les caractérise, quels sont leurs points communs, mais aussi ce qui les distingue, essentiellement des éléments de nature juridique. Enfin, je vous parlerai du paysage territorial qui s'en dégage finalement.

S'agissant de la démarche d'ensemble, conformément à l'esprit de la loi et au pari d'arriver à faire des schémas sectoriels qu'ils relèvent d'une démarche globale, nous pouvons dire que celle-ci se matérialise physiquement par un plan type que M. Dominique Parthenay a évoqué et par une introduction commune qui, vraisemblablement, devrait accompagner les schémas dans leur ensemble.

En ce qui concerne le plan type, tous les schémas comportent des éléments de diagnostic qui sont aussi bien sectoriels que géographiques ; ils sont en général richement nourris, grâce à un important travail des administrations centrales comme des administrations déconcentrées. Ils présentent également des lacunes et des difficultés. Ce travail nous a permis d'identifier un certain nombre d'éléments que l'on retrouvera dans ces procédures d'évaluation et de suivi évoquées par M. Dominique Parthenay.

Après ces éléments de diagnostic, on trouve des éléments plus prospectifs, des hypothèses, des mises en perspective sur les enjeux de moyen et long terme. On les trouve aussi bien sous la forme de choix d'un scénario - c'est le cas du schéma transport - que sous forme de développements traitant des changements fondamentaux à venir ; et là, il existe un point commun à un grand nombre de schémas, notamment à ceux qui comportent des services à la personne : la plupart sont affectés par les bouleversements du numérique. Nous trouvons également des éléments d'alerte, des difficultés à anticiper ; par exemple, dans ce domaine, les questions démographiques arrivent au premier plan, qu'il s'agisse de la démographie des enseignants-chercheurs, de la démographie médicale, etc.

Nous avons, ensuite, une série d'orientations extrêmement diverses : des principes de "territorialisation", des décisions de localisation. Les documents ne ressemblent pas à des catalogues ; l'on trouve des documents assez littéraires, au sens positif du terme, qui proposent une stratégie, une démarche, des visions.

L'ensemble des schémas s'efforce de trouver des réponses ou de faire des propositions aux trois objectifs politiques communs que la loi et le gouvernement leur ont fixés dans une stratégie de développement durable : le développement solidaire de tous les territoires dans une stratégie de proximité, de services publics pour tous ; le rayonnement et la compétitivité du territoire national dans son ensemble, cet objectif concernant essentiellement les services rares et stratégiques ; la prévention des risques, notamment environnementaux. Les enjeux démographiques sont également porteurs de risques que les schémas s'emploient à traiter, à prévenir ou du moins à éclairer.

Enfin, l'ensemble des schémas s'inscrit bien dans cette nouvelle stratégie de planification qui privilégie la régulation et la contractualisation plutôt que la décision normative. Cela tient, bien entendu, au nouveau contexte de l'action publique évoquée par M. Dominique Parthenay, aux nombreux acteurs concernés. Cela tient aussi à l'accent mis sur les services et les usages ; modifier, accompagner, bouleverser les usages ne se décrète pas. Les schémas sont donc largement plus incitatifs que prescriptifs.

Ils sont également très divers. Cette diversité est liée aux dispositions particulières que la loi fixe explicitement à chacun et qui modifient la tonalité des différents schémas. Cette diversité est également le fait du paysage réglementaire et de la nature des outils et des traditions de planification qui affectent chacun des champs. Le schéma transport est cadré par la loi d'organisation des transports intérieurs (LOTI), celui de la santé est fortement déterminé par la nouvelle planification régionale hospitalière, le domaine culturel est lui, au contraire, beaucoup plus vierge en la matière, l'enseignement supérieur a une forte tradition de planification, mais sous la forme de contrats quadriennaux avec les différents établissements.

Deuxièmement, la diversité est grande dans la répartition des compétences entre les acteurs selon les domaines. Certains sont clairement de nature régalienne : c'est le cas des transports, de l'enseignement supérieur et de la recherche, même si, pour la recherche, les lois de décentralisation confèrent à la collectivité régionale un rôle non négligeable. Les espaces naturels et ruraux relèvent également d'un pouvoir régalien dans la mesure où les politiques agricoles et les politiques environnementales sont plutôt de la compétence de l'État.

L'énergie, au contraire, est un secteur partagé, puisque les politiques d'économie d'énergie sont du ressort de l'État, mais la question des économies des énergies locales, qu'elles soient décentralisées ou renouvelables, fait partie des compétences des collectivités. Les autres domaines que l'État partage avec les collectivités locales sont le sport et la culture. Les mesures incitatives, d'orientation, d'information à l'égard des collectivités prennent naturellement beaucoup plus de place. On notera également que pour un certain nombre de schémas, les rédactions ont dû tenir compte d'acteurs particuliers comme les opérateurs qui peuvent avoir un rôle déterminant ; c'est notamment le cas du schéma "information et communication" ou du schéma "transport".

On citera encore, pour bien montrer la diversité des projets, y compris dans un champ strictement régalien, le fait que les établissements d'enseignement supérieur, établissements publics et autonomes ne peuvent faire l'objet d'injonctions en ce qui concerne les stratégies que l'État entend conduire.

Enfin, cette diversité est aussi liée aux horizons temporels dont parlait M. Dominique Parthenay. D'une façon caricaturale, on pourrait dire que 2020 c'est hier pour les transports, c'est demain pour l'éducation nationale et c'est une éternité pour le schéma information et communication.

Par conséquent, les contenus sont très divers : ils peuvent comporter la localisation des infrastructures, notamment dans le cadre des projets de schémas "transport", "enseignement supérieur et recherche" ; d'autres schémas, notamment les projets de schémas "espaces naturels et ruraux", "culture", "sport", "santé" mettent l'accent sur des priorités de politiques publiques, sur les enjeux de prévention, par exemple. D'autres encore ouvrent la voie aux évolutions de nature juridique, c'est le cas pour le projet de schéma "information et communication" et celui de l'énergie. Enfin, la plupart des schémas détaillent des mesures incitatives qui ouvrent la voie à des partenariats, à des démarches croisées entre les différents acteurs.

D'un point de vue territorial, que se dégage-t-il de l'ensemble des schémas ? Cette dimension territoriale n'a pas été abordée par l'ensemble des ministères de façon identique. Le degré de finesse, d'appréciation, est différent, tout comme la nature des enjeux territoriaux. Globalement, les schémas n'auront pas une approche fine ; il ne s'agit pas d'une planification locale, même s'ils abordent les enjeux de recomposition territoriale, que la DATAR accompagne, jusqu'aux espaces de vie (les bassins de vie, les bassins d'emplois, les espaces les plus quotidiens des citoyens). Ainsi, trois niveaux se dégagent dans les schémas : les espaces vécus, certains schémas s'appuyant explicitement sur les pays et les agglomérations en voie de constitution et de généralisation ; l'espace régional, ce qui est assez logique, puisqu'il s'agit du cadre de la concertation pour les schémas, et de l'organisation de la contractualisation. La région apparaît clairement comme l'espace de solidarité, de développement, à partir duquel s'organisent les services collectifs, y compris pour des domaines qui pouvaient s'organiser traditionnellement à d'autres niveaux. Enfin, pour les services rares et stratégiques, l'espace interrégional apparaît dans un certain nombre de schémas : enseignement supérieur et recherche, transport, sport.

Ces niveaux territoriaux sont au service de stratégies territoriales différenciées. L'objectif n'est pas d'appliquer uniformément un certain nombre de politiques publiques ou de priorités, mais de s'adapter aux contextes locaux ; c'est là où les enjeux d'élaboration concertée puis de consultation prennent tout leur sens.

M. le Président : Je vous remercie pour cette présentation nourrie et riche. Nous avons bien perçu à la fois le processus d'élaboration des schémas et l'hétérogénéité de ces schémas et de leur portée. Nous avons également perçu la manière dont ils pouvaient structurer le territoire et l'avenir. Par ailleurs, nous mesurons le caractère pionnier de ces exercices qui sont infiniment moins faciles à cerner que les schémas thématiques ou portant sur les infrastructures que l'on pouvait avoir dans la loi d'orientation et d'aménagement du territoire de 1995.

Nous aurons certainement de nombreuses questions à vous poser, même s'il est difficile pour vous de répondre sur les contenus de chacun des schémas.

Ma première question est la suivante : Comment les schémas vont-ils se mettre en _uvre dans le cadre de la planification régionale ? Comment va se combiner cette interactivité, cette dialectique entre les politiques régionales et les politiques de l'État ?

M. Dominique Parthenay : Il conviendra de mesurer cette question à l'aune des contenus des différents schémas, et je ne pense pas qu'ils seront tous identiques sur ce plan.

Nous sommes en train d'essayer de reconstruire un cadre stratégique qui avait disparu avec l'effacement des précédentes démarches de planification. Bien qu'ayant été plus un observateur qu'un acteur dans la préparation des contrats de plan, j'ai remarqué que les acteurs étaient conduits -du fait de l'existence de ces contrats- à reconstruire en amont un cadre stratégique pouvant servir de fondement à la négociation des contrats de plan ; le contrat de plan est devenu l'objet principal, alors qu'il ne devrait être qu'un outil de la mise en _uvre de politiques définies en amont. Avec les schémas, l'objectif est bien de reconstruire un cadre stratégique permanent.

Comment ces éléments vont-ils s'articuler ? D'abord, les schémas vont donner un fil conducteur aux politiques de l'État concernées par leur contenu. Ensuite, les régions sont invitées à élaborer des schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire qui devront trouver leur cohérence avec les schémas de services collectifs, le lien juridique existant de par la loi. L'ensemble, ensuite, devra se trouver dans le contrat de plan, qui est l'instrument principal de mise en _uvre. Lorsqu'on analyse les thématiques couvertes par les schémas - ce n'est pas vrai pour toutes les politiques -, on retrouve tout de même les grandes thématiques des contrats de plan. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si M. Claude Allègre a souhaité associer assez étroitement la réflexion conduite sur U3M, la négociation du contrat de plan et la préparation du schéma de services collectifs "enseignement supérieur, recherche". Les deux exercices se sont appuyés sur un pivot commun, à savoir le comité stratégique mis en place par le ministre.

M. le Président : Les contrats de plan ont été engagés au début de cette année, les schémas de services collectifs vont être validés dans le courant de l'année 2001. Envisage-t-on de réorienter les contrats de plan dès 2003, au moment de la phase d'évaluation qui a été prévue dans la loi ou les conservera-t-on dans leur rédaction actuelle jusqu'en 2006 ?

M. Dominique Parthenay : Evidemment, et le délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale l'a indiqué à plusieurs reprises, la date de 2003 est une date importante qui doit nous aider à remettre de l'ordre dans des outils installés aujourd'hui dans le paysage sous la pression de l'urgence.

La mise en oeuvre des contrats de plan sur sept ans, durée qui est aussi celle des fonds structurels, nous imposait d'envisager une réévaluation du dispositif à mi-parcours : on ne sait pas très bien planifier à sept ans. L'expérience du plan précédent a montré qu'il pouvait être nécessaire de réajuster des objectifs.

Nous serons donc amenés à réévaluer le dispositif contractuel en 2003 ; à cette occasion, nous aurons un appareil de planification mieux armé. Ce qui nous incite d'ailleurs à encourager les régions à disposer à cette date de leur outil, afin que la confrontation des deux partenaires dans le contrat se fasse sur la base de documents stratégiques, ce qui enrichira la négociation.

M. Jean-Claude Daniel : La réévaluation va être primordiale, que ce soit dans le cadre des contrats de plan ou dans celui de cette prospective à vingt ans, sinon le suivi ne servirait à rien. Cette politique de réévaluation, menée à la fois au niveau de l'État et au niveau des régions, est un enjeu important.

Nous l'avons bien vu au travers de la préparation des schémas régionaux d'aménagement (SRADT) et du premier rapport que la délégation a publié, les régions ne sont pas pour l'instant sur un pied d'égalité en ce qui concerne l'ingénierie et à la possibilité de réévaluer les politiques entreprises. Il va donc falloir prévoir des règles relatives à cette réévaluation.

L'existence de règles communes à tous les schémas est importante pour fixer la politique de l'État, et la rendre lisible en région, même si ces règles communes sont moins normatives que dans le passé.

Par ailleurs, il est évident qu'il conviendra de fixer les limites de la souplesse accordée aux régions, afin que l'on n'aboutisse pas, dans le paysage territorial, à des iniquités redoutables, avec des régions qui avanceraient à des rythmes très différents, ce qui donnerait lieu à l'existence de régions de seconde zone et de régions de premier plan. Je ne suis d'ailleurs pas loin de penser que c'est déjà partiellement la réalité.

La poursuite de la réflexion sur la décentralisation amènera à se poser la question suivante : les espaces régionaux sont-ils définitivement et uniformément figés dans leur dimension, dans leur géographie, ainsi que dans leur conception politique ? On ne peut pas se dire que cela est figé pour les vingt ans qui viennent ; réévaluer les termes des politiques menées est donc une nécessité constante. C'est pourquoi le législateur a souhaité la création de délégations parlementaires à l'aménagement du territoire.

M. Dominique Parthenay : S'agissant de la question des cadres territoriaux et de la décentralisation, il est évident que le rôle du schéma de services collectifs n'est pas de régler la question des évolutions institutionnelles. Toutefois, la plupart des schémas de services collectifs posent le problème de la différenciation des politiques, et par conséquent celui de l'échelle à laquelle cette différenciation trouve son sens et celui des modalités de cette différenciation. On constate une assez grande convergence qui ne tient pas simplement au fait que nous sommes passés par un échelon régional dans l'élaboration du document, car souvent c'est au niveau des comités stratégiques, au niveau des administrations centrales que ces points ont été soulignés ; le niveau régional apparaît, dans de nombreux schémas, comme le niveau de la régulation qui permet justement, par rapport à des enjeux d'équité, d'adapter les politiques aux réalités et aux diversités des territoires.

Un débat se précise : parle-t-on de déconcentration, de décentralisation, de "déconcentralisation" ou de "décenconcentration" ? Il n'appartient pas aux schémas de faire des propositions, mais ils posent tout de même la question ; ils montrent bien que pour un certain nombre de politiques publiques, c'est au niveau de l'échelon régional, dans un cadre institutionnel qui n'est sans doute pas figé, qu'un certain nombre de solutions doivent être trouvées, notamment pour la santé, la culture ou le sport. Les schémas, qui renvoient plus à des politiques publiques qu'à des infrastructures, sont tous confrontés à cette question de la régulation territoriale et de la différenciation.

C'est plus qu'une réévaluation qu'il nous faut : avant 2003 nous devons nous perfectionner, poursuivre la réflexion et l'enrichir sur un certain nombre de points.

M. le Président : Certains schémas sont plus transversaux, tel celui des espaces culturels et ruraux qui comporte deux approches : l'espace environnemental, et le développement, qu'il s'agisse du développement agricole ou du tourisme. Comment le schéma a-t-il été élaboré, quelles ont été les difficultés à dépasser pour arriver à une synthèse ?

M. Dominique Parthenay : On entre là dans le détail des schémas, mes collègues des différents ministères pourraient mieux vous répondre.

Néanmoins, je puis vous dire que nous avons rencontré de réelles difficultés pour ce schéma. Il s'agit d'un espace qui, jusqu'à présent, n'avait pas fait l'objet de planification. Les deux ministères copilotes de cet exercice - agriculture et environnement - ont dû se construire une doctrine et un outil dans des délais qu'ils ont considéré comme insuffisants pour finaliser leur projet. C'est probablement l'un des schémas sur lequel le travail conceptuel n'est pas achevé aujourd'hui et nécessitera une poursuite de la réflexion stratégique et un approfondissement des contenus.

Il me semble cependant que, dans ce schéma, trois points méritent d'être soulignés.

Tout d'abord, il permet un état des lieux intéressant.

Ensuite, il permet de mettre en perspective la gestion des espaces naturels et ruraux dans un ensemble de politiques structurantes. Jusqu'à présent, lorsqu'on évoquait des politiques structurantes, on mentionnait le transport, l'enseignement, la recherche, mais pas la gestion des espaces naturels et ruraux. Or, dans ce schéma, cet enjeu est mis sur un pied d'égalité avec ceux des autres schémas ; et je pense que cela correspond réellement à une évolution sociétale, on voit bien l'intérêt que portent nos concitoyens aux questions de cadre de vie.

Enfin, il existe un large consensus des acteurs de ce schéma pour promouvoir le concept de "multifonctionnalité", qui doit piloter l'ensemble des politiques publiques affectant les espaces naturels et ruraux. Il s'agit là d'une avancée très importante dont il faudra ensuite tirer les conclusions en termes de contenu de politique, pour la politique agricole, par exemple. Mais il reste un long travail à accomplir.

M. le Président : Il ne s'agit pas de problèmes de même nature. Dans certains schémas, on gère des réseaux, des pôles, des filières, alors que dans ce cas, on gère un espace, ce qui est nouveau et plus complexe.

M. Dominique Parthenay : Cela pose le problème des échelles des schémas ; jusqu'où va-t-on, de quoi traite-t-on, y compris quand on traite d'infrastructures, jusqu'où descend-on dans un document qui est national ?

Le schéma des espaces naturels et ruraux présente neuf choix stratégiques nationaux, ce qui ne veut pas dire que le reste des territoires est insignifiant et sans portée. C'est un débat assez difficile que nous avons eu avec les différents acteurs de ce schéma : pouvait-on traiter du territoire en évoquant des territoires considérés comme étant "plus stratégiques" que d'autres, ce qui laissait supposer que certains territoires retenaient moins l'attention de la puissance publique ? Toutefois, sur un certain nombre d'espaces, l'État a des responsabilités propres qu'il doit mettre en valeur.

Le schéma des espaces naturels et ruraux, parmi un certain nombre de contenus, développe un certain nombre de choix stratégiques nationaux considérés comme devant focaliser l'attention des différents partenaires.

M. le Président : Ce que vous dites est rassurant, nous avons bien vu cette hiérarchisation des objectifs.

M. Dominique Parthenay : Il ne s'agit évidemment pas de dire que certains territoires nous intéressent et d'autres pas, mais que sur un certain nombre de territoires, compte tenu de leur évolution présupposée, il existe des enjeux de politiques publiques plus forts qu'ailleurs.

J'ai eu avec mes collègues un débat un peu vif sur la Vanoise, territoire stratégique. C'est sans doute un territoire de très grande valeur patrimoniale, mais personnellement je ne la considère plus comme un territoire stratégique au titre d'un schéma des espaces naturels et ruraux, puisqu'elle est classée parc national depuis les années 1960. La reclasser dans un schéma comme territoire stratégique voudrait dire que la politique des parcs nationaux a échoué. Le schéma doit traiter de politiques publiques à mettre en œuvre et non pas de politiques déjà mises en œuvre.

M. Pierre Cohen : Je crois à cet exercice et il me semble important, puisque le stock d'infrastructures semble à peu près fourni, de savoir comment le faire fonctionner, comment l'améliorer, de s'interroger sur ce que doivent être les services publics sur les territoires.

Quant au contenu des schémas, je crains que si l'on poursuit l'exercice qui consiste à définir des endroits stratégiques, voire même à continuer à prévoir des infrastructures, le débat national ne tournera qu'autour de ces éléments. Et cela masquera l'originalité de la loi qui consiste à faire que tous les partenaires s'approprient ce débat : comment faire pour que le service public puisse être mis en place sur l'ensemble du territoire ?

Vos propos ont été rassurants, mais le risque de voir les infrastructures prendre le pas sur les autres priorités existe. Dans la région Midi-Pyrénées, par exemple, nous aurions aimé avoir un contrat de plan État/région moderne, alors que nous avons été obligés d'y inscrire d'importantes infrastructures autoroutières.

M. Dominique Parthenay : Je ne sais pas si je peux vous rassurer sur cette question. Je pense qu'effectivement, ce risque existe ; il sera de nature variable selon les schémas. On ne peut pas contourner, dans certains schémas, la question des infrastructures ; elle est au cœur de certains schémas et notamment des transports, un schéma de transport sans infrastructures friserait la provocation ! On sera donc forcément amener à traiter de cette question, même si le schéma s'efforce d'évoquer des enjeux des politiques de transport.

La plupart des autres schémas traitent plus des politiques publiques que des infrastructures et de la manière dont ces politiques doivent s'adapter et se décliner sur les territoires.

M. Jean-Claude Daniel : Les régions forment le maillage d'un territoire plus vaste qu'est le territoire national. Les schémas de services collectifs doivent donc prendre en compte ce territoire national. Il reste à déterminer, pour ce territoire national, comment se fait l'expertise partagée. L'État va-t-il définir la politique pour tous à l'échelle nationale ? Comment se fait la concertation qui a été voulue et choisie ?

Une fois arrêtée la politique pour le territoire national, il est évident qu'elle a un impact fort sur les régions, en plein ou en creux selon les choix qui auront été faits. Il faut en tenir compte.

M. Dominique Parthenay : Votre question comporte deux aspects. Tout d'abord, le processus d'élaboration apporte-t-il des garanties ? Il est plus satisfaisant que ce qui existait par le passé, car il s'agissait d'actes purement administratifs ; mais est-ce suffisant ? Il est certain qu'on a mis en place un processus d'itération auquel l'État a essayé de donné un cadrage. Ces documents de cadrage ont été confrontés aux réalités régionales dans un travail de concertation qui s'est déroulé de manière inégale dans l'ensemble des régions ; il a, cependant, fait une vraie place au débat local et aux attentes locales. Ce travail a ensuite fait l'objet d'une synthèse, d'un arbitrage au sein des ministères et va de nouveau être présenté aux acteurs, locaux et nationaux, puisqu'il va venir devant votre délégation.

Cela est-il suffisant pour répondre à la question que vous évoquez, comment vont se faire les arbitrages nationaux ? Nous devrons, les uns et les autres en faire le bilan.

Le second aspect de votre question porte sur l'introduction commune aux schémas. Quels sont les éléments du cadrage censés imprimer la marque d'une vision territoriale à l'ensemble des schémas ? Quel est l'objectif poursuivi ? Quelle est la stratégie d'ensemble ? Puisque les schémas ne sont pas l'addition des contributions régionales, quelle est la vision de la politique d'aménagement du territoire qu'ils portent et qu'ils sont censés décliner dans les différents champs les concernant ? C'est le rôle du document introductif que d'essayer de l'éclairer ; il reprend les choix stratégiques de la loi de 1999.

M. le Président : La structure de régulation d'expertises, n'est-ce pas finalement la DATAR, ou une DATAR revue dans une perspective un peu moins jacobine, un peu moins centralisatrice et un peu plus interactive ?

Ne peut-il pas exister des organismes comme ceux qui existent pour les politiques sociales en Finlande, ou des organismes qui sont des organismes d'État, mais qui ont, en même temps, une certaine distance pour procéder à un audit, à une expertise autonome et indépendante sur l'aménagement du territoire ?

M. Jean-Claude Daniel : Cela pourrait être la DATAR, mais à condition que cela puisse devenir un lieu d'expertise partagé. Mais là, on anticipe sur la suite de notre travail.

M. Dominique Parthenay : Il s'agit là encore d'un autre sujet : on parle de l'évolution des outils de la DATAR qui a été créée par un décret de 1963 toujours en vigueur : est-elle encore adaptée, y compris dans sa structure institutionnelle, aux défis du temps présent ?

M. le Président : La loi ayant changé, les modes d'action vont évoluer, il est peut-être aussi nécessaire que les outils connaissent les mêmes évolutions.

M. Pierre Cohen : Les schémas de services collectifs sont hétérogènes, de même que le sont la façon de les élaborer, les différents partenaires concernés, et les niveaux de décisions et de suivi ; sera-t-il possible de recenser les partenaires qui participent peu à la décision ou à la mise en œuvre de l'évaluation ? Pourra-t-on discuter de la façon dont les territoires sont réellement occupés ? Ce sera peut-être l'occasion d'améliorer la façon dont la déconcentration a été menée. Je pense aux agences régionales de l'hospitalisation (ARH) qui sont largement critiquées dans leur façon d'agir...

M. Dominique Parthenay : ... les ARH étaient là non pas pour concerter, mais pour trancher. Mais ce n'est plus la philosophie actuelle.

M. Pierre Cohen : Ces schémas de services collectifs auront-ils pour rôle de faciliter la conciliation de nouveaux partenaires concernés, de promouvoir de nouveaux modes de concertation ? Enfin, quel est le meilleur espace pour prendre ce type de décision ?

M. Dominique Parthenay : Les schémas ne couvrent pas forcément tous les domaines dans lesquels ce type de débat se pose ; mais pour certains, la question se pose.

On sort d'une planification qui était à la fois une représentation du territoire futur et la recherche de consensus par accumulation (un catalogue) ; aujourd'hui, ce n'est plus crédible. Ce que doit apporter cette nouvelle génération de planification, c'est d'être au moins un support capable d'organiser le débat sur des enjeux de politiques publiques qui sont en train de se dessiner pour savoir comment réguler un certain nombre d'évolutions.

Prenons un exemple. Le comité stratégique du schéma "santé" a parfaitement décortiqué le problème de la démographie médicale sur les territoires. L'effet du numerus clausus installé au début des années 1970, et la poursuite de la médicalisation - qui fait que, même si l'on a un plafonnement de la démographie dans les vingt ans qui viennent, on devra faire face à une poursuite de l'accroissement des actes compte tenu du vieillissement de la population - va entraîner une réduction mécanique de la diffusion des médecins sur le territoire.

Jusqu'à présent, compte tenu de la surpopulation médicale, on avait plutôt un desserrement de la démographie médicale des grandes villes au profit d'espaces moins denses. On risque, maintenant, de connaître un retournement de tendance assez fort. Que devons-nous faire ? Devons-nous réguler en relâchant le numerus clausus, en imposant des contraintes aux jeunes médecins, en incitant les jeunes par des mécanismes d'installation ? Comment gérer cette question qui, en outre, se télescope avec des évolutions de pratiques ?

Ces schémas doivent nous permettre d'éclairer ce genre de question.

La reconstruction d'une expertise pour l'État est un enjeu fondamental de cet exercice ; de la même manière, les collectivités locales doivent, elles aussi, avoir cette capacité de se doter de moyens d'expertise.

Mme Ariane Azéma : Par ailleurs, certains schémas abordent des questions de procédure et d'espaces de concertation avec différents partenaires ou avec les collectivités ; c'est le cas du schéma "enseignement supérieur et recherche", du schéma "culture" et du schéma "sport". Mais le ministère de la culture a pourtant intégré, à juste titre, de tels éléments pour aider à recomposer des lieux de débats, d'échanges, de décision, notamment dans le cadre régional.

Etant donné que nous attendions plutôt des mesures de localisation ou des orientations de politiques publiques, cette introduction de procédures ou d'instances est une façon de maintenir la porte ouverte avant que l'acte 2 de la décentralisation se précise.

M. le Président : Madame, Monsieur, je vous remercie infiniment.


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