ASSEMBLÉE NATIONALE


DÉLÉGATION
À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT
DURABLE DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N°10

mardi 6 décembre 2000
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Philippe Duron, président

SOMMAIRE

 

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- Audition de Mme Dominique VOYNET, Ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement

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La délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire a entendu Mme Dominique Voynet, Ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

M. le Président : Mes chers collègues, nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, pour une audition ouverte à l'ensemble des députés et à la presse, et consacrée aux schémas de services collectifs.

Madame la ministre, votre nom restera associé à la loi du 25 juin 1999, qui a renouvelé la conception que l'on se fait de l'aménagement du territoire et qui va en favoriser le remodelage. Jusqu'à présent, la vision qui consiste à développer et à répartir prédominait ; à cela vous avez souhaité ajouter des valeurs nouvelles, telles que la logique de besoins, (la prise en compte des besoins des territoires et de leurs habitants), le développement durable et la démocratie participative (l'association des citoyens à un débat en amont), de sorte que l'appropriation des thèmes de l'aménagement du territoire soit plus large que par le passé.

Cette loi a mis en place neuf schémas de services collectifs, élaborés par les ministères compétents, qui vont faire l'objet d'une concertation très importante, non seulement avec les régions, mais également avec le conseil national d'aménagement et de développement du territoire (CNADT) et les délégations du Sénat et de l'Assemblée nationale : pour ce faire, notre délégation a désigné neuf rapporteurs. Dans deux semaines, nous auditionnerons M. Jean-Louis Guigou, le Délégué à l'aménagement du territoire, sur l'ouvrage "Aménager la France de 2020", et au mois de janvier nous engagerons toute une série d'auditions des responsables de l'élaboration de ces neufs schémas de services collectifs, l'avis de l'Assemblée nationale devant être formalisé avant le 1er juin.

Ces schémas de services collectifs représentent un exercice très intéressant, nouveau et complexe. Il est intéressant, parce qu'il envisage la politique de l'État et son rapport avec les politiques régionales de façon tout à fait novatrice. Cette nouvelle conception vise à prendre en compte les besoins, non seulement en infrastructures, mais également en services nécessaires à nos concitoyens et à nos territoires. C'est là, me semble-t-il, le défi de cette génération de schémas qui remplacent les anciens schémas sectoriels. Il serait donc intéressant, madame la ministre, que vous nous décriviez leur philosophie, la méthodologie d'élaboration, ainsi que les grandes tendances que vous souhaitez voir mises en débat durant les quatre mois de concertation à venir.

Mme Dominique VOYNET : Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, cette audition consacrée aux schémas de services collectifs me donne l'opportunité de dresser un rapide bilan de la mise en _uvre de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire du 25 juin 1999. Je serai plus précise sur les schémas de services collectifs, mais je voudrais vous donner quelques indications sur les mesures prises depuis plusieurs mois pour rendre la loi opérationnelle.

Cinq décrets ont été adoptés et publiés au cours des dernières semaines, concernant le groupement d'intérêt public environnement, la conférence régionale d'aménagement et de développement du territoire (CRADT), le schéma régional d'aménagement du territoire, le conseil national d'aménagement et de développement du territoire (CNADT) et les pays. Trois autres décrets ont été arbitrés et sont en cours de signature : ce sont ceux qui concernent l'aliénation des chemins ruraux, les relevés topographiques et la mise en place des agglomérations. Enfin, un décret est encore en examen au Conseil d'État, celui des services publics. La circulaire relative au fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) a été signée par le Premier ministre. Les circulaires sur le volet territorial des contrats de plan État-région et celles qui sont consacrées aux pays sont en voie d'achèvement.

Tout cela a été long, trop long à mes yeux. Cette lenteur est due en partie à la complexité du sujet ; je vous rappelle, par exemple, que vous avez souhaité, avec l'article de la loi concernant les pays, vous donner toutes les garanties nécessaires afin de ne pas déstabiliser les départements, et de clarifier les règles du jeu quand des territoires se superposaient. Mais ce qui explique réellement le temps très long de l'élaboration de ces décrets, c'est la concertation. J'avoue que lorsque j'en ai pris l'engagement, je ne mesurais pas l'ampleur de la tâche. Faire des allers et retours entre le Gouvernement et les partenaires de cette concertation a pris beaucoup de temps.

Qu'importe, nous y sommes et j'en viens maintenant au c_ur de cette réunion d'aujourd'hui qui concerne les schémas de services collectifs.

Tout d'abord, quelques éléments de méthode. Vous avez reçu les schémas, vous avez donc pu constater qu'il s'agissait d'un travail considérable, même si certains d'entre vous attendent toujours la duplication des derniers documents, alors que nous voulions vous les donner en premier, avant même de les faire parvenir aux partenaires régionaux de la consultation ; mais ceux qui n'en disposent pas pourront les trouver sur le site Internet du ministère et je vous invite à diffuser largement cette information. Nous avons tout à fait le droit de mener cette consultation au-delà de ce qui est le minimum prévu par la loi.

Ensuite, quelques éléments de calendrier, en vous rappelant les principales étapes prévues. Nous avons déjà vécu la première phase de cadrage au sein de chaque ministère, pilotée par un comité stratégique ayant fixé les grandes orientations de l'État à l'automne 1998. Je vous invite d'ailleurs à solliciter mes collègues du Gouvernement, l'exercice d'élaboration des schémas de services collectifs n'étant pas un exercice solitaire de la ministre de l'aménagement du territoire : il a ainsi mobilisé de nombreux ministères et chacun des ministres a eu à c_ur de contribuer, de façon personnelle, au travail de construction des projets de schémas.

Deuxième phase : la contribution régionale. Elle a été réalisée, à la fois, par les services déconcentrés de l'État en région et par les acteurs régionaux ; selon les régions, les uns ou les autres ont pris plus de poids et se sont engagés davantage dans l'exercice. Cette phase a duré tout au long de l'année 1999 et a été, pour les régions, l'occasion de mettre en cohérence les suggestions apportées au débat préalable à l'élaboration des schémas de services collectifs nationaux et à leurs propres schémas régionaux d'aménagement du territoire

Troisième phase : la rédaction des projets de schémas, qui est achevée depuis la réunion du 26 octobre dernier, depuis la décision de transmettre ces projets pour consultation dans les régions et au niveau national. La loi prévoit que le délai légal de la consultation est de deux mois au niveau régional, et au minimum d'un mois au niveau national. Ce délai, j'en conviens, est bien court, mais nous n'avons pas envisagé de forcer la consultation au niveau régional pour vous demander une réponse avant la fin du mois de décembre. Nous sommes tous à fait conscients de la proximité de l'échéance électorale et de la gêne que pourraient ressentir certains acteurs locaux d'avoir à se prononcer sur des projets très lourds au moment où leur mandat est remis en jeu.

Nous avons donc prévu d'ouvrir maintenant la consultation mais de la poursuivre jusqu'au 15 avril 2001, c'est-à-dire après les élections municipales. Cela étant dit, compte tenu du délai légal de deux mois, nous déciderons, à un moment donné, que la période officielle de la consultation est ouverte. Jusque-là, vous serez dans une phase officieuse de consultation qui vous donnera le temps de vous saisir des documents, d'organiser des discussions. Bien entendu, nous essayerons de ne pas laisser aller exagérément ce calendrier au lendemain des élections municipales.

Au niveau national, vous avez besoin de prendre le temps d'examiner les documents, mais également d'obtenir les avis des régions ; il nous est donc difficile de vous demander de travailler avant le 15 avril. Par conséquent, nous avons prévu de faire courir le temps officiel de la consultation du conseil national d'aménagement du territoire et des délégations parlementaires à compter du moment où les avis des régions seront disponibles, c'est-à-dire à partir du 15 avril, votre avis devant être recueilli avant le 30 mai 2001. L'objectif est de pouvoir ensuite utiliser un mois ou un mois et demi pour finaliser les schémas et les transmettre au Conseil d'État avant le 14 juillet 2001.

Je ne reviendrai pas en détail sur les principes qui ont guidé l'action de l'État pour l'élaboration de ces schémas, nous avons eu l'occasion d'en discuter très largement lors de l'examen du projet de loi à l'Assemblée. J'ai déjà pu, devant votre délégation parlementaire et lors d'auditions au sein de la commission de la production et des échanges, y revenir assez longuement, je vous rappellerai donc simplement que nous avons voulu une démarche qui ne s'applique pas simplement au champ traditionnel de la planification (transports de voyageurs, transports de marchandises, enseignement supérieur), mais qui porte aussi sur des champs nouveaux, tels que la culture, la santé, les technologies de l'information et de la communication, le sport, l'énergie, les espaces naturels et ruraux, avec le souci de ne pas nous en tenir uniquement à la localisation de grands équipements ou de grandes infrastructures, mais en nous intéressant également à l'organisation des services et à l'accompagnement des usages des différents équipements et services.

Il ne s'agit pas pour autant de se contenter d'un travail de prospective un peu littéraire, nous devons être opérationnels à court terme ; l'idée est bien d'élaborer des schémas à vingt ans qui seront régulièrement réactualisés. Nous souhaitons également que les schémas s'adossent aux principaux instruments financiers, contractuels, nationaux et communautaires ; je pense bien entendu aux contrats de plan État-région pour lesquels nous avons prévu une phase d'évaluation et éventuellement de réorientation en 2003, au moment où les outils territoriaux seront arrivés à maturité, mais également aux documents uniques de programmation au niveau communautaire.

Je vous dirai maintenant quelques mots sur chacun de ces schémas, sachant que vous ne les avez pas encore examinés dans le détail. Mes collègues du Gouvernement, mon équipe, les membres des comités de pilotage des schémas de chaque ministère concerné et moi-même sommes tout à fait à votre disposition pour rencontrer les rapporteurs et les membres de la délégation.

Premièrement, le schéma des espaces naturels et ruraux. Il s'agit d'une grande nouveauté dans cet exercice de planification territoriale avec la tentative de définir et de cartographier les services rendus à la collectivité par les espaces naturels et ruraux, afin d'en tirer les conséquences en terme de politiques publiques et non pas seulement de zonages. Cinq grandes catégories de services ont été identifiées : la préservation et la gestion des ressources naturelles, la biodiversité et les aménités (c'est-à-dire la possibilité de jouir d'un paysage et d'un cadre de vie agréable), la prévention des risques naturels, la production agricole et la production forestière.

Pour la première fois, la multifonctionnalité des espaces naturels et ruraux est décrite, les fonctions non marchandes rendues par ces espaces étant traitées de façon aussi approfondie que les fonctions productives plus traditionnelles. Nous avons cherché à identifier les tendances lourdes dans certains espaces menacés, notamment par l'abandon des territoires dans des zones rurales difficiles, par la progression de l'urbanisation et le mitage dans d'autres territoires, ainsi que par l'intensification de la production dans des zones très favorables.

La préparation de ce schéma a déjà eu un impact concret puisque les profils environnementaux nécessaires à l'élaboration des documents uniques de programmation européenne, des contrats de plan État-régions et du programme national de développement rural ont été élaborés sur la base de ce projet de schéma.

Deuxièmement, le schéma de services collectifs de l'énergie. Nous devons faire en sorte que ce schéma puisse contribuer à la mobilisation générale pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre, afin que nous respections nos engagements internationaux. L'accent est mis sur la nécessité d'exploiter les gisements d'énergies renouvelables et de maîtrise de l'énergie, et également d'améliorer les services rendus aux usagers. L'élaboration de schémas régionaux de l'énergie dont le suivi sera assuré par les conférences régionales d'aménagement du territoire (CRADT) sera le prolongement de cette réflexion ; les thèmes abordés sont très variés, tels que la sécurisation de l'alimentation électrique rendue nécessaire par les tempêtes, ou d'autres sujets plus traditionnels.

Troisièmement, le schéma de services collectifs des transports. Il a donné lieu à de nombreux débats, et je suis convaincue que ce n'est pas terminé. Le scénario retenu est celui dit "multimodal volontariste" qui entend donner la priorité au rééquilibrage en faveur du fret ferroviaire, des transports alternatifs à la route pour les déplacements interurbains, des transports collectifs en milieu urbain et péri-urbain. L'objectif du doublement du fret ferroviaire en dix ans est réaffirmé, l'idée de mieux utiliser les réseaux existants, avant d'envisager de nouvelles infrastructures, d'éviter les doublons en termes d'équipements sur les mêmes axes pour les mêmes usages, est également reprise.

Je suis à votre disposition pour répondre à des questions plus précises sur tel ou tel projet, mais à ce jour, et parce que la présentation de l'ensemble des schémas a donné lieu à un débat qui se limitait aux questions de transport, je souhaite vous dire que le Gouvernement entend complètement jouer le jeu de la consultation. En effet, vous avez pu lire des titres dans les journaux annonçant que le Gouvernement "avait décidé tel projet de route ou d'aéroport" ; or ce n'est pas vraiment cela : le Gouvernement prend une position et la soumet au débat. Sa position définitive sera celle qu'il transmettra au Conseil d'État sous forme de projet de schémas de services collectifs, issu de la concertation, au milieu de l'année 2001.

Je tenais à apporter cette précision, car les titres des journaux pouvaient donner à penser que ce n'était pas le cas ; et cela est vrai pour ce schéma des transports comme pour tous les autres. Ces schémas sont de qualité inégale, ils portent assez lourdement la marque des traditions, des expériences accumulées dans les différents ministères. Certains d'entre eux avaient des expériences de planification, de prospective et de stratégie, alors que d'autres ont découvert cet exercice. Il est donc normal et naturel que vous puissiez enrichir cette réflexion.

Quatrièmement, le schéma de services collectifs culturels. Ce schéma porte sur un champ qui est largement partagé, notamment sur le plan financier, avec les collectivités locales. Les choix stratégiques sont définis autour du soutien à la création, de la constitution de pôles artistiques et culturels, de l'égalité d'accès à l'art et à la culture et avec le souci d'un rééquilibrage territorial grâce à des zones d'intervention prioritaires.

Cinquièmement, le schéma des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Il s'agit d'un schéma sur lequel nous nous sommes beaucoup interrogés au moment de la discussion de la loi, compte tenu du fait que nombre des acteurs qui interviennent sont privés, qu'ils ne sont pas toujours territorialisés et qu'ils ne s'inscrivent pas forcément dans le champ des politiques nationales. Cependant, nous avons voulu inscrire pleinement ce schéma dans le programme d'action gouvernemental pour la société de l'information, avec des mesures à court et à moyen terme.

Il s'agit de développer les nouvelles technologies auprès du grand public et au sein des entreprises, en conférant un rôle prééminent au système éducatif, d'assurer la modernisation de l'État et de nous doter de capacités d'anticipation en améliorant profondément les services collectifs rendus aux citoyens (notamment dans le domaine de la culture ou de la santé), de favoriser un accès généralisé à une offre de service des télécommunications adaptée pour tous les territoires ; les réseaux des hauts débits constituent évidemment un enjeu important du schéma. L'objectif est de garantir pour tout usager un débit de 2 mégabits/seconde, à l'échéance de 2005, à un coût abordable et équivalent selon les territoires. Quant aux réseaux de téléphonie mobile de nouvelle génération, l'objectif est celui d'une couverture territoriale complète pour les bassins de vie à l'échéance de la décennie.

Sixièmement, le schéma de services collectifs du sport, exercice totalement nouveau. Il s'agit là encore d'articuler les politiques publiques et les pratiques sportives avec les enjeux sociaux et territoriaux contemporains, en recherchant l'accessibilité de tous les publics aux pratiques sportives dans une finalité à la fois éducative, récréative et de santé, ainsi que la contribution des services sportifs au développement et au rayonnement du territoire. Là encore, le champ d'action est largement partagé avec les collectivités locales, sur le plan financier tout particulièrement.

Septièmement, le schéma de services collectifs sanitaires que vous n'avez pas encore, Mme Elisabeth Guigou n'ayant pas eu le temps de l'étudier depuis sa récente entrée en fonctions. Nous avons souhaité pouvoir prendre en compte le rapport de Mme Dominique Polton. A partir d'un diagnostic sur la permanence d'inégalités territoriales en matière d'état de santé et d'offres médicales, sur la base de l'émergence de nouveaux besoins, ce schéma retient trois orientations majeures : un système de protection sociale solidaire, un cadre territorial régional permettant de développer les actions stratégiques de l'État et le passage d'une logique d'institution à une logique de service de santé. Tout cela n'est pas nouveau, il s'agit des axes qui étaient déjà affirmés de façon forte dans le travail des agences régionales de l'hospitalisation (ARH). Il s'agit en fait de mettre ce travail en cohérence au niveau national. Ce schéma fait partie des bonnes surprises, car nous avons craint, à un moment, qu'il ne soit qu'une somme des contributions régionales, or on constate un vrai travail stratégique permettant d'assurer la cohérence de ce schéma.

Huitièmement, le schéma de services collectifs de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il vise la mise en cohérence d'une offre de formation complète, le développement optimal des potentialités de recherche sur le territoire, une plus grande qualification du territoire, une amélioration des conditions de vie universitaire. Il reprend très largement le travail engagé avec le plan U3M et les mesures inscrites dans les contrats de plan État-régions.

En conclusion, je vous rappellerai que les schémas présentés aujourd'hui sont des schémas provisoires, soumis à concertation, destinés à être amendés. Ils ne sont pas à prendre ou à laisser. Nous sommes tous conscients du fait que, dans certains domaines, l'exercice de planification et de prospective est un exercice nouveau associant de très nombreux acteurs qui ne sont pas forcément habitués à travailler ensemble. Je vous invite donc, dans cette phase de consultation, à vous saisir de ce débat, à faire entendre votre voix, à organiser les consultations qui vous paraîtront utiles. Je le vois comme une aide précieuse.

Ce qui se dégage de ces schémas, c'est la fin du prêt à penser, que ce soit le tout-nucléaire, le tout-routier ou le tout-nature ; je ne suis pas en train de vous vendre un modèle qui serait exclusif et dominant. Nous approchons, avec ces schémas, ce que doit être une stratégie de développement qui parie sur les potentialités des territoires, tout en tenant compte de l'existant, que ce soit en termes d'handicaps ou d'atouts.

Par ailleurs, je ne considère pas non plus ces schémas comme un arsenal administratif supplémentaire qui serait imposé par l'État à l'ensemble des partenaires et acteurs des territoires. Ces documents sont d'abord des documents d'orientation qui ont un caractère largement prospectif, dont les dimensions prescriptives restent limitées du fait du respect de la décentralisation et du principe de libre administration des collectivités territoriales. Si cette affirmation reste assez théorique pour ce qui concerne des politiques qui sont d'abord des politiques d'État (la localisation d'un troisième aéroport international en région parisienne n'est pas de la responsabilité d'une collectivité locale), on voit que certains champs demandent une coopération très intense entre les collectivités locales et l'État ; il conviendra de privilégier le contrat, la négociation et le partenariat.

La mise en _uvre de schémas ne doit pas être ponctuelle, mais doit s'inscrire dans les grands instruments de programmation engagés par l'État ; je pense aux contrats de plan État-région, mais également aux documents uniques de programmation. Dans la plupart de ces politiques, nous avons cherché à assurer cette cohérence, et je ne crois pas que nous aurons de mauvaises surprises en dépit des facéties du calendrier qui nous conduisent à examiner les schémas de services collectifs après la signature des contrats de plan.

Enfin, vous avez posé, dans la première réunion de la délégation, la question du suivi et de l'évaluation des politiques d'aménagement du territoire. Il est vrai que nous devons penser dès à présent le dispositif de suivi et d'évaluation des schémas, et j'attends vos propositions. La solution est-elle de prévoir un interface permanent entre les comités de pilotage des schémas et les délégations parlementaires ou faut-il confier cette évaluation à des acteurs extérieurs ? Je ne sais pas encore quelle est la meilleure solution, mais je compte sur vous pour réfléchir à cette question.

M. le Président : Madame la ministre, je vous remercie. Vos propos sont à la fois très ambitieux et passionnants. Nous avons, avec ces schémas de services collectifs, à relever un double défi. Le premier est un défi global, comment mieux insérer notre pays dans l'espace européen et dans l'économie mondiale, et le deuxième, un défi plus spécifique, comment mieux prendre en compte les problèmes locaux. Nous avons à faire face à des problèmes en mutation, avec les évolutions démographiques de notre pays, l'allongement de la vie, le renouveau d'un certain nombre de communes rurales, mais aussi avec le désir qu'ont les habitants qui vivent en dehors des métropoles (25 % de la population) de bénéficier de services de proximité, rénovés, renouvelés.

Ce défi est d'autant plus complexe que nous vivons dans une France décentralisée - et qui le sera encore plus demain -, déconcentrée, la mise en œuvre de la planification territoriale impliquant de ce fait de très nombreux partenaires.

Vous nous avez précisé, madame la ministre, qu'il ne s'agissait pas d'exercices contraignants, et qu'ils étaient faiblement prescriptifs ; pouvez-vous nous préciser quand ils le sont ? Vous avez également indiqué qu'ils avaient servi de cadrage aux documents uniques de programmation (DOCUP) et aux contrats de plan État-région. Seront-ils aussi les outils de cadrage des futurs contrats de pays et d'agglomérations ?

Mme Dominique VOYNET : Je me suis sans doute mal exprimée en disant que les schémas seront faiblement prescriptifs ; en fait, ils seront bien validés par décret, avec une introduction globale : ils seront donc prescriptifs. Mais ils le seront de façon inégale, dans le champ des compétences de l'État et dans le respect des compétences des collectivités locales et des lois de décentralisation.

M. Patrick OLLIER : Monsieur le président, j'interviendrai d'abord sur la méthode, ensuite sur le fond.

Je suis venu aujourd'hui ,à la suite de votre invitation, monsieur le président, à l'audition de madame la ministre sur les schémas de services collectifs, compte tenu du fait que la loi a renforcé l'intervention parlementaire en prévoyant de recueillir son avis sur les projets. S'agissant de la méthode, je constate tout d'abord que tous les parlementaires ne disposent pas de tous les documents, certains n'en ont même pas du tout ou un seul. Comment peut-on alors discuter sérieusement, aujourd'hui, de documents dont nous n'avons pas eu le temps de prendre connaissance ?

Ma deuxième observation concerne la manière dont la consultation a été organisée et le temps qu'il nous a fallu attendre pour que l'ensemble des décrets soit pris. Madame la ministre, je vous remercie d'avoir anticipé certaines questions, les sénateurs vous les ont certainement déjà posées, mais comprenez que nous ayons des résurgences des débats que nous avons eus dans l'hémicycle, il y a maintenant plus d'un an et demi, où l'opposition a été accusée d'avoir perdu du temps entre 1995 et 1997. Or aujourd'hui, on se rend compte que ce qui devait être réalisé en quelques mois sera achevé à l'été 2001. Excusez-moi de le dire avec brutalité, mais cela est beaucoup trop long !

En définitif, il aura fallu attendre deux ans pour obtenir les décrets (le décret sur la CRADT a été publié il y a quelques semaines seulement), et les pays expérimentaux qui sont prêts depuis plusieurs années attendent toujours que les CRADT se réunissent pour les valider ; comprenez donc que cela puisse être lassant.

Néanmoins, j'apprécie vos qualités sportives, en la matière, madame la ministre ! Car il s'agit d'une gymnastique difficile à réaliser. En effet, vous nous expliquez que l'on va faire en sorte de ne pas respecter les délais légaux tout en les respectant, en ouvrant une consultation officieuse ! Je trouve, madame, que l'on aurait pu s'y prendre autrement et je me dois, en tant que responsable de mon groupe, vous faire observer les manquements à un travail qui aurait pu être réalisé dans d'autres conditions.

En ce qui concerne le rôle du Parlement, j'ai le souvenir des très vives discussions que nous avons eues. Je le dis sereinement et sans passion, je serais heureux de reconnaître que j'avais tort, mais malheureusement, les événements me confirment que nous avions eu raison d'affirmer, il y a dix-huit mois, que le rôle du Parlement, dans la politique d'aménagement du territoire, était réduit au niveau du croupion. Pourtant, le Parlement avait eu son mot à dire sur la mise en œuvre des schémas, et je suis convaincu que toute cette concertation dont vous parlez aurait pu se passer dans d'autres conditions. Le fait qu'aujourd'hui notre discussion se déroule dans les conditions que j'ai indiquées est choquant pour le Parlement.

Sur le fond, je ferai également plusieurs observations. Tout d'abord, d'une manière générale (je n'ai en effet pas pu lire tous les documents, je ne peux donc m'en tenir qu'au général), je voudrais faire remarquer que ces schémas semblent difficilement lisibles et sont plutôt des déclarations d'intention. Vous avez dit "faiblement prescriptifs", et vous avez raison ; mais je pense que ces schémas auraient dû être plus directifs, je ne parle pas du schéma sur les transports qui, visiblement, a bénéficié, au niveau du ministère compétent, de schémas déjà existants.

Ensuite, en ce qui concerne les problèmes de cohérence, prenons l'exemple du schéma concernant les espaces naturels et ruraux : la manière dont les choix sont faits au niveau des territoires touche plus à la confusion qu'à la précision. Je crains la mise en œuvre de ces schémas s'ils n'évoluent pas. Et je ne vois pas comment ils pourront évoluer compte tenu de la procédure de consultation dont vous avez fait état tout à l'heure, sachant notamment que les élections municipales ont lieu au milieu de la période de concertation ! Vous savez très bien, madame la ministre, qu'à partir du mois de janvier, jusqu'au mois de mars, la grande majorité des parlementaires seront en campagne électorale. Je ne vois donc pas comment nous allons pouvoir sérieusement achever notre travail destiné à rendre ces schémas plus lisibles et cohérents.

Nous avons l'impression que le travail qui a été réalisé dans les régions, certainement sérieusement au niveau des secrétariats généraux des affaires régionales, est remonté à Paris et que l'on a ensuite essayé de le mettre en cohérence. Je ne suis pas sûr que l'on y soit réellement parvenu. Je ne veux pas employer de mots forts, mais simplement faire remarquer un certain nombre de carences et ma déception par rapport à ces schémas dont on nous avait dit qu'ils allaient permettre d'engager réellement une politique dynamique d'aménagement du territoire. Lorsque vous nous dites que la circulaire sur les pays est en cours de signature chez le Premier ministre, alors qu'ils ont été créés en 1995, comprenez, madame la ministre, que nous trouvions le temps long. Et la mise en place de ces schémas de services collectifs ne changera rien, hélas.

Je terminerai mon propos par les contrats de plan. Les discussions que nous avons actuellement, dans le cadre des négociations des contrats de plan État-région, ne vont pas être en phase avec des schémas qui, eux, interviendront après ; on constate un manque de cohérence qui va certainement provoquer des difficultés importantes dans la mise en œuvre de politiques régionales. Quelles instructions allez-vous donner et quelle est la mécanique qui permettra de compenser ce déphasage dans le temps qui aura des conséquences sur les politiques territoriales ?

M. Léonce DEPREZ : Monsieur le président, tout d'abord merci de nous avoir conviés à cette audition, car nous étions impatients d'en savoir plus !

Madame la ministre, je ne ferai que compléter les propos de mon collègue Patrick Ollier, en les nuançant quelque peu. En fait, je souhaiterais clarifier certains points afin que nous puissions apporter des réponses précises aux élus locaux.

Tout d'abord, j'imagine que vous allez faire la somme de tous ces schémas de services collectifs et qu'elle représentera, dans un document qui émanera de votre ministère, le schéma national que nous espérions. Ainsi, nous aboutirons au but que nous souhaitions.

Parallèlement, si nous avions souhaité un document national, c'était pour aboutir à l'expression d'une volonté politique, d'une politique volontariste en matière d'aménagement du territoire, souhaitée par divers groupes de l'Assemblée nationale. Or cette politique volontariste doit être l'expression d'une volonté politique exprimée par le Gouvernement, après avis ou accord du Parlement, ce qui m'amène à vous poser la question suivante : pouvons-nous espérer, afin d'éclairer les élus locaux, une cartographie traduisant les intentions du Gouvernement ?

Par ailleurs, madame la ministre, il va falloir nous expliquer le rôle des ces schémas de services collectifs par rapport aux contrats de plan État-région qui les ont précédés. Comment allez-vous faire la liaison entre ces deux documents, sachant que dans trois ans, il y aura une étape d'évaluation des contrats de plan : est-ce à ce moment-là que le relais sera officiellement pris ?

Le point positif est que ces schémas de services collectifs, regroupés en un document national unique, viennent, certes après les contrats de plan, mais avant les schémas régionaux ; il s'agit là d'une logique satisfaisante, puisque nous ne pourrons établir de schémas régionaux qu'après avoir tenu compte de la volonté politique nationale. Nos schémas régionaux vont-ils devoir être mis en discussion ? Disposerons-nous de documents des schémas nationaux de services collectifs qui pourront réellement inspirer nos schémas régionaux ? Ces schémas régionaux devront-ils traduire la cohérence nationale résultant des schémas de services collectifs ? Cela pourrait en effet contribuer à stimuler les esprits dans les différentes régions et nous aurions ainsi le sentiment de faire œuvre utile.

Enfin, dernier point, nous voulons, madame la ministre, sortir de la confusion, assurer une crédibilité à la politique d'aménagement du territoire et aboutir le plus souvent possible à un consensus. L'objectif n'est pas, dans les régions, de se diviser en gauche-droite et de se livrer une nouvelle guerre civile à partir des organisations territoriales ! S'il existe un sujet sur lequel nous devons tous nous rejoindre, quelle que soit notre appartenance politique, c'est bien sur celui des schémas régionaux et de l'organisation territoriale.

Je vous ai entendu dire, madame la ministre : "Nous allons partir des schémas régionaux qui seront mis en place par les conseils régionaux ; ces derniers devront donc traiter du futur de leur territoire". Et vous avez parlé de "bassins de vie". Il me semble qu'il s'agit d'une expression que nous avons déjà utilisée les uns et les autres, que vous avez reprise, mais qui ne figure pas dans un texte officiel. Allez-vous officialiser les bassins de vie pour que toutes les régions de France suivent la même discipline et pour que nous puissions nous y référer lors la mise en place des schémas régionaux ? Ces bassins de vie devraient être composés, et nous avons beaucoup de mal à le faire comprendre, d'agglomérations et de pays, avec des contrats d'agglomérations et de pays ; c'est la logique même d'une organisation territoriale. Les contrats d'agglomération sont conçus par des communautés de communes. Les contrats de pays n'imposent pas une structure territoriale nouvelle, vous l'avez dit et redit, mais malheureusement, cela n'est pas toujours compris : les préfets et les sous-préfets souhaitent créer un syndicat mixte dans chaque nouveau pays. Je m'insurge contre cela, car nous étions opposés, à l'Assemblée, à la création d'un nouvel étage territorial. Allez-vous agir dans ce sens, madame la ministre, afin de clarifier le débat ?

Mme Marie-Françoise PEROL-DUMONT : Madame la ministre, je vous poserai deux questions ; une question générale et une question plus spécifique au schéma de services culturels.

Un des objectifs des schémas de services collectifs est, je cite : "de répondre aux attentes exprimées par la population dans le cadre d'une relation équilibrée entre les acteurs économiques et sociaux, les collectivités territoriales et l'État". Aussi, madame la ministre, avez-vous, à ce stade, le sentiment que les schémas de services collectifs proposés sont de nature à répondre à cet objectif ? Comment, selon vous, peut-on garantir ce nécessaire équilibre entre l'État et les collectivités, mais aussi et surtout entre les collectivités territoriales elles-mêmes ?

Ensuite, s'agissant du schéma de services culturels, vous l'avez dit dans votre propos liminaire, s'il est un schéma qui plus que tout autre doit être partagé entre l'État et les collectivités territoriales, c'est bien celui-ci. Cela suppose peut-être une révolution culturelle dans les relations entre l'État et les collectivités territoriales, et sans doute entre les collectivités elles-mêmes. Parler de programmation à vingt ans lorsqu'on parle de culture est quelque chose de très nouveau, certains disent même antinomique, pour ne pas dire iconoclaste. Tel n'est pas mon sentiment. Je pense qu'il s'agit d'un moyen de réduire les inégalités d'accès à l'art et à la culture qui perdurent dans notre pays, quels que soient les efforts des différents gouvernements et des collectivités territoriales ces vingt dernières années.

Je voudrais particulièrement saluer la volonté de procéder à une discrimination positive en faveur de certaines zones d'intervention qui seront à définir selon un certain nombre de critères, ces zones bénéficiant de crédits accrus pour accueillir des projets qui seront volontairement délocalisés. Or l'idée de délocalisation volontaire m'inquiète un peu ; nous savons en effet que la nature va plutôt vers l'hyper-concentration, comme nous l'avons vu avec d'autres délocalisations. En ce domaine, madame la ministre, il me semble qu'il conviendrait d'être assez prescriptif ; le rôle moteur de l'État doit, à ce stade, être fortement réaffirmé.

Enfin, je me félicite de la volonté dans ce schéma, de généraliser l'enseignement artistique ; cela va dans le sens des recommandations du ministère de l'éducation nationale.

M. Jean-Claude DANIEL : Madame la ministre, ma question concerne le schéma des services sanitaires que nous allons enfin recevoir. Je me réjouis que l'on s'inscrive dans le triptyque "protection sociale solidaire, travail sur le cadre régional et définition d'un service général de santé", car cela nous permet de nous placer dans un cadre différent de celui des agences régionales de l'hospitalisation (ARH) et des schémas régionaux d'organisation sanitaire et sociale, en définissant une politique globale avec une stratégie de mise en application.

Madame la ministre, je souhaite, au travers de ce schéma, que les discriminations géographiques territoriales soient nettement prises en compte. Dans la politique de santé, à l'évidence, le rural profond et l'urbain ne sont pas à la même aune, et ne peuvent vraisemblablement pas l'être, mais nous devons tenir compte de certaines spécificités. Les transversalités sont à étudier, non seulement avec les contrats d'agglomérations, les contrats de plan État-régions, le DOCUP et les schémas régionaux d'aménagement du territoire, mais aussi entre les schémas de services collectifs eux-mêmes.

Prenons un exemple : pour l'imagerie médicale et l'accès des milieux ruraux profonds à cette imagerie par le biais des nouvelles techniques de l'information et la communication, et en particulier du haut débit, la mise en réseau de médecins qui s'occupent à la campagne de la santé des habitants, et de médecins des centres hospitaliers et des CHU est un élément qui pourrait être particulièrement favorable. Il s'agit là d'un véritable enjeu, à vingt ans ; nous sommes donc bien dans le cadre des schémas de services collectifs.

M. Pierre COHEN : Contrairement aux propos tenus par notre collègue Patrick Ollier, je pense que l'on doit vous remercier, madame la ministre, de venir régulièrement devant notre délégation. Il est vrai que, si le volet territorial et l'intercommunalité définis par la loi d'orientation d'aménagement et du développement durable du territoire ont été rapidement réalisés, le volet relatif aux schémas de services collectifs est plus long à se mettre en place ; mais il s'agit d'un volet extrêmement complexe et ambitieux qui nécessite du temps, et il vaut mieux prendre quatre ou cinq mois pour réfléchir aux schémas que de donner notre avis en deux ou trois semaines. Il s'agit là d'un débat difficile pour l'État qui doit présenter un certain nombre de perspectives globales qui seront négociées.

Par ailleurs, les acteurs locaux devront comprendre que les schémas de services collectifs ne sont pas la somme des contrats de plan État-région ou la somme des schémas régionaux ; je suis rapporteur du schéma enseignement supérieur et recherche, et je puis vous affirmer qu'un certain nombre d'élus régionaux ont l'impression que l'exercice a déjà été fait avec l'élaborations des contrats de plan État-région ; il faut entreprendre une démarche pédagogique pour faire comprendre la différence entre les contrats de plan et les schémas. Ces schémas représentent plus qu'une liste de projets, c'est une méthode permettant aux acteurs de s'approprier cette démarche.

S'agissant du schéma de services collectifs "enseignement supérieur", il existe des possibilités de définir des projets conjoints, en particulier lorsque les villes moyennes ont compris que la présence des étudiants peut induire des retombées économiques. Le problème est plus compliqué pour la recherche, les schémas étant souvent liés à des villes d'ampleur régionale ; la question qui se pose est la suivante : comment l'ensemble des acteurs vont-ils s'associer ?

La recherche est effectuée par de grands organismes ; or comment se situent ces organismes, le CNRS, l'INRA ? L'exercice consistera-t-il désormais pour eux à régionaliser leurs activités, alors que jusqu'à présent, dans les contrats de plan État-région, l'objectif était plutôt de renforcer leurs pôles dans les régions où ils étaient implantés ?

Enfin, quelle est la place de cet exercice national par rapport aux politiques européennes ?

M. Jean-Marc NUDANT : Monsieur le président, madame la ministre, je voudrais tout d'abord vous dire que je souscris aux propos tenus par M. Patrick Ollier concernant la méthode et la forme ; je voudrais ensuite vous faire part d'inquiétudes personnelles.

J'ai le sentiment que les lois, se juxtaposant, viennent se contrarier : c'est le cas de la vôtre, madame la ministre, mais également de la loi du 12 juillet 1999, dite loi Chevènement et la loi sur la solidarité et le renouvellement urbains (SRU). Vous nous avez dit que les contrats de pays et les contrats d'agglomération allaient se mettre en place, or, dans ma région, le préfet vient de rejeter la constitution d'une communauté de communes qui devait nous permettre d'asseoir des projets en vue de constituer un pays plus important. Il me semble donc que ces lois ne peuvent s'appliquer. Quel est votre sentiment à ce sujet ?

En ce qui concerne le schéma de services collectifs des espaces naturels et ruraux, je souhaiterais savoir comment s'appliquera l'article de la loi SRU concernant l'urbanisation dans les communes situées à plus de quinze kilomètres de la périphérie d'une agglomération.

En tant que président du comité "Vallées inondables" que vous avez bien voulu autoriser, madame la ministre, je me considère, dans une certaine mesure, comme un acteur de ce schéma de services collectifs des espaces naturels et ruraux. Je rappelle que l'enjeu n'est pas mince sur les vingt ans à venir, puisqu'il concerne, - dans 4 régions, 7 départements, 240 communes et sur 7 200 hectares -, la qualité de l'eau, les questions environnementales, la restauration de zones humides, la remise en pâture de parties cultivées, etc. Ce projet doit être mis en cohérence avec les schémas régionaux et le schéma de services collectifs des espaces naturels et ruraux. Je vais être franc : je me sens frustré. Peut-être la consultation viendra-t-elle plus tard, mais pour l'instant, il n'y en a pas eu, et je regrette que nous n'ayons pas pu être associés au schéma des espaces naturels et ruraux.

M. Henri NAYROU : Mes chers collègues, je constate que nous sommes plus nombreux aujourd'hui que lors de la dernière audition de madame la ministre par la délégation.

S'agissant des espaces naturels et ruraux, il est clair que ce schéma doit planifier le développement de ces espaces dans un cadre général, en cohérence avec les huit autres schémas. Cependant, il doit aussi et surtout assurer l'avenir durable des zones concernées. Il ne faudrait donc pas qu'il fasse la part trop belle au tropisme urbain, ni qu'il supplée de façon intermittente à une organisation urbaine qui a déjà atteint ses limites. Ce travail sera passionnant, car avec de tels outils transversaux, on ne se focalisera pas sur le seul développement.

C'est d'ailleurs l'occasion de ne pas rééditer les erreurs tragiques des années 1950 après l'exode rural, et des années 1980, avec les poussées suburbaines ; la poussée "rurbaine" est évidente, il faudra non pas la subir mais l'accompagner intelligemment. Or ce type de travail y contribuera en préparant le terrain pour des migrations de populations à la recherche d'une qualité de vie qu'elles n'ont pas encore trouvée. Rapporteur de ce schéma pour la délégation, je compte bien intervenir dans le débat pour que ce travail serve d'abord les intérêts de ces hommes, je pars du principe que les zones rurales ont un avenir durable. Partagez-vous ce sentiment, madame la ministre ?

Enfin, le schéma de services collectifs sur le sport, qui est une nouveauté, possède quatre objets ; le quatrième (la valorisation et la préservation des espaces naturels et ruraux majeurs privilégiés par les activités physiques de pleine nature) nous renvoie à ce que j'évoquais il y a un instant sur les espaces naturels et ruraux. Je crois là aussi qu'il s'agit d'un formidable levier de cohérence dans un domaine qui en a manqué, notamment dans le domaine des équipements lourds ou dans la cohabitation des sports scolaires et civils. Ce schéma sera beaucoup plus important pour les investissements que pour la pratique du sport, le pouvoir sportif y contribuant déjà.

M. Jean BRIANE : Madame la ministre, s'il y a une véritable volonté de décentralisation, il existe aussi des réticences, un esprit jacobin qui persiste dans les administrations centrales. De ce fait, nous éprouvons des difficultés, malgré la volonté de décentralisation et d'aménagement du territoire, pour obtenir des changements d'attitude de leur part. Je prendrai deux exemples.

Tout d'abord, la santé : il me semble que nous avons tout intérêt, en France, à organiser un outil de soins accessible à toute la population. Or l'on s'aperçoit que des maternités, des services entiers, ferment un peu trop facilement. Ensuite, les universités : de même que pour la santé, les responsables actuels rechignent à vouloir décentraliser l'université dans une région donnée, comme je le constate dans la région Midi-Pyrénées.

Il est donc nécessaire de faire comprendre aux responsables des administrations centrales qu'il convient d'évoluer et d'accepter de créer des réseaux d'université dans une région plutôt que de concentrer tous les étudiants dans les grandes métropoles.

M. Jean-Pierre DUPONT : Madame la ministre, je ne voudrais pas être caricatural, mais depuis quelques années, je nage en pleine confusion. En effet, en tant que président de conseil général, j'ai dû mal à m'imaginer dans l'avenir l'organisation territoriale de la France. J'entends en effet quelquefois des propos un peu discordants ; aujourd'hui, par exemple, on parle du pays qui peut être l'un des composants d'un bassin de vie. J'ai du mal à me représenter l'organisation territoriale de notre pays dans quelques années, avec tous les espaces de décision qui existeront.

Des expériences ont déjà été menées dans certains départements où des politiques de pays ont été mises en _uvre, dans le cadre de la loi de 1995 ; or tout cela est voué aux gémonies et n'est pas pris en compte. Ce n'est pas une façon satisfaisante d'appréhender le problème.

Par ailleurs, lorsque j'examine l'articulation du contrat de plan et du DOCUP, et de l'objectif 2 des fonds communautaires, je constate que les départements possédaient déjà des schémas que nous avions signés avec l'État, par exemple des schémas en matière d'eau et d'assainissement ou de traitement des déchets. Tous ces éléments deviennent redondants, sans que nous ayons été consultés : dans le domaine du tourisme, par exemple, on a créé des animations régionales des pays, en plus des animations départementales, sans aucune consultation. On en arrive à une redondance totale, à tel point que les présidents de conseils généraux de la région Limousin refusent de siéger aux CRADT.

Lorsque j'essaie d'imaginer des pays qui n'ont aucune structure administrative, (ainsi que nous l'avons voulu, il est vrai), des communautés de communes pour lesquelles le suffrage universel sera la règle et des communes qui auront décidé d'un autre type de suffrage, j'ai du mal à m'y retrouver et je ne suis pas le seul ! Nous sommes dans la plus totale confusion.

Je siège au CNADT où j'ai entendu dire que 400 à 500 pays seront reconnus, soit 4 ou 5 par département. Comment les articuler avec les bassins de vie dont ils sont un des éléments constitutifs ?

M. Maxime GREMETZ : Madame la ministre, tout d'abord, je dois vous dire que je suis étonné, car en général, nous obtenons très peu de réponses aux questions que nous posons. J'espère que cela ne sera pas le cas aujourd'hui !

Ensuite, sachez que si l'on n'est pas président d'un conseil général ou régional, ou maire (je suis contre le cumul des mandats ), on ne dispose d'aucune information ! Il faut donc cumuler les fonctions pour être informé. Je vous donne un exemple : j'ai demandé une quinzaine de fois le schéma des transports, je ne l'ai toujours pas, bien qu'il ait été publié et présenté à la presse.

Ma troisième remarque concerne le schéma de services collectifs sanitaires. A quoi va-t-il servir puisque je constate que, dans mon département, tout est déjà décidé ? Les schémas sont peut-être à la mode, mais les citoyens ne vivent pas de schémas, et les maternités et les hôpitaux de proximité, eux, sont fermés ! Voilà la réalité. On arrive après la bataille.

Enfin, je terminerai sur le projet "Natura 2000". Qu'en est-il de son application et de son extension ? Le préfet m'a affirmé que l'on était obligé d'inclure la forêt de Crécy ; d'où vient cette décision, qui l'a prise ? En tout cas, ce n'est pas le Parlement.

Dernière question : nous avons voté une loi sur la chasse, or depuis nous n'avons rien vu venir ! Qu'en est-il de la négociation avec la Commission de Bruxelles en ce qui concerne la plainte déposée contre la France ? A-t-elle été retirée ? Qu'en est-il des dérogations contenues dans la loi ?

Mme Dominique VOYNET : Mesdames, messieurs les députés, tout d'abord un élément de méthode : je viens systématiquement quand on m'invite, et je suis parfois étonnée du petit nombre de députés présents. Aujourd'hui vous êtes là, et je vous en félicite, mais je suis venue à plusieurs reprises parler devant des groupes de députés réduits à un nombre inférieur aux doigts de la main.

Quel est le rôle du Parlement ? Loin de moi l'idée de le réduire à un rôle de croupion ! Et je voudrais dire à M. Patrick Ollier que peu de membres du Gouvernement ont le souci de faire de ce que j'ai fait : tous les décrets ont été préparés avec les consultations indispensables des différents acteurs du corps social concernés. Je considère que cet échange est la démonstration de notre capacité à aller au-delà de ces accusations formelles.

En ce qui concerne la portée des schémas, elle est assez claire. On sort de décennies de planification aussi symboliques qu'impuissantes, car il n'y avait ni l'argent ni la volonté politique ni la capacité technique de mener la plupart de ces projets à bien. Nous avons donc cherché à hiérarchiser les priorités des différentes régions. Nous souhaitons mener une politique volontariste de l'aménagement du territoire avec tous les acteurs de terrain. Quand il s'agit de localiser un grand aéroport international, c'est une responsabilité de l'État ; quand il s'agit de choisir un territoire pour en faire une desserte inter-régionale, il est parfaitement normal que la concertation soit menée jusqu'au bout entre l'État, les régions, les départements et les collectivités concernées.

Il s'agit donc pour nous de mettre en cohérence des politiques qui, pour l'essentiel, existent déjà sur le terrain. Je vous citerai un exemple : beaucoup d'argent a été perdu dans la précédente génération des fonds européens parce que plusieurs régions avaient décidé le même projet de synchrotron.

L'addition de nos schémas de services collectifs va évidemment donner un schéma national. M. Léonce Deprez, je ne suis d'ailleurs pas sûre d'avoir été assez claire : j'ai parlé non pas des schémas régionaux, mais des contributions régionales à l'élaboration des schémas de services collectifs nationaux. On ne trouve pas forcément les mêmes équipements, les mêmes services, les mêmes infrastructures dans les deux documents. Dans les schémas régionaux, il est demandé aux acteurs régionaux d'intégrer les équipements d'intérêt national, mais on y ajoute évidemment les très nombreuses préoccupations qui relèvent des compétences des régions ou des territoires à un niveau infra-régional.

En revanche, dans les contributions régionales aux schémas de services collectifs, nous avions demandé aux régions de donner leurs sentiments à propos d'une politique nationale. Ces contributions régionales ont été variées selon le poids qu'avaient pris dans leur élaboration l'État, les régions, les départements (dans certaines régions, les départements ont moins pesé que dans d'autres), mais aussi les acteurs socio-économiques, les associations ou les porteurs de projets de territoires ; dans certaines régions, les parcs naturels régionaux, par exemple, ont contribué aux schémas de services collectifs nationaux.

La notion de bassin de vie n'est, en effet, pas dans la loi. On y parle de bassins d'emplois parce qu'il s'agit d'une notion de l'INSEE qui nous a servi pour nos discussions à Bruxelles, par exemple, pour la prime d'aménagement du territoire, en revanche, je ne suis pas sûre que l'on puisse définir un bassin de vie. Il existe en effet plusieurs bassins de vie : lorsque vous allez faire vos courses dans les hypermarchés à l'extérieur de la ville, que vous allez au cinéma ou à la poste, vous n'utilisez pas les mêmes échelles. En revanche, les pays, les agglomérations, les parcs naturels régionaux correspondent à ce concept que vous avez défini, qui ne me paraît pas de nature législative mais qui vous parle très fortement au quotidien.

Je voudrais dire à M. Patrick Ollier que je suis convaincue que, dans la grande majorité des cas, il n'existe pas de déphasage. En effet, nous nous sommes déjà fixés la date de 2003 pour assurer la cohérence entre les projets de territoire et les moyens que nous leur avons affectés. Et l'État et les préfets de région n'ont validé aucun grand équipement ni aucune infrastructure qui aurait été en contradiction avec les orientations stratégiques des schémas de services collectifs.

En revanche, il est possible que les schémas comportent des lacunes, par exemple au sujet du troisième aéroport de la région parisienne. A l'issue du travail de la commission nationale du débat public qui aura permis de débattre des avantages et inconvénients des différents sites envisagés, il est évident que l'on sera certainement amené, dans la région concernée, à prendre les mesures qui s'imposent. Mais elles ne relèvent pas forcément des contrats de plan, dans lesquels ne figurent pas tous les grands équipements routiers, aéroportuaires, ferroviaires ; la plupart ont d'ailleurs été ôtés des contrats pour ne pas provoquer une distorsion trop massive des enveloppes des différentes régions. Par conséquent, si l'on doit, pour installer une nouvelle plate-forme aéroportuaire de grande ampleur, réaliser un TGV, une voie autoroutière ou procéder à des réservations foncières, cela se fera en dehors du contrat.

Je ne pourrai pas répondre à chacune de vos interpellations relatives aux différents schémas car je n'ai pas personnellement présidé et conduit le travail des comités de pilotage de chacun des schémas. Il est donc indispensable que vous auditionniez les ministres et les équipes des comités de pilotage.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont m'a tout d'abord interrogée sur la place des départements dans les différents lieux de la concertation. Le choix avait été fait d'identifier de façon précise la collectivité chargée par les lois de décentralisation d'un rôle particulier dans le cadre de la politique d'aménagement du territoire. Mais nous avons souhaité reconnaître les départements, non seulement dans la composition du CNADT mais également dans la CRADT, et je ne vois que des avantages à ce que la consultation aille au-delà, et qu'au niveau régional elle soit organisée sur une base permettant aux différentes collectivités de se prononcer.

Je crois d'ailleurs que les délégations parlementaires pourraient aussi prendre l'initiative de cet élargissement de la consultation. Pour ma part, j'envisage de rencontrer l'Association des départements de France ; et si elle prenait l'initiative d'un temps de discussion sur les grands enjeux de la politique d'aménagement du territoire telle qu'elle se traduit dans les schémas, je serais tout à fait heureuse d'y participer.

En ce qui concerne le schéma des services collectifs culturels, il s'agit d'une politique qui n'a pas été extraordinairement féconde, les délocalisations ont dû être lourdement accompagnées sur le plan politique et financier et ont pris beaucoup plus temps que nous l'avions imaginé, et ce, de façon conflictuelle et pénible. Je n'envisage donc pas de délocalisation qui ne se ferait pas sur une base volontaire en cas d'une réorganisation de service. En revanche, la localisation d'équipements nouveaux doit être pensée avec le souci de rééquilibrer le territoire, au niveau national comme au niveau régional. J'ai été frappée de constater, dans les projets de contrats de plan, avec quelle fréquence revenaient les projets de localisation dans les capitales régionales, des grands équipements culturels, sportifs, etc.

En ce qui concerne le schéma de services collectifs sanitaires, je partage tout à fait l'analyse de M. Jean-Claude Daniel. On constate en effet que si la commodité nous conduit à réaliser des schémas qui restent encore largement verticaux, il est très intéressant de croiser ces schémas et de les mettre en cohérence. Cela est vrai pour les schémas santé/nouvelles techniques de l'information et de la communication (NTIC), mais également pour les schémas culture/NTIC, éducation/NTIC, culture/éducation, donc pour la plupart d'entre eux. A nous, dans cette phase, de croiser ces schémas, mais d'avoir également une approche simultanée de différents ordres de grandeur ; l'un des enjeux qui n'est pas écrit dans la loi, c'est aussi de faciliter l'organisation dans les territoires régionaux pour les acteurs régionaux, départementaux et locaux.

A M. Pierre Cohen, je répondrai que les grands organismes de recherche doivent faire un plan de localisation, à la fois en termes de locaux, d'équipes et de programmes. Ces plans devront évidemment tenir compte des priorités du schéma. Mais on voit bien combien il reste difficile de s'abstraire des considérations politiques, et je reprends l'exemple du synchrotron qui est peut-être l'archétype de ce genre de démonstration.

En ce qui concerne la déconcentration universitaire, Université 2000 et U3M ont cherché aussi bien à assurer une déconcentration universitaire qu'une meilleure localisation des équipements au sein de chaque région. Prenons l'exemple de l'Île-de-France : un effort considérable a été réalisé pour sortir de Paris certaines universités, même s'il n'est pas complètement certain que l'équilibre existe aujourd'hui.

Prenons comme autre exemple la région Midi-Pyrénées. Un important effort de déconcentration de la capitale régionale a été réalisé, mais on ne peut pas considérer que cette région soit équipée de façon équilibrée, d'où l'intérêt du pôle universitaire, le Nord-Est, de Midi-Pyrénées, avec Rodez, Figeac, Castres, etc. Il ne s'agit pas de donner à chaque ville moyenne son morceau d'université pour calmer les attentes politiques locales, mais de mettre en place un équilibre territorial. Si certaines villes n'atteignent pas le seuil suffisant pour accueillir une université dans son intégralité, un réseau de villes peut le faire, on souhaite d'ailleurs utiliser cette possibilité dans le cadre du schéma de services collectifs de l'enseignement supérieur.

M. Pierre Cohen a fait part d'une autre préoccupation, le territoire communautaire. A cet égard, je me pose toujours deux questions : comment devons-nous nous positionner par rapport à la définition au niveau communautaire de politiques qui ont un impact sur le territoire ? Et comment devons-nous réfléchir à la place de la France dans un espace communautaire qui est en train d'évoluer ? L'élargissement de l'Europe va en effet avoir un impact très important sur le territoire national, pour les zones de montagne, pour les zones du littoral, pour les zones qui sont en dehors des très grands axes de transit ou de communication. J'avais suggéré à M. Jean-Pierre Raffarin que les délégations parlementaires du Sénat et de l'Assemblée nationale prennent l'initiative d'organiser une réflexion sur ce sujet, qui me paraît important.

Nous n'avons pas saisi l'occasion de la présidence française de l'Union pour organiser ce débat, car nous souhaitions avoir une réflexion sur le thème "Europe, villes et territoires", compte tenu notamment de la nécessité d'inventer des outils pour surmonter la faiblesse du seul outil à notre disposition, URBAN.

M. Jean-Marc Nudant se demande si les lois mises en place pourraient être compromises par la loi sur la solidarité et le renouvellement urbains. Ce n'est pas mon sentiment, mais il faut bien reconnaître que ces lois n'ont pas été articulées d'une façon aussi étroite qu'il aurait fallu dans le temps : il y a eu un premier ensemble de lois, la loi d'orientation agricole, la loi du 12 juillet 1999 sur l'intercommunalité et la loi d'aménagement du territoire, puis, un peu plus tard, la loi sur la solidarité et le renouvellement urbain. Je pense que cette dernière sera très utile pour mettre en cohérence des outils de planification à l'échelle infra-régionale, notamment les plans de déplacement urbains, qui sont des outils essentiels mais plutôt en panne en ce moment.

Je voudrais également dire à M. Jean Briane que je suis de culture très décentralisatrice, voire fédéraliste, mais qu'il m'arrive de me réjouir de la subsistance d'un certain esprit interventionniste dans les administrations pour permettre de surmonter les carences d'acteurs locaux qui n'assument pas les responsabilités qui leur sont confiées par les lois. Je pense justement aux plans de déplacement urbains, aux plans de prévention des risques : je suis vigoureusement interpellée chaque fois qu'il se produit une inondation, un glissement de terrain ou une avalanche, mais dès que la mémoire de la catastrophe s'estompe, on constate une réelle difficulté dans le passage à l'acte, à l'élaboration de schémas interrégionaux de massifs ; excepté le travail réalisé dans le Massif Central, aucun autre schéma interrégional n'a été élaboré. Seul un volet interrégional dans les contrats de plan a permis de mener des politiques de massifs plus déterminées que par le passé.

Pour ce qui concerne les plans départementaux de traitement des ordures ménagères ou des plans régionaux d'élimination des déchets industriels, nous ne sommes pas mécontents de constater que, de temps en temps, les préfets peuvent reprendre la main quand les acteurs locaux sont défaillants.

M. Jean-Pierre Dupont se demandait à quoi allait ressembler le territoire de demain. Je comprends cette interrogation ; il en sera du territoire comme de la plupart des politiques menées aujourd'hui par les pouvoirs publics : on ne décide plus à Paris ce qui est bon pour l'ensemble des territoires de façon univoque. L'État a vu son rôle évoluer, il est moins un prescripteur unidirectionnel qu'un accompagnateur, un partenaire dans les politiques de territoires. Si l'on convient que l'outil à privilégier aujourd'hui est le contrat, alors nous nous adapterons à ce qui est considéré comme le territoire pertinent au niveau local. Je n'ai aucune difficulté à reconnaître les initiatives des collectivités qui ont anticipé sur la loi ou qui se sont engouffrées dans les possibilités offertes par la loi d'aménagement du territoire de 1995.

En revanche, il n'est pas interdit d'imaginer que dans certains endroits où l'ordre de grandeur retenu pour le territoire n'est approprié, l'on puisse se saisir de l'opportunité que constitue la loi de 1999 pour revenir sur des décisions hâtives. Je pense sincèrement que des projets de pays qui recouvrent deux cantons, dans des zones soumises à une déprime agricole très forte et à un vieillissement de la population, ne sont pas sérieux. Il appartient donc aussi aux acteurs départementaux et régionaux de poser les problèmes.

Les schémas sont une maladie française. Les préfets me disent qu'ils en ont environ 70 à tenir à jour, à élaborer (schéma d'incendie et de secours, d'eau, d'assainissement, d'équipements pour l'enfance en difficulté, etc). Mais heureusement, la plupart des ces exercices départementaux ne relèvent pas d'une approche nationale et de schémas de services collectifs nationaux. A nous, dans cette phase de consultation, de veiller à ne rien faire d'incohérent et d'incompatible. En revanche, il est inimaginable de subordonner l'ensemble des schémas départementaux à l'exercice national.

Enfin, M. Maxime Gremetz, la question de la chasse n'est pas d'actualité dans une délégation à l'aménagement du territoire !

M. le Président : Madame la ministre, je vous remercie infiniment. Je prends à mon compte les critiques de M.  Patrick Ollier car nous avons souhaité inviter le plus rapidement possible la ministre au début de l'exercice, avant Noël, avant de lancer les différences auditions. Je suis donc en partie responsable du fait que vous n'ayez pas tous les documents nécessaires pour participer à cette audition dans de meilleures conditions. Cependant, je suis convaincu que Mme Dominique Voynet acceptera de revenir devant la délégation à la fin de l'exercice.


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