ASSEMBLÉE NATIONALE


DÉLÉGATION
À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT
DURABLE DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 15

Mercredi 10 janvier 2001
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Philippe Duron, président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M.  Luc DEIBER, direction des sports du ministère de la Jeunesse et des Sports, M. Jean-Pierre MONIER, chargé de mission à l'inspection générale de la Jeunesse et des Sports, président du comité stratégique du schéma de services collectifs du sport, M. Alain MOUCHEL, conseiller technique au cabinet de Mme la ministre de la Jeunesse et des Sports et Mme Catherine VIRASSAMY, chargée de mission à la DATAR, sur le schéma de services collectifs du sport.

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La délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire a entendu M.  Luc DEIBER, direction des sports du ministère de la Jeunesse et des Sports, M. Jean-Pierre MONIER, chargé de mission à l'inspection générale de la Jeunesse et des Sports, président du comité stratégique du schéma de services collectifs du sport, M. Alain MOUCHEL, conseiller technique au cabinet de Mme la ministre de la Jeunesse et des Sports et Mme Catherine VIRASSAMY, chargée de mission à la DATAR.

M. le Président : Nous sommes heureux de vous recevoir aujourd'hui pour prendre connaissance du schéma de services collectifs du sport et nous nous félicitons que le parlement soit informé des conditions de l'élaboration des schémas des services collectifs et qu'il puisse donner un avis sur leur contenu, étant donné leur importance pour les vingt ans à venir.

De ce fait, le champ traditionnel de la planification s'ouvre à des secteurs nouveaux. Le sport est un de ces secteurs puisque le projet de loi initial ne comportait pas de schéma des services collectifs du sport. C'est sur l'initiative du parlement et, pour être précis, grâce à l'adoption d'un amendement sénatorial, que le sport a été intégré dans cet éventail des schémas de services collectifs.

Nous avons désigné un rapporteur pour chacun de ces schémas. M. Félix Leyzour, qui est également vice-président de notre délégation, a été chargé de celui du sport.

Vous pourriez, en une quinzaine de minutes, nous exposer les méthodes d'élaboration de ce schéma, ses objectifs et les conditions de sa mise en œuvre. Ensuite, le rapporteur posera des questions plus précises sur le schéma, puis s'ensuivra un échange avec les autres membres de la Délégation.

M. Alain Mouchel : L'inscription du sport dans les schémas de services collectifs de la loi du 25 juin 1999 a abouti à ce que le ministère des sports et les mouvements sportifs procèdent à une grande investigation en leur sein et apprennent à mieux se connaître. Je vous cite quelques chiffres actuels du fait sportif. Les Français sont de plus en plus nombreux à pratiquer un sport : ils sont aujourd'hui 26 millions et, à l'échéance du schéma de services collectifs, nous en attendons 32 millions.

Par ailleurs, la dépense sportive prend aujourd'hui de l'ampleur. Calculée par nos services et par une mission de l'INSEE mise en place par le gouvernement afin d'établir les comptes du sport sur des bases incontestables, elle a été évaluée à un montant de l'ordre de 127 milliards de francs en 1998. Dans ce total, l'achat des ménages et les contributions des collectivités sont majoritaires. Je vous communiquerai le document que j'ai en main : les données statistiques qu'il contient émanent de notre service compétent. Sur ces 127 milliards de francs les financements publics représentent environ 54 milliards, ainsi répartis : les communes 37, l'État 13, les départements 2,9 et les régions 0,9. Ces chiffres montrent bien l'une des complexités de la mise en _uvre du schéma de services collectifs puisque le sport est un domaine d'action partagé entre différents acteurs : l'État, les collectivités publiques et le mouvement sportif dans sa diversité, tous ces acteurs s'adressant au même public.

Le phénomène auquel on a assisté lors de l'élaboration de ce schéma, c'est la reconnaissance collective du fait sportif dans ses missions et dans sa diversité, qu'elle soit économique, sociale, territoriale et culturelle. Cette reconnaissance s'impose aujourd'hui à tous. Cette situation n'est pas sans poser des problèmes, notamment sur la répartition des responsabilités, la clarification des missions de chacun et en particulier sur les modalités d'intervention en matière financière.

En conclusion, le schéma de services collectifs a une ambition, celle de replacer chacun devant des responsabilités redéfinies dans la concertation. Sur ce point, nous aurons certainement à apporter des éclaircissements sur la manière dont la concertation devra être menée.

M. Jean-Pierre Monier : Monsieur le président, messieurs les députés, je souhaite, pour ma part, dire quelques mots sur la procédure suivie au ministère pour l'élaboration du projet de schéma collectif du sport.

Parallèlement au vote final de la loi, un groupe de travail, présidé par le directeur de cabinet de Mme la ministre - à l'époque M. Mabit - et auquel participaient la direction des sports et l'inspection générale, préparait la mise en place du comité stratégique et la rédaction des premiers documents de synthèse et de cadrage.

Après la promulgation de la loi le 25 juin 1999, le comité stratégique s'est installé dès le 30 juin, le directeur de cabinet de l'époque m'en ayant confié la présidence. Sous l'impulsion du cabinet et avec la participation du mouvement sportif et de la direction des sports, c'est principalement un travail d'équipe que ce comité a effectué. Il était composé, pour l'essentiel, des représentants du mouvement sportif - notamment du Comité olympique - des représentants d'autres ministères qui sont nos partenaires - l'Équipement, l'Éducation nationale, la Culture, la Santé et le Tourisme - et des représentants du ministère de la Jeunesse et des Sports issus des différentes directions du ministère, des directions régionales et des directions d'établissements.

Le premier travail du comité stratégique a été de valider ce qui était préparé par ailleurs en petit comité, c'est-à-dire ce que l'on a appelé la circulaire"Voynet-Buffet" du 4 août 1999, adressée aux préfets de région et aux directeurs régionaux de la Jeunesse et des Sports. Cette circulaire, pour l'essentiel, demandait aux services régionaux de préparer des "contributions régionales" avec la participation des acteurs concernés, notamment sportifs et économiques, mais aussi les élus, les collectivités locales, etc.

Cette circulaire était accompagnée d'une note de synthèse et d'un document de cadrage qui, à la rentrée 1999, ont été complétés par un guide pratique et un CD-Rom, tous ces documents devant servir au travail qui s'est fait en région, avec non pas des difficultés, mais avec une certaine précipitation. En effet, comme vous l'avez rappelé, M. le Président, le schéma du sport n'était pas prévu dans le projet initial. Nous avons donc pris le train en marche et essayé de rattraper notre retard. Mais il est certain qu'au niveau régional, le travail demandé a été très lourd et les délais extrêmement courts.

En début d'année 2000, le travail en région s'est poursuivi, le retour des contributions régionales à l'échelon central étant prévu aux alentours du printemps. Dans le même temps, au sein de l'administration centrale, nous avons également poursuivi nos travaux. Un colloque s'est tenu au Comité olympique dès le 27 janvier 2000, colloque qui réunissait des représentants du mouvement sportif, des élus, des représentants des services de l'État et des services locaux. La DATAR, également présente, a fait une intervention tout à fait remarquée à l'époque.

Parallèlement, se constituait un comité d'experts, calqué sur le comité stratégique, c'est-à-dire regroupant les mêmes partenaires mais en petit nombre - il fallait pouvoir rédiger des textes - !

Puis les contributions régionales nous sont parvenues. Un premier travail de synthèse a été réalisé au printemps 2000. Une réunion du comité stratégique s'est tenue à cette époque qui a permis de valider ce premier document, compromis entre les travaux qui s'étaient déroulés à l'échelon local et ceux qui s'étaient poursuivis au niveau central. Le comité stratégique a ensuite poursuivi ses réflexions, notamment avec le ministère de l'Équipement et la DATAR. Des arbitrages se sont tenus à Matignon et un document a été soumis au deuxième comité stratégique, réuni le 29 juin 2000 : C'est, en gros, ce document que vous avez aujourd'hui entre les mains.

Durant l'été, avec la DATAR, nous avons procédé à des travaux de comparaison et de synthèse car il a fallu assurer une certaine cohérence entre les différents schémas. Nous avons ainsi pu établir un document, prêt à la rentrée dernière, qui a été envoyé dans les régions, avec la circulaire du Premier ministre, signée le 11 décembre 2000.

Nous en sommes là à ce jour. Actuellement, les régions sont donc saisies de nouveau. Je suppose que des consultations vont se dérouler. La suite de la procédure consistera dans l'élaboration du ou des décrets qui, avant l'été en principe, seront soumis au conseil d'État, et sur lesquels les Délégations parlementaires devront rendre leur avis.

En conclusion, je dirai que tout le travail accompli a été passionnant, mais difficile et lourd. Les délais étaient courts, l'exercice très nouveau, mais le résultat possède une certaine qualité. Je ne doute pas que la suite des consultations permettra d'améliorer les choses et d'aboutir à un ou des décrets approuvant des documents qui, ayant un horizon de vingt ans, feront donc l'objet d'actualisations dans les années qui viennent.

M. Luc Deiber : Il me revient de vous présenter l'exercice proprement dit du schéma de services collectifs du sport, qui est actuellement un projet. Je rappellerai brièvement le cadre législatif qui s'impose à l'administration pour élaborer ce projet de schéma, puis j'en préciserai les objectifs proprement dits et, enfin, les choix stratégiques retenus pour sa mise en œuvre.

Le cadre législatif du schéma, qui s'impose à l'action de l'administration, fixe, d'une part, des objectifs généraux et, d'autre part, des stratégies d'action. En ce qui concerne les objectifs généraux que nous assignent les premiers articles de la loi du 25 juin 1999 sur l'aménagement et le développement durable du territoire, nous devons, aux termes de l'article 24, développer, sur l'ensemble du territoire, l'accès aux services, aux équipements, aux espaces, aux sites et aux itinéraires de pratiques sportives. Il y a là un objectif d'égalité des chances par un égal accès au savoir et au service public, préoccupation que nous retrouverons exprimée dans le développement du schéma.

Le second objectif, tel que la loi le fixe, est de favoriser l'intégration sociale, ce qui est une référence directe à l'article 1er de la loi Voynet.

Assurer la cohérence du développement du sport avec les objectifs du schéma de services collectifs des espaces naturels et ruraux, c'est là, par ailleurs, une grande novation législative qui devra avoir des répercussions importantes dans l'action des différentes administrations concernées.

Enfin, offrir un cadre de référence pour optimiser l'utilisation des équipements sportifs, constitue un objectif d'optimisation des ressources collectives.

Les stratégies d'action, que définit la loi, sont les suivantes :

- Identifier des territoires d'intervention prioritaire, ceci afin de tenter de réduire les écarts de richesse entre les différentes collectivités territoriales, notamment en obligeant l'État à intervenir de façon différenciée.

- Prendre en compte l'évolution des pratiques sportives et des besoins en formation.

- Coordonner l'implantation des pôles sportifs à vocation nationale ou internationale.

- Guider la mise en place des services et équipements structurants.

- Favoriser la coordination des différents services publics impliqués dans le développement des pratiques sportives.

- Assurer l'information du public en s'appuyant sur le développement des nouvelles technologies de l'information.

L'élément très intéressant à retenir, en premier lieu, de ces obligations législatives est qu'elles mettent l'accent sur la notion de service. Ensuite, puisque le processus s'achèvera par un décret pris en Conseil d'État, elles nous obligent à un exercice de conformité à la loi des propositions que contient le projet de schéma de services.

Ce projet de schéma, tel qu'il vous est présenté, retient cinq objectifs sur lesquels l'État s'engage.

Le premier est de faire du sport un droit pour tous. Cet objectif rejoint ainsi les préoccupations qui sont au cœur de l'action du ministère de la Jeunesse et des Sports et qui revêtent une double dimension : d'une part, la dimension éducative du sport et, d'autre part, la réduction des inégalités. Faire du sport un droit pour tous impose, dans cette dimension éducative, de favoriser, de façon effective et généralisée, l'obligation sportive scolaire sur l'ensemble de notre territoire. Il s'agit d'abord là de rejoindre les objectifs premiers de la loi du 16 juillet 1984 sur le sport, modifiée le 6 juillet 2000. Celle-ci dispose très clairement que les activités physiques et sportives constituent un élément important de l'éducation, de la culture, de l'intégration et de la vie sociale. De plus, son article 2 précise que l'éducation physique sportive, scolaire et universitaire, contribue à la rénovation du système éducatif et à la lutte contre l'échec scolaire. Cet objectif de généralisation de l'obligation sportive scolaire s'étend, bien évidemment, aux sports extrascolaires et concerne le sport universitaire qui rentre dans les préoccupations permanentes du ministère de la Jeunesse et des Sports.

Réduire les inégalités d'accès aux pratiques sportives est la deuxième dimension de cet objectif. Il s'agit d'abord d'assurer la parité dans le sport, c'est-à-dire de permettre aux femmes d'avoir dans le sport la même place que celle occupée par les hommes - ce qui n'est pas le cas aujourd'hui - de façon qu'elles s'engagent ensuite sans entrave dans l'organisation du sport. La partie "constat" du document qui vous est soumis comporte un certain nombre de renseignements utiles sur l'évolution des pratiques sportives féminines et montre que l'écart avec les pratiques sportives masculines demeure. Cet objectif de parité doit donc faire partie de la préoccupation de réduction des inégalités d'accès au sport.

Quant à garantir aux personnes handicapées les conditions d'un égal accès au sport, il a été rappelé que nous là sommes devant la mise en œuvre d'une obligation inscrite dans la loi cadre du 30 juin 1975 sur les personnes handicapées, obligation de solidarité nationale à laquelle le sport doit apporter sa pierre.

Développer le sport dans le monde du travail tend également à réduire ces inégalités d'accès aux loisirs, compte tenu des écarts constatés dans ce domaine entre les différentes catégories sociales de la population. Pour réduire ces inégalités, il faut également se préoccuper de l'évolution de nos équipements sportifs, non pas uniquement sous l'aspect de leur réhabilitation, mais aussi sous celui de leur modernisation et de leur adaptation aux nouvelles formes de pratique sportive.

Dans cette contribution du sport à la réduction des inégalités, nous ne pourrons pas oublier la nécessité de placer le sport au service de la prévention et de la santé. Certains de nos partenaires européens ont d'ailleurs fait du sport un véritable outil de prévention au travers de programmes nationaux.

Le deuxième objectif du projet de schéma est de permettre au sport français d'accéder aux plus hauts niveaux de la compétition. Les priorités fondamentales du ministère de la Jeunesse et des Sports, partagées en cela par le mouvement sportif, sont de voir la France obtenir les meilleurs résultats possibles dans les grandes compétitions internationales, mais aussi de promouvoir la conception française du sport de haut niveau sous sa vision humaniste. Dans cette conception, le sportif est considéré non pas comme une machine à obtenir des résultats, mais comme une personne qui, au-delà de sa carrière sportive, doit avoir une vie pleine et entière. Nous devons l'y préparer et l'y accompagner.

Soulignons ici l'importance, pour nos entreprises, du sport de haut niveau. Nous devons avoir pour objectif d'accompagner l'industrie française dans ses savoir-faire technologiques, d'organisation et d'ingénierie, au travers des manifestations du sport de haut niveau et des équipements qui lui sont dédiés.

Par cet objectif qui tend à faire du sport un des outils de promotion de la France, nous penserons également à promouvoir la langue et la culture françaises. Le français est l'une des deux langues officielles de l'olympisme. Par ailleurs, à de multiples occasions désormais, la présence française en haute compétition est aussi l'occasion de promouvoir la culture de notre pays.

Le troisième objectif, qui est novateur pour nous, est d'inscrire résolument le sport dans une logique de développement et d'aménagement du territoire. Soyons clairs, le sport ne peut, à lui seul, compenser certains déséquilibres territoriaux, mais, par l'activité qu'il génère, il peut apporter sa contribution à un développement économique et social sur des territoires, et ce, de façon durable.

Pour cela, il est possible de partir sur deux logiques différentes : une logique de proximité et une logique de renforcement de la compétitivité de nos régions dans un contexte européen, puisque le schéma de services collectifs du sport place notre pays dans ce contexte.

Concevoir les politiques sportives, dans une logique de structuration et de développement du territoire, conduit bien évidemment à un exercice nouveau qui est celui d'articuler la réalité des bassins de vie avec l'organisation administrative actuelle. Il s'agit d'aller vers des projets favorisant l'émergence de pôles de développement durable, notamment à partir de l'activité sportive. Un des aspects nouveaux, qu'il appartiendra au ministère de la Jeunesse et des sports d'impulser, est celui de la transversalité des politiques et donc des acteurs des politiques sportives, au regard de la préoccupation de l'aménagement durable du territoire.

Renforcer les pôles de développement sportif régionaux à vocation européenne et internationale est une autre dimension de l'incrémentation des politiques sportives, liée à la logique du développement du territoire. Cela nécessite que le ministère contribue au développement des grands pôles urbains, régionaux et interrégionaux, en favorisant l'attractivité de leur territoire. Par exemple, le circuit du Castelet avait une attractivité transfrontalière. Au Mans, des étrangers, notamment des Anglais, viennent fréquemment assister aux épreuves de sports mécaniques organisées sur ce circuit. Il existe donc des grands équipements sportifs qui sont structurants au niveau d'une région. Mais, outre ces grands équipements en béton, cette politique nouvelle doit également prendre en compte les grands espaces naturels et ruraux.

Cela me permet d'aborder le quatrième des objectifs de ce schéma, qui est là véritablement novateur. Il consiste à valoriser les espaces naturels et ruraux, tout en promouvant un accès raisonné à ceux-ci. Nous sommes là confrontés à un double défi. D'une part, nous avons des richesses potentielles qui sont à valoriser et, d'autre part, face à la montée des pratiques sportives de pleine nature, nous devons préserver cette ressource rare que constituent ces espaces naturels et ruraux pour les générations futures. C'est cette notion de ressource rare et de valorisation qui nous amène à rechercher un équilibre entre les activités sportives de pleine nature, qui sont un vecteur du développement de l'économie régionale et de l'emploi, et à éduquer et former à l'environnement et à sa protection.

Puisque nous nous situons dans un exercice à vingt ans, il nous faut mettre l'accent sur la formation à l'environnement, de façon à pouvoir aboutir à de nouveaux objectifs d'usage des espaces naturels et ruraux. Nous devons aussi imaginer, dans une dimension nouvelle, des outils de concertation et de gestion des conflits d'usage, conflits que nous subissons trop souvent actuellement sur ces espaces naturels et ruraux.

Le cinquième objectif est de concevoir et placer la formation et l'emploi sportifs au service du développement durable des territoires. La formation aux métiers du sport, dans l'évolution des activités sportives, est un objectif prioritaire. La formation peut être la résultante de l'ensemble des objectifs, vus précédemment au service du développement de ces territoires, et elle sera garante de la vie et de la durabilité de l'activité économique dans ces territoires.

Chacun a à l'esprit l'importance que revêt la vie associative dans les territoires. Il est indispensable que la formation soit mise au service de la pérennité de cette vie associative. Nous devons favoriser la formation des bénévoles qui sont confrontés à la mutation du sport et à la technicité accrue des questions qui entourent le sport. Le mouvement sportif est l'une des forces vives de la vie associative de notre pays puisqu'il compte 174 000 associations sportives. De ce fait, la formation de cadres est l'un des objectifs poursuivis pour favoriser la pérennisation de cette vie associative et contribuer à l'unité du mouvement sportif.

Quels sont les choix stratégiques que l'État propose de retenir pour atteindre ces cinq objectifs ? Cette question revêt une dimension classique pour tous les ministères qui sont largement déconcentrés et qui interviennent dans un domaine de décentralisation et de partage de compétences. La réponse prend en compte la double dimension de l'État, à la fois État partenaire et État qui intervient directement. Ces interventions, faites en partenariat ou directement, s'exercent, en outre, sur différents territoires. Le schéma a donc retenu trois domaines de choix stratégiques.

Premier domaine, celui de l'État partenaire. Du constat quasi unanime qui s'est dégagé des premières contributions régionales et qui porte sur l'insuffisante connaissance du fait sportif et d'un manque de coordination, l'État tire deux conséquences : la nécessité de développer la coordination des acteurs du sport et des politiques sportives et la nécessité de recentrer l'ensemble de ses moyens sur les objectifs prioritaires du schéma de services collectifs du sport.

Cette meilleure coordination des politiques sportives, il vous est proposé de la faire à trois niveaux, ce qui n'exclut pas nécessairement les autres. Le premier de ces niveaux est celui de la région. Il est apparu, dans l'ensemble des contributions régionales comme dans le cadre de nos discussions interministérielles que la région doit être l'échelon territorial privilégié de coordination des politiques sportives.

M. le Président : Le choix de la région comme échelon territorial privilégié est quelque peu paradoxal. En effet, et ainsi que vous l'avez rappelé, le tableau des interventions financières au sein de la politique sportive montre que c'est la région qui intervient le moins financièrement.

M. Luc Deiber : Oui, mais nous parlons ici de coordination et non d'intervention financière des collectivités. L'échelon régional a paru comme étant le plus pertinent, indépendamment des flux de financement, pour insuffler de la cohérence dans les politiques sportives afin qu'elles puissent être utiles au développement territorial. Nous proposons sur ce sujet un certain nombre de mesures sur lesquelles nous pourrons revenir.

Le second échelon territorial que nous retenons est celui de la coopération intercommunale sous toutes les formes ouvertes par la loi du 12 juillet 1999 ; les coopérations entre les territoires peuvent s'exercer au sein de la constitution des pays notamment. Notre ambition est de voir se construire des projets de politiques sportives à partir de territoires de projet.

La collaboration intercommunale, quelle qu'en soit la forme, est mise au service de la rationalisation à la fois des politiques sportives, des investissements et de leur gestion, ce qui n'est absolument pas neutre en termes de formation et d'emploi. Cela devrait se traduire par l'élaboration collective de schémas intercommunaux de développement des activités physiques et sportives.

Le troisième niveau, c'est le niveau national. S'agissant de cohérence, l'État doit s'observer lui-même car le niveau national a beaucoup à faire pour aboutir à une coordination renforcée - ce sera un problème futur dans les administrations centrales - ou au sein même du ministère de la Jeunesse et des Sports. Le projet de loi, que Mme Marie-George Buffet a fait adopter par le parlement en juillet dernier, répond à cette préoccupation.

L'État partenaire va donc recentrer l'ensemble des moyens dont il dispose sur la réalisation des objectifs du schéma de services collectifs du sport. Les fonds structurels européens, avec une population éligible, en France, de plus de 18 millions d'habitants, s'élèvent à plus de 36 milliards de francs. Cette somme représente une forme d'intervention non négligeable qui implique une coordination importante avec le niveau régional, afin de permettre la réalisation des objectifs du schéma.

S'agissant des crédits figurant dans les contrats de plan État-région, le ministère de la Jeunesse et des Sport et l'État, sur la période 2000-2006, ont fait un effort considérable, car ils sont passés de 112 à 662 millions de francs. Ces contrats sont révisables, et la révision devra se situer clairement dans le cadre des objectifs du schéma de services collectifs du sport.

Nous avons également, au niveau national, toute une panoplie de schémas avec les fédérations sportives, pour un total d'environ 500 millions de francs. La démarche adoptée est totalement novatrice pour les fédérations, car le ministère leur demandera de territorialiser leur politique sportive, tant en matière de développement des activités physiques, au sens classique, que pour les pratiques de haut niveau. De surcroît, il s'agit d'aller vers un rapprochement des grands types de familles sportives, de façon à promouvoir des projets interdisciplinaires sur certains territoires.

La subvention des équipements sportifs est également un levier puissant. Je pourrai, si vous le souhaitez, vous présenter les mesures envisagées dans le cadre des politiques éducatives contractualisées, notamment les contrats éducatifs locaux où le sport, dans sa dimension éducative vers les plus jeunes notamment, prend toute sa place.

Le deuxième domaine concerne l'intervention directe de l'État. Nous entrons là dans une démarche d'adaptation de l'État et de nécessaire rénovation du service public avec, pour objectif, un État à la fois plus proche du citoyen et davantage à son service. Deux voies sont retenues : d'une part, améliorer le service rendu à l'usager et, d'autre part, adapter le fonctionnement des services de l'État à la mise en œuvre du schéma de services collectifs du sport.

Le troisième et dernier domaine retenu par le schéma concerne les territoires d'intervention prioritaire. Cette partie de l'exercice a sans doute été la plus difficile pour le ministère, car il n'était pas question de définir depuis Paris, une approche unique et modélisée. Décréter exactement ce qu'il faut faire à tel endroit n'est pas de notre ressort. Au contraire, nous souhaitons l'émergence d'un espace relevant de l'élaboration des schémas régionaux, lesquels permettront une approche beaucoup plus fine et différenciée.

Il convient, néanmoins, de retenir des critères pour définir le cadre des interventions de l'État. Nous avons ainsi retenu les notions de services collectifs et de pratiques sportives, au travers de différents niveaux territoriaux : le niveau de proximité, le niveau régional, les territoires de coopération interrégionale et transfrontalière et les territoires et départements d'Outre-mer, dont nous avons à nous préoccuper de façon plus spécifique. A chacun de ces niveaux, nous avons tenté de dégager les grandes tendances qui nous permettaient de dire qu'il y avait matière à intervention prioritaire.

S'agissant des territoires de proximité, ceux-ci sont consacrés essentiellement, en matière sportive, à la satisfaction de l'obligation sportive scolaire, à la dimension éducative du sport et à la récréation sportive. Cette dernière recouvre tout ce qui concerne l'animation sportive de proximité - qui tient une très grande place dans les collectivités territoriales - avec un sujet de préoccupation particulier, qui est celui des quartiers sensibles. Ces animations de proximité concernent également la continuité éventuelle entre le rural et l'urbain ainsi que la grande ruralité, qui pose des problèmes spécifiques.

Le territoire régional, en matière sportive, est plus dédié à la recherche de la performance. Nous entrons dans une dimension d'équipements plus structurants, tournés vers l'entraînement, la formation et la compétition de haut niveau. Je pense, en particulier, à la complémentarité entre l'entraînement du sportif de haut niveau et le sport universitaire.

En ce qui concerne la récréation et l'animation sportives, nous avons retenu la valorisation des espaces naturels et ruraux en déclin démographique, notamment les territoires en situation de reconversion industrielle. S'agissant des territoires de coopération interrégionale et transfrontalière, le premier aspect retenu concerne la recherche de la performance, qui concerne l'élite du sport et le sport spectacle. Il nécessite les équipements les plus coûteux. Le deuxième aspect est la récréation sportive au travers des grands espaces du sport : les sports aériens, par exemple, qui font fi des limites administratives, les grands itinéraires de randonnée, les politiques de massifs, les liaisons européennes telles les "vélos routes voies vertes". Il y a là des politiques interrégionales de développement qui doivent être conduites dans une dimension européenne.

Enfin, le schéma propose d'approcher, de façon plus spécifique, les départements et territoires d'Outre-mer, compte tenu de leur démographie : dans certains territoires, les jeunes représentent environ 40 % de la population. On connaît l'importance sociale et culturelle du sport dans ces départements et territoires et on connaît surtout l'apport de ces départements et territoires au sport français. Il y a donc là une obligation, pour la collectivité nationale, de mieux les prendre en compte et de le faire de façon différenciée, compte tenu de l'ensemble de leurs spécificités, y compris climatiques.

En conclusion, je voudrais souligner combien ce projet de schéma traduit une démarche de modernisation de l'action de l'État ; il essaie d'appréhender les interactions entre l'action publique et l'économie de marché, et les besoins de la personne. Cette démarche tend à créer une capacité collective à anticiper les évolutions sur de longues périodes, afin de mieux répondre aux attentes de services, jugés essentiels par nos concitoyens. C'est aussi un exercice d'anticipation pour l'État.

Enfin il s'agit, dans cette démarche, d'organiser un système d'actions collectives fondées sur la coopération entre les différents acteurs agissant à la fois dans le champ sportif et dans le champ de l'aménagement du territoire.

M. le Président : Les trois exposés étaient importants et nous éclairent sur le schéma de services collectifs du sport. Nous avons bien perçu que cet exercice était novateur et prospectif. Il s'inscrit dans un cadre législatif complet puisque vous avez rappelé la loi relative au sport et la loi sur l'aménagement du territoire. Nous retrouvons, dans ces exposés, la volonté de recomposition des territoires que le gouvernement a voulu mettre en œuvre au travers de plusieurs textes de loi, dont celui sur le renforcement et la simplification de l'intercommunalité.

Nous sommes, avec ce schéma, dans une démarche globale et partenariale, contractuelle et novatrice. Avant de passer la parole à M. le rapporteur, permettez-moi quelques questions et demandes de précision. La première question est liée à votre remarque sur le sport comme moyen de prévention pour la santé. Le sport est aussi, aujourd'hui, directement lié à certaines pratiques dangereuses pour la santé, comme le dopage. Avez-vous retenu un volet "sport et santé" à l'intérieur du schéma de services collectifs ?

Ma deuxième question concerne un élément essentiel dans les nouvelles politiques d'aménagement du territoire et de développement de l'action publique, à savoir la démarche de l'évaluation. J'aimerais savoir si vous intégrerez un dispositif d'évaluation dans le schéma de services collectifs du sport. Si oui, comment l'imaginez-vous et comment le mettrez-vous en œuvre ?

M. Félix Leyzour, Rapporteur : Je voudrais soulever quelques problèmes qui sont également au cœur de mes préoccupations. Vous avez rappelé ce qu'était le fait sportif, ce qu'a été la procédure d'élaboration du document et ce que sont les objectifs du schéma. J'aimerais savoir quelle diffusion a déjà été faite de ce premier document et qui s'en est saisi dans les régions, ce qui nous permettra de mieux comprendre comment la concertation a pu s'engager.

La discussion sur la loi d'aménagement du territoire a donné lieu à un grand débat concernant l'articulation entre les schémas collectifs et les schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire, élaborés dans chaque région. Dans le passé, nombre de grands schémas ont été annoncés, mais ils n'ont jamais produit un schéma abouti. Il fallait donc, comme l'a fait la loi du 25 juin 1999, retenir une démarche différente. Ma deuxième question est donc la suivante : les schémas régionaux ne feront-ils que décliner, à leur niveau, le schéma national de services collectifs ou bien, s'inscrivant à l'intérieur de ce dernier, pourront-ils l'enrichir en traduisant certaines réalités ? Ceux avec qui j'ai pu déjà en discuter ont tendance à penser que le schéma collectif sera uniquement un cadre pour la programmation d'équipements. C'est évidemment un cadre dans lequel on programmera des équipements, mais je crois, pour ma part, que ce doit aussi être un cadre pour définir ce qu'on attend du sport, et notamment la place qui doit lui revenir pour favoriser l'intégration sociale des jeunes.

Ma troisième question rejoint la réflexion faite par notre président, sur le rôle de la région. Dans la loi d'orientation et d'aménagement du territoire, la région est considérée comme étant le niveau territorial pertinent pour l'élaboration et la mise en œuvre de la politique contractuelle. Est-ce uniquement par prolongement de ce qui a été défini au plan économique, que la région deviendrait également le niveau pertinent au plan sportif ? Observons qu'aujourd'hui, la région n'a pas ce rôle. Il serait d'ailleurs intéressant de disposer d'éléments précis portant sur les interventions des régions dans le domaine des sports. Certaines n'interviennent que dans le cadre des responsabilités qu'elles exercent pour l'équipement des lycées. D'autres considèrent qu'elles n'ont pas à intervenir, que la loi ne leur a conféré aucune compétence en ce domaine, d'autant qu'il n'existe pas d'équipements sportifs à maîtrise régionale. La plupart des équipements sont d'ailleurs réalisés par les communes avec l'aide du conseil général.

Il me paraît essentiel d'appréhender ces différents éléments de façon cohérente, afin de ne pas aboutir à un schéma creux, ne correspondant pas à la réalité du terrain.

Je conclurai sur l'articulation entre l'éducation sportive - à l'école primaire, au collège, au lycée et à l'université - et le sport dans la société, sport de masse ou de haut niveau. Si l'on veut arriver à une politique fonctionnelle et bien réfléchie, nous devons pouvoir utiliser au mieux les équipements sportifs dans la journée pour les scolaires, et le soir pour le monde associatif. L'articulation ne concerne d'ailleurs pas uniquement les équipements, mais s'applique aussi à la nature même de l'activité physique. Dans le milieu scolaire, l'éducation physique est dispensée par des généralistes que sont les enseignants d'éducation physique. Après l'école, on passe à une pratique de sports spécialisés. Il y a parfois conflit sur la manière dont ces deux domaines appréhendent le sport. Quelle continuité, et quels liens établir entre les deux ?

M. Jean-Michel Marchand : Je reviendrai sur la diffusion aux régions du schéma du sport mais d'autres schémas de services ont-ils été diffusés dans chacune des régions ? Si oui, comment et où les obtenir pour la région qui nous concerne ?

Ma deuxième question concerne la place prépondérante que, dans le schéma du sport, vous donnez à la région. Lorsque la région finance des structures, elle ne le fait qu'au niveau des lycées. Il faut se battre pour qu'elle accepte de financer des petits clubs. La région, en effet, a plutôt tendance à financer des projets de plus grande envergure. Dans ces conditions, la région ne peut, me semble-t-il, jouer un rôle de coordination, alors que la plus grande partie des efforts financiers provient des communes, même si la région participe financièrement à l'adaptation des équipements sportifs mis à disposition des lycées.

Je voudrais également insister à mon tour sur l'utilisation la plus performante possible des installations sportives. Il est nécessaire d'établir une coordination efficace entre les activités de jour, liées à la fois au plan scolaire et aux autres activités sportives, et les autres activités, dispensées par des spécialistes, dans un cadre disposant des équipements sportifs nécessaires.

Autre point qui est le corollaire de ce qui précède : les établissements scolaires sont par vocation des lieux de rassemblement, sur un territoire urbain ou un chef-lieu de canton, de populations jeunes qui, chaque soir, se dispersent dans un tissu rural très élargi où elles ne retrouvent plus la qualité des équipements utilisés pendant la journée. Comment faire pour que l'ensemble de ces équipements soient à la fois performants et équitablement répartis sur le territoire ? C'est bien là l'objet d'un schéma à vingt ans.

M. le Président : C'est l'objectif d'un égal accès de tous à la pratique sportive.

M. Alain Mouchel : La diffusion officielle du document est assurée par la DATAR. Notre plus grande crainte aujourd'hui serait que les préfets s'emparent de ce document et le traitent de manière technocratique et bureaucratique. La bonne diffusion du schéma est, pour nous, un enjeu important car nous avons à connaître actuellement de ces questions-là. La manière dont le schéma de services a été conçu, dès le départ, a permis de mettre en relation un certain nombre d'acteurs qui ont aujourd'hui une très forte attente, notamment, de la synthèse qui sera faite au plan national.

Mme Catherine Virassamy : Le document a bien été diffusé aux préfets !

M. Luc Deiber : Une circulaire du Premier ministre, datée du 11 octobre, a été adressée aux préfets de région. Elle leur confie la responsabilité de la diffusion, au niveau local, de ces schémas. En outre, cette circulaire du Premier ministre a été adressée aux préfets de département, pour information.

M. Alain Mouchel : Il est aussi vrai que les schémas sont partis sous d'autres formes. Nos services vont attirer l'attention des préfets sur ce point mais il nous a paru nécessaire d'engager la concertation avec ceux qui ont contribué à la constitution de ces schémas.

M. Luc Deiber : Par ailleurs, ces schémas sont totalement accessibles sur le site Internet de la DATAR.

M. Félix Leyzour, Rapporteur : Sur ce point, afin que le monde sportif réserve au schéma le meilleur accueil possible, - que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur de l'école -, qu'il ne le découvre pas simplement en bout de course, il me semble indiqué de l'associer à son élaboration. Il me paraît préférable de faire sorte que le maximum d'intervenants soient saisis de ces questions. Je veux également rappeler que dans les conseils régionaux, il y a déjà eu des politiques de programmation - dont des schémas de piscines, etc. - qui ont permis d'ouvrir la discussion et de faire remonter les préoccupations à l'échelon central : il est certain, en effet, qu'on ne peut construire des piscines ou des vélodromes partout. Sans une véritable consultation, le monde sportif aura tendance à considérer que le schéma de services collectifs lui vient d'en haut, qu'il n'y a pas été associé. Ce schéma aura bien sûr sa cohérence, mais il n'intégrera pas les préoccupations du terrain...

M. Alain Mouchel : Sur ce point, le mouvement sportif va prendre l'initiative de débattre de ce schéma de services collectifs. Toutefois la problématique posée tout à l'heure montre que le mouvement sportif licencié représente moins de la moitié des sportifs en France et que la manière de faire participer un certain nombre d'acteurs est difficile à établir.

Les élus ont vocation à représenter l'ensemble de la population et à être attentifs à ce que les éléments du schéma, tels qu'ils seront posés, soient respectés, notamment en ce qui concerne les pratiques dans le milieu naturel.

M. Luc Deiber : C'est l'un des enjeux clés de ce projet. Je le qualifie de démarche car nous sommes là, dans une tentative de rapprochement de la formation de la décision publique du citoyen. Si nous voulons que cet exercice soit pertinent, nous devons retrouver, dans la phase de consultation régionale qui s'ouvre aujourd'hui, le même esprit de concertation et d'ouverture que celui qui a présidé à l'élaboration des contributions régionales. Autrement dit, nous devons retrouver le même souci de diffuser, le plus largement possible, ce projet auprès de tous ceux qui sont, de près ou de loin, des acteurs en région. C'est la clef de la réussite de cet exercice, qui n'est pas un exercice figé, mais un projet, avec sa cohérence, ses inconvénients et ses faiblesses.

M. Jean Espilondo : Le schéma de services collectifs au niveau régional fait-il également une prévision à vingt ans quant aux équipements ?

M. Alain Mouchel : Non. C'est une question importante dont nous avons débattu entre nous, notamment par rapport à ceux qui sont imprégnés par la culture DATAR. Il n'y a pas de planification d'équipements, dans la mesure où cet exercice n'est absolument pas une remise en cause rampante des lois de décentralisation. C'est l'une des craintes que l'on a vu poindre à un moment donné, d'où un rapide rappel à l'ordre du ministère de l'Intérieur.

La décision en matière de services et de mise en place des moyens appartient aux collectivités. C'est pourquoi le chapitre sur la définition des territoires d'intervention est très important. Dès aujourd'hui, dans l'établissement des subventions sur le FNDS, nous commençons à réfléchir à la manière dont les projets d'équipements sont construits. Nous prenons de plus en plus en considération les constructions par rapport à des bassins de population et demandons aux collectivités de justifier leurs demandes de subvention par l'émergence des besoins des populations. C'est un point sur lequel il conviendra d'aller beaucoup plus loin dans l'avenir.

M. le Président : Estimez-vous qu'il s'agit plutôt d'une préoccupation qui pourrait être développée au niveau de l'intercommunalité, du pays ou de l'agglomération, au sens où la loi d'orientation et d'aménagement du territoire l'entend, à savoir sur des espaces plus vastes que le petit bassin de vie.

M. Alain Mouchel : Votre expérience est certainement plus importante que la nôtre sur ce sujet car vous êtes des gens de terrain. La notion de pays recouvre des réalités extrêmement différentes les unes des autres. Le Normand connaît le pays d'Auge qui est défini par l'histoire, mais peu par la vie des gens. Sur le terrain, on voit les maires s'organiser pour prendre en compte les besoins des populations, notamment pour ce qui concerne les équipements lourds.

M. le Président : A ce titre, il conviendrait de distinguer deux notions :

- Le problème de l'infrastructure et de l'équipement, qui est du niveau de l'intercommunalité.

- La prise en compte du besoin, de la pratique, de l'organisation du service, ou de la compétition ou autre, qui doit être faite sur une échelle différente et plus large.

Il me semble que le "pays Voynet" se définit plutôt au niveau du bassin d'emplois, sur une échelle géographique dilatée par rapport au "pays Pasqua", qui est du type pays d'Auge, même s'il n'est pas aussi restreint. Il est nécessaire de bien faire la différence entre infrastructures et services. En effet, beaucoup de communautés de communes, qui comptent à peine cinq mille habitants, sont peut-être un peu justes pour organiser des pratiques sportives et répondre aux besoins d'une population. Une piscine ou certains équipements spécialisés ne s'amortissent pas sur cinq mille habitants, mais plutôt sur cent mille.

Mme Catherine Virassamy : S'agissant de la programmation des équipements et de la hiérarchisation des équipements et des services, ces éléments seront retravaillés dans les contrats de plan d'ici 2003, notamment dans le volet territorial. A partir du schéma actuel, il conviendra de retravailler sur les grands objectifs d'équipements.

M. Alain Mouchel : Néanmoins, sur ce point, on peut se demander si l'élaboration des contrats de plan obéit à la logique démocratique. Par rapport aux contrats de plan, nous voyons arriver des équipements qui obéissent à des motivations qui ne sont pas conformes au schéma de services collectifs.

Mme Catherine Virassamy : C'est le volet territorial qui l'établira.

M. Alain Mouchel : On peut espérer un changement de mentalité dans la prise en compte du schéma.

M. Félix Leyzour, Rapporteur : Sur votre démarche, il me semble que, dans le schéma des services collectifs du sport, nous sommes dans une situation différente de celle que nous connaissons, par exemple, avec le schéma des transports collectifs. En effet, lors de l'élaboration des contrats de plan, avant même que le cadre du schéma des transports existe, il devait déjà inclure différents éléments. C'est une sorte de mouvement de va et vient entre la programmation, déjà incluse dans les contrats de plan, et l'amorce d'un schéma à venir.

Le schéma des services collectifs du sport recouvre une situation quelque peu différente. Pour l'heure, aucune réflexion ne s'est tenue ni dans le cadre de la préparation des contrats de plan, ni dans celle du schéma de services collectifs du sport : la démarche étant nouvelle, son cadre n'est donc pas exactement le même que celui des autres schémas. A titre d'exemple, par rapport à la région, vous avez indiqué que le ministère de l'Intérieur a rappelé qu'il ne s'agissait pas de modifier les lois de décentralisation. Néanmoins, à un moment donné, il conviendra d'établir si la région doit exercer des compétences en matière sportive ou si la région, parce qu'elle n'aura pas reçu de compétence particulière, sera simplement un lieu de concertation. C'est un point sur lequel nous risquons de buter.

Actuellement, les collectivités de base dans le domaine du sport, celles qui ont les compétences et qui réalisent les infrastructures, ce sont les communes, qu'elles soient ou non regroupées. Ensuite viennent les conseils généraux, qui subventionnent les communes pour les réalisations communales et qui ont compétence pour les réalisations dans les collèges. Il n'y a pas beaucoup d'autres intervenants !

Toutefois, il est certain que nous devons aboutir, au niveau d'une région, à établir une hiérarchisation des besoins selon la pratique sportive. Certaines régions ont des besoins en équipements de proximité, en équipements de pratique à un niveau plus élevé, voire des équipements de compétition de haut niveau. A mon avis, c'est à ce niveau-là qu'il faut arriver à hiérarchiser les équipements, de façon à répondre aux besoins. Par exemple, par rapport aux activités sportives, les préoccupations sont certainement autres dans les Alpes, qu'en Bretagne où l'on peut évidemment développer des activités dans le domaine du nautisme. Nous devons confirmer le rôle de la région en tant que pivot.

M. Alain Mouchel : Vous avez précédemment évoqué un problème fondamental du schéma de services collectifs du sport, à savoir que le "service sportif" est produit majoritairement par les associations. La structuration de ces associations et les moyens dont elles disposent sont un réel problème dans notre pays.

Nous constatons que l'intervention de l'État n'est pas à la hauteur des besoins. Certes, nous disons que nous sommes satisfaits des crédits budgétaires qui nous sont alloués mais l'expression "État-partenaire" nous sert parfois un peu d'alibi. Nous sommes donc au cœur d'une problématique qui est particulière, dans le sens où le sport qui fonctionne majoritairement, c'est le sport que les gens choisissent de pratiquer. C'est une dimension qui, aujourd'hui, conduit à un certain nombre de dérives, dans le sport professionnel par exemple. N'oublions pas qu'il est assis sur les mêmes bases que celui pratiqué dans le petit club du village. Certaines municipalités envisagent, il est vrai, de mettre en place un service public minimum du sport. Mais ce service a un coût, et l'État intervient peu dans ce débat.

M. Henri Nayrou : Il y a un paradoxe qui tient aux quatre mots, "schéma de services collectifs du sport", et au fait que les équipements n'y sont pas inclus. Cela pose problème car les services sur lesquels le schéma de services collectifs du sport doit se pencher, sont déjà réalisés par des groupes sportifs, des associations réunies sous l'égide de fédérations sportives, l'égide communale, etc.

Parler de "schéma de services collectifs" et "d'intérêt collectif" cela suppose que l'on évite, par exemple, la réalisation d'une guirlande de grands stades trop proches les uns des autres et tous situés le long d'une autoroute, donc facilement accessibles. Voici l'exemple d'une belle gabegie que j'ai souvent rappelé : rénovation du stade de Narbonne, utilisation du stade de la Méditerranée à Béziers deux fois par mois, rénovation du stade de la Mosson à Montpellier à l'occasion de la coupe du monde de football et utilisation, deux fois par an, du stade des Costières à Nîmes ! Qui fera la somme de l'argent public investi dans ces quatre stades, qu'une seule heure d'autoroute sépare les uns des autres ?

Le schéma aurait été bien à sa place s'il avait pu aborder cette situation comme il l'aurait été également s'il avait pu intervenir dans le cadre de la loi montagne, en ce qu'elle a mis un coup d'arrêt à la construction d'équipements ! En fait, on retombe chaque fois sur les équipements et le fait qu'ils ne figurent pas dans ce schéma pose manifestement problème.

Une autre difficulté se pose au niveau des conseils généraux. Lorsque l'on essaie de coordonner les investissements dans les chefs-lieux de cantons et les communes du département, investissements qui vont être puissamment aidés par le conseil général, puis quand on aborde la coordination du "fonctionnement", notamment les terrains de tennis ou les salles polyvalentes, on se fait fort, à l'hôtel du département, d'indiquer qu'il faut tel équipement dans telle structure administrative ou territoriale. C'est faire peu de cas du choix des collectivités locales. Je rappelle que souvent, dans les villages, le maire se trouve confronté à la demande de groupe bien organisés qui souhaitent la construction d'une salle polyvalente propre à leur commune...

On constate qu'il est plus facile d'obtenir des infrastructures, quand elles sont planifiées, qu'une salle polyvalente qui est demandée par le maire d'une petite commune et dont la réalisation serait pourtant l'expression d'une volonté de revitalisation et concrétiserait le souci d'assurer le renforcement du lien social en regroupant les habitants autour d'un même lieu.

Il me semble donc qu'il y a là peut-être un paradoxe à vouloir associer les mots : "schéma, services collectifs, sport, équipement, fonctionnement, fédération, besoins".

M. Luc Deiber : Peut-être me suis-je mal ou insuffisamment exprimé au cours de mon exposé, mais votre préoccupation, quant à la répartition des équipements à travers l'espace de notre territoire, est réellement l'un des cœurs de cible du schéma. Pour traduire cette préoccupation dans les faits, dès 2001, nous inviterons chaque président de fédération à se projeter dans l'espace du territoire français afin qu'ils nous disent quels sont les grands espaces de sport qui leur sont indispensables aujourd'hui et demain. A l'issue de ce travail, nous devrions ainsi être en mesure d'élaborer un schéma des équipements d'intérêt national. Nous disposerons d'une carte prospective des équipements nécessaires à la pratique sportive de haut niveau dans notre pays, tout en évitant les doublons ou les dépenses parfois à caractère somptuaire.

Par ailleurs, nous allons, dès cette année, passer d'une logique financière et comptable, dans l'approche des demandes de subventions d'équipement à l'État, à une approche de diagnostic territorial et d'objectifs de politiques sportives, de façon que l'équipement sportif pour lequel les subventions publiques sont demandées soit véritablement le support de cette cohérence territoriale. Notre volonté est que le schéma permette d'éviter des redondances en matière d'équipement sportif. La recherche de la cohérence est vraiment notre priorité et vos remarques sont le reflet de notre préoccupation qui devrait notamment nous permettre de dresser une cartographie après recensement des équipements sportifs sur l'ensemble du territoire.

M. Alain Mouchel : Au regard des quelque 100 millions de francs de crédits budgétaires consacrés aux équipements, il nous est difficile d'avoir l'ambition d'imposer une politique à qui que ce soit. La méthode retenue consiste, en fait, à amener les gens à réfléchir, avec bon sens, sur la manière dont il faut implanter les équipements, même à caractère national. Par exemple, la communauté urbaine de Rennes construit un grand centre sportif de haut niveau, dont le coût s'élève à 142 millions. Le FNDS va lui accorder une subvention de 4 millions, laquelle s'assimile donc davantage à une sorte de label qu'à la mise en œuvre d'une politique !

M. Félix Leyzour, Rapporteur : L'Assemblée nationale est appelée à émettre un avis. J'aimerais savoir si nous aurons simplement à commenter un schéma déjà quasi définitif ou si la discussion peut permettre d'enrichir ce document. Les parlementaires sont souvent des élus de terrain qui savent combien il est difficile pour les communes et les conseils généraux qui veulent réaliser des équipements sportifs d'obtenir des financements de la région. Peut-être, dans le cadre de la discussion, pourrons-nous affiner un certain nombre d'éléments.

Quand je dis : "il faut fixer des priorités", j'ai néanmoins conscience qu'on ne peut empêcher une commune de deux mille cinq cents habitants de vouloir disposer de sa propre salle de sport. Mais on pourrait peut-être décider que les conseils généraux ou régionaux n'apporteront leur soutien financier qu'aux projets qui revêtent une certaine importance pour le territoire. Il conviendrait ainsi d'établir une hiérarchisation des priorités.

M. Luc Deiber : C'est ce que nous essayons de faire.

M. Félix Leyzour, Rapporteur : Je cite l'exemple du conseil général de mon département qui a établi un programme de réalisation progressive de bassins de natation. Un dialogue s'est instauré avec les communes pour apprécier les demandes de construction de piscines. Ainsi le conseil général a pu évaluer globalement le projet et accorder son financement au mieux.

La concertation, c'est privilégier, à un moment donné, au niveau de l'aide financière, les équipements qui peuvent avoir une "dimension" plus importante, de façon à aboutir à cette hiérarchisation des priorités. Je suppose qu'à terme, on ne demandera pas à la région de financer tous les équipements sportifs ; mais certains grands équipements, par exemple un stade couvert, correspondent peut-être aux besoins d'une région.

M. Henri Nayrou : Je vois une première application concrète de ce schéma. A l'heure actuelle, un certain nombre de communautés de communes n'ont pas encore réalisé qu'elles devraient harmoniser leurs investissements et l'organisation de la vie sociale et sportive. Parallèlement, au niveau des financements, il y a un choix à opérer entre un projet communal, qui sera moins subventionné, et un projet intercommunal.

Dans le cadre d'un schéma de services collectifs, pourquoi n'y aurait-il pas préconisation pour dire que tel équipement qui n'entre pas dans le projet commun ne donnera pas lieu à financement s'il est le fait d'une commune qui a quitté, par exemple, une agglomération pour faire "cavalier seul".

M. Alain Mouchel : Cela est bien prévu, mais nous devrons le mettre en œuvre !

M. Jean Espilondo : Ce matin, lors des auditions de la Délégation dans le cadre du schéma de services collectifs culturels, a été évoquée la "discrimination positive". Je reconnais que vos crédits sont sans doute largement insuffisants pour s'engager sur cette voie. Néanmoins, on constate au niveau des équipements sportifs à la fois, la gabegie évoquée par mon collègue Henri Nayrou et, au contraire, dans certains pays ou grands ensembles urbains, un manque d'équipements sportifs, les communes ayant d'autres préoccupations ou ayant fait d'autres choix.

Dans ce schéma de services collectifs, en dehors des points très intéressants que vous avez abordés, il me semble que manque l'évocation de ce problème d'équipements pour, d'une part, éviter la gabegie et, d'autre part, inciter à une véritable réflexion sur les besoins au niveau régional.

M. Alain Mouchel : Nous l'avons fait par défaut.

M. Jean Espilondo : Je sais que c'est un problème d'organisation extrêmement complexe qui touche aux fédérations et aux association, notamment.

M. Alain Mouchel : S'agissant des fédérations, le problème est de savoir si elles sont fondées à imposer leur politique à l'ensemble de la collectivité nationale. Si les fédérations établissent des schémas, nous pourrons en tenir compte en tant qu'indicateurs : ils peuvent servir éventuellement à la mise en place d'une politique ; mais les fédérations n'ont pas d'autre capacité que de "dire" car elles ne payent jamais !

La méthode que nous avons suivie, étayée des documents qui figurent dans l'annexe, a été de repérer les équipements existants, de définir des zones qui nous paraissent pertinentes pour la construction de ces équipements et de convaincre les élus et les décideurs que, dans telle région, un stade de grande taille, par exemple, n'a pas sa place car il en existe déjà un ou plusieurs à proximité.

J'en reviens aux fédérations. La fédération de football est une grande consommatrice de normes. Actuellement elle change celles qui concernent le championnat national III. Elle impose aux collectivités, dont les équipes veulent jouer en championnat national III, la construction d'un stade de quinze mille places. Au nom de quoi une telle entité peut-elle exiger cela ?

C'est pourquoi nous avons suivi un raisonnement inverse. Au plan national, nous ne pouvons décider de l'implantation des grands équipements. En revanche, nous pouvons faire le constat que de grandes régions ne disposent pas, par exemple, de circuit pour la pratique du sport mécanique. Nous devons donc montrer aux régions qu'il y a bien un manque dans tel ou tel secteur et essayer de les convaincre d'examiner le problème. De la même façon, certaines régions, telles Paris ou la région normande, ne disposent d'aucune piscine olympique de 50 mètres, ou, lorsqu'il y en a, elles ne permettent pas d'organiser de grandes compétitions internationales. Dans la région normande, une piscine olympique sera construite prochainement à Caen. La seule qui existe actuellement est à Deauville et n'est pas aisément accessible.

M. Henri Nayrou : Si ce schéma du sport avait existé il y a une dizaine d'années peut-être aurait-il permis d'éviter l'effondrement du fonctionnement du golf puisque l'on compte aujourd'hui cent terrains de golf en trop par rapport au nombre de licenciés. Certes, ce sont des projets privés, mais l'État a aussi les moyens de se mettre en travers d'initiatives jugées peu raisonnables et qui ont totalement dérégulé le marché.

M. Alain Mouchel : Le golf est un exemple qui a été pris en considération dans le schéma. C'est aussi l'exemple d'un outil qui n'est pas strictement sportif. C'est un outil d'aménagement du territoire structurant car il a une vocation touristique et sportive, voire d'autres vocations qui ne sont pas encore décrites. Je m'interroge sur le fait de savoir si un tel schéma de services collectifs a vocation à faire ressortir des évaluations négatives. A mon avis, il a vocation à faire émerger des incongruités. La norme pour un golf est de 250 000 habitants...

M. Henri Nayrou : Non, elle est de 130 000.

M. Alain Mouchel : On rencontre dans ce secteur beaucoup d'incongruités aujourd'hui. Pour autant, l'État n'a pas mis un sou dans la construction d'un golf depuis une dizaine d'années.

M. Henri Nayrou : L'État, non, mais les collectivités...

M. Félix Leyzour, Rapporteur : Toutes les décisions concernant les grands équipements sportifs ne peuvent être prises de Paris ou de la région. Prenons le cas de Guingamp, ville de huit mille habitants, dont l'équipe de football est en première division. Ce sont les événements qui, à un moment donné, ont fait que Guingamp a eu une bonne équipe de football et qu'il a alors fallu construire un stade de bonne capacité. Partant de cette réalité, de ce qui existe, ne pourrait-on pas, dans le secteur de Guingamp, développer un pôle sportif de formation ?

M. Alain Mouchel : Vous l'avez, au travers du centre de formation de football.

M. Félix Leyzour, Rapporteur : Oui, mais on pourrait peut-être aller encore plus loin. Par ailleurs, si, dans le cadre de la préparation du travail que nous faisons, j'étais amené, en tant que rapporteur, à demander à rencontrer dans mon département les représentants du monde sportif, seriez-vous d'accord pour favoriser cette démarche ? Cette expérience aura pour but de recenser, au niveau du terrain, quelles sont les attentes brutes des gens, avant qu'elles ne passent par différents filtres...

M. Alain Mouchel : C'est une démarche que vous pouvez tout à fait entreprendre.

M. Luc Deiber : D'un point de vue formel et au regard de la lettre de la loi, la consultation s'effectue au niveau régional. Mais les instructions du Premier ministre, ainsi que celles que nous donnons aux services déconcentrés, conduisent à élargir cette consultation au niveau départemental et auprès de tous ceux qui, de près ou de loin, sont acteurs de la vie sportive dans le département.

M. le Président : Dans le projet de schéma de services collectifs, sont évoqués la formation et l'emploi. Le sport, depuis déjà quelques années, est un gisement d'emplois important, bien que ces emplois soient parfois difficiles à solvabiliser. Il offre également une formation et une évolution de carrière aux animateurs sportifs des collectivités territoriales. Comment peut-on structurer cette formation et construire des itinéraires professionnels ? Cela peut-il être envisagé dans le cadre de cette réflexion régionale ?

M. Alain Mouchel : La "loi Buffet" du 6 juillet 2000 a changé la structure des formations au sein du ministère de la Jeunesse et des Sports. De ce point de vue, le changement des règles du jeu va incontestablement donner de nouvelles responsabilités aux régions. Le champ du sport quitte le champ des professions réglementées pour entrer dans le champ du droit commun. C'est le cadre institutionnel nouveau, tel qu'il a été voulu. La formation qui était hier le monopole du ministère, sera demain éclatée en un certain nombre d'acteurs : Éducation nationale, Jeunesse et sports, les universités et divers acteurs privés.

Pour répondre à votre question sur les emplois eux-mêmes, un gros travail est en cours. Quels sont les emplois en question ? Sont-ce des emplois strictement d'éducateurs ou assistons-nous à l'émergence de nouveaux emplois ? A cet égard, les emplois jeunes ont révélé que le mouvement sportif avait fait preuve d'une grande créativité en matière d'emplois. Le nombre d'emplois jeunes, dans le cadre des associations, se situait aux alentours de vingt-cinq mille. Beaucoup de ces emplois-jeunes ont été solvabilisés, dont certains qui ne sont pas strictement des emplois d'éducateur, au sens traditionnel. On assiste à un fort traumatisme du monde sportif sur ce sujet. De ce point de vue, le schéma de services collectifs aborde la question sous un angle complètement nouveau.

M. Luc Deiber : Le schéma de services n'est pas exclusivement tourné vers les équipements, il l'est, en premier lieu, vers les activités et les hommes. En ce qui concerne les activités, nous cherchons à former des hommes aptes à faire vivre des projets d'animation territoriale, de façon que cette notion de projet ait une véritable durabilité, ce que n'offre pas nécessairement l'encadrement traditionnel du sport.

Nous allons ainsi vers la recherche de pluriactivités, de façon à assurer une continuité à des emplois qui, jusqu'à présent, sont trop souvent fortement marqués par leur caractère saisonnier. Cette orientation est liée directement à la recherche la plus étendue et la plus complète possible de la vie des territoires.

C'est pourquoi, lorsque l'on fait mention du schéma de services collectifs du sport, on ne peut en parler sans aborder le patrimoine culturel ou historique du territoire. Nous ne sommes plus là dans le domaine du sportif de haut niveau, mais dans un contexte démographique précis. C'est la personne, homme ou femme, qui va rechercher bien d'autres apports dans la pratique sportive que le seul acte du sport, comme la découverte du milieu qui l'entoure ou de son patrimoine. Ce sont de nouveaux métiers que permet l'activité sportive, mais avec d'autres ouvertures. C'est une de nos préoccupations dans la définition de ces territoires de projet.

M. Alain Mouchel : Dans le document remis, vous constaterez que le monde du sport est le secteur dans lequel il y a eu le plus de créations d'entreprise, avant ceux de la téléphonie et des nouvelles technologies. Le nombre d'entreprises créées dans ce secteur est de plus 23 % par an, ce qui est tout à fait extraordinaire. Cela indique donc que de nouveaux métiers sont en train d'émerger. C'est pourquoi le champ de la formation devient un champ exceptionnel, mais ce besoin de formation est vraisemblablement défini par d'autres principes que ceux du passé, c'est-à-dire une formation strictement liée à l'acquisition des techniques. La question des formations et de l'emploi est bien au cœur de notre réflexion et du schéma. Je suis convaincu que, dans les vingt années à venir, elle prendra une dimension tout à fait considérable.

M. le Président : D'autant que la réduction du temps de travail, le développement plus large de la société de loisirs et le vieillissement de la population offrent au sport de nouvelles perspectives. Je vous remercie de la contribution que vous avez ainsi apportée à nos travaux.


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