ASSEMBLÉE NATIONALE


DÉLÉGATION
À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT
DURABLE DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N°17

mercredi 31 janvier 2001
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Félix Leyzour, vice-président

SOMMAIRE

 

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Audition de Mme Ariane Azéma, conseillère à la DATAR, MM. Hervé Bichat, ingénieur général, conseil général du génie rural, des eaux et forêts, Dominique Bureau, directeur des études économiques au ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement, Christophe Chassande, conseiller technique au cabinet de la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, Nicolas Revel, conseiller technique au cabinet du ministre de l'agriculture et Pierre-Eric Rosenberg, directeur de l'espace rural et de la forêt au ministère de l'agriculture, sur le schéma de services collectifs des espaces naturels et ruraux.

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La délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire a entendu Mme Ariane Azéma, conseillère à la DATAR, MM. Hervé Bichat, ingénieur général, conseil général du génie rural, des eaux et forêts, Dominique Bureau, directeur des études économiques au ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement, Christophe Chassande, conseiller technique au cabinet de la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, Nicolas Revel, conseiller technique au cabinet du ministre de l'agriculture et Pierre-Eric Rosenberg, directeur de l'espace rural et de la forêt au ministère de l'agriculture, sur le schéma de services collectifs des espaces naturels et ruraux.

M. le Président : Le schéma des services collectifs des espaces naturels et ruraux est un exercice nouveau à deux titres

Tout d'abord, pour la première fois, l'accent est mis sur la nécessité de prendre en compte les besoins. Ce schéma a en outre une originalité supplémentaire : il permet d'ouvrir le champ traditionnel de la planification à des secteurs nouveaux, les espaces naturels et ruraux.

L'attention concernant la qualité des territoires est de plus en plus forte de la part des citoyens. En retenant la notion de services collectifs rendus par ces espaces, la LOADDT vise à améliorer la réponse à la demande sociale en faveur d'un environnement de qualité.

M. Hervé Bichat : Avant de répondre à vos questions, je ferai un court exposé introductif en trois points. Pour cela, je vais rappeler les étapes du processus qui a conduit au schéma de services collectifs des espaces naturels et ruraux, en faire une présentation rapide et tirer les premiers enseignements.

Le processus de fabrication de ce schéma de services collectifs a démarré dès l'automne 1997 : on a alors commencé à penser que ce serait bien dans le cadre de la réforme de la planification territoriale, dite loi Pasqua, que les espaces naturels fassent l'objet d'une réflexion en termes de planification. Après toute une série de discussions en 1998, un comité interministériel a décidé de lancer les schémas de services. Pour celui qui nous concerne aujourd'hui, une lettre aux préfets a été signée par Mme Voynet et M. Glavany en janvier 1999, lançant la réflexion au niveau des services de l'État en région. Parallèlement, un comité stratégique appuyé par un comité technique a été mis en place au mois de mars 1999. Tandis que les régions préparaient leur contribution, la loi suivait son cours au niveau du Parlement et a été votée le 25 juin 1999.

Nous avons reçu les contributions des services de l'État en région au mois d'août 1999. Elles ont fait l'objet selon les régions de débats plus ou moins larges avec les responsables et les élus. Ces contributions sont remarquables. Nous avions pensé que la synthèse nationale serait agrégée à partir des contributions régionales et nous nous sommes aperçus que nous n'y arriverions pas. Dès mars 2000, nous avons été amenés à reprendre le dossier et, progressivement, à fabriquer le document que vous avez sous les yeux.

Ce document comprend trois parties. La première partie introduit la problématique et établit un diagnostic, la deuxième partie concerne les stratégies que l'État propose au débat et la troisième partie a trait à la mise en oeuvre.

La première partie fait le point de l'état du patrimoine naturel qui est d'ailleurs prescrit par la loi. Nous avons complété cet état réalisé par l'INFEN et nous avons fait une synthèse des analyses conduites au niveau des services de l'État en région. Tout cela débouche sur la mise en lumière de la multifonctionnalité des espaces naturels et ruraux. Ces espaces ont des fonctions que progressivement, nous avons classées en cinq catégories. Ce sont d'abord les lieux où se développent et se dégradent les ressources naturelles. Nous avons considéré ensuite tout ce qui concerne la biodiversité et les aménités, les agréments que les espaces naturels apportent aux citoyens, marchands ou non marchands. Les espaces naturels et ruraux contribuent en outre à la prévention des risques naturels. Il n'est qu'à voir les problèmes rencontrés actuellement en Bretagne. Dernier service important, c'est tout ce qui concerne la fonction production agricole, la fonction forestière, ces fonctions influant de manière très sensible sur la qualité des autres services que je viens de décrire.

A partir de cet état, la partie suivante s'efforce de présenter une analyse stratégique. Nous avons tenté de voir les facteurs qui vont modifier les usages de ces territoires. L'un des principaux impacts est l'évolution démographique. La population sur le territoire est en train de se déplacer, vers les vallées, vers le littoral. Cela soulève le problème de la périurbanisation. Le deuxième impact est celui des activités économiques et des équipements qui jouent un rôle à la fois positif et négatif vis-à-vis de l'état des territoires. Enfin, on se rend compte que la société est en train de bouger ; elle le manifeste par de nouvelles attentes et de nouveaux appels. Cela peut avoir des impacts très positifs sur l'usage des territoires. Cette partie s'achève par des orientations prospectives : on est face à toute une série de scénarios contrastés ; le choix de tel ou tel scénario modifie les conséquences sur les paysages et sur l'usage des espaces.

Les grandes orientations du schéma sont de trois ordres. Nous nous plaçons dans le cadre du développement durable non seulement pour nous, mais aussi pour nos petits enfants. On s'inscrit naturellement dans une rénovation de l'intervention publique avec les évolutions de l'organisation des pouvoirs publics aux niveaux européen, national, local. Enfin le schéma met l'accent sur les trois grandes problématiques qui sont en train de transformer nos espaces français. La première est la périurbanisation. La relation entre la ville et le rural évolue profondément avec ses aspects positifs et négatifs. La deuxième grande problématique est celle des zones de déprise. L'arrêt de la présence humaine a des conséquences sur la biodiversité. Des paysages se ferment et l'on perd en qualité. La troisième grande problématique est celle que l'on trouve dans les grandes zones agricoles. Nous avons à faire un effort pour maintenir le potentiel agricole tout en veillant à ce que l'impact des productions agricoles sur l'environnement soit plus faible qu'aujourd'hui.

Cette analyse débouche sur des stratégies d'action que nous avons présentées de deux façons. Pour chacun des services collectifs, nous avons posé la problématique, présenté les orientations que l'État se propose de suivre et nous en avons tiré les conséquences dans ces divers domaines. Nous avons recoupé ces politiques par grands services, par territoires. C'est un schéma de services sur les territoires. On débouche sur neuf enjeux stratégiques nationaux, neuf problématiques qui interpellent l'État et la Nation.

Elles peuvent être regroupées en trois catégories. La première concerne des territoires comme les grandes vallées fluviales, les zones humides, le littoral, les zones agricoles, les zones menacées de déprise et les zones montagneuses.

La seconde catégorie regroupe des problématiques réseaux : maîtrise de la périurbanisation et maîtrise de l'ensemble des équipements qui concernent l'ensemble des territoires que je viens de décrire. L'autre problématique réseaux, très importante en raison des changements climatiques possibles, est d'assurer la continuité écologique pour permettre à la faune et la flore de s'adapter.

Le troisième type d'enjeux concerne la forêt ; il s'est imposé compte tenu de la période de conception du projet qui suivait les terribles tempêtes de fin d'année.

Je n'insisterai pas sur la troisième partie qui a trait à la mise en oeuvre. A partir du moment où ces stratégies recueillent un accord large des citoyens, des responsables, la question est posée de leur mise en œuvre au travers de politiques concrètes.

Nous avons enfin essayé d'en tirer les premiers enseignements.

Comme vous l'avez dit, monsieur le président, le texte de la loi est extrêmement ambitieux et original.. A la différence de ce qui avait été imaginé au départ, ce texte ne concerne pas seulement certains territoires dits stratégiques. Vous avez voulu qu'il concerne l'ensemble des territoires et décrive toutes les mesures permettant d'assurer à long terme le développement des ressources de ces territoires.

Un autre point très novateur dans ce schéma de services, est que vous avez aussi souhaité que la situation de ces territoires puisse être suivie avec des indicateurs de développement durable qui retracent l'état de conservation du patrimoine, l'impact des différentes activités et l'efficacité des politiques de l'État.

Il s'agit donc d'un texte très original, très prospectif qui a fortement mobilisé les services de l'État. D'une certaine manière, c'est un défi pour eux de répondre progressivement au texte qui a été voté par le Parlement.

Ce texte avait comme vocation de protéger et construire les infrastructures écologiques nationales comme on construit les infrastructures de transport ou d'énergie. La dynamique à la fois politique, mais aussi scientifique a montré que l'on ne pouvait pas traiter les espaces sans les autres territoires. Entre nous, nous disons que ce schéma de services concerne tous les territoires à l'exception des zones bâties continues. Ainsi (avec humour), Les Tuileries font partie du schéma de services collectifs.

Enfin, ce schéma de services collectifs pose des problèmes méthodologiques complexes en voie de solution.

A la différence de ce que l'on pensait au début, on ne peut pas fabriquer un schéma national par agrégation simple des contributions régionales. De la même façon, on ne pourra pas faire les schémas européens par agrégation simple des schémas nationaux. Une autonomie est nécessaire à chacun des niveaux ; c'est indispensable pour la gestion sociale de ces problèmes. Il faut arriver à organiser les dialogues dans l'espace et le temps entre ces différents niveaux.

Il nous faut constituer des indicateurs de développement rural. Au niveau européen, une opération est lancée. Dans les régions, toute une série d'opérations concernent les indicateurs. Une réflexion doit être lancée sur les indicateurs et cela demandera du temps. Nous ne sera pas capables pour juin de répondre à cette demande de la loi. Je pense qu'en 2003, nous pourrons faire des choses intéressantes. Les indicateurs sont incontestablement un des moyens de dialogue entre les divers niveaux.

Il reste encore à mener la réflexion inter schémas de services collectifs. La consultation en cours au niveau des régions est l'occasion de faire dialoguer les divers schémas de services collectifs entre eux. Une réflexion est aussi engagée au niveau national. La complexité du schéma de services des espaces naturels et ruraux fait que ce point a été jusqu'à présent peu développé.

M. Christophe Chassande : Un des acquis fondamentaux de l'élaboration de ce schéma de services collectifs est d'arriver à avoir de vraies références sur l'ensemble des fonctions des espaces naturels et ruraux. Les espaces naturels et ruraux ne sont plus seulement un fond de carte sur lequel on envisage de plaquer des infrastructures, mais un territoire sur lequel on a réussi à recenser de réels enjeux qui doivent être l'objet de politiques en tant que telles. Autre acquis important, la prise en compte, l'utilisation et la valorisation des travaux conduits au niveau régional qui ont servi assez largement dans l'élaboration des contrats de plan État-région et dans l'élaboration des documents uniques de programmation pour les fonds structurels européens. Il y a déjà une valorisation de ce travail dans l'approche environnementale de ce type de documents.

Il est important de percevoir ce document comme un document d'orientation forte des politiques, notamment de toutes les politiques contractuelles dans lesquelles l'État interviendra. Nous n'avons jamais conçu ce document comme devant être un document créant de nouveaux zonages prescriptifs, qui directement, seront des zonages opposables. La logique est d'avoir un document d'orientation qui soit à la base de toutes les politiques de contractualisation dans lesquelles l'État sera partie prenante, à la fois contrats de plan -cela a commencé par anticipation dans l'élaboration des contrats de plan État-région- mais aussi les cadres contractuels de type CTE. Dans notre esprit, cela doit aussi intervenir pour orienter la gestion du fonds de gestion des milieux naturels. Ce document a aussi vocation à être pris en compte dans le cadre de l'élaboration par l'État des directives territoriales d'aménagement.

M. Dominique Bureau : Le maître mot est "services". Ce n'est pas un plan d'équipement.

Ainsi, sur le schéma de continuité écologique n'apparaissent pas seulement les parcs naturels et les infrastructures. Le schéma ne vise pas les moyens mis en _uvre, mais d'abord à définir les services que l'on va essayer de fournir. Tous les services considérés ici ont une dimension intrinsèquement territoriale : les ressources naturelles, la nappe de la Beauce, etc. La première idée est donc d'avoir un schéma calé sur des services à vocation territoriale et non pas sur une programmation de moyens, déclinant des politiques nationales comme celle de l'énergie.

La deuxième idée est celle de la valorisation de ces services. Dans le cas des ressources naturelles et de la biodiversité, une logique de conservation nous aurait fait indiquer seulement les zones"sanctuaires". L'idée est au contraire d'avoir une vision d'ensemble de la gestion de ces services sur tout le territoire, dans une perspective de valorisation.

La troisième idée est celle d'aménités. On n'est pas simplement dans une logique de protection contre d'éventuelles dégradations des nappes, ou contre des pollutions. Certains services considérés ont une valeur positive. Ce que l'on fabrique alors, ce sont des services environnementaux : on protège des paysages parce qu'ils ont de la valeur (usage récréatif, par exemple.)

La quatrième idée est la reconnaissance de l'importance de la protection contre les risques dans le champ de l'intervention publique. La dimension sécurité -en l'espèce la sécurité environnementale- est une réalité essentielle qui correspond à une demande très forte des concitoyens. On reconnaît donc que, dans l'action de l'État, les services visant à assurer la sécurité vis-à-vis de certains aléas (avalanches) ou la prévention des risques (catastrophes naturelle, technologique ou autres) vont prendre de l'importance.

Voilà pour la caractérisation des services : reconnaître que l'État a un rôle essentiel à jouer dans la production des services, sans se limiter simplement à une politique d'équipement.

Si l'on examine plus en détail les caractéristiques de ces services, on se rend compte que ces services ont souvent des horizons temporels longs, et des dimensions d'irréversibilité. Quand on pollue une nappe souterraine, c'est pour longtemps, et il y a des interactions plus complexes que dans les problèmes traités habituellement dans l'action publique. Par exemple, un prélèvement dans une nappe peut avoir des conséquences pour l'étiage en été etc...

Du point de vue territorial, il faut évoquer la multifonctionnalité, qui a joué en effet un rôle important dans l'élaboration du schéma. On constate que la France est multifonctionnelle, ce qui n'est pas le cas de la Finlande par exemple. Un ensemble de fonctions se superposent et des conflits d'usage peuvent apparaître pour gérer cette multifonctionnalité. Dans les zones où la multifonctionnalité est plus faible, les problèmes à résoudre seront de natures différentes. Ce seront essentiellement des problèmes de déprise agricole. On identifie ainsi des territoires qui ont des problèmes intrinsèquement différents avec, d'un côté, essentiellement une seule difficulté à résoudre, de l'autre côté, des conflits d'usage et des conflits d'objectifs cumulés sur les mêmes territoires. Le travail réalisé traduit bien cette réalité des territoires français.

Face à cette complexité et à cette multifonctionnalité, on a besoin de projets partagés. L'ambition du schéma est d'avoir un projet territorial partagé qui puisse servir de référence pour toutes les approches contractuelles.

Les trois problématiques majeures ont déjà été citées. Mais je soulignerai notre surprise de constater à quel point les zones multifonctionnelles recoupent les zones d'urbanisation. On était parti d'un schéma d'espaces naturels et ruraux qui ne prenait pas en compte l'articulation avec l'urbanisation, et on arrive à la conclusion que l'important est de voir l'articulation entre le territoire naturel et rural et l'urbanisation.

Cela pose la question de l'étalement urbain, les zones multifonctionnelles étant celles où se développe l'urbanisation. Si l'on rajoute les infrastructures de transports qui font le lien entre les zones d'urbanisation, vous retrouvez souvent les zones multifonctionnelles précédentes. Ce sont des zones de tension où la croissance démographique est forte et où il s'agit de préserver ou de valoriser les ressources naturelles.

Le dernier point a trait à la cohérence d'ensemble du schéma, qui identifie trois problématiques. Mais, à des degrés divers, on constate une interaction entre les neuf enjeux cités et les trois problématiques majeures. J'ai insisté sur celle de l'urbanisation ; les deux autres sont plutôt dans la dimension rurale

Il convient enfin d'avoir un document qui puisse servir de référence. Les sujets étant complexes, il faut que tous les gens concernés par les politiques territoriales aient un minimum de cibles communes et de prospectives partagées. L'ambition de ce schéma est d'avoir cette prospective partagée de manière à ce que les actions des divers intervenants puissent se coordonner dans de bonnes conditions en ayant identifié les divers enjeux. Pour avoir une bonne référence, la question du suivi sera importante. Une des dimensions sur laquelle on travaille actuellement est la mise en place d'un suivi.

M. Nicolas Revel : Il y a un consensus et une convergence de l'ensemble des ministères qui ont contribué à l'élaboration du document. Ce schéma est un document de référence qui répond à la commande du législateur en ce que, conformément aux dispositions de la LOADT, il est un exercice de clarification des enjeux aussi bien stratégiques que territoriaux sur l'ensemble des dimensions. Effectivement, celles-ci n'étaient pas toujours appréhendées spontanément dans les approches assez classiques qui présidaient aux exercices de planifications antérieures.

Deuxièmement, on s'y retrouve tous d'autant mieux que chaque fois qu'un thème est abordé, l'approche suivie est délibérément équilibrée. Faisant intervenir l'ensemble des préoccupations qui président à la protection mais aussi à la valorisation des espaces naturels et ruraux.

Troisièmement, on a une démarche qui reste concertée non seulement au sein de l'État, mais également avec l'échelon régional. C'est assez nouveau, mais c'était indispensable. Le schéma est encore appelé à évoluer le cas échéant. Ce document de référence qui a vocation à devenir une document de consensus, est avant tout un point de départ. Ce n'est pas un document de planification, ce n'est pas un document prescriptif. Sur la base d'une appréhension complexe des enjeux multiples et variés sur ces divers territoires identifiés, il est à la fois le référentiel mais aussi le programme de travail de l'État et des collectivités territoriales si elles souhaitent s'en inspirer. Il y a dans le document toute une série de pistes, d'actions qui sont esquissées, parfois à un degré de détail inégal, mais qui constituent une invitation à poursuivre.

De ce point de vue, le travail répond dans la lettre et dans l'esprit à la commande passée par le législateur.

M. Pierre-Eric Rosenberg : Les milieux de l'agriculture et de la forêt auraient souhaité que ce schéma ne soit pas celui des espaces naturels et ruraux, mais celui des espaces agricoles et forestiers. Cela venait plus naturellement à l'esprit des milieux agricoles et forestiers. Nous avons la chance d'avoir pu mener cet exercice qui ouvre le débat. Même si l'agriculture et la forêt couvrent 90 % du territoire rural, l'approche espaces agricoles et forestiers montre ses limites si elle est uniquement agricole ou forestière.

L'intérêt de l'exercice, vu par les milieux de l'agriculture et de la forêt, est de se reposer la question du développement de l'activité agricole et du développement de l'exploitation forestière par rapport à l'ensemble des ressources. L'idée de faire de l'écologie est pour nous prise dans le sens de l'économie à long terme ; ce n'est pas l'écologie au sens de la gestion des ressources de manière abstraite, mais de la gestion de ressources en fonction d'un développement économique lié à l'agriculture et à la forêt. Nous en avons deux illustrations aujourd'hui, l'une en cours et l'autre en phase de démarrage.

Le CTE correspond précisément à cette logique ; il n'est pas seulement un exercice théorique, mais une approche avec les partenaires du territoire. Les agriculteurs ont en face d'eux leurs partenaires, qu'ils soient membres d'association de protection de la nature, élus, dans un débat qui pose l'ensemble des atouts et des contraintes. En d'autres termes, nous entrons dans une phase où l'agriculture ne peut plus être vécue simplement comme une activité ayant des impacts négatifs sur les espaces naturels ou comme une activité qui, préservant la présence humaine, est la seule source de préservation des espaces naturels. On est à la recherche d'un équilibre. Ce document ne permet pas en lui-même de régler le problème.

Ce schéma de services collectifs évitera d'omettre, chaque fois que l'on se pose les questions d'aménagement et de développement économique dans un territoire donné, l'une ou l'autre des questions que pose ce territoire. C'est la superposition de toutes les critères qui doit amener chacun, collectivités, élus, agriculteurs, à se poser toutes les bonnes questions et à n'en omettre aucune qui se pose sur le territoire. En cela, l'exercice est intéressant et ne fait que commencer.

Si ce document devait finir dans les bibliothèques des services de l'État ou des collectivités, nous n'aurions pas réussi. Nous réussirons si au niveau des collectivités, des services de l'État et des régions, la réflexion se poursuit, si tous les enjeux peuvent être territorialisés, si chacun s'approprie ces enjeux et les réanalyse à la lumière précise de la situation de chaque territoire.

Dans les premiers débats, le danger est de vouloir utiliser les cartes présentées comme de nouveaux zonages. Je pense que le maintien d'un format 21/29,7 présente l'avantage d'éviter que chacun ne cherche à vérifier si sa limite est parfaitement juste. Un millimètre d'écart correspond à 2,5 km. Il est bon que cette marge d'erreur reste importante de façon à ce que personne ne souhaite utiliser cela comme outil de cartographie et de zonage, mais qu'elle invite chacun des partenaires sociaux-économiques à se poser des questions.

M. Henri Nayrou, rapporteur : Je voudrais féliciter les auteurs de ce projet : il était nécessaire de procéder à un tel travail d'information et d'élaboration. Ce sera désormais un référent commun. Il convient qu'il soit suivi des exercices législatifs tels que la loi d'orientation agricole, la LOADDT et la loi "solidarité et renouvellement urbains", en attendant la loi sur l'eau.

Cette étude prospective à 20 ans correspond à une nécessité. C'est un exercice difficile parce que, contrairement aux autres schémas de services collectifs, il ne s'adresse pas à des équipements clairement référencés, mais à des territoires avec toutes les incertitudes qui peuvent planer sur ce concept. L'exercice est ardu parce que, après le plan qui n'intéressait dans un premier temps que les technocrates ou les grands techniciens -il y a eu le schéma national Pasqua- et puis les neuf schémas issus de la loi Voynet.

Nous aurons l'occasion, au cours des questions, de demander comment vous voyez l'interpénétration entre les neuf schémas de services collectifs et l'ouvrage définitif.

Je vais procéder à l'exercice délicat d'aller rechercher les failles dans un immense travail. Je comprendrais d'emblée l'irritation qui pourrait être la vôtre.

M. Hervé Bichat : Nous avons conscience des limites de l'exercice.

M. Henri Nayrou : Lors d'une réunion salle Lamartine, j'ai dit que j'avais l'impression que c'était une vue d'un beffroi, d'un édifice de centre-ville, un regard se dirigeant vers les espaces récréatifs ou les espaces d'aménité.

Il faut poser le problème d'emblée. Mon collègue Pierre Cohen, pour le côté urbain, et moi-même pour le côté rural, avons remis un rapport sur les services publics. J'ai l'intention d'exposer dans un point de vue qui figurera à la fin du rapport des questions de principe.

Mes questions sont les suivantes : les zones rurales ont-elles un avenir et lequel ? Y a-t-il une volonté politique pour accompagner cette éventuelle renaissance ? Ces questions se retrouvent dans votre document. Je crois qu'il est important de regarder dans le rétroviseur et de recenser toutes les erreurs magistrales qui ont été commises en matière d'aménagement urbain et périurbain à l'exemple des grandes barres d'immeubles dans les années 50. Cela dit, on ne peut pas en vouloir à ceux qui ont géré l'après-guerre.

D'autres erreurs ont été commises avec l'extension de l'urbanité et de la périurbanité dans les années 80. Les résultats du dernier recensement montrent une tendance à la recherche d'une certaine qualité de vie au-delà des deuxième et troisième couronnes. On est alors fondé à penser qu'il y a effectivement un avenir pour les zones rurales. Lesquelles ?

Dans les exercices que nous avons faits préalablement à notre rapport, nous avions dégagé trois types de ruralité. Il n'est pas innocent de les rappeler parce qu'ils conditionnent non seulement les services public, mais l'analyse au plan environnemental, humain et économique : le rurbain, le rural accessible et le rural profond.

Quand on constate les excès de la ville ou les avantages de la campagne et que l'on ajoute les paramètres de la réduction du temps de travail, et l'émergence des nouvelles technologies de l'information et de la communication, on peut penser que des urbains chercheront à s'évader, non pas deux jours par semaine, mais plus longtemps. De là à penser que les zones rurales ou les espaces naturels ne seraient que des espaces récréatifs, il y a un pas que, personnellement, je ne franchis pas. Je n'ai jamais pensé que le monde rural pourrait se nourrir de cacahuètes et danser le week-end. C'est de la caricature. En tant qu'habitant et représentant de ces zones rurales, je ne peux pas me soumettre à l'idée que nous pourrions vivre de cet afflux soudain pendant les week-end, et ramasser les ordures ménagères le lundi matin.

Il y a des choses intéressantes dans ce schéma, notamment sur les cinq fonctions dont parlaient M. Bichat : les ressources naturelles, la biodiversité, les aménités, les risques naturels et les productions, l'équilibre dont parlaient MM Revel et Rosenberg entre la production et le développement durable, et l'aspect durable de ces productions. Le rapport affirme que l'homme doit rester au coeur des préoccupations, ne serait-ce qu'au travers de la priorité donnée aux contrats territoriaux d'exploitation (CTE).

Pour ma part, je souhaiterais que soit pris en compte l'avenir non seulement des espaces naturels et ruraux, mais aussi celui des personnes qui y vivent à l'heure actuelle et qui, éventuellement, pourraient y vivre un peu plus nombreux et un peu plus aisés. La critique n'est pas ponctuelle ; dans mon esprit, elle est durable. Elle ne s'arrêtera pas. Il faudra que l'on m'explique que j'ai tort, et si l'on arrive à m'en convaincre, je m'inclinerai et je passerai à d'autres questions beaucoup plus simplistes ou précises. Nous aurons l'occasion d'y revenir.

M. le Président : Vous souhaitez réagir aux interrogations de M. Nayrou, qui est dans son rôle de vous titiller un peu sur tout ce que vous avez pu écrire ; il le fait toujours avec la courtoisie qu'on lui connaît, et en même temps, avec son style incisif.

M. Dominique Bureau: Je n'entends pas tellement de contradictions. Les aménités sont présentes dans le texte pour bien mettre en évidence le côté services. L'essentiel du texte traite cependant des autres thèmes. Par rapport aux politiques existantes, la partie risques est présentée de manière différente : par exemple, on présente les plans de prévention des risques naturels (PPR) avec une cartographie, alors que l'on en donne en général que le nombre. Nous avons des politiques très territoriales qui souvent ne sont pas prises en comme telles. Les zones de montagne apparaissent comme des zones très sensibles. Pour l'identification de l'état de tension, le schéma conforte donc le diagnostic que vous suggérez. Ce que montre aussi le schéma sur l'agriculture, c'est que le seul service présent sur tout le territoire est lié à l'activité agricole, alors que les activités touristiques sont beaucoup plus concentrées. Vous avez donc raison de dire que s'il n'y a que les aménités, toute une partie du territoire n'est pas couverte. C'est ce qui ressort de fait car la fonction qui apparaît toujours est bien la fonction rurale.

M. Pierre-Eric Rosenberg : Nous ne pouvons pas considérer les espaces ruraux comme des espaces récréatifs. L'analyse que vous faisiez avec les trois déclinaisons du monde rural en trois strates relève des dernières analyses statistiques sur l'évolution démographique. Alors qu'on a parlé d'écrasement du monde rural, elle montre un accroissement de la population rurale non dans les zones rurales profondes, mais dans le rurbain et le rural accessible.

Sur les aménités, il y a un problème sémantique. Si l'on voit les aménités comme un certain nombre de services liés à la récréation, on arrive à l'image des urbains qui se précipitent deux à trois jours par semaine dans le monde rural. Indépendamment des aménités agricoles directes ayant une valeur marchande, les aménités considérées dans leur relation entre l'urbain et le rural sont bien ce qui génère cette évolution démographique. On s'éloigne des villes pour se repositionner dans le monde rural, et pas seulement à titre récréatif. Dans le monde rural, on voit se développer des activités d'entreprises non agricoles qui n'apparaissent que parce que l'espace offre ces aménités, cette capacité d'accueil qui répond à une attente nouvelle du citoyen.

Je vois le terme aménité de manière très large et pas de la manière qui pourrait conduire à l'interprétation que vous en faisiez, qui serait catastrophique. Ce qui perturbe peut-être la lecture, c'est que sur le schéma, cela fait partie des ressources. On a fait dans un premier temps abstraction de l'homme. Il a été pris en compte les ressources et leur mode de gestion pour permettre le développement durable, c'est-à-dire une activité qui se perpétue, un développement des activités qui soit compatible avec la préservation des ressources. C'est peut-être la question de la relation entre ce schéma et les autres schémas qui est posée. On ne peut pas imaginer ne pas prendre en compte le schéma des transports quand on raisonnera réseau écologique ou zone fluviale. Il conviendra de réfléchir à l'articulation entre le transport et la gestion de ces espaces.

M. Dominique Bureau : Sur la manière dont s'est fait le schéma, on peut rappeler que la tendance de beaucoup était au début de faire un zonage entre aménités et partie rurale. On s'est rendu compte que ce n'était pas de cette manière que l'on donnerait plus de perspectives au monde rural et que l'on prendrait bien en compte les aménités. Progressivement, nous avons donc été amené à nous rendre compte qu'il fallait prendre en compte la multifonctionnalité des territoires.

Ensuite, il y a deux manières de la traiter : soit on la traite par éviction, ce qui aurait été la tendance d'un zonage ; soit on adopte le parti pris inverse de reconnaître qu'il y aura des tensions sur ces territoires. On essaie alors d'en identifier tous les termes pour se donner les moyens de les traiter. Nous avons ainsi évolué d'un zonage qui séparait les uns et les autres et qui essayait d'organiser les évictions à un schéma qui essaie d'organiser plus l'intégration. Tel que vous le ressentez, cela signifie que nous ne sommes pas arrivés au bout du chemin puisque cela ne transparaît pas encore assez.

M. Henri Nayrou : On peut clore le chapitre sur les aménités parce que c'est un peu ce que l'on peut relever au niveau des parcs naturels régionaux (PNR) qui peuvent être à la fois une volonté de protéger et en même temps un acte de développement.

Vous n'avez pas encore répondu à l'essentiel. Dans cette ode aux espaces naturels et ruraux, il y aurait à l'avenir de la place pour l'homme. Je souhaiterais connaître la perspective à 20 ans de l'occupation de l'homme sur ces territoires et surtout, la façon dont vous envisagez intégrer intelligemment par des actions en amont les mutations inexorables des populations urbaines qui ont déjà commencé.

Comme on prépare la chambre d'un bébé avant qu'il n'arrive, comment organisera-t-on la vie sociale autour du clocher du village aux abords d'une grande voie de communication, beaucoup plus intelligemment qu'avec les barres des années 50 et la périurbanisation folle des années 80 ? Si cela ne répond pas aux canons sémantiques précis des espaces naturels et ruraux, on traite quand même d'une forme de ruralité. Simplement, je reconnais que ce sera le même dilemme entre production comme avant et protection comme demain.

M. Pierre Cohen : Je suis un affreux urbain qui n'a pas beaucoup de compétences dans ce domaine, mais je veux essayer de faire le lien. Reprenant la caricature de M. Nayrou, s'il n'y avait que des urbains qui voient l'espace en termes de consommateurs, s'il n'y avait que des agriculteurs productivistes faisant fi de leur environnement ou des ruraux qui se laissent mourir sans profiter de leur richesse, le schéma de services collectifs n'en serait que plus utile. Il y a une volonté de mettre en cohérence toutes ces caricatures, tous ces tropismes par rapport à la population.

En outre, l'intérêt d'un schéma de services collectifs réside dans le fait qu'il y a une volonté de trouver tous les acteurs pour en débattre, de les faire avancer aux fins d'appropriation. Comme je l'avais découvert dans la loi qui proposait les CTE, j'y vois cette dimension qui permettait aux agriculteurs d'accéder à une autre dimension. Cela me semble être une opportunité extraordinaire.

Je vis dans la communauté d'agglomération toulousaine : nous avons travaillé sur un projet de schéma directeur périurbain, qui a conduit à une réflexion sur les espaces "durs" en termes agricoles, les espaces qui pouvaient évoluer, les espaces naturels qui pouvaient devenir zones de loisirs et les espaces d'urbanisation. Pensez-vous que, pour que les acteurs s'approprient le schéma, ce seront les pays et les agglomérations qui deviendront les bons niveaux de réflexion et d'action ? Ou est-ce trop fin et une autre dimension serait-elle plus adaptée ?

M. Léonce Deprez : Vous avez observé que le schéma national ne peut pas être l'addition de schémas régionaux. C'est une observation que j'ai faite à la commission de la production et des échanges ; je disais que le schéma national aurait dû précéder les schémas régionaux d'aménagement du territoire et du développement durable. C'est vrai pour les espaces naturels mais aussi pour le reste.

On ne peut pas faire un schéma national d'aménagement du territoire à partir d'une addition de schémas régionaux. C'est pourquoi nous avions demandé un schéma national divisé en neuf schémas de services. Il faudra les synthétiser dans un schéma qui finira par être qualifié de national, ce que nous souhaitions. Je dis cela car j'ai toujours vécu dans la perspective d'une politique d'aménagement du territoire.

Il y a 35 ans, j'étais président national des jeunes chambres économiques. C'était l'époque des grands ensembles, des constructions, des concentrations, des migrations vers les villes. Dans des discours officiels, je formulais l'hypothèse d'une immense erreur politique consistant à concentrer tous les habitants des campagnes dans les villes, créant ainsi des problèmes pour le futur. Autant en a emporté le vent !

J'entends dire qu'il va falloir répondre à l'occupation de l'homme sur ces espaces. C'est exactement le contraire. C'est le retour des hommes aux espaces où l'on peut respirer et vivre. Dans les siècles passés, la population n'était pas surconcentrée ; elle était répartie à travers la France. Ne faut-il pas faire attention à ne pas créer une nouvelle culpabilité ? Le mot occupation est à manier avec prudence. Mais l'occupation de l'espace rural par l'homme est un objectif tout à fait souhaitable et c'est un retour au bon sens, à une qualité de vie que l'on pourrait espérer pour le prochain siècle. J'ai été choqué par certains de vos propos qui ne sont peut-être pas pensés mais qui sont en tout cas formulés. Je voudrais aussi vous mettre en garde.

Troisièmement, nous devons traduire vos langages au niveau des citoyens et de leurs élus en termes compréhensibles et lisibles. Il y a là un exercice pédagogique que vous avez du mal à réaliser auprès de nous, mais que nous aurons encore plus de mal à reprendre avec eux. Il y a un code entre vous que nous ne sommes pas obligés de connaître tous et que tous les élus locaux ne connaissent pas. Il faudra une traduction intelligible. Le rapporteur s'en chargera, mais il serait bon que vous nous y aidiez par avance.

J'ai bien compris les problématiques que vous traduisez en neuf enjeux ; je retiens quelques points concrets qui peuvent être facilement traduits.

Tout d'abord, point fondamental qui a été dit discrètement comme pour se faire pardonner : la première vocation des espaces ruraux est d'assurer l'alimentation et les productions agricoles et forestières. La production forestière est à tous égards une nécessité économique. Vous dites qu'il ne faut pas de zonage ; mais il faut les garantir sur la carte de France pour que l'on ne dévore pas les espaces dont on aura besoin pour l'alimentation de la France, de l'Europe. N'est-ce pas un point qui devrait être signalé non pas en queue de peloton, mais en tête, avec le "maillot jaune" ? il ne faut pas gommer cette vocation première des espaces ruraux. Il faut aussi se faire comprendre du monde agricole qui a besoin de vivre. Si l'on décourage les jeunes agriculteurs, il n'y en aura plus.

L'eau nous pose un énorme problème. Votre schéma de services collectifs ne devrait-il pas prendre d'abord cela en compte : les réserves d'eau, la politique de l'eau, la sauvegarde des ressources naturelles en eau ? L'ordre de priorité ne serait-il pas  : la production agricole et forestière et l'alimentation en eau ?

De plus, l'eau doit être potable. On a entendu des rapports sur les nappes d'eau dans l'Ouest ; on ne sait plus si l'eau est potable. Par ce schéma de services collectifs, n'avez-vous pas une réponse à apporter pour garantir les réserves d'eau potable pour les générations futures ? Voilà une vraie politique d'aménagement du territoire.

Comme l'actualité nous le prouve, ce schéma de services collectifs ne doit-il pas constituer un cadre obligatoire pour tous les élus locaux et dans toutes les régions pour se préserver contre les risques naturels ? J'ai été horrifié par l'occupation de l'entonnoir de la Canche. On est allé mettre des "boîtes à chaussures" (des mobil homes ?) dans les creux des vallées pour occuper un espace divers et disponible, moyennant quoi on a empêché les zones humides et les étalements en période d'inondation ; on a gâché l'espace.

Pourquoi ce schéma de services collectifs ne met-il pas en troisième tête de chapitre la protection contre les risques naturels pour que l'on ne connaisse plus ces drames récents ?

Enfin, il faut une politique des vallées fluviales. J'ai mis quinze ans dans le Nord-Pas-de-Calais à obtenir des préfets que l'on aboutisse à une politique du bassin versant de la source à l'estuaire. On traitait le problème petit morceau par petit morceau, chaque maire, d'intercommunalité ou de président de commune rurale s'occupant de son bout de vallée fluviale.

Votre schéma de services collectifs ne doit-il pas être un cadre obligatoire pour la gestion des vallées fluviales, y compris pour les rivières qui se jettent dans les fleuves ? la protection des vallées fluviales et leur mise en valeur me paraît devoir constituer un point essentiel du schéma.

Je terminerai avec deux remarques. Je réagis à votre pédagogie des aménités, monsieur le rapporteur. Personnellement, j'en retiens la définition que j'ai apprise au collège. Je dis que l'espace rural est porteur d'activités nouvelles, est un gisement nouveau respectable. Le projet de schéma le qualifie de "récréatif", ce qui n'est qu'un petit aspect de l'économie touristique.

Cette économie touristique a sa place dans l'espace rural comme dans l'espace urbain. Je ne vois pas pourquoi elle serait bien accueillie dans l'espace urbain et considérée comme négligeable en espace rural. Au contraire, parce que la matière première du produit tourisme sont l'environnement et la qualité de l'espace que l'on retrouve beaucoup plus facilement dans l'espace rural que dans l'espace urbain. L'espace rural a donc vocation à générer de l'économie touristique.

En la matière, la France est bien placée avec la réserve formidable dont elle dispose à travers la diversité de ses espaces ruraux et de ses régions. Ne devriez-vous pas insérer plus clairement la vocation de votre schéma de services collectifs de garantir les capacités de développement de l'économie touristique dans l'espace rural ? Cela impose une politique à l'égard de l'environnement, une politique d'hébergement à l'année, et non pas sous une tente deux mois par an, une politique d'équipements publics pour l'information du public, pour la restauration, et une politique de l'aménagement des espaces. Car ce que vous appelez le "récréatif", je le qualifierais de "contact avec la nature", avec sentiers piétons, pistes cyclables, pistes équestres, canoë dans les cours d'eau etc.

N'y a-t-il pas possibilité de traduire dans ce schéma de services collectifs un peu plus concrètement les enjeux à caractère économique et sociaux qui mobiliseraient les volontés des élus ruraux et des citoyens, ainsi que les crédits des l'État, des régions et des communautés de communes dans la mesure où l'on montre bien que ce schéma de services collectifs n'est pas une idée fumeuse et un peu floue, mais la sauvegarde ce que je viens de d'énumérer ou la mise en lumière de ces enjeux importants pour le pays ?

M. le Président : Notre discussion a permis de préciser que les services collectifs fournis par les espaces naturels et ruraux sont d'abord l'agriculture et la forêt, la détente avec l'aspect récréatif et les loisirs, la préservation et le renouvellement des ressources, la prévention des risques.

En revanche l'espace bâti continu n'est pas traité. On sent bien qu'entre cette partie et ce qui fait l'objet de votre rapport, il y a un point de rencontre assez sensible.

Tous ces espaces qui fournissent les services collectifs appartiennent toujours à quelqu'un. Ils appartiennent à des personnes privées, à des personnes publiques. Il y a donc à la fois des propriétaires bien identifiés, mais en même temps, ces espaces appartiennent en quelque sorte aussi à tout le monde.

La grande question est de savoir comment concilier tout cela, ce que les propriétaires veulent faire de ces espaces, et ce qu'en attendent ceux qui veulent se les approprier également

J'ai eu l'occasion, en tant que conseiller général, de suivre la mise en place de politiques sur les périmètres sensibles, de politiques de bassin versant : l'acquisition d'espaces par le produit de la taxe départementale, etc. Si l'on ne peut pas tout acquérir, il faut passer des conventions avec des propriétaires privés de forêts pour les ouvrir au public. C'est à cette articulation que je vois l'intérêt d'un schéma de services collectifs comme celui-ci.

M. Dominique Bureau : Vous dites beaucoup mieux que nous ce que nous avons voulu dire. Dans l'ensemble, nous sommes assez d'accord avec vous. Je ne crois pas que le schéma de services collectifs se limite aux aménités. L'objectif est de réussir à faire passer l'idée que la préservation des zones sensibles à l'eutrophisation ou à la pollution biologique, constituent un service fondamental qui doit être traité comme un schéma de transport.

On pourrait aussi parler de l'érosion des sols dont les enjeux sont lourds, y compris pour l'agriculture. Une carte insiste sur ce point.

Vous avez listé, les risques, les cartes sur les plans de prévention des risques naturels (P.P.R.) Notre ambition est de faire reconnaître tous ces enjeux.

Faut-il donner une priorité à la qualité des cours d'eau ou aux zones humides remarquables ? Notre conviction est que tous ces sujets sont potentiellement des enjeux publics très importants. Selon les endroits, ils sont plus ou moins importants ou prioritaires, mais on ne peut pas, au niveau national, définir une priorité en décidant de ne s'occuper que de l'eau et pas des risques par exemple.

Le document paraît complexe parce qu'il reprend une liste de domaines pris en charge par des politiques sectorielles qui sont restées assez technocratiques et cloisonnées verticalement et auxquelles on essaie de donner une dimension territoriale.

Pour revenir sur les aménités, les parcs naturels régionaux accueillent 15 millions de visiteurs par an ! Le Louvre représente 4 millions de visiteurs ; nos parcs naturels régionaux représentent quatre fois le Louvre.

Si 15 millions de personnes viennent dans les parcs naturels régionaux, c'est bien qu'ils y trouvent des choses et que cela a une très forte valeur. Voilà ce que nous souhaitions faire savoir.

Suite aux tempêtes et à l'effet Erika, nous sommes en train de procéder à des enquêtes. Dans l'enquête SOFRES que nous avons commandée, on constate que les gens sont allés sur le littoral Bretagne après l'Erika ; il y a eu peu de perte de fréquentation. En revanche, la dépense sur place a considérablement chuté. Clairement, ceux qui sont allés en Bretagne n'ont pas trouvé leur compte, ce qui signifie aussi qu'il y a bien eu, du fait de la dégradation du patrimoine, une perte d'usage que l'on peut apprécier par le fait que les gens ont beaucoup moins dépensé dans les sites touristiques. C'est un aspect parmi d'autres mais qui est tout à fait sérieux.

La question des points de rencontre avec les espaces continus urbains a émergé au fur et à mesure de l'élaboration du schéma. On le dit plus ou moins bien, ce qui laisse l'impression que l'on s'occupe trop de l'urbain. Cela dit, on ne pouvait pas traiter les espaces sans leur articulation avec l'urbain.

Pour chacun des neuf enjeux, vous avez le recensement des politiques. On a parlé des CTE, mais sur chaque politique on a fait le point.

Selon les cas, on voit des lacunes ou au contraire des politiques bien établies pour lesquelles il suffit de faire fonctionner les instruments. Vos questions concernent le foncier, l'articulation avec les servitudes etc. On peut se demander si l'on a tous les instruments pour traiter ce qui est lié à la diversité des enjeux de gestion du foncier, des servitudes foncières etc. C'est ce que peut suggérer le document, mais il fallait le faire d'abord pour s'en rendre compte

M. Henri Nayrou, rapporteur : Il faut évoquer Natura 2000, les rapports entre le tourisme et ce schéma, la prise en compte des problème climatiques.

Un mot aussi sur les "corridors" dont l'explication figure notamment en page 63, avec une carte. Je n'irai pas jusqu'à évoquer le niveau européen, mais prévoir des "corridors" dans le territoire national mériterait des explications ; ce qui revient à se demander si la prise en compte de l'espace naturel et rural doit être unique ou s'il fait appel à une mosaïque d'espaces avec leurs spécificité.

M. Pierre-Eric Rosenberg : Pour ma part, je voudrais revenir sur votre question, pertinente, concernant notre ambition pour le développement de ces espaces économiques et sociaux.

En revanche, cet outil est-il celui qui doit nous permettre d'afficher des objectifs, des ambitions de développement ? Il me semble que cet outil n'est pas cela. C'est peut-être la différence par rapport à d'autres exercices de planification il y a quelques années, voire une dizaine d'années avec des objectifs et des priorités de développement.

Plus humblement, il me semble que ce document est une espèce de discipline que se donne l'État qui invite les collectivités à partager dans la manière dont sera défini le développement. D'une certaine manière, il n'y a aucun objectif de développement dans ce document. Il y a uniquement des enjeux à respecter, à mesurer quand on se posera la question du développement économique.

Dès lors que ces enjeux reviennent à protéger les conditions d'un développement durable, ils sont en même temps un objectif. Mais ils ne sont pas un objectif de développement économique, de programmation ou de planification économique et de développement. C'est peut-être la nuance.

M. Deprez a dit que l'on affirmait l'importance de l'agriculture et de la forêt de manière timide. Non. La fonction essentielle de l'agriculture reste la fonction nourricière. Personne ne le conteste, y compris au niveau interministériel. La fonction environnementale et économique de la forêt reste importante. Tout cela représente 98 % des espaces ruraux.

Cela dit, vous donniez la réponse à votre question tout à l'heure : vous disiez qu'il faut réaffirmer l'importance de l'agriculture et de la forêt et qu'il fallait traiter la politique de l'eau. Voilà typiquement ce que ce schéma de services collectifs essaie de traiter.

Comment concilier un développement agricole répondant aux attentes des consommateurs et des contribuables et une politique de l'eau qui assure un seuil si possible inférieur à 50 mg par litre de nitrates tout en permettant la préservation de l'irrigation là où elle est nécessaire en agriculture et une consommation d'eau pour l'ensemble des citoyens ?

Ces deux questions sont intimement liées. Le schéma de services collectifs essaie d'inviter tous les aménageurs à se poser les bonnes questions sur le sujet. C'est pourquoi il n'y a pas contradiction entre nos deux réflexions.

M. Hervé Bichat : J'ai été très intéressé par les questions sur le style du rapport. Il faut savoir que nous avons des contraintes administratives -plus fortes encore devant le conseil d'État s'agissant d'un décret- d'utiliser un langage qui peut paraître abscons au citoyen de base. Mais c'est la volonté des ministères de pouvoir décliner ensuite ce rapport sous une forme pédagogique.

Des contacts ont été déjà pris avec l'IFEN pour voir ce que l'on peut faire. Va-t-on faire un seul ouvrage pour décliner ensuite de manière pédagogique les enjeux que présentent certains territoires qui ont été repérés ? Nous avons conscience des difficultés de communication, mais je vous demande de prendre en compte le fait que nous allons plancher devant le conseil d'État.

Sur le retour des hommes, nous essayons de dire qu'il se fait souvent du fait du miracle de la technique -vous l'avez souligné- dans des conditions qui entraînent des risques insensés. D'autre part, ce retour des hommes peut conduire à des consommations de produits non renouvelables sous forme de produits pétroliers qui, eux aussi, ont des impacts.

Je pense que nous sommes plutôt pour un retour des hommes, mais de manière raisonnable et raisonnée de façon à ne pas créer de nouveau risque. Si on avait une crue égale à celle de 1910 sur Paris, les dégâts causés par la Seine seraient supérieurs à 70 milliards de francs, et l'on sait que les transports et tous les systèmes de communication seraient complètement détériorés pour plusieurs semaines. La situation s'est fortement dégradée depuis 1910 parce qu'on n'a pas tenu compte de ces risques. C'est le message que veut faire passer le document.

Sur les corridors, le ministère de l'agriculture est très marqué par Natura 2000. Ce que l'on souhaitait faire passer est de faire comprendre au citoyen que les problèmes de biodiversité sont graves et sérieux. C'est vrai que nous avons mis en carte un certain nombre d'axes sur lesquels, notamment lorsque l'on parle de zones "anthropisées", il faudrait prendre des dispositifs pour favoriser les échanges écologiques...

C'est vrai que ces couloirs seront des mosaïques. Cela veut dire qu'il faudra, le long de ces axes -nous sommes à une échelle de 1/1 2.500.000ème, (c'est-à-dire qu'un millimètre = 2,5 km) trouver les dispositifs qui permettent de concilier ces échanges indispensables et le développement économique social et culturel.

Dans ces grandes régions, il y a un certain nombre de questions à se poser et de précautions à prendre. Cela dit, on ne dit pas comment faire ; on dit simplement qu'il faut se poser la question.

M. le Président : Sur la démarche et sur la méthode, ces documents sont rédigés au niveau des ministères pour lancer le débat. Ils ont ensuite été adressés à un certain nombre de parlementaires et dans les services déconcentrés de l'État, au niveau de la région. Il y a eu production de contributions régionales émanant de services déconcentrés.

Mme Ariane Azéma : Cela dépend des cas.

M. le Président : Ensuite, les rapports seront rédigés par les rapporteurs de la délégation à l'aménagement du territoire. Comment tout cela va-t-il ensuite être intégré dans un document qui deviendra le document final ? Ce que nous disons trouvera-t-il un écho dans ce qui est déjà bien structuré ou est-ce uniquement pour la forme ?

M. Hervé Bichat - Pour parler librement, et pour des raisons bien compréhensibles, l'exercice ayant commencé en 1997, le Gouvernement souhaite que le décret concernant les schémas de services collectifs puisse être publié à l'automne.

S'agissant d'un exercice extrêmement difficile, pour nous mais aussi pour d'autres secteurs, les documents sont arrivés dans les régions en décembre 2000, avec les contraintes des élections municipales. Pour cet exercice, nous souhaitons la consultation la plus large au niveau local et national. Le ministère de l'agriculture consultera le Conseil supérieur d'orientation de l'économie agricole et alimentaire ; le ministère de l'environnement consultera plusieurs conseils nationaux.

Cela dit, on aurait pu souhaiter que ces consultations soient plus larges. Il ne s'agit pas du tout de consultations pour amuser la galerie. Nous avons conscience des limites de notre document, surtout concernant les schéma de services collectifs des espaces naturels et ruraux et nous sommes très preneurs de toutes les contributions que nous pourrons avoir.

Sur le schéma de services collectifs, compte tenu des difficultés et de l'originalité du document, on pourra vraiment répondre à la demande du législateur en 2003 à la révision des schémas de services collectifs en introduisant le volet extrêmement important des indicateurs de développement durable.

Notre ambition est d'arriver à engager un débat pour pouvoir, dans un premier texte, dans une étape de la réflexion collective, qui ne s'arrêtera pas en septembre ou octobre mais doit se prolonger notamment dans notre secteur, puisque les ambitions que vous nous avez communiquées sont considérables...

M. Léonce Deprez : Les observations et suggestions que nous avons pu faire seront-elles prises en compte dans votre mise au points du document officiel ?

M. Hervé Bichat : Absolument.

M. Léonce Deprez : Je suis frappé par le fait que l'expression "d'économie touristique" ne figure pas dans vos textes. Or, c'est l'un des points forts du futur rural.

M. Hervé Bichat : Il y a des problèmes de formulation qui sont dus à la précipitation, au style que nous devons prendre. Nous avons un chapitre sur l'économie touristique avec ce rappel que la France est la première destination mondiale, que le dynamisme des espaces naturels et ruraux dépend des activités touristiques qui peuvent avoir aussi des effets pervers dans tel ou cas par des sur-fréquentations. En même temps, c'est un facteur de développement considérable.

Notre formulation n'a pas été suffisante parce que l'on n'a pas été bon, parce que nous avons des contraintes de style. Dans le document pédagogique que l'on veut fabriquer parallèlement à l'approfondissement du document que nous allons rédiger, il nous faut absolument trouver les mots et nous ferons appel à des journalistes qui ont une pratique de la communication que nous n'avons pas.

Mme Ariane Azéma : Je compléterai le propos de M. Bichat, au nom de la DATAR qui assure le suivi de l'ensemble de la procédure. Les schémas ont fait l'objet d'une période de concertation, exercice dont sont issues les consultations régionales. Je rappelle que la consultation nationale et régionale est prévue par la loi. Le gouvernement a souhaité qu'elle soit la plus large possible.

En régions, les préfets ont largement diffusé les documents et sollicitent l'avis des assemblées régionales, de la CRADT, des conseils généraux, de certaines instances.

La consultation et la sollicitation d'avis est très large. Le discours du Premier ministre sur les schémas a bien rappelé que c'était une consultation ouverte et non formelle pour revoir, modifier et faire évoluer les textes. Il insistait sur le caractère régionalisé des documents puisqu'il s'agissait, dans le cadre d'une planification nationale, de faire droit aux spécificités régionales et à l'adéquation avec des projets régionaux.

La délégation de l'Assemblée nationale est un des membres éminent de la consultation nationale qui comprend également le CNADT et des instances spécifiques. Les projets de schéma qui vous sont soumis ici seront revus et certainement remodelés en fonction de vos avis avant transmission au Conseil d'État.

On sait aussi qu'il y a des limites à l'exercice qui est un prototype, une première génération. Le gouvernement souhaitera intégrer les avis de cette délégation et de la délégation du Sénat. Certaines choses ne pourront pas être modifiées parce que, sur certains enjeux prospectifs, nous manquons de travaux. Encore au stade de la première génération, ces schémas portent, par ailleurs, une planification glissante destinée à être révisée et adaptée. C'est tout à fait nécessaire dans un exercice de prospective. Les indicateurs font partie de ce travail pour partie à venir.

M. Dominique Bureau : La concertation n'est pas une consultation pro forma ; c'est un exercice nouveau. Tout ce que vous dites nous montre l'intérêt de ce qui a été prescrit par le législateur. Cela nous confirme dans l'intérêt de faire un schéma des espaces naturels et ruraux. L'exercice reste très améliorable.

Pour être plus concret, différents enjeux vont se faire jour dans l'année à venir, dont un enjeu de réappropriation régionale. A cet égard, les schémas régionaux ont été faits selon les cas uniquement par les services de l'État ou plus en concertation.

M. Hervé Bichat : Il y a eu beaucoup de concertation.

M. Dominique Bureau : Ces schémas régionaux étaient déjà de la prospective partagée mais il y a besoin d'une itération. Des services importants avaient été oubliés. Dans une région où le littoral est un sujet important, le schéma réalisé par les services de l'État ignorait parfois ce qui se passait sur le littoral.

Par ailleurs, l'exercice était encore marqué par une logique de zonage où l'on cherche à identifier les périmètres à protéger au lieu d'essayer d'avoir une approche de gestion de l'ensemble des territoires qui prenne en compte tous les services cités, en les déclinant au bon niveau selon le type de territoire considéré. Il y a donc un enjeu de réappropriation. On est parti de schémas qui étaient très concrets, on en a fait un document plus abstrait parce que national, et la réappropriation régionale sera le moyen d'y remettre du concret.

L'autre moyen d'y mettre du concret est de faire le travail sur les indicateurs. Il est en cours et notre objectif est d'avoir en 2003 les résultats des indicateurs et de reconstituer les situations de référence pour que l'instrument de suivi soit en place. Nous allons essayer d'intégrer au mieux toutes les objections pertinentes qui nous sont faites au cours de la consultation. Mais ce qui vient d'être dit est juste : dans beaucoup de cas, il y a des problèmes de connaissance.

Je prendrai un exemple sur le tourisme : une enquête récente sur la gestion des déchets par les collectivités nous montre que certaines communes touristiques arrivent à gérer en deux mois la même quantité de déchets par personne qu'une commune non touristique sur un an. Nous n'avions sans doute pas pris toute cette mesure que dans les communes touristiques, il y a des enjeux pour la gestion des déchets qui sont considérables.

Le problème du ministère de l'environnement est tout simplement de ne pas avoir encore assez d'instruments de référence. Nous avons constitué l'IFEN, pour cela, et la direction dont j'ai la charge. Au fur et à mesure où l'on commence à avoir des résultats sur les situations de référence, on vous les donne, mais la réalité -premier enseignement de ce document- est que les instruments ne sont pas complètement en place. Professionnaliser le ministère de l'environnement est un vrai sujet. Il faut se doter d'un instrument de suivi.

Nous n'avons pas répondu à la question de M. Cohen. L'idée est d'avoir un projet territorial partagé qui serve de référence. Sa mise en oeuvre doit se décliner dans toutes les procédures, mais particulièrement dans la partie projet territorial, contrat de pays, contrat d'agglomération. Pour tous les sujets traités, captage de l'eau, qualité de l'eau, l'agglomération ou le pays est souvent une dimension assez pertinente.. C'est bien ce niveau-là que l'on vise.

Dans le cas de l'eau, il y a le territoire des agences de bassin. Il y a une forte déclinaison potentielle pour que cela serve de référence dans l'élaboration des contrats, d'autant plus que la gestion des risques est l'un des sujets où les compétences sont inévitablement partagées. Les enjeux sont à la fois très sensibles sur le pays ou l'agglomération, mais ils dépassent aussi ce périmètre. C'est justement ce qui peut faire l'objet de contrat.

M. Henri Nayrou, rapporteur : Nous n'allons pas revenir sur les passerelles entre Natura 2000 et les activités touristiques au sein de ce schéma de services collectifs. S'agissant de la concertation, j'observe, à la lecture de la directive donnée aux préfets au mois de décembre, qu'il est fait référence au conseil national de la protection de la nature(CNPN), sans que le comité stratégique national des espaces naturels et ruraux ne soit saisi.

Deuxième élément, il n'est pas fait état du conseil national de la montagne (CNM). Or, dans la circulaire des préfets, tous les conseils nationaux figurent, et la moindre des choses aurait été que le conseil national de la montagne qui va se réunir lundi sous la présidence du Premier ministre y figure également.

On doit arriver à un équilibre entre l'idée d'inscrire la nature dans la durée, mais aussi d'inscrire la nature et la vie sur ces territoires dans la durée. Il faut le faire ensemble, et dans un respect partagé. Je crois aussi que c'est une façon de protéger les acteurs contre les propres excès qu'ils génèrent. Je continue de penser que l'organisation de la vie future sur les espaces naturels et ruraux, dépourvue de sa dimension sociologique, aurait quand même sa place dans ce schéma. Je crois que c'est une organisation sur un territoire. On prend en compte le fait que désormais, on peut capitaliser sur le respect du cadre de vie : c'est à la fois une posture éthique, mais aussi un acte de développement.

Je prends acte qu'il y aura un autre rendez-vous en 2003 après une pause tout à fait normale puisque ce schéma doit être un référant. Si certains de mes propos ont été dépourvus d'aménité, c'était forcément involontaire.

Mme Ariane Azéma : Sur le conseil national de la montagne (CNM) et certaines instances, vous évoquiez la circulaire aux préfets du 11 décembre 2000. Il a été fait le choix, en complément des instances prévues par le législateur (le CNADT, les CRADT, les conseil régionaux et les deux délégations parlementaires) de soumettre les projets de schéma à un certain nombre d'instances qui doivent être cadres de concertation pour chacune des politiques portées par les schémas. La liste de ces instances ou organismes a été arrêtée au CIADT de mai 2000.

En termes d'instances transversales, le gouvernement s'est conformé aux instances définies par la LOADDT. D'un point de vue territorial, c'est le CNADT et les deux délégations parlementaires qui examinent les projets de schémas. D'où l'absence du CNM. J'imagine que cela pourra être abordé lundi prochain.

M. Henri Nayrou, rapporteur : je comprends, mais 23 % du territoire concerné au premier chef par ce schéma-là, "cela ne se trouve pas sous le sabot d'un cheval" ; le CNM pouvait être consulté puisque c'est un élément, assurément transversal et moins vertical que tous les conseils nationaux qui y figurent, notamment celui des transports.

M. Pierre-Eric Rosenberg : Non pas pour défendre mot à mot ce document tel qu'il existe puisqu'il a vocation à évoluer, mais par rapport à votre préoccupation de fond sur la place de l'homme et du développement économique sur ces territoires, je voudrais illustrer notre réflexion et montrer qu'elle ne s'éloigne pas tant de la vôtre. Je prendrai pour cela deux des enjeux, deux enjeux symétriques : le réseau écologique national et la déprise, montrent que l'absence de l'homme est aussi grave que ce que l'on qualifiait tout à l'heure de pression excessive. Les excès de l'urbanisation et la désertification sont deux sujets tout aussi graves, qui méritent d'être traités. C'est bien cet équilibre qui doit être recherché.

M. le Président : Merci à tous d'avoir participé à cette réunion. Il nous aurait fallu beaucoup plus de temps.


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