ASSEMBLÉE NATIONALE


DÉLÉGATION
À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT
DURABLE DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N°19

Mercredi 31 janvier 2001
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Philippe Duron, président

SOMMAIRE

 

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Audition de Mme Ariane Azéma, conseillère à la DATAR, M. Jacques Lenain, chef de service et Mme Carole Cretin, direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins au secrétariat d'État à la santé, et Mme Dominique Polton, directrice du centre de recherche, d'étude et de documentation en économie de la santé, sur le schéma de services collectifs sanitaires

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La délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire a entendu Mme Ariane Azéma, conseillère à la DATAR, M. Jacques Lenain, chef de service et Mme Carole Cretin, direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins au secrétariat d'État à la santé, et Mme Dominique Polton, directrice du centre de recherche, d'étude et de documentation en économie de la santé, sur le schéma de services collectifs sanitaires.

M. le Président : Nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner le schéma de services collectifs sanitaires. Ce schéma a pour but d'assurer un égal accès en tout point du territoire à des soins de qualité ; il vise à corriger les inégalités intra et interrégionales en matière d'offre de soins et à promouvoir la continuité et la qualité des prises en charge, en tenant compte des besoins de la population, des conditions d'accès aux soins et des exigences de sécurité et d'efficacité. Avant de vous laisser la parole, je vous rappelle que la Délégation a désigné comme rapporteur pour ce schéma M. Jean-Claude Daniel.

M. Jacques Lenain : Monsieur le président, vous avez rappelé les dispositions contenues dans la loi du 25 juin 1999 dont les termes sont soigneusement pesés et que l'on retrouvera au long du contenu de ce projet de schéma de services collectifs sanitaires.

Le projet de schéma a été préparé à partir de travaux d'un comité stratégique, présidé par Mme Dominique Polton. Ce travail préparatoire s'est organisé autour de trois axes : privilégier l'approche du sujet, en terme de services et non pas de structures ; construire la réflexion autour du malade ; porter une attention particulière au cadre territorial dans lequel s'inscrivent les actions contenues dans ledit schéma.

Autre remarque préliminaire : la démarche entreprise n'est pas totalement nouvelle puisque dans le domaine sanitaire, il existe déjà des instruments de planification qui sont à la fois inégaux selon les domaines sanitaires et pour certains relativement récents. Depuis plusieurs années sont organisées une conférence nationale et des conférences régionales de santé desquelles découlent des programmes nationaux et régionaux de santé. C'est une première instrumentation.

Nous avons ensuite tout ce qui, plus classique, plus ancien, et assez lourdement structuré, figure dans le domaine hospitalier, à savoir carte sanitaire, schémas sanitaires ou schémas régionaux d'organisation sanitaire. Ce sont des instruments qui sont assez bien rôdés mais qui évoluent dans le temps : de quantitatifs qu'ils étaient il y a quelques années, ils sont devenus nettement plus qualitatifs, aujourd'hui.

Troisième catégorie d'instruments qu'on peut mentionner et qui concernent également le secteur hospitalier : tous les instruments de financement, explicitement territorialisés depuis plusieurs années avec des dotations régionales dont l'évolution, d'une année à l'autre, est différenciée selon les régions ; il est tenu compte de l'appréciation que l'on peut porter sur les inégalités dans l'offre de soins ou dans les besoins de santé d'une région à l'autre.

Il existe donc déjà une instrumentation, mais qui n'est pas exhaustive : elle est forte sur l'hôpital ; elle existe pour les politiques de santé mais elle est quasiment absente sur la médecine de ville : il n'y a pas là de véritables instruments, sauf nationaux, mais sans déclinaison locale. Dans le secteur médico-social, cette instrumentation se met tout juste en place puisque le Parlement doit débattre cet après-midi d'un projet de loi prévoyant la création d'instruments qui se rapprochent de ceux existant dans le domaine sanitaire en termes de planification, d'autorisations etc.

Après ces remarques préliminaires, j'en viens au projet de schéma, tel qu'il vous est présenté. Il se compose classiquement de deux parties : une partie "enjeux et prospective" et une partie "orientation et choix stratégiques".

Dans sa première partie, le schéma, d'une part, présente les principaux constats qui peuvent être dressés sur l'état de santé de la population et sur l'état de l'offre sanitaire ; d'autre part, il dessine des éléments de prospective qui permettent de situer les principaux enjeux auxquels le schéma va essayer de répondre.

Cette première partie est structurée autour de trois thèmes : "santé et territoires" ; "évolution des besoins de la demande de soins et de santé" ; "évolution de l'offre", selon la terminologie en vigueur dans le secteur sanitaire.

Sur le premier thème - les liens entre santé et territoire - le projet de schéma fait quatre constats.

Le premier concerne l'état de santé proprement dit. Il insiste, et c'est légitime, sur les disparités géographiques très importantes, que l'on peut appréhender tout particulièrement à travers des indicateurs de mortalité ; ces disparités sur lesquelles je n'insiste pas parce qu'elles sont connues, ne sont pas négligeables, notamment entre les régions septentrionales et méridionales, aggravées parfois à l'intérieur des régions elles-mêmes par d'autres disparités tout aussi fortes et qui parfois accentuent les premières.

Le deuxième constat porte sur la disparité dans l'offre de soins. Il y a des disparités territoriales fortes en matière de distribution des professionnels de santé et plus globalement en matière de ressources. En clair, si l'on examine la répartition des ressources sur le territoire, on constate qu'elles ne sont pas réparties équitablement.

Face à ce constat sur les inégalités de répartition territoriale de l'offre, il convient de faire état - et c'est le troisième constat - des actions et des politiques mises en oeuvre pour redistribuer cette offre de soins et pour réduire ces inégalités. On y reviendra au cours du débat.

Pour autant, le projet de schéma rappelle que, quelle que soit la qualité de la bonne distribution de l'offre de soins, celle-ci n'est pas le seul déterminant qui pèse sur l'état de santé de la population. Des travaux conduits depuis plusieurs années montrent qu'il existe d'autres déterminants, sujet que Mme Polton pourra développer.

Ainsi, on sait qu'une partie de l'état de santé est déterminée par l'environnement social et culturel, la sédentarité, la nutrition, autant de facteurs sur lesquels l'offre de soins n'a pas d'action immédiate, mais qui concernent d'autres actions de santé : notamment l'éducation pour la santé et la prévention.

Le quatrième constat - qui sera d'ailleurs repris dans les orientations du schéma - porte sur le fait que, d'ores et déjà, les politiques sanitaires privilégient le cadre régional. Il est clair que nos instruments de planification, surtout en matière hospitalière, sont déjà bien inscrits dans ce cadre. Surtout, toutes les évolutions de ces dernières années - comme celles qui se préparent et sur lesquelles nous reviendrons - ont également retenu la région comme cadre privilégié d'actions - même si le cadre régional ne saurait être exclusif. En effet, d'autres cadres territoriaux que la région doivent être pris en compte : soit le cadre interrégional - dans le domaine sanitaire, certaines fonctions appellent des actions qui dépassent le cadre régional - ; soit, et c'est l'essentiel, le cadre infrarégional pour une partie des dispositifs d'action. Mais la région est bien le cadre déterminant des politiques dans le domaine sanitaire.

S'agissant du deuxième thème - l'évolution des besoins et de la demande - le schéma pointe des sujets qui sont connus mais qu'il est bon de rappeler, car ils pèsent ou pèseront parfois très lourd sur les évolutions de la période des vingt ans à venir. Il en est ainsi du vieillissement de la population, qui a un impact très fort sur les pratiques professionnelles, sur l'activité des structures et sur les coûts, avec des disparités régionales importantes : les effets du vieillissement sur la demande et sur l'offre sont très différenciés selon les régions. C'est le principal facteur qui pèsera sur la demande.

Le deuxième facteur, c'est l'évolution des pathologies elles-mêmes. Sans doute ne peut-on être assez précis sur ce qui se passera dans les vingt prochaines années, mais on peut pointer quelques grandes pathologies dont on sait qu'elles seront toujours là et même de plus en plus présentes.

Toutefois, il est difficile d'aller plus loin que de décliner ces évolutions en matière de cancer, de maladies cardio-vasculaires, de poly-pathologies du vieillissement, de santé mentale - domaine où la demande s'exprime très fortement, notamment concernant les adolescents. Quoi qu'il en soit, les mouvements constatés expriment une demande accrue de prise en charge.

Troisième facteur qui sera très prégnant sur ces prochaines années et dont la naissance est relativement récente : les usagers d'aujourd'hui ne sont plus les mêmes qu'il y a dix ans ; ils sont de plus en plus exigeants, légitimement, et ils demandent plus d'humanité dans leur prise en charge. C'est un premier sujet de débat.

Le second, c'est que leur exigence porte aussi sur l'organisation pratique de la prise en charge et donc sur la coordination des professionnels entre eux. Le malade aujourd'hui supporte moins une situation dans laquelle il peut être "promené" d'une structure à l'autre sans qu'apparaisse clairement la continuité de la prise en charge du patient du début à la fin. Cette demande s'exprime fortement et pèsera de plus en plus lourd sur les professionnels de structures de santé dans les années à venir.

Voilà les trois points principaux mis en exergue par le projet de schéma et qui touchent à la demande.

Côté offre, quels sont les facteurs qui méritent d'être mis en avant et que le schéma a retenus ? L'un, c'est assez banal de le dire, est le progrès technique. Il affecte fortement les modes d'intervention et les pratiques professionnelles : biologie moléculaire, médecine génétique, modes d'exploration du corps humain.

Autre domaine, pris en compte par la loi du 25 juin 1999, c'est l'impact dans le champ sanitaire, des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC), qui auront une importance considérable au cours des années qui viennent et qui contribuent d'ailleurs déjà à des actions qui permettent d'aider au travail en réseau des professionnels de santé et donc au travail en complémentarité.

Deuxième facteur : la démographie médicale. On aurait pu aussi signaler la démographie paramédicale mais c'est plus un sujet conjoncturel qu'un sujet sur vingt ans. En l'occurrence, c'est bien la démographie médicale qui pose problème tout en étant un élément structurant de l'offre sanitaire. D'une part, il faut résoudre des problèmes sur cette période parce que certains secteurs géographiques ou certaines spécialités ne sont pas ou sont mal couverts ; d'autre part, la démographie peut être un instrument d'organisation de l'offre, instrument qui, pour l'instant, est encore largement sous-utilisé, notamment en matière de médecine de ville.

Troisième facteur concernant l'offre de soins : l'évolution des métiers de santé et des pratiques professionnelles. Certes, on l'a vu, elle est liée à l'évolution des techniques, mais elle a aussi sa propre vie. C'est-à-dire qu'il est nécessaire  - c'est déjà en cours, mais cela doit être accentué - que les professionnels et les structures de santé évoluent vers un exercice plus collectif et plus coordonné de la prise en charge des usagers et des patients. Cette évolution est aussi un élément structurant de l'offre de soins, et le schéma l'a retenue.

Voilà ce que le projet de schéma met en avant dans sa première partie, en termes de diagnostic sur les constats et sur les évolutions en cours au sein du système de santé.

Dans sa seconde partie, le projet de schéma propose trois orientations majeures sur lesquelles prennent ensuite appui un certain nombre de choix stratégiques. Avant de les présenter, il faut rappeler que sur cette période des vingt prochaines années, deux questions ne peuvent pas ne pas être évoquées, questions auxquelles le schéma ne cherche pas à répondre :

1 - Quel est l'effort que la collectivité entend consentir à la fonction santé ? La réponse à cette question ne peut pas ne pas avoir d'impact sur la planification des structures sanitaires.

2 - Les modes de régulation du système sanitaire sont-ils susceptibles d'évoluer au cours de la période considérée ? Autrement dit, dans le rôle que jouent ou dans les responsabilités que tiennent ou dans les contraintes que supportent les financeurs, les usagers, et les professionnels de santé, quelles évolutions, voire quelles ruptures permettraient une évolution dans l'articulation de ces trois acteurs principaux et permettraient de considérer les choses autrement ? Le schéma prend le parti que ces éléments ne sont pas susceptibles de connaître une forte évolution.

Ces deux questions étant ainsi évoquées, la première des trois orientations que propose le schéma - et qui d'ailleurs n'est pas étrangère aux deux premières questions - est un système de protection sociale solidaire. Le schéma pose comme principes que, le système étant maintenu dans son économie générale, il est capable de conserver et d'entretenir la solidarité qui le porte depuis plusieurs décennies et qu'il doit la renforcer, notamment en matière de prévention, d'accès aux nouvelles techniques de soins - et cela pour toute la population - et, de manière plus ciblée, en matière de réadaptation et de prise en charge des dépendances, notamment pour les personnes âgées ou handicapées ; il s'agit aussi de poursuivre l'action menée pour éviter toute exclusion des populations fragiles du système de soins.

Première orientation donc : un système qui reste solidaire et qui tentera de renforcer encore son efficacité dans ce domaine.

Deuxième orientation : conforter la région comme cadre territorial de l'action stratégique que mène l'État en matière sanitaire. Cette tendance qui est à l'_uvre se poursuivra et se renforcera. Elle est d'autant plus nécessaire que c'est dans ce cadre territorial que peuvent être menées utilement des démarches contractuelles permettant en particulier d'associer les différents partenaires qui contribuent à la qualité des soins. Ce n'est pas seulement l'État ou les organismes qui le représentent, mais c'est aussi l'assurance maladie, les professionnels, les collectivités territoriales et les usagers. Le cadre régional semble être le bon espace pour organiser ces complémentarités, ces actions coordonnées.

Il faut préciser que le projet de loi de modernisation du système de santé que le Parlement sera amené à examiner dans quelque temps contient des dispositions qui vont dans ce sens. En effet, il transforme les conférences régionales de santé en conseils régionaux de santé avec une présence plus forte des acteurs locaux, dont les usagers. Il fait en sorte que ces conseils régionaux de santé puissent exercer toutes les compétences d'avis existant dans la région, y compris en matière de planification sanitaire et hospitalière puisqu'il prévoit que les comités régionaux d'organisation sanitaire et sociale (CROSS) deviendront une section spécialisée de ces conseils. Il intègre donc dans ces instruments les outils existants de politique régionale.

C'est un premier pas sachant que cette évolution connaîtra d'autres étapes au cours des vingt ans qui nous intéressent. Mais cela s'inscrit bien dans cette logique de conforter la région comme cadre de la planification.

Troisième orientation essentielle que propose le schéma de services collectifs :

- passer d'une logique d'institution à une logique de service de santé et donc essayer de surmonter les cloisonnements habituels existant entre les institutions pour aboutir, à travers une meilleure appréhension de l'usager, amené de plus en plus à passer d'un mode de prise en charge à un autre, à un service de qualité dont l'existence et la pertinence peuvent s'affranchir des statuts des différent intervenants du système sanitaire.

Pour conforter cette évolution, il est important de s'appuyer sur l'usager qui est l'un des facteurs puissants de changement, au-delà des actions mêmes que les pouvoirs politiques locaux et régionaux peuvent mener pour fédérer le système de santé autour de la notion de service.

Le projet de loi de modernisation du système de santé prend en compte cette réalité puisqu'il prévoit, d'une part, un renforcement des droits de l'usager - droits fondamentaux classiques qui sont inscrits dans la loi - d'autre part, l'institution d'un droit à la continuité des soins eux-mêmes. Il s'agit de faire de la continuité des soins, de la prise en charge continue du patient, un droit inscrit dans le code de la santé. Par ailleurs, ce projet prévoit aussi des modes de participation et des modes de représentation des usagers, dont la mise en oeuvre s'inscrit également et fortement dans le cadre régional.

Autre élément qui conforte cette évolution d'une logique d'institution à une logique de service : la notion de réseaux de soins. Les réseaux de soins sous des formes encore un peu partielles sont inscrites dans le code de la santé et dans le code de la Sécurité sociale. La loi de financement de la Sécurité sociale de 2001 a déjà introduit une évolution juridique en déconcentrant la procédure d'agrément des réseaux expérimentaux et en prévoyant des modes particuliers de financement des réseaux qui n'existaient pas jusqu'à présent. Le projet de loi de modernisation du système de santé devrait contenir des évolutions juridiques permettant de faire des réseaux un levier privilégié de travail en commun des professionnels des structures de santé autour des usagers. Le réseau est d'ailleurs l'un des fils directeurs des réflexions menées en matière d'amélioration et de performances des systèmes de santé.

Voilà les trois orientations principales qui sous-tendent le schéma : un système de protection sociale solidaire, un cadre régional conforté et une logique de service qui succède à une logique d'institution. A partir de là, le projet de schéma propose cinq grands choix stratégiques qui prolongent les orientations majeures que je viens d'exposer.

Le premier choix stratégique est de parvenir à une organisation graduée et coordonnée de l'offre de soins. C'est donc toujours cette thématique de prise en charge continue du patient, de continuité du service, de lisibilité du système, d'accessibilité aux différents services dont le patient a besoin dans un mode de fonctionnement aussi décloisonné que possible. Tout cela exige une véritable mutation des comportements professionnels. Cette évolution s'inscrit dans une perspective à vingt ans : c'est donc un travail de fond sur une longue période.

Le deuxième choix stratégique est effectivement conforme aux orientations précédentes, puisqu'il s'agit de chercher à inscrire les politiques de santé dans des territoires adaptés. Le cadre régional est privilégié mais il ne suffit pas. Il convient donc, en premier lieu, de développer les informations permettant de mieux connaître les enjeux territoriaux de la santé, informations encore insuffisantes en la matière, et qui doivent être construites autour de territoires pertinents.

En deuxième lieu, il est proposé de conforter une coopération interrégionale. Si l'on pense trop régional, on oublie que pour certaines fonctions sanitaires, il faut un cadre supra régional. Il y a là une série de thèmes sur lesquels il faut continuer à travailler.

Et en dernier lieu, il est proposé de travailler de manière plus accentuée sur certains territoires : zones rurales ou quartiers périphériques urbains, sur lesquels effectivement on observe des fragilités ou des insuffisances du tissu sanitaire.

Le troisième choix stratégique du schéma concerne les réseaux de soins eux-mêmes. C'est bien un vecteur très fort aujourd'hui de la politique sanitaire et hospitalière qui mérite d'être ainsi distingué.

Le quatrième choix, conforme aux éléments de prospective que j'ai rappelés, consiste à poursuivre le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication dans le secteur sanitaire. Ce choix n'est pas indépendant du travail en réseau, de la continuité de la prise en charge et du travail en commun des professionnels. Ce sont là des domaines où la situation est très inégale. On pourrait par exemple mentionner un sujet majeur : le dossier unique du patient, sujet sur lequel des travaux préalables sont en cours à travers un identifiant unique. On constate que faire en sorte que, demain, les acteurs de santé, professionnels de ville ou professionnels hospitaliers, puissent travailler sur des informations communes dont la mise en commun est portée par un réseau informatisé, est bien un sujet stratégique, mais de moyen et long terme, parce que difficile à développer. On pourrait encore citer le dossier de la télémédecine sur lequel on peut considérer que nous sommes plutôt actifs. Mais c'est là un vaste chantier sur lequel il y a beaucoup à faire.

Le cinquième et dernier choix est majeur également : mettre l'accent sur la prévention. En introduction, je disais que l'organisation des soins ne suffit pas si l'on veut agir sur l'état de santé de la population et réduire les inégalités. La prévention et la promotion de la santé sont un choix stratégique sur cette période. Pour y parvenir, il faut mieux coordonner les actions autour des politiques régionales, autour de grandes thématiques : professionnaliser les interventions en santé publique, développer les moyens alloués à la prévention, et pouvoir inscrire l'action des pouvoirs publics dans de grands programmes planifiés de santé publique.

Cette politique est déjà amorcée. Je signale six grands programmes de santé publique pour lesquels on répond à cette logique de programmation de long terme en matière de développement de la prévention :

- réduire la mortalité évitable, par cancer dans le cadre d'un programme de lutte contre le cancer lancé en début d'année 2000 ;

- développer la prévention des suicides ;

- favoriser la prévention des pratiques addictives (alcool, tabac, drogue) ;

- soutenir la politique de prévention en faveur de l'enfance, de l'adolescence et de la famille ;

- réduire la mortalité et les handicaps liés chez les jeunes aux accidents de la voie publique ;

- enfin, prévenir l'apparition de la dépendance chez les personnes âgées.

Voilà six grandes thématiques sur lesquelles les pouvoir publics ont fait le choix d'inscrire leurs actions, notamment en matière de prévention.

En conclusion, on peut indiquer que le développement des services sanitaires ne peut résulter que de la seule action de l'État. Il y a beaucoup d'acteurs -c'est l'une des difficultés du domaine- et l'intérêt du schéma est justement, en éclairant le chemin, de permettre à ces acteurs de se rapprocher et de travailler ensemble sur des thématiques communes et en développant des politiques contractuelles.

Dernière remarque : on peut comprendre à travers ce projet de schéma que le fil conducteur est bien la mise en réseau, la mise en complémentarité des professionnels de santé, dans des cadres territoriaux qui peuvent être variés, mais dont le cadre régional est le cadre privilégié, de sorte que ces cadres territoriaux soient conçus et que les professionnels agissent en prenant comme fil directeur de leur action l'usager lui-même.

M. le Président : Vous avez terminé en disant que ce schéma avait pour vocation de donner plus de visibilité, plus de cohérence aux questions de santé et aux pratiques des acteurs de la médecine publique ou privée. Vous avez bien présenté l'état des lieux du domaine de la santé, vous avez fixé les objectifs à atteindre, vous avez donné les indications sur les moyens à mettre en oeuvre pour tenter d'atteindre ces objectifs.

Notre Délégation s'intéresse au territoire. Nombre de nos collègues sont perplexes face à la restructuration des établissements de santé, parce qu'ils s'interrogent sur la corrélation qui est toujours établie entre qualité et effet de taille, alors que dans ce domaine, il n'y a pas forcément de fatalité : on le voit dans certains pays dont la démographie est différente de la nôtre, notamment certains pays scandinaves, où il y a à la fois des territoires "légers" au plan démographique et une offre de santé de qualité.

Deuxième interrogation : qu'en est-il de la démographie des professionnels de santé et de leur répartition sur le territoire, qu'il s'agisse des médecins généralistes - une étude récente révèle quelques préoccupations pour l'avenir - ou des médecins spécialistes qui obéissent souvent à un principe de concentration près des établissements hospitaliers privés ou publics, mais aussi dans les villes ?

C'est là une interrogation pour l'avenir et nous craignons que le principe d'égal accès à la santé, garanti dans le schéma, ne soit qu'une déclaration d'intention et que demain, nous ayons des difficultés à le respecter pour un grand nombre de nos citoyens. On sait bien qu'avec le vieillissement de la population, nombre de personnes âgées dans les régions rurales ou plus fragiles, tendent à se déplacer pour aller là où l'offre de santé est plus importante. C'est vraiment, et j'insiste, l'une des interrogations fortes de l'avenir en matière d'aménagement du territoire.

Voilà ce que je voulais dire en préambule avant de laisser la parole à notre rapporteur, Jean-Claude Daniel.

M. Jean-Claude Daniel, rapporteur : Après cet exposé, après avoir lu les documents et entendu quelques échos du rapport de Mme Dominique Polton, on ne peut pas manquer, en tant que représentants de la Nation, d'avoir des interrogations qui ne sont peut-être pas aussi éclairées que cela pourrait paraître souhaitable aux yeux de l'État. Il reste une interrogation forte après tout ce qui a été dit, qui porte sur la place occupée par tous ceux qui sont hors des services de l'État et sur la norme que le schéma tend à réaffirmer. J'y reviendrai dans le détail.

Vous avez eu raison de faire le constat des inégalités d'accès aux soins, inégalités qui peuvent être d'ordre social et culturel, d'ordre économique, mais aussi d'ordre géographique et quelquefois structurel. L'offre n'est pas équi-répartie sur le territoire, et je pense même que la recherche d'une équi-répartition confine au mythe. On sait que la géographie et les territoires ont des réalités qu'il faut compenser et non pas forcément rendre toutes semblables.

Je pense que l'objectif sous-jacent est d'aller vers une espèce de nouveau contrat social concernant des hypothèses de santé et non pas des hypothèses de maladie. C'est une population en bonne santé qui est espérée et souhaitée plus qu'une population d'usagers malades à qui on apporterait des soins. Il nous faut donc aller vers de nouvelles contractualisations dans lesquelles le rôle des élus -qui votent chaque année le budget de la Sécurité Sociale par exemple-, serait pris en compte concernant le rôle de l'État spécifiquement, la place des territoires, et la place des acteurs.

Sur les territoires, vous avez insisté très fortement - parce qu'il y a antériorité par rapport au schéma - sur la régionalisation et donc sur l'élaboration d'un certain nombre de documents, les schémas régionaux d'organisation sanitaire (SROS), qui servent en quelque sorte de conducteur dans cette affaire. Mais j'ai le souci que l'on ne s'enferme pas dans ce conducteur en prenant une vision totalement découpée en régions et qui scléroserait une réflexion plus globale soit à l'échelle de la nation soit à l'échelle de territoires en émergence. C'est cela l'aménagement du territoire. Il va falloir y réfléchir.

Une chose m'a frappé dans vos propos : vous avez présenté le schéma en disant qu'il s'agit d'une approche en terme de service plus qu'en terme de structure - on y souscrit tous - autour du "malade" ; ce mot me convient peu parce que ce qu'il faut, ce n'est pas seulement une politique de santé autour du malade, mais bien une politique de santé autour d'une population qui a besoin d'être maintenue en bonne forme et active.

Par ailleurs, vous avez insisté sur l'idée du cadre territorial. A quatre ou cinq reprises, vous êtes revenu sur cette politique qui privilégierait le cadre régional. La question ne manque pas de se poser : est-ce le seul cadre pertinent ? Nous sommes maintenant dans des logiques de territoires qui s'organisent autour des agglomérations, autour des pays, autour de zones parfois différentes de celles que les politiques de santé ont arrêtées, avec les effets de masse. Par exemple, le seuil de 200 000 habitants, dont on a parlé assez souvent, est-il un seuil qui a encore une validité à lui tout seul parce que c'est l'effet nombre qui compte ou est-ce une organisation spatiale et géographique ? De quelle manière s'organise-t-on et se réorganisera-t-on ? C'est une question pour les vingt ans à venir. Je crois que là, les choses ne sont pas figées. Et comment va-t-on s'orienter ? La question reste posée.

En particulier, si vraiment la région est LE territoire pertinent -pour ma part, je ne pense pas que ce soit le seul- comment s'organise-t-on dans le cadre des contrats de plan État-Région et quelle est la place des autres acteurs et partenaires par rapport à cette définition de politique de santé publique ? Finalement, n'y a-t-il que l'État qui norme et des acteurs qui agissent ? Y a-t-il des partenaires dans l'élaboration d'une politique de santé à l'échelle des territoires ?

Cela nous renvoie à quelques questions. Le Parlement va examiner en première lecture le texte "action sociale et médico-sociale". Dans ce domaine, l'enfance handicapée, le monde adulte handicapé, le secteur social de l'enfance, les personnes âgées représentent une population extraordinairement nombreuse qui est, la plupart du temps, prise en compte par des secteurs largement associatifs. Comment cette population est-elle intégrée à la réflexion, à la définition des objectifs, à l'élaboration des projets ? C'est une première question.

Deuxième question sur un domaine qui n'a pas été abordé du tout : celui des médicaments, des molécules et de la recherche. De quelle manière prend-on en compte, par exemple, le traitement des pathologies rares ? La recherche est nécessaire pour trouver des solutions même quand le nombre de sujets atteints par ces pathologies est minime. C'est ce rapport entre une éthique publique et des seuils de rentabilité définis par le privé qu'il faut définir.

Troisième question, liée à la précédente, la recherche : recherche, recherche appliquée et formation. On a spécifié un certain nombre d'éléments concernant les régions, mais aucun mot sur les hypothèses "formations recherches". Cela renvoie à la question précédente.

Ensuite, il faut aussi que l'on apporte des réponses qui, selon moi, sont forcément suprarégionales aux questions sur la mobilité des patients et des soins à leur apporter. Faut-il que chaque région développe au travers de son CHU et de son réseau, toutes les compétences dont elle dispose pour soigner toutes les pathologies ? Faut-il, au contraire, installer des pôles de compétence ici ou là, mais ceci soulève alors un autre problème ? Comment garantir en quelque sorte l'accès égal des citoyens de notre territoire national à ce type de pôle de soins ? Comment organise-t-on la mobilité géographique pour permettre au malade d'accéder aux soins ? Par ailleurs, quelle est la carte des recherches importantes et comment atteint-on le lieu de cette recherche quand on en a besoin ?

Une question sur la répartition des soignants. Mme Dominique Polton l'a largement abordée dans son rapport. C'est une question difficile. Il y a peut-être plusieurs systèmes de solutions, mais en tout cas, il faut trouver des solutions. En particulier, il y a des zones rurales - on revient à cette notion de territoire - qui peuvent être largement sous-couvertes, et pas seulement par la médecine de ville. Sont concernés la médecine de spécialité et les réseaux structurels de soins - on en revient à la question souvent posée à l'Assemblée sur la proximité - en particulier les hôpitaux, avec, sous-jacentes, des interrogations sur l'effet "taille", l'effet "proximité", l'effet "qualité", et le type de service.

Une question sur les NTIC. Il faudrait d'ailleurs sortir de l'appellation telle qu'elle existe pour arriver à quelque chose de plus concret, puisqu'au moins deux domaines sont concernés : celui de la gestion, informatisée et rationalisée des dossiers ; celui de la "connaissance" que chacun des usagers ou des patients peut avoir de l'évolution des pathologies : on voit bien que sur le "Net" aujourd'hui, "l'encyclopédie médicale" est en train de connaître un nouvel essor. Mais ce qu'on trouve sur le "Net" n'est pas l'"encyclopédie", c'est plutôt tout et n'importe quoi ! C'est donc en conséquence un des éléments sur lesquels il faut réfléchir. Que faire par rapport à cela ?

Autre question, sans doute plus importante : comment organise-t-on les réseaux pour que la qualité s'améliore dans des zones où l'on en a besoin. Par exemple, quand un médecin de campagne a besoin d'une investigation sur une imagerie médicale, comment peut-il transmettre ou faire analyser cette imagerie dans un lieu où la centralité permet réellement de poser un diagnostic pertinent ? Autrement dit, peut-on envoyer l'imagerie au CHU et la faire interpréter ? Ces questions me paraissent importantes et représentent un retour d'équité pour des gens situés dans des territoires parfois isolés.

Enfin, sur le fonctionnement en réseau, le contenu du schéma n'anticipe pas sur la réalité. En effet, la chaîne "soins de proximité, hospitalisation de premier niveau, hôpital de référence, région, interrégion", est déjà en route. C'est donc par rapport à cette chaîne déjà en route, qu'il faut également réfléchir et s'interroger.

Mme Martine Lignières-Cassou : L'Assemblée entame aujourd'hui l'examen d'une loi que nous aurons à voter sur les institutions sociales et médico-sociales et qui prévoit une organisation tenant compte de schémas régionaux et départementaux. Comment articuler ce qui est de l'ordre du sanitaire et ce qui de l'ordre du médico-social ? Il me semble que quels que soient les thèmes en cause - le vieillissement, le handicap, les traumatismes crâniens - on ne peut plus concevoir deux filières parallèles, l'une sanitaire et l'autre médico-sociale, entre lesquelles il n'y aurait plus de passerelle ou qui ne se répondraient pas.

S'agissant du problème du territoire, sans doute peut-il y avoir une réflexion au niveau régional, mais le territoire de mise en oeuvre peut être un territoire infra-régional. Comment peut-on éviter une telle dichotomie alors que l'on sent bien que les choses sont complexes et doivent s'articuler si l'on veut prendre en compte la complexité et la globalité des individus ?

Permettez-moi une réflexion : le schéma "sanitaire", avec les schémas "culture" et "sport" sont les seuls à placer l'usager au coeur de leur dispositif, la présentation introductive de l'ensemble des schémas ayant fait ressortir que c'était le citoyen qui occupait cette place.

Je suis très étonnée car il me semble que cette démarche visant à donner à l'usager la place principale aurait également pu s'appliquer à d'autres schémas.

Outre la complexité à établir des passerelles entre le sanitaire et le médico-social, je constate combien reste complexe la répartition des compétences entre l'État et les collectivités territoriales. Ainsi, en matière de prévention - qui, je le dis, est aujourd'hui un peu la cinquième roue de la charrette - une part de la politique est conduite par les conseils généraux : les résultats constatés sont donc très différents d'un département à l'autre, en raison de plusieurs critères, et notamment de leurs choix politiques.

Si donc nous souhaitons faire progresser la prévention, il me paraît nécessaire - cette réflexion s'adresse d'abord au législateur - de redéfinir les compétences entre l'État et le Conseil général. Si l'on faisait une évaluation par département des politiques de prévention, on aurait des surprises désagréables ; et je pense que l'un des freins au développement de la politique de prévention, hormis le fait qu'il faille augmenter les moyens, c'est la complexité des processus de décision.

Pour terminer sur ce thème, quand on parle de politique de prévention, on s'attache davantage à l'âge qu'au sexe, alors qu'un certain nombre de pathologies - on parlait de cancers - sont spécifiquement liées à la femme.

Un autre élément m'a beaucoup inquiétée à la lecture du schéma, c'est le développement, en proportion anormale, chez les agriculteurs, de tumeurs du cerveau. Je rappelle sur ce point ce que disait le rapporteur en matière de politique de recherche, et cela renvoie, me semble-t-il aux modes d'agriculture en général et à la politique de recherche agricole.

M. Serge Poignant :  Je poserai deux ou trois questions, mais permettez-moi d'insister d'abord sur ce qu'a dit le président Duron concernant la préoccupation des élus quant à la restructuration des établissements de santé, avec cette question : où se situera le schéma entre - sans les opposer mais en les mettant l'une auprès de l'autre - l'efficacité et la proximité ? Je crois que l'on est toujours dans cette dualité entre l'efficacité, qui suppose de mettre en commun des moyens pour atteindre la meilleure qualité possible des soins et la proximité qui est une notion importante de la politique d'aménagement. C'est une question sur laquelle nous insistons tous en tant qu'élus locaux.

La répartition des professionnels de santé est une question ô combien large et récurrente, mais je voudrais aussi insister sur deux autres points. D'abord, je suis tout à fait d'accord avec vous sur la nécessité de traiter le problème de la frontière entre le sanitaire et le médico-social. Deuxième préoccupation, particulièrement importante, celle liée au vieillissement de la population, à la situation des personnes âgées et à la dépendance. C'est un point essentiel. Notre collègue Daniel a parlé des handicapés. Je voudrais y revenir, concernant plus particulièrement la question du vieillissement des handicapés, en particulier de la situation de ceux qui passent du stade de jeunes handicapés, avec des structures prévues pour eux, au stade d'adultes. Là, il y a un manque considérable en équipements. De trop nombreuses familles ne savent pas quoi faire de leur jeune qui devient adulte. C'est un sujet délicat qui pose vraiment problème. Il n'y a pas de place pour les accueillir. C'est une vraie question.

Ensuite, je pose la question des moyens nouveaux qu'il faudra apporter. J'y ajoute aussi la question de l'adéquation entre les agréments qui peuvent être donnés ici ou là et les moyens qui sont derrière. On arrive à donner des agréments à des commissions (CROS) et puis, il n'y a pas les moyens pour suivre ! On peut faire tous les schémas que l'on veut - je partage les objectifs de ce schéma - encore faut-il se donner les moyens, en particulier dans certains domaines cruciaux où les difficultés vont aller en s'amplifiant.

M. Léonce Deprez : J'aurai deux questions pour avoir l'avis de la DATAR. Je voudrais comprendre. Pourquoi aujourd'hui, n'ose-t-on plus utiliser le mot de "planification territoriale" ? Pourquoi cette expression de "planification territoriale", compréhensible pour tout le monde, ne paraît-elle plus dans les documents officiels, et notamment ici, où il s'agit de résoudre les problèmes d'équipements de santé à répartir équitablement à travers le territoire français ?

Une question sur le fonctionnement : le département est-il vraiment l'échelon idéal pour traiter l'aide sociale, l'action sociale et l'insertion sociale ? Je rappelle que l'on a passé des semaines, des mois à construire des agglomérations et le cadre juridique des pays. Je suis de ceux qui oeuvrent pour défendre l'idée que, si le potentiel démographique est suffisant, c'est au niveau de l'intercommunalité, c'est-à-dire des agglomérations ou des pays, que l'on peut créer la solidarité économique, sociale etc.

Pour que ces institutions prennent vie, qu'elles entrent dans la tête des gens, que des crédits leur soient affectés et que les élus locaux les prennent en compte, il faut des actions communes. L'action sociale est un bon exemple : aujourd'hui elle se traite, elle est budgétisée au niveau des départements. Pour le RMI par exemple, les fonds sont gérés par le département, - c'est souvent un vice-président de conseil général qui assure la présidence de la commission locale d'insertion installée au niveau de l'arrondissement - alors que logiquement l'information devrait remonter du terrain, pour permettre aux élus de l'agglomération d'assurer la répartition équitable des efforts d'insertion.

C'est le même problème pour l'aide sociale. Or, on est beaucoup plus proche des citoyens au niveau de l'agglomération et du pays qu'on peut l'être au niveau départemental, qui est un niveau administratif. On construit des schémas : mais le schéma de services dits collectifs de santé va-t-il tenir compte de cette notion de bon sens que j'essaie d'évoquer ? Cela me paraît très important pour mettre en vie les agglomérations et les pays.

J'insiste beaucoup sur les pays, car quand il n'y a pas le potentiel démographique - et c'est le cas le plus souvent dans toute la France - il faudra se recentrer sur eux. On y arrivera très difficilement dans les conditions actuelles parce qu'il faut d'abord une association de communautés de communes pour constituer le pays, et si le pays n'a pas des thèmes communs d'actions, les communautés de communes resteront séparées, chacune sur leur petite portion de territoire. On arrivera donc très difficilement à donner consistance à la notion de pays, alors que la notion d'agglomération sera mieux comprise, puisque l'intercommunalité va de soi à ce niveau. Va-t-on aller dans ce sens ? Je m'interroge.

M. le Président : Le rapporteur de la loi du 25 juin 1990 ne peut que remercier M. Deprez pour ses propos audacieux sur la mise en place des pays et des agglomérations.

M. René Mangin : Je veux revenir sur les cinq choix stratégiques déjà évoqués par le rapporteur. L'accent sur la prévention arrive - est-ce un hasard ? - dans le cinquième - et dernier - choix stratégique. Il y a un centre de médecine préventive sur le territoire dont je suis l'élu. Quand je vois l'état de ce centre alors que le travail fait est remarquable, avec peu de moyens, qu'il s'agisse de communication, de relais, de médiatisation, de rivalité interrégionale dans les expertises etc. ! On est même parfois obligé de se battre au quotidien par rapport à d'autres régions qui veulent s'accaparer tel ou tel domaine. Bref, il y a beaucoup d'efforts à faire en matière de politique de prévention et celle-ci devrait figurer au premier rang des choix stratégiques, parce que tout commence par là. Comme le disait Jean-Claude Daniel, c'est vrai que l'important est d'avoir une politique de la santé et non pas une politique du malade, tant il est préférable d'anticiper et de faire de la prévention que de soigner la maladie lorsque celle-ci se déclare.

Par ailleurs, un autre point me préoccupe. Année après année, des cabinets dentaires ferment dans de toutes petites communes. Il n'y a pas de reprise de ces cabinets alors que le potentiel de clientèle est là. On s'aperçoit aussi qu'il y a dix dermatologues dans le sud du pays pour un dermatologue dans le Pas-de-Calais. La question qui se pose est donc de savoir si l'on est en capacité de faire une planification et une structuration de la santé quand on se trouve dans un cadre de médecine libérale.

M. le Président : Mesdames, messieurs, nous vous rendons la parole pour répondre à ces nombreuses questions.

M. Jacques Lenain : La première question concerne l'interrogation permanente autour de la politique menée en matière de recomposition hospitalière qui est de faire la part entre l'affirmation, d'un côté, qu'il faut une offre de proximité, et de l'autre, une réalité qui est perçue comme regroupant vers certains établissements privilégiés une partie des moyens et des compétences. La question consiste donc à pointer certaines contradictions dans la politique hospitalière.

Voilà comment je perçois les choses, même si je comprends que d'autres aient une perception quelque peu différente. Une politique de planification, comme toute politique qui vise à changer l'existant, se perçoit à travers les remises en cause de cet existant. Ces remises en cause, tout en étant réelles, ne sont pas aussi importantes à mon sens que ce que l'on en dit. Il me semble en tout cas que s'il y a un mouvement de concentration de certaines compétences hospitalières sur certains sites, cette concentration ne touche fondamentalement que certaines disciplines, c'est-à-dire essentiellement la chirurgie et l'obstétrique.

Toutes les autres activités d'ordre sanitaire - la médecine, la psychiatrie, le médico-social personnes âgées - sont des champs dans lesquels il n'y a pas d'action particulière de centralisation des moyens. Si l'on faisait l'équilibre entre les domaines où il y a cette politique et les domaines où au contraire il y a un mouvement qui a pour effet de développer les structures de proximité - je n'oublie pas les limites dans certaines zones, mais on prend ici les mouvements à l'échelle nationale -, entre le mouvement qui organise la concentration de certains plateaux techniques - en matière de chirurgie et d'obstétrique - et le mouvement plus général qui accompagne le développement du tissu sanitaire qui, globalement, ne se rétracte pas mais se diversifie, le solde sert plutôt la proximité que le regroupement.

Même là où il y a mouvement de concentration, celui-ci reste modéré. Vous avez cité les pays du nord de l'Europe. Je ne suis pas absolument certain de mes chiffres, mais nous avons chez nous plusieurs centaines de sites de maternité pour 60 millions d'habitants. La région Bourgogne en a 25 pour 1 600 000 habitants. La Suède, territoire très grand et peu peuplé, compte 25 maternités pour 8 millions d'habitants.

On constate que certaines politiques hospitalières peuvent être radicalement différentes d'un pays à l'autre, - nous ne ferons pas le choix du modèle suédois - mais en vérité on est très loin de ce que certaines perceptions semblent donner de cette action.

Toujours dans le domaine des maternités, la conjoncture fait que l'on est dans la phase de mise en _uvre de la réglementation relative à la périnatalité. On procède pour les années à venir à la mise en place des sites retenus. Là aussi on observe des sujets conflictuels dans certaines zones - on ne peut le contester - en particulier autour du seuil des maternités qui tournent autour de 300 accouchements. Cela ne concerne que quelques endroits où il y a un profond malentendu entre les intentions des autorités sanitaires et les souhaits de la population et des élus. Mais ce ne sont que quelques éléments isolés. Le mouvement de fermeture des petites maternités est derrière nous depuis longtemps. On est donc à la fin d'un processus, qui est très en deçà de ce que d'autres pays ont pu faire.

Ce que je dis pour les maternités vaut pour la chirurgie. Nous avons 8 à 900 sites chirurgicaux. C'est considérable. L'objectif est d'en avoir moins, parce que derrière tout cela, on met des normes de qualité qui font que l'on n'est plus capable d'avoir des compétences rassemblées qui puissent offrir une prestation chirurgicale de qualité 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Là aussi, si évolution il y a - elle est encore très timide - elle laissera quand même un grand nombre de sites chirurgicaux sur l'ensemble du territoire. Je ne nie pas le phénomène, je dis qu'il faut penser aux autres disciplines où le développement de la proximité est à l'oeuvre. On peut parler par exemple de l'hospitalisation à domicile, des soins à domicile. Il y a une série de thématiques où l'on développe la prestation de proximité si tant est que l'on trouve des professionnels pour le faire ! Effectivement, il y a des endroits où l'on a du mal à faire venir des professionnels. Il ne s'agit donc pas de problèmes de planification ou de financement mais de savoir comment porter vers ces lieux des professionnels de santé.

Mme Dominique Polton pourra développer le sujet de la médecine de ville. En matière hospitalière, on connaît les régions déficitaires - Picardie, Champagne-Ardenne, Bourgogne, Auvergne, Outre-Mer. Dans le domaine hospitalier, nous avons des instruments plus puissants qu'en matière de médecine de ville. Mais aussi puissants soient-ils, ils ne nous permettent pas d'obliger les médecins hospitaliers à aller là où ils ne veulent pas aller.

Dans les modalités d'incitation, pour que des médecins hospitaliers acceptent d'aller là où il y a des besoins, nous sommes en train de créer un nouveau dispositif de prime consistant à verser à un praticien qui signe un contrat de cinq ans et qui est prêt à partir dans ces zones prioritaires, une prime à l'installation de 10 000 euros (+ 65 000 francs ). Si le contrat est rempli, que le praticien reste, il bénéficie ensuite d'un avancement accéléré d'échelon.

Ce dispositif vient de se mettre en place. On ne sait pas s'il sera efficace et pertinent. Mais voilà le type de choses que l'on peut faire quand on est dans une logique incitative et non contraignante.

Pour la médecine de ville, il y a beaucoup à faire. Dans les propos qui ont accompagné la préparation de la fameuse journée du 25 janvier, j'ai noté de la part de certains porte-parole du monde médical de ville des ouvertures, timides, sur les mécanismes incitatifs à l'installation dans certaines zones. Mais ces mécanismes restent à construire.

La recherche a également été évoquée. Elle n'était pas fondamentalement inscrite dans ce schéma qui a donc quelque peu ignoré cette thématique. Tout dépend de ce que l'on appelle la recherche. Il y a la recherche en tant que telle ; le schéma n'en traite pas. Ensuite, il y a les conséquences des résultats de la recherche en matière de prestations de soins.

Vous avez cité par exemple le problème des financements et des prises en charge de pathologies rares, pour des médicaments coûteux etc. On voit les problèmes d'articulation qui se posent entre les politiques nationale, régionale ou infra-régionale. Le ministère balance constamment entre ces options. Le langage régional est de dire qu'il y a des enveloppes régionales calculées sur des critères connus. Après, chacun mène ses propres politiques avec ses moyens.

On s'aperçoit que quoi que l'on fasse, certaines choses ne se font pas. On est alors obligé d'inventer des financements fléchés, pilotés nationalement qui permettent d'aboutir à un résultat au bout de plusieurs années. C'est ce que l'on fait pour les soins palliatifs, même si l'on cherche à déconcentrer les financements. C'est également ce que l'on fait depuis cette année avec la mise en place d'un financement national ciblé sur le financement des pathologies rares et pour lequel on a prévu 50 millions de francs en 2001. Cela fait partie des domaines dans lesquels on mène quelques politiques nationales parce qu'elles ne sont pas prises en compte en tant que telles par les acteurs locaux qui, juridiquement, auraient pourtant tout pouvoir pour le faire.

Vous avez également parlé du supra régional. Mme Dominique Polton pourra développer le sujet. En matière hospitalière où l'on réfléchit à cette dimension...

M. Jean-Claude Daniel, rapporteur : Je faisais allusion à toutes les pathologies de la main consécutivement aux accidents du travail par exemple. On sait que cela se traite dans certains hôpitaux grâce à une hyperspécialisation et à une grande qualité. Naturellement, c'est ensuite au système social d'organiser le déplacement pour que le traitement ait lieu. Cela me paraît être une bonne initiative. Et elle n'est pas simplement régionale.

M. Jacques Lenain : Les pôles d'excellence, que l'on ne peut pas multiplier à l'infini et qui sont nécessairement moins nombreux que le nombre de régions se sont, en pratique, construits tout seuls. On peut dire que les pouvoirs publics ont joué un rôle quand il a fallu dégager des crédits, mais il n'y a pas généralement de politique nationale pour développer ces pôles d'excellence pour certaines prises en charge très pointues, sauf quand certaines sont réglementairement de compétence nationale comme la prise en charge des grands brûlés.

Cela dit, nous ne disposons pas des instruments qui permettent de multiplier une série de politiques fines de planification pour des prises en charge qui ne relèvent pas réglementairement d'une approche nationale. On ne le fait que quand on a le sentiment que, par défaut, nous avons absolument à agir.

M. Jean-Claude Daniel, rapporteur : C'était le sens de ma question : quelle planification retenir ? On ne peut pas laisser les choses s'établir au hasard, que ce soit une surabondance ou des manques ? Je crois qu'il faut une carte de l'excellence.

M. Jacques Lenain : La loi nous permet de planifier des activités. Pour l'instant, elle en cite douze - cela n'a pas changé depuis 1991.

Pour autant, on agit aussi beaucoup par voie d'instructions et de circulaires. Quand on crée des centres de référence, comme par exemple pour la maladie d'Alzheimer, on agit par circulaire, on met des financements incitatifs. En général, cela suffit pour y arriver. Je pense notamment à la prise en charge des malades sourds à l'hôpital : il n'y a pas de communication facile entre l'équipe soignante et le malade. Faut-il alors créer des centres de référence pour une prise en charge des malades sourds, et, si oui, combien ? Dans un premier temps, on n'en crée pas un par région ; on va en créer 7 ou 8, en insufflant un financement ciblé et cela marche.

M. Jean-Claude Daniel, rapporteur : Je ne prétends pas que l'État fasse mal son travail, mais que le schéma de services nous inclut dans une nouvelle orientation d'élaboration d'un contrat social global. Les élus souhaitent y jouer leur rôle comme d'autres partenaires souhaitent y jouer leur rôle. Par conséquent, il faut que nous échangions autrement que par voie administrative et de circulaire. C'est bien cela le but. De quelle manière planifie-t-on collectivement ?

Mme Dominique Polton : Je voudrais apporter quelques éléments à partir des travaux qui existent et qui montrent un certain nombre de choses sur la proximité et la demande de proximité. Je pense que cette notion est ambiguë en termes de comportement. Ainsi, plusieurs études montrent que, dans le choix que l'on fait de l'hôpital, plus on est cadre supérieur, à hauts revenus et à niveau culturel élevé, plus on va loin. Ces travaux révèlent une assez grande constance dans leurs résultats. D'autres études montrent des choses similaires. On voit se développer un profil de consommateur qui choisit plus, qui choisit le lieu où il ira, qui est prêt à parcourir de la distance pour aller là où il le souhaite. Cela pose la question de savoir si la proximité relève d'un choix d'un certain type de population, habitué plutôt à suivre le conseil du médecin de quartier, à aller au plus près. On constate bien que les personnes plus âgées ou plus modestes ont plutôt ce type de comportement.

Une étude portant sur des actes techniques, menée récemment en région parisienne, région pourtant extrêmement dense et très bien pourvue, montre clairement que l'on trouve des comportements assez différents : des gens qui vont au plus proche et d'autres qui vont nettement plus loin que l'endroit où ils pourraient aller pour s'éviter des déplacements.

Je répète que la notion de proximité est une notion un peu ambiguë, qu'il faut la mettre en balance avec des comportements qui, de manière générale, iront vers un choix plus large pour certaines catégories de population.

Cette question rejoint la question de l'information que l'on donne aux gens sur l'endroit où aller pour les centres de référence, et pour beaucoup d'établissements. Le problème a été fortement médiatisé depuis les articles successifs de "Sciences et Avenir" et du" Figaro Magazine" sur les performances respectives des hôpitaux et les choix que peuvent faire les gens qui souhaitent se faire opérer ou se faire soigner par tel ou tel médecin ou dans tel ou tel hôpital.

C'est un phénomène qui ira en s'accroissant quoi que l'on fasse et quelle que soit la manière dont les pouvoirs publics peuvent réagir. Cela risque d'accentuer certaines formes d'inégalités, notamment devant l'utilisation de l'information. Tous les services d'information grand public qui se développent sur Internet ne tendent pas tellement, à mon avis, à démocratiser ces questions d'accès et d'information : où aller, comment choisir, comment se repérer dans les systèmes de soin etc.

Je pense que l'information à donner au patient sur l'endroit où se diriger est aussi importante que d'essayer de maintenir un certain nombre de structures auprès de lui.

Le deuxième point est qu'il me paraît y avoir deux éléments différents qui peuvent donc appeler des politiques différentes : la diffusion et l'inégalité. Les médecins généralistes, qui sont le premier recours médical, avec le pharmacien de quartier, sont très bien répartis sur le territoire. Cette diffusion s'est considérablement améliorée au cours des trente dernières années, y compris dans des zones fragiles ou péri-urbaines, en grande couronne etc. Grosso modo, 85 à 90 % de la population dispose d'un généraliste dans sa commune. Les 10 à 15 % restants en trouvent à 7 à 8 minutes de leur domicile, la distance n'étant pas toujours le meilleur indicateur. Dans l'ensemble, on a donc une assez bonne diffusion des services de proximité.

Cela dit, même pour le généraliste, les inégalités entre régions et zones géographiques sont très grandes et, dans certains cas, ont tendance à se réduire spontanément aujourd'hui, alors que sur certaines petites zones, elles ont tendance à se creuser.

L'Ordre des médecins avait constaté, dans un bilan démographique récent, que la présence des spécialistes mais aussi des généralistes dans les grandes couronnes est moins forte qu'au centre-ville, mais en outre, que leur installation dans ces zones est de plus en plus faible. Ainsi, le rapport des médecins installés est de un à deux entre les centres et les grandes couronnes, et le rapport d'installation est de un à trois, c'est-à-dire que les nouveaux médecins installés sont encore moins nombreux. Les écarts ont donc tendance à se creuser.

Néanmoins, il convient de distinguer deux éléments sur lesquels il faudrait certainement continuer de travailler : d'une part, le fait que chacun dispose d'un médecin à proximité de chez lui aujourd'hui - mais ce ne sera peut-être pas le cas dans vingt ans ! - et d'autre part, le fait qu'il y ait plus ou moins de médecins selon les territoires considérés. A l'extrême, ces deux notions pourraient se rejoindre : s'il n'y a qu'un seul médecin dans une zone dont la densité de population est forte, il sera surchargé et ne pourra pas faire face à la demande. C'est le cas dans le Nord où il y a un grand nombre de spécialistes et de généralistes mais où la demande de soins est extrêmement forte de telle sorte qu'ils ne peuvent aisément accomplir le nombre considérable d'actes qui leur sont demandés.

Plus que sur la question des inégalités, nous avions travaillé sur la question de maintenir une diffusion sur tout le territoire pour permettre à chacun de bénéficier au moins des services de proximité. Pour les services plus spécialisés, la question peut se poser en rapport avec ce qui a été dit précédemment sur le choix profond des gens de les avoir sur place ou non.

M. Serge Poignant : Excusez-moi de réagir, mais c'est une fuite en avant ! Il faut quand même une certaine volonté de maintenir des proximités. Si l'on dit aux gens qui habitent une grande ville qu'il y a une plus grande ville à 30 km en leur laissant croire qu'ils y seront mieux soignés parce qu'il y a plus de services, plus de matériel, etc., automatiquement, ils vous diront qu'ils vont se déplacer. Forcément !

Or, le maintien de services de proximité dans une ville plus moyenne par rapport à la grande ville, relève d'abord d'une volonté politique. Sinon, la population va nécessairement choisir d'aller là où elle pense qu'elle a le plus de chance d'être le mieux soignée. Ce n'est donc pas uniquement la réponse des gens qu'il faut prendre en considération, sinon c'est la fuite en avant.

M. Léonce Deprez : On est ici pour réfléchir à l'aménagement du territoire et pour poser des questions. On n'est pas là pour suivre mais pour anticiper, pour prévoir, pour organiser. Il faut une politique volontariste ! A la DATAR en est-on toujours là ?

Mme Dominique Polton : Je ne conteste pas ce que vous dites ! Etant dans un centre de recherche et d'étude, mon rôle est d'apporter un socle d'analyses. Elles peuvent être contestables mais ne doivent pas empêcher le politique d'avoir ses propres réflexions pour les changer !

Sur l'installation des médecins, ce que l'on voit aujourd'hui n'est pas seulement lié à la baisse programmée et assez forte du nombre de médecins. En fait, les critères d'installation des médecins ne sont plus les mêmes qu'hier, et rejoignent un peu ceux de la société entière vis-à-vis du travail et de la qualité de vie.

Les premiers critères que les médecins mettent aujourd'hui en avant lors de leur installation sont le niveau des équipements, le fait que le conjoint pourra travailler, puisque le modèle ancien - où le médecin était le seul à travailler pour la famille et avait des horaires énormes -, est en mutation radicale comme pour toute la société.

L'installation des médecins, notamment dans les zones rurales - c'est moins vrai en banlieue - correspondait à un ensemble de choses qui était ce modèle familial et professionnel avec des astreintes et des gardes permanentes. Toutes les enquêtes d'opinion montrent que les médecins sont de moins en moins disposés à supporter ces contraintes. Effectivement, on constate que les professionnels médicaux qui cherchent à vendre leur cabinet ne trouvent pas de successeurs en zone rurale, - indépendamment du fait qu'aujourd'hui il n'y a pas de baisse du nombre des médecins -. C'est là un phénomène sociologique qui n'est pas lié à une raréfaction de l'offre mais à un changement dans les critères d'installation.

Pour contrecarrer ce phénomène et essayer de maintenir un tissu de médecins suffisamment dense partout, plusieurs registres sont possibles et le registre d'installations ne peut pas être que financier. Récemment, une étude du centre de sociologie et de démographie médicale demandait aux gens si pour 50 000 francs, ils étaient prêts à changer leur manière d'envisager leur installation géographique. La réponse était clairement non. Ce qui pèse sur la qualité de travail et de vie, pèse certainement plus lourd que des incitations financières. Je ne parle pas des incitations sur les postes hospitaliers qui sont d'une autre nature.

Cela dit, il doit être possible d'associer des incitations financières, qui peuvent être massives, comme la mise à disposition gracieuse des cabinets, avec des incitations qui portent plus sur la qualité du travail et sur le fait de rompre l'isolement des médecins. Cela va de pair avec ce que l'on disait sur les nouvelles technologies de l'information et de la communication. On voit bien que dans certaines zones, les médecins se regroupent. De ce fait, ils sont prêts à faire des "consultations avancées", à tourner de manière plus large sur un territoire plus grand. Etant ensemble, ils partagent les gardes et les sujétions liées à leur présence permanente. Ou bien, ils sont, au minimum, en réseau avec des moyens de communication qu'il faut organiser de manière plus tonique.

Sans doute y a-t-il des pistes à creuser de ce côté, ce qui commence d'ailleurs à se faire spontanément par le jeu des professionnels. On voit de plus en plus de maisons médicales. Il y aurait peut-être aussi des incitations possibles pour organiser cela. En tout cas, on constate un mouvement profond qui fait que le modèle traditionnel du médecin de campagne est en train d'évoluer.

M. Jean-Claude Daniel, rapporteur :  Je voudrais revenir sur la formation. Le problème, c'est que les secteurs à formations importantes en nombre ont des incidences sur la répartition des médecins sur le territoire. Je suis élu de Champagne-Ardenne. Le département de la Haute-Marne est fortement ruralisé. La médecine psychiatrique connait un déficit terrible alors que la population moyenne est en train de s'accroître fortement. Les besoins sont considérables pour le traitement de la démence sénile ou de la maladie d'Alzheimer. Aujourd'hui, il y a une complète inadéquation entre la capacité médicale et la nécessité. Il faut que l'on trouve des réponses.

Cela nous conduit à deux types de solutions différentes selon que l'on traite de la médecine hospitalière ou de la médecine de ville. Je ne pense pas que l'incitation financière soit la méthode définitive pour l'implantation hospitalière. Il faudra trouver des méthodes peut-être plus contraignantes. On devrait arriver à une carte de l'implantation médicale hospitalière qui n'autorise pas tous les choix. Il n'y a pas des médecins hospitaliers de première zone et d'autres de seconde zone, sinon le principe d'équité sur le territoire va terriblement souffrir.

M. Jacques Lenain : Nous insistons sur la région comme cadre d'animation et de pilotage. Mais, en pratique, les actions se construisent dans un cadre infra-régional. On a mentionné les concepts de pays et d'agglomération. Quand nous avons lancé les schémas régionaux d'organisation sanitaire et sociale (SROSS) de deuxième génération, en mars 1998, nous avions ouvert largement les cadres territoriaux dans lesquels pouvait s'inscrire la confection des schémas. Ces concepts ont été utilisés par les auteurs des schémas régionaux de façon différente selon les régions. Ils se sont éventuellement affranchis des secteurs sanitaires qui sont notre instrument juridique, mais qui n'a pas de portée pratique très lourde. Ils ont retenu chacun des territoires d'organisation des SROS qui sont différents, certains se rapprochant du concept de pays, d'autres utilisant les concept de bassin de vie ou de bassin de santé.

Tout cela donne d'ailleurs un patchwork étrange parce que, selon les régions, les cadres territoriaux pertinents sont fondamentalement différents. On est un peu dans l'anarchie ! Quand on réfléchira aux SROS de troisième génération, il faudra que l'on s'interroge sur le fait de savoir s'il faut être plus directif sur les cadres infra-régionaux d'organisation.

Mme Ariane Azéma : Pour la DATAR, je voudrais souligner que le terme de planification territoriale est bien sûr au c_ur de l'exercice des schémas de services collectifs. Il figure notamment dans le document qui introduit les schémas : l'enjeu est bien la définition d'une démarche territoriale appliquée par les grandes politiques publiques concernées par les schémas.

Cela ne va pas sans un certain nombre de difficultés. Une partie des questions auxquelles M. Jacques Lenain est en train de répondre, sont à la limite du champ d'un exercice de planification territoriale. Il s'agit bien de prendre en compte l'ensemble du champ de la politique concernée, ses évolutions, ses contraintes réglementaires, institutionnelles et financières etc..., mais pour éclairer et mettre en _uvre une démarche de planification territoriale.

Si je reviens au document introductif intitulé "Une ambition pour le territoire", ce texte explicite bien toute la question des cadres territoriaux privilégiés d'intervention. Trois sont présentés : le cadre interrégional des coopérations stratégiques, le niveau régional, où se construisent les schémas et le niveau des espaces vécus et où se jouent enjeu de croissance et de solidarité : les espaces de projets, notamment les pays et agglomérations, mais également les parcs naturels régionaux, les réseaux de ville.

La réponse de M. Jacques Lenain sur les SROS, sur les découpages, les cartes auxquels ils ont donné lieu, est intéressante. On est effectivement dans une démarche anticipative et mouvante avec les schémas. Il s'agit de s'appuyer sur des cadres territoriaux en construction. Par exemple, pour les espaces de projet, le paysage n'est pas aujourd'hui arrêté. La carte aujourd'hui n'est pas faite. Il y a une vraie difficulté - et un vrai défi aussi - suivie avec grande attention par la DATAR. La carte est néanmoins en cours. Une partie de nos partenaires ministériels se sont souvent interrogés sur le fait de s'appuyer sur des cadres territoriaux qui n'étaient pas encore précisés et qui connaissent un développement inégal selon les régions. On espère que dans les prochaines années, on arrivera à une systématisation de cette recomposition, mais elle est fonction du rythme d'avancement des projets de territoires. Vous connaissez cela mieux que moi puisque que vous y participez directement.

L'autre difficulté est que les neuf schémas concernent huit politiques qui ont des pratiques de planification, des territoires, d'intervention des instruments différents. Il s'agit de valoriser une certaine convergence territoriale. Les enjeux des services culturels en termes de proximité n'ont pas grand chose à voir avec certaines problématiques des NTIC. Et la question de la convergence se pose aussi au sein même des schémas. Prenons l'exemple du schéma des services sanitaires, pour lequel on a évoqué les aspects hospitaliers et les aspects médico-sociaux dont on sait bien qu'ils relèvent aujourd'hui de deux niveaux assez différents. L'évolution va se faire de façon progressive, elle n'est pas tout à fait arrêtée. La Délégation nous auditionnait hier sur le schéma de l'enseignement supérieur et de la recherche. Là aussi on retrouve diverses échelles au sein même d'un schéma selon les facettes de la politique concernée. On est donc bien dans un exercice de planification territoriale. Le mot est tout à fait assumé.

La question d'un possible retard des pays par rapport aux agglomérations ne me semble pas être un risque si important que cela. On veille bien à ce que les pays, même s'ils ne constituent pas une structure intercommunale au même titre que les agglomérations, soient également présents dans la planification territoriale. Et la plupart des documents des schémas y font référence.

M. Jacques Lenain : Je voulais revenir, à mon tour, sur le concept de planification publique. Dans le code de la santé, nous avons chassé le terme de planification, qui n'existe plus depuis 1991. Ce n'est pas parce que l'on rejette l'idée, mais parce que la planification n'est qu'une partie du schéma régional d'organisation. Historiquement, on est passé d'une approche quantitative à une approche qualitative. Il est certain que lorsque l'on fait un schéma, on ne fait pas que de la planification spatiale. On s'intéresse par exemple à ce qui se passe au sein des établissements, aux spécialités mises en _uvre, etc... Le terme "planification" devient réducteur par rapport au concept de nos schémas. Notre approche est donc plus large que ce que le terme planification laisse supposer.

Je disais précédemment que les gens n'allaient pas utiliser les mêmes cadres territoriaux infrarégionaux pour travailler leur SROS. Cela montre qu'au moment où l'on fait un schéma, on se pose des questions qui ne sont pas les mêmes d'une région à l'autre. En Basse-Normandie, on a utilisé le bassin de vie, c'est-à-dire un cadre territorial très étroit, de quelques dizaines de milliers d'habitants. On a construit le dernier schéma sanitaire en travaillant sur la proximité, les hôpitaux de proximité, etc. En Nord-Pas-de-Calais, on a fait l'inverse car les préoccupations ne sont pas les mêmes. Le problème y est de structurer l'hospitalier vis-à-vis des grandes agglomérations de la région. Comme il y a deux départements dans la région qui compte 4 millions d'habitants, on a créé quatre bassins de vie dont chacun regroupe un million d'habitants. Deux régions ont donc utilisé un cadre infrarégional de deux façons différentes en réponse à deux problématiques différentes.

M. Léonce Deprez : Oui, mais on crée un grand désordre ! Je connais le Nord-Pas-de-Calais car je suis né dans le pays minier. Si l'on veut organiser le futur, offrir une qualité de vie et répartir équitablement les moyens, les crédits, etc., il faut épouser les formes nouvelles de la vie en société que le législateur s'acharne à construire et à clarifier. Si l'État adopte les formules anciennes - les bassins de ville, les bassins miniers du passé - au lieu d'appliquer les nouveaux textes législatifs et de mettre en œuvre les disciplines intellectuelles que l'on s'attache à exposer, alors vous encouragez la continuité du passé et vous retardez la construction du futur.

J'appartiens à la famille libérale, mais je soutiens qu'il faut une organisation volontariste du territoire pour que cette économie libérale puisse se déployer sans vide, sans manque et pour qu'il y ait une évolution de la vie. Même dans le Nord-Pas-de-Calais, sachant qu'il n'y a rien de plus conservateur que le Nord-Pas-de-Calais !

M. le Président : Léonce Deprez ou l'art du paradoxe !

M. Léonce Deprez : Je vous fais cette objection parce que vous épousez le passé. Le bassin de vie, c'est le bassin minier. J'étais responsable du plan en Nord-Pas-de-Calais pendant six ans pour le contrat de plan 1994 - 2000. Je me suis acharné à dire que le Nord-Pas-de-Calais devait être divisé en quinze territoires, quinze entités de vie économique et sociale à l'intérieur desquelles il y a des agglomérations et des pays. Si l'on partait de quinze territoires avec les agglomérations de pays en infra-territoires, on arriverait à une vraie politique d'aménagement du territoire. Je n'ai pas abouti puisque vous venez de répondre qu'il y aurait quatre bassins de vie.

M. Jacques Lenain : Pour le littoral, on a choisi de travailler sur tout le littoral, plutôt que de travailler à l'échelle de Saint-Omer, Calais, Boulogne... C'est un choix à un moment donné.

M. Léonce Deprez : Le littoral que je connais bien se divise en quatre entités. Quand on dit qu'il y a tout le littoral, ce n'est pas exact. Politiquement et démocratiquement, cela ne se vivra pas.

Mon but est que la DATAR conserve sa fonction et sa vocation, qu'elle n'épouse pas les vices de ce que l'on appelle le système politique qui est souvent lié au passé. Elle doit être anticipatrice et coller au cadre législatif nouveau que les élus politiques votent.

M. Jacques Lenain : Pour l'instant, il n'y a pas de carte imposée.

M. Léonce Deprez : C'est justement le reproche que je fais : il faudrait s'acharner à faire des cartes en rapport avec les structures nouvelles que nous voulons stimuler et qu'elles rencontrent l'adhésion des élus locaux, soutenus par les élus nationaux.

M. Jacques Lenain : Cela rejoint la question posée sur les personnes âgées. On a eu un schéma sanitaire. En vérité, il a exclu tout ce qui est structures d'hébergement. Par construction, il ignore le social proprement dit. Le schéma que vous avez sous les yeux ne traite pas de ce qui n'est pas défini comme proprement sanitaire. Il traite, certes, des articulations avec le médico-social, mais dès que l'on sort de cette articulation et que l'on rentre dans les structures d'hébergement social pour les personnes âgées, handicapées ou autres, nous sommes en dehors du schéma. Ce n'est peut-être pas une réponse satisfaisante, mais c'est une réalité. A chaque fois, on se trouve confrontés à des problèmes de frontière.

M. Léonce Deprez : Votre collègue a parlé de cela à juste titre.

Mme Carole Cretin : Je voudrais intervenir sur le lien entre médico-social et sanitaire. Il est vrai que le champ social n'a pas été abordé par le schéma. Ce n'est pas notre champ d'action, mais il est vrai que le médico-social est un enjeu énorme et ses liens avec le sanitaire sont essentiels. C'est un axe stratégique qui est proposé : décloisonner les deux systèmes. Parce qu'il n'est pas dans notre champ d'action de remettre en cause les compétences d'ordre législatif, le schéma propose des politiques de contractualisation forte. Et cela, à chaque niveau : la ville pour la politique de la ville, le médico-social avec les départements. Nous souhaiterions donc qu'il y ait une contractualisation forte entre les deux domaines, médico-social et sanitaire.

La loi dont l'Assemblée va discuter cet après-midi, ajoute à cette volonté puisqu'elle demande une contractualisation entre l'État et le département sur les objectifs de santé en matière médico-sociale avec un lien à faire avec les SROS de manière objective. Elle demande aussi qu'il y ait une discussion aux niveaux départemental et régional, puisque les deux échelons sont concernés, sur les besoins et les moyens à mettre en oeuvre.

C'est d'ailleurs à ce niveau qu'un lien doit être établi, pour apporter une réponse au problème des handicapés. Il faut disposer de cet outil de contractualisation et d'analyse des besoins de planification du médico-social pour essayer de mettre en _uvre une synergie entre les politiques. Mais il faudra évaluer les résultats pour savoir s'il faut aller plus loin dans les compétences de chacun.

Par rapport aux pays et aux agglomérations, le schéma a pris acte qu'ils étaient en train de se dessiner. L'objectif stratégique retenu, est de dire que la santé n'est pas en dehors des territoires, qu'elle ne crée pas des territoires pour elle-même et donc qu'elle s'inscrit dans les politiques mises en oeuvre avec les divers acteurs concernés. Les élus doivent avoir un rôle plus important dans la future loi de modernisation des systèmes de santé au sein des comités régionaux de santé et là aussi ils auront leur mot à dire. Un exemple concernant une procédure mise en _uvre depuis quelques années : dans les conseils d'administration des établissements sanitaires ne siège plus seulement le maire de la commune où l'établissement est situé. Y siègent également les élus des communes avoisinantes qui constituent "l'aire de recrutement". C'est également le cas pour le conseil général et le conseil régional dont les représentants siègent au conseil d'administration.

M. Léone Deprez : Quel est le nom de votre schéma de services collectifs ?

Mme Carole Cretin : C'est le schéma de services collectifs sanitaires.

M. Léonce Deprez : Et pas médico-sociaux. C'est là qu'il y a un retard !

M. le Président : Nous avons laissé passé cela ! Ce n'est pas dans la loi !

Mme Carole Cretin : Sur l'organisation de la proximité et de la coordination des structures, le choix qui est fait par le schéma, c'est de dire : l'organisation des soins, c'est la subsidiarité entre les structures. La coordination et les réseaux jouent donc sur cette subsidiarité en fonction des cahiers des charges à respecter en lien avec des acteurs et des populations à desservir. Cette subsidiarité impose d'avoir des relations fortes.

Vous faisiez état des services rares : dans le schéma, est présentée une carte montrant les CHU à vocation interrégionale. De plus, on pense que cet aspect va aller grandissant. Vous citiez aussi les urgences "main". La restructuration des services d'urgence, à laquelle faisait allusion M. Jacques Lenain, a permis d'identifier des pôles spécialisés de chirurgie de la main qui, n'existant pas dans toutes les régions, ont dès lors une vocation interrégionale. L'enjeu est donc de mettre en oeuvre des liens entre les diverses structures amenées à accueillir en premier lieu les victimes. Si une personne ne peut pas être traitée de manière efficace dans la structure qui l'accueille en premier, elle est orientée vers la structure la plus adaptée. Il y a là aussi contractualisation entre les acteurs.

J'en viens à la prévention. Dans le schéma, nous avons abordé la prévention en dernier pour que cela porte ! Il n'y avait pas d'ordre hiérarchique entre les priorités retenues, mais c'était en quelque sorte un procédé "littéraire" qui nous faisait terminer par la prévention.

M. Léonce Deprez : Il n'est pas très cohérent de terminer par la prévention !

M. Jean-Claude Daniel, rapporteur : Mon premier propos est plus une affirmation qu'une question. Il concerne les inquiétudes que vous formulez entre une sécurité-santé de type assurance et une sécurité-santé de type action-solidarité. La question est évoquée dans le schéma au travers d'un paragraphe très succinct. C'est une déclaration de principe pour moi, mais je suis sur le deuxième volet de l'affaire. Je ne souhaite en rien que l'on s'oriente dans les stratégies à vingt ans vers un système de sécurité de type assurance. Je préfère le dire.

Vous avez souligné l'idée que le maître mot dans la mise en jeu territoriale des projets peut être la contractualisation. Cela correspond parfaitement à la volonté du législateur. C'est ce que l'on a affirmé au travers de cette loi d'aménagement du territoire. C'est un élément important et cela nous ramène à un certain nombre d'actes dans lesquels la contractualisation est souvent mise à mal. J'évoquerai le rôle des conseils d'administration des centres hospitaliers, la place qui est faite réellement aux acteurs réunis au travers d'un conseil d'administration par rapport à l'acte contractuel. Que contractualise-t-on réellement ? N'est-ce pas déjà totalement bordé par des normes et notamment des délégations de crédit ? Cela nous interroge. La question relative au rôle des élus et des maires par rapport à la présidence des conseils d'administration des centres hospitaliers se posait déjà mais elle va bien au-delà de cet aspect. De quelle manière par rapport au SROS contractualise-t-on réellement ? Quelle est la part du territoire et de ses acteurs à cette élaboration locale de la réponse ?

La deuxième question concerne, si l'on peut dire, l'économie solidaire. Les notions de maintien à domicile, d'hôpital de jour, de structure de réponse par rapport à la maladie d'Alzheimer, au vieillissement, au handicap trouvent une voie qui n'est pas seulement construite par les personnels de santé. Elle est construite par de nombreux éléments qui procèdent du même élan et du même contrat. Tous les opérateurs de ce maintien à domicile ou de l'hospitalisation de jour sont concernés par le schéma dont on parle. Cela va au-delà des personnels de santé. C'est l'une des interrogations sur lesquelles on ne trouve pas de réponse dans le schéma. Il faudra peut-être y venir.

La troisième question porte sur le dilemme proximité / qualité du soin. Je pense que l'organisation de la mobilité est encore devant nous et pas derrière nous. Comment accède-t-on en tant qu'être socialisé, et non en tant que malade, à ce soin quand il est distant ? Cela nécessite des structures d'hébergement. Il y a donc un certain nombre de paramètres induits par cette notion de proximité qui ne sont pas mesurés. Quelle organisation de mobilité ou d'accès ?

Enfin, j'ai bien entendu votre discours sur la subsidiarité auquel j'adhère. La crainte que j'exprimais tout à l'heure est celle de réseaux qui ne fonctionnent qu'en réseaux hiérarchisés. Dès lors que l'on a instauré les réseaux uniquement en termes de dépendance hiérarchique, au sens physique du terme, on a perdu, à mon avis, l'une des dimensions fondamentales de votre schéma. C'était celle de réseaux d'appareils co-organisés qui peuvent avoir l'excellence dans tel ou tel domaine à certains moments et pas toutes les excellences ; c'est une organisation plus transversale que hiérarchisée. L'organisation de réseaux est quelque chose qui n'est pas tranchée. Manifestement ! Cela nécessiterait que l'on rejoigne la position de la DATAR sur le polycentrisme. La question est bien celle-ci : comment organise-t-on les réseaux ?

M. Léonce Deprez : Avons-nous le droit d'avoir une connaissance minimum de la cartographie de votre travail ? Avec toutes les nuances voulues pour ne pas officialiser ce qui est en mutation dans votre esprit et dans le schéma.

Ce qui nous manque terriblement par rapport à l'aménagement du territoire d'il y a vingt ans, c'est que l'on ne vous suit plus visiblement. Les élus ont besoin de documents qui leur permettent de cheminer par les yeux en même temps que par la pensée. Rien que cette évocation de vos bassins de vie me fait bondir ; cela provoquerait en moi une saine révolte dans les réunions si j'avais sous les yeux l'exemple de vos quatre bassins miniers ! Mais je ne les ai pas et vous vous gardez bien de les publier puisque ce n'est pas du tout conforme à la loi.

M. Jacques Lenain : En-dessous de la région, il n'y a pas de cadre imposé.

M. Léonce Deprez : Vous bottez en touche !

M. Jacques Lenain : Non ! Chaque région a construit son propre cadre infra-régional. Chaque SROS a donc la réponse à votre question. Les SROS sont publics. Il n'y a pas de règle nationale sur le cadre dans lequel s'inscrivent les SROS. Chaque région peut avoir un cadre un peu différent : certains ont suivi les secteurs sanitaires de vieille facture, d'autres ont pris des concepts "macro" comme dans la région Nord-Pas-de-Calais et d'autres plus "micro".

M. Léonce Deprez : Où voyez-vous les mots "macro" et "micro" dans le texte ? Nous n'avons pas voté cela. C'est une façon de botter en touche de dire que chaque région fait ce qu'elle veut !

Il y a quand même une discipline intellectuelle qui est indispensable aux élus et qui colle aux besoins de la vie que l'on ressent au niveau national. C'est ainsi que l'on fait des lois. Si l'on dit que chacun s'organise au niveau de son territoire, il n'y a plus de besoin de se réunir ici. Je crois que l'on est en train de dévier.

La politique d'aménagement du territoire ne doit pas se diluer ainsi et se négocier au niveau des régions. Cela devient un désordre complet de la vie en société et ce n'est pas bon parce que chacun, à sa mode, organise sa petite vie et son petit pouvoir.

M. le Président : Je crois que sur ces propos extrêmement forts, nous allons terminer cette audition qui fut très riche. Je vous remercie pour cet exposé liminaire très clair et pour vos réponses aux questions très fouillées de mes collègues.


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