ASSEMBLÉE NATIONALE


DÉLÉGATION
À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT
DURABLE DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 21

Mardi 5 juin 2001
(Séance de 11 heures)

Présidence de M. Philippe Duron, président

SOMMAIRE

 

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Examen de l'avis sur le projet de décret mettant en œuvre les schémas de services collectifs

M. Jean-Michel Marchand, rapporteur,
Projet de schéma de services collectifs de l'énergie

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La délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire a examiné l'avis de M. Jean-Michel Marchand sur le projet de schéma de services collectifs de l'énergie.

M. Philippe Duron, président, a d'abord rappelé l'importance que revêtait un schéma de services collectifs pour le développement des énergies renouvelables et une meilleure maîtrise de la consommation énergétique. Il a estimé qu'il s'agissait d'un outil d'aide à la régulation et à la modulation de l'exploitation des différentes formes d'énergie.

M. Jean-Michel Marchand, rapporteur, a exposé ensuite que la politique énergétique de la France, longtemps orientée exclusivement vers la sécurité d'approvisionnement et la maîtrise des coûts, devait dorénavant incorporer deux grands objectifs complémentaires : d'une part, la protection de l'environnement, et notamment la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre (GES), d'autre part, la prise en compte de l'énergie comme un facteur intégré de bien-être collectif au service de l'emploi et de la lutte contre les disparités sociales et territoriales.

Dans ce sens, et il faut s'en féliciter, le projet de schéma propose deux séries d'actions prioritaires : un développement, rationnel et déterminé, des énergies renouvelables ; la réhabilitation et la relance des efforts pour la maîtrise de la consommation d'énergie. Il prévoit aussi pour cela une meilleure implication des collectivités territoriales.

Le projet de schéma souffre toutefois de certaines insuffisances. En premier lieu, se présentant davantage comme un catalogue de mesures envisageables que comme un instrument de repérage des orientations majeures et des choix les plus décisifs, il pourrait être amélioré sur trois points :

- en remplaçant ou en complétant les scénarios chiffrés, qui ont le caractère de prévisions aléatoires, par un ratio volontariste entre la croissance économique et celle de la consommation d'énergie ;

- en affirmant plus clairement la détermination française à lutter contre l'émission de GES dans le cadre du protocole de Kyoto ;

- en rééquilibrant, en faveur de la seconde, les proportions respectives que le schéma consacre aux énergies nouvelles et à la maîtrise de la consommation ;

Le projet de schéma comporte par ailleurs un certain nombre d'omissions, principalement l'absence d'un bilan énergétique global assorti de simulations à long terme et l'absence de toute référence au nucléaire, malgré la nécessité d'approfondir dans ce domaine l'effort de recherche pour la sécurisation de la production et pour le traitement des résidus.

Concernant les énergies renouvelables, le projet de schéma souffre d'un défaut de hiérarchisation entre elles.

S'agissant de la maîtrise globale de l'énergie, les analyses présentées sont perfectibles dans le domaine de la valorisation des déchets, ainsi que pour la prise en compte de l'incidence énergétique des décisions en matière de construction, d'urbanisme et de transports.

Enfin, si le projet de schéma préconise, à juste titre, de s'appuyer sur les acteurs locaux pour élaborer une politique énergétique régionale, il ne mentionne qu'insuffisamment les exigences de complémentarité et de coordination entre le niveau régional et la responsabilité des villes, des communautés de communes et des communautés d'agglomérations.

Il conviendrait de favoriser la mise en place d'outils de planification énergétique intercommunale et de dessiner les contours d'un futur service public local de l'énergie.

Après l'exposé du rapporteur, M. Philippe Duron, président, a demandé des précisions sur :

- la définition des énergies renouvelables et leur affectation, exclusive ou non, à la production d'électricité, plus spécialement dans les domaines du photovoltaïque et de la géothermie ;

- le développement de la recherche, notamment dans le domaine de la technologie éolienne ;

- la réalisation d'économies d'énergie, particulièrement dans le secteur de la construction et du bâtiment ;

- le rôle des collectivités locales et des nouvelles formes de coopération intercommunale, notamment pour la réalisation d'audits énergétiques des bâtiments publics et la mise en place de tableaux de bord sur la consommation d'énergie.

- le potentiel exploitable de nouvelles centrales hydro-électriques de petite dimension.

M. René Mangin, après avoir signalé le faible engouement des élus locaux pour la création de micro-centrales de production d'énergie, telles que les fours solaires, s'est interrogé sur l'opportunité de créer des incitations financières en faveur des technologies solaires.

Dans ses réponses, le rapporteur a indiqué :

- que la production directe de chaleur devait être privilégiée chaque fois qu'il était possible d'éviter de passer par l'intermédiaire de la production d'électricité ;

- que de gros efforts de recherche restaient à accomplir dans le domaine de l'exploitation des déchets de toutes natures, non seulement pour la mise au point de nouveaux types d'incinérateurs mais aussi pour le développement de la filière bio-gaz ;

- que, dans le domaine de l'énergie éolienne, la technologie avait réalisé beaucoup de progrès et qu'elle devait d'ores et déjà permettre d'améliorer considérablement les performances énergétiques de certaines régions ; la France accuse toutefois un certain retard en la matière, qui se traduit en particulier par le fait que, parmi les douze plus grands groupes industriels mondiaux fabricant des éoliennes, ne figure aucune entreprise française ;

- que l'énergie solaire était trop longtemps demeurée au stade expérimental et son exploitation industrielle très insuffisante, principalement en raison de la priorité accordée à l'électricité ;

- qu'il conviendrait d'adapter certaines taxes, notamment la TVA, aux énergies nouvelles qui sont encore souvent assujetties au taux de 19,6 %, alors que l'énergie électrique et le gaz bénéficient du taux réduit de 5,5 %.

La Délégation a ensuite examiné les recommandations proposées par le rapporteur.

La première prévoit l'établissement d'un ratio entre la croissance économique et la progression de la consommation d'énergie. Après que M. Philippe Duron ait fait observer que les prévisions du projet de schéma étaient déjà ambitieuses, et que M. René Mangin ait demandé s'il ne conviendrait pas de comptabiliser à part la croissance des énergies renouvelables, et entendu les réponses du rapporteur précisant l'objet de l'institution de ce ratio, la délégation a adopté cette recommandation.

Après les interventions de M. Philippe Duron, de M. René Mangin et les précisions du rapporteur, elle a adopté les autres recommandations.

La Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire a autorisé à l'unanimité, en application de l'article 7 de son règlement intérieur, la publication de l'avis sur le projet de schéma de services collectifs de l'énergie.

RECOMMANDATIONS ADOPTÉES PAR LA DÉLÉGATION

1. Etablir un ratio entre la croissance économique et la progression consécutive de la consommation d'énergie qui affiche un objectif de diminution sensible de celle-ci au cours des dix prochaines années.

2. Réaffirmer la volonté de respecter la convention de Kyoto en souhaitant fortement que la France n'ait pas recours aux permis d'émission.

3. Elaborer un bilan énergétique de la dernière année connue qui, assorti de simulations à long terme, permette d'esquisser différents bilans possibles à l'horizon 2020.

4. Etudier, sur le plan financier et fiscal, les moyens de promouvoir auprès des ménages et des entreprises, le recours aux énergies renouvelables.

5. Définir un plan de développement des énergies renouvelables comportant :

- les objectifs de production qu'impliquent les engagements déjà pris ;

- une ébauche de leur répartition entre régions.

6. Aménager la rédaction du schéma concernant l'électricité solaire photovoltaïque, l'énergie solaire thermique et la géothermie afin de :

- préciser que les applications possibles de la première ne se limitent pas aux sites isolés ;

- indiquer que la deuxième ne doit pas être exclusivement soutenue dans les régions méridoniales ;

- mentionner, pour la troisième, l'installation de systèmes de chauffage ou de rafraîchissement de bâtiments à partir de pompes à chaleur.

7. Inscrire dans le schéma une approche multifilière de la valorisation énergétique des déchets.

8. Instaurer le principe selon lequel, pour tout bâtiment public et pour toute construction dépassant un certain volume, une étude énergétique est obligatoire, préalablement à l'attribution du permis de construire.

9. Envisager la mise en place d'un service public local de l'énergie, dont les missions générales porteraient sur :

- l'utilisation rationnelle de l'énergie ;

- le développement des ressources locales durables ;

- l'encadrement de la maîtrise de la consommation par les usagers finaux.


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