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ASSEMBLÉE NATIONALE


DÉLÉGATION
À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT
DURABLE DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 13

Mardi 12 février 2002
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Philippe Duron, président

SOMMAIRE

 

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- Examen du rapport de M. Philippe Duron sur l'évaluation des politiques publiques et les indicateurs du développement durable

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La délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire a examiné le rapport de M. Philippe Duron, Président, sur l'évaluation des politiques publiques et les indicateurs du développement durable.

M. Philippe Duron, Président, a rappelé que la délégation avait tenu des réunions nombreuses et régulières depuis sa création au second semestre de 1999, publié quatre rapports sur des sujets dont elle s'était auto-saisie et dix avis sur les schémas de services collectifs. Il a remercié de leur travail les membres de la délégation, ainsi que les personnels de l'Assemblée qui y ont participé.

M. Philippe Duron a ensuite présenté son rapport, soulignant que l'évaluation était devenue un élément indispensable de la planification territoriale et qu'elle avait vocation à s'inscrire dans les habitudes administratives françaises.

L'évaluation est une démarche novatrice. Importée des États-Unis au cours des années 1970, elle a surtout reçu une véritable impulsion de l'Union européenne qui a lié l'octroi des aides à une appréciation exacte des avantages à retirer d'un projet par rapport aux ressources mobilisées.

En France, l'évaluation a été relancée par le décret du 22 janvier 1998 qui a créé le Conseil national de l'évaluation. Celui-ci, prenant la suite du Conseil scientifique de l'évaluation, a été ouvert à la société civile et aux collectivités territoriales ; il propose au Premier ministre un programme annuel. Quinze évaluations ont ainsi déjà été réalisées. Quant à la réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, elle facilitera le développement de cette démarche grâce au remplacement des chapitres budgétaires par des programmes.

L'évaluation des contrats de plan État-région se caractérise par une procédure renouvelée : des crédits d'État sont prévus à cet égard et le principe du financement à parité avec les collectivités territoriales est réaffirmé. L'évaluation des contrats de plan devra être prise en compte pour leur révision en 2003 ; il devra en être de même pour celle des documents uniques de programmation européens (DOCUP). Les préfets devront dresser un bilan des années 2000 à 2003.

Certaines régions sont particulièrement dynamiques pour évaluer leurs politiques. C'est le cas, par exemple, de la Bretagne, du Nord -Pas-de-Calais, du Limousin, des Pays de la Loire. Il s'est avéré que l'évaluation était d'autant plus intéressante que son coût n'était pas très élevé, eu égard à celui des politiques concernées.

L'évaluation est essentielle pour promouvoir le développement durable, défini par la circulaire du 11 mai 1999 comme un mode de croissance qui garantit à la fois, et à long terme, le progrès économique, social et environnemental de la société. Pour atteindre cet objectif, il faut estimer l'impact de chaque projet, grâce notamment à la mise en place d'indicateurs appropriés. En France, l'Institut français de l'environnement (IFEN) a construit une batterie d'indicateurs en neuf modules. L'OCDE propose des indicateurs pour les domaines économiques, sociaux et environnementaux, regroupés en indicateurs de ressources et indicateurs de résultats, ou même en un indicateur unique ; elle souligne que l'important est de confronter les indicateurs afin de dégager des politiques "gagnant-gagnant" (c'est-à-dire positives dans ces trois domaines à la fois). La Commission européenne a présenté une liste de quarante deux indicateurs structurels. Toutes les propositions majeures devront être soumises à une étude d'impact sur le développement durable.

L'évaluation reste toutefois une démarche embryonnaire. L'acculturation, nécessaire, demeure incomplète. Elle paraît trop souvent synonyme de contrôle : il faudra s'attacher à démontrer qu'il s'agit d'une approche positive, destinée au contraire à aider. La mobilisation des compétences est malaisée, il semble donc important de créer une véritable filière d'évaluateurs. L'évaluation doit en outre davantage tenir compte des usagers, qui ne sont actuellement pas assez entendus et pourraient utilement apporter des suggestions.

Les délais restent souvent trop longs, de l'ordre de quinze à dix-huit mois pour les évaluations nationales ; le développement de l'évaluation ex ante pourrait permettre de les réduire.

L'homogénéité éventuelle des indicateurs suscite le débat : le Commissariat général du Plan, par exemple, estime que chaque évaluation doit générer ses propres indicateurs. Cet avis n'est pas toujours partagé : le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement s'est prononcé au contraire en faveur d'indicateurs homogènes. La comparaison des politiques grâce à des indicateurs similaires semble souhaitable, même s'il faut pouvoir tenir compte des spécificités régionales. D'ailleurs, la territorialisation de l'évaluation doit être mise en place, et les régions ont un rôle important à jouer à cet égard.

La suite à donner aux évaluations est un problème essentiel. Leur publication faciliterait le débat public. Il conviendrait de mieux mettre en évidence le lien existant entre évaluation et prospective. L'infléchissement des politiques après l'évaluation est délicat, car cette dernière est difficile à interpréter, et elle ne peut constituer, en elle-même, un programme politique.

Quant aux schémas de services collectifs, l'évaluation des contrats de plan qui sera réalisée en 2003 pourrait constituer une base opportune pour les revoir, tout au moins ceux d'entre eux qui couvrent un domaine évoluant rapidement, comme la recherche ou les technologies de l'information et de la communication.

Le recueil des données n'est pas toujours aisé, malgré les progrès réalisés. Cette année, un observatoire tentera de rassembler les indicateurs disponibles en France et en Europe pour recenser les effets de nos politiques dans les territoires.

Enfin, l'évaluation dans les DOM n'est pas assez développée, car elle coûte cher, et les experts connaissent mal les législations spécifiques.

M. Jean-Michel Marchand a souligné qu'il était nécessaire d'inventer de nouveaux indicateurs, différents de ceux qui existaient précédemment pour mieux tenir compte du développement durable et de l'économie solidaire. Le produit intérieur brut ne peut plus être le seul indicateur. En effet, alors que certains pays souhaitent une "autre mondialisation", on ne peut plus se référer aux indicateurs existants.

M. Philippe Duron, Président, a souligné que cette démarche commençait à être engagée. Par exemple, l'Institut français de l'environnement propose une structure d'indicateurs en neuf modules, afin d'évaluer dans quelle mesure un certain mode de développement peut satisfaire les besoins des générations futures, grâce à un renouvellement approprié des différentes formes de capitaux et de patrimoines. L'OCDE confronte plusieurs types d'indicateurs, par exemple économiques et sociaux, économiques et environnementaux, pour montrer l'efficacité des politiques en termes de développement humain.

M. Pierre Cohen a fait remarquer que l'évaluation était trop souvent ressentie de la part des agents dont les travaux étaient évalués comme un contrôle ou une remise en cause de leurs actions. Il a jugé indispensable que l'évaluation soit effectuée en amont, de telle sorte qu'un projet se construise avec ses propres moyens d'évaluation, afin que les acteurs d'une politique s'évaluent eux-mêmes. Il a souligné qu'en ce qui concerne la politique de la ville, on ne disposait pas à cet égard de méthodologie satisfaisante.

M. Philippe Duron, Président, a précisé que les différents acteurs devaient être impliqués dans l'évaluation, ce que souhaite d'ailleurs la Commission européenne à propos de la mise en œuvre des documents uniques de programmation. Il a souligné qu'on était très encore très loin en France des évaluations qualitatives, qu'on manquait d'expertises, de spécialistes pour les mettre en œuvre, d'une culture de l'évaluation, les agents concernés n'ayant pas conscience que c'était un outil pouvant les aider à construire des tableaux de bord afin de rendre leurs travaux plus efficaces.

M. Henri Nayrou a indiqué que les citoyens demandaient de plus en plus de comptes aux élus, qui eux-mêmes en réclament aux gestionnaires ; les uns et les autres s'émeuvent du décalage entre la décision prise et les effets obtenus. Il a souhaité l'élaboration d'indicateurs précis. Il a ajouté qu'à l'heure du bilan, il tenait à souligner qu'il avait apprécié le travail fourni par la Délégation depuis sa création.

M. Jean-Michel Marchand a estimé que la délégation avait montré son utilité et a souhaité qu'elle poursuive ses travaux lors de la prochaine législature.

La délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire a autorisé à l'unanimité, en application de l'article 7 de son règlement intérieur, la publication du rapport sur l'évaluation des politiques publiques et les indicateurs du développement durable.


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