ASSEMBLÉE NATIONALE


DÉLÉGATION

AUX DROITS DES FEMMES

ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES

ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

COMPTE RENDU N° 4

mardi 18 janvier 2000
(Séance de 18 heures)

Présidence de Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU, Présidente

SOMMAIRE

 

pages

- Examen du rapport de Mme Catherine Picard, sur le projet de loi modifiant la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives (n° 1821)

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La Délégation a examiné le rapport de Mme Catherine Picard sur le projet de loi modifiant la loi n°84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives (n°1821).

Mme Catherine Picard, rapporteure, a d'abord rappelé que la Délégation était saisie, sur sa demande, par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de ce projet de loi qui fait suite à la loi n° 99-1124 du 28 décembre 1999 portant diverses mesures relatives à l'organisation des activités physiques et sportives, principalement consacrée au sport professionnel. Soulignant la portée générale du projet de loi, la rapporteure a insisté sur son objectif d'actualisation de la loi du 16 juillet 1984 dans le sens d'une démocratisation plus affirmée et d'une plus large ouverture des fédérations et des clubs sur la vie locale. Après avoir évoqué la prise en compte par ce projet de préoccupations relatives à la formation et à la reconnaissance des animateurs et des dirigeants ainsi que le souci du gouvernement de contribuer à renforcer l'unité du mouvement sportif dans son ensemble, Mme Catherine Picard a souligné l'affirmation d'une volonté politique en faveur du développement du sport féminin.

Elle a ensuite constaté que les succès obtenus par les championnes et les équipes féminines françaises, en partie à l'origine de la croissance des effectifs féminins de la quasi-totalité des fédérations, n'avaient cependant pas trouvé un prolongement dans l'accès des femmes à des postes de responsabilité au sein des clubs, des ligues et des fédérations. Après avoir noté que seulement deux femmes assuraient actuellement une présidence de fédération, alors qu'il existe cent deux fédérations agréées, et que trois femmes exerçaient la fonction de directrice technique nationale (DTN) sur cinquante-deux postes recensés, la rapporteure a rappelé que le Gouvernement avait engagé une réflexion sur le thème des femmes et du sport, qui s'était d'ores et déjà traduite par la désignation d'une conseillère technique chargée de cette question au cabinet de Mme la Ministre de la jeunesse et des sports, la mise en place de structures spécifiques tant au niveau de l'administration centrale que des régions et l'organisation, les 29 et 30 mai 1999, d'Assises nationales qui ont défini des objectifs prioritaires parmi lesquels elle a cité : la féminisation de l'encadrement sportif à tous les niveaux, le dépassement des difficultés rencontrées pour la pratique sportive en milieu scolaire ou en fonction des origines sociales et le renforcement du rôle du sport comme facteur d'insertion.

Mme Catherine Picard a ensuite souligné que la nécessité d'ériger une réelle démocratie participative dans le sport supposait, d'abord, une prise en considération des contraintes particulières aux femmes dans leurs rôles sociaux et familiaux et leur formation, tout en souhaitant une présence plus marquée des athlètes féminines, tant dans l'organisation des compétitions, des stages, des entraînements, de la détection et des sélections des sportives de haut niveau, du suivi médical, mais également du transport et de l'hébergement, trop souvent négligés.

Elle a souhaité que la parité femmes-hommes soit respectée aussi bien dans la composition des organes nationaux (Commission nationale du sport de haut niveau, groupes spécialisés, Fonds national de développement du sport, Conseil national des activités physiques et sportives), que des structures fédérales, et notamment à l'échelon des ligues et des clubs pour lesquels des révisions statutaires devraient permettre de rompre avec un système de cooptation défavorable à l'accès aux femmes aux fonctions dirigeantes. La rapporteure a indiqué que l'article 5 du projet de loi visait précisément à engager un tel mouvement au moyen de la procédure administrative d'agrément des clubs et concourait à la mise en œuvre progressive de conditions propices à un égal accès.

Après avoir évoqué les difficultés des sportives pour la reconnaissance de leurs droits, depuis l'arrêté du 4 avril 1963 qui fixait un principe de réservation d'un siège par tranche de 10 % de licenciées féminines dans les comités directeurs des fédérations et de leurs ligues et comités -une disposition d'ailleurs reprise par le décret n° 95-1159 du 27 octobre 1995 relatif aux statuts-types des fédérations sportives- Mme Catherine Picard a rappelé que le droit en vigueur conditionnait déjà l'obtention d'un agrément à l'absence de toute discrimination illégale au sein d'un club, tout en insistant sur la nécessité de fixer des objectifs contraignants et en rapport avec l'évolution du nombre des pratiquantes pour la composition des organes de direction des clubs.

Rappelant à cet égard que le Comité international olympique (CIO) a énoncé un principe selon lequel seraient réservés à des femmes au moins 10 % des postes dans l'ensemble des structures ayant un pouvoir de décision et placées sous la compétence des comités olympiques nationaux (CNO), pourcentage devant être porté à 20 % en 2005, la rapporteure a souligné que la disposition de l'article 5 s'inscrivait non seulement dans une telle perspective, mais pouvait même contribuer à faire dépasser, au niveau des clubs, les objectifs globaux du CIO ; elle a ajouté qu'il lui paraissait souhaitable que les textes ne se limitent pas à fixer des minima en fonction du nombre de licenciées, mais tiennent compte de l'évolution de la pratique sportive des femmes, dont le taux de progression a été très supérieur à celui des hommes au cours des dernières années.

Elle a également souhaité que les femmes accèdent en plus grand nombre aux formations à l'encadrement sportif, et plus généralement aux métiers du sport, citant à cet égard la persistance d'une sur-représentation masculine dans la filière universitaire des activités physiques et sportives (STAPS) et celle des brevets d'État.

En conclusion, elle a précisé que la réforme des conditions d'agrément prévue par le projet de loi concourrait utilement à lutter contre la passivité et le conservatisme, plus fréquents dans le milieu sportif que les actes délibérés de discrimination généralement sanctionnés par les tribunaux à la condition toutefois qu'ils aient à en connaître. S'interrogeant sur la portée pratique et immédiate du projet de loi sur ce point, elle a estimé que l'attribution de l'agrément résultait d'un processus de nature essentiellement formelle, et considéré que pour des situations manifestement anormales, le retrait d'agrément dont dispose l'administration, en vertu de l'article 4 du décret n°85-237 du 13 février 1985, constituait un instrument de sanction des clubs défaillants qui pourrait même s'avérer plus efficace, s'il ne se limitait pas seulement à des conséquences financières en matière d'aides de l'État, mais concernait également les subventions des collectivités territoriales.

Après l'exposé de la rapporteure, Mme Danielle Bousquet a considéré que la rédaction de l'article 5 du projet de loi témoignait d'une démarche intéressante qui pourrait permettre aux femmes d'accéder à des fonctions de dirigeants, actuellement essentiellement occupées par des hommes. Elle s'est ensuite interrogée sur la portée de la sixième recommandation proposée à la Délégation par la rapporteure, en estimant que le principe d'attribution d'aides financières de l'État plus favorable aux fédérations ayant accompli des efforts pour la pratique féminine du sport et pour la représentation des femmes dans leurs instances, lui paraissait insuffisamment précise.

Soulignant également la pertinence de la disposition de l'article 5 du projet de loi, Mme Marie-Françoise Clergeau a ensuite observé qu'il conviendrait de donner une place plus importante aux filles dans les actions d'animation sportive proposées notamment dans les quartiers en difficulté. Après avoir insisté sur la fonction sociale de la pratique sportive pour les femmes, elle a émis le souhait que la Délégation souligne ces points dans une recommandation.

Mme Odette Casanova a souligné l'existence d'une moins forte disparité entre les femmes et les hommes dans les fonctions d'enseignement d'éducation physique et sportive (EPS) que pour les fonctions d'animation qui participaient, notamment dans les quartiers en difficulté, à des actions visant à canaliser certaines formes de violence et s'adressaient principalement à un public d'adolescents. Elle a également évoqué la disparité des rémunérations entre les femmes et les hommes dans le sport professionnel de haut niveau. S'agissant de la filière STAPS, elle s'est inquiétée de l'afflux des étudiants en souhaitant une diversification des débouchés.

Mme Hélène Mignon a précisé que Mme la Ministre de la jeunesse et des sports avait conscience des problèmes de la filière STAPS et projetait d'ouvrir plus largement certaines activités aux étudiants ayant suivi cette formation.

Mme Martine Lignières-Cassou, Présidente, a rappelé la nécessité, déjà exprimée sur d'autres textes par la Délégation, de disposer d'éléments statistiques et s'est félicitée, à cet égard, que la cinquième recommandation proposée par la rapporteure vise à la publication annuelle, en annexe au projet de loi de finances, d'indicateurs permettant d'apprécier l'évolution de la participation des femmes au sein des instances dirigeantes des fédérations, des ligues et des clubs qui leur sont affiliés. Elle s'est interrogée sur les conséquences de la mixité dans la pratique sportive et a souhaité qu'une recommandation supplémentaire traduise la préoccupation de la Délégation sur la dimension sociale du sport et sur l'amélioration des conditions d'accès à la pratique sportive, plus particulièrement dans les quartiers.

En réponse aux différentes intervenantes, Mme Catherine Picard, rapporteure, a d'abord rappelé que le projet de loi visait à préciser les liens entre l'État et le mouvement sportif, en soulignant les enjeux de cette question sur la formation des animateurs comme sur l'éducation des jeunes au niveau local. En approuvant pleinement le principe tendant à conditionner l'agrément des clubs sportifs à l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes, elle a déclaré partager les préoccupations concernant la disponibilité des équipements de proximité pour les femmes, au regard de contraintes de la vie quotidienne. Rappelant que les Assises nationales sur les Femmes et le Sport avaient opportunément mis l'accent sur ces questions, elle a approuvé la réflexion engagée sur la filière STAPS en évoquant une éventuelle spécialisation d'instituteurs en EPS, afin de réellement développer les activités sportives dès l'école élémentaire, et en insistant sur la nécessaire qualification de l'encadrement sportif des jeunes, pour laquelle un diplôme d'État offrait une irremplaçable garantie de qualité. Après avoir évoqué les conséquences de la mixité dans la pratique sportive, la rapporteure a souhaité que les associations d'éducation populaire aient la possibilité d'organiser des compétitions de jeunes en adaptant certaines règles édictées par les fédérations et a conclu en rappelant que le projet de loi féminise un grand nombre de termes et d'expressions de genre jusqu'alors exclusivement masculin dans les textes.

Après l'intervention de Mme Lignières-Cassou, Présidente, qui a souhaité que le rapport et les recommandations de la Délégation puisse être largement diffusés, notamment auprès des participants aux Assises nationales sur les Femmes et le Sport, des principales fédérations et de la presse sportive, la Délégation a adopté les recommandations suivantes :

RECOMMANDATIONS ADOPTÉES
PAR LA DÉLÉGATION

1. Afin de conférer une réelle pertinence à l'objectif de parité, il conviendrait de subordonner expressément l'attribution d'un agrément aux clubs sportifs à l'existence de dispositions statutaires favorables à leur démocratisation et donc à l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions dirigeantes et d'encadrement.

2. Des modifications devront être apportées aux conditions relatives à l'agrément des groupements sportifs afin de préciser les justifications que l'autorité administrative pourra être en droit de leur demander pour démontrer qu'ils satisfont aux prescriptions de l'article 8 de la loi du 16 juillet 1984 tel que modifié par l'article 5 du projet de loi.

3. Une date limite devrait être fixée (31 décembre 2000 ou 30 juin 2001) pour imposer aux groupements sportifs existants, et ayant obtenu un agrément, de mettre en conformité leurs statuts avec les nouvelles prescriptions de la loi du 16 juillet 1984 modifiée.

4. Le principe de parité femmes-hommes devra également présider à la composition du Conseil national des activités physiques et sportives dont la mise en place est prévue par l'article 25 du projet de loi en tant qu'instance représentative de l'ensemble des composantes du mouvement sportif.

5. Chaque année à l'occasion du débat sur le projet de loi de finances, le gouvernement devra publier en annexe à ce projet, une série d'indicateurs statistiques permettant d'apprécier l'évolution de la participation des femmes au sein des instances dirigeantes des fédérations, de leurs ligues régionales et départementales et des clubs sportifs qui leur sont affiliés.

6. L'État veillera à allouer prioritairement aux fédérations les dotations budgétaires relevant de sa compétence en fonction de l'importance de la pratique sportive féminine et de l'accès des femmes à leurs instances de direction et aux postes d'encadrement.

7. Etant donné l'importance des fonctions sociales et culturelles du sport, il est nécessaire de respecter une juste représentation des femmes et des hommes, tant en ce qui concerne les responsabilités d'encadrement exercées au titre des actions d'animation sportive engagées par l'État et les collectivités territoriales, notamment dans les quartiers en difficulté, que les activités et pratiques proposées dans ce cadre. Il s'avère également indispensable au développement des activités physiques et sportives des femmes de mettre en œuvre une politique de proximité et de disponibilité des équipements sportifs, y compris dans le milieu rural.

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