ASSEMBLÉE NATIONALE


DÉLÉGATION

AUX DROITS DES FEMMES

ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES

ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

COMPTE RENDU N° 15

mardi 23 mai 2000
(Séance de 18 heures)

Présidence de Mme Martine Lignières-Cassou, présidente

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Vincent Merle, directeur de cabinet de Mme Nicole Péry, Secrétaire d'État aux droits des femmes et à la formation professionnelle, sur la validation des acquis professionnels..

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La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a entendu M. Vincent Merle, directeur de cabinet de Mme Nicole Péry, Secrétaire d'État aux droits des femmes et à la formation professionnelle, sur la validation des acquis professionnels.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir M. Vincent Merle, directeur de cabinet de Mme Nicole Péry.

Demain matin, sera présenté au conseil des ministres un projet de loi sur la modernisation sociale, dont l'un des volets concerne la validation des acquis professionnels. Nous avions déjà eu l'occasion de discuter avec Mme Nicole Péry, lorsque nous l'avons auditionnée au mois de février, de la validation des acquis professionnels et de l'importance qu'elle revêt, notamment pour les travailleurs non qualifiés, c'est-à-dire, notamment pour les femmes.

Nous aimerions donc que vous puissiez nous exposer en primeur les grandes lignes de la partie du projet de loi de modernisation sociale qui concerne particulièrement la validation des acquis. Nous souhaiterions savoir où nous en sommes aujourd'hui, quelle importance on veut lui reconnaître et de quels moyens nous allons disposer.

M. Vincent Merle : Je commencerai par une précision de vocabulaire qui a son importance. Mme Nicole Péry souhaite que l'on parle d'un "droit à la reconnaissance de l'expérience par la validation des acquis" plutôt que de validation des acquis directement. La validation des acquis est, en effet, une procédure alors que l'objet de ce projet de loi est d'offrir la possibilité au plus grand nombre de personnes d'accéder à un titre ou à un diplôme grâce à la reconnaissance de ce que chacun a pu acquérir dans sa vie professionnelle comme dans sa vie extra-professionnelle.

Le texte qui sera présenté demain en conseil des ministres commence d'ailleurs de la façon suivante : "Toute personne engagée dans la vie active est en droit de faire reconnaître son expérience en vue de l'acquisition d'un diplôme ou d'un titre à finalité professionnelle".

Dans l'esprit de Mme Nicole Péry, ce projet de loi est un volet décisif de la réforme de la formation professionnelle. Si elle a souhaité engager la réforme par cette première étape, c'est parce qu'il s'agit d'un domaine dans lequel l'État a une responsabilité première ; il pouvait donc prendre directement des initiatives, sans être tributaire de la négociation entre les partenaires sociaux.

Ce projet a cependant été préparé grâce à un important travail de concertation.

Nous avons beaucoup échangé avec les autres ministères concernés, et en particulier avec l'Education nationale qui est le premier ministère "valideur" - pour reprendre cette expression barbare -, mais aussi avec les autres ministères qui délivrent également des titres et des diplômes : le ministère de l'agriculture, le ministère de la jeunesse et des sports, le ministère de l'emploi et de la solidarité, qui délivre un certain nombre de diplômes dans le secteur des affaires sociales, etc.

Par ailleurs, nous avons engagé un dialogue très constructif avec les organisations syndicales et patronales. Ils sont d'ailleurs impliqués dans la préparation de presque tous les titres et les diplômes et ont un rôle décisif dans la reconnaissance de ces certifications dans les conventions collectives et les classifications.

Le projet de loi qui va être présenté demain en conseil des ministres est le résultat de ce long travail de négociation.

Quelques mots maintenant sur les objectifs économiques et sociaux auxquels répond le projet.

Nous nous situons dans un contexte de mobilité professionnelle accrue, avec des ruptures très fortes dans la vie professionnelle de nombreux salariés (licenciements, ruptures liées souvent aux contrats précaires, etc.), mais il y a également d'autres formes de mobilité, en particulier celles qui sont liées au changement de nature des activités professionnelles.

Certaines personnes n'ont pas changé d'emploi, elles sont restées chez le même employeur et la dénomination de leur l'emploi n'a pas changé ; mais le contenu de leur emploi a beaucoup évolué. Si je prends l'exemple des métiers du secrétariat, il est évident qu'une secrétaire d'aujourd'hui n'accomplit pas les mêmes tâches et n'a pas la même activité professionnelle qu'il y a vingt ans, alors que l'on apprenait encore à dactylographier sur des machines à écrire mécaniques.

Il existe donc des mobilités de toutes formes et, dans ce marché du travail mobile, ou flexible, comme le diraient certains, le fait que chacun puisse faire reconnaître ce qu'il a acquis professionnellement est tout à fait important.

C'est l'un des éléments de motivation de ce projet. L'autre élément de motivation est l'état de qualification de la population active, puisque, pour le rappeler d'un chiffre, 40 % de la population active a un niveau égal ou inférieur au niveau V, c'est-à-dire au CAP ou au BEP, au moment où, précisément, les entreprises se plaignent de ne pas trouver suffisamment de main-d'_uvre qualifiée.

Le risque est donc élevé d'avoir à la fois des tensions fortes sur le marché du travail, des difficultés de recrutement et l'existence d'un volant de population active insuffisamment qualifiée et n'arrivant pas à trouver un emploi alors que la situation de celui-ci s'améliore.

Ces personnes qui ont un niveau de formation initiale faible ne sont pas pour autant des personnes sans qualification. Certaines d'entre elles ont dix, quinze ou vingt ans d'expérience et ont acquis de très nombreux savoir-faire, mais ceux-ci sont souvent peu reconnus.

Pour reprendre l'exemple du secrétariat, il y a des personnes qui, après quinze ans d'expérience comme secrétaire, se trouvent licenciées pour une raison quelconque (fermeture de l'entreprise, par exemple) et qui, au moment de reprendre un travail, se trouvent en compétition avec des jeunes filles disposant, elles, d'un BTS. Or, souvent, le premier tri de l'employeur se fait sur le diplôme alors qu'en réalité, ces femmes, qui ont quinze ans d'expérience professionnelle, ont une connaissance pratique de leur métier extrêmement forte et que, par le biais de la formation continue ou par des auto-apprentissages en situation de travail, elles ont développé de nombreuses compétences qui les mettent certainement au niveau suffisant.

Il y a donc à la fois, objectivement, des difficultés sur le marché du travail et une frustration importante due au sentiment que la richesse potentielle engrangée sur le plan professionnel n'est pas reconnue.

Voilà les deux motivations principales de ce projet de loi.

Je tiens cependant à préciser que des dispositions législatives existaient déjà en la matière. Une loi de 1984, dont les décrets d'application ont été pris en 1985, concernant uniquement l'enseignement supérieur, avait pour objet d'attribuer des équivalences avant l'entrée en formation. Très concrètement, si vous vouliez préparer une maîtrise alors que vous n'aviez pas la licence, au vu de votre expérience et des stages de formation effectués, on vous accordait l'équivalence de la licence, de telle sorte que vous pouviez entrer en maîtrise, mais vous deviez quand même suivre la totalité de la scolarité de la maîtrise pour l'obtenir.

Une autre loi, beaucoup plus ambitieuse, adoptée en 1992, a ouvert les diplômes de l'enseignement professionnel et technologique à la validation des acquis professionnels. Cette fois, il s'agissait bien d'accéder directement à un diplôme, en fonction de son expérience, et non pas d'une sorte d'équivalence.

La loi comprenait cependant quelques réserves. Elle stipulait que le candidat devait passer au moins une épreuve. A supposer que, pour obtenir un diplôme, le règlement de l'examen prévoie six épreuves, le candidat devait au moins en passer une, sachant que l'on pouvait lui accorder les cinq autres titres de la validation de ses acquis professionnels.

Il y avait aussi quelques autres restrictions importantes.

Par ailleurs, seuls les diplômes et titres de l'Education nationale étaient concernés. Potentiellement, la loi était plus ouverte, mais les décrets d'application n'ont concerné que l'Education nationale ; aussi, lorsque le ministère de la jeunesse et des sports a essayé, récemment, d'ouvrir cette possibilité aux diplômes qu'il délivre, le Conseil d'État l'a accepté, mais a estimé qu'il convenait plutôt de modifier la loi en l'ouvrant à tous.

La deuxième restriction importante, c'est qu'il fallait une durée d'expérience professionnelle de cinq ans, ce qui, dans certains cas, apparaissait relativement long et a freiné le développement du dispositif.

En troisième lieu, n'était prise en compte que l'expérience professionnelle stricto sensu, c'est-à-dire une expérience comme salarié ou travailleur indépendant, mais dans le cadre d'un travail rémunéré. N'était pas prise en compte, par exemple, une activité à caractère bénévole, même si celle-ci était très proche du titre ou du diplôme visé.

Enfin - j'insiste sur ce point qui passe inaperçu généralement -, la logique même de cette loi de 1992 était plutôt celle de la dispense d'épreuves, alors que l'on aurait pu aller, dès cette époque, jusqu'à une validation au regard de l'expérience du candidat et, éventuellement, si certains acquis ne pouvaient pas être validés, définir avec lui les modalités de validation de son expérience, quitte à ce que le candidat aille suivre un stage de formation, se forme par lui-même et complète ses connaissances et ses savoir-faire.

Ce n'était pas tout à fait la philosophie de l'époque ; on était plus dans une logique de dispense d'épreuves.

Cette disposition s'est traduite très concrètement dans les textes d'application par le fait que les candidats étaient tenus de préparer un dossier attestant de leur expérience professionnelle ; ce dossier était ensuite examiné par un jury qui, dans un certain nombre de cas, ne recevait même pas le candidat. Autrement dit, la charge de la preuve était du côté du candidat et le jury, dans sa souveraineté, appréciait si ces preuves étaient suffisantes pour que l'on attribue le diplôme ou le titre.

Certains jurys avaient cependant monté une procédure permettant à la personne de venir défendre son dossier dans le cadre d'une sorte de soutenance, mais ce n'était pas du tout obligatoire puisque, selon les textes, l'élément principal était l'ensemble des preuves susceptibles d'être réunies.

Cette loi de 1992 a cependant représenté un grand progrès par rapport à une tradition très fortement ancrée en France : celle du diplôme comme sanction d'un parcours de formation. On ouvrait ainsi une brèche importante en reconnaissant que l'expérience pouvait avoir, au regard du système de certification professionnelle, la même valeur que le passage dans un processus de formation classique.

Cependant, peu de gens se sont engouffrés dans cette brèche, et l'application pratique de cette loi a été très en deçà de ce qu'espérait le législateur. On estime, grosso modo, que sept ou huit mille personnes par an s'inscrivent dans l'une des deux procédures que je viens d'indiquer -celle de la loi de 1984 ou de la loi de 1992- mais il est probable que, dans cet ensemble, la majeure partie des candidats choisissent la procédure de la loi de 1984 et seule une minorité se présente pour obtenir un diplôme professionnel par le biais de la loi de 1992.

Pourquoi ? Les raisons en sont multiples. Tout d'abord, je pense que la communication autour de cette loi a été très faible. Certes, dans les rectorats, des bureaux ont été ouverts pour pendre en charge les personnes, mais vous constaterez que très peu nombreux sont les salariés qui connaissent l'existence de la loi de 1992.

Ensuite, je pense qu'il y a eu un certain nombre de réticences au sein du corps enseignant, qui ne voyait pas toujours d'un très bon _il l'attribution des diplômes à des gens qu'ils n'avaient pas formés.

Au-delà, l'absence de perspective de réforme de la formation professionnelle a aussi pesé. Certes, les gens sont intéressés par le fait d'acquérir une certification, mais ils le sont encore plus par l'idée que, s'ils n'arrivent pas à l'obtenir, ils vont pouvoir également disposer des moyens de compléter leur formation.

De ce point de vue, le contexte a changé, puisqu'on parle désormais beaucoup, y compris chez les salariés, d'une perspective de réforme de la formation professionnelle. Il y a maintenant des attentes assez fortes, de la part de l'ensemble du corps social, quant à la mise en place d'un système vraiment performant pour cette validation des acquis professionnels.

D'ailleurs, les quelques sondages dont on peut disposer sur le sujet laissent penser que cette attente est largement répandue. Ainsi, lorsque, dans des sondages d'opinion, on pose la question suivante : "S'il existait un dispositif permettant d'acquérir un diplôme ou un titre sur la base de votre expérience professionnelle, seriez-vous intéressé par ce dispositif ?", on s'aperçoit que pratiquement la moitié de la population active se dit intéressée.

J'en viens au projet de loi tel qu'il va être présenté demain en conseil des ministres. Il comporte deux volets très complémentaires.

Le premier est l'extension de la procédure de validation des acquis, extension qui peut prendre plusieurs formes.

Tout d'abord, le texte du projet de loi précise que c'est l'ensemble des titres et diplômes qui sera désormais accessible par la validation des acquis. Cela s'applique donc en particulier, à tous les diplômes et titres délivrés par l'État.

Il existe cependant une petite restriction : pour certains diplômes, il y a des conditions minimum de sécurité et, pour certaines professions, des réglementations particulières qui conduiront à exiger que, pour ces diplômes, un minimum de formation soit suivi. Pour la profession d'infirmière, par exemple, on peut valider les acquis des personnes qui ont été aides-soignantes, mais on n'a pas le droit de faire certains gestes professionnels quand on est aide-soignante, certains acquis manquent donc par définition. De toute façon, d'un point de vue de sécurité sanitaire, il est prudent que les personnes qui veulent accéder à un diplôme d'infirmière passent par un temps de formation minimum.

Par conséquent, les textes réservent la possibilité d'apporter des restrictions à cette règle très générale.

Le deuxième élément d'extension, c'est que la durée minimum d'expérience sera réduite de cinq à trois ans. Certains pensaient que l'on pouvait aller plus loin encore et ramener cette durée à un an, mais certains ministères ont fait valoir qu'ils préféraient cette durée de trois ans, notamment pour éviter d'inciter à des sorties précoces du système éducatif. Certains jeunes pourraient en effet être tentés de dire, par exemple : "Après tout, si je peux obtenir un diplôme en un an là où les autres mettent deux ans pour y accéder en se formant, pourquoi pas ?"

Cela paraissait finalement une position raisonnable, même si certaines certifications très partielles ne justifient pas cette durée.

La troisième extension est celle qui consiste à prendre en compte non seulement l'expérience professionnelle, mais également celle qui se situe en dehors du cadre strictement professionnel, notamment dans le cadre de la vie associative. Vous savez que c'est un sujet controversé.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Notamment en matière sportive.

M. Vincent Merle : Exactement. On comprend bien que certains soient opposés à l'idée qu'une activité sportive effectuée dans un cadre individuel, volontaire et associatif puisse à un moment donné être prise en considération pour attribuer un diplôme alors qu'un certain nombre d'écoles qui préparent à des métiers du sport sont très jalouses de leurs prérogatives dans l'attribution de ces certifications.

Malgré tout, de nombreux cas de figure sont à prendre en compte. Prenez par exemple le cas de quelqu'un qui a assuré la comptabilité d'une association pendant plusieurs années ; si cette personne veut valider ses acquis à un moment donné, cela paraît logique puisque son expérience, même à titre bénévole, est très proche du diplôme et du titre qu'elle vise. Il n'y a donc aucune raison que cela ne soit pas pris en considération. Le projet de loi prévoit cet élargissement.

Enfin, il s'agit d'essayer de sortir petit à petit de la logique de la "dispense d'épreuve" pour aller vers une logique d'accompagnement du candidat. Non seulement on pourra délivrer la totalité d'un titre ou d'un diplôme par la voie de la validation des acquis, mais quelqu'un qui n'obtiendrait pas la totalité pourra se voir proposer des épreuves complémentaires en fonction des lacunes constatées par le jury.

Cela a posé quelques problèmes quand le texte est passé au Conseil d'État, certains conseillers ayant fait observer qu'on renonçait ainsi à un principe d'égalité et que plusieurs personnes pourraient avoir le même titre ou le même diplôme sans avoir passé exactement les mêmes épreuves.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Pourriez-vous développer ce point ?

M. Vincent Merle : Selon l'analyse du Conseil d'État, pour qu'un diplôme ait la même valeur et offre les mêmes garanties de la part de l'État, tous les candidats doivent avoir passé les mêmes épreuves. Prenez l'exemple du baccalauréat : tout le monde passe les mêmes épreuves et, à la limite, le même jour et à la même heure. Comme ce n'était plus tenable, on a d'ailleurs introduit quelques dérogations, puisque les sujets sont différents d'une académie à l'autre, mais il fut un temps où, dans la France entière, on proposait les mêmes sujets à tous les candidats.

Est donc très fortement ancrée dans nos esprits l'idée que la valeur du diplôme tient à l'identité des épreuves pour tous.

En réalité, ce principe est déjà bafoué de multiples façons, car certains passent un diplôme en épreuve finale et d'autres en contrôle continu. Dans les épreuves pratiques qui sont effectuées pour les diplômes professionnels, la nature des épreuves est très variable. Un candidat est placé dans une situation professionnelle qui n'est pas la même que celle du candidat précédent ou du candidat suivant.

Ce principe d'égalité vaut pour un concours, pour lequel il est absolument nécessaire de faire passer exactement les mêmes épreuves afin de classer les candidats mais, dès lors qu'il s'agit d'un examen, il n'y a pas de principe absolu d'identité des épreuves à faire passer aux candidats.

Si je prends encore une fois l'exemple de la secrétaire, il n'y aura pas identité absolue. En effet, si elle peut faire la preuve qu'elle manie parfaitement bien les outils de traitement de texte et qu'elle sait faire des opérations de classement, mais si elle ne sait pas utiliser couramment un tableur ou n'importe quel autre logiciel qui permet de faire des opérations statistiques courantes, le jury lui dira : "Vous avez une lacune dans ce domaine alors que c'est exigé dans le référentiel d'activité du diplôme ; on vous fera donc passer dans quelques mois une épreuve spécifique sur ce point".

Voilà ce que je peux dire sur la procédure de validation des acquis en tant que telle. Vous voyez que cela va obliger tous ceux qui délivrent des titres ou des diplômes à être beaucoup plus exigeants et rigoureux qu'ils ne le sont aujourd'hui dans la définition de ce qu'on appelle les référentiels d'activité ou les référentiels de validation.

Traditionnellement, quand on élaborait un diplôme, on décrivait assez sommairement les emplois visés, après quoi on passait beaucoup de temps à dire : "Pour atteindre cet objectif professionnel, il faut tant d'heures de mathématiques, tant d'heures de dessin industriel, tant d'heures de mécanique, etc.", et on traduisait très rapidement l'activité professionnelle en curricula, pour reprendre une expression classique chez les pédagogues.

Cette fois, on va être probablement beaucoup plus exigeant sur la nature exacte des activités professionnelles visées et sur le degré d'autonomie attendu de la part des candidats sur chacune de ces activités. C'est ainsi qu'une personne se présentant à ce diplôme par la voie de la validation des acquis professionnels, et non pas comme sanction d'un cursus de formation, devra établir des preuves par rapport à un référentiel explicite.

L'exemple type, c'est la dimension de la connaissance dite générale, implicite dans une formation professionnelle. Pour un élève qui prépare un baccalauréat professionnel, il faut évidemment vérifier au moyen d'épreuves classiques qu'il a une bonne capacité à manier la langue ou à faire des calculs mais, s'il s'agit d'une personne qui a dix ans d'expérience professionnelle, on ne va pas lui demander systématiquement de faire une dictée ou une série d'opérations de calcul. Il faudra donc, à partir des preuves de son activité professionnelle, en déduire qu'elle a bien les connaissances indispensables pour réaliser les activités professionnelles concernées.

Ce n'est pas totalement nouveau car, depuis quelques années, l'Education nationale a beaucoup fait évoluer ses référentiels d'activité dans le sens de la rigueur et de la précision, parfois même en découpant ses référentiels non pas en sous-ensembles de disciplines, mais en éléments correspondant à des sous-ensembles d'activités professionnelles. L'Education nationale a petit à petit anticipé sur des dispositions qui vont maintenant devenir plus contraignantes.

Le deuxième volet du projet de loi est celui qui consiste à rendre plus lisible notre système actuel de certifications.

Nous avons aujourd'hui environ deux mille certifications professionnelles - il est très difficile de les dénombrer - quand on additionne les diplômes professionnels délivrés par l'Education nationale, les diplômes et les titres délivrés par les autres ministères, les diplômes délivrés par les chambres consulaires, les titres homologués et les certificats de qualification professionnelle délivrés par les branches, (établis paritairement entre les organisations syndicales et les employeurs) qui se développent beaucoup depuis quelques années. Nous avons donc une profusion de systèmes de certifications.

En ce qui concerne les titres homologués, la procédure prévue par le projet de loi vise à remplacer le système actuel d'homologation.

L'homologation date des lois de 1971, dont l'une sur l'enseignement professionnel et technologique proposait cette procédure d'homologation. Dès lors qu'un organisme de formation proposait une certification professionnelle et que cette certification professionnelle correspondait bien à un emploi, il était possible de le faire enregistrer et homologuer par une commission. Cela ne concernait pas les diplômes de l'Education nationale, qui étaient considérés comme homologués de droit.

C'est ainsi qu'un certain nombre d'organismes privés ou consulaires sont venus présenter leurs diplômes devant cette commission, qui les a homologués ou non.

Cette procédure, qui avait tout à fait sa place dans le contexte de l'époque, ne remplit plus tout à fait son office parce que, désormais, beaucoup d'organismes privés de formation en attendent d'abord un label de qualité. Ils attendent avant tout une reconnaissance de l'État -ce qu'ils mettent sur leur papier à en-tête en indiquant : "notre titre est homologué par l'État"- alors qu'en réalité, cette commission ne vérifie pas la qualité de la formation, mais uniquement le bien-fondé ou la réalité de cette certification par rapport au marché du travail.

Nous allons donc remplacer cette procédure d'homologation par la création d'un répertoire national des certifications qui sera géré par une commission tripartite composée des ministères valideurs, dont l'Education nationale, des organisations patronales et des organisations syndicales. Cette fois, la totalité des titres et diplômes aura vocation à être inscrits dans ce répertoire ; y figureront aussi bien les diplômes de l'Education nationale que les autres diplômes.

L'idée n'est pas de faire un nettoyage systématique. Il peut exister, dans un champ professionnel déterminé, un diplôme de l'Education nationale, un diplôme du ministère du travail et un diplôme délivré par une chambre de commerce, mais l'idée est quand même que la commission en question incite ces différents organismes à se rapprocher et à créer des mécanismes de passerelles ou de reconnaissance mutuelles pour que, petit à petit, le paysage des certifications devienne lisible aussi bien pour les individus que pour les entreprises.

Ces deux éléments se complètent. La validation des acquis sera d'autant plus efficace et la reconnaissance de l'expérience sera d'autant plus un droit effectif pour les personnes que, par ailleurs, celles-ci pourront avoir une bonne visibilité de l'ensemble des certifications existantes et que nous aurons un système assez cohérent de certification. L'ensemble des certifications inclura celles qui sont établies paritairement par les organisations patronales et syndicales ; elles prennent de plus en plus de place dans le paysage des certifications en France, notamment parce que ces certifications paritaires permettent de jeter un pont entre les logiques de gestion des compétences dans les entreprises et les systèmes de classification et de conventions collectives.

Voilà les grandes lignes du projet de loi. Ce n'est pas un projet complexe sur le plan juridique, même s'il peut paraître un peu technique.

Mme Yvette Roudy : Dans son l'esprit, je trouve ce projet tout à fait séduisant. Je me souviens en effet très bien de l'esprit qui avait présidé à la loi de 1984, qui avait créé la troisième voie de l'ENA. Je me souviens aussi des terribles réticences des corps, qui avaient passé des examens et qui regardaient d'un très mauvais _il ces nouvelles catégories de collègues.

J'aimerais donc savoir comment cela va fonctionner. Le temps a permis évidemment de faire mûrir les mentalités : ce qui n'était pas possible hier peut très bien l'être aujourd'hui. Cela peut très bien concerner certains métiers. Mais, comme vous l'avez dit vous-même, il ne peut pas y avoir une équivalence qui permette à une infirmière de devenir tout d'un coup médecin.

Je prendrai deux exemples beaucoup plus concrets pour lesquels j'aimerais savoir qui va donner les homologations.

Mon premier exemple est celui d'une personne qui aura eu l'expérience de l'apprentissage d'une langue, qui sera allée dans un pays, aura pratiqué et travaillé très vite en faisant des traductions dans le privé, par exemple, sans avoir vraiment de diplôme mais qui aura acquis une formidable connaissance de cette langue. Qui va lui donner l'équivalence du diplôme lui permettant d'enseigner cette langue dans un lycée et quelles sont les épreuves qu'elle devra passer, alors qu'avec son expérience elle sera bien meilleure qu'un professeur qui aura passé toutes les épreuves ?

Mme Marie-Thérèse Boisseau : Vous parlez de l'équivalence de la connaissance de la langue ou celle d'un métier pédagogique ?

Mme Yvette Roudy : J'ai choisi en fait deux exemples très concrets pour lesquels il me semble que l'on doit arriver à donner des équivalences, tout en me demandant comment on va y arriver.

Mon deuxième exemple est celui d'un mécanicien qui, pendant quinze ans, travaille dans un garage ou sur un bateau avec des ingénieurs. Il va acquérir une telle expérience (il faut évidemment y ajouter le goût, la passion et l'intérêt) qu'au bout de dix ou quinze ans, il sera aussi bon que les ingénieurs sans en avoir le diplôme. Il sera parfaitement capable de demander une équivalence. Que va-t-on lui demander de faire pour l'obtenir ? Si on lui fait passer un examen concret et pratique, il le réussira parce qu'il a acquis un savoir-faire ; il sera même capable de le communiquer dans une école.

Comment allez-vous procéder dans ces deux cas précis ? Allez-vous établir des tableaux pour définir les métiers pour lesquels on va accepter des équivalences ? L'idée de base, c'est que les gens qui n'ont pas eu la chance de faire des études pour des raisons économiques ou culturelles mais qui, du fait de l'expérience, parce qu'ils ont travaillé et parce que cela leur plaît, se révèlent finalement de bons praticiens, puissent avoir une équivalence.

Quelles épreuves devront-ils donc passer ? Y aura-t-il un entretien ou va-t-on simplement leur demander une épreuve concrète ou pratique ? Je voudrais comprendre comment cela va se passer dans la réalité, connaissant les réticences des corps.

Mme Hélène Mignon : Lors de nos permanences, nous voyons énormément de femmes qui ont travaillé pendant vingt à vingt-cinq ans dans un poste de secrétariat, qui y sont entrées avec un BEP ou un CAP, qui ont effectué un travail de secrétariat de direction, qui ont donc acquis des connaissances et une grande expérience et dont l'entreprise ferme. Lorsqu'elles recherchent un nouveau travail, du fait qu'elles n'ont pas un BTS, on ne prend même pas en compte leur CV et on ne les reçoit pas.

A condition, bien entendu, de bien la faire connaître, cette réforme peut donner la possibilité à ces femmes de retrouver un emploi.

Une autre catégorie de personnes pourrait être concernée, ce sont tous ces jeunes qui sont partis très spontanément et très volontairement dans des ONG, qui ont acquis un savoir extraordinaire de travailleurs sociaux, mais aussi de gestion, et qui se retrouvent, lorsqu'ils rentrent en France, sans aucun débouché possible, alors qu'ils ont une expérience et la possibilité de mettre cette richesse à la disposition d'une entreprise ou des collectivités territoriales. Du fait de leur manque de diplôme, on ne les accepte pas et on leur dit : "votre candidature n'est pas retenue bien qu'à la fin des entretiens, vous étiez le meilleur".

S'agissant des corps, je pense qu'effectivement, ils seront toujours ce qu'ils sont, avec leurs prérogatives et leur formation initiale, mais le monde du travail, en France, n'est pas fait que de corps ; nous n'avons pas que des énarques ou des enseignants en faculté ; nous avons une diversité assez grande d'activités.

La question que je me pose - vous l'avez un peu évoquée - concerne ces jeunes qui suivent une première formation proposée par les missions locales, alors qu'ils n'en ont aucune, et qui la laisse tomber au bout de quelques jours parce qu'ils arrivent à se dépanner par des petits boulots. C'est un souci auquel sont confrontées actuellement les missions locales.

Un certain nombre de jeunes ne vont-ils pas se dire : "finalement, plutôt que de passer des examens et suivre la voie normale, ne devrais-je pas plutôt m'insérer dans le monde du travail, me constituer un petit pécule qui me permettra de vivre et d'avoir mon appartement et, ensuite, par la validation des acquis, obtenir un diplôme?"

Il faudra, à mon avis, veiller à ce que ces jeunes n'aient pas cette tentation, car ils risquent de laisser tomber tous leurs acquis précédents sans être sûrs d'obtenir un diplôme. Ils ne peuvent évidemment pas être sûrs d'avoir un travail à durée déterminée d'une durée suffisante pour faire valider leurs acquis.

Il y a un réel danger qu'il faut bien mesurer pour bien expliquer ensuite la finalité de la loi, notamment aux jeunes. A mon avis, ce texte est plutôt fait pour les adultes dont les postes de travail ont évolué au cours des années et qui ont déjà travaillé beaucoup plus que les trois ans requis.

Mme Odette Casanova : Je pense qu'effectivement, l'expérience professionnelle de trois ans pour acquérir un diplôme est un minimum ; sinon, on risque de se trouver dans la situation qu'Hélène Mignon vient de décrire, c'est-à-dire celle de jeunes qui ne choisiront pas la formation initiale, le CAP ou la formation professionnelle parce que, au bout de trois ans de petits boulots, ils estimeront qu'ils pourront avoir un acquis.

Une fois le système mis en place, il y aura un rattrapage, par exemple pour les femmes qui ont un acquis professionnel mais qui n'ont pas de diplômes, que l'on ne veut donc pas recruter ou qui ne retrouvent plus de travail. Comment ce rattrapage se fera-t-il ?

Enfin, je voudrais savoir comment ce texte s'appliquera dans la fonction publique -notamment aux vacataires et aux contractuels- puisque, pour avoir certains postes ou passer certains concours, on a l'obligation d'avoir des acquis.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente : Je crois que, d'ores et déjà, les organismes de formation voient leurs nombres de stagiaires diminuer du fait de la reprise du marché de l'emploi. Les gens préfèrent travailler pour un salaire supérieur au SMIC, plutôt que de bénéficier du statut de stagiaire de la formation professionnelle. Le problème soulevé par Mme Hélène Mignon pour les jeunes est donc déjà posé aujourd'hui pour les adultes en ce qui concerne les formations qualifiantes.

Lorsqu'on parle de reconnaissance de l'expérience par la validation des acquis, on modifie toute l'organisation de la formation professionnelle. Jusqu'à présent, à ma connaissance, un seul organisme agissant pour le compte de l'Education nationale, le GRETA, avait introduit une certaine souplesse par le biais des unités capitalisables, et pouvait répondre en partie à l'objectif qui est recherché aujourd'hui. En revanche, la plupart des organismes professionnels sont très loin de cette démarche que vous préconisez. Il y a également des bilans de compétences professionnelles qui sont faits par un certain nombre d'organismes mais qui ne donnent pas lieu à une reconnaissance par le biais de diplômes.

Pour que la loi soit un succès, il faudra donc modifier l'ensemble des modes de travail des organismes faisant de la formation professionnelle. Comment les aidera-t-on à s'adapter à l'individu et à ses besoins ?

Comment comptez-vous dégager des moyens pour valider les connaissances ? Quand on constate aujourd'hui les difficultés d'un certain nombre de salariés ou de demandeurs d'emplois pour accéder aux bilans de compétence, on peut se demander quels moyens l'État compte se donner pour développer de façon massive la validation des acquis professionnels.

Comme pour mes collègues, ce problème est souvent évoqué dans ma permanence. J'ai eu ainsi récemment un entretien avec une femme de 40 ans ayant eu une longue expérience d'employée polyvalente dans l'hôtellerie et dans les maisons de retraite, mais n'ayant aucun diplôme. Je lui ai dit : "revenez me voir en octobre, quand vous aurez terminé la saison ; nous aurons entamé l'examen du projet de loi sur la validation des acquis professionnels et nous verrons ce que l'on pourra faire pour vous".

Mme Marie-Thérèse Boisseau : Pour moi, le diplôme n'est qu'un diplôme mais il a l'intérêt d'avoir une définition extrêmement précise et de pouvoir être validé ; il y a des gens qui sont capables de vous donner un diplôme.

Je suis moyennement d'accord avec ce que disait Mme Hélène Mignon sur le cas de la secrétaire qui n'a pas de diplôme et qui a quinze ans d'expérience. C'est vrai et c'est faux ; cela dépend des cas. Si elle se retrouve sans emploi, de deux choses l'une : ou bien elle sera dans la situation dont vous avez parlé, ou bien elle va rencontrer un employeur qui tiendra compte de son expérience, qui saura considérer ce qu'elle a fait et qui la préférera à une petite jeune qui a un BTS parce qu'elle sera plus immédiatement opérationnelle. Cela arrive aussi.

Mme Hélène Mignon : C'est exact.

Mme Marie-Thérèse Boisseau : Dans certains cas (et je prends a contrario l'exemple de la secrétaire qui se retrouve sans emploi), il est bon qu'il y ait une validation des acquis. Mais ce qui m'inquiète beaucoup, c'est l'extension de cette validation à tous les titres et à tous les diplômes. Je trouve cela extrêmement dangereux et je crains que cela ne donne lieu à des confusions, à des passe-droits et à encore plus d'opacité.

Si nous nous retrouvons tous avec des diplômes, qu'ils aient été acquis par l'intermédiaire de l'Education nationale ou du ministère de l'agriculture ou bien par l'expérience, et à la limite, si nous avons tous le même diplôme, cela n'aura plus aucune valeur parce qu'il n'y aura plus aucune hiérarchie dans ces diplômes. On parlera de choses sur lesquelles on mettra le même nom alors que ce seront des choses différentes. Or, l'important, si on veut être opérationnel, c'est de bien qualifier la compétence des uns et des autres et de savoir de quoi on parle.

J'ai peur que cette loi n'entraîne une confusion vraiment importante à tous les niveaux, que cela ne change rien in fine et que les employeurs se fassent leur jugement par eux-mêmes, en suivant les diplômes ou l'expérience, selon les cas de figure, sans tenir compte de cette démarche.

Si ce texte avait été ciblé sur un certain nombre de points, j'y aurais été très favorable, mais s'il est généralisé, cela me paraît impensable.

Je reprends l'exemple du mécanicien évoqué par Mme Yvette Roudy. Vous avez dit qu'un mécanicien pouvait, au bout de quinze ans, en savoir autant que l'ingénieur. Je vous réponds que ce n'est pas le cas, car si c'est un bon mécanicien, il en saura beaucoup plus que l'ingénieur dans son domaine. Pour autant, le mécanicien reste un mécanicien, tandis que l'ingénieur a une autre approche, qui est souvent plus générale, plus synthétique, plus prospective. C'est une autre fonction. Ce n'est pas pour cela que le mécanicien, qui a quinze ans d'expérience, doit rester au SMIC, comme c'est bien souvent le cas, et qu'il ne faut pas valider ses acquis. Mais, de là à lui donner un diplôme ou un titre d'ingénieur, je dis qu'il y a une confusion malsaine, qui risque de ne pas être favorable au mécanicien.

Mme Yvette Roudy : Il ne s'agit pas du diplôme lui-même mais d'une équivalence.

M. Vincent Merle : Vous venez d'évoquer les ingénieurs. La profession d'ingénieur est l'une des seules à laquelle on puisse déjà accéder en France par la validation des acquis, puisque la commission du titre d'ingénieur a mis sur pied, depuis fort longtemps, une procédure qui permet à ceux qu'on appelait autrefois les ingénieurs "maison", c'est-à-dire ceux qui se sont formés sur le tas, d'accéder au grade d'ingénieur. Cela s'est fait d'une manière un peu malthusienne, parce que peu de gens accèdent au grade d'ingénieur par cette voie, mais autant que je sache, tous ceux qui ont obtenu le grade d'ingénieur par cette voie n'ont pas été rejetés par les entreprises comme étant des ingénieurs de mauvaise qualité.

Mme Marie-Thérèse Boisseau : Je suis tout à fait d'accord pour cette promotion interne, à condition qu'elle ne soit pas systématique.

M. Vincent Merle : J'entends votre objection. Vous ne voulez pas forcément la réserver à un niveau, mais vous souhaitez plutôt que ce soit réservé à des diplômes à caractère professionnel. C'est précisément ce que fait le projet de loi. Il ne s'agit pas d'ouvrir l'agrégation de philosophie ou le DEA de sciences sociales par la validation des acquis. Le champ d'application du texte est celui des diplômes à vocation professionnelle.

En pratique, il est très difficile de tracer une ligne de démarcation précise entre ce qui est diplôme à vocation professionnelle et ce qui est diplôme à vocation générale. Aussi, plutôt que d'établir des critères par la loi ou par des décrets, il nous a semblé préférable de laisser à chaque ministère valideur le soin de déterminer les diplômes ayant vraiment une vocation professionnelle et, si tel était le cas, d'en demander l'inscription dans le répertoire. Nous avons conscience que cette procédure n'est pas adaptée à des diplômes qui ont une vocation très générale, mais qu'elle est faite pour des connaissances professionnelles.

Mme Marie-Thérèse Boisseau : Le médecin a-t-il un diplôme à vocation générale ou professionnelle ?

M. Vincent Merle : C'est une profession fermée qui est de toute façon exclue du champ d'application du texte.

Je prendrai deux autres exemples pour compléter mon propos.

Le premier est celui de la boulangerie. Vous savez que, pendant très longtemps, un boulanger pouvait s'installer sans avoir de diplôme professionnel. En application d'une loi votée à l'initiative de M. Jean-Pierre Raffarin, quelqu'un qui veut s'installer comme boulanger doit avoir désormais un CAP.

Cependant, beaucoup de gens ont pratiqué la boulangerie pendant très longtemps chez un employeur, mais n'ont pas leur CAP. Si on leur demande de suivre la totalité de la formation, qui dure deux ou trois ans, ils ne le feront pas. En revanche, par la validation des acquis, on peut les faire accéder à un diplôme de ce type. C'est l'objectif fondamental du projet de loi.

Je vais vous donner un autre exemple qui montre bien l'ambiguïté entre l'aspect professionnel et l'aspect général. J'ai pu voir de très près, quand j'étais directeur du CEREQ, comment se formaient des jeunes ou des moins jeunes (il y avait quelques adultes) à travers une association qui s'appelait "Envie" et qui faisait de la récupération de vieux frigidaires ou de vieilles machines à laver pour les remettre dans le circuit commercial. Au bout de huit à dix mois, ces jeunes savaient parfaitement réparer un réfrigérateur et faire un diagnostic de panne. On s'est donc demandé pourquoi on ne leur donnerait pas un diplôme. Ils se sont présentés à un titre du ministère du travail et ils ont eu 18, 19 ou 20 à toutes les épreuves pratiques, mais ils n'ont jamais eu leur titre parce qu'ils ont échoué dans une épreuve théorique de lecture de plans électroniques. En revanche, ceux qui étaient passés par la formation avaient des notes médiocres en pratique et avaient de très bonnes notes aux épreuves dites théoriques ou générales.

C'est pour corriger ce type de chose que, petit à petit, il semble indispensable non seulement d'ouvrir les diplômes à la validation des acquis, mais de changer les modalités des épreuves.

J'en viens à la question posée par Mme Yvette Roudy à propos du mécanicien. Comment va-t-on procéder ? Si on fait passer au mécanicien exactement les mêmes épreuves que celles que l'on fait passer à un jeune mécanicien qui vient de se préparer à un baccalauréat professionnel en formation initiale, il est probable qu'il va échouer sur les épreuves les plus théoriques. L'objectif est donc de concevoir des épreuves qui restent bien évidemment très exigeantes, pour éviter une dévalorisation des diplômes, mais qui permettent de vérifier qu'une personne possède les connaissances générales sous-jacentes à telle ou telle action, sans pour autant lui imposer des exercices avec papier et crayon qui, parfois, nient la réalité du savoir-faire.

Bertrand Schwartz a dit de manière merveilleuse : "Certains jeunes échouent parce qu'ils n'arrivent pas à faire une règle de trois avec papier et crayon. Les enseignants en déduisent que ce sont des jeunes qui sont incapables d'avoir un raisonnement de proportionnalité mais, à la sortie, si on leur demande combien de kilomètres ils ont fait avec leur mobylette, combien ils ont mis d'essence dedans et quelle est leur consommation par kms, on s'aperçoit qu'ils savent parfaitement faire un raisonnement de proportionnalité".

Par conséquent, la nature des épreuves doit être adaptée. Nous l'avons expérimenté, grâce à l'ANPE et l'AFPA qui, depuis maintenant deux ou trois ans, ont tenté, pour des adultes expérimentés, de monter des épreuves aussi exigeantes, si ce n'est plus, que celles qui sont proposées à des gens qui sont en fin de formation, mais en les mettant le plus possible dans des situations proches des situations professionnelles réelles et en observant, avec un jury composé d'enseignants et de professionnels, si la manière dont ils accomplissent les tâches permet de dire qu'ils ont le degré d'autonomie souhaité et un savoir-faire justifiant qu'ils soient reconnus véritablement comme des professionnels dans leur métier.

Je sais que, dans diverses circonstances et pour de nombreux diplômes, ce ne sera pas aussi simple que cela. Mme Yvette Roudy a évoqué le cas des langues. Une certification a été créée par l'Education nationale pour répondre spécifiquement à ce type de problème. Il s'agit du diplôme de compétences en langues (DCL), qui est l'équivalent de certifications privées comme le Teufel. Cependant, cela ne confère pas un niveau. Il s'agit simplement d'un test d'aptitude à manier la langue dans des circonstances de plus en plus complexes. Si vous avez le DCL premier niveau, vous êtes capable d'entretenir sans trop de difficultés une conversation courante de quelques minutes. Si vous avez le niveau supérieur, vous êtes capable de vous exprimer publiquement au cours d'une conférence dans la langue choisie. L'Education nationale considère que c'est un diplôme, mais cela ne donne pas de niveau.

Si quelqu'un qui a le diplôme de compétence en langues souhaite enseigner, peut-on pour autant lui donner la licence ? Vraisemblablement, la réponse sera non, parce qu'il faut avoir des qualités pédagogiques et que l'apprentissage de l'anglais dans les lycées implique une connaissance de la littérature et de la civilisation qu'il faudra vérifier. On peut donc imaginer que, par rapport à une maîtrise ou une licence d'anglais, on donne la partie pratique mais que l'on définisse, pour chaque candidat, les épreuves complémentaires qu'il devra subir pour vérifier qu'il sait bien expliquer la syntaxe qui est nécessaire en tant qu'enseignant et qu'il a bien un certain nombre de connaissances académiques.

C'est pourquoi le texte du projet de loi n'est pas rigide. Il s'agit d'ouvrir un principe et, à partir de là, chaque certificateur, que ce soit un ministère ou un organisme privé, définira les conditions dans lesquelles il est possible d'accéder à un titre par la validation des acquis, parfois en imposant des restrictions ou, au contraire, en étant très ouvert, quand il n'y aura pas de restrictions particulières à avoir.

Quant aux réticences des corps, il y en aura, c'est certain, mais je pense que les représentations ont beaucoup évolué, précisément parce que nous avons pris conscience qu'aujourd'hui, il y a des savoir-faire extrêmement répandus et d'une grande richesse dans la population active et que, pour autant, ces savoirs sont souvent peu valorisés.

On en revient au paradoxe de l'entreprise qui, aujourd'hui, ne trouve pas à recruter, alors qu'à l'ANPE on constate que certains candidats ont accumulé une expérience extrêmement riche, mais que leurs CV sont souvent balayés dans les procédures de recrutement, faute de titres et de diplômes. Il y a donc véritablement un intérêt à la fois économique et social à manifester mieux cette reconnaissance.

S'agissant du risque que des jeunes laissent tomber leur formation en se disant : "Après tout, je pourrai toujours obtenir la certification ou le diplôme ensuite", il existe certes mais, par rapport à la situation actuelle du système éducatif, dans laquelle beaucoup de jeunes, depuis des années, ont plutôt le réflexe de dire : "Je vais rester dans le système éducatif et aller le plus loin possible parce qu'on me demandera un jour bac + 4 ou bac + 5 sans s'occuper de savoir ce que j'ai appris", le risque que nous prenons de vider les lycées professionnels et les universités parce que les gens se diront qu'ils doivent aller très vite sur le marché du travail et qu'ils obtiendront leur diplôme au bout de quatre ou cinq ans par la validation des acquis me paraît extrêmement modéré.

Ce risque existe, en revanche, pour des populations fragiles qui, aujourd'hui, quittent les processus de formation que l'on a montés pour eux et qui, à un moment donné, sont séduits par l'emploi qu'on leur propose tout de suite. Après tout, ne faut-il pas alors discuter avec l'employeur en lui disant : "Ces jeunes ne veulent plus suivre la formation et préfèrent avoir un emploi tout de suite ; pouvez-vous leur offrir un contrat de qualification qui va leur permettre de continuer à se former tout en travaillant, quitte à ce que ce qu'ils auront appris au travers du contrat de qualification fasse l'objet d'une validation sérieuse à la sortie ?"

Il ne s'agirait pas de validation de la totalité d'un diplôme, mais de la validation d'une unité de celui-ci par exemple, ou d'un certificat de qualification professionnelle (CQP). Ces CQP sont des certifications délivrées par les branches professionnelles et sont établis à la suite d'une discussion entre les organisations patronales et syndicales de la branche.

Mme Marie-Thérèse Boisseau : Que fait-on quand on possède un CQP ?

M. Vincent Merle : Prenons un exemple très concret  dans le secteur du bâtiment et des travaux publics : celui des emplois consistant à poser les bordures de routes. Ils ne font pas partie du baccalauréat professionnel, car ce n'est pas identifié comme une compétence spécifique. Or il y a besoin de tels emplois dans les professions des travaux publics.

Les partenaires sociaux peuvent établir des CQP précisant le type de compétences exigées pour ce type d'emploi ; ce sont eux qui le délivrent en fonction de référentiels qu'ils ont établis. Ces CQP sont parfaitement intégrés dans les systèmes de classification et de convention collective et permettent à un individu de gagner plus.

Prenons un autre exemple plus compliqué qui, à mon avis, est plus intéressant : celui de l'agro-alimentaire. Entre les diplômes de niveau V, c'est-à-dire, grosso modo, le BEP, et les baccalauréats professionnels, vous avez un saut qualitatif extrêmement important.

La profession, en lien avec l'Education nationale, a donc établi des formes de certifications paritaires qui sont autant de petits barreaux d'échelle permettant d'aller du niveau V jusqu'au niveau IV, c'est-à-dire du niveau BEP et CAP jusqu'au niveau du baccalauréat professionnel.

Prenons l'exemple d'un jeune qui va travailler dans les industries agro-alimentaires avec un BEP. Si, au bout de quelques années, il a complété ses savoir-faire et ses connaissances de telle sorte qu'il a pu obtenir des certificats de qualification professionnelle, il pourra s'en prévaloir pour accéder au baccalauréat professionnel. Bien évidemment, au moment de la validation des acquis, ce sont des éléments qui seront pris en considération par les jurys.

Cela dit, la personne qui a obtenu un CQP en trouve immédiatement une traduction positive dans le fait qu'on va lui donner quelques points de classification de plus, puisque cela a été négocié dans la convention collective.

L'un des risques serait donc le développement systématique de formes de certification par les branches et, en conséquence, la dévalorisation des diplômes qui sont aujourd'hui largement reconnus dans les conventions collectives.

C'est la raison pour laquelle il nous a semblé utile que le répertoire national des certifications soit cogéré par les ministères valideurs et les partenaires sociaux.

Là encore, je prendrai un exemple précis. Nous avons travaillé pendant plusieurs années à réviser un BEP dans le domaine du service, notamment parce que la profession de la restauration collective disait que ni les diplômes de cuisine, ni les diplômes de service n'étaient adaptés. On a donc ouvert une option nouvelle. Quelque temps après, la branche a ouvert un CQP exactement sur le même domaine en "clônant" le diplôme, tout simplement parce que ses responsables se sont dit que si les jeunes arrivaient avec un BEP de service, ils seraient plus exigeants en termes de salaires et qu'il valait donc mieux embaucher des chômeurs de longue durée avec des aides financières publiques et garder ceux qui conviennent en leur donnant le CQP.

On voit bien qu'il y a des querelles légitimes entre les différentes instances à ce sujet.

S'agissant de la fonction publique, l'effet sera sans doute limité, dans l'immédiat, puisque le principe de la fonction publique, aussi bien pour y entrer que pour y progresser, c'est le concours ou les procédures d'avancement prévues par les commissions paritaires.

Cependant, nous sommes déjà interpellés par les responsables de la fonction publique territoriale qui nous disent: "Dans une municipalité, des gens ont passé le concours d'attaché d'administration des collectivités territoriales mais, en même temps, on demande à ces gens d'exercer un vrai métier. Le jour où ils possèdent leur vrai métier, comment peut-on le valoriser ? Certes, on peut leur dire qu'un jour, ils deviendront attaché principal alors qu'ils ne sont qu'attaché ordinaire mais, en même temps, si cela consiste à leur demander une dissertation un peu plus sophistiquée ou à leur faire passer un oral inspiré de celui de l' ENA, ce n'est pas ce qui va valider leur métier".

Les collectivités territoriales commencent donc à s'intéresser à ce type de système, parce que cela pourrait offrir des voies de progression intermédiaires entre deux grands échelons de la fonction publique.

S'agissant de l'accompagnement, qu'il sera nécessaire de mettre en place, il n'y a pas de doute que cela exigera des moyens : des jurys devront se réunir, des gens devront s'absenter de leur travail pour préparer leurs dossiers ou pour se présenter devant les jurys. Il faudra donc prévoir une "ingénierie" du dispositif.

Les partenaires sociaux sont plutôt favorables à étendre la notion de formation professionnelle en y incluant l'accompagnement vers la validation des acquis, autrement dit à faire en sorte qu'une entreprise puisse imputer sur ses dépenses de formation le fait que tel ou tel salarié s'absente deux journées pour se présenter à un jury, voire que quelqu'un le guide et le conseille dans cette démarche de validation des acquis professionnels.

Le problème principal résidera sans doute dans la capacité que l'on a d'accueillir, d'informer et d'orienter. Aujourd'hui, si quelqu'un veut s'informer sur les diplômes existants, il peut aller à l'ONISEP, au CIO, à l'ANPE, à la mission locale, au CIDJ, au centre de bilans de compétences ou au bureau ouvert par le conseil régional, et je ne les ai pas tous cités. Il va revenir de tous ces guichets avec à peu près les mêmes informations ; on lui aura posé à peu près les mêmes questions ; mais je ne suis pas sûr qu'il aura trouvé la personne qui va lui dire : "Par rapport à ce que vous avez fait, voici le type de certification que vous pouvez raisonnablement viser et voilà comment on va vous aider à construire le parcours de formation complémentaire qui va vous permettre d'accéder à la totalité du diplôme".

Mme Nicole Péry a donc cherché, non pas à créer un organisme unique d'orientation professionnelle, qui aurait toutes les chances d'échouer, mais à mettre en réseau les organismes qui fonctionnent ensemble avec l'aide des conseils régionaux, qui ont certainement un rôle majeur à jouer dans cette opération.

Plusieurs conseils régionaux s'y sont engagés. Mme Nicole Péry doit signer bientôt un protocole d'expérimentation avec trois régions qui vont créer une plate-forme expérimentale de validation des acquis, en particulier pour les métiers du secrétariat. Il s'agit des régions limitrophes Aquitaine, Midi-Pyrénées et Limousin, qui ont souhaité regrouper leurs moyens et travailler ensemble dans la perspective de la future loi.

En ce qui concerne l'impact de cette réforme sur les organismes de formation, il est certain qu'il sera considérable. Mais c'est une nécessité absolue. L'un des drames de l'offre de formation continue, aujourd'hui, c'est que c'est une offre compacte et rigide. Par conséquent, bien des organismes de formation - je pense en particulier à des organismes de formation privés - attirent les clients en leur disant qu'ils auront le diplôme de leur école mais que, pour l'avoir, ils sont obligés de suivre la totalité de la formation. Très peu d'organismes de formation acceptent la souplesse qui consiste à dire : "Je prends la personne là où elle en est et je lui construis un parcours personnalisé".

Les grandes institutions, par exemple le CNAM, ont senti que les choses évoluaient et commencent à offrir des parcours plus individualisés, par exemple, l'accès à des certifications par sous-ensemble, ce qui permet d'éviter de suivre la totalité de celles-ci : ce sont les "certificats de compétences".

Ces parcours individualisés sont une nécessité d'autant plus forte que nous sommes en train de constater, depuis quelques mois, en France, un décollage extrêmement rapide des formations faisant appel aux nouvelles technologies de l'information et de la communication. Je ne dis pas que nous allons rattraper les États-Unis en l'espace de deux ou trois ans, mais nous prenons le même chemin. Cela renforcera l'individualisation de la formation. Non seulement l'individu pourra faire valider ses acquis mais il se formera à travers un CD Rom ou par Internet. Le contact avec le formateur sera le moment, pour lui, d'obtenir des explications complémentaires.

L'idée d'une formation rigide pendant quatre, six ou neuf mois, que l'on commence le 15 septembre et que l'on termine le 30 juin, est dépassée. Je crois donc qu'il faut que les organismes de formation s'y adaptent.

En ce qui concerne la réticence des corps, je voudrais dire que nous en avons discuté longuement avec la Conférence des présidents d'université, ainsi qu'avec un certain nombre d'organisations syndicales au sein de l'Education nationale.

Grosso modo, les présidents d'université nous ont dit : "Cela va être très exigeant pour nous, parce que nous serons obligés d'offrir des parcours individualisés et qu'il va falloir faire évoluer nos modalités de validation, mais nous estimons qu'étant donné la demande des adultes à l'égard de l'université, si nous ne le faisons pas, les universités n'auront plus la place qui leur revient dans la formation continue".

Les présidents d'université présents dans la Conférence nous ont donc dit qu'ils étaient disposés à aller de l'avant. Cela ne signifie pas qu'un certain nombre de membres du corps enseignant n'ont pas de réticences, mais je pense qu'aujourd'hui, ils sont plutôt minoritaires.

Quant à l'enseignement secondaire et, plus généralement, à l'ensemble des organisations syndicales au sein du système éducatif, sachez que ce projet de loi a été soumis, comme il se doit, au Conseil supérieur de l'éducation et qu'il a recueilli quarante-deux voix pour et une abstention. C'est la preuve que, de ce point de vue, les représentations ont beaucoup évolué par rapport aux débats qui ont eu lieu au moment de la loi de 1984.

Mme Yvette Roudy : Dans le même esprit, mais néanmoins dans un autre domaine, sachant qu'il peut exister parfois un déficit d'ingénieurs ou de techniciens et qu'en même temps, beaucoup de jeunes ont de très bons diplômes en littérature, en sociologie, etc ... mais ne trouvent pas de travail, ne serait-il pas possible, puisque, dans les deux cas, ce sont des gens qui ont une très bonne formation de base et qui se sont simplement spécialisés à partir d'un certaine âge, de créer des passerelles ?

Je l'ai fait avec succès pour des jeunes filles qui avaient choisi littérature ou sociologie et qui, après un programme en deux ans ou trois ans, ont pu passer techniciennes ou ingénieurs.

M. Vincent Merle : Mme Nicole Péry s'exprime souvent pour dire qu'il faut créer des "passerelles", tout d'abord parce que, parfois, deux certifications peuvent être assez proches et qu'aucune raison ne justifie qu'il n'y ait pas une « reconnaissance réciproque », et ensuite parce que des gens qui ont acquis des connaissances et des savoirs dans des domaines réputés généraux peuvent, au prix d'un certain nombre de compléments plus techniques, devenir, surtout à l'âge adulte, de très bons techniciens ou de très bons ingénieurs.

Faut-il le faire de manière rigide ou inciter systématiquement ceux qui délivrent ces certifications à le faire ? La voie choisie est plutôt celle de l'incitation. La commission nationale, dont j'ai parlé tout à l'heure, a dans sa vocation - c'est inscrit dans le projet de loi - d'amener petit à petit les certificateurs à établir ces systèmes de correspondances, de passerelles, de passages et de reconnaissances réciproques, afin qu'il y ait non seulement une plus grande lisibilité du système, mais aussi une plus grande fluidité.

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