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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 4ème jour de séance, 8ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 7 OCTOBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. Laurent FABIUS

          SOMMAIRE :

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 1

    RÉPONSES DU GOUVERNEMENT AUX QUESTIONS DES PARLEMENTAIRES 1

    VACCINATION CONTRE L'HÉPATITE B 3

    SÉCURITÉ 3

    EUTHANASIE 4

    KOSOVO 4

    POLITIQUE DES DÉCHETS 5

    VACCINATION CONTRE L'HÉPATITE B 6

    SUPPRESSION DES VENTES HORS TAXES AU SEIN DE LA COMMUNAUTé 6

    USINOR 7

    APPLICATION DE LA LOI 7

    RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL 7

DÉCISION DU BUREAU DE LA COMMISSION DES FINANCES 8

ACCORD CONSEIL DE L'EUROPE -procédure d'examen simplifiée- 8

ACCORD COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME -procédure d'examen simplifiée- 8

    ACCORD CONSEIL DE L'EUROPE 9

    ACCORD COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME 9

LOI D'ORIENTATION AGRICOLE (suite) 9

La séance est ouverte à quinze heures.


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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

RÉPONSES DU GOUVERNEMENT AUX QUESTIONS DES PARLEMENTAIRES

M. Didier Quentin - Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Je dis bien : à M. le Premier ministre, car elle porte sur les relations entre le Gouvernement et le Parlement. Il me semble en effet nécessaire de redéfinir l'objet des séances de questions au Gouvernement : s'agit-il, pour les ministres, de se livrer à un numéro d'autoglorification, ou bien doivent-ils apporter des réponses claires aux questions posées ?

Si l'objectif est bien d'informer la Représentation nationale, je me permets de vous indiquer qu'hier, Monsieur le Premier ministre, deux questions du groupe RPR sont restées sans réponse.

Oui ou non, la campagne de promotion des 35 heures a-t-elle reçu le visa du contrôleur financier ?

Oui ou non, les chiffres relatifs à l'augmentation de la délinquance et de la criminalité seront-ils rendus publics ? Et quand ?

Nous attendons des réponses précises (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Je répondrai moi-même à votre question, puisque vous le souhaitez, mais vous savez que le Premier ministre est libre d'apprécier s'il doit répondre lui-même ou s'en remettre à l'un des membres du Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

Tout serait plus simple si les intitulés de vos questions, tels que vous nous les transmettez, étaient plus clairs. Mais que dis-je ? Rassurons M. Debré, qui pourrait penser qu'il ne tient pas ses troupes -ce qui est impossible à imaginer... (Rires sur les bancs du groupe socialiste) Il ne s'agit même pas des intitulés, puisque vous ne nous transmettez rien.

Plusieurs députés RPR - Vous faisiez la même chose !

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Il paraît que l'opposition d'hier avait pris l'habitude de masquer ses questions. Mais on ne peut m'en faire le reproche, puisque je n'étais pas sur ces bancs à l'époque (Protestations sur les bancs du groupe du RPR).

En agissant de la sorte, on peut espérer surprendre -encore que les membres de ce gouvernement aient souvent prouvé qu'ils étaient capables de répondre au pied levé. Mais il y a un inconvénient : c'est lorsque vous posez une question précise...

M. Philippe Vasseur - A vous de nous répondre !

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Monsieur Vasseur, dans le passé, vous avez davantage été en situation de poser de questions que d'apporter des réponses ! Et quand vous avez rempli des fonctions officielles, vos réponses ne nous ont pas toujours paru satisfaisantes. En tout cas, elles ne vous ont pas empêché de vous retrouver sur les bancs de l'opposition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Il est clair que si vous nous informiez davantage sur vos questions, vous auriez plus de chance d'obtenir des réponses articulées.

Je vous rappelle cette loi de la vie parlementaire : vous êtes libres de vos questions et nous sommes libres de nos réponses.

Les membres du Gouvernement ne sont pas ici pour se livrer à un exercice d'autocongratulation. Mais je n'ai jamais vu dans notre vie politique, ni dans aucun pays, aucun gouvernement qui passerait son temps à battre sa coulpe et qui ne s'efforcerait pas de défendre sa politique. Vous le faisiez quand vous étiez aux affaires, en fonction de vos convictions. Supportez que nous le fassions nous-mêmes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

Pour avoir des réponses claires, confiez-nous vos questions. Je prends l'engagement que nous ferons de même, si jamais nous devions un jour retourner dans l'opposition. A l'évidence, nous n'y sommes pas ! (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR)

Par ailleurs, j'ai peut-être été insuffisamment attentif, mais il ne me semble pas que, dans la question posée hier à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, ait été évoquée la question du visa du contrôleur financier.

Alors, comment voulez-vous que nous répondions hier à une question que vous venez seulement de poser ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

Hier, vous avez demandé si l'appel d'offres avait eu lieu et Mme la ministre vous l'a clairement assuré. Elle a même rappelé le coût, bien plus élevé, de deux campagnes publicitaires menées par le précédent gouvernement...

Quant aux chiffres de la délinquance -je parle sous le contrôle du ministre de l'intérieur-, ils seront publiés à la fin de l'année, c'est-à-dire à la date habituelle. Comment pourrait-il en aller autrement ? Si nous manquions à notre conception de la transparence, vous pourriez alors nous rappeler à l'ordre de façon plus pertinente qu'aujourd'hui (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. le Président - Sans prendre parti, je constate qu'il est possible de répondre brillamment à une question imprévue.

VACCINATION CONTRE L'HÉPATITE B

M. Bernard Accoyer - Je regrette que M. le Premier ministre n'ait pas répondu à la question posée (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Monsieur le secrétaire d'Etat à la santé, vous avez décidé de suspendre la campagne de vaccination contre l'hépatite B en milieu scolaire, suscitant de la sorte l'inquiétude des parents, puisque 6,1 millions d'enfants ont déjà été vaccinés.

Or le syndicat des médecins universitaires et scolaires, celui des pédiatres et surtout l'OMS ont mis en cause les fondements de votre décision, estimant qu'à ce jour, aucune étude scientifique ne démontre l'existence d'un lien entre la vaccination et la sclérose en plaque. Il y a deux ans, le Réseau national de santé publique et le comité technique de vaccination avaient émis le même avis.

Répandue, l'hépatite B peut dans un cas sur mille se compliquer jusqu'à devenir mortelle. Dans 10 % des cas, elle évolue en cirrhose. Elle est aussi à l'origine de nombreux cancers.

Pouvez-vous nous indiquer les fondements scientifiques de votre décision et rassurer les familles ?

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé - J'ai demandé à ce que soit poursuivie la vaccination, mais selon de nouvelles modalités.

Vous avez eu raison de rappeler les dangers d'évolution en cirrhose et en cancer. Cela dépend des prévalences, qui ne sont pas les mêmes dans les pays du Nord que dans les pays du Sud.

Commencée en 1994, la campagne française de vaccination, conforme aux consignes de l'OMS, est la plus massive au monde. Mais des cas de scléroses en plaque chez des enfants vaccinés nous ont été signalés. Ils ont été étudiés dans le réseau de pharmacovigilance et par les associations concernées.

Depuis 1997, deux enquêtes ont été menées, dont la première en Grande-Bretagne, qui portait sur cinq millions de patients.

Les bénéfices de la vaccination étant bien supérieurs aux risques, la campagne va continuer chez les nourrissons, chez lesquels aucune affection n'a été signalée. J'en profite pour rassurer les pédiatres sur ce point.

Quant aux adultes, il ne faut plus les vacciner tous, mais seulement les adultes à risques, comme le préconise le comité technique de la vaccination.

Chez les adolescents, il faut procéder à un interrogatoire avant la vaccination, ce qui n'est pas toujours possible dans le cadre de la médecine scolaire. Nous allons y remédier, et lorsque cela sera fait, la campagne pourra reprendre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

SÉCURITÉ

M. José Rossi - Monsieur le ministre de l'intérieur, une dépêche de l'AFP du 30 septembre annonçait un couvre-feu pour les enfants, des séminaires de rééducation pour parents défaillants, l'obligation d'excuses et de réparations aux victimes. Bien sûr, cela ne se passait pas en France, mais dans l'Angleterre de votre cher Tony Blair : c'est le nouvel arsenal britannique pour combattre la délinquance juvénile. Certes, cela n'est pas ce que nous proposons pour la France. Mais je rappelle que l'an dernier, dans votre déclaration de politique générale, vous avez assuré, Monsieur le Premier ministre, et cela valait pour tout le pays, y compris pour les îles, que chaque personne vivant sur le territoire de la République avait droit à la sécurité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Plusieurs députés socialistes - RMI ! RMI !

M. José Rossi - Au colloque de Villepinte, le 25 octobre dernier, le Premier ministre répétait qu'il voulait assurer l'égalité de tous les citoyens, que c'était un devoir primordial de l'Etat. Chacun mesure aujourd'hui le décalage entre les décisions et les actes : l'insécurité se développe à une vitesse effarante dans le pays (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). On vient d'assister à une série impressionnante d'agressions contre des agents de la RATP, des bandes de jeunes sèment la terreur -y compris, ce qui est nouveau, des bandes de jeunes filles...

Plusieurs députés socialistes - RMI ! RMI !

M. José Rossi - Contestez-vous cette situation ? C'est pourtant la réalité.

Plusieurs députés socialistes - RMI ! RMI !

M. José Rossi - Des adolescents ont été écroués pour avoir séquestré et fait violence à des professeurs, des actes barbares ont eu lieu et, dans certains lycées, de graves dégradations ont été commises -deux établissements ont même dû fermer leurs portes. A l'évidence, le Gouvernement n'est pas capable de traduire en actes et en résultats les engagements qu'il a pris. Le groupe Démocratie Libérale vous le demande : allez-vous enfin, comme M. Blair, traduire vos engagements en actes ? Etes-vous satisfaits de ce qui se passe dans le pays ? Sinon, que ferez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim - Vous avez eu raison de rappeler les engagements du Gouvernement et sa détermination à établir la sécurité partout et pour tous -et nous mettons en oeuvre les moyens nécessaires. Vous paraissez douter de l'efficacité des services de police : pourtant, ces derniers ont arrêté très rapidement les auteurs de l'agression de Mantes-la-Jolie et, hier, l'agresseur d'un conducteur de la RATP. La police nationale a engagé des actions de sécurisation dans les transports, des gardes mobiles ont été appelés en renfort dans le métro. La détermination est entière, du côté des forces de sécurité comme du côté du Gouvernement, pour établir la sécurité indispensable à une vie sociale normale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

EUTHANASIE

M. Bernard Charles - Le débat sur l'euthanasie a été relancé voici deux semaines par deux affaires pénibles, mais on voit bien qu'il reste un tabou à lever. J'avais déposé il y a dix ans une proposition de loi sur le droit de mourir dans la dignité, mais la question fut écartée du débat relatif aux lois bioéthiques. Faut-il aujourd'hui légiférer, dépénaliser ? Ou laisser agir dans la clandestinité, cependant que certains médecins continueront l'acharnement thérapeutique en dépit du code de déontologie ? Le Gouvernement envisage-t-il un débat parlementaire dans un avenir prochain ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste)

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé - Je crois qu'il faut un débat à ce sujet, et nous avons l'intention de l'organiser au mieux, avec votre concours à tous, lors d'états généraux. Mais faut-il légiférer ? Je n'en suis pas si sûr. Les esprits ont évolué sur cette question, à propos de laquelle je ne préfère pas employer le vilain mot d'euthanasie. De quoi s'agit-il ? Il faut d'abord que les soins palliatifs -que je préfère appeler soins d'accompagnement- soient mieux assurés. Le plan de développement de ces soins apportera déjà une bonne partie de la réponse. Il y a ensuite le traitement de la douleur. J'ai aussi demandé au Premier ministre d'engager une réflexion sur la possibilité d'un congé d'accompagnement -est-il normal qu'on s'arrête pour une grippe et qu'on ne puisse le faire quand l'un des siens va mourir ?

Lançons un débat public sur ces questions, elles sont en effet à l'ordre du jour (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

KOSOVO

M. Noël Mamère - Je voudrais appeler l'attention sur le désastre humanitaire au Kosovo. Récemment, 18 corps mutilés ont été découverts par une mission diplomatique. Pourtant, le ministre yougoslave Jovanovic s'était engagé auprès de Kofi Annan à quitter le Kosovo. Les forces spéciales serbes ont multiplié les pillages et les incendies depuis neuf ans que le Kosovo résiste à l'oppression. Le Kosovo a été le grand oublié de Dayton et l'ONU s'en est tenue jusqu'ici à de bonnes intentions, le conseil de sécurité étant paralysé par l'opposition de la Chine et de la Russie à toute intervention militaire. La France et l'Europe laisseront-elles se répéter au Kosovo ce qui s'est passé en Bosnie ? La France est-elle prête à agir militairement avec l'OTAN et l'UEO pour mettre fin à ce désastre humanitaire ? (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste)

M. Robert Pandraud - Mamère sac au dos !

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Depuis le mois de mars, les pays du groupe de contact se sont mobilisés en vue d'une solution durable et équitable de cette question, devenue dramatique en effet depuis que, voici neuf ans, l'autonomie du Kosovo a été supprimée. Deux messages fermes ont été adressés aux autorités de Belgrade comme à l'UCK -sans que des solutions décisives en aient résulté. Nous avons obtenu ensuite le vote par le conseil de sécurité de la résolution 1199 -votée par tous ses membres, y compris les Russes- qui est déjà placée sous l'empire du chapitre 7, c'est-à-dire celui qui ouvre la voie à l'emploi de la force si nous le décidons.

Le groupe de contact s'est réuni à nouveau. Les pays de l'OTAN ont fait des préparatifs pour l'hypothèse où il faudrait, malheureusement employer la force pour corriger la situation, secourir des réfugiés, interrompre la répression ou déclencher des négociations. Les envoyés de différents pays sont déjà à l'oeuvre. Nous apprécierons, dans les jours qui viennent, si la convergence de menaces, de mises en garde, de sanctions et de propositions a permis de constater un début de changement.

M. Kofi Annan a noté que les forces militaires serbes ont été en partie retirées ainsi que les forces de police dans une moindre proportion. Sur le plan humanitaire, M. Milosevic a accepté l'envoi d'une mission de l'OSLE. Pour ce qui est des négociations, nous apprécierons vendredi ou samedi si les discussions dont nous avons demandé l'ouverture entre les autorités de Belgrade et les Albanais du Kosovo ont pu s'engager pour aboutir à un statut d'autonomie, seule solution sérieuse et durable.

A Florence, le Président de la République a rappelé la position de principe de la France, qui est aussi celle du Gouvernement. Le conseil de sécurité doit autoriser une action éventuelle. Nous nous appuierons sur la résolution 1199. Le risque d'une catastrophe humanitaire imminente pourrait nous obliger à employer les moyens nécessaires pour apporter des solutions durables. Cela dit, nous n'avons pu faire une évaluation définitive car nous ne disposons pas de tous les éléments nécessaires pour apprécier la situation sur le terrain, que nous suivons heure par heure (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

POLITIQUE DES DÉCHETS

M. Jean Launay - Actuellement, 6 % seulement des déchets sont triés, alors que neuf ménages sur dix se disent prêts à trier leurs ordures.

Dans une circulaire d'avril dernier, Madame la Ministre de l'environnement, vous vous fixiez pour objectif de supprimer les déchets bruts et de recycler la moitié des ordures ménages en 2002. Par rapport aux objectifs de la loi de 1992, beaucoup reste à faire compte tenu des enjeux économiques et environnementaux.

Le département du Lot a entrepris de généraliser la collecte sélective avant la fin de l'année 1998.

Cela dit, la mise en place des plans départementaux d'élimination des déchets ne va pas sans difficulté. Beaucoup de collectivités locales sont réticentes en raison des charges qui pèsent sur le tri sélectif, en particulier dans les campagnes.

Vous avez précisé, dans une communication en conseil des ministres le 26 août, Madame la ministre, les orientations de la politique des déchets : valorisation, tri sélectif, maîtrise des coûts de traitement. Des dispositions seront-elles prises pour inciter au tri sélectif et au recyclage, ainsi que pour faciliter la mise en place des plans départementaux dans les délais prévus ? Des dispositions économiques et fiscales s'imposent pour atteindre les objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste)

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - La communication que j'ai faite au conseil des ministres tendait à réaffirmer l'attachement du Gouvernement à une politique privilégiant la collecte sélective sur l'incinération et sur la mise en décharge. Des mesures ont été prévues à cette fin.

La première, qui figure dans le projet de loi de finances pour 1999, consiste à abaisser de 20,6 % à 5,5 % le taux de TVA sur la collecte sélective et la valorisation des déchets. Une remise à niveau des taxes sur la mise en décharge et sur l'incinération des déchets s'impose. Les investissements dans le secteur du compostage seront désormais encouragés à hauteur de 50 % au lieu de 20 % par l'ADEME, qui soutiendra davantage la recherche et le développement dans le secteur des déchets ainsi que la conception de matériaux plus facilement recyclables et récupérables.

D'autre part, nous avons négocié, notamment avec la société Eco-emballages une révision de ses barèmes d'intervention.

Enfin, il est indispensable de mieux associer les citoyens à cette politique et d'en faire des acteurs conscients du tri et de la valorisation. Une campagne nationale a été lancée à cette fin et nous avons encouragé la création de plus de 3 000 emplois-jeunes.

Nous avons décidé d'agir car l'enjeu n'est pas seulement écologique mais aussi économique dans ce secteur très créateur d'emplois (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

VACCINATION CONTRE L'HÉPATITE B

M. Alain Calmat - Vous avez annoncé jeudi dernier, Monsieur le secrétaire d'Etat à la santé, la suppression provisoire des campagnes de vaccination systématique contre l'hépatite B dans les collèges. A la suite de cette annonce, de nombreux quotidiens et l'OMS se sont exprimés dans des sens parfois diamétralement opposés, ce qui inquiète les parents d'enfants déjà vaccinés. Or votre décision s'apparente à une mesure de sécurité sanitaire découlant du principe de précaution.

La transparence aurait-elle fait défaut lorsque la première campagne de vaccination a été lancée en 1994 ?

Y a-t-il des éléments nouveaux étayant l'hypothèse d'un risque d'affection du système nerveux central lié à la vaccination ?

Faut-il modifier notre stratégie de vaccination, sachant qu'une vaccination plus précoce présente moins de risques ?

Je vous remercie, Monsieur le secrétaire d'Etat, de bien vouloir répondre à ces questions pour rassurer les parents d'enfants déjà vaccinés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé - Il faut rassurer tous les parents. Tel était, du reste, le but de la mesure de précaution que j'ai prise. La vaccination se poursuit, mais seuls les adultes à risques doivent la subir. Elle ne doit pas être pratiquée dans les endroits où l'on ne peut pas interroger les familles sur les antécédents personnels ou familiaux.

En 1994, le lancement de la campagne de vaccination répondait à une demande formulée par l'OMS en 1992 et n'était intervenu qu'après consultation du comité des techniques vaccinales et du comité de l'hygiène publique.

Pour ce qui est des éléments nouveaux, il s'agit des deux enquêtes énormes qui concluent, sans aucun doute, que les avantages de la vaccination l'emportent sur les risques mais qu'il faut rechercher les antécédents.

Enfin, l'OMS poursuit une stratégie d'éradication totale du virus d'hépatite B à travers le monde, mais chacun sait que cette stratégie peut varier selon les pays : dans les pays du Nord, on ne vaccine que les personnes à risques alors qu'il faut au contraire vacciner massivement dans les pays du Sud. Nous sommes en droit de déterminer nous-mêmes notre stratégie nationale en la matière.

Je regrette que mes déclarations aient suscité une telle incompréhension. Comment imaginer qu'on provoque l'angoisse en prenant davantage de précautions ? Sachons évoluer en fonction des données (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

SUPPRESSION DES VENTES HORS TAXES AU SEIN DE LA COMMUNAUTé

M. André Capet - A la suite de la mission que vous avez bien voulu me confier, Monsieur le Premier ministre, je vous ai remis le 23 juillet mon rapport sur l'impact économique et social de la suppression des ventes hors taxes prévue par une directive européenne de 1991 prenant effet au 30 juin 1999.

Si cette directive s'appliquait sans mesure d'accompagnement, elle risquerait de provoquer la perte d'un chiffre d'affaires de 6 milliards environ et de 10 000 emplois, ainsi qu'une éventuelle suppression du pavillon français sur le détroit du Pas-de-Calais.

Je vous ai proposé des mesures fiscales et financières que vous avez demandé à vos services d'étudier. Depuis la remise de mon rapport, de nombreux Etats membres ont exprimé des préoccupations qui renforcent la position de la France.

Dans ces conditions, peut-on envisager une remise en cause ou un report aménagé, avec l'accord de nos partenaires, de la directive de 1991 ? D'autre part, pensez-vous qu'une taxation progressive harmonisée, telle que je l'ai proposée, puisse recueillir l'approbation des autres pays de l'Union et de la Commission européenne ? Enfin, peut-on fixer un calendrier, sachant que l'échéance est très proche et que producteurs et transporteurs européens ont besoin d'informations précise pour préparer leur plan d'action pour 1999 ? L'inquiétude grandit dans les régions menacées.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget - Vous avez, Monsieur le député, rédigé un excellent rapport sur un vrai problème (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), qui est la suppression, à partir du 1er janvier 1999, des ventes hors taxe entre pays de la Communauté européenne. Vous avez souligné l'importance des conséquences de cette situation nouvelle, dont certains intéressés ont tardé à prendre conscience, sur le commerce transManche, du côté français, et sur l'emploi dans la région de Calais.

Vous avez formulé deux suggestions : revenir à la fiscalité de façon progressive, accorder des aides spécifiques aux entreprises ou aux collectivités locales pour conforter l'emploi (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Sur ces deux pistes que vous avez tracées, le Gouvernement travaille activement (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). En pareille matière, la décision ne relève pas seulement de la France. Le ministre de l'économie et moi-même avons saisi le commissaire européen chargé de la fiscalité pour étudier nos propositions. Ce dossier sera évoqué la semaine prochaine lorsque le Premier ministre se rendra à Bruxelles. Soyez-en sûr, ce vrai problème est suivi avec attention par le Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

USINOR

M. François Dosé - Le groupe Usinor affiche de bons résultats, dus à la qualité de ses dirigeants et de ses salariés, dus aussi aux participations publiques à l'oeuvre depuis vingt ans, et à des licenciements de grande ampleur. Or M. Francis Mer, président d'Usinor, vient d'annoncer sa nouvelle stratégie, qui consiste à concentrer l'activité du groupe sur un nombre limité de productions, si bien que quatre filiales sont aujourd'hui à vendre.

Des milliers d'emplois sont ainsi menacés, et des régions comme la Lorraine s'inquiètent. Parmi les repreneurs éventuels, tous étrangers, certains ne s'intéressent qu'au rachat de parts de marché. Entre les différentes hypothèses existantes, le Gouvernement est-il décidé à favoriser les solutions industrielles bénéficiant aux travailleurs et aux régions concernés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Le 22 septembre dernier, le groupe Usinor a annoncé son intention de se retirer de la production des produits longs, au profit de celle des produits plats. Cette décision relève du seul conseil d'administration d'Usinor, qui se détermine librement. Mais ce choix nous concerne en ce qu'il induit des conséquences sur l'emploi et sur l'aménagement du territoire. Il y a encore un avenir pour la production des produits longs en France, où les compétences sont grandes. Il nous faudra veiller à ce que le repreneur de ces activités ait un objectif industriel. Avec les moyens dont il dispose, le Gouvernement se montrera attentif et vigilant. Nous avons montré dans un passé récent que l'Etat possède une capacité d'intervention quand une orientation ne lui paraît pas souhaitable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

APPLICATION DE LA LOI

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Après vérification, je confirme que Mme de Panafieu a bien parlé hier du visa du contrôleur financier (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

Monsieur le Premier ministre, il y a vingt mois, le Parlement a voté la création de la commission régionale du patrimoine et des sites. Mais cette décision est restée lettre-morte, car les textes d'application ne sont jamais parus. Il s'agit là d'un exemple parmi beaucoup d'autres. Dans ces conditions, à quoi sert le Parlement ? Quelle confiance accorder à un Gouvernement dont l'administration fait constamment obstacle aux lois votées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication - La création de cette commission régionale était très attendue. Le décret est en navette. Il doit être incessamment signé par les différents ministres saisis (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

M. Maxime Gremetz - Les députés communistes ont contribué à l'adoption de la loi relative à la réduction du temps de travail. Au cours de la discussion, nous avons souligné la nécessité de dissuader les employeurs d'abuser du recours aux heures supplémentaires. Les dispositions que nous avons proposées permettraient de s'opposer à la volonté du CNPF de détourner la loi, et ainsi de ne pas créer d'emplois. Or ce que nous redoutions s'est bel et bien produit. Nous proposions de limiter le nombre des heures supplémentaires et d'accroître leur coût. En effet, indique l'INSEE, le nombre des heures supplémentaires s'élève à 400 millions par an, ce qui représente 230 000 emplois à temps plein, et ce nombre est en augmentation. Parce que nous voulons que la loi débouche sur des créations d'emplois, nous ne pouvons plus attendre. Il est indispensable de prendre des dispositions propres à empêcher le grand patronat de faire ce qu'il veut.

Quelles mesures comptez-vous adopter pour que les accords sur la réduction du temps de travail améliorent les conditions de travail et surtout aboutissent à la création d'emplois ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Le Premier ministre, hier, n'a pas dit que la question n'avait pas été posée. Il a demandé si elle l'avait été. Moi non plus, en raison du bruit, je ne l'ai pas entendue. Je précise donc que l'appel d'offres a eu lieu dans les conditions prescrites. Le contrôleur financier a donné son visa le 1er juin. Je vous communiquerai la succession des ordonnancements avec chaque fois le visa du contrôleur financier. J'aurais souhaité qu'il en aille de même dans les circonstances dont je vous ai parlé hier ! Nous aurons l'occasion d'en reparler (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Monsieur Gremetz, je ne m'inquiète pas de ce qui se passe sur le terrain. Certaines organisations patronales ont affiché leur volonté de contourner la loi. Mais la loi est la loi, et elle s'impose à tous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) L'accord signé dans la métallurgie n'est pas un vrai accord. Il s'agit d'un accord idéologique, et pas d'un accord social. Au reste, le patronat n'a pas demandé son extension à d'autres secteurs. Alors que cet accord ne doit s'appliquer qu'au 1er janvier 2000, soyez sûr que la deuxième loi ne prendra pas en compte les jours fériés dans le calcul de la durée du travail, ne permettra pas d'augmenter le nombre des heures supplémentaires, et réduira les sanctions relatives aux heures supplémentaires. Cette volonté d'impressionner les entreprises ne marchera pas ! Déjà 20 % des entreprises négocient des accords, et 20 % s'apprêtent à le faire. C'est le cas y compris dans la métallurgie. Pour la première fois peut-être, de vrais débats sociaux se développent dans l'entreprise sur la meilleure façon d'organiser le travail. Sur le terrain, des salariés nous disent leur fierté de contribuer ainsi à créer des emplois.

Les accords déjà signés, au nombre de 320, entraînent la création de 8 % d'emplois supplémentaires, soit plus de 4 000 en deux mois, n'en déplaise à l'UMM et au CNPF ! Les travailleurs veulent nous aider à résoudre le problème du chômage qui mine notre société (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 15 sous la présidence de M. Pericard.

PRÉSIDENCE DE M. Michel PERICARD

vice-président


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DÉCISION DU BUREAU DE LA COMMISSION DES FINANCES

M. le Président - J'informe l'Assemblée que le Bureau de la commission des finances a été saisi, en application de l'article 92, alinéa 2, du Règlement, de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité, adoptée par la commission des lois.

Il a été décidé que l'article 40 de la Constitution était opposable à l'article 15 de cette proposition.

Cette décision sera annexée à la suite du compte rendu de la présente séance.


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ACCORD CONSEIL DE L'EUROPE
-procédure d'examen simplifiée-


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ACCORD COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME
-procédure d'examen simplifiée-

L'ordre du jour appelle la discussion :

- du projet de loi autorisant la ratification du sixième protocole additionnel à l'accord général sur les privilèges et immunités du Conseil de l'Europe ;

- du projet de loi autorisant la ratification de l'accord européen concernant les personnes participant aux procédures devant la Cour européenne des droits de l'homme.

M. le Président - Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que ces deux textes seraient examinés selon la procédure d'examen simplifiée.

Conformément à l'article 107 du Règlement, je mettrai directement aux voix l'article unique de chaque projet.

ACCORD CONSEIL DE L'EUROPE

L'article unique, mis aux voix, est adopté.

ACCORD COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME

L'article unique, mis aux voix, est adopté.


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LOI D'ORIENTATION AGRICOLE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi d'orientation agricole.

ART. 3 (suite)

M. Jean Charroppin - Vous avez rappelé, Monsieur le ministre, l'évolution de l'agriculture française dans le cadre européen et sa triple dimension : économique, environnementale et sociale. Dans ce cadre, le contrat territorial d'exploitation est censé apporter les réponses adaptées aux défis présents et aux mutations futures de l'agriculture française. Toutefois, la création du fonds de financement des CTE prévue à cet article s'opérera par regroupement des crédits destinés à la gestion de l'espace agricole et forestier, ce qui paraît impliquer un redéploiement des moyens affectés à d'autres systèmes de soutien aux agriculteurs. En outre, il n'est ici fait nulle allusion à la spécificité des zones de montagne.

Je vous demande donc de veiller à ce que ces dispositions n'aboutissent pas à démunir durablement les bénéficiaires de mesures existantes et d'agir pour que la montagne ne soit pas oubliée.

M. Jean Proriol - Vous nous demandez, Monsieur le ministre, de créer un fonds pour alimenter les CTE. Mais Bercy vous a donné son accord, pas la clé du coffre... Il vous faut donc alimenter ce fonds en prélevant sur d'autres crédits, selon le principe des vases communicants. Or réduire les crédits destinés aux régions les plus déshéritées, notamment à la montagne, n'est pas une bonne solution, d'autant que les crédits européens feront défaut là où ils étaient initialement prévus. Nous regrettons donc que ce fonds ne soit pas alimenté par de nouveaux crédits et nous aimerions savoir quelles lignes budgétaires seront précisément concernées par les redéploiements.

M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche - Afin de lever tout malentendu sur le financement des CTE, il faut rappeler que je n'ai pas cherché à afficher pour 1999 une enveloppe qui aurait marqué les esprits mais qui aurait aussi été déconnectée des besoins réels. Une telle attitude aurait été en effet peu responsable au regard de l'exigence de gestion rigoureuse des deniers publics.

J'ai donc voulu donner au fonds les justes moyens pour lancer les premiers contrats qui, compte tenu des contraintes du calendrier du Parlement, ne devraient pas être signés avant l'automne 1999. Dans ces conditions, l'enveloppe de 450 millions -300 millions provenant du budget de la nation et 150 de crédits européens- sera largement suffisante.

Ce fonds sera donc alimenté par redéploiement des crédits de mon ministère. Le Gouvernement a toujours été clair : il s'agit pour lui de distribuer différemment les aides publiques non d'en ajouter de nouvelles. Dans ce cadre, 120 millions proviendront de la suppression du fonds de gestion de l'espace rural, 100 millions de la dotation des offices, 45 millions des OGAF, 15 millions du fonds d'installation en agriculture. Certaines de ces lignes budgétaires relevaient d'une philosophie très proche de celle des CTE et les objectifs seront repris. Ainsi, la disparition du fonds de gestion de l'espace rural ne signifie nullement la disparition des actions qu'il finançait. Comment ne pas voir que ceux qui s'opposent aujourd'hui le plus bruyamment à sa disparition ont soutenu des gouvernements qui ont à de multiples occasions prélevé dans ses ressources pour d'autres usages ?

M. François Sauvadet - Mais non !

M. le Ministre - Nous cherchons désormais à mieux articuler les objectifs économiques et l'emploi au lieu de se borner à compenser certaines contraintes.

Par ailleurs, des actions de protection des sites écologiquement les plus fragiles pourront désormais être financées par le fonds de gestion des milieux naturels, dont la création sera inscrite au budget 1999, et qui sera rattaché au budget de l'environnement et de l'aménagement du territoire.

Le redéploiement de 15 millions du fonds d'installation n'affectera pas les actions engagées dans la mesure où il correspond à des reliquats de crédits antérieurs.

Certaines actions relevant actuellement des offices relèveront désormais des CTE, tel sera notamment le cas des aides à la qualité, à la valorisation des produits du terroir, à la diversification. Nous en débattrons avec les professionnels au sein du Conseil supérieur d'orientation agricole. Notre objectif est de répartir les crédits publics de façon plus horizontale, en les liant moins à la seule logique des filières.

J'espère par ailleurs obtenir, dans le cas de la réforme de la PAC, une modulation des aides qui alimentent le fonds de financement des CTE. Cela n'a rien à voir avec une "renationalisation" de la PAC, que je combats vigoureusement. Ce que je défends, c'est une utilisation d'une partie des aides directes au financement d'actions qui répondent aux fonctions multiples de l'agriculture. Le principe de modulation des aides directes figure d'ailleurs dans les propositions de la Commission -le paquet Santer. C'est là un atout majeur dans la négociation, même si le système proposé par la Commission ne me semble pas encore satisfaisant.

La France a formulé de nouvelles propositions pour élargir le dispositif tout en évitant toute renationalisation.

Les modalités de répartition des aides seront fixées par un règlement communautaire, comme je l'ai indiqué lundi, et ces aides seront financées à 100 % par le budget européen.

Les propositions françaises figurent explicitement dans la liste des points que devra prochainement aborder le conseil des ministres de l'agriculture.

Une large majorité des Etats membres souhaite que la modulation des aides ne concerne pas seulement les projets agri-environnementaux, mais l'ensemble des opérations de développement rural. C'est un premier succès pour nous.

Ce dispositif ne nous empêche pas de redéployer, au niveau national, les crédits du ministère de l'agriculture, afin d'aller plus loin dans notre logique de redistribution des aides. C'est pourquoi, dans le budget pour l'an 2000, il faudra prévoir de nouveaux redéploiements, à négocier avec les organisations professionnelles.

Il est clair que les fonds alloués aux CTE sont appelés à augmenter. Nous en reparlerons dans un an, quand nous débattrons du budget pour l'an 2000. A ce moment, nous bénéficierons de la modulation des aides européennes, puisque la réforme de la PAC sera décidée.

Je n'ai jamais évoqué les chiffres de 30 000 F par CTE et de 12 000 CTE en 1999 que j'ai entendu citer plusieurs fois. Si le CTE correspond à un projet d'exploitation, le principe d'une aide forfaitaire serait inapproprié.

Le montant des aides dépendra de la qualité du projet, de son contenu. Je n'ai pas une vision technocratique du CTE, qui doit être un véritable contrat entre les agriculteurs et l'Etat.

On nous parle de files d'attente : je vous remercie d'apporter tant de crédit à notre projet...

Chaque fois qu'on met en place une politique, il faut, au fil des exercices budgétaires, faire valoir des priorités et procéder à des arbitrages. Ce fut le cas pour la politique de l'installation, pour les plans de développement, pour l'indemnité viagère de départ, qui ont été des succès. Je ne doute pas que le CTE en soit un également (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. André Lajoinie, président de la commission de la production - Je remercie M. le ministre, au nom de la commission, de nous avoir apporté ces précisions et de s'être engagé à ce que les décrets d'application entrent en vigueur en même temps que la loi. Si des projets de décrets pouvaient être prêts au moment de la deuxième lecture, ce serait encore mieux.

S'agissant du calendrier, M. le ministre nous a dit que le Sénat envisage de reporter l'examen de ce texte au début de l'année prochaine, ce qui provoquerait un certain retard.

Des éleveurs et des syndicalistes que je viens de recevoir m'ont fait part d'une préoccupation : compte tenu de la tension sur le prix du foncier agricole, des mesures conservatoires pourraient-elles être prises par les préfets avant la promulgation de la loi ? Il s'agit d'éviter que des personnes malintentionnées n'accaparent des terres à des fins spéculatives, empêchant de la sorte des jeunes de s'installer (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. François Patriat, rapporteur au nom de la commission de la production - Au cours des deux précédentes journées ont été évoqués les objectifs de la politique agricole et les CTE. Je m'en tiendrai désormais aux amendements, pour ne pas répéter toujours les mêmes arguments.

M. le ministre vient de décrire le financement des CTE, ce qui devrait apaiser les craintes de certains.

Par ailleurs, les départements et les régions s'impliquent déjà dans le soutien à l'agriculture, chaque collectivité choisissant ses domaines d'intervention. Rien ne les empêchera demain de participer au financement des CTE, ces concours éventuels n'étant pas inclus dans le fonds. La commission a donc adopté les amendements 82 et 551 qui vont dans ce sens.

M. le Ministre - Avis favorable.

M. François Guillaume - Le financement des CTE m'inquiète. Les régions seront sollicitées de plus en plus, comme le montrent les deux amendements en discussion.

En outre, si le ministre a longuement décrit le financement de ces contrats, il n'a pas été aussi prolixe sur leur contenu. Nous restons dans le brouillard. A la fin de cette semaine, quand nous serons dans nos circonscriptions, que dire aux agriculteurs ? Qu'on leur prend d'une main ce qu'on leur donnera de l'autre... pour en faire quoi ? Je l'ignore. Je ne sais toujours pas comment ils pourront solliciter ces aides et quelles opérations précises pourront en justifier le bénéfice.

Vous avez parlé d'un redéploiement de 300 millions. Sur ce total, 140 millions seront prélevés sur le FGER. Après tout, pourquoi pas ? Mais je cesse d'être d'accord lorsque vous vous proposez de prendre une centaine de millions aux offices, réduisant ainsi leurs moyens d'intervention.

M. le rapporteur a imaginé de soutenir le cassis de Dijon au moyen des CTE. Mais il y a les groupements de producteurs pour cela ! Ainsi donc, vous enlevez des moyens aux offices pour financer des opérations identiques à celles qu'ils traitent (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

En outre, vous comptez prélever une quinzaine de millions sur les fonds de l'installation, au motif qu'il y a eu un excédent cette année. Mais vous avez une ambition : augmenter le nombre des installations. Gardez donc ces 15 millions et utilisez-les à financer les procédures normales, qui ont fait la preuve de leur efficacité.

Enfin, vous ne pouvez pas faire reposer le financement des CTE sur les 150 millions prélevés sur les aides européennes, alors que les négociations ne sont même pas entamées et que vous ignorez ce qui en sortira ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. le Ministre - M. Guillaume rend un hommage bien tardif à ces offices qu'il a si longtemps combattus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Guillaume - Vous dites n'importe quoi ! Ces offices ont été créés par le gouvernement de Jacques Chirac !

M. le Ministre - Son départ précoce, hier, l'a empêché d'entendre ma réponse, dans laquelle j'ai décrit le contenu des CTE.

M. Stéphane Alaize - Notre collègue Guillaume a quitté l'hémicycle hier au mauvais moment : il avait un amendement oecuménique de M. Jacob, et je croyais un accord possible, car vos arguments initiaux tombent peu à peu. Vous aviez craint une "renationalisation" et une "sur-administration" : nous proposons précisément simplification et transparence. Il ne vous reste donc plus que des arguments spécieux. Acceptez donc l'amendement proposé : je suis sûr que vos conseils généraux et régionaux l'apprécieront !

M. Jean Proriol - Si l'explication qu'on nous a donnée pour le financement en 1999 est en effet claire, celle qui concerne les années suivantes a été longuette et laborieuse...

M. le Rapporteur - Circonstanciée !

M. Jean Proriol - En 1999 seront discutés les contrats de plan Etat-régions, dont certains disent que les CTE formeront les noyaux durs. En ce cas, vous engageriez les régions à prélever dans leurs autres budgets, sur des actions utiles et bien ciblées, M. Lajoinie le sait. Pouvez-vous nous assurer qu'on ne leur forcera pas la main ?

M. le Ministre - Les CTE seront bien les noyaux durs des contrats proposés aux régions (Exclamations sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Jean Proriol - Vous ne l'aviez pas dit jusqu'ici !

M. le Ministre - Je n'ai cessé de l'exprimer ! Mais c'est sur la notion de contrat que nous n'arrivions pas à nous comprendre. Pour nous, qui dit contrat dit l'exercice de deux volontés. Peut-être que de votre temps, on contraignait : telle n'est pas notre conception (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Christian Jacob - Ce qui sera pris sur les contrats de plan viendra au détriment des autres actions. Des actions telles que les plans de modernisation des bâtiments d'élevage, la lutte contre la pollution, la fertilisation, seront menacés. D'ailleurs, les masques sont tombés, car jamais le ministre n'avait encore été aussi clair. Or, ce qui sera touché en premier lieu, si l'on prélève sur le FGER, les offices, les OGAF, les fonds d'installation, ce sont les régions les plus défavorisées.

Par ailleurs, en ce qui concerne les fonds communautaires, ne craignez-vous pas que les Allemands, par exemple, "reprennent leurs billes" si nous faisons du financement franco-français" ? Et si on passe à des dépenses non obligatoires, elles seront chaque année remises en cause. C'est pour toutes ces raisons que nous ne pouvons pas vous suivre sur le financement que vous proposez.

M. François Sauvadet - Je rappelle que le FGER, c'est la loi de 1995 qui l'a créé, à la demande des jeunes agriculteurs, et que nous nous sommes battus, Philippe Vasseur en particulier, pour qu'il continue d'être alimenté. Je n'ai pas très bien suivi votre raisonnement sur le financement de ces 12 000 CTE, mais une chose est sûre, nous n'avons pas du contrat la même vision étatique que vous. Quoi qu'il en soit, il faut être clair : comment continuerez-vous les actions du passé en ce qui concerne le FGER et les OGAF, si vous prélevez sur ces fonds et renvoyez à des contrats individuels ? Comment préservez-vous les aides à l'installation en prélevant 15 millions sur leurs crédits ? Au total, ce sont 300 millions que vous enlevez à diverses actions.

Quant à l'Europe, nous avons déposé un amendement pour que les fonds de soutien au marché soient exclus de la négociation sur la PAC, et j'espère que là, vous serez cohérent.

Les amendements 82 et 551, mis aux voix, sont adoptés.

M. Maurice Adevah-Poeuf - Vous passez une demi-heure pour expliquer pourquoi vous êtes contre, et puis vous votez pour !

M. Charles de Courson - Il faut distinguer les fonds européens et les fonds nationaux. S'agissant de ces derniers, vous redéployer 500 millions, qui sont à la fois des crédits d'investissement et de fonctionnement : or la répartition des crédits globaux dépend du ministère des finances, dont vous dépendrez étroitement.

Quant aux crédits communautaires, rien ne dit que vous en obtiendrez pour abonder votre fonds nouveau -d'aucuns disent que vous seriez isolés au sein de l'UE. Notre problème essentiel, c'est de protéger les OCM, qui ne doivent pas être mises à contribution pour votre fonds. Tel est l'objet de l'amendement 517.

M. Patrick Ollier - Nous avons besoin d'éclaircissements sur le financement.

Nous voudrions être sûrs qu'aucun transfert risquant de remettre en cause les politiques engagées ne sera opéré. Les aides communautaires destinées à compenser les baisses de prix ne seraient pas du tout adaptés pour financer les CTE.

En ce qui concerne les offices interprofessionnels, j'ai plutôt le souvenir que M. Guillaume les avait soutenus. Quoi qu'il en soit, évitez de mettre en cause des politiques qui ont fait leurs preuves pour financer les CTE.

Mon inquiétude a également trait au fonds de gestion de l'espace rural dont nous avons difficilement sauvé les crédits qui n'ont nullement été doublés comme ils auraient dû l'être l'année suivant sa création. Aujourd'hui, ce fonds a trouvé son équilibre et sa finalité. Vous risquez de compromettre son avenir en puisant dans ses ressources pour financer les CTE.

Pour toutes ces raisons, nous souhaitons que l'Assemblée adopte l'amendement 312.

M. le Rapporteur - Après avoir brillamment défendu à la tribune une politique agricole que je n'approuve du reste pas, Monsieur Guillaume, pourquoi vous rabaisser, dans ce débat, au niveau des comices cantonaux ? Vous avez défiguré ma démonstration sur les offices. S'il n'y a plus aujourd'hui de producteurs de cassis dans la région de Bourgogne, c'est parce que ces offices n'ont pas rempli leur mission. Voilà pourquoi nous préférons désormais attribuer des crédits directement aux agriculteurs. D'autre part, seriez-vous contre la baisse des droits de mutation et des prélèvements obligatoires ? Il est vrai que la majorité que vous avez soutenue pendant deux ans les a augmentés de près de 150 milliards ! Faut-il vous rappeler la longue liste des mesures agricoles prises depuis 1936 grâce à des gouvernements de gauche et que la droite a combattues à leur création, qu'il s'agisse de l'office du blé ou des quotas par exemple ?

Pour ce qui est du FGER, nous considérons qu'il n'est pas bien ciblé. Hormis dans les zones de montagne, ses actions ont été détournées de leur objectif initial, qui était de soutenir les projets des agriculteurs.

M. Michel Bouvard - C'est ce que dit Bercy pour supprimer des crédits !

M. le Rapporteur - Rien n'interdit, à l'avenir, de cibler les crédits du FGER sur des projets économiques globaux.

Enfin, pour ce qui est d'exclure le financement des produits qui ne sont pas sous OCM, cette disposition est sans objet, compte tenu de l'article premier du projet.

Je demande donc le rejet de ces amendements.

M. le Ministre - J'invite à mon tour les parlementaires à ne pas se faire peur inutilement !

Lorsque j'ai pris mes fonctions, le FGER était doté de 40 millions. Grâce à un dialogue avec le ministre de l'économie et avec le secrétaire d'Etat au budget, j'ai obtenu que cette dotation soit portée à 140 millions.

Pour ce qui est de la distinction que vous opérez entre crédits d'investissement et crédits de fonctionnement, Monsieur de Courson, elle n'est pas pertinente puisque l'intérêt principal du fonds de financement des CTE est précisément de fusionner les deux. C'est sur le terrain que les crédits seront ventilés en fonction des besoins exprimés.

J'ai déjà exposé, à l'article 3, les conditions de financement de ces contrats. Pouvoir y affecter une partie des aides européennes versées en application des OCM est l'un des objectifs de la négociation en cours à Bruxelles. Voilà pourquoi, comme il ne peut y avoir de divorce entre la politique nationale et la politique communautaire, je suis défavorable aux amendements 517 et 312.

M. Léonce Deprez - Le ministre confirme qu'il y a bien eu une erreur de calendrier. En effet, n'aurait-il pas été préférable de ne légiférer sur le plan national qu'après que le ministre aurait obtenu les résultats qu'il escompte à Bruxelles ? Le grand problème, aujourd'hui, tient à la réforme de la PAC.

D'autre part, nous sommes un certain nombre de parlementaires à participer activement, dans les régions, au financement des opérations de revitalisation et de reconversion de l'espace rural. A ce propos, des inquiétudes se sont exprimées hier. Mme Aubert en avait déjà fait part lors d'une mission en Israël. Où la frontière entre les contrats de pays, qui sont un aspect important de la loi Voynet, et les CTE passera-t-elle ? N'y a-t-il pas là un risque d'affrontement entre le ministère de l'agriculture et celui de l'aménagement du territoire ?

Pour toutes ces raisons, il convient de ne pas mélanger les financements et de laisser de côté les fonds de l'Union européenne, tant que les résultats des négociations de Bruxelles ne sont pas encore connus.

M. François Guillaume - Après avoir récupéré tous les fonds possibles figurant dans le budget de votre ministère, vous tablez, pour l'essentiel sur les ressources communautaires, à la faveur d'une renationalisation de la PAC. Mais vous voilà pris à votre propre piège. Car les Allemands et quelques autres qui souhaitent diminuer leur contribution au budget communautaire, dans lequel les dépenses agricoles pèsent pour 50 %, demandent à chacun des Etats de financer les 30 % d'aides qui sont destinées à leurs propres producteurs. C'est pourquoi l'amendement de M. Lemoine est tout à fait justifié.

Quant aux offices, Monsieur le rapporteur, ne me reprochez pas d'être hostile à l'office du blé, je n'étais pas né quand il a été créé ! Au reste, ce sont des gouvernements de droite, à la demande du syndicalisme agricole unitaire, qui ont mis en place un certain nombre d'offices.

Il est clair que nous n'avons pas la même conception des offices. Vous en êtes resté à celle de 1932, qu'aucun gouvernement socialiste n'a jamais osé reprendre tant elle est inapplicable, et vous avez en fait une conception étatique des offices.

Pour nous, les offices sont destinés à favoriser l'organisation de la production, à compenser financièrement les difficultés conjoncturelles rencontrées par les agriculteurs en soutenant les marchés, à répartir certaines aides communautaires. En 1981, Mme Cresson a voulu utiliser les offices pour imposer des prix différenciés par région et par structure d'exploitation, ce qui était impossible. J'ai dû faire adopter en 1986 une loi pour supprimer ce dispositif.

Vous en revenez aux vieilles lunes socialistes, ce qui ne me surprend pas parce que, derrière vous, certains de vos collaborateurs sont ceux qui préconisaient le système mis en place en 1981.

M. Félix Leyzour - Je suis un peu surpris par ce que j'entends. D'un côté, on interpelle le ministre sur ce qu'il fait pour préparer les négociations relatives à la PAC et à l'OMC (Approbations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). Mais en même temps, on affirme que, dans l'ignorance du résultat de ces négociations, mieux vaut ne rien faire en attendant. Ces arguments sont contradictoires, d'autant que l'opposition, en son temps, avait déclaré vouloir conduire une réforme.

Nous, nous apprécions la réforme qui nous est proposée selon son contenu et par rapport au contexte européen et international.

Cette réforme ne réglera pas tout, mais elle peut servir de point d'appui pour résister aux prétentions du libéralisme et cesser de courir sur le même terrain que les Etats-Unis, mais derrière eux. Renoncez donc à faire traîner la discussion, puisque vous savez que vous n'aurez pas raison.

Les amendements 517 et 312, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président - Dans votre amendement 605, Monsieur Adevah-Poeuf, il faut remplacer "elle est consultée" par "qui est consultée".

M. Maurice Adevah-Poeuf - Outre cette rectification de forme, mon amendement est mal placé et je vais le retirer.

Sans revenir à la discussion générale, qui a été très abondante, je veux m'adresser à certains de nos collègues. Certes, le CTE soulève légitimement bien des questions.

M. François Sauvadet - C'est un aveu !

M. Maurice Adevah-Poeuf - Non, c'est un constat ! Mais certains d'entre vous, qui se reconnaîtront, abordent ce débat de façon à mes yeux insupportable ! Ils se comportent en donneurs de leçons, parlant des vieilles lunes socialistes. De quel soleil se réclament-ils, sinon d'un soleil couchant ? N'auraient-ils rien compris et rien appris depuis la loi d'orientation de 1960, qui avait ses mérites ? Aujourd'hui, la situation de l'agriculture est si magnifique qu'il faut y injecter toujours plus d'argent public, toujours plus d'administration, pour enrichir toujours quelques-uns ! En vérité, l'échec est complet ! A côté d'un certain nombre d'exploitations aux revenus dérisoires, d'autres, véritables entreprises, se portent très bien grâce surtout aux concours publics. Entre les deux se trouve une masse de gens surendettés, aux prises avec des problèmes insolubles. Monsieur Guillaume, vous vous êtes certainement reconnu ! Vous avez fait beaucoup : privatisation de la Caisse nationale du Crédit agricole...

M. Germain Gengenwin - Excellente mesure !

M. Maurice Adevah-Poeuf - Excellente pour la banque, mais pas pour l'agriculteur ! (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Un député UDF - Crédit lyonnais !

M. Maurice Adevah-Poeuf - La politique agricole menée depuis trente ou quarante ans nous a conduits là où nous en sommes. Soyons tous humbles, essayons de progresser ! Si vous ne voulez pas en être, libre à vous. Mais votre base a compris que vous l'avez menée à l'échec. Elle attend avec impatience que la Représentation nationale l'aide à s'engager dans une nouvelle direction. C'est une question d'intérêt général (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

L'amendement 605 est retiré.

L'article 3 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 4

M. Jean Vila - Elaborer un projet de loi d'orientation agricole implique de se prononcer sur le rôle de l'Etat dans la régulation de la production et des marchés. Que serait une agriculture livrée entièrement aux marchés mondiaux, avec leur logique de prix et de coûts du travail toujours plus bas ? Combien d'exploitations sont en mesure d'affronter une guerre économique ? Quel en sera le coût social ?

Les grandes cultures générant 65 % du chiffre d'affaires de l'agriculture française bénéficieront, rappelons-le, de 65 % des aides communautaires, tandis que pour 31 % du chiffre d'affaires les cultures méditerranéennes ne touchent que 6 % des aides, et qu'en raison du non-plafonnement des aides, environ 4 000 agriculteurs peuvent recevoir plus de 750 000 F d'aides directes. Nous demandons donc une répartition plus juste de ces aides, et un contrôle de leur efficacité économique.

L'article 4 dispose que les aides financières iront aux installations éligibles à la dotation Jeune agriculture. Or les enfants d'agriculteurs n'étant pas assez nombreux pour assurer la relève, il est indispensable d'attirer les jeunes issus d'autres milieux.

La rénovation du système d'attribution des aides doit être un des piliers de la politique d'installation, qui doit faire sa place à l'installation hors du cadre familial. En outre, les jeunes qui s'installent ne disposent que de rares capitaux, il faut mettre en place des prêts superbonifiés. Les parcours doivent pouvoir être diversifiés et l'installation se faire progressivement.

Dans mon département, où dominent la viticulture et la production de fruits et légumes, les agriculteurs que j'ai rencontrés ont souligné qu'un jeune qui s'installe et qui plante doit attendre cinq ans avant de percevoir de premiers revenus ; sa récolte livrée, il doit en attendre le paiement pendant deux ans. Il existe des prêts-retard, dira-t-on, mais les rapports avec les banques sont tendus et l'on ne prête facilement qu'aux riches. Ces agriculteurs suggèrent donc un système d'aide-type, revenu minimum ou contractualisé. Pour notre part, nous pensons qu'il y a place pour une démarche originale de la puissance publique : l'Etat pourrait accorder sa garantie à un prêt qui serait remboursé à mesure que l'exploitation dégagerait un revenu. Nous aimerions avoir votre sentiment sur cette idée, Monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

M. François Sauvadet - Etant de Thiers, M. Adevah-Poeuf ne pouvait être qu'incisif ! (Sourires) Mais il s'est aussi excité tout seul, montrant qu'il ne nous avait pas écoutés. Ce que nous demandons au Gouvernement, c'est avant tout de clarifier ses intentions. Notre collègue lui-même n'a-t-il pas admis que ce projet soulevait de grandes interrogations au sein de la majorité ? Ces incertitudes, il faut les lever : oui ou non, cette loi d'orientation donne-t-elle à notre agriculture les outils lui permettant de remplir les missions que nous lui assignons ?

S'opposent certes, ici, une vision de l'agriculture administrée, étatisée, et une conception plus décentralisée, plus soucieuse des hommes et des territoires. Mais nous refusons d'opposer, comme vous, les agriculteurs aux agriculteurs. Il ne s'agit, je le répète, que de juger les outils que vous proposez. Et, pour nous, il apparaît qu'ils ne sont pas adaptés aux défis à relever.

J'en viens plus précisément à l'article 4. "Lorsque (...) une part significative de l'exploitation est transmise à une autre personne, le contrat est résilié". Quelle est la valeur juridique de ce terme "significative", Monsieur le ministre ? Quid des GAEC familiaux ? En cas de départ d'un associé, vous considérez qu'il y aurait agrandissement : cette disposition inquiète nombre d'intéressés et M. Leyzour lui-même s'en est ému. Comme la précédente, cette question mérite une réponse précise.

M. Germain Gengenwin - M. Sauvadet avait si bien parlé hier que j'ai renoncé à m'exprimer sur l'article 3. Si je l'avais fait, j'aurais souligné la modestie des crédits destinés aux CTE, modestie dont ne peut se satisfaire une opposition responsable. Il est vrai que les premiers contrats ne seront pas signés, de votre aveu, avant septembre 1999. Cependant, l'article 4 éclaire aussi cette insuffisance des financements puisqu'il dispose que l'aide financière de l'Etat prendra "la forme de subventions, de prêts ou de bonifications d'intérêts, de remises partielles ou totales d'impôts ou de taxes" !

Nous connaissons déjà les premières réactions des intéressés après les réunions de travail organisées dans les régions et départements. Le président de mon CDJA s'est déjà inquiété de l'inclusion des aides à l'installation dans le CTE, ainsi que de la volonté que manifeste l'administration de prendre en compte les propositions des Verts, de la ligue de protection des oiseaux, des pêcheurs, des conseils régionaux et généraux, de l'association des maires... Que restera-t-il dans ces conditions de la démarche volontaire ? Les agriculteurs s'interrogent sur l'influence qu'ils pourront avoir sur la rédaction du cahier des charges... Vous le voyez, Monsieur le ministre, il faut fournir des explications plus précises !

M. Christian Jacob - Le début de cet article 4 m'inquiète autant qu'il inquiète M. Gengenwin. Est-ce à dire que l'octroi des prêts bonifiés pourrait être, dans certains cas, subordonné à la conclusion d'un contrat territorial ? Les prêts, qui se sont développés surtout dans les années 1970-1972, visent à favoriser l'investissement, au profit notamment des jeunes qui s'installent. S'ils étaient liés à la signature des CTE, ils changeraient véritablement de nature.

Vous avez déjà mobilisé le FIA pour ces contrats : n'allez-vous pas, sur la lancée, prendre aussi une partie de la DJA ? Ce serait un scandale ! Créée pour aider à constituer une trésorerie et un fonds de roulement lors de l'installation, cette dotation ne doit pas être détournée de son objet. Cela ne ferait que donner au ministre des finances un argument supplémentaire pour la supprimer et pour supprimer les prêts bonifiés. Vous avez déjà remis en cause une partie des financements destinés à l'installation, ne compromettez pas celle-ci totalement !

M. François Sauvadet - Très bien !

M. Maurice Adevah-Poeuf - Mon amendement 552 permet de passer des déclarations de principe -tout le monde se désole que 80 % des aides aillent à seulement 20 % des exploitations- aux travaux pratiques : je propose de plafonner les subventions, selon des modalités fixées par décret. Ne levez pas les bras au ciel en annonçant je ne sais quel risque de cassure au sein de la république paysanne : hier, M. Yves Coussain, honorable député UDF, représentant d'une ville et d'un département dont vous nous avez rebattu les oreilles deux jours durant -Aurillac, dans le Cantal !- sous prétexte d'une visite prestigieuse,... proposait de soumettre la conclusion d'un CTE à une condition de bénéfice agricole, ce plafond étant fixé par décret ! Au nom d'Aurillac, de M. Coussain et de la plus haute autorité de l'Etat, vous n'hésiterez pas, je pense, à vous rallier à mon amendement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement, estimant que l'amendement 86, modifié par le sous-amendement 742 corrigé, donnait satisfaction à M. Adevah-Poeuf.

Monsieur Guillaume, ne me taxez pas d'étatisme. Je n'ai pas défilé, moi, pendant trente ans à la tête de mes troupes en demandant toujours plus d'argent à l'Etat, pour mieux le vilipender ensuite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre - Je souscris à l'objectif visé par M. Adevah-Poeuf, mais je partage l'analyse du rapporteur.

M. Maurice Adevah-Poeuf - Il est vrai que le sous-amendement 742 corrigé a un champ quelque peu plus étendu que mon amendement. Quant à l'amendement 86, je fais confiance à la commission. Je retire donc volontiers mon amendement 552.

L'amendement 552 est retiré.

M. le Rapporteur - J'ai déjà défendu l'amendement 86.

M. le Ministre - Avis favorable, sous réserve de l'adoption du sous-amendement 724 corrigé.

Mme Marie-Hélène Aubert - La répartition actuelle des aides européennes, profondément injuste, est défendue par nos collègues de l'opposition, selon une curieuse conception du libéralisme où l'on pourrait produire autant qu'on veut et comme on veut, et demander ensuite aux pouvoirs publics de supporter la charge des dégâts, des pertes, des invendus (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe UDC). Qui fait de l'étatisme, de la technocratie, sinon ceux qui parlent par sigles et soutiennent un système totalement opaque ? (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Nous, nous voulons introduire responsabilité et maîtrise dans la production. Vous, vous défendez une conception bureaucratique qui vous profite (Mêmes mouvements).

Prévoir, comme nous le proposons par notre sous-amendement 742 corrigé, un plafonnement des aides dans les CTE -mais aussi dans la réforme de la PAC- serait une mesure élémentaire d'équité et de justice. A défaut, une fois de plus les exploitations les plus grandes, les plus puissantes, celles qui ont les moyens de se payer des conseillers pour s'y retrouver dans les arcanes de la réglementation, profiteront une fois de plus des fonds publics.

M. le Rapporteur - Avis favorable.

M. le Ministre - Favorable.

M. Félix Leyzour - L'amendement 86 est déjà le fruit d'un travail collectif en commission. L'objectif poursuivi ici est aussi de soutenir l'emploi à la campagne, et d'abord dans l'agriculture elle-même.

Nous avons également déposé un sous-amendement, le 847, mais l'essentiel est ici, dans un souci de justice, de prévoir la modulation et le plafonnement de l'aide.

M. Germain Gengenwin - Vous semblez mal connaître l'agriculture, Madame Aubert. Vous critiquez les excédents, ignorant les effets d'une mauvaise année (Murmures sur les bancs du groupe socialiste), trop sèche ou trop humide. L'agriculture ne peut être figée, elle est vivante !

J'en viens au sous-amendement 492 par lequel nous proposons que les aides soient modulées aussi en fonction du handicap géographique, notamment lié à la montagne.

M. Patrick Ollier - Je suis, pour ma part, favorable à l'amendement 86, à condition qu'il ne soit pas modifié dans le sens voulu par Mme Aubert.

Mais dès lors que les aides seront modulées, il est essentiel que l'on retienne comme critère le handicap géographique. Les 42 départements classés en zone de montagne souhaitent non seulement produire, mais aussi maintenir la vie dans ces régions. L'agriculture contribue aussi à l'entretien des montagnes et des vallées.

Or la spécificité de la montagne ne semble pas jusqu'ici avoir beaucoup intéressé la commission. Si vous souhaitez manifester un esprit de consensus, je vous conjure donc de voter au moins notre sous-amendement 542, afin de reconnaître la réalité des surcoûts induits par les bâtiments d'élevage, la mise aux normes, l'installation des jeunes, la modernisation des exploitations.

M. Michel Bouvard - Cessons de regarder derrière nous, de nous reprocher les erreurs passées ! C'est l'avenir de l'agriculture qui doit nous préoccuper.

Madame Aubert, il n'y a pas d'un côté ceux qui défendent les petits exploitants et de l'autre les libéraux échevelés -ai-je l'air d'un libéral échevelé ? (Sourires)- qui défendent les gros propriétaires. Dans ma circonscription, le revenu de tous les agriculteurs est inférieur à la moyenne nationale.

J'en viens à mon amendement 860, qui vise également à ce que l'on tienne compte du handicap géographique. Si je comprends que la commission et le Gouvernement aient jugé superfétatoires les amendements déposés par des collègues de l'opposition comme de la majorité à propos de la montagne, nous sommes cette fois au coeur du débat puisqu'il s'agit des aides qui seront apportées dans les CTE. Il faut absolument que l'on tienne compte du handicap géographique, surtout si l'on institue un plafond.

M. Ollier a rappelé les surcoûts liés à l'activité agricole en montagne. J'ajouterai à sa liste ceux qui sont liés à la collecte du lait et au contrôle sanitaire du cheptel.

Un mot, enfin, contre le sous-amendement 847 de nos collègues communistes, qui n'en ont sans doute pas mesuré les effets pervers ? Si l'on peut comprendre l'introduction d'une dégressivité selon la taille des exploitations pour les zones céréalières, cela serait dramatique pour les zones d'élevage, notamment en montagne où celui-ci est extensif. J'insiste donc pour que nos collègues retirent cet amendement.

M. le Rapporteur - Le sous-amendement 847 me semble satisfait.

Et ne croyez pas que le rapporteur ne partage par les inquiétudes des producteurs installés en zone de montagne. Mais le ministre en a pris l'engagement hier, les crédits destinés à la montagne seront maintenus, ils ne seront pas intégrés à ceux consacrés aux CTE.

Ceux-ci au demeurant concernent au premier chef la montagne, puisqu'ils sont faits pour les régions en difficulté et la promotion de la qualité.

Monsieur Ollier, le "handicap géographique" n'est pas seulement le fait de la montagne. Nous allons avoir quantité d'amendements en faveur du littoral, des zones humides, des zones sèches, des marais... Tel n'est pas l'esprit de la loi : le CTE s'adresse à tous les agriculteurs, y compris et même surtout à ceux des zones de montagne.

La commission a accepté le sous-amendement 742 et repoussé tous les autres.

M. le Ministre - Je souhaite apporter une précision à M. Jacob. J'ai dit que je souhaite conditionner l'attribution des aides à la prise en compte d'objectifs d'intérêt général. Cela ne signifie pas que toutes les aides publiques vont basculer dans le dispositif du CTE.

Ce sera cependant le cas d'une part importante d'entre elles. Ainsi, les aides à l'installation ne sauraient être tenues à l'écart du CTE. Comment réorienter notre politique agricole sans se soucier des jeunes ?

M. Jean Auclair - La DJA aussi ? C'est scandaleux !

M. le Ministre - Je vous en prie. Nous l'avons évoqué avec les organisations professionnelles. Vous découvrez que nous voulons réorienter la politique agricole. Votre surprise me surprend.

S'agissant des transmissions, il ne vous a pas échappé que cet article prévoit un décret d'application. J'attends, pour sa rédaction, la synthèse des débats en cours dans les départements -car nous sommes des partisans de la décentralisation (Interruptions sur les bancs du groupe UDF).

Nous travaillons. Le CTE n'est pas un paquet ficelé. Une démarche est engagée.

Favorable à l'amendement 86, le Gouvernement préfère le sous-amendement 742 aux autres. Ce texte doit rester lisible. Quant à la montagne, Monsieur Bouvard, je ne reprendrai pas mes propos d'hier (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Christian Jacob - Monsieur le ministre, les masques tombent ! Vous nous dites maintenant que vous allez cautionner l'attribution des prêts et de la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs ! Je ne vois malheureusement personne du CNJA ou de la FNSEA dans les tribunes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Hier, de même, vous avez annoncé que vous ne vous contenterez pas de l'avis de la commission départementale d'orientation agricole et qu'il faudra aller voir le préfet, y compris pour la nature du matériel utilisé ou le type d'assolement ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

Vous remettez en cause trente ans de politique agricole négociée ! Je sais bien que vous vous préparez à partir au Sénat, mais vous prenez une énorme responsabilité !

S'agissant du sous-amendement 742, donnez-moi un exemple de subvention ou de bonification qui ne soit pas plafonnée ?

Quant à l'artifice consistant à faire reposer le financement des CTE sur la modulation des aides communautaires, je vous rappelle que celles-ci sont versées sous la responsabilité de l'Union européenne et sous le contrôle des quinze Etats membres. On ne peut prétendre les régir par une loi française ! La vérité, c'est que vous êtes prisonniers des extrémistes de votre électorat. Vous dites n'importe quoi pour satisfaire quelques ayatollahs.

M. Kofi Yamgnane - Démago !

M. Jean-Claude Lemoine - Pourquoi ce plafonnement ? Sur quelles bases ? A l'hectare ? En fonction du nombre d'UGB ? Pour ma part, je fais toute confiance au ministre pour attribuer et moduler les aides en fonction de critères précis, de manière à éviter les abus. Le sous-amendement 742 me semble insultant pour le ministre. Son objectif est purement idéologique. On veut faire maigrir les "gros". Mais dans ce cas, les maigres meurent ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

M. Philippe Vasseur - Ce débat me rend perplexe, car malgré la concertation, de nombreuses zones d'ombre demeurent. Le principe du CTE n'est pas condamnable. C'est une bonne idée. Mais qu'en sera-t-il de l'application du dispositif ? Nous vous avons interrogé sur son financement. On nous a d'abord répondu de manière vague. Et puis le voile se lève. Vous venez de le dire : pour financer le CTE, qui va coûter des milliards, vous remettez en cause les politiques existantes, y compris l'installation des jeunes !

A ceux qui envisagent de reprendre une exploitation, je conseille de s'interroger. Dans deux ans, ils n'auront plus les mêmes aides, la même dotation, les prêts bonifiés, alors que dans la charte nationale d'installation des jeunes, rédigée par le précédent gouvernement, il était prévu d'augmenter les crédits de la DJA et des prêts bonifiés.

Cette loi aura des conséquences plus graves que certains l'ont imaginé.

Quant à la modulation des aides, qui peut être contre ?

Plusieurs députés socialistes - Vous !

M. Philippe Vasseur - Si vous connaissiez un peu mieux les problèmes agricoles... (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV), vous sauriez que nous y sommes favorables ! D'ailleurs, toutes les aides, aujourd'hui, sont modulées. Ainsi, la DJA est deux fois plus importante en zone de montagne qu'en plaine. De même, lorsque s'est déclenchée la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine, les aides aux éleveurs que nous avons obtenues de l'Union européenne étaient, elles aussi, modulées. Au plan national comme au plan communautaire, le modulation existe depuis longtemps !

Mais avec le sous-amendement 742, c'est autre chose qui se profile : le plafonnement et la modulation, ce n'est pas la même chose. C'est un autre débat.

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Philippe Vasseur - Monsieur le Président, je n'ai pas abusé.

Je prends date, Monsieur le ministre? Dans la négociation difficile qui va s'ouvrir, la position de la France sera délicate. Vous savez bien que dans chaque débat avec nos partenaires, il faut forcer le passage et surtout éviter de baisser la garde. J'espère qu'en acceptant le principe du plafonnement, vous n'ouvrez pas la voie à une réorientation des dépenses de l'agriculture vers d'autres chapitres du budget européen. Si jamais, au terme des prochaines négociations, la France devait recevoir moins qu'aujourd'hui, votre responsabilité serait lourde (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. François Sauvadet - Je crains, moi aussi, un repli a priori -heureusement, le Président de la République aura son mot à dire dans la négociation. Un tel repli serait d'autant plus grave que le paquet Santer comporte aussi une réforme des fonds structurels, lesquels ne concerneraient plus que 9 % du territoire français, et qu'ainsi notre agriculture serait "prise en sandwich".

Mme Aubert a opposé les "gros" et les "petits" : il n'y a rien à gagner à opposer les uns aux autres, ce qui compte en définitive, c'est que ceux qui exploitent dans les régions les plus fragiles puissent continuer demain à exploiter -or le CTE n'est sans doute pas la bonne réponse. D'ailleurs, les professionnels, qui n'avaient pas bien compris au début de quoi il retournait s'interrogent à présent, notamment sur le rôle exclusif laissé aux préfets -puisque vous n'avez pas voulu de l'avis conforme des commissions d'orientation agricole.

M. le rapporteur dit que le CTE, c'est ce qu'il faut pour la montagne : à condition que la montagne n'accouche pas d'une souris ! Vous avez récusé le nombre de 12 000, mais pas les 300 millions. Et vous n'avez pas dit comment vous obtiendriez les 150 millions de concours communautaires. Vous parlez de décentralisation, mais nous n'en avons pas la même conception que vous, qui consiste à faire élaborer un contrat-type par l'Etat, puis à demander aux collectivités de payer !

M. Félix Leyzour - En général, Monsieur Bouvard, si l'on parle de dégressivité, ce ne sont pas les petites que l'on vise, mais les grandes exploitations.

M. Michel Bouvard - Des grandes exploitations qui rapportent peu !

M. Félix Leyzour - Il n'est pas anormal de moduler et de plafonner les aides afin de donner plus à ceux qui en ont le plus besoin.

M. Michel Bouvard - Là-dessus, nous sommes d'accord.

M. Félix Leyzour - Je ne crois pas, Monsieur Vasseur, qu'accepter des injustices dans la répartition des aides soit la meilleure façon de défendre notre agriculture au niveau européen...

M. Philippe Vasseur - Je n'ai pas dit cela.

M. Félix Leyzour - C'est bien ce que vous avez dit en substance, ayez le courage de vos idées (Interruptions sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. le Président - L'impartialité oblige à dire que M. Vasseur n'a pas prononcé le mot "injustice".

M. Félix Leyzour - Je reconnais là votre esprit de conciliation, Monsieur le Président, mais je maintiens qu'on ne peut se satisfaire des injustices d'aujourd'hui sous prétexte de mieux défendre l'agriculture française dans la négociation européenne. Je retire le sous-amendement 847, car il est satisfait.

Le sous-amendement 847 est retiré.

M. Jean Auclair - Vous avez lâché ce qu'il ne fallait pas dire, Monsieur le ministre : que les aides seront progressivement intégrées dans le CTE et que celui-ci sera le passage obligé pour bénéficier de prêts bonifiés et de la DJA. Cela est inacceptable, et vous pouvez commencer à renforcer les grilles de vos permanences (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Maurice Adevah-Poeuf - Scandaleux !

M. Jean Auclair - Ce qui est scandaleux, c'est ce que le monstre avait caché !

M. Maurice Adevah-Poeuf - Vous appelez à la guerre civile ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR)

M. le Président - Je vous en prie, chers collègues.

M. Jean Auclair - Quand la FNSEA et le CNJA sauront ce que vous avez dit, je crains qu'ils ne vous abandonnent.

Mme Marie-Hélène Aubert - Une politique utilisant des fonds publics ne vaut que par ses résultats, et il est bien du rôle des parlementaires de vérifier ceux-ci. Or la politique actuelle ne fonctionne pas bien. Ainsi, on voit que beaucoup de jeunes agriculteurs s'installent sans recourir aux aides, soit que les procédures soient inadaptées, soit que la transparence ne soit pas assurée. Nous souhaitons tous que de nombreux jeunes s'installent : encore faut-il renverser les tendances lourdes qui s'y opposent.

Quant à la modulation, M. Vasseur nous dit qu'il a toujours été pour. Mais ce qui importe, c'est de connaître les critères : s'il s'agit de donner plus quand augmentent le nombre d'hectares ou le tonnage produit, nous ne sommes pas d'accord. Nous considérons qu'il ne faut pas s'en tenir à des critères quantitatifs. Alors, M. Jacob nous dit qu'il n'y a pas d'aide de l'Etat qui ne soit pas plafonnée : mais s'il en est ainsi, pourquoi ne pas l'écrire ?

Enfin, Monsieur Sauvadet, ce n'est pas en plafonnant qu'on oppose les gros et les petits, bien au contraire. C'est vous qui opposez les gros et les petits, car à enveloppe égale, si on plafonne certaines aides, on peut donner plus.

Bref, le sous-amendement 742 corrigé est de bon sens. Je suis heureuse de voir qu'il recueille l'assentiment général (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. le Ministre - J'ai écouté avec intérêt tous les intervenants, en particulier M. Jacob. Lui arrive-t-il encore de dialoguer avec les responsables de la FNSEA ou du CNJA ? (Protestations sur les bancs du groupe du RPR)

Je suis allé dire dans votre département, Monsieur Auclair, que j'étais contre le paquet Santer. Huit jours après, j'ai reçu un hebdomadaire -dont vous assumez la direction- disant que j'étais pour ! J'ai obtenu un droit de réponse !

Cela dit, l'indignation que vous avez manifestée tout à l'heure était feinte. Ce n'est pas d'aujourd'hui, à 18 heures 30, que date la décision de réorienter la politique agricole, mais du 10 juin 1998, date à laquelle j'ai déposé ce projet dont l'article 4 dispose : "L'aide financière de l'Etat aux exploitants agricoles prend la forme de subventions, de prêts ou de bonifications d'intérêts, de remises partielles ou totales d'impôts ou de taxes.

"Les objectifs prioritaires de cette aide financière sont : l'installation de jeunes agriculteurs encouragée par la politique d'installation définie à l'article L. 330-1 ;..." Donc, ou bien vous avez mal lu, ou bien vous ne côtoyez plus les responsables agricoles, avec qui j'ai une concertation sereine sur toutes ces questions (Protestations sur les bancs du groupe du RPR).

S'agissant de la PAC, M. Sauvadet a fort heureusement rectifié les propos de M. Vasseur disant que le Gouvernement porterait une lourde responsabilité. Soyez rassurés : la France parlera d'une seule voix et ce ne sera pas seulement celle du Gouvernement. Si d'autres ouvrent le parapluie, pour notre part, nous assumons nos responsabilités. Pour chaque conseil agricole décisif dans les négociations de la PAC, le Président de la République, le Premier ministre, moi-même et éventuellement les autres ministres concernés, déterminons quelle sera la position de la France : celle-ci est choisie ; elle est officielle et cohérente. Elle consiste à s'opposer aux propositions du paquet Santer et à préparer une réorientation de la PAC destinée à la mettre à l'abri des assauts qui ne manqueront d'être lancés pour la démanteler (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

M. Michel Bouvard - Nous n'avons pas débattu des handicaps géographiques. Or mon amendement 860 a fait l'objet d'un consensus de la part de tous les députés des zones de montagne, sur quels que bancs qu'ils siègent. Il est justifié dès lors qu'on plafonne les aides. Nous tenons à ce que la notion de handicap géographique figure dans la loi.

Cela peut même être un atout pour les négociations ultérieures à Bruxelles. En effet, ainsi que nous l'a indiqué le commissaire européen Fischler, si une partie des aides va être nationalisée, il faut d'abord que l'Etat montre qu'il a une politique propre à l'égard des zones de montagne. Le CTE doit prendre en considération les différences géographiques, qui imposent des contraintes, et les caractéristiques d'exploitation diverses.

J'accepte qu'on plafonne les aides en fonction du nombre d'UGB, mais non en fonction du nombre d'hectares, car ce critère n'est pas valable pour l'élevage.

Le sous-amendement 742 corrigé, mis aux voix, est adopté.

Les sous-amendements 492, 542, 543, 761 et 860, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'amendement 86 sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Les amendements 83 et 84 sont rédactionnels.

Les amendements 83 et 84, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.

M. Paul Patriarche - Je retire mon amendement 271, car j'avais mal interprété les CTE. Cela dit, Monsieur le ministre, je vous adresserai une question écrite sur ce sujet.

M. François Guillaume - Le ministre propose que si les conditions du CTE ne sont pas respectées, toutes les aides qui y sont liées soient supprimées. J'avais déposé un amendement précisant "sauf en cas de force majeure", mais il est passé à la trappe pour des raisons que j'ignore. Or si nous n'introduisons pas cette restriction, nous nous exposons à de graves difficultés.

J'en viens à mon amendement 314. Les agriculteurs doivent savoir si oui ou non toutes les aides qu'ils percevaient jusqu'à présent seront désormais subordonnées à la réalisation d'un CTE, ce qui ne serait pas une bonne chose. Si la majorité repousse cet amendement, les choses seront claires et nous pourrons expliquer dès demain aux agriculteurs que, s'ils ne sont pas dans un CTE, ils ne toucheront plus aucune des aides existantes.

L'amendement 314, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 85 est rédactionnel.

L'amendement 85, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 4, mis aux voix, est adopté.

ART. 5

M. François Sauvadet - Vous n'avez pas parlé, Monsieur le ministre, de fonds structurels européens. Or je vous ai alerté sur le pourcentage des régions qui seraient concernées par ces fonds si le paquet Santer s'appliquait, ce que nous ne souhaitons pas.

La politique ne se paie pas de mots, elle s'exprime en actes. Nous vous donnons rendez-vous.

Enfin, il a fallu attendre l'article 5 pour que vous acceptiez un amendement précisant que la CDOA puisse donner un avis sur les contrats-types. Tant il est vrai que votre conception est étatique.

M. Michel Bouvard - L'amendement 931 tend à élargir la compétence de la CDOA à la souscription des CTE, afin de conserver toute sa cohérence au projet agricole départemental.

M. le Rapporteur - Monsieur Sauvadet, notre vision n'est nullement étatiste. Mais on ne peut pas demander toujours plus à l'Etat, et lui dénier tout droit de regard sur l'attribution des crédits.

Monsieur Bouvard, l'amendement 80 adopté à l'article 2 vous donne satisfaction. Les CDOA sont consultées pour l'élaboration des contrats-types. Leur donner compétence dans l'attribution des CTE compliquerait à l'excès le dispositif. Après consultation des CDOA lors de l'élaboration des contrats-types, en cohérence avec le projet départemental, le préfet signera. Voilà qui est simple.

Monsieur Guillaume, jamais le ministre n'a déclaré que les aides comme la DJA étaient subordonnées au CTE.

La commission a rejeté l'amendement.

M. le Ministre - De fait, l'amendement 931 est redondant dans ses deux premiers alinéas, avec les dispositions de l'article 2. Le dernier alinéa, lui, est trop précis. Laissons jouer la préfiguration actuellement en cours, qui permettra de définir les procédures de façon détaillée. Au demeurant, ces procédures sont du domaine réglementaire. Que M. Bouvard veuille bien retirer son amendement, sinon je m'y opposerai.

L'amendement 931 est retiré.

Mme Marie-Hélène Aubert - Il convient d'adapter les instances compétences à l'objectif de multifonctionnalité. Nous proposons donc, par l'amendement 739, d'ouvrir la CDOA aux associations de protection de l'environnement et de consommateurs, qui sont eux aussi concernés.

M. Michel Bouvard - Ah non !

M. le Rapporteur - La composition de la CDOA relève du décret. Le ministre a déclaré qu'en juin 1999 elle serait reconsidérée, et votre souhait sera entendu. Rejet de l'amendement.

M. le Ministre - Oui, la CDOA sera bien élargie dans le sens suggéré par Mme Aubert. Mais cette modification relève du domaine réglementaire. Je vous prie donc de retirer votre amendement.

L'amendement 739 est retiré.

M. Félix Leyzour - Notre amendement 836 répond à la même préoccupation que le précédent, c'est-à-dire tenir compte de la multifonctionnalité de l'agriculture. Le décret en tirera les conséquences dans la composition de la CDOA.

M. le Rapporteur - Le ministre vient de s'expliquer. Rejet.

M. le Ministre - J'ai en effet fourni des assurances propres à satisfaire M. Leyzour, que je prie de retirer son amendement.

M. Félix Leyzour - Je prends acte des réponses du ministre.

L'amendement 836 est retiré.

M. Germain Gengenwin - Le ministre confirme donc que plusieurs organismes extérieurs au secteur agricole seront représentés au sein de la CDOA. Voilà qui aura des conséquences importantes.

En liaison avec notre amendement à l'article 2, l'amendement 518 tend à ce que l'avis donné par la CDOA soit conforme.

M. le Rapporteur - Avis tout à fait défavorable. Vous voulez donc créer de la sur-administration, et ainsi tout compliquer ?

M. le Ministre - J'ai expliqué hier pourquoi je n'étais pas favorable à cet amendement.

M. Patrick Ollier - Que sera au juste le contrat-type ? L'article 2 dispose que le CTE est facultatif. Comment, dans le contrat-type, concilier ce caractère facultatif avec l'automaticité de certaines aides qui seront incluses dans le CTE ? Quel sera le sort de l'agriculteur qui ne souhaite pas souscrire un CTE ? Comment les aides lui seront-elles attribuées ? Certains élus de la montagne, à gauche, se sont eux aussi émus. Comment, dans les zones de montagne, avec le blocage du plafonnement par rapport à la superficie, l'aide à l'extensification pourra-t-elle être maintenue ? Madame Aubert, la démarche que vous avez préconisée va nous enfermer dans une incohérence totale (Mme Marie-Hélène Aubert proteste).

M. Patrick Ollier - On ne peut à la fois vouloir encourager l'extensification et plafonner en fonction de la superficie !

D'autre part, si vous refusez de tenir compte des handicaps géographiques, comment les agriculteurs de ces mêmes zones pourraient-ils bénéficier d'une modulation ? Je crains fort que, sous l'emprise de la passion ou parce qu'elle jugeait l'affaire plus politique que technique, la majorité n'ait commis des erreurs en votant des amendements qui aboutissent à des incohérences -et dont les agriculteurs feront les frais (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. le Rapporteur - Vous confondez tout ! D'une part, votre propos n'avait aucun rapport avec l'amendement en discussion...

M. Patrick Ollier - Je n'ai pas soutenu le contraire...

M. le Rapporteur - D'autre part, le ministre n'a parlé d'automaticité qu'à propos des aides incluses dans le CTE. Pour la DJA et pour les financements spécifiques, rien ne sera changé (Protestations sur les bancs du groupe du RPR). Je vous défie de trouver une disposition contraire dans la loi !

Quant à l'amalgame entre l'extensification et le plafonnement à l'hectare, il a quelque chose d'un peu facile. Une extensification limitée à quelques dizaines ou même quelques centaines d'hectares peut s'admettre si elle est justifiée par des raisons géographiques, mais si elle porte sur des milliers d'hectares, il en va autrement.

M. Jacob m'a mis au défi de citer une aide qui ne soit pas plafonnée...

M. Christian Jacob - Une aide nationale !

M. le Rapporteur - Vous le dites maintenant, car vous savez très bien que les aides céréalières de la Communauté ne sont pas plafonnées !

Les contrats-types s'élaborent actuellement, dans chaque "pays" et dans chaque département, en concertation avec l'ensemble du monde rural, y compris les artisans. Les préfets décideront au vu des conclusions remises par les commissions de travail. Exiger un avis conforme bloquerait le processus mais n'allez pas imaginer qu'il puisse y avoir des contrats-types qui ne répondraient pas aux souhaits de la profession.

Et, comme vous étiez là hier, vous savez qu'en outre ces contrats-types n'excluent pas des contrats particuliers, dont pourront bénéficier les agriculteurs de montagne.

M. Patrick Ollier - Mais comment allez-vous concilier le plafonnement décidé tout à l'heure à la demande de Mme Aubert avec l'extensification ? Là est la question.

M. le Rapporteur - Dans sa grande sagesse, le monde agricole saura déterminer à quel niveau situer le plafond pour ne pas remettre en cause la loi d'orientation.

L'amendement 518, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Félix Leyzour - Hier, à propos de l'article 2, nous avons admis l'existence, à côté des contrats-types, de contrats à caractère particulier, qui permettront de faire une place à l'initiative et à l'originalité. Ayant ainsi eu satisfaction, je retire mon amendement 848.

L'amendement 848 est retiré.

Mme Marie-Hélène Aubert - L'amendement 473 est soutenu.

M. le Rapporteur - Après en avoir longuement débattu hier, nous avons conclu qu'il n'était pas souhaitable de soumettre chaque contrat à la CDOA.

L'amendement 473, repoussé par le Gouvernement et mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 5, mis aux voix, est adopté.

ART. 6

M. Claude Desbons - Donnant une nouvelle définition des activités agricoles, cet article va nous permettre de fournir à l'agriculture toute la palette des outils qui lui permettront de répondre à l'aspiration que manifeste notre société à un développement équilibré et durable.

Comme citoyens, consommateurs de biens agricoles et d'espaces, nous pouvons aisément apprécier la légitimité de cette aspiration mais, en tant que législateurs, nous devons assurer l'homogénéité d'un ensemble riche de diversités et, parfois, de contradictions. En effet, l'enjeu de cette réforme dépasse largement les préoccupations du seul secteur agricole.

Nous devons en premier lieu traduire les demandes de la collectivité de manière qu'elles servent effectivement l'intérêt général. De ce qui à l'origine semble être une contrainte, il faut faire un atout pour l'agriculture.

Nous devons ensuite créer les conditions pour que s'affirment des fonctions qui, pour être accessoires, n'en sont pas moins essentielles. En effet, si nous exigeons du monde agricole qu'il nous nourrisse, qu'il soit le garant des équilibres naturels, qu'il valorise et entretienne les espaces, et qu'il maintienne la vie, l'activité et l'emploi sur l'ensemble du territoire, il nous faut bien reconnaître que nous sommes moins exigeants vis-à-vis des autres catégories. Nous avons donc le devoir de les conforter dans leur rôle de producteurs et de les soutenir dans leur rôle d'animateurs du monde rural.

Enfin, nous avons à prendre en compte la réalité extrêmement diverse de ce monde rural. Il y a quelques mois, plusieurs voix se sont élevées pour exprimer la crainte de voir le champ d'activité des agriculteurs élargi à des activités concurrentielles qui ne découleraient pas de leurs fonctions économiques premières, au détriment des artisans en particulier. Une discussion s'est engagée au terme de laquelle s'est affirmée une volonté commune de développement, de coexistence créatrice, de partage équilibré des ressources et des produits. Cette volonté, nous l'avons clairement traduite dans la loi et nous veillerons à ce qu'elle soit effective.

Pour résumer, cette nouvelle définition de l'activité agricole sert l'intérêt général ; elle donne à l'agriculture les moyens d'atteindre ses propres objectifs économiques et sociaux et assure à chacun la place qui correspond le mieux à ses savoir-faire et à ses ambitions. Enfin, grâce à la concertation et à la qualité des propositions avancées, elle semble de nature à satisfaire l'ensemble des acteurs du monde rural (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Kofi Yamgnane - L'affirmation de la multifonctionnalité de l'agriculture a suscité des réactions négatives et des craintes de la part des commerçants et artisans ruraux, qui redoutent une concurrence déloyale. Comme vous sans doute, j'ai reçu nombre de propositions d'amendements visant à encadrer l'intervention des agriculteurs, en particulier dans le secteur de la restauration et de l'hébergement. Sur le sujet, la commission a fait de l'excellent travail, prenant notamment en compte les règles d'hygiène et de sécurité. Cependant, certaines inquiétudes pourraient être levées si l'on remplaçait les choses dans leur contexte. L'agriculture ne se limite pas à l'acte de produire : elle recouvre également "les activités exercées dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour rapport l'exploitation".

Il est vrai que le développement récent du "tourisme vert" a incité de nombreux agriculteurs à ouvrir des gîtes ou à se lancer dans la restauration à la ferme : phénomène de société, certes, mais aussi utile complément de revenu, pourvu qu'il reste accessoire comme le rappelle l'article 6. Négliger la demande touristique serait suicidaire, notamment dans le Finistère, et ce d'autant que cette forme de tourisme crée des activités induites et bénéficie au commerce local.

Quant à la polyvalence, elle constitue un projet global : environnemental, qualitatif et agricole. Nous savons ce que nous devons à nos agriculteurs pour l'entretien des haies ou des abords de rivières. Ces travaux d'intérêt général servent la collectivité au moindre coût. Par ailleurs, existe-t-il une concurrence professionnellement organisée dans ce domaine ?

Au total, je ne crois pas qu'il y ait concurrence entre professions trop distinctes. Notre territoire est encore assez vaste pour les accueillir et donner du pain à tous. Il reste que certains aménagements pourraient être trouvés pour les restaurateurs : je pense à la baisse de la TVA, mais c'est l'objet d'un autre débat, à venir... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste)

M. Maurice Adevah-Poeuf - Nous en venons à un point dur, qui a beaucoup appelé l'attention du monde rural et périurbain sur ce projet, certaines professions s'étant beaucoup inquiétées des distorsions de concurrence que pourrait entraîner une trop large extension de la pluriactivité du monde agricole.

La question n'est certes pas simple sur le plan juridique, mais elle peut être réglée si l'on fait preuve d'un peu de compréhension à l'égard de professions appelées à cohabiter dans un espace difficile.

J'ai donc déposé un certain nombre d'amendements afin de préciser ce que l'exploitation peut être appelée à faire, de limiter les possibilités du donneur d'ordre, de mieux définir l'accessoire au sens de l'article 75 du CGI.

Je ne doute pas que nous parviendrons ainsi à concilier le souci de permettre aux exploitations les plus fragiles de demeurer viables, grâce à un complément de revenus, et la volonté d'éviter de soumettre les professions non agricoles à une concurrence insupportable.

M. Germain Gengenwin - Cet article est en effet très important. Nous devons parvenir à une position de bon sens, qui satisfasse à la fois les agriculteurs et les artisans et commerçants ruraux.

La pluriactivité est une nécessité pour beaucoup d'agriculteurs, de montagne comme de plaine. La commission de la production a, dans sa sagesse, adopté un amendement du groupe UDF...

M. le Rapporteur et M. Jean Glavany - Excellent amendement !

M. Germain Gengenwin - ...qui précise la notion d'accessoire au sens de l'article 75 du CGI.

Le secteur de l'artisanat, mais aussi des travaux publics, se réjouit de l'accord ainsi intervenu. J'espère que le Gouvernement se rangera à cette position unanime.

M. Christian Jacob - Je retire l'amendement 317.

M. Michel Bouvard - Je retire l'amendement 859.

M. François Sauvadet - L'amendement 751 est soutenu.

M. le Rapporteur - Cet amendement ne tient pas compte des travaux de la commission, que traduit l'amendement 89, qui donne largement satisfaction à l'auteur de celui-ci.

La commission a notamment enrichi le texte en précisant le caractère accessoire de l'activité, la notion même d'activité agricole, le statut de l'exploitation comme celui d'exploitant.

Je demande donc le rejet de cet amendement.

M. le Ministre - L'article 6 est un élément important du projet en ce qu'il prend en compte juridiquement la multifonctionnalité de l'agriculture tout en en fixant les limites.

S'il importe que l'agriculture soit désormais considérée dans sa triple dimension économique, sociale et de gestion de l'espace, le code rural n'a pas pour autant vocation à absorber tous les autres codes. Cette définition n'a donc aucune incidence en matière de droit social, fiscal ou de l'urbanisme.

Le projet réaffirme que le socle de l'agriculture est bien la production de végétaux ou d'animaux, à but alimentaire ou non. Il précise que les activités de valorisation du produit réalisées sur le site de l'exploitation sont considérées comme agricoles sans limitation de volume, car elles ne sont que le prolongement de l'acte de production. Il dit que les autres activités qui ont pour support l'exploitation, c'est-à-dire les travaux effectués à l'aide du matériel de l'exploitation, la restauration et l'hébergement, peuvent être considérés comme agricoles, à condition de conserver un caractère accessoire. C'est fondamental.

Il ne s'agit pas ici de permettre aux agriculteurs de concurrencer les artisans et commerçants sans supporter les mêmes contraintes et les mêmes charges ; il s'agit que chacun puisse contribuer au développement rural, dans l'intérêt de tous.

J'insiste donc sur la nécessité d'en rester à un caractère accessoire pour l'ensemble de ces activités.

Votre commission a fait un excellent travail de clarification. Elle a même renforcé le caractère accessoire pour les travaux et pour l'hébergement. Je serais donc en plein accord avec celle si elle acceptait de rétablir le caractère accessoire pour les activités de restauration, reprenant ainsi la rédaction initiale du texte. J'ai obtenu l'accord de l'union professionnelle artisanale et des représentants des Chambres de métiers sur cette rédaction. Je vous invite donc à vous en tenir au compromis équilibré qui institue cet article.

Et je donne un avis défavorable à l'amendement 751.

M. François Sauvadet - A notre demande, la commission est parvenue à une rédaction beaucoup plus équilibrée en ce qui concerne le caractère accessoire. N'oublions pas, en effet, que tous les acteurs des territoires doivent contribuer à leur équilibre, sans que les aides de l'Etat n'aboutissent à une distorsion de concurrence.

Compte tenu du résultat auquel est parvenu la commission, je retire l'amendement 751.

M. Christian Jacob - Nous souhaitions à l'origine la suppression de cet article, car l'article 311-1 du code rural nous paraissait équilibré et suffisant pour éviter les dérapages. Toutefois, la commission a accompli un travail important et elle est parvenue à une rédaction qui s'en approche.

Reste néanmoins le problème des baux ruraux et de l'élargissement de leur champ d'action. On ne pourra étendre indéfiniment l'activité agricole sans provoquer de conflit entre bailleurs et preneurs. Notre amendement 318 vise donc à supprimer les cinq derniers alinéas de cet article.

M. le Rapporteur - Rejet. Cette suppression nous ferait perdre toutes les novations que nous avons voulu introduire, notamment en ce qui concerne la multifonctionnalité.

M. Christian Jacob - Vous ne répondez pas sur les baux ruraux !

M. Patrick Ollier - Je rends hommage à la façon dont la commission a pris en compte nos observations. J'insiste toutefois pour que le ministre nous éclaire sur l'interprétation du caractère accessoire. En effet, dès lors que nos amendements relatifs au handicap géographique n'ont pas été retenus, il importe plus encore de concevoir cette notion de façon extensive et bienveillante au profit des régions de montage où, en raison de la neige, l'activité agricole s'interrompt pendant six mois et cède de fait la place à une activité touristique.

L'amendement 318, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Ollier - Le ministre n'a pas répondu.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 30.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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