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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 11ème jour de séance, 26ème séance

1ère SÉANCE DU VENDREDI 16 OCTOBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. Arthur PAECHT

vice-président

          SOMMAIRE :

LOI DE FINANCES POUR 1999 -première partie- (suite) 1

    APRÈS L'ART. 8 1

    ART. 9 8

    APRÈS L'ART. 9 8

    ART. 10 8

    ART. 11 9

    ART. 12 10

    ART. 14 11

La séance est ouverte à neuf heures trente.


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LOI DE FINANCES POUR 1999 -première partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 1999.

APRÈS L'ART. 8

M. Christian Cuvilliez - Notre amendement 125 étend l'ISF à une partie des biens professionnels.

A défaut d'être adopté, il doit provoquer la réflexion. M. Brard a dit ce que pouvait être une "grande fortune". Pour M. Gantier, la richesse est d'autant plus belle qu'elle est moins partagée. Je pourrais vous livrer quelques portraits sauvages en lisant Louis Guilloux ou Pierre Gamarra, vous livrer aussi quelques témoignages cruels tirés de l'expérience. Le rapport Villermé a 150 ans, mais on pourrait en établir de semblables sur notre société. Demain 17 octobre, Mme Anthonioz-de Gaulle organise la journée ATD-Quart monde que nous soutenons. En allant à Chaillot on pourra mesurer l'écart entre l'aisance et la misère. Je n'insiste pas, on m'accuserait de misérabilisme. Mais les grandes fortunes ne sont pas des abstractions, et on peut changer de vocabulaire en renonçant à des expressions scandaleuses comme "allocation de fin de droits", la réalité des minima sociaux demeure.

L'ISF n'est pas un impôt confiscation, mais un impôt de solidarité, au-delà d'une relation purement comptable. Nous voulons y inclure dans son assiette des biens professionnels pour que la fiscalité contribue à l'emploi, à la cohésion et à la réparation sociale. Cet amendement n'institue pas une taxe sur les biens professionnels.

M. Philippe Auberger - Une dîme !

M. Christian Cuvilliez - On peut utiliser les termes de l'Ancien régime !

M. Pierre Lellouche - Ca vous va bien !

M. Christian Cuvilliez - Ce que nous voulons, c'est pénaliser ceux qui pratiquent une économie de rente et dont les biens professionnels dorment, en encourageant au contraire ceux dont le dynamisme contribue à l'activité, à l'emploi, à la prospérité générale. Nous nous situons dans la même logique qu'en voulant inclure les actifs financiers dans l'assiette de la taxe professionnelle et en proposant la taxe Tobin. Selon le Conseil des impôts, 20 % des ménages possèdent 66 % du patrimoine financier et 84 % du patrimoine professionnel, 10 % des ménages les plus riches détiennent 50 % des droits sociaux dans les sociétés où ils exercent une activité, 45 % des autres valeurs mobilières, 44 % des actifs corporels meubles, 32 % des liquidités. Selon la revue Capital, les 15 plus importantes fortunes professionnelles représentant 255,6 milliards en 1997. Exonérer les biens professionnels de l'ISF coûte donc cher. Selon le Conseil des impôts, les inclure augmenterait la base de 500 milliards, ce qui produirait 4 milliards de droits.

M. le Président - Il faut conclure. Je demande à chacun de respecter son temps de parole sinon, comme je l'ai déjà fait, je devrais donner le même temps à d'autres intervenants.

M. Christian Cuvilliez - J'en termine. Ces 4 milliards couvriront 10 % des besoins sociaux.

M. Philippe Auberger - Dans son rapport sur la fiscalité du capital, le rapporteur général fait allusion à une interview que j'ai donnée deux ans auparavant sur l'assujettissement des biens professionnels à l'ISF. J'ai dit qu'à partir d'un certain revenu il n'y avait plus de frontière claire entre biens professionnels et biens personnels, ce qu'illustre la formation de holdings familiales par des chefs d'entreprise pour échapper à l'ISF. Dès lors on pourrait imaginer, à partir d'un certain niveau du capital, une assiette plus large pour l'ISF. Mais comme M. Rocard je dis, à assiette large taux faible. Avec les taux votés hier, assujettir les biens professionnels, c'est conduire à une décapitalisation dommageable pour l'économie productive. Je m'y oppose avec la plus extrême fermeté.

La seule chose que l'on pourrait faire devant certains scandales ou abus, serait de mieux surveiller la constitution des holdings familiales et voir si on n'y inclut pas des biens non professionnels, châteaux et autres. Il y a là un large champ pour le contrôle fiscal, et cela éviterait d'avoir à modifier l'assiette.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances - La question que pose M. Cuvilliez est pertinente, et nous sommes nombreux à l'avoir posée, au-delà même de la gauche plurielle puisque M. Auberger l'avait soulevée en son temps. Elle a retenu dès le printemps l'attention de la commission. Les biens professionnels, initialement inclus dans l'assiette de l'impôt sur la fortune, en ont été extraits en 1983 pour des raisons économiques. Le seuil de 25 % pouvait en effet avoir des effets pervers au regard de l'intérêt de l'entreprise. Les avantages d'un élargissement de l'assiette apparaissent moindres que ses inconvénients. Il est difficile de trouver un système qui ne pénalise pas l'entreprise, donc l'emploi. Votre propre proposition de loi sur le sujet, Monsieur Cuvilliez, prévoit nombre de dérogations, d'abattements et de plafonnements qui en réduiraient le rendement. On mesure la complexité du problème. Ce supplément d'impôt risquerait d'être finalement payé par les salariés, au travers des résultats de l'entreprise.

La commission n'a donc pas souhaité remettre en cause la situation actuelle. J'ai défendu cette position, en tant que rapporteur de la fiscalité du patrimoine, d'autant plus volontiers que le Gouvernement propose une série de mesures pour renforcer le rendement de l'ISF et éviter l'évasion fiscale.

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission des finances - Nous sommes sur la loi de finances depuis trois jours, et nous n'avons guère avancé. Il reste 325 amendements. Je vous remercie donc, Monsieur le Président, d'avoir souligné que chacun devait respecter son temps de parole. Et le débat gagnerait en clarté si, après la présentation d'un amendement et les avis de la commission et du Gouvernement, nous nous bornions à entendre l'auteur de l'amendement et un orateur contre.

M. le Président - C'était un Rappel au Règlement.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget - M. Cuvilliez a trouvé des mots très justes et humains pour décrire le contraste entre la misère des uns et la prospérité des autres. Le Gouvernement partage sa volonté de renforcer l'effort de solidarité de ceux qui ont le plus de moyens envers les autres, et vous avez évoqué la manifestation qu'organise demain ATD-Quart monde. Le budget comporte d'ailleurs de nombreuses mesures tendant à accroître l'ISF, et beaucoup proviennent d'une proposition de loi de M. Robert Hue : durcissement des règles du plafonnement, lutte contre l'évasion fiscale, création d'une tranche supplémentaire. Au total, si les marchés boursiers le permettent, il devrait en résulter un accroissement de 30 % du rendement entre 1998 et 1999.

Nous poursuivons donc, Monsieur Cuvilliez, le même objectif. Mais je ne suis pas sûr que le moyen que vous proposez soit le plus approprié. Toucher aux biens professionnels créerait une inquiétude sur l'avenir, non seulement pour les très grandes entreprises, mais pour les PME. Or nous avons besoin que ces dernières, pour développer l'emploi et l'investissement, sortent de la langueur où elles ont été tenues entre 1993 et 1997. (Exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR) Je serais donc heureux que vous retiriez votre amendement.

M. Jean-Jacques Jegou - M. le président Bonrepaux a été notre porte-parole à tous. Que constatons-nous en effet ? Depuis mardi le groupe communiste s'agite beaucoup. Nous pouvions croire les choses réglées au sein de la majorité, les communistes ayant été largement servis. Or nous assistons à une sorte de flibuste à l'envers : ce n'est pas l'opposition qui la pratique, alors qu'on lui en fait souvent le procès d'intention. Nous constatons une surenchère du groupe communiste. Nos entreprises n'ont pas besoin de ce débat intra-majoritaire qui ne peut que leur nuire. L'opposition travaille en harmonie dans ce débat : nous pensions que les choses étaient réglées entre vous, et que les communistes allaient comprendre l'impossibilité de leur proposition. Je vous en prie : nous sommes entre gens sérieux. Le président de la commission a parlé avec sagesse. Il faut que nous avancions. Tout le monde a compris que c'était un budget de gauche : les communistes devraient s'en satisfaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Gilbert Gantier - Dans ce débat, comme dans un championnat de patinage, il y a des figures imposées. Demander la majoration de l'ISF et son extension aux biens professionnels en est une pour le groupe communiste. Je crois qu'il n'en est pas dupe lui-même, et qu'il en connaît l'impossibilité économique. Qu'on se rappelle les pays soviétiques. On y trouvait beaucoup de pauvres gens, mais aussi une nomenklatura très privilégiée. Alors, Messieurs les communistes, ne nous parlez pas trop d'égalitarisme : la patrie du communisme n'a pas été celle de l'égalité ! A taxer les biens professionnels, nous ferions péricliter notre économie et provoquerions le départ des gens actifs et inventifs. Je me demande si quelqu'un comme Bill Gates serait possible dans notre pays. Je sais que cette assemblée comporte plus d'enseignants et de juristes que d'entrepreneurs, mais songez-y : adopter cet amendement serait s'engager dans une paupérisation à la soviétique.

M. le Président - M. Bonrepaux, avec raison, m'a rappelé le Règlement. Celui-ci est clair : un orateur contre l'amendement, un pour répondre, s'il le souhaite, à la commission, et un au Gouvernement. Si certains orateurs veulent s'empêcher de répondre au Gouvernement ou à la commission, ce sera très bien.

M. Yves Cochet - Je n'ai pas le Règlement sous les yeux, mais d'après mes souvenirs, en vertu de l'article 100, alinéa A, il est de droit qu'un contradicteur s'exprime sur l'amendement présenté ; en revanche l'article 95 dit que le Président "peut" -selon son bon vouloir- donner la parole à un orateur pour répondre au Gouvernement ou à la commission. Au point où nous en sommes, je crois qu'il vaudrait mieux accélérer le débat -si nous voulons terminer tôt demain matin...

M. le Président - C'est l'article 56, alinéa 3, qui dispose en effet que "Le Président peut autoriser un orateur à répondre au Gouvernement ou à la commission".

M. Raymond Douyère - "Peut" !

M. le Président - Je n'ai pas pour habitude d'empêcher un parlementaire de s'exprimer -j'ai moi-même suffisamment souffert de cette pratique. Si vous nous disciplinez vous-mêmes, le débat s'accélérera, mais si vous demandez la parole vous l'aurez. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR)

L'amendement 125, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Cuvilliez - Monsieur le Président, vous ne m'aviez pas demandé si je voulais le retirer !

M. Jean-Pierre Brard - Certains articles méritent une discussion un peu étoffée.

Il est touchant de voir la sainte Trinité Auberger-Jegou-Gantier monter au créneau pour défendre avec des accents pathétiques ceux qui ont beaucoup de sous !

M. Gilbert Gantier - Changez de disque !

M. Jean-Pierre Brard - Vous savez bien quels intérêts vous défendez ici. Voici ce que dit Véronique de Montremy, membre de la famille de Wendel -qui est largement responsable de la ruine de la sidérurgie lorraine : "On ne va plus en Lorraine que pour les enterrements. On n'a plus rien. C'est affreux". Mais les auteurs du livre que je vous cite expliquent que la famille de Wendel n'est pas démunie pour autant. Elle figure en troisième position dans le palmarès des familles les plus fortunées établie par L'Expansion. Le PDG de la société Marine-Wendel n'est autre que le baron Ernest-Antoine Seillière de Laborde, fils de Renée de Wendel...

Il faut que tous ceux qui ne savent plus quoi faire de leur agent participent à la solidarité nationale. Cependant, nous devons prendre garde de ne pas faire peser de risques sur l'emploi. Je suis sûr à cet égard que notre amendement 127 attirera l'attention de M. Gantier, qui s'intéresse tant aux entrepreneurs mais a oublié que certains de ceux qui siégeaient ici ont été renvoyés dans leurs foyers par les électeurs. Souvenez-vous de M. Tranchant qui, de paradis fiscal en paradis fiscal, nous faisait visiter toute la planète ! Il m'a fait découvrir les îles Moustique !

Nous proposons par cet amendement de faire entrer les biens professionnels dans l'assiette de l'ISF après abattement de 25 millions. Ainsi seraient préservés les dirigeants des PME. Mais cet abattement ne pourrait bénéficier qu'aux personnes âgées de moins de soixante-cinq ans ; cela faciliterait la transmission des entreprises et éviterait que les dirigeants restent en place aussi longtemps qu'on peut rester dans la charge pontificale.

M. le Président - Monsieur Brard, vous avez dépassé votre temps de parole. Avant-hier, vous nous avez parlé de Philippe le Bel, aujourd'hui vous nous faites l'histoire de la grande bourgeoisie... Vous ne faites rien pour accélérer les débats !

M. Yves Cochet - Mon amendement 167, 2 correction, est dans le même esprit. Selon l'INSEE, les connaissances statistiques du patrimoine des ménages les plus riches souffrent d'incertitudes importantes. Mais 1 % des ménages les plus riches détiendraient entre 14 et 20 % du patrimoine, et 10 % en détiendraient plus de la moitié. Notre collègue de Courson a, de son côté, souligné dans son rapport sur les fraudes que l'ISF a une perméabilité excessive à la fraude, notamment du fait de l'exonération des biens professionnels.

Il convient donc, sans toucher les PME qui doivent profiter d'un abattement, inclure ces biens dans l'assiette de l'ISF, comme c'est le cas chez la plupart de nos voisins européens, notamment en Allemagne.

M. le Rapporteur général - J'ai expliqué les raisons pour lesquelles nous avons écarté cette idée. La solution proposée pourrait avoir des effets pervers.

M. le Secrétaire d'Etat - Je ne reprends pas l'argumentation que j'ai développée à propos de l'amendement de M. Cuvilliez. Je noterai simplement que M. Brard propose dans son amendement de ne plus prendre en compte pour la qualification des biens professionnels, les participations des frères et soeurs. C'est une discrimination entre les entreprises familiales et les autres. M. Cochet, quant à lui, fait une différence entre l'outil professionnel détenu à titre individuel qui serait taxé, et l'outil exploité au sein d'une société qui serait exonéré. Dans ces conditions, je demande le rejet de ces amendements.

M. Philippe Auberger - Il y a maintenant un consensus assez général sur l'existence de l'ISF ; mais il risque de disparaître si chaque année on rouvre de telles discussions. Une stabilité des règles est nécessaire. Enfin, nous sommes ici pour travailler sur des situations objectives, et non pour que certains se livrent à un déballage indécent sur les secrets des familles ; je souhaiterais que la présidence veille à ce qu'il ne se poursuive pas.

M. Gilbert Gantier - Je suis touché par la sollicitude de nos collègues du groupe communiste à l'égard des petites entreprises. Cela me rappelle un voyage que j'avais fait en Union soviétique à l'époque de M. Brejnev... On avait la même sollicitude pour les petits cultivateurs. Mais les sovkhozes fonctionnaient de manière catastrophique !

Eu égard à ce qu'il rapporte, l'ISF ne mérite pas qu'on y passe tant de temps. Il y a là une démagogie indigne du Parlement. A mon avis, cet impôt n'a aucun intérêt.

L'amendement 127, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 167 (2ème correction).

M. le Rapporteur général - L'amendement 13 a suscité quelque émotion chez certains de nos collègues, et même au sein du Gouvernement, ainsi que sur le marché de l'art. La commission propose pourtant, non d'intégrer les oeuvres d'art dans l'assiette de l'ISF, mais de les taxer forfaitairement.

Les pays qui imposent l'actif net y incluent généralement l'oeuvre d'art, selon des modalités variables. On me dira que le marché de l'art n'y est pas aussi développé qu'en France, mais qui croira que la force du marché français tient uniquement à l'exonération des oeuvres ? Il est absurde, en outre, qu'un même Picasso, par exemple, soit taxé comme meuble meublant s'il est au mur et exempté s'il est au coffre.

La commission n'a pas voulu faire preuve de maximalisme. Elle considère que la République a besoin d'artistes, de collectionneurs, de marchands, mais que la possession d'oeuvres de prix est néanmoins un signe de richesse. Elle propose de ne pas taxer les oeuvres exposées au public, qui sont déjà exonérées de droits de succession, non plus que les oeuvres d'artistes vivants. Pour éviter tout inventaire forcé, elle a retenu le principe d'une évaluation forfaitaire des oeuvres à 3 % de la valeur de l'actif net, à charge pour le déclarant d'apporter la preuve éventuelle d'une valeur inférieure. Il s'agit, me semble-t-il, d'un dispositif équilibré.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Les termes du débat sont connus depuis l'origine. L'équité voudrait, c'est vrai, que nulle catégorie d'objets ne soit exclue de l'inventaire des biens, mais l'existence d'un marché de l'art actif est l'un des éléments qui soutiennent la création. Le Gouvernement, tout en saluant le caractère équitable de la solution proposée par la commission et la qualité technique du travail qu'elle a accompli pour contourner la plupart des obstacles, estime préférable de renoncer, comme en 1981 et en 1988, à une taxation qui, pour être symbolique, n'en risque pas moins de produire des effets réels à long terme -souvenons-nous de l'impôt sur les portes et fenêtres, qui a durablement influencé l'architecture française... Si l'on cherche à accroître le rendement de l'ISF, mieux vaut agir directement sur les taux ; c'est ce qui a été fait hier.

M. Pierre Lellouche - Je ne suis pas assujetti à l'ISF, et ne possède pas de patrimoine artistique (Interruptions sur les bancs du groupe communiste). Je veux simplement prendre la défense de notre patrimoine national et des 150 000 personnes dont l'emploi est lié au marché de l'art : sait-on que la place de Paris est au coeur de ce marché, que Drouot, ce sont 25 salles d'exposition, 6 000 visiteurs par jour, 2 000 ventes annuelles et 3 milliards de chiffre d'affaires ?

La majorité veut inclure les oeuvres d'art, déjà taxées au titre des plus-values et des droits de succession, dans l'assiette de l'ISF pour des raisons idéologiques et symboliques... (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Jean-Pierre Brard - Le symbolisme est aussi une école ! (Sourires)

M. Pierre Lellouche - L'idée a été heureusement écartée en 1981, en 1988, l'an dernier, et le mois dernier encore, en commission, par Mme Trautmann. Elle est d'autant plus inopportune aujourd'hui qu'une réforme de la profession de commissaire-priseur est en préparation. Par cette mesure démagogique, vous allez précipiter, l'exemple italien le montre, le passage à la clandestinité et la délocalisation du patrimoine français, et freiner l'entrée ou le retour des oeuvres sur notre territoire.

En fait il conviendrait de réduire la TVA sur l'importation des oeuvres d'art si l'on veut que Paris opère dans les mêmes conditions fiscales que les autres capitales. En Angleterre, la TVA est à 2,5 %, dix fois moins qu'en France !

Cet amendement porterait un coup fatal à la création contemporaine en décourageant les collectionneurs, il entraînerait la constitution d'un marché occulte et la quasi-disparition des prêts et dons aux musées.

C'est une mesure à forte valeur idéologique, mais qui est l'exemple même de ce qu'il ne faut pas faire ! Je vous en conjure, faites de l'idéologie ailleurs, mais pas avec le patrimoine !

M. Gilbert Gantier - Cet amendement est très mauvais pour plusieurs raisons.

Paris a été longtemps le centre de l'art : avant la guerre de 1914 les collectionneurs américains et russes venaient acheter des tableaux à Paris et on retrouve ces oeuvres dans leurs musées, par exemple au musée de l'Ermitage à Saint-Petersbourg.

Paris n'est plus un marché de l'art important...

Mme Nicole Bricq - Cela n'a rien à voir avec l'ISF !

M. Gilbert Gantier - ...Et vous voulez l'achever !

Outre qu'il est dangereux, cet amendement est techniquement mauvais. Un prélèvement de 3 % est trop faible pour quelqu'un qui a une maison remplie de tableaux : cet impôt est donc injuste.

M. Jean-Pierre Brard - On entend beaucoup de contre-vérités dans cette discussion importante. Le fait que les oeuvres d'art ne soient pas soumises à l'ISF a pour résultat que les contribuables fortunés investissent dans ce domaine pour réduire l'assiette de leur impôt -ce n'est pas moi qui le dis, mais M. Thierry de Valréal, qui parle en connaissance de cause ! Contrairement à ce que prétend M. Lellouche, une revue spécialisée bien ancrée à droite, Connaissance des arts, parle d'un mois de juin "fou, fou, fou", à Paris, avec une avalanche de prix record et des enchères dépassant le million de francs, et fait état d'une progression des ventes de 10 % au premier semestre 1998 !

L'amendement préserve la création contemporaine. Et pourquoi faudrai-il soutenir la jouissance égoïste des oeuvres d'art ? (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR) Les oeuvres qui sont exposées seront exonérées car il s'agit incontestablement d'un patrimoine universel.

Je ne comprends pas la position de Mme la ministre de la culture : les courriers qu'elle nous a adressés montrent qu'elle n'a pas lu complètement notre proposition, notamment l'exonération des créations contemporaines et des oeuvres exposées.

On sait bien comment les choses se passent : ne cédons pas aux lobbies d'esthètes, qu'on voit plus dans les cocktails que militant pour l'accès du plus grand nombre à la culture !

Nos propositions ont d'ailleurs eu des échos dans les journaux, y compris suisses (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR) : ils trouvent cet amendement intelligent ! (Rires sur les bancs du groupe du RPR)

Monsieur Lellouche, le marché français n'en sera en rien affecté. Ne faites pas semblant de vous faire peur pour ménager les privilèges de ceux qui dissimulent les oeuvres d'art dans les coffres-forts et en privent ainsi le public !

M. le Président - Je ne savais pas que Connaissance des arts était un journal de droite...

M. le Rapporteur général - Il n'y a aucun parti pris idéologique de la part de la commission des finances, nous avons examiné la question avec objectivité. Il y a d'ailleurs déjà beaucoup d'objets d'art qui sont considérés comme des "meubles meublants" et entrent dans l'assiette de l'ISF : avec notre proposition, si leur propriétaire accepte de les exposer, ils en seront exonérés.

Mme la ministre de la Culture a annoncé des mesures pour dynamiser le marché de l'art en France et je ne pense pas que notre proposition puisse le fragiliser. D'ailleurs, avec un tel raisonnement, il n'y aurait plus d'impôt du tout ! S'il ne faut pas taxer un bien sous prétexte qu'il risque d'être dissimulé, on peut supprimer la TVA sur beaucoup de produits...

La mesure proposée par la commission est équilibrée : taxation forfaitaire, exonération des oeuvres exposées ou émanant d'artistes vivants.

M. le Président - Sur cet amendement je suis saisi par le groupe DL d'une demande de scrutin public.

M. Michel Bouvard - En tant que président du groupe d'études sur le patrimoine, je dois dire que cet amendement est faussement attrayant. La commission a effectivement tenté d'éviter certains écueils mais elle n'y est pas parvenue.

Je rappelle que le barème de l'ISF a été relevé, ce qui améliorera son rendement, et que l'esprit de cet impôt est d'activer les capitaux. Or une oeuvre d'art ne rapporte pas tant qu'elle n'est pas mise sur le marché. Notre intérêt est que ce marché reste en France.

M. Lellouche citait l'exemple de l'Italie, qui a un patrimoine artistique considérable et où, pourtant, le marché de l'art s'est progressivement tari : une bonne partie des oeuvres italiennes se négocie à Genève, Londres, New York.

La réforme annoncé par Mme Trautmann vise à conforter la place française, actuellement faible par rapport aux places anglo-saxonnes. Si nous envoyons des signaux négatifs, ce sont les grandes maisons étrangères qui en profiteront.

Comme vous, Monsieur Brard, je suis choqué que les oeuvres dorment dans les coffres-forts et que le public ne puisse les voir. Mais si, comme en Italie, ces oeuvres partent à l'étranger, elles ne seront plus du tout proposées au public français et nous perdrons toute chance de les récupérer par dation à l'occasion des successions.

Monsieur Brard, je me souviens du débat que nous avons eu il y a trois ans sur le cinéma et les SOFICA. Vous aviez parfaitement admis l'idée de consentir un avantage fiscal à des grandes fortunes pour qu'elles investissent dans la création artistique. J'ai l'impression que l'enjeu est un peu le même aujourd'hui. Si nous voulons garder des oeuvres d'art sur notre territoire, il faut leur donner un avantage fiscal, quitte à récupérer certaines d'entre elles à l'occasion des successions.

M. François d'Aubert - Rappel au Règlement (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Raymond Douyère - Fondé sur quel article ?

M. François d'Aubert - Je demande que Mme la ministre de la culture soit auditionnée avant le vote de cet amendement imbécile et nocif pour le marché de l'art, quoi qu'en pense M. Brard, qui a sans doute lu pour la première fois de sa vie Connaissance des arts !

M. Jean-Pierre Brard - Ce n'est pas parce que vous êtes ignorant que les autres sont à votre niveau !

M. François d'Aubert - En tout cas, il est légitime que nous souhaitions avoir le point de vue de Mme Trautmann, dont chacun -y compris les députés socialistes- devine les réserves à l'endroit d'une telle disposition.

M. le Ministre - Le Gouvernement s'exprime ici d'une seule voix et la position de Mme Trautmann est la même que la mienne. Il n'y a donc pas lieu de demander son audition.

M. José Rossi - Je demande une suspension de séance (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

La séance, suspendue à 10 heures 50, est reprise à 10 heures 55.

M. Jean-Jacques Jegou - Je demande la parole pour une explication de vote.

M. le Président - Il n'y en a pas pour les amendements.

M. Jean-Jacques Jegou - Alors, pour un Rappel au Règlement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Fondé sur quel article ?

M. Jean-Jacques Jegou - Je tiens simplement à dire que le groupe UDF est contre cet amendement qui ne contient pas de définition de l'oeuvre d'art et qui ne permettra pas aux amateurs d'art -dont je suis- d'exposer les oeuvres qu'il possède.

M. le Président - Ce n'est pas un Rappel au Règlement !

M. Jean-Jacques Jegou - Surtout, M. le ministre a affirmé tout à l'heure quelque chose de faux, car Mme Trautmann, ministre de la culture et de la communication, vient de rappeler son opposition à l'intégration des oeuvres d'art dans l'assiette de l'ISF, mesure qui n'avait pas été retenue par le Gouvernement, souligne-t-elle, dans le projet de budget pour 1999. Mme Trautmann rappelle qu'il existe déjà une taxe forfaitaire sur les ventes...

M. le Président - Monsieur Jegou, ne relancez pas la discussion, je vous en prie !

Comme il y a eu suspension de séance, je procède à une nouvelle annonce de scrutin public demandé par le group DL sur l'amendement 13.

A la majorité de 47 voix contre 17, sur 65 votants et 64 suffrages exprimés, l'amendement 13 est adopté.

M. Gilbert Gantier - Rappel au Règlement. L'article 54 alinéa 6 permet de retirer la parole à un orateur qui lit un discours dans un livre. M. Brard nous a lu la revue Challenge, puis Connaissance des arts. Hier il nous lisait des extraits de l'ouvrage de M. Charlot. La bibliothèque est à deux pas, et je peux aussi aller y chercher une série d'ouvrages depuis Adam Smith et en faire des lectures interminables. J'invite seulement M. Brard à y lire un magazine qui rappelle qu'il ne faut pas désespérer "ni Billancourt ni Neuilly". Dans un débat, contentons-nous d'exprimer nos convictions.

M. le Président - Je vous remercie. Si je devais retirer la parole à tous ceux qui lisent, il n'y aurait pas beaucoup de députés qui s'exprimeraient...

M. Jean-Pierre Brard - A commencer par M. Gantier, qui lit ses questions d'actualité !

M. Gilbert Gantier - Je ne lis jamais !

M. Christian Cuvilliez - L'amendement 128 est défendu.

M. le Rapporteur général - La commission l'a repoussé. Le dispositif proposé est complexe, et l'article 8 vous donne satisfaction sur la création d'une nouvelle tranche à 1,8 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions, puisqu'ils sont composés à 94 % des actifs financiers que vise notre amendement.

M. Christian Cuvilliez - Je retire l'amendement 128, et je présente notre amendement 126.

Le plafonnement institué en 1989 afin que le montant total de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur la fortune n'excède pas 85 % du revenu du redevable a concerné 2 800 contribuables en 1996. Selon le dernier rapport du Conseil des impôts, ils déclarent souvent des revenus négatifs. Mais c'est une réalité en trompe l'oeil, car des moins values ou des déficits peuvent annuler des revenus positifs d'autre nature. Surtout les revenus que procure la détention d'une résidence principale ou secondaire ne sont pas pris en compte, non plus que des revenus non distribués de SICAV de capitalisation et les plus-values latentes.

Ce sont de fait les contribuables les plus riches qui profitent du plafonnement. 60 % d'entre eux déclarent un patrimoine supérieur à 16,5 millions contre 10 % pour l'ensemble des assujettis. Pour ces 1 110 redevables à l'ISF concernés, le plafonnement réduit l'impôt moyen d'un peu plus de 600 000 F.

Ce mécanisme a un coût élevé -quelque 1,2 milliard- comme le note le dernier rapport du Conseil national des impôts, il est contestable dans son principe. En effet l'ISF doit permettre de tenir compte à la fois du revenu et du patrimoine. Or le plafonnement n'a comme référence que l'impôt sur le revenu.

L'ISF n'a donc vraiment rien de confiscatoire.

Notre amendement 126 reprend une proposition du Conseil des impôts. Nous souhaitons une réforme de fond de l'ISF, notamment pour inciter à utiliser l'argent de façon plus favorable à la création de richesse et d'emploi.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable. Le Conseil des impôts n'a pas formulé cette proposition ; il suggère une assiette universelle mais avec des taux très bas. Le plafonnement actuel de l'ISF assure un équilibre. Le réduire comme vous le proposez poserait un problème de constitutionnalité.

M. le Secrétaire d'Etat - Défavorable. Notre projet durcit déjà le mécanisme du plafonnement et comporte d'autres mesures relatives à l'ISF qui doivent vous satisfaire. Je vous demande de retirer l'amendement.

M. Christian Cuvilliez - Je le retire. Mais nous en reparlerons.

ART. 9

M. Gilbert Gantier - Mon amendement 340 vise à supprimer cet article qui limite l'exonération de l'ISF au titre des biens professionnels aux seuls loueurs en meublé professionnels, qui retirent de leur activité plus de 150 000 F de recettes annuelles et plus de 50 % des revenus professionnels de leur foyer fiscal. Une telle mesure est discriminatoire.

M. le Rapporteur général - Défavorable. Il est nécessaire d'éviter une évasion fiscale excessive.

M. le Secrétaire d'Etat - Défavorable.

M. Jean-Jacques Jegou - Pouvez-vous nous donner la raison de cette nouvelle formulation de l'article 885 R du Conseil général des impôts qui spécifie que le seuil est de 50 % des revenus professionnels, alors que l'article 151 septies ne mentionne que 50 % du revenu ?

L'amendement 340, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 9, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 9

M. Adevah-Poeuf - Je ne veux pas prolonger la discussion interminable que nous avons eue sur l'article 8, et je retire mon amendement 158 qui assujettit à l'ISF les bois et forêts de plus de 500 ha. Mais nous en reparlerons, et on ne m'objectera pas alors que les forêts sont délocalisables (Sourires).

ART. 10

M. Philippe Auberger - La jurisprudence règle le problème de l'imposition des biens dont une personne a l'usufruit et une autre la propriété. Certains il est vrai utilisent des artifices pour échapper à l'imposition. C'est qu'ils ont les moyens de s'offrir des conseillers fiscaux pleins d'imagination. C'est une course sans fin dans laquelle le législateur ne pourra jamais les rattraper. La seule solution est de recourir de façon plus systématique à l'abus de droit. Les services peuvent mettre fin aux anomalies sans qu'il soit besoin d'une disposition législative qui sera vite périmée. Mon amendement 57 est donc de suppression.

M. Gilbert Gantier - Je serai bref, car nous débattons depuis hier soir sur un impôt qui représente 0,05 % des recettes de l'Etat : c'est beaucoup pour un symbole. M. Auberger a bien démontré le caractère injuste et illogique de l'article 10, que mon amendement 341 tend à supprimer. Quand un impôt est mauvais, on est obligé de le conforter par des mesures de plus en plus injustes...

M. le Rapporteur général - Quinze milliards, c'est plus qu'un symbole ! Une procédure n'empêche pas l'autre, Monsieur Auberger, et l'adoption de l'article 10 n'empêchera pas l'administration d'utiliser par ailleurs la procédure de l'abus de droit. L'objet de l'article 10 est de faire obstacle à certains montages qui permettent, par une donation temporaire d'usufruit, de réduire artificiellement la base imposable, voire de se soustraire à l'impôt. La commission a donc rejeté les amendements de suppression.

M. le Secrétaire d'Etat - C'est vrai que la lutte contre l'évasion fiscale est une course sans fin. Mais dans cette course nous n'avons pas l'intention de nous arrêter, et chaque fois qu'il le faudra nous prendrons des mesures pour rendre l'évasion plus difficile. Ce qui n'exclut nullement le recours à l'abus de droit. Défavorable.

Les amendements 57 et 341, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 10, mis aux voix, est adopté.

ART. 11

M. Gilbert Gantier - Cet article prévoit de prendre en compte les revenus exonérés dans le calcul du plafonnement de l'ISF. Seuls les déficits catégoriels professionnels n'entreraient pas dans le calcul du plafonnement. Une telle mesure permettra d'arriver plus rapidement au seuil d'imposition, ce qui est inadmissible.

L'amendement 342, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gilbert Gantier - Mon amendement 347 tend à prendre en compte d'autres prélèvements dans le plafonnement de l'ISF. Je propose donc d'insérer l'alinéa suivant : "Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 885 V bis du code général des impôts, après les mots : "et des impôts", sont insérés les mots : "sur le revenu, des impôts directs et de l'ensemble des prélèvements sociaux." J'ai prévu un gage, mais je crois que je n'y étais pas tenu, s'agissant d'une mesure nouvelle.

L'amendement 347, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur général - L'amendement 534 rectifié est rédactionnel.

L'amendement 534 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Gilbert Gantier - L'article 11 n'est pas, malgré son titre, un simple aménagement de l'ISF, mais une modification substantielle. Mon amendement 348 repose sur la même argumentation que les précédents.

L'amendement 348, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gilbert Gantier - Je propose par l'amendement 349 de prendre en compte les revenus exonérés provenant de la cession d'immeubles ou de valeurs mobilières.

L'amendement 349, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Philippe Auberger - Mon amendement 343 tend à rétablir pleinement le plafonnement de l'ISF, de façon à éviter que la somme de cet impôt et de l'impôt sur le revenu représente une fraction excessive du revenu. Une telle mesure de bon sens avait d'ailleurs été prise peu après la création de l'ISF, et elle existe dans le droit allemand : la Cour de Karlsruhe considère comme confiscatoire tout impôt dépassant 50 % du revenu. Il est vrai qu'en 1996 nous avons voté la suppression de ce plafond pour certaines tranches de l'ISF, mais je confesse que ce fut une erreur. C'est que nous étions mal informés...

M. Jean-Marie Le Guen - Comme pour la dissolution ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste)

M. Philippe Auberger - ...par les services fiscaux.

Ceux-ci ont voulu régler un problème de contrôle fiscal -qui est bien réel, car des abus existent- par une mesure législative générale. Quand nous avons été informés de ses effets, nous avons constaté que c'était une erreur. Nous ne pensons pas en effet, comme nos collègues communistes, que l'ISF doit être confiscatoire, et conduire à une décapitalisation. Or c'est le cas : certains contribuables sont contraints, du fait du déplafonnement, soit à vendre une partie de leur capital, soit à rémunérer très peu celui-ci. On introduit ainsi un biais fiscal dans la politique de rémunération des entreprises. Un cas souvent cité est celui de l'entreprise Legrand, très belle entreprise française, qui réinvestit l'essentiel de ses bénéfices et remporte de grands succès à l'exportation. Ses 250 actionnaires sont liés par un pacte d'actionnariat. Or elle rémumère très faiblement son capital, du fait du déplafonnement, ce qui a suscité une crise parmi les actionnaires. Certains ont menacé de vendre leurs parts, et des prédateurs étrangers sont prêts à les acquérir.

Je propose donc de supprimer la dernière phrase du premier alinéa de l'article 885 V bis du Conseil général des impôts.

M. Jean-Jacques Jegou - L'amendement 404 a le même objet, et M. Auberger a donné à la majorité un exemple d'humilité (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Nous insistons sur la procédure de l'abus de droit, qui est une arme sérieuse pour l'administration. En revanche le déplafonnement est anti-économique et anti-social. L'exemple de l'entreprise Legrand est parlant : voilà une belle entreprise qui risque d'être mise en difficulté.

M. le Rapporteur général - Défavorable. Je l'ai rappelé, M. Auberger a changé d'opinion, puisqu'en 1996 il jugeait cette mesure équitable.

M. Jean-Jacques Jegou - Vous aussi changez d'opinion : M. Bérégovoy avait pris la mesure que nous défendons.

M. le Rapporteur général - Le mécanisme actuel du plafonnement n'est certes pas parfait, mais il n'est pas opportun de le modifier tant qu'on ne s'engage pas dans une refonte complète de l'ISF.

M. le Secrétaire d'Etat - Je rends hommage à M. Auberger pour avoir reconnu ce qui est, de son point de vue, une erreur, même si battre sa coulpe sur la poitrine de l'administration n'est peut-être pas la meilleure démarche. L'article 11 s'inscrit dans un dispositif gouvernemental destiné à lutter contre l'évasion fiscale et à demander un effort de solidarité aux plus fortunés. Avis défavorable sur les amendements 343 et 404.

M. Gilbert Gantier - Juste un point d'histoire. Quand le gouvernement Rocard, en 1988, a décidé de rétablir l'ancien IGF sous le nom d'ISF, j'avais dit au rapporteur général de l'époque -qui exerce maintenant des fonctions gouvernementales, à la Défense, je crois- qu'il fallait instituer un plafonnement, afin que les contribuables n'aient pas à payer plus que leurs revenus ne le permettaient ; il en était tombé d'accord et nous avions proposé un plafonnement à 60 %. Le ministère des finances de l'époque, Pierre Bérégovoy, avait souhaité le porter à 85 % mais n'en avait pas moins accepté le principe.

En 1996, j'ai voté contre le déplafonnement, lequel est pour beaucoup dans la délocalisation de certains contribuables. Pour ma part, je souhaite donc, sans illusions, l'adoption de ces amendements.

L'amendement 343, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 404.

M. le Rapporteur général - L'amendement 535 apporte une précision rédactionnelle.

L'amendement 535, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 11 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 12

M. Jean-Jacques Jegou - A l'attention de nos collègues communistes, je voudrais souligner qu'en France, on est considéré comme riche et passible de l'ISF quand on possède sa résidence principale et qu'on a pu, grâce à une vie de travail, s'acheter une résidence secondaire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). La Cour de cassation considère qu'un abattement doit être opéré sur la valeur d'un immeuble lorsqu'il constitue la résidence principale de son propriétaire. Cet article instaure un abattement de 20 % ; mon amendement 405 tend à le porter à 30 %, tant en matière d'ISF qu'en matière de droits de succession -lorsque l'immeuble est également la résidence principale du conjoint survivant ou des enfants. Mon amendement 406 se limite au cas des droits de succession.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable. l'article 12 donne une base légale à la jurisprudence Fleury de la Cour de cassation ; mais il est raisonnable de s'en tenir à 20 %.

M. le Secrétaire d'Etat - Défavorable. Monsieur Jegou, il me paraît difficile de considérer comme modeste un patrimoine de 4,7 millions, après déduction des emprunts. Je rappelle qu'on ne compte que 175 000 contribuables à l'ISF. L'abattement de 20 % est raisonnable.

M. Philippe Auberger - De toute façon, cet article est inutile. Personne ne conteste la jurisprudence de la Cour de cassation ; il suffit de l'appliquer. De toute façon, l'évaluation des biens est faite sous le contrôle de tribunaux. En matière d'ISF, je l'ai dit, moins on légifère, mieux cela vaut.

M. le Rapporteur général - Chacun doit faire son travail : il est légitime que le Parlement donne des bases légales à une jurisprudence.

L'amendement 405, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 406.

L'article 12, mis aux voix, est adopté.

L'article 13 est adopté.

ART. 14

M. José Rossi - Je regrette d'avoir à intervenir au sujet d'un amendement après l'article 14, adopté nuitamment par la commission des finances à l'initiative de M. de Courson et qui suscite en Corse une grande émotion.

La Corse est dans une situation extrêmement difficile, et il est peut-être plus difficile pour un parlementaire élu en Corse que pour un autre d'exercer ses responsabilités.

Si, après trois décennies, l'Etat a abdiqué toute responsabilité, notamment dans les domaines de la sécurité, de la justice et de l'application de la loi, il n'appartient pas au Gouvernement de recourir aujourd'hui à des mesures brutales pour rétablir une situation qu'il a laissée se déliter. Le travail de reconstruction sera long, patient, et requerra un dialogue véritable entre le pouvoir central, quelle que soit sa couleur politique, et les élus légitimes de l'île, qui sont en mesure de lui apporter leur concours actif.

Or, nous avons l'impression que le Gouvernement  et beaucoup de parlementaires, de gauche comme de droite, se laissent aller à des discours du genre : "Arrêtons les frais en Corse, car plus la solidarité nationale s'exerce, moins ça marche", ou "décidément, les Corses ne sont bons à rien, ils sont à l'écart de la communauté nationale" ou encore "les élus corses sont des gens incompétents et peu recommandables"...

M. Jean-Pierre Brard - Certains le sont !

M. José Rossi - Ceux qui pensent reconstruire l'Etat de droit en tenant ce type de discours se trompent lourdement et vont au-devant de graves difficultés. Je leur dis : ne cédez pas, par facilité, à la pression du moment, car vous ne feriez que creuser encore l'écart entre la Corse et le reste des Français.

Je m'étonne de la façon dont cet amendement a été voté en commission : déposé par un député de l'opposition connu pour être actif et compétent par ailleurs, il a été accueilli avec joie par la majorité socialiste, qui va sans doute l'adopter tout à l'heure, et par le Gouvernement lui-même, qui l'a approuvé sous l'influence de l'administration fiscale, tout heureuse à l'idée d'entamer enfin le démantèlement des arrêtés Miot !

Si vous vous rendiez compte de votre erreur et engagiez, avant la fin de la session budgétaire, un dialogue digne de ce nom avec les représentants légitimes de la Corse, au Parlement et dans les assemblées délibérantes, alors une réforme d'ensemble pourrait être envisagée, mais à aucun moment l'amendement de M. de Courson n'a fait l'objet de la moindre consultation : c'est un manquement inacceptable à l'esprit du statut particulier voté à l'initiative de ministres socialistes dont vous respectez bien peu le souvenir ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Gaston Defferre écrivait ainsi, en 1984, qu'une réforme du régime fiscal de la Corse ne pouvait réussir que si elle faisait suite à une discussion conduite "dans un esprit d'ouverture, en tenant compte des préoccupations et des objectifs légitimes des responsables régionaux". Nous, élus insulaires, sommes prêts à entamer un dialogue approfondi, et néanmoins rapide si vous le souhaitez, sur l'ensemble des questions fiscales, y compris le montant des droits, mais dans la clarté et dans le cadre d'un dialogue républicain, et non pas en regardant les choses par le petit bout de la lorgnette !

M. Roland Francisci - Très bien !

M. Jean-Louis Idiart - Applaudissements nourris à droite...

M. Paul Patriarche - L'adoption de l'amendement 14 par la commission des finances a soulevé une grande émotion en Corse, car il touche à la spécificité de notre statut fiscal. Sur la forme, je relève que la consultation de l'Assemblée de Corse aurait été nécessaire s'il s'était agi d'une disposition du projet lui-même...

Sur le fond, il faut souligner que la dispense de pénalité ne vaut pas dispense de l'obligation de déclaration, encore moins exonération des droits : celle-ci est liée à l'absence de base légale de l'évaluation. Nulle part il n'est écrit que les Corses sont dispensés de droits de succession !

M. de Courson affirme que son amendement s'inscrit dans une démarche de "rétablissement de l'état de droit". L'immense majorité des Corses sont très attachés à ce rétablissement, mais ce serait tomber dans l'excès inverse, que de supprimer des dispositions qui avaient été prises il y a deux siècles pour compenser l'insularité et le retard de développement, dispositions dont la Cour de cassation a reconnu, au demeurant, le caractère législatif. Si les arrêtés Miot sont contraires au rétablissement de l'état de droit, pourquoi le statut actuel, adopté à l'initiative d'un Gouvernement socialiste, ne les a-t-il pas abrogés ? Est-il acceptable, enfin, que l'auteur de l'amendement déclare que ceux qui combattent son amendement sont "les complices des fraudeurs" ? Le moment est bien mal choisi pour porter ce mauvais coup au développement de la Corse : la volonté des habitants de l'île de retrouver la paix est indubitable, mais cette mesure est inconvenante et déplacée dans le contexte actuel. Qu'il faille revoir le statut fiscal de la Corse, ne serait-ce que dans le cadre de l'harmonisation européenne et du traité d'Amsterdam qui reconnaît la spécificité des îles sur ce plan, j'en conviens, mais j'appelle nos collègues, soit à retirer l'amendement, soit à s'y opposer, à l'instar des deux fédérations socialistes de Corse et de l'ensemble de la communauté insulaire. L'adopter serait pis qu'une erreur : une faute ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DL et du groupe RPR)

M. Roland Francisci - Je regrette que l'auteur de l'amendement ne soit pas présent. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) J'ai été surpris, il y a 48 heures, d'entendre M. de Courson déclarer, sur une radio corse, que ceux qui soutiennent les arrêtés Miot soutiennent les fraudeurs. Ces propos sont scandaleux !

M. José Rossi - Inacceptables !

M. Roland Francisci - Ces textes remontent à deux cents ans et ils ont été confirmés à de multiples reprises par la Cour de cassation. M. de Courson pense-t-il que la Cour de cassation a vocation à soutenir les fraudeurs ?

En partant d'informations erronées, M. de Courson a présenté un amendement qui a été adopté par la commission des finances sans la moindre concertation avec l'assemblée de Corse, ni avec les parlementaires concernés. Il porte gravement atteinte aux arrêtés Miot en vigueur dans l'île depuis le 10 juin 1815.

De quoi s'agit-il ? A l'époque du Consulat l'île était dans un état économique catastrophique. Napoléon Bonaparte y dépêcha le Conseiller d'Etat Miot, avec mission de dresser l'état des lieux et de faire des propositions. C'est sur la base de son rapport détaillé que furent adoptées plusieurs mesures, "les arrêtés Miot". C'est la plus importante qui est mise en cause aujourd'hui, celle qui touche aux droits de succession. Plus précisément, M. de Courson veut supprimer la phrase abrogeant les sanctions en cas de non-déclaration dans les six mois du décès, au motif que cette exonération de fait est contraire au principe d'égalité et n'est assortie d'aucune contrepartie. Cette affirmation montre bien qu'il connaît mal les conditions dans lesquelles ces arrêtés ont été pris.

Les mesures dérogatoires prises en faveur de la Corse sous le Consulat ne l'ont pas été à titre gratuit : elles ne représentaient ni un cadeau, ni un privilège, mais bien un droit : en contrepartie, la Corse a cédé à l'Etat la totalité de son domaine forestier. Nous commettrions une injustice envers la Corse si nous votions l'amendement de Courson.

Les arrêtés Miot ont été confirmés et maintenus sous tous les régimes. En 1816 la royauté a voulu rétablir le droit commun en Corse en matière successorale : les plaintes des représentants de la Corse et de l'opinion ont amené le ministère de l'époque à maintenir les arrêtés. Sous le Second Empire, en 1857, l'administration fiscale soutint qu'un décret avait abrogé les arrêtés Miot. Mais M. Abatucci, alors ministre de la justice, fit valoir que pouvoirs exceptionnels dont avait été investi M. Miot donnaient à ses arrêtés un caractère législatif. En 1875, un arrêt de la Cour de cassation a confirmé la valeur législative des arrêtés Miot. En 1981, l'administration fiscale a soutenu qu'un des trois arrêtés avait été implicitement abrogé par le décret du 9 décembre 1948 : la Cour de cassation a condamné cette thèse en 1984. Le 15 novembre 1994, le Parlement a adopté une loi sur le statut fiscal de la Corse qui maintient en vigueur les arrêtés Miot, ce qui prouve qu'il ne s'agit pas d'un quelconque privilège, mais bien de la loi.

Il apparaît donc inopportun et injuste d'en abroger certaines dispositions. Je précise d'ailleurs qu'ils ne concernent pas seulement les Corses, mais toute personne possédant un bien immobilier en Corse.

Leur suppression ne ferait qu'accélérer le dépeuplement des villages de l'intérieur. Je suis maire et conseiller général d'un canton rural de montagne. Il y a très peu de demandes de permis de construire : si demain on abroge les arrêtés Miot, il n'y en aura plus du tout.

Ce serait une erreur politique aux conséquences incalculables. Elle effacerait le côté positif de la politique menée actuellement par le Gouvernement en Corse.

La Corse est à un tournant de son histoire et a besoin du soutien de la représentation nationale. Vouloir abroger les arrêtés Miot sous un prétexte fallacieux, alors même qu'elle est en pleine crise économique et sociale, ce n'est pas l'aider, mais l'enfoncer un peu plus. C'est remettre en cause le statut fiscal adopté récemment. Ce serait une spoliation, en même temps que le reniement de la parole de l'Etat. C'est pourquoi je demande le retrait, ou, à défaut, le rejet de cet amendement. Ce sera un acte de justice et de solidarité dont je vous remercie par avance.

M. Roger Franzoni - Ce débat me paraît un peu irréel. Les arrêtés Miot ne sont pas attaqués ici, je pense, sauf sur la question des délais.

La Corse est en effervescence et vous savez les efforts sans précédent du Gouvernement pour rétablir une situation normale. Il n'était pas nécessaire d'en rajouter...

Je lis en première page dans les journaux corses : "de Courson contre les arrêtés Miot" ou "l'Assemblée nationale attaque les arrêtés Miot". C'est effrayant ! Il faut savoir, avant de légiférer, que les arrêtés Miot sont la Bible fiscale de la Corse depuis le Consulat. Il ne faut pas y toucher ! Si les Corses ne paient pas d'impôt sur les successions, c'est bien la faute du législateur. En effet, l'arrêté du 21 prairial an IX de l'administrateur général André François Miot apportait des dérogations au régime fiscal des mutations par décès en calculant la valeur des immeubles à partir de la contribution foncière. Même s'il était précisé qu'il n'y aurait pas de pénalité si la déclaration n'était pas faite dans les six mois, les Corses ont toujours acquitté leurs droits de succession... jusqu'en janvier 1948. A ce moment-là, en effet, la loi a supprimé la contribution foncière sans proposer d'autre système d'évaluation des biens. L'administration fiscale a voulu imposer de nouvelles modalités de calcul, mais les Corses ont refusé en arguant du manque de base légale. L'administration a insisté et des procès ont eu lieu. J'ai moi-même plaidé plusieurs fois pour le compte de l'Etat et chaque fois été débouté, car les juges ont considéré que la chose manquait en effet de base légale. L'administration, qui ne s'avoue pas facilement vaincue, s'est pourvue en cassation et la Cour de cassation a confirmé le jugement de première instance, si bien que l'administration a dû rembourser les droits indûment perçus. Et depuis 1949, rien n'a été fait, ni le législateur, ni le Gouvernement ne se sont emparés du problème. Pourtant, les Corses ne demandent qu'une chose : le respect de la légalité républicaine.

Mais le fait est que les arrêtés Miot soient toujours valides et que personne -ni Joxe, ni Juppé- n'a osé n'y toucher. Est-ce un amendement adopté rapidement à une heure du matin -l'heure des terroristes (Exclamations sur divers bancs ; applaudissements sur les bancs du groupe DL)- qui va résoudre le problème ? Je pense plutôt que cet amendement jette le trouble et je demande à la commission de le retirer (Applaudissements sur les bancs du groupe DL).

M. Marc Laffineur - Je suis le premier non-Corse à prendre la parole et j'ai voté, en commission des finances, l'amendement dont nous parlons.

Tout d'abord je pense que nous devons avoir le plus souvent possible des débats sur la Corse, car les problèmes qui s'y posent nous interpellent tous. La Corse a besoin d'un Etat fort, capable de faire respecter la loi. Mais cela nécessitera une réforme d'ensemble ; on ne peut pas procéder par "coups". C'est pourquoi je ne voterai pas l'amendement.

Mme Nicole Bricq - Expliquez-nous pourquoi vous n'avez pas la même position qu'en commission !

M. Marc Laffineur - Il faut agir calmement et éviter de mettre à feu et à sang une partie du territoire. Mieux vaut donc que notre collègue retire son amendement et que le Gouvernement s'engage à une réforme globale de la fiscalité en Corse, sachant que 95 % des Corses veulent que les choses changent (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et sur les bancs du groupe du RPR).

M. Jean-Louis Idiart - Alors changeons-les ! Vous n'êtes pas sérieux.

M. Gilles Carrez - Je voudrais apporter le témoignage d'un membre de la commission d'enquête sur la Corse qui, présidée avec compétence et impartialité par M. Glavany, a mis en évidence de nombreux errements -non-application des lois républicaines dans différents domaines, qu'il s'agisse de la fiscalité, de l'urbanisme, des prestations sociales ou de la sécurité- mais qui a montré aussi que la responsabilité en incombait en grande partie à l'Etat, qui a alterné fermeté et laxisme. La commission d'enquête en a conclu que la restauration de l'état de droit devait avant tout s'inscrire dans la durée et se faire progressivement.

Dans ces conditions, je ne trouve pas l'amendement de M. de Courson très opportun, bien qu'en apparence il aille dans le bon sens.

Il faut appliquer les lois de la République telles qu'elles existent, conclut le rapport de la commission d'enquête. Or les arrêtés Miot font partie, selon la Cour de cassation, des lois existantes. N'essayons donc pas en même temps de faire appliquer la loi et de la modifier ! Il faut rétablir l'état de droit sans traumatiser la population et sans lui donner le sentiment d'une brimade -car la fierté corse est légendaire. Sinon, on va compliquer la tâche des valeureux fonctionnaires qui travaillent en ce moment sous l'autorité du préfet Bonnet et celle des élus corses dans leur entreprise commune de restauration de l'État de droit (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL).

J'ajoute que techniquement, l'amendement de M. de Courson n'est pas satisfaisant car il ne règle pas le problème de l'absence de base légale à l'évaluation des biens. Il risque donc d'apparaître comme une simple vexation, ce qui serait contreproductif.

Je demande donc à l'Assemblée de ne pas voter cet amendement et au Gouvernement de chercher une solution qui garantisse mieux la restauration progressive de l'Etat de droit dans l'Ile (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL).

M. le Rapporteur général - Je demande la réserve de la discussion de l'article 14 et des amendements 507 à 530 jusqu'à l'examen de l'amendement 14 corrigé, après l'article 14.

M. le Président - La réserve est de droit. Nous en arrivons donc à l'amendement 14 corrigé.

M. José Rossi - Me fondant sur l'article 58, alinéa 3, je demande une suspension de séance d'une demi-heure.

M. le Président - Je vous accorde un quart d'heure.

La séance, suspendue à 12 heures 30, est reprise à 12 heures 45.

M. le Président - Sur l'amendement 14 corrigé, je suis saisi par le groupe Démocratie libérale d'une demande de scrutin public.

M. le Rapporteur général - Après avoir écouté toutes les interventions avec beaucoup d'attention, je voudrais revenir sur un certain nombre de points.

Le régime fiscal spécifique de la Corse tire son origine des arrêtés pris par André-François Miot, conseiller d'Etat et administrateur général du Golo et du Liamone -les départements corses de l'époque- en prairial an IX... Ce régime a été complété depuis lors par de nombreuses dispositions. L'article 3 de l'arrêté du 21 Prairial an IX est encore applicable aux successions. Cet article dispose que la valeur des immeubles sera déterminée à partir du montant de la contribution foncière. Il prévoit aussi la non-application des sanctions en cas de défaut de déclaration de succession dans le délai de droit commun de six mois. Cet arrêté fait donc échapper aux droits de succession d'une part les contribuables domiciliés fiscalement dans l'un des départements de Corse, d'autre part les immeubles situés en Corse, que leur propriétaire y soit ou non domicilié. J'ajouterai pour être complet que, d'après les informations dont je dispose, certains contribuables qui ne souhaitent pas rester en indivision font des déclarations spontanées. D'autre part l'administration fiscale ferait quelques rappels, sans pénalités.

L'amendement 14 corrigé ne concerne que le problème de la déclaration de succession, et rétablit les sanctions en cas de non-déclaration dans le délai de droit commun de six mois. Je me refuse à envisager l'idée que la majorité du peuple corse (Exclamations sur les bancs du groupe DL) souhaite se soustraire à un régime de déclaration, et aux sanctions qui peuvent être prononcées si cette règle n'est pas respectée. L'amendement restaure l'obligation qui procède de cette déclaration, d'une part pour les contribuables domiciliés fiscalement dans l'un des départements de Corse ; d'autre part, pour les immeubles situés en Corse, que le défunt y soit domicilié ou non si l'amendement est adopté, les dispositions de droit commun du CGI s'appliqueront en Corse à l'obligation de déclaration. Il s'agit de l'article 641 du CGI, qui pose l'obligation de déclaration dans les six mois, et de l'article 1 728-A qui prévoit les sanctions en cas de défaut de déclaration.

Il est vrai que l'amendement ne règle pas la première question, beaucoup plus délicate : celle de l'évaluation des biens immobiliers situés en Corse. Un arrêté Miot disposait que cette évaluation se ferait sur la base de la contribution foncière. Mais celle-ci a disparu le 1er janvier 1949 comme impôt d'Etat. L'article premier du décret du 9 décembre 1948 lui a substitué l'IRPP, ce qui a fait disparaître toute base légale à l'évaluation des successions. Les tentatives de pallier cette difficulté n'ont pas abouti. On peut comprendre les décisions de la Cour de cassation, puisqu'elle ne fait pas le droit mais l'interprète. C'est le Parlement qui fait la loi. La commission d'enquête a d'autre part constaté que les biens immobiliers sont exonérés de fait de tout droit de succession.

Quelle est la portée de l'amendement ? Elle est atténuée, car il ne règle pas la question de l'absence de base légale pour l'évaluation des biens. Il est toutefois significatif en ceci qu'il rétablit l'obligation de déclaration, et donc l'assujettissement aux droits de succession de l'ensemble du patrimoine non immobilier. Cela concerne au premier chef le patrimoine mobilier : comptes en banques, portefeuilles détenus auprès d'établissements bancaires et financiers, ou de succursales, situés en Corse, et autres éléments tels que parts de sociétés ou fonds de commerce.

Certains nous ont demandé de retirer cet amendement. Nous ne sommes pas à son origine, et je regrette que son auteur ne soit pas là. La démarche du Gouvernement comme de la majorité, dans le cadre du rapport de la commission d'enquête, se veut progressive et sans précipitation. Mais cet amendement nous a été présenté ; et comme il va dans le bon sens, favorisant l'Etat de droit républicain, la commission ne s'y est pas opposée et l'a adopté. A travers cet amendement il n'est pas question de traumatiser les Corses, ni de méconnaître les spécificités liées à l'insularité. Elu moi-même d'une circonscription de montagne, je plaide pour la reconnaissance des spécificités liées à certaines situations.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. le Rapporteur général - Mais cela doit s'inscrire dans une certaine cohérence et dans le respect de l'Etat républicain. Nous estimons tous que cet amendement va dans le bon sens. Même s'il n'est pas parfait, le retirer aujourd'hui serait adresser un mauvais signe aux Corses et à toute la population française. Cela voudrait dire que nous refusons d'entrer dans une démarche de respect de l'Etat de droit. Je l'ai dit, l'amendement n'est pas parfait : je suis prêt, d'ici la deuxième lecture, à le retravailler, en concertation avec les élus corses et en liaison avec le Gouvernement. Nous pourrons ainsi présenter en deuxième lecture un dispositif cohérent et complet. Mais nous devons avoir le respect des valeurs républicaines et le respect de nous-mêmes. Je déplore l'attitude des collègues qui ont changé d'avis entre la réunion de la commission et aujourd'hui. Nous n'avons pas travaillé dans la précipitation ; nous étions bien conscients de la portée et des limites de l'amendement. Nous essayons de travailler en responsabilité. J'appelle donc notre assemblée à adopter cet amendement, quitte à poursuivre le travail sur sa rédaction (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste).

M. le Président - Je dois vous informer que M. de Courson m'a fait savoir qu'il était retenu par un débat important de son conseil général (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Cela montre bien que siéger vendredi, samedi et dimanche pose des problèmes.

M. le Secrétaire d'Etat - J'ai écouté avec attention MM. Rossi, Patriarche, Francisci et Franzoni, ainsi que le rapporteur général. Cet amendement a été déposé par un parlementaire de l'opposition, M. de Courson, dont je suis surpris -quelles que soient ses obligations par ailleurs- qu'il ne soit pas là pour le défendre, ou le retirer conformément au voeu des orateurs de la même sensibilité. Il y a là une incohérence et une légèreté de la droite que je veux souligner.

M. Philippe Auberger - Pas d'amalgame !

M. le Secrétaire d'Etat - Il y a aussi dans la méthode utilisée une brutalité qui rappelle les méthodes souvent employées entre 1993 et 1997. Le Gouvernement est partisan de la concertation et du dialogue.

J'en viens à l'amendement. Il va dans le bon sens, celui de la correction de faits choquants. Il s'agit de patrimoines importants : on ne vise pas ici la petite propriété rurale, qui serait de toute façon exonérée si l'on appliquait les lois de la République.

La politique du Gouvernement en Corse est claire. Il s'agit tout d'abord d'y rétablir l'Etat de droit, dans le domaine fiscal comme dans d'autres. Dès le mois de septembre M. Strauss-Kahn et moi-même avons engagé une action résolue contre la grande fraude fiscale, lutte qui s'est intensifiée après l'attentat contre le Préfet. Il s'agit bien de la grande fraude fiscale : les statistiques montrent que l'immense majorité des Corses paient leurs impôts. Notre action est donc tournée contre quelques-uns, qui discréditent la Corse.

La deuxième volonté du Gouvernement est de développer l'île, dont la capacité de croissance est aujourd'hui handicapée par l'insécurité juridique qui y règne. Ces deux actions, le Gouvernement entend les mener en concertation avec les élus de l'île. L'emploi et l'équité fiscale doivent être renforcés en Corse comme sur tout le territoire de la République. L'Etat de droit doit être rétabli, dans l'intérêt de l'immense majorité des Corses. Fermeté et dialogue, telle est la double volonté du Gouvernement. Sur cet amendement dû à un député de droite, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée, éclairée par le débat qui vient de se dérouler, et informée de la détermination du Gouvernement.

M. le Président - Pour que les choses soient claires, par rapport aux mises en cause répétées de M. de Courson, je précise que cet amendement est devenu celui de la commission : elle seule peut le retirer si elle le souhaite, ou, comme c'est le cas, le maintenir.

M. Jean-Jacques Jegou - Depuis une heure, j'essaie désespérément de prendre la parole pour défendre, en son absence, la position de mon collègue de Courson, comme il est d'usage dans la discussion d'un amendement, même repris par la commission.

Il y a une chose que je n'accepterai pas qu'on dise de Charles de Courson, c'est qu'il n'est pas courageux.

M. Roland Francisci - Pourquoi n'est-il pas venu ?

M. Jean-Jacques Jegou - Ce n'est pas parce qu'il a peur ! Il est ici très souvent, mais son conseil général tient aujourd'hui une session sur les problèmes financiers dont il a la responsabilité.

Dédramatisons les choses. La manière serait violente, nous dit le ministre : je ne comprends pas très bien cette réaction. A l'occasion de la commission d'enquête, nous avons entendu pendant six mois des choses qui parfois nous ont fait frémir. Charles de Courson, qui est quelqu'un de rigoureux, a considéré que nous pouvions faire avancer ce dossier. Il s'agit tout simplement de faire en sorte que les Corses, comme les Bretons ou les Franciliens, fassent une déclaration dans les six mois en cas de succession : c'est aussi simple que cela ! ("Très bien !" sur les bancs du groupe socialiste) Le mythe est bien ancré selon lequel les arrêtés Miot ont dispensé les Corses du dépôt de déclaration de succession, et donc des paiements des droits. Cet amendement a donc pour but, en rétablissant une sanction en cas de non-déclaration, d'aider les Corses qui, majoritairement, n'ont pas l'intention de frauder. En Corse-du-Sud, en 1997, pour 1 300 décès, 935 fiches décès ont été transmises à l'administration fiscale par les mairies et il y a eu 168 déclarations de succession ; en Haute-Corse, 1 500 décès, 1 384 fiches-décès, 182 déclarations. C'est l'honneur du Parlement de mettre fin à cette situation.

M. Roland Francisci - Vous ne connaissez pas les arrêtés Miot !

M. Jean-Jacques Jegou - Les députés corses devraient prendre garde de ne pas encourager, par leur attitude, l'incompréhension des continentaux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Le rapport de la commission d'enquête a été voté à l'unanimité ; donnons maintenant ce signe aux Corses qu'il faut rentrer dans le cadre légal de la République : au groupe UDF, même si la liberté de vote est de droit, nous voterons cet amendement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste).

M. le Président - Je donne encore la parole à M. Auberger puis à M. Rossi.

M. Christian Cuvilliez - Moi aussi j'ai demandé la parole !

M. le Président - Je ne fais qu'appliquer le Règlement : un orateur contre l'amendement, un orateur pour répondre au Gouvernement, un pour répondre à la commission. Il ne peut pas y avoir un quatrième intervenant. Il n'y a pas d'explications de vote sur les amendements.

M. Philippe Auberger - J'ai été l'un des rares en commission des finances à ne pas voter l'amendement de notre excellent collègue Charles de Courson, et je maintiens ma position. Je m'exprime d'ailleurs au nom du groupe du RPR, ce sujet ayant été débattu par son bureau mardi matin, à ma demande.

Nous suivons avec beaucoup d'attention les efforts du Gouvernement pour rétablir la légalité en Corse, et nous les approuvons. Mais il ne s'agit pas ici de rétablir la légalité : les arrêtés Miot sont valides et dans l'état actuel du droit, le défaut de déclaration de succession en Corse ne peut pas donner lieu à sanction. Par cet amendement, on nous propose de modifier l'état de droit ; or nous ne sommes pas d'accord pour le modifier sans précaution.

L'ordre public est en jeu ; or c'est le Gouvernement, et non le Parlement, qui en est responsable. De plus, la Corse a toujours demandé une certaine spécificité. Il serait donc normal que les conclusions de la commission d'enquête soient suivies d'un projet de loi. Ce n'est pas au Parlement, par la voie d'un amendement au projet de loi de finances, de modifier l'état de droit en Corse. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Nicole Bricq - Un ancien rapporteur général ne peut pas dire cela !

M. Philippe Auberger - C'est au Gouvernement de prendre ses responsabilités en donnant suite aux recommandations de la commission d'enquête dans leur ensemble. C'est la raison pour laquelle nous voterons contre cet amendement.

M. Laurent Dominati - Très bien !

M. José Rossi - Je souscris totalement aux propos de M. Auberger, qui s'exprime au nom du groupe RPR et qui a été rapporteur général : c'est la démonstration que les parlementaires de la Corse n'ont pas vocation à être isolés.

Monsieur le ministre, je regrette la prudence dont vous avez fait preuve en vous en remettant à la sagesse de l'Assemblée. Le groupe socialiste et le groupe communiste vont voter cet amendement et le Gouvernement s'exonère de toute responsabilité dans l'affaire...

La réforme du système fiscal de la Corse est un véritable chantier, qui nécessite un dialogue très approfondi avec l'Assemblée de Corse. Celle-ci, aux termes du statut particulier, a vocation à être consultée. Cet amendement a été introduit subrepticement dans notre débat (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) ; mais ce dossier ne doit pas être traité avec une telle légèreté ! Je demande que le Gouvernement aborde le problème dans son entier et fasse des propositions de réforme. Il reviendra ensuite à l'Assemblée et au Sénat de prendre souverainement leurs responsabilités.

Serait-ce ne pas respecter la loi républicaine que d'appliquer les arrêtés Miot ? Nullement : la loi du 27 décembre 1994 portant statut fiscal de la Corse dispose justement que "la Corse est dotée d'un statut fiscal destiné à compenser les contraintes de l'insularité et à promouvoir son développement économique et social. Dans le cadre de ce statut, l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires actuellement en vigueur sont maintenues." Saisi par les sénateurs socialistes, le Conseil constitutionnel a considéré, dans sa décision du 23 novembre 1994, que les arrêtés Miot relevaient, par leur contenu même, du domaine législatif en vertu de l'article 34 de la Constitution.

Le principe d'égalité n'est pas davantage méconnu (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) : la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel est que des différences de situation, mais aussi des considérations d'intérêt général, peuvent justifier des différences de traitement.

Il est également faux de dire que l'exonération soit de fait. Elle est de droit depuis que la Cour de Cassation considère que le défaut d'obligation de déclaration équivaut à une exonération de droits de succession sur les biens immobiliers situés en Corse.

Enfin, la question de l'exonération et celle de l'indivision ne sont pas liées, pour la bonne raison qu'une succession déclarée peut n'être jamais divisée et qu'une succession non déclarée peut conduire à un partage. C'est d'ailleurs ce qu'avait conclu, en 1985, la commission constituée à l'initiative du ministère de la justice, qui attribuait les causes de l'indivision en Corse à l'absence de titres de propriété et suggérait d'établir des actes de notoriété après publicité dans les mairies. L'application de cette recommandation a permis de sortir de très nombreuses situations d'indivision.

Je souhaite donc que l'amendement soit retiré, afin que nous puissions demander au Gouvernement, tous ensemble, de nous proposer un projet plus ambitieux (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DL et du groupe RPR)

M. Christian Cuvilliez - Je mets sur le compte de l'inexpérience, Monsieur le Président, votre façon de diriger nos débats (Protestations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL), mais il est anormal que notre groupe n'ait pu encore exposer sa position. Celle-ci n'est d'ailleurs pas unanime, mais je me suis néanmoins concerté avec mes amis avant d'en faire état.

Nous sommes favorables à une attitude de précaution, car il ne conviendrait pas qu'un amendement fiscal, sans doute fondé en droit comme en équité, emporte des conséquences disproportionnées à la portée de la mesure elle-même. La commission des finances a de nombreuses prérogatives, mais pas celle de décider de la politique de l'Etat en Corse ! Nous préférerions donc que l'amendement ne soit pas adopté et que le Gouvernement nous dise clairement quelle piste il propose pour aboutir à une situation plus conforme à l'état de droit (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du RPR et du groupe DL).

M. le Rapporteur général - Je donne acte à la Présidence de ce que l'amendement est devenu celui de la commission. Avant que nous passions au vote, je tiens à souligner que nous considérons tous que cet amendement va dans le bon sens, même s'il est imparfait et incomplet. Je considère, pour ma part, que le retirer serait donner un signe contraire à l'objectif que nous voulons atteindre et à la conception que je me fais de notre devoir de législateur. Je recommande donc à l'Assemblée de l'adopter, quitte à en améliorer encore la rédaction d'ici la seconde lecture. Cette démarche, j'en suis sûr, sera comprise par la population de la Corse, dès lors que nous l'assumons devant elle (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

A la majorité de 48 voix contre 25 sur 73 votants et 75 suffrages exprimés, l'amendement 14 corrigé est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi à 15 heures 30.

La séance est levée à 13 heures 25.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER

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ERRATA

au compte rendu analytique de la 1ère séance du mercredi 14 octobre 1998 :

- page 4, 4ème paragraphe, au lieu de "fort bien", lire "fordien".

- page 5, 1er et 3ème paragraphes, au lieu de TVAP, lire TGAP.


© Assemblée nationale


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