Accueil > Archives de la XIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (1998-1999)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 11ème jour de séance, 27ème séance

2ème SÉANCE DU VENDREDI 16 OCTOBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. Arthur PAECHT

vice-président

          SOMMAIRE :

LOI DE FINANCES POUR 1999 -première partie- (suite) 1

    ART. 14 (précédemment réservé) 1

    APRÈS L'ART. 14 2

    ART. 15 5

    ART. 16 6

    APRÈS L'ART. 16 9

    ART. 18 9

    APRÈS L'ART. 18 13

    ART. 19 16

    APRÈS L'ART. 19 18

La séance est ouverte à quinze heures trente.


Top Of Page

LOI DE FINANCES POUR 1999 -première partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la première partie de la discussion du projet de loi de finances pour 1999.

ART. 14 (précédemment réservé)

M. Jean-Jacques Jegou - L'amendement 419 tend à supprimer cet article. Le débat a été animé à ce sujet en commission et nous aimerions, Monsieur le secrétaire d'Etat, que vous vous expliquiez sur le champ d'application de cet article. S'applique-t-il par exemple à des étrangers vivant en France pour le patrimoine qu'ils peuvent posséder dans leur pays d'origine ? Un américain travaillant et résidant en France, héritant de ses parents de biens aux Etats-Unis, serait-il imposé sur ces biens en France ? Une telle modification des règles de territorialité ne serait pas dénouée de dangers. En dépit des conventions fiscales qui existent entre la France et de nombreux pays, d'importantes distorsions de concurrence risquent de se créer avec les autres pays de l'Union européenne mais aussi d'Asie ou d'Amérique latine.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances - La commission a rejeté cet amendement. Elle reconnaît toutefois qu'il pose un réel problème, même s'il ne concerne qu'un nombre très limité de personnes.

Comme vous le savez, certains détenteurs de grandes fortunes en France transfèrent leur domicile fiscal à l'étranger dans le seul but d'effectuer des donations ou de préparer leur succession dans des conditions avantageuses. Ils choisissent alors des paradis fiscaux ou des pays où les droits de mutation à titre gratuit sont moins élevés. Nous devons faire échec à ces stratégies, et je suis sûr, Monsieur Jegou, que vous partagez cet objectif. Seul un dispositif fiscal le permet, quand le développement des moyens de transport et de télécommunications a rendu les pays à fiscalité avantageuse plus aisément accessibles.

L'imposition des donations et des successions sur le fondement non plus seulement du domicile fiscal du défunt ou du donataire mais aussi de celui du bénéficiaire paraît la seule mesure efficace. Le dispositif préconisé par le Gouvernement permet néanmoins d'éviter une double imposition pour les biens meubles et immeubles situés hors de France avec imputation sur l'impôt français de l'impôt acquitté à l'étranger. Par ailleurs, plusieurs pays appliquent déjà un dispositif semblable. Ainsi l'Espagne n'impose-t-elle les transmissions à titre gratuit qu'en se fondant sur le seul domicile fiscal du donataire. L'Allemagne, l'Autriche et la Finlande ont choisi la voie proposée par le Gouvernement.

Le problème très spécifique des personnes étrangères fiscalement domiciliées en France en raison de leurs fonctions dans des groupes internationaux appelle néanmoins une solution particulière. La voie normale serait celle des conventions fiscales. C'est celle que nous recommandons. Mais la procédure est longue et requiert l'accord de l'autre Etat. Or, la mesure devant s'appliquer à compter du 1er janvier, il conviendrait d'aménager les règles relatives aux dégrèvements, de façon que, par dérogation au dernier alinéa de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales, des dégrèvements puissent être pratiqués. Seul le Gouvernement est en mesure de définir le champ d'application de cette disposition qui concernerait seulement les personnes expatriées en France, en raison de leurs fonctions ou de la mobilité géographique du personnel des grands groupes internationaux. Pour les étrangers ayant librement choisi de vivre dans notre pays, c'est bien sûr le droit fiscal normal qui s'applique.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget - Cet article s'inscrit dans le cadre de notre lutte contre l'évasion fiscale. De telles dispositions sont d'ailleurs déjà en vigueur en Allemagne, en Autriche, en Finlande et en Espagne.

Imaginons, Monsieur Jegou, qu'un citoyen américain présent en France hérite d'un bien situé dans son pays d'origine : l'existence d'une convention fiscale entre la France et les Etats-Unis lui permettra de ne pas être doublement imposé -la France a ainsi signé 35 conventions. Dans le cas où il n'existe pas de convention, comme avec l'Allemagne, les biens reçus en héritage sont taxés dans le pays du défunt, les droits alors acquittés venant en déduction de ceux payés par l'héritier en France.

Pour ce qui est des cadres "impatriés" en France -terme forgé par les spécialistes par analogie à "expatriés"- je m'engage, au nom du Gouvernement, à approfondir la question d'ici la deuxième lecture. En effet, si ces cadres viennent de pays avec lesquels la France n'a pas signé de conventions, il peut y avoir des difficultés.

Pour vous répondre de façon républicaine, je vous indique que le Gouvernement, avec la commission des finances, étudiera votre question d'ici la deuxième lecture.

M. Jean-Jacques Jegou - J'apprécie votre attitude républicaine, et il me paraît républicain, après l'engagement que vous avez pris, de retirer notre amendement.

L'amendement 419 est retiré.

L'article 14, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 14

M. le Président - Nous en revenons aux amendements, précédemment réservés, portant articles additionnels après l'article 14.

M. Germain Gengenwin - Tout au long de l'examen du projet de loi d'orientation agricole, nous avons parlé des transmissions d'exploitations. M. Le Pensec pense comme nous qu'il faut les faciliter. C'est pourquoi, par l'amendement 507 corrigé, nous proposons, dans le cadre des transmissions à titre gratuit, d'exonérer également les plus-values constatées.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable. Le Code général des impôts ouvre droit à un sursis. Votre souhait de transformer ce sursis en exonération bat en brèche le principe général de l'imposition des plus-values. De plus, tel qu'il est rédigé, votre amendement s'appliquerait à toutes les transmissions de biens professionnels, et pas seulement aux exploitations agricoles.

M. le Secrétaire d'Etat - Les transmissions à titre gratuit des exploitations agricoles dans un cadre familial bénéficient d'un régime de faveur. L'amendement proposé est d'application très large, alors que notre attention fiscale doit se concentrer sur les exploitations strictement familiales. De plus, en 1995, le Conseil constitutionnel a sanctionné une mesure tendant à atténuer les droits de transmission dans le secteur industriel. Nous devons en tenir compte. Avis défavorable à l'amendement.

M. Raymond Douyère - La commission et le Gouvernement ont raison. Reste que notre droit ne facilite guère les transmissions. Peut-être trouverons-nous des solutions dans le cadre du colloque que j'organise le 4 novembre à l'Assemblée.

L'amendement 507 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Philippe Auberger - M. Devedjian a déposé des amendements, dont le 187, relatifs au montant des droits de succession. De fait, ce problème est devenu aigu. Sans doute le régime applicable aux donations a-t-il été amélioré, mais donation ne vaut pas succession. Le barème en vigueur est lourd, très lourd même pour les collatéraux. C'est que, en 1984, la majorité et le Gouvernement ont frappé fort, en doublant les taux du barème. L'amendement 187 tend à rétablir un régime de droits de succession en ligne directe comparable à celui de nos voisins. Certaines tentatives malheureuses à la fin de 1968 ont montré que préparer sa succession était une affaire psychologiquement très importante pour les Français.

M. le Rapporteur général - L'imposition des mutations à titre gratuit, assez élevée en France, est assortie d'abattements dont le montant n'a pas été revalorisé depuis 1992, et en fait depuis les débuts de la Vème République. La commission est favorable à la transmission anticipée des patrimoines, dont traite l'article 23. Elle propose aussi, par l'amendement 33 qui viendra tout-à-l'heure, de revaloriser le montant des abattements applicables au conjoint survivant. Il lui parait difficile d'accepter les autres amendements, dont le coût risquerait de compromettre l'équilibre budgétaire. Parmi eux, certains tendent à mettre excessivement en cause le caractère progressif de l'impôt sur les successions. Rejet, donc, de l'amendement 187.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis également défavorable. Voulant favoriser la transmission anticipée des patrimoines, nous avons décidé de diviser par deux les droits applicables aux donations quand le donataire a moins de 65 ans, et de les réduire de 30 % entre 65 ans et 75 ans. Nous traiterons des droits de succession en examinant l'amendement 33.

L'amendement 187, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Philippe Auberger - Nous approuvons le rapporteur général quand il veut appliquer un traitement privilégié aux successions entre époux. Pour eux, la loi civile sur les successions est également mal adaptée, et une réforme s'impose.

J'ai voté en commission l'amendement 33, qui apporte une réelle amélioration. Si le montant de l'abattement avait été correctement revalorisé depuis 1958, il devrait atteindre aujourd'hui 800 000 F, et non pas 330 000.

Il est certain qu'il convient de relever le niveau de l'abattement sur les successions entre époux -330 000 F, c'est bien peu-, mais faire cet effort ne doit pas nous dispenser d'en faire un autre sur les tarifs, d'autant plus dissuasifs que, contrairement à ce qui se passe en Allemagne, les biens sont évalués de façon rigoureuse.

J'ajoute qu'au moment où il est question de prendre des mesures à connotation fiscale dans le cadre de cette sorte d'ovni législatif que nous aurons à examiner le mois prochain, il ne serait pas mal venu de penser d'abord aux conjoints et aux héritiers en ligne directe !

M. François d'Aubert - L'amendement 283 est défendu.

M. le Rapporteur général - Rejet, pour les raisons déjà exposées.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis défavorable : mieux vaut relever l'abattement à la base que de réduire de façon systématique les taux.

L'amendement 188, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 283.

M. Germain Gengenwin - L'amendement 500 est défendu.

M. François d'Aubert - De même le 284.

M. Philippe Auberger - Les transmissions en ligne collatérale sont fortement imposées et cela apparaît particulièrement inacceptable lorsqu'il s'agit d'un frère et d'une soeur. C'est pourquoi M. Devedjian propose, par son amendement 178, d'abaisser les tarifs applicables dans ce cas ainsi -ce qui se justifie peut-être moins, je le concède- que dans le cas de transmissions "entre les autres parents et entre les personnes non parentes".

M. le Rapporteur général - Contre les trois amendements.

M. le Secrétaire d'Etat - Même position.

L'amendement 500, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 284 et 178.

M. Jean-Jacques Jegou - Je défendrai à la fois les amendements 529 et 448, bien que celui-ci diffère quelque peu du nôtre.

M. Philippe Auberger - Il ne veut rien dire !

M. Jean-Jacques Jegou - Voici la troisième année que je dépose un amendement "concubins" et qu'on s'acharne à le placer en deuxième partie de la loi de finances. Je n'ai pu obtenir d'explication à ce mystère... Cependant, l'amendement 529 en est en quelque sorte la suite : il vise à faciliter la transmission d'héritage entre des personnes vivant en concubinage et justifiant d'un certificat de vie commune.

M. le Rapporteur général - Contre les deux amendements.

M. le Secrétaire d'Etat - Rejet également.

L'amendement 529, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 448.

M. Christian Cuvilliez - Je note que chacun semble s'accorder pour souhaiter un relèvement de l'abattement, sinon une modification des taux et un élargissement de l'assiette. Notre amendement 88 vise précisément à porter l'abattement de 300 000 à 500 000 F, pour les mutations en ligne directe. Nous avons évalué le coût de la mesure à 4,7 milliards. Quant à notre gage, M. le rapporteur général nous dira s'il vaut le sien... Mais, quoi qu'il arrive, nous voterons l'amendement 33, deuxième correction, de la commission, qui va dans le même sens que le nôtre.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable, pour les raisons que j'ai dites et parce que l'amendement 33, deuxième correction, paraît préférable.

L'amendement 88, repoussé par le Gouvernement et mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Philippe Auberger - N'ayant pas obtenu satisfaction sur les tarifs, peut-être l'obtiendrons-nous sur l'abattement à la base. Celui-ci n'a pas été actualisé depuis 1958, de sorte qu'il n'est que de 330 000 F alors qu'il devrait être de 800 000 F ! Dans son amendement 189, M. Devedjian se contente de le porter à 600 000, et il devrait donc être suivi.

M. François d'Aubert - L'amendement 281 est défendu.

M. Christian Cuvilliez - Notre amendement 151 corrigé vise à relever le montant de l'exonération sur les successions petites et moyennes. Il existe une politique favorable à l'accession sociale à la propriété : son complément logique est de faciliter la transmission des patrimoines immobiliers ainsi acquis. Le niveau proposé -500 000 F à nouveau- nous semble conforme à la valeur moyenne des biens détenus par les classes moyennes.

M. le Rapporteur général - L'amendement 33, deuxième correction, vise à porter à 500 000 F l'abattement sur la part du conjoint survivant, que la commission a souhaité privilégier.

Entre 1959 et 1992, cet abattement est resté du même montant et, même s'il a été revalorisé en 1992, il est inférieur, en valeur relative, à ce qu'il était en 1959. L'amendement de la commission, conforme à ce que j'avais moi-même proposé dans mon rapport sur la fiscalité du patrimoine, ne compromet pas l'équilibre budgétaire puisque son coût devrait être de 400 à 500 millions. En revanche, un relèvement de l'abattement dont bénéficient les enfants reviendrait à un milliard environ et nous paraît donc devoir être renvoyé à une date ultérieure. Tout logiquement, je donnerai un avis défavorable aux autres amendements en discussion commune.

M. Christian Cuvilliez - Notre amendement 150 corrigé tend de même à porter à 500 000 F l'abattement bénéficiant aux conjoints survivants. Il est juste que ceux-ci ne soient plus pénalisés et puissent continuer à occuper le logement familial dans des conditions leur permettant de vivre correctement ! Mais je pense que cette préoccupation largement partagée se trouvera satisfaite par l'adoption de l'amendement de la commission.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable, compte tenu aussi du gage.

M. le Secrétaire d'Etat - L'insistance de la majorité plurielle à demander une réévaluation de l'abattement, dont le montant est resté bloqué depuis le 1er janvier 1992, me paraît tout à fait justifiée. Il n'est que temps de réparer cette injustice. La commission suggère de porter d'un seul coup cet abattement à 500 000 F dès 1999, mais cela représenterait un manque à gagner important pour les finances de l'Etat et je vous propose plutôt, par un sous-amendement, de faire cela en deux fois : 400 000 F l'an prochain, puis 500 000 en 2000.

M. François d'Aubert - Marchand de tapis !

M. le Secrétaire d'Etat - Si vous aviez fait l'effort entre 1993 et 1997, nous n'aurions pas à le faire aujourd'hui !

M. Philippe Auberger - Et de 1981 à 1993 ?

M. le Secrétaire d'Etat - La dernière majoration a eu lieu en 1992...

M. Philippe Auberger - De combien ?

M. le Secrétaire d'Etat - L'effort était substantiel puisqu'on est passé alors de 275 000 à 330 000 F.

M. le Président - Il me semble que la proposition du Gouvernement constitue plutôt un amendement qu'un sous-amendement.

M. le Secrétaire d'Etat - Soit.

M. le Rapporteur général - Pourquoi ne pourrait-on en faire un sous-amendement ? Sur le fond, c'est déjà un progrès très significatif. Avis favorable.

M. le Président - Pour que ce soit un sous-amendement, il faudrait que le Gouvernement lève le gage de l'amendement 33.

M. le Secrétaire d'Etat - Je lève le gage.

M. François d'Aubert - Est-il clair que c'est un relèvement en deux temps, et qu'on n'y reviendra pas l'an prochain ?

M. le Secrétaire d'Etat - C'est bien cela.

L'amendement 189, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 281 et l'amendement 151.

Le sous-amendement du Gouvernement, mis aux voix, est adopté, de même que l'amendement 33 2e correction ainsi sous-amendé.

M. le Président - L'amendement 150 corrigé tombe.

M. Philippe Auberger - L'amendement 177 rectifié propose un abattement de 250 000 F pour les héritiers autres qu'en ligne directe. Les abattements actuels sont en effet dérisoires. Cependant, je conçois qu'on ne puisse tout faire la même année, et je retire l'amendement.

M. Jean-Jacques Jegou - Je propose par l'amendement 530 d'accorder un abattement de 250 000 F aux concubins.

M. le Rapporteur général - Défavorable. Une proposition de loi viendra bientôt en discussion, qui sera l'occasion d'aborder cette question.

M. le Secrétaire d'Etat - Défavorable.

M. Philippe Auberger - Il serait de meilleure méthode de discuter en même temps tous les amendements relatifs aux droits de succession. Qui sait si, la semaine prochaine, on ne va pas adopter des dispositions plus favorables pour les personnes sans lien de parenté que pour les personnes ayant des liens familiaux ?

M. Jean-Jacques Jegou - Tout à l'heure, vous m'avez fait une "réponse républicaine", Monsieur le ministre, et je m'en suis réjoui. Cette affaire des droits de succession est l'une des rares occasions où majorité et opposition peuvent se rencontrer, on l'a vu avec l'amendement précédent. Puisque le concubinage existe -il concerne 6 millions de personnes-, n'est-ce pas le moment d'envoyer un signe ? Cela n'empêcherait pas qu'on discute ensuite de votre proposition de loi.

M. le Rapporteur général - Nous avons déposé l'an dernier des amendements sur le concubinage. Nous avons alors été confrontés à la nécessité de le définir. Le Gouvernement et le SLF nous ont fait remarquer que le certificat de vie commune ne constituait pas une preuve suffisante. Nous sommes donc contraints de passer par le PACS pour donner un statut au concubinage : nous ne sommes pas en mesure de légiférer aujourd'hui, sauf à adopter des dispositions inapplicables. Nous ne mélangeons donc pas les choses, et nous respectons les procédures ; la proposition qui viendra bientôt en discussion apportera des réponses.

L'amendement 530, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 15

M. le Rapporteur général - L'amendement 15 est de précision.

L'amendement 15, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 15 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 16

M. Gilles Carrez - Depuis plusieurs heures nous discutons d'articles additionnels qui nous ont fait perdre de vue l'objet des articles 14, 15 et 16 : la lutte contre l'évasion fiscale. On peut ici se poser certaines questions. Tout d'abord, pourquoi tant de contribuables français cherchent-ils à transférer leur domicile fiscal à l'étranger ? N'est-ce pas la preuve que notre fiscalité est excessive, et que notre administration fiscale a des pratiques à la fois incertaines et inquisitoriales ? La bonne démarche n'est-elle pas de baisser les impôts et d'assouplir les relations contribuable-administration ? D'autre part, si on choisit au contraire, comme vous, d'augmenter les impôts, faut-il multiplier les dispositions carcérales comme celles des articles 14, 15 et 16 ? Comment va réagir le contribuable ? Deux cas sont possibles. Soit le contribuable est déjà pris dans les filets. Il dira alors : on m'a coincé, mais on ne m'y reprendra plus. Il va réduire son activité économique en France, diminuera ses avoirs, chercher les moyens de contourner le texte, et engraisser dans ce but les conseillers fiscaux, souvent anglo-saxons. Ou bien le contribuable n'est pas encore entré dans la prison fiscale qu'est notre pays. Il se gardera alors d'investir dans un pays où la règle fiscale change sans cesse, où l'Etat ne tient pas sa parole -c'est la rétroactivité-, où la fiscalité du patrimoine est plus lourde qu'ailleurs. N'est-ce pas l'activité économique, donc l'emploi, qui seront finalement perdants ?

Avec ces questions nous sommes au coeur de la pensée unique, cette pensée technocratique qui se polarise sur les moyens -le filet fiscal : comment coincer le maximum de gens ?- et oublie la finalité qui devrait être celle de la fiscalité : l'objectif général de prospérité. Vos articles créeront des situations ubuesques. Deux exemples. Le cadre étranger nommé dans une entreprise en France et dont le père décède sera taxé sur la base du droit fiscal français, le plus lourd. A l'inverse le cadre français qui part travailler à l'étranger verra son patrimoine mobilier assujetti aux plus-values latentes, et devra soit payer l'impôt, soit faire un dépôt de garantie auprès du Trésor, au moment même où son installation à l'étranger lui occasionne des frais : c'est absurde.

Enfin que valent ces dispositions par rapport à la perspective de l'euro et à nos engagements internationaux ? Comment s'articulent-elles avec l'indispensable harmonisation européenne ?

Une dernière question : entre un fonctionnaire qui passe trente-cinq ans au service de législation fiscale, et un chef d'entreprise qui, tout en s'enrichissant, aura créé des centaines d'emplois, lequel incarne le mieux l'intérêt général ?

Nous venons de voter l'article 15 sans discussion et sans amendement, sauf une précision du rapporteur. Or j'ai lu les vingt pages du rapport consacrées à cet article, et je les ai trouvées fort difficiles à comprendre. La façon dont il a été examiné ici souligne la confiscation du pouvoir politique par la technocratie : c'est cela la pensée unique. Je regrette qu'à votre corps défendant, Monsieur le ministre, vous en soyez le détenteur.

M. François d'Aubert - Combien rapporteront les articles 14, 15 et 16 ? Rien, ou peu de chose. Ils constituent en effet, avec les meilleures intentions -lutter contre l'évasion fiscale- une lourdeur et une complexité supplémentaires. Nous avons en effet une fiscalité du patrimoine et des plus-values parmi les plus élevées. Et nous ne faisons pas un pas vers l'harmonisation européenne, ou fort peu. Il aurait été intéressant que l'exposé des motifs comportat des éléments sur les systèmes fiscaux des pays qui présentent le plus de tentations pour l'évasion, Grande-Bretagne, Pays-Bas, voire Luxembourg.

Je suis sceptique sur vos mesures. Leur premier effet sera une complexité accrue. En effet l'article est déjà difficile, mais ensuite viendront des dizaines de pages d'instructions et de circulaires... Cela fera travailler les juristes du SLF et les conseillers fiscaux, mais pour la nation ce sont là des frais généraux improductifs. Mieux vaudrait essayer d'alléger la fiscalité et d'aller vers une harmonisation avec les pays où le régime est moins lourd. On peut faire du purisme et de la vertu : si nos voisins n'en font pas, on trouvera toujours des gens pour délocaliser leur domicile fiscal et leur revenu. Cela peut exiger quelques acrobaties juridiques, source d'un contentieux qui n'est pas non plus le meilleur moyen d'utiliser la richesse nationale.

M. le Secrétaire d'Etat - Je veux rassurer M. Carrez et M. d'Aubert : très peu de contribuables, quelque dizaines au plus, cherchent à transférer leur fortune à l'étranger, le record ayant été atteint en 1996, lorsqu'une autre majorité avait entrepris de plafonner le plafonnement de l'ISF... Le dispositif proposé par le Gouvernement s'inspire de ce qui existe en Allemagne, en Belgique, aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne ; j'y vois une forme d'harmonisation européenne, qui n'est peut-être pas celle que souhaite M. d'Aubert...

M. François d'Aubert - Et le Luxembourg ?

M. le Secrétaire d'Etat - S'agissant des cadres étrangers en France, nous affinerons le texte d'ici la seconde lecture, tandis que les cadres français expatriés ne sont visés que s'ils détiennent plus de 25 % des parts sociales de l'entreprise.

M. Jean-Jacques Jegou - L'amendement 222 tend à supprimer cet article, qui permet de taxer toute personne détentrice de participations substantielles au capital de sociétés sur les plus-values latentes le jour de son départ de France, sauf constitution de garanties au profit du Trésor. Non seulement, en effet, le débiteur ne sera pas forcément capable de les constituer, mais elles sont contraires au principe de libre circulation consacré par le traité de Rome. Enfin, les conventions internationales laissent généralement à l'Etat de résidence le droit d'imposer les gains en capital sur les actifs possédés dans un autre Etat.

M. Gilles Carrez - L'amendement 458 est identique. Le secrétaire d'Etat ne m'a pas convaincu, car la comparaison avec l'Allemagne ne tient pas : dans ce pays, il n'y a pas de coopération entre les banques et les services fiscaux en vue de l'inventaire des valeurs mobilières, et la notion de participation substantielle est appréciée de façon bien plus restrictive. Il est totalement contraire aux traités, en outre, d'instituer un impôt de sortie du territoire, et le faire deux mois avant l'entrée en vigueur de l'euro est franchement aberrant.

M. le Rapporteur général - La commission a jugé cet article en tous points justifié. J'insiste sur le fait que seules sont visées les personnes ayant résidé six ans en France au cours des dix dernières années. Nous devons nous protéger, car certains pays ont des taux d'imposition très inférieurs aux nôtres.

M. le Secrétaire d'Etat - Le dispositif n'est pas contraire aux conventions fiscales, puisqu'il s'applique à des personnes qui ont encore, à la veille de leur départ de France, le statut de résident. En outre, la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes autorise les Etats-membres à constituer des garanties auprès du Trésor pour s'assurer que les résidents quittant le territoire paieront bien leurs impôts.

M. François d'Aubert - Vous invoquez les dispositions analogues prises par nos partenaires, mais tous ne sont pas dans ce cas : le Luxembourg, en particulier, n'en a rien fait. La question, d'ailleurs, n'est pas seulement de savoir si ces dispositifs existent ailleurs, mais surtout quels sont les taux d'imposition pratiqués. Or, notre fiscalité de l'épargne, des plus-values et du patrimoine est l'une des plus lourdes d'Europe, et vous l'avez encore alourdie avant-hier. Il y a peut-être harmonisation des procédures, mais non du poids des prélèvements.

Les amendements 222 et 458, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Gilles Carrez - L'amendement 460 écarte l'application de l'article 16 lorsque le contribuable quitte la France à la demande de son employeur. Il ressort de la réponse du Gouvernement qu'un cadre détenant plus du quart du capital d'une petite société devra payer l'impôt sur la plus-value latente ou déposer une garantie, et ce en même temps qu'il supportera des frais de déménagement et d'installation élevés. Voilà qui est en contradiction avec le souci de favoriser la mobilité professionnelle. Cet article ne serait acceptable que si la fiscalité du patrimoine n'était pas, déjà, très supérieure en France à ce qu'elle est en Allemagne ou aux Pays-Bas. Je crains que nous ne nous préparions des lendemains difficiles, car le passage à l'euro rendra plus transparente la concurrence entre Etats.

L'amendement 460, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gilbert Gantier - Je déplore une fois de plus la complexité des articles du projet de loi de finances. Les typographes eux-mêmes s'y perdent puisqu'à la page 47, on trouve deux fois un point II et à la page 48, deux fois un point III. Il eût été plus simple d'ailleurs de rédiger ainsi l'article 16 :

"I - Le visa de sortie est rétabli pour les citoyens français.

"II - L'administration fiscale est chargée de la délivrance et du contrôle de ces visas." (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Cet article constitue un nouveau fait générateur d'imposition contraire à la mobilité des personnes, pourtant garantie par le traité de Rome : il est donc contraire au droit communautaire. Et il n'est même pas certain non plus qu'il respecte la Constitution. En effet, seront imposables au titre des plus-values "les contribuables fiscalement domiciliés en France pendant au moins six années au cours des dix dernières années". L'administration fiscale a-t-elle le droit de remonter aussi loin en arrière ? La prescription est acquise au bout de trois ans. Ce qu'un citoyen a fait durant les six dernières années ne la regarde pas : la liberté de circulation est un droit à la seule condition de respecter les lois du pays où l'on se trouve. Je demande donc la suppression des deux II de cet article qui constituent un abus de droit.

M. le Rapporteur général - La commission a rejeté cet amendement. Il semble que M. Gantier confonde le délai durant lequel l'administration fiscale peut effectuer des redressements et le délai de résidence qu'elle peut être amenée à apprécier pour certaines déclarations.

Pour donner la mesure de l'enjeu, sachez qu'une stratégie de délocalisation permet de ne pas régler au fisc 26 millions sur une plus-value de cent millions et plus de 1,3 million sur une plus-value de cinq millions.

M. le Secrétaire d'Etat - Je reconnais, Monsieur Gantier, que le code des impôts est complexe. Pour autant, ne le simplifions pas de façon désordonnée.

Sur le fond, je tiens à vous rassurer : le fisc n'entend pas effectuer des contrôles au-delà du délai normal de trois ans. Et la vérification de la résidence fiscale du contribuable durant les six dernières années n'est pas contraire à la Constitution. C'est pourquoi je demande le rejet de votre amendement.

L'amendement 350, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur général - L'amendement 16 est de correction.

L'amendement 16, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Gilles Carrez - L'amendement 459 vise à supprimer l'obligation faite aux contribuables qui transfèrent leur domicile hors de France de constituer des garanties auprès du Trésor public. Cette disposition est manifestement contraire au droit communautaire.

Vous avez cité, Monsieur le secrétaire d'Etat, la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes. Je prends le pari que, si elle est saisie au titre de cet article dans les prochaines années, la Cour jugera que cette dispositions constitue une entrave à la mobilité au sein de l'espace européen.

Un mot encore : je constate que je ne suis pas le seul à avoir eu du mal à déchiffrer ces articles. Je serai heureux, avec M. Gantier, de solliciter du rapporteur un cours particulier ! (Sourires)

M. le Rapporteur général - Je suis à votre disposition non pour vous donner un cours, je n'aurai pas cette prétention (Sourires), mais pour échanger avec vous, si vous le souhaitez.

La commission a rejeté l'amendement 459, considérant que ces garanties sont tout à fait indispensables. Le dispositif est par ailleurs conforme au droit européen.

M. le Secrétaire d'Etat - Ce matin, certains parlementaires s'appuyaient sur une décision de la Cour de cassation pour contester le droit de légiférer à l'Assemblée ; ce soir, vous considérez que la Cour de justice des Communautés européennes est dans l'erreur et qu'il convient de légiférer contre elle ! C'est donc selon, au gré de vos préoccupations.

Cela dit, je n'ai rien à ajouter aux propos du rapporteur général. Je demande le rejet de l'amendement.

L'amendement 459, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur général - L'amendement 17 est rédactionnel.

L'amendement 17, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. Gilbert Gantier - L'article 16 étant particulièrement complexe, mon amendement 351 tend à demander qu'un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions de son application.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable. L'amendement est sans objet puisqu'un décret en Conseil d'Etat est déjà prévu.

M. le Secrétaire d'Etat - Le texte n'a suscité aucune objection de la part du Conseil d'Etat lorsque ce dernier l'a examiné, comme tous les projets de loi.

M. Gilbert Gantier - Tous les projets de loi sont en effet soumis à l'examen du Conseil d'Etat. Il n'en reste pas moins que le Conseil constitutionnel annule quelques-unes des lois votées...

L'amendement 351, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 16 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 16

M. le Rapporteur général - La commission a souhaité, au travers de son amendement 18, engager le dialogue avec le Gouvernement. En vertu de l'article 12 du code général des impôts, "l'impôt sur le revenu est dû chaque année à proportion des revenus que le contribuable a perçus et des bénéfices qu'il a réalisés, ou dont il a eu la disposition au cours de cette même année". En conséquence et conformément à une jurisprudence constante du Conseil d'Etat, l'administration ne saurait tenir compte d'événements survenus postérieurement, pour accorder un dégrèvement. Notre amendement propose d'assouplir cette règle en cas de cessation d'activité et prévoit que l'imposition de la plus-value nette à long terme puisse être différée jusqu'à la date du premier versement par le repreneur de l'actif. Une telle disposition pallierait les difficultés qui peuvent survenir en cas de défaillance de ce dernier. Notre collègue Gérard Fuchs a par ailleurs souhaité que le fisc puisse accorder un dégrèvement en cas de défaut de paiement.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis défavorable. Cet amendement est contraire à l'un des principes fondamentaux du droit fiscal, à savoir que l'impôt dû par les entreprises commerciales l'est en fonction des créances acquises et non des paiements effectifs. Le coût d'une telle mesure, difficile à évaluer, serait en tout état de cause considérable. J'appelle enfin votre attention sur les risques de fraude. Une personne indélicate pourrait très facilement se mettre d'accord avec une autre, délibérément insolvable, et lui céder ses biens, pour s'exonérer ainsi d'impôt sur les plus-values. Je ne mets pas en doute le sérieux et la bonne foi de M. Fuchs, mais l'amendement est juridiquement incorrect et fiscalement dangereux. J'en demande le rejet avec un peu de gravité.

M. le Rapporteur général - M. Fuchs n'a sans doute pas donné à sa proposition la portée que le ministre y décèle, mais le risque de fraude n'est pas à écarter.

M. Michel Bouvard - Il est même très réel !

M. le Rapporteur général - Je retire l'amendement. Souhaitons que l'administration témoigne de compréhension au cas où une personne n'a pas été payée du bien qu'elle a vendu. M. Fuchs nous a cité un ou deux exemples de ce type.

M. le Secrétaire d'Etat - Quand chacun est de bonne foi, l'administration regarde des près les dossiers en cause, et peut accorder un échéancier.

L'amendement 18 est retiré.

M. Gérard Bapt - Par mon amendement 520, j'entends poser le problème du besoin de construction en France. Il en était question ce matin au congrès de la Fédération nationale des promoteurs-constructeurs, auquel j'assistais à Toulouse.

Un des freins à la construction, en particulier à Toulouse dont la population augmente de 5 % par an, est le coût des terrains. Sous la pression de la demande, les prix montent, et la spéculation fleurit. Il est donc paradoxal que l'article 150 M du code général des impôts encourage la rétention et la spéculation en accordant un abattement de 5 % sur les plus-values immobilières.

Mon amendement 520 tend à exclure les terrains à bâtir du champ d'application de cet article.

M. le Rapporteur général - Cet amendement avait été retiré en commission, qui ne l'a donc pas examiné. Il soulève une vraie question, mais sa rédaction n'est pas satisfaisante, et la commission ne l'aurait pas accepté. Je suggère que le Gouvernement se concerte avec M. Bapt pour étudier le problème.

M. le Secrétaire d'Etat - L'intention de M. Bapt est très louable. Mais je ne suis pas sûr que la disposition qu'il propose soit le meilleur moyen de terrasser la spéculation foncière. Je suis prêt à examiner avec lui comment frapper efficacement l'enrichissement sans cause qu'il dénonce. Après cet engagement, je lui suggère de retirer son amendement.

M. Gérard Bapt - Peut-être en effet est-il mal rédigé. Avec l'aide du rapporteur général, je me tournerai vers le Gouvernement. En attendant, je retire l'amendement.

L'amendement 520 est retiré.

L'article 17, mis aux voix, est adopté.

ART. 18

M. Michel Bouvard - La modification des tarifs de la TIPP est censé marquer l'an I de la fiscalité écologique, avec le relèvement de la taxe sur le seul gazole. Cette mesure, si juste soit-elle, pose quelques problèmes. Son incidence négative sur le transport routier a été pour l'essentiel évitée par la décision de rembourser la TIPP aux transporteurs routiers, qui doivent faire face actuellement, à de nombreuses difficultés. Mais reconnaître un caractère professionnel au carburant utilisé par les véhicules de plus de 12 tonnes ne règle pas tout. En effet le plafond de 40 000 litres est insuffisant. A défaut d'un remboursement strictement proportionnel à la consommation, nous proposerons de porter ce plafond à 50 000 litres. 40 000 litres correspondent à la consommation d'un 40 tonnes parcourant 1 200 000 km par an. Or l'évolution des conditions de conduite, avec les doubles équipages, les doubles postes et les relais, impose l'augmentation du temps d'utilisation des véhicules. Le plafond de 50 000 litres, qui correspond à 160 000 km parcourus, est celui retenu par les Pays-Bas, dont la flotte routière est souvent citée en exemple.

La hausse du gazole pose également un problème aux transports urbains de province. Aucune mesure d'atténuation n'est proposée pour les transports de voyageurs. Il en coûtera aux réseaux de transports de province 45 millions en 1999 amputant leur capacité d'investissement alors même que les villes de province, en proie à une pollution grandissante, veulent développer les transports collectifs urbains.

J'y insiste, seuls les réseaux de province seront pénalisés. En effet, pour la RATP, la hausse de la fiscalité sur le gazole n'aura pas d'effet, sauf celui d'accroître les dotations d'équilibre de l'Etat aux transports en Ile-de-France. Les réseaux de province, qui ont pourtant introduit les premiers les bus électriques, les bus au gaz naturel, ou à l'aquazole, sont moins bien traités que la RATP, qui n'a guère montré le même empressement à se moderniser.

La participation de l'Etat à la résorption du déficit des transports parisiens augmentera l'an prochain de 50 millions, soit à peu près la somme supplémentaire prélevée sur les transports de province. Au total, la dotation aux transports parisiens s'élèvera à 5,62 milliards. Je souhaite donc que le Gouvernement ouvre les contrats de modernisation à l'acquisition de matériels propres, et dote ces contrats d'une source équivalente à celle prélevée sur les transports urbains de province. Je demande enfin que l'on détaxe la part eau de l'aquazole.

M. Maurice Adevah-Poeuf - L'article relatif à la TIPP est souvent qualifié de rituel. Or, cette année, nous sortons du rite, puisque pour une fois le dispositif n'est pas une variable d'ajustement des recettes de l'Etat, mais exprime une volonté politique.

En étalant sur 7 ans la modification de la fiscalité sur le gazole, nous allons offrir aux constructeurs, aux pétroliers, aux consommateurs une perspective à moyen terme.

Les familles ne renouvellent pas leur voiture tous les ans, loin s'en faut, et des bouleversements trop fréquents des règles relatives à la TIPP auraient de lourdes conséquences sur la construction automobile, secteur qui doit consentir des investissements considérables, comme sur l'industrie pétrolière, obligée aujourd'hui d'importer du gazole et d'exporter du super sans plomb parce qu'elle avait suivi nos conseils peu judicieux...

Cet article a aussi l'avantage d'une plus grande neutralité. Depuis des années, notre fiscalité privilégie le gazole, de sorte que notre parc atteint un taux de "dieselisation" sans équivalent dans le monde : près de 50 % ! Nos constructeurs ont ainsi pris une avance considérable dans la technologie du diesel, avance qu'il convient de préserver. Nous proposons donc, non de supprimer la différence existant entre le super non plombé et le gazole, mais de la ramener sur sept ans à la différence moyenne constatée dans l'Union européenne -soit de 1,43 F à un peu moins de 1 F. Il s'agit évidemment d'un compromis, que je vous invite à assurer.

L'augmentation des taxes sur le gazole a forcément des incidences sur les comptes de charges des entreprises de transport routier et de transport interurbain. Le Gouvernement a entendu ces transporteurs -il est vrai qu'ils savent se faire écouter- et a prévu un remboursement pour les professionnels. Ce dispositif s'apparente à une usine à gaz, mais il est tout de même acceptable, à quelques réserves près. En premier lieu, si les 40 000 litres prévus correspondent à peu près à la consommation annuelle, la gestion de ce contingent sera très lourde. Il faut donc que ce système soit transitoire et qu'on passe rapidement à un carburant "dédié" -la disparition du plombé permettra de disposer des cuves et des distributeurs nécessaires.

Deuxième réserve : ce remboursement ne bénéficiera qu'au transport routier, de sorte que le transport de voyageurs, urbain ou interurbain, fait figure de grand oublié. Seule la région parisienne échappe à la contrainte nouvelle dans la mesure où elle dispose d'un droit de tirage illimité sur le budget de l'Etat. M. Bouvard, qui a souligné ce point, n'a pas manqué non plus de relever la coïncidence troublante entre le coût de cette compensation et le montant que l'Etat va retirer des dispositions proposées au détriment des réseaux de province. Cette distorsion ne saurait être acceptée.

Dernière remarque : M. Laffineur a déposé un amendement 285 de suppression auquel je m'oppose fermement. Pour une fois que la TIPP n'augmente pas sur le super, il est quand même extraordinaire que certains se révèlent aujourd'hui plus militants qu'ils n'ont été vertueux hier.

Mme Nicole Bricq - La disposition proposée par le Gouvernement met fin à une aberration écologique, mais aussi à une aberration économique, tant était grande la distorsion en faveur du diesel -d'où un couplage entre le moteur et la carburation, qui a joué contre la diversification de notre parc automobile.

On peut discuter du rythme prévu -je l'aurais voulu plus rapide-, mais je comprends que le Gouvernement ait tenu à préserver le fragile équilibre du transport routier, exposé à la concurrence : non qu'il ait eu peur de mouvements (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR), mais il est clair que la solution pour ce secteur ne peut être trouvée qu'à l'échelle européenne.

Certains, comme en témoignent leurs amendements, auraient préféré un gel des prix du gazole, assorti d'une baisse du prix du super sans plomb. Dois-je reprendre la longue litanie des augmentations qui, sous l'ancienne majorité, ont accru la distorsion entre ces deux carburants : 12 juillet 1993, -les législatives ayant eu lieu en mars (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR)-, 1er janvier 1994, 1er janvier 1995, 1er janvier 1996, janvier 1997 ! D'autre part, Monsieur Bouvard, en raison de la baisse des cours du brut, les prix à la pompe ont diminué de 6 % en un an -ce qui explique largement la bonne tenue des prix à la consommation.

Enfin, nous ne devons pas oublier les ménages modestes qui, pour des raisons bien compréhensibles, ont fait le choix du diesel. Il faut leur offrir des solutions alternatives, et donc favoriser des carburants moins polluants. Je présenterai des amendements en ce sens, notamment pour le développement de l'aquazole.

Avec cet article 18, le Gouvernement a opté pour une logique d'avenir. Il ne s'agit pas d'opposer un carburant à l'autre, mais il faut rétablir l'équilibre de notre parc, dans l'intérêt d'une harmonisation des politiques européennes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Yves Cochet - Si 1999 doit être l'an 1 de la fiscalité écologique, il faut espérer qu'il y aura un an 2, puis un an 3..., de sorte que les mesures proposées sur la TIPP ou sur le traitement des déchets auront des prolongements.

Toutes ces réformes sont fondées sur deux principes. Il s'agit en premier lieu de préserver l'environnement et la santé publique, en appliquant le principe "pollueur payeur" et en favorisant la vertu -c'est-à-dire en réduisant la TIPP sur le GNV et sur le GPL tout en adoptant une attitude relativement neutre envers le super sans plomb.

D'autre part, il faut rééquilibrer notre fiscalité, qui pèse trop sur le travail, pour accroître la part de la valeur ajoutée dans l'assiette et pour limiter le recours aux énergies naturelles non renouvelables.

J'ai ici les résultats de deux enquêtes, l'une objective, l'autre subjective. Selon la première, publiée par un grand journal du matin, la pollution coûterait 50 milliards à la France, dont 31 milliards pour la santé publique et le reste pour l'agriculture, l'ozone, la dégradation des monuments publics.

La seconde, plus subjective, a été publiée par le Nouvel Observateur sous le titre : "Les Français contre l'automobile". Elle montre par exemple que 96 % des Français souhaitent qu'on développe le nombre, la fréquence, le confort des transports en commun.

M. Michel Bouvard - Et la sécurité ?

M. Yves Cochet - 90 % souhaitent qu'on réduise l'espace de la circulation automobile au profit des transports en commun, des vélos, des piétons. Et 50 % -contre 42 %- sont d'accord pour qu'on porte le prix du gazole au niveau de celui de l'essence. Or, ce que nous proposerons tout à l'heure est bien plus modeste : c'est de réduire le différentiel un peu plus que prévu par le Gouvernement.

M. le Secrétaire d'Etat - Il s'agit à cet article de l'une des trois réformes fiscales proposées cette année, avec la fiscalité du patrimoine et la fiscalité locale. C'est donc un sujet auquel le Gouvernement tient beaucoup, et vous verrez que je suis prêt à avancer encore sur certains points.

M. Gilbert Gantier - L'amendement 285 supprime l'article. Il est complété par l'amendement 292. Nous sommes d'accord pour une hausse légère de la taxation du gazole, à condition que l'Etat baisse d'autant la fiscalité sur les carburants propres.

M. le Rapporteur général - Contre l'amendement 285. L'article est équilibré : il engage un processus étalé sur sept ans, sur fond de modération fiscale -le gazole augmente de 7 centimes, tandis que la taxe sur l'essence sans plomb est gelée. Cela est sans précédent et coûte près d'un milliard à l'Etat, d'autant plus que la TIPP diminue pour le GPL et le GNV, qu'il y a des mesures en faveur de l'aquazole et une hausse des quotas de GPL-GNV défiscalisés, et que d'autres mesures viendront encore en deuxième partie.

M. le Secrétaire d'Etat - Défavorable. M. Gantier se souvient-il qu'en 1995, la taxe sur le gazole avait augmenté de 3,6 centimes, mais celle appliquée à l'essence sans plomb de 27,7 centimes ! La hausse était non seulement forte, mais encore déséquilibrée.

M. Maurice Adevah-Poeuf - C'était l'année Calvet !

M. le Secrétaire d'Etat - Le dispositif que nous proposons est équilibré, et je souhaite que nous en restions là.

M. Gilbert Gantier - Qui vous dit que j'avais voté cette disposition en 1995 ? Je n'admets pas en bloc tout ce qu'a fait l'ancienne majorité...

M. Michel Bouvard - C'est le droit d'inventaire !

M. Gilbert Gantier - Quant aux gouvernements socialistes, ils ont eu aussi leurs turpitudes.

L'amendement 285, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet - Pour la première fois depuis vingt ans, on n'augmente pas la TIPP sur l'essence : il faut en féliciter le Gouvernement. Dans l'amendement 169, je propose néanmoins d'aller un peu plus loin que celui-ci -non pas obsession du "plus loin, plus fort, plus vite", mais dans un souci d'efficacité. Avec un rattrapage étalé sur sept ans, on peut imaginer que les particuliers et surtout les transporteurs renouvelleront deux fois leur véhicule diesel. Avec 15 centimes tout de suite et un rattrapage sur cinq ans, il n'y aura qu'un renouvellement. Avec une telle proposition, je ne suis pas maximaliste, je ne demande pas tout tout de suite : c'est un compromis.

M. Pierre Hériaud - La baisse des carburants dont a parlé tout à l'heure Mme Bricq est due surtout à la baisse de la matière première, non à l'évolution des taxes. Par l'amendement 410, je vous propose avec Mme Idrac de geler le prix du gazole et de baisser celui du carburant sans plomb.

M. le Président - L'amendement 292 a déjà été défendu par M. Gantier

M. le Rapporteur général - Après les confessions de M. Auberger, voici la repentance de Mme Idrac ! Toutes les hausses sensibles de la TIPP ont été faites par les gouvernements Balladur et Juppé. Quant à la conviction de M. Cochet, je la respecte : mais l'article 18 représente un équilibre, il a fait l'objet d'un arbitrage que la commission ne souhaite pas remettre en cause.

M. le Secrétaire d'Etat - J'ai la faiblesse de préférer la position du Gouvernement, très bien argumentée par M. le rapporteur général et Mme Bricq. Je demande donc le rejet des trois amendements.

M. Michel Bouvard - L'idée de M. Cochet peut paraître séduisante. Mais dans le rythme d'harmonisation de la TIPP, il faut tenir compte de la nécessité d'adapter les chaînes de production dans l'industrie automobile et dans le raffinage. Ces adaptations demandent plus de temps que celle d'un camion ou d'une voiture, en raison de l'ampleur des capitaux investis.

Les amendements 169, 410 et 292 corrigé, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Yves Cochet - Dans le cadre de notre conception générale de la fiscalité écologique, l'amendement 19 tend à réduire légèrement la fiscalité sur le GPL, de façon à nous ramener au plancher européen.

M. le Rapporteur général - La commission l'a adopté, tout comme l'amendement 20 qui propose une mesure semblable pour le GNV.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - C'est une très bonne mesure, et le Gouvernement est favorable à ces deux amendements dont il lève les gages.

L'amendement 19 rectifié, mis aux voix, est adopté, ainsi que l'amendement 20 rectifié.

M. Maurice Adevah-Poeuf - Avec l'amendement 162, Monsieur le ministre, je vous prie d'oublier un instant que vous avez été maire d'une grande ville de la région parisienne, pour vous souvenir qu'il y a ailleurs aussi des transports publics, qui n'auront pas de compensation pour l'augmentation de la TIPP sur le gazole. Il s'agit de leur donner un petit avantage pour les autobus qu'ils équiperaient au GPL, dans la limite de 40 000 litres par an. La mesure serait peu coûteuse, et d'un coût nul en ce qui concerne la RATP, qui n'a aucun bus au GPL.

M. le Rapporteur général - La commission a accepté cette proposition en effet peu coûteuse, car il n'y a aujourd'hui qu'une quarantaine d'autobus au GPL ou au GNV. Si on admet qu'il y en aura trois cents en 1999, le coût sera de 2,8 millions en 2000.

M. le Ministre - Oublier que j'ai été maire d'une ville de la région parisienne, ce n'est pas possible ! (Sourires) Un tel argument ne pourrait que m'inciter à repousser l'amendement. Il existe heureusement de meilleures raisons de l'accepter, et je lève le gage.

M. Michel Bouvard - J'aimerais avoir une réponse du Gouvernement sur le problème du renouvellement du parc et l'impact de la hausse du gazole sur les transports publics de province.

M. le Ministre - Je vous fournirai cette réponse.

L'amendement 162 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Jacques Jegou - L'amendement 411 est défendu.

L'amendement 411, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur général - L'amendement 21 est rédactionnel. Le 22 est de clarification.

M. le Ministre - Favorable.

Les amendements 21 et 22 sont successivement adoptés.

M. Michel Bouvard - L'amendement 482 tend à porter de 40 000 à 50 000 litres le plafond de la récupération fiscale, pour tenir compte du fait que les véhicules devront être davantage utilisés pour amortir les améliorations prévues dans les transports routiers, en matière notamment de règles de conduite et de durée du travail.

M. le Rapporteur général - Défavorable. La référence de 40 000 litres paraît pertinente.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 482, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 18, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 18

M. Michel Bouvard - Mon amendement 209 est identique au 23 adopté par la commission, dont je suis cosignataire.

Mme Nicole Bricq - Pour aider à la dépollution des parcs anciens, notamment dans les transports publics, l'amendement 23 tend à exonérer la part d'eau que contient l'aquazole, émulsion d'eau dans le gazole qui réduit de 80 % la pollution engendrée par ce dernier. Le surcoût serait de 75 millions si l'ensemble des vingt mille autobus existants étaient concernés, mais on en est loin. La RATP a déjà mis en service des autobus marchant à l'aquazole dans le cadre de son plan 2000. C'est aujourd'hui la mesure la moins onéreuse pour tout le matériel ancien. Lors de la récente journée sans voitures, l'envoi de fûts d'aquazole gratuits a montré qu'on parvenait à des niveaux de dépollution très intéressants, et supérieurs à ceux qu'on obtient même avec un pot catalytique. Cette solution serait la moins coûteuse pour les collectivités locales en attendant le renouvellement du parc.

M. le Rapporteur général - La commission a adopté cet amendement, issu d'une des propositions de Mme Bricq dans son rapport sur la fiscalité écologique. L'aquazole est utilisé sur les autobus urbains à Chambéry. Il a d'excellents effets sur l'environnement, et n'exige pas de modifier les moteurs. Exonérer la part d'eau de l'aquazole est à la fois une mesure incitative et d'équité fiscale.

Je propose d'autre part un sous-amendement 531 de précision.

M. le Ministre - Je partage l'avis de la commission. C'est là un des fruits de l'important travail de la commission sur la fiscalité écologique, et cela illustre la bonne coopération qui a marqué la préparation de ce budget. Je lève le gage de l'amendement et du sous-amendement.

M. Michel Bouvard - Le 3 septembre, en réponse à une question écrite, M. le ministre me renvoyait à une demande d'autorisation adressée à Bruxelles. Je me réjouis qu'elle ait été obtenue. A noter que l'aquazole entraîne un surcroît de consommation de carburant de 10 %, ce qui neutralise une partie du coût. Et celui-ci en vaut la peine, compte tenu des bons résultats observés, notamment à Chambéry, où ont été aussi expérimentés des autobus électriques, au GPL et GNV. Je souhaite aux grands réseaux, et d'abord à celui de l'Ile-de-France, d'avoir la même capacité d'innovation.

Le sous-amendement 531, rectifié, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 23, rectifié, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

Mme Nicole Bricq - L'amendement 24 porte de 6 000 à 9 000 litres par an, pour les chauffeurs de taxis, le volume de GPL exonéré de la TIPP.

M. le Rapporteur général - La force de conviction de Mme Bricq a emporté celle de la commission.

M. le Ministre - Le Gouvernement y est favorable et lève le gage.

L'amendement 24, rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Gilbert Gantier - Le taux normal de la TVA est trop élevé, et trop différent de son taux réduit. On me rétorquera que c'est l'ancienne majorité qui l'a porté de 18,6 % à 20,6 %, mais je voudrais que l'on évite de s'engager dans ce genre de polémique (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste), car il nous fallait résorber au plus vite les déficits énormes que vous nous aviez laissés ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Nous avions annoncé, d'ailleurs, que cette augmentation était transitoire, et le Gouvernement serait bien inspiré, puisqu'il nous explique que la croissance est solide et durable, de revenir au statu quo ante. Nous proposons, quant à nous, par l'amendement 260, de réduire d'un point le taux normal, comme l'avait fait, en son temps, un Premier ministre et un seul : M. Barre.

M. Michel Bouvard - L'amendement 325 est identique.

M. François d'Aubert - Lorsque nous avons augmenté la TVA en 1995, le parti socialiste et le parti communiste ont fait de l'opposition à cette mesure l'un de leurs chevaux de bataille, et n'ont cessé de nous expliquer que c'était une catastrophe. La vérité, c'est que cela nous a tout de même permis de nous qualifier pour l'euro. Nous nous étions engagés à rétablir le taux de 18,6 % lorsque la conjoncture serait meilleure, et vous aviez pris le même engagement au cours de la campagne de 1997. Nous ne nous lasserons donc pas de vous demander pourquoi vous ne le faites pas, et nous proposons, pour notre part, de procéder en trois étapes, la première consistant à ramener le taux normal à 20 % - c'est l'objet de l'amendement 259. Deux points de TVA, cela représente, en effet, quelque 80 milliards, et sans doute ne peut-on s'en priver, mais d'une vingtaine de milliards, certainement, moyennant des choix différents en matière de dépenses. Les baisses ciblées auxquelles vous préférez procédé ne sont que broutilles : 4 à 5 milliards environ, sans compter les crottes en chocolat du groupe communiste... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Michel Bouvard - Les amendements 461 et 462 vont dans le même sens. La hausse de la TVA était conçue comme transitoire, et destinée à remplir les critères de passage à la monnaie unique. De leur côté, la majorité actuelle s'était engagée, lors de la campagne électorale, à baisser un impôt qu'elle qualifiait d'injuste, car pesant indistinctement sur tous les ménages. Nous voulons vous aider à tenir vos promesses (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), maintenant que la croissance est de retour : les marges de manoeuvre sont là, et il serait dommage de s'en tenir à 130 F de réduction sur les factures de gaz et d'électricité et à de menues économies sur les tablettes de chocolat - même si cela peut faire plaisir aux lycéens qui manifestent dans les rues... (Sourires)

M. le Rapporteur général - Si l'opposition fait son acte de contrition pour avoir voté l'augmentation de la TVA il y a trois ans (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), nous n'avons nullement, quant à nous, oublié nos promesses : nous les mettons en oeuvre progressivement (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Un point de TVA représente quelque 30 milliards, et nous ne disposons pas d'une telle marge de manoeuvre, mais les baisses ciblées auxquelles nous avons procédé s'élèvent à une dizaine de milliards depuis juin 1997.

M. Lucien Degauchy - Vos électeurs ne seront pas contents !

M. le Ministre - Je voudrais répondre à l'opposition, afin que le Journal officiel ne soit pas un tissu d'erreurs (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Il y a quelque chose de cocasse à l'entendre exprimer ses regrets éternels, et surtout M. d'Aubert, qui était secrétaire d'Etat au budget quand la TVA a augmenté et qui se démène pour le faire oublier... Il n'est pas vrai que cette augmentation ait été motivée par le déficit que nous aurions "laissé", car cela faisait deux ans que nous avions perdu le pouvoir, et il ne faut tout de même pas deux ans pour s'apercevoir qu'il y a un déficit ! Il est vraiment dommage que vous n'ayez pas plutôt appliqué alors la recette que vous préconisez aujourd'hui, c'est-à-dire baisser la dépense. Vous aviez une occasion unique de prouver qu'elle pouvait marcher ! Mais comme tous les partis conservateurs une fois qu'ils sont au pouvoir, vous avez préféré augmenter les impôts.

Cette hausse de la TVA était transitoire, vous êtes-vous défendu. Mais jamais votre majorité n'a institué un impôt à titre transitoire qu'elle ait ensuite rapporté. Chacun sait ce qu'il est advenu de la vignette... En revanche, nous réduisons, nous, comme nous l'avions promis, la majoration du taux de l'impôt sur les sociétés décidée l'année dernière... à titre transitoire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Vous avez eu deux ans pour ramener le taux de TVA à son niveau antérieur. Vous ne l'avez pas fait. Un point, c'est tout.

Vous prétendez par ailleurs que cette hausse de la TVA a aidé notre pays à se qualifier pour l'euro. Or, la mesure a d'abord cassé la croissance, ce qui a rendu plus difficile d'atteindre le critère des 3 % de déficit. En réalité, vous vous êtes contentés d'arithmétique comptable. L'économie, c'est plus compliqué. Il faut laisser le temps à la demande de se développer et à la croissance de repartir. Si vous n'aviez pas cassé la croissance en 1995, le cours de l'histoire politique de notre pays en aurait peut-être été changé. C'est parce que vous n'étiez pas capables d'atteindre les objectifs de l'euro, en dépit de la hausse de la TVA, que le Président de la République a dû dissoudre.

Pour le reste, ne nous donnez pas de leçons ! Nous nous sommes engagés à réduire la TVA et nous tenons notre engagement, dans ce budget, avec plus de dix milliards de francs de baisses par rapport à celui de l'an dernier. Ce n'est certes pas assez au regard de votre augmentation ! Mais nous procéderons progressivement et régulièrement. La baisse se poursuivra l'année prochaine, à la mesure de ce que peut supporter notre économie. Il était absurde d'augmenter massivement la TVA au moment où vous l'avez fait. Il est démagogique aujourd'hui de prétendre l'abaisser de la même façon. Laissez-nous agir et au bout d'une législature, nous aurons réparé votre erreur de 1995 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Gilles Carrez - J'interviens aussi pour le Journal officiel qui ne peut tout de même pas contenir autant de contrevérités.

Mme Nicole Bricq - Pourquoi M. Carrez a-t-il la parole ?

M. le Président - Sur chaque amendement, j'ai décidé de laisser s'exprimer trois orateurs, l'un contre, les deux autres pour répondre respectivement à la commission et au Gouvernement (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Monsieur Carrez, poursuivez.

M. Gilles Carrez - En décembre 1992, le déficit budgétaire prévisionnel s'établissait à 170 milliards et trois mois plus tard, en mars 1993, il était passé à 340 milliards. Symptôme d'une grave maladie dénommée l'imprévoyance. Une longue convalescence a été nécessaire pour s'en remettre. Les décisions, douloureuses mais courageuses, de 1995, sont directement liées à la gestion irresponsable d'avant 1993. Le gouvernement d'Alain Juppé a été contraint d'augmenter la TVA pour qualifier la France dans l'euro. Qu'a dit alors Alain Juppé ?

M. le Rapporteur général - Il a parlé de bilan calamiteux...

M. Gilles Carrez - Il s'est engagé à diminuer, étape par étape, le taux de TVA dès le retour de la croissance. Il a par ailleurs fait adopter une ambitieuse réforme de l'impôt qui s'est traduite par une baisse substantielle...

M. le Ministre - Non financée !

M. Gilles Carrez - Monsieur le ministre, aujourd'hui que la croissance est au rendez-vous, il faut absolument abaisser la TVA par étapes.

Dix milliards de baisses en 1999, annoncez-vous. D'une part, c'est fort peu par rapport aux 675 milliards du produit total de cet impôt. Et où les trouvez-vous ? Un milliard avec la baisse du taux sur les travaux de réhabilitation dans le parc locatif social, décidée l'an passé, quatre milliards cette année avec la baisse du taux sur les abonnements EDF et GDF -dont d'ailleurs seulement deux profiteront aux ménages-, enfin diverses bricoles ici ou là. C'est si peu à la mesure de ce qui serait nécessaire que la commission des finances, guidée par son président et son rapporteur, nous a proposé un amendement qui aurait vraiment baissé la TVA : il s'agissait d'appliquer le taux réduit pour tous les travaux d'entretien de l'habitat.

Mme Nicole Bricq - Vous vous exprimez sur l'article 19 !

M. Gilles Carrez - Ne m'interrompez pas ! Ecoutez plutôt ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

M. Raymond Douyère - Quel laxisme, Monsieur le Président !

M. le Président - J'ai mis en discussion commune cinq amendements. Nous allons entendre trois orateurs et non pas dix. Laissez M. Carrez s'exprimer.

Mme Nicole Bricq - Nous serons encore là dimanche.

M. Gilles Carrez - Nous avons voté sans hésitation cet amendement dont le coût net était de 15 milliards. Selon M. Migaud, il n'était pas eurocompatible, mais il pourrait servir de signal pour la négociation à Bruxelles. Croyant à la volonté des socialistes d'abaisser la TVA, j'ai cherché quelles mesures équivalentes seraient conformes au droit européen.

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Gilles Carrez - Mon amendement qui vise à réduire d'un demi-point le taux de TVA dès 1999 serait parfaitement eurocompatible et représenterait une baisse de 15 milliards également. Reste à savoir maintenant s'il est compatible avec les principes de votre budget qui ne prévoit aucune baisse d'impôts pour les ménages, l'impôt sur le revenu allant même augmenter de 4 milliards au détriment des familles. Mais, puisque la croissance est revenue, ne pourriez-vous faire un geste, comme l'avais promis Alain Juppé ? (Rires sur les bancs du groupe socialiste)

M. François d'Aubert - Il vous faudra beaucoup d'efforts, Monsieur le ministre, pour nous démontrer que la baisse de la TVA se traduira pour les ménages par une économie de dix milliards de francs. En effet, la réduction du taux sur les abonnements EDF-GDF concerne aussi les collectivités locales et les entreprises.

Je rappellerai à mon tour quelques vérités. Des déficits abyssaux de 1993, qu'il s'agisse de celui de l'Etat, des comptes sociaux ou de l'UNEDIC, vous étiez très largement responsables. Nous étions très loin des rails de l'euro ! Vous nous accusez d'avoir cassé la croissance en cherchant à les rejoindre. Or en 1996, première année d'application du taux majoré, la consommation a quand même augmenté de 2 %. Quant à l'autre moteur de la croissance, l'investissement, nous le soutenions par la baisse des taux d'intérêts. Si la croissance n'est pas repartie comme elle l'aurait dû, cela tient à d'autres facteurs, notamment à la conjoncture internationale.

Alors, ne soyez pas trop ingrats. Cette hausse de TVA vous a rendu bien service ! Quant à la baisse des dépenses, nous y avons procédé en 1995 par redéploiements, ce qui nous a permis d'abaisser les charges sociales sur les bas salaires, et de favoriser ainsi la création de dizaines de milliers d'emplois (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Gilbert Gantier - Monsieur le ministre de l'économie, j'essaie d'être de bonne foi. Cessons de nous jeter à tout moment l'histoire à la figure ! Un premier ministre, je l'ai rappelé, a réduit le taux de TVA : M. Barre, alors que les conditions étaient très difficiles. En 1981, qui a augmenté la TVA et étendu très largement le taux majoré de 33 % ? M. Mauroy. Précisons, pour être objectifs, que M. Bérégovoy a supprimé le taux de 33 %, et fait généralement tout ce qu'il a pu.

M. Philippe Auberger - Nous l'avons bien aidé.

M. Gilbert Gantier - Désormais, la concurrence entre producteurs est très vive. Si on ne profite pas de la conjoncture pour baisser la TVA, on ne le fera jamais.

L'amendement 461, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les amendements 260 et 325, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Les amendements 259 et 462, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

ART. 19

M. Michel Bouvard - Nous avons débattu de la TVA applicable à la restauration le 17 septembre 1997. Le président de la commission des finances a reconnu alors "qu'il y a quelques problèmes dans la restauration". Il a cité le taux de TVA, et la distorsion des taux entre les deux formes de vente, au détriment des restaurants. Appelant l'attention du secrétaire d'Etat sur ces difficultés, le président Bonrepaux a souhaité pour finir que la prochaine loi de finances comporte "un signal fort". Il s'est à nouveau prononcé en faveur d'une baise ciblée au cours du débat d'orientation budgétaire de juin dernier, reprenant un voeu exprimé depuis longtemps par de nombreux parlementaires. La multiplicité des taux applicables dans la restauration a conduit en effet à des situations aberrantes. Par exemple la livraison à domicile d'un repas par un traiteur est soumise au taux de 5,5 %, même si le traiteur s'appelle Flo, contre 20,6 % pour un sandwich consommé dans une gare. Le repas pris dans un hôtel est assujetti au taux de 20,6 % s'il est préparé sur place, à celui de 5,5 % si un traiteur le livre. Il est grand temps de réviser tout cela. Je l'ai dit en commission, et le secrétaire d'Etat m'a répondu que la Commission européenne y était opposée, et que si nous insistions elle pourrait assujettir à la TVA les pourboires donnés dans les restaurants. Je n'en suis pas encore revenu !

La directive européenne du 19 octobre 1992 autorise chaque Etat à appliquer un ou deux taux réduits de TVA supérieurs à 5 % et un taux normal supérieur à 15 %. La France dispose d'un seul taux réduit, fixé à 5,5 %, le taux super-réduit étant dérogatoire. Les Etats qui au 1er janvier 1991 appliquaient un taux réduit aux prestations de restauration peuvent continuer à le faire tant que dure le régime dérogatoire. Or, en France, c'était le cas pour la majorité de ces prestations. De plus, la Commission européenne a validé cette interprétation, puisque l'Espagne et la Grèce ont obtenu de placer la totalité du secteur de la restauration sous taux réduit.

M. le Président - Veuillez conclure !

M. Michel Bouvard - Le Portugal a fait de même. Rien n'empêcherait donc la France de modifier ses taux, face à ses principaux concurrents dans le domaine du tourisme. Le Gouvernement a matière à discuter avec la Commission de Bruxelles. Le chantage aux pourboires n'est pas sérieux. Sortons de ce débat dans lequel nous sommes enfermés depuis cinq ans.

M. Philippe Auberger - Il n'est pas nécessaire de refaire indéfiniment l'histoire des taux de TVA. Ce que souhaitent les électeurs, c'est savoir si les engagements pris en 1997 seront tenus. L'an dernier, le montant de la TVA aurait été baissé de 5 milliards, et cette année de 4 milliards, soit une moyenne annuelle de 4,5 milliards. Pour honorer votre promesse de réduire de deux points le taux moyen, il vous faudrait, à ce rythme, quatorze ans ! Il y a longtemps que vous ne serez plus là ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Considérer toutes les baisses de TVA comme des mesures en faveur des ménages est un sophisme. Les administrations, les collectivités locales et bien d'autres sont abonnées à l'électricité et au gaz. 60 % peut-être de la TVA sur ces abonnements sont supportés par les ménages. C'est M. Balladur, nous dit-on, qui a augmenté le taux applicable aux abonnements. Mais les socialistes ont fait bien plus fort, lorsque M. Charasse, en 1991, a assujetti à la TVA la taxe sur l'électricité. Cette mesure a frappé les ménages bien plus lourdement que le relèvement à 20,5 % du taux sur les abonnements. C'est pourquoi notre amendement 70 rectifié tend à réduire aussi le taux applicable aux livraisons de gaz et d'électricité. De la sorte, vous n'aurez pas besoin d'attendre quatorze ans pour tenir vos engagements !

M. le Rapporteur général - Rejet. Jusqu'à la loi de finances pour 1989, les abonnements comme d'ailleurs la consommation d'électricité étaient soumis au taux normal de TVA. En 1989, dans le souci d'alléger les charges pesant sur les ménages, nous avons fait passer ces abonnements au taux réduit. La mesure a été rapporté en 1995. M. Auberger étant rapporteur général ! L'article 19 vise à la rétablir, de sorte que nous ne pouvons accepter l'amendement 70 rectifié.

M. le Secrétaire d'Etat - Contre l'amendement également. Son coût serait de 15 milliards !

L'amendement 70 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur général - Par l'amendement 25, la commission souhaite étendre la réduction du taux de TVA aux réseaux de chaleur, cela afin d'éviter des distorsions de concurrence.

M. le Secrétaire d'Etat - Cette disposition est contraire au droit communautaire actuel. Cependant, conscient de l'importance qu'y attache la commission, M. Strauss-Kahn et moi-même avons, le 7 septembre, adressé à la Commission une lettre dont la copie vous a été transmise, pour demander un réexamen de la liste des biens et services susceptibles d'être soumis au taux réduit de TVA. Nous y avons particulièrement insisté sur la question des réseaux de chaleur, car il y a en effet une certaine logique à traiter de même tous les réseaux d'abonnement.

Au bénéfice de ces explications, je demande le retrait de l'amendement.

M. le Rapporteur général - Nous faisons confiance au Gouvernement, et à l'intelligence de la Commission...

M. Jean-Pierre Brard - Là, vous êtes bien hardi !

M. le Rapporteur général - ...Mais nous souhaitons anticiper une réponse positive de celle-ci : voter l'amendement évitera une perte de temps.

L'amendement 25, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Les amendements 132, 358 et 288 tombent.

M. Jean-Pierre Brard - La logique de notre amendement 131 est évidente : nous considérons que, dans une juste limite, les produits de première nécessité doivent bénéficier d'un traitement fiscal privilégié. Nul n'est libre de consommer ou non de l'eau ou de l'électricité et si nous apprécions à son juste prix la décision prise par le Gouvernement de réduire le taux de TVA applicable aux abonnements à EDF-GDF, nous lui suggérons de ne pas s'arrêter dans son élan, et de reconnaître une sorte de droit de consommation vitale à taux minoré.

M. François d'Aubert, vice-président, remplace M. Paecht au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE DE M. François d'AUBERT

vice-président

M. le Rapporteur général - Avis défavorable. La disposition contenue dans l'article 18 coûtera déjà 4 milliards et cette extension augmenterait considérablement la dépense. D'autre part, le fait de fixer une limite par décret méconnaît notre responsabilité de parlementaires.

M. Jean-Pierre Brard - On peut corriger cela.

M. le Secrétaire d'Etat - Il ne faut pas briser l'élan, Monsieur Brard, mais gardons-nous d'une précipitation excessive et tenons-nous en à l'étape qui vous est proposée.

M. Jean-Pierre Brard - Si vous dites "étape", je me sens autorisé à re-présenter cet amendement l'an prochain, après l'avoir rectifié pour tenir compte de l'observation du rapporteur général.

L'amendement 131 est retiré.

M. Christian Cuvilliez - Notre amendement 129 est similaire, à cela près qu'il fixe les limites dans lesquelles la consommation de gaz et d'électricité pourrait être assujettie au taux réduit.

En vertu de la loi pour la lutte contre les exclusions, Mme Aubry a créé des fonds de solidarité-énergie afin de venir en aide aux consommateurs qui ne peuvent payer leurs factures d'électricité. Or le fonctionnement de ces fonds a dû être interrompu, faute d'argent. La mesure que nous proposons permettrait de régler le problème.

L'amendement 129, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 19 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 19

M. Jean-Jacques Weber - Au début de l'été, les personnes âgées vivant dans les résidences-services ont appris que les prestations dont elles bénéficient allaient être soumises au taux normal de TVA. Or ces résidences constituent une alternative à l'hospitalisation comme à la maison de retraite et elles permettent de libérer des appartements, ce qui est bien utile. Jusqu'ici, les résidants ne payaient pas de TVA sur les salaires des infirmières et des femmes de ménage. La mesure se justifiait d'autant plus que les actes des premières ne sont pas remboursés par la Sécurité sociale et que ces retraités ne bénéficient souvent pas de la possibilité de déduire les charges patronales pour l'emploi des secondes. Beaucoup redoutent d'être contraintes de quitter leur résidence. D'où mon amendement 243.

M. le Rapporteur général - Rejet. Je pense que le problème trouve son origine dans l'instruction du 5 mai 1998, par laquelle le ministre de l'économie rappelait les règles applicables à ces syndicats de copropriétaires : les prestations de base sont exonérées, mais non les services supplémentaires -restauration, blanchisserie, loisir. Cependant, la même instruction exclut tout rappel ou restitution.

M. le Secrétaire d'Etat - Rejet aussi. La circulaire qu'a rappelée M. le rapporteur a en effet bien délimité le champ d'application de la TVA. Aller au-delà serait contraire aux règles européennes et provoquerait une distorsion de concurrence. Je souhaite donc le retrait de l'amendement.

M. Jean-Jacques Weber - Je le maintiens. Il y a là un problème social, car beaucoup de personnes vivant dans ces résidences n'ont pas de revenus supérieurs à celles qui sont dans les maisons de retraite. Pourquoi les traiter de façon distincte ?

L'amendement 243, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 138 corrigé de M. Cuvilliez, repoussé par la commission et le Gouvernement et mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Cuvilliez - Nous avons souhaité une baisse de TVA aussi large que possible sur les produits de grande consommation : nous proposions par l'amendement 136 de ramener à 5 % le taux applicable par exemple à l'eau et à la plupart des produits alimentaires, aux produits agricoles non transformés, aux livres scolaires. Puis on nous a fait remarquer que 0,5 point de moins, ce ne serait pas déterminant, et nous nous rallions à l'amendement de la commission qui concentre la baisse sur la chocolaterie et la confiserie courante.

L'amendement 136, repoussé par la commission et le Gouvernement, et mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur général - Je demande la réserve des cinq amendements suivants, qui ont tous le même objet, jusqu'après l'amendement 194 rectifié, après l'article 27.

M. le Président - La réserve est de droit : les amendements 26, 134, 532, 77 et 301 sont réservés.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 20.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


© Assemblée nationale