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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 14ème jour de séance, 33ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 21 OCTOBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. Patrick OLLIER

vice-président

          SOMMAIRE :

LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- (suite) 1

CULTURE 1

La séance est ouverte à neuf heures


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LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999.


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CULTURE

M. Raymond Douyère, rapporteur spécial de la commission des finances - Le budget de la culture pour 1999 augmente de 3,5 % par rapport à celui de 1998, pour s'établir à 15,7 milliards. Pour la deuxième année consécutive, il progresse plus que l'ensemble du budget de l'Etat alors qu'à structure constante, il avait subi une diminution de 20 % entre 1993 et 1997. La culture est donc bien une priorité de ce gouvernement.

Son budget représentera 0,97 % des charges nettes de l'Etat en 1999 contre 0,95 % en 1998, mais si l'on se rapporte au périmètre de 1993, les pourcentages tombent respectivement à 0,81 % et 0,83 %, loin donc de l'objectif de 1 % que s'étaient assignés les différents gouvernements de gauche.

Les 525 millions de mesures nouvelles, dont 229 à l'appui des interventions du ministère, serviront, d'une part, à la poursuite de la réorganisation de l'administration centrale de la culture avec la création d'une direction unique de l'architecture et du patrimoine et d'une direction unique de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles ; d'autre part, à approfondir la déconcentration. La part des crédits gérés directement par les directions régionales de l'action culturelle (DRAC) sera accrue. Ce mouvement s'accompagnera de l'apurement par l'Etat de la dette qu'il avait contractée auprès des collectivités en matière d'équipement. L'ouverture de 122 millions de crédits de paiement à ce titre en 1999 est pour elles une bonne nouvelle. Ainsi la base des discussions pour les futurs contrats de plan Etat-régions sera-t-elle assainie.

Les mesures nouvelles serviront également à soutenir la création et la pratique culturelles. Les crédits du titre IV, coeur de l'intervention du ministère en faveur des artistes et des institutions culturelles décentralisées, augmentent de 193,8 millions -soit 4,2 % et non 5,3 % comme indiqué dans le dossier de presse- contre seulement 140 millions en 1998 puisque 40 millions de crédits avaient été annulés en début d'année. Sur ce montant, 110 millions seront consacrés au spectacle vivant, c'est-à-dire le théâtre, la danse, la musique, mais aussi les arts de la rue et "les musiques actuelles", deux domaines dans lesquels la France est en train de se forger une réputation internationale et qu'il convient donc de soutenir tout particulièrement. Les nouvelles technologies et le multimédia seront encouragés avec la numérisation des collections et le soutien au développement d'espaces culture-multimédia dans les régions. Les enseignements artistiques, terreau de la future création, bénéficieront, quant à eux, de 27 millions supplémentaires et le régime des bourses pour les étudiants en art sera aligné sur celui des établissements de l'éducation nationale.

Les mesures nouvelles serviront enfin à consolider la politique du patrimoine. En deux ans, les autorisations de programme auront augmenté de 42,5 %, rattrapant ainsi le retard pris en 1997 dans l'application de la loi de programme de 1993. Les grands travaux seront achevés en 1999, y compris le Grand Louvre. La bibliothèque François Mitterrand fonctionne d'ores et déjà en régime de croisière. Le site Richelieu sera réorganisé pour accueillir le futur Institut national d'histoire de l'art. Quant au réaménagement de Beaubourg, il devrait être achevé, grâce aux 35,2 millions d'AP ouvertes à cet effet. 62 millions d'AP, 25 millions de crédits d'acquisition et 7,5 millions de crédits de fonctionnement permettraient de lancer la réalisation du musée des civilisations et arts premiers qui aura d'abord une antenne au Louvre avant de s'installer quai Branly. Il devrait coûter au total 1,2 milliard, mais le projet inclut désormais une large partie éducative. Enfin, 2,5 millions de francs permettront de commencer les actions de préfiguration de la future Maison du cinéma.

Après cette présentation, j'en viens aux problèmes...

Tout d'abord, la situation des intermittents du spectacle. Le régime institué en 1997 après de longues et difficiles négociations, prorogé en 1998 faute d'accord définitif entre les partenaires sociaux, devrait l'être encore en 1999. Il importe que le Gouvernement trouve rapidement une solution à ce problème qui concerne tout de même 70 000 personnes.

S'il faut se réjouir de la rationalisation des subventions en faveur du spectacle vivant, il convient de s'assurer que les moyens nouveaux seront équitablement répartis sur le territoire et bénéficieront en priorité aux troupes les plus dynamiques. Il importe que la politique nationale soit parfaitement lisible en région. La mise en place d'un correspondant de la DRAC dans chaque département serait un minimum. Chaque compagnie doit savoir, en toute transparence, selon quels critères elle a été ou non subventionnée et tout refus de subvention doit bien sûr être motivé. Cela évitera frustrations, mécontentements et mouvements de protestation.

Se pose aussi la question du statut des entreprises de spectacle et de la façon dont leur sera étendue la réduction du temps de travail. La réforme du statut fiscal des associations pèsera inévitablement sur les troupes. La mauvaise connaissance du secteur empêche de disposer de simulations réalistes, qui seraient pourtant indispensables. Le Gouvernement doit absolument faire un effort pour résoudre ces difficultés, et notamment soutenir les compagnies de spectacle vivant pendant une période transitoire. La commission des finances a d'ailleurs demandé une majoration de 30 millions des mesures nouvelles proposées à cet effet.

Enfin, il conviendrait de résorber l'emploi des vacataires auxquels l'on a trop souvent eu recours pour occuper des postes pourtant permanents. Démotivation, précarité, désorganisation des rythmes de travail en sont les conséquences les plus fâcheuses. Je salue les efforts réalisés depuis deux ans pour transformer les vacations en CDD ou en CDI. Ils doivent se poursuivre en 1999. Reste à savoir si les 292 CDI qu'il est prévu de proposer à d'anciens vacataires comporteront un nombre d'heures suffisant pour leur permettre de vivre. 379 personnes travaillant dans les établissements sous tutelle devraient elles aussi bénéficier d'un contrat. 8 millions de francs enfin abonderont les crédits des vacataires afin de mettre un terme aux recrutements pour une durée inférieure à trois mois. Un plan triennal de résorption de l'emploi vacataire serait nécessaire. En effet, comment travailler convenablement, au niveau central comme au niveau régional, sans les personnels nécessaires ? Nous devons, avec vous, Madame la ministre, solliciter Bercy et obtenir une majoration de crédits d'ici au vote final de ce projet de budget. En matière de politique du patrimoine, des progrès significatifs ont été accomplis depuis deux ans qui ont permis de combler les retards accumulés.

La dette contractée auprès des collectivités locales est sur le point d'être apurée. Mais aucune loi de programme n'étant en préparation, nous n'avons pas de perspectives. Il faut associer le Parlement à la politique du patrimoine au moyen d'une nouvelle loi de programme, même si les crédits ouverts dans un tel cadre sont souvent victimes des mesures de régulation budgétaire. Au moins une loi de programme rend-elle plus lisible une politique et donne-t-elle aux parlementaires le moyen de faire pression sur le Gouvernement. En outre, le cadre pluriannuel d'une telle loi est appropriée aux opérations de sauvegarde du patrimoine, souvent longues.

L'archéologie est en crise. Qui, mieux que la puissance publique, peut s'opposer aux intérêts privés, pour préserver les sites ?

Les grands travaux lancés dans les années 1980 vont s'achever l'année prochaine, avec la dernière tranche du Grand Louvre. J'ai visité l'Opéra national de Paris, la bibliothèque François Mitterrand, et je me rendrai bientôt au Louvre. J'ai pu mesurer sur place l'importance des charges qui pèsent sur ces établissements. Une enveloppe de 8 milliards a été consacrée à la bibliothèque François Mitterrand à laquelle est allouée une subvention de fonctionnement de 600 millions. Quant à la subvention de l'Opéra national de Paris, elle s'élève à 630 millions, contribution de l'Etat à la caisse de retraite comprise.

Le seul entretien des locaux pèse lourdement sur les budgets de ces institutions, même si leur rayonnement international justifie l'ouverture de lignes de crédit importantes. Les besoins réels sont sans doute sous-estimés. Il faudra prévoir, dans les années à venir, des crédits pour changer la machinerie de l'Opéra Bastille...

M. Michel Herbillon - Déjà ?

M. le Rapporteur - De même, il faudra revoir le système informatique de la bibliothèque François Mitterrand, que la rapidité des évolutions technologiques ne tardera pas à rendre obsolète. Pour ces grands établissements, l'enveloppe fixée au départ n'a pas été actualisée et l'Etat a du mal à évaluer le coût de leur amortissement.

Je compte réaliser, dans les mois qui viennent, des rapports sur ces grands établissements, afin que la représentation nationale dispose d'un bilan. Pour éviter que ce parc d'infrastructures culturelles devienne un cimetière des éléphants, il faut mettre à niveau les crédits de fonctionnement. Faisons nôtre l'exigence d'André Malraux : "Nous devons faire pour la culture ce que Jules Ferry a fait pour l'instruction." Des moyens supplémentaires sont pour cela nécessaires. On ne peut continuer à poursuivre sans jamais l'atteindre l'objectif des 1 %. Il faut que les crédits de la culture atteignent 1,5 % du budget, soit un montant de 25 milliards, pour mener une action culturelle efficace pour la France (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles - Le budget de la culture pour 1999 comporte des aspects positifs. Les crédits augmentent de manière satisfaisante.

Le rattrapage de l'année dernière -une hausse de 3,8 %- se justifiait par l'annulation de 756 millions de crédits après l'installation du nouveau gouvernement. Le projet de budget pour 1999 donne à l'action culturelle 550 millions de moyens nouveaux, ce qui représente une progression de 3,5 %, alors que l'évolution moyenne des dépenses sera de 2,2 %. La culture reste donc bien une priorité, même si son budget n'atteint toujours pas 1 % des dépenses.

Parmi les mesures positives, signalons que les crédits d'intervention vont augmenter de 4 %. En leur sein, la part des crédits déconcentrés passera à 17,3 %, ce qui va contribuer à rapprocher l'action culturelle de ses bénéficiaires. Par ailleurs, 110 millions iront à la nouvelle direction du spectacle vivant qui les consacrera aux pratiques culturelles innovantes, comme les musiques actuelles et les arts de la rue, aux pratiques en amateur et aux institutions culturelles appliquant la charte de service public.

De plus, 110 millions supplémentaires bénéficieront aux équipements culturels régionaux, à travers les crédits d'investissement destinés aux collectivités locales.

De nouvelles institutions culturelles vont être mises au service des professionnels et du public : le Centre national de la danse, la Cité de l'architecture et du patrimoine et la Maison du cinéma.

Enfin, un effort particulier est consenti en faveur du multimédia, afin d'aider l'ensemble des citoyens à s'approprier les nouvelles technologies culturelles.

Je déplore cependant un certain flou budgétaire, qui empêche d'identifier clairement le financement des mesures annoncées. L'opacité croissante des documents budgétaires et les modifications continuelles des nomenclatures ne nous permettent pas de faire des estimations satisfaisantes. En outre, je relève des faiblesses graves, qui contredisent l'optimisme affiché. Ainsi, les crédits d'acquisition seront en pratique inexistants en 1999 puisque, malgré 10 millions de mesures nouvelles, ils seront absorbés par la constitution du musée des arts et civilisations, alors que ce projet aurait dû faire l'objet de mesures nouvelles, et non d'un financement par redéploiement.

De même, le budget global des enseignements artistiques est en quasi-stagnation : 38 millions supplémentaires, soit 2,7 % de hausse sur l'ensemble du budget, et à peine 1 % de hausse pour les crédits d'intervention, ce qui est très insuffisant pour un budget qui fait de la démocratisation sa priorité. Votre ministère devrait s'engager davantage dans la réforme des rythmes scolaires pour favoriser l'éveil culturel des jeunes.

S'agissant du patrimoine, après le rattrapage de l'année dernière l'effort se relâche, puisque les subventions d'investissement accordées aux propriétaires de monuments historiques s'effondrent de 24,5 %. L'essentiel des crédits ira aux travaux effectués par l'Etat sur ses propres monuments.

Député de Chambord, si je puis dire, je connais le coût des investissements nécessaires à l'accueil du public dans de bonnes conditions, que les travaux soient financés par l'Etat ou par des propriétaires privés.

M. Hervé de Charette - Ou encore pour les collectivités locales !

M. le Rapporteur pour avis - Les moyens mobilisés pour célébrer l'an 2000 restent aussi modestes que flous.

Les crédits des grands projets régionaux passent de 165 à 76 millions, ce qui ne permet pas d'espérer un rééquilibrage entre Paris et la province.

Alors que la part des crédits déconcentrés augmentent, ce dont il faut se féliciter, les directions régionales des affaires culturelles ne bénéficient d'aucune création d'emploi. Seul un transfert de personnel est annoncé, sans qu'aucune chiffre précis n'ait été annoncé. Les DRAC risquent donc de ne pas avoir les moyens d'assumer leurs nouvelles responsabilités, au moment où s'engage la négociation des plans Etat-régions.

Enfin, en matière législative, le ministère n'a pris aucun engagement précis sur la présentation des textes attendus.

La culture est un grand chantier. Certains se réjouiront que vous disposiez de moyens nouveaux et réaffirmiez votre objectif de réconcilier création et démocratisation. D'autres s'inquiètent du chemin qui reste à parcourir, de l'insuffisance des moyens, du manque de stratégie.

Comme tous les rapporteurs d'opposition, je partage l'opinion des seconds et c'est pourquoi j'avais émis un avis défavorable, tandis que la commission s'est montrée favorable à l'adoption de ces crédits.

Quelques mots sur la chance, mais aussi le défi, que représentent les nouvelles technologies d'information et de communication pour la politique culturelle. Ils permettront en effet d'élargir considérablement son champ d'action et ses publics, en individualisant les échanges et les apprentissages d'une manière autrefois inimaginable. C'est renouveler la problématique du "musée imaginaire" d'André Malraux.

Contrairement à certaines craintes, Internet et le cédérom incitent le public à se rendre dans les musées et à participer à la vie culturelle.

Le numérique et le développement des réseaux va inévitablement remettre en cause le principe du prix unique du livre, mais aussi modifier le fonctionnement des bibliothèques, le métier de libraire et notre système de protection de la propriété intellectuelle.

S'agissant des disques, un système de distribution et de vente de musique par voie électronique, qui aboutit à la dématérialisation du produit, se substitue progressivement au système de vente physique. Cette évolution est susceptible de mettre en péril la création si les mesures nécessaires ne sont pas prises, comme la préservation des droits des producteurs.

On peut donc se féliciter que le ministère de la culture ait fait beaucoup d'efforts depuis 1992 pour intégrer ces nouvelles technologies dans sa gestion interne et sa communication externe et qu'il ait commencé à transformer son action culturelle par un soutien à la création de contenus multimédias, à la numérisation et à l'accès des citoyens aux technologies culturelles de l'information.

Chacun s'accorde à reconnaître que l'Etat détient une mission culturelle qui ne peut être ni réduite, ni déléguée, mais nombreux sont ceux qui considèrent, à la suite des travaux de la commission Rigaud due à l'initiative de Philippe Douste-Blazy, qu'il faut procéder à une refondation de la politique culturelle, et donc redéfinir le ministère de la culture, ses structures et ses modalités d'action ; la restructuration des services centraux pourrait s'accompagner d'une extension de son champ de compétences, notamment aux enseignements artistiques, qui souffrent d'une dispersion des moyens entre plusieurs ministères. Par ailleurs, il pourrait être utile de créer un comité interministériel de l'action culturelle présidé par le Premier ministre.

Je conclurai par l'interrogation existentielle paradoxale à laquelle la culture française est confrontée : la mondialisation va-t-elle tuer une culture qui a une vocation universelle ? Les nouvelles technologies, si elles sont bien utilisées, peuvent servir le pluralisme, en offrant au monde entier un pôle culturel virtuel de la France et de la francophonie ; mais celle-ci ne peut exister sans une refondation de notre politique et une redéfinition du ministère (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Hervé de Charette - Excellent rapport !

M. Michel Herbillon - A l'heure de la mondialisation des échanges, du développement des technologies de l'information et de la communication, de l'explosion des connaissances, la culture représente un enjeu politique, social et économique essentiel.

D'ailleurs, plusieurs des mesures que vous avez annoncées, Madame la ministre, me paraissent aller dans le bon sens. Je pense notamment à la déconcentration vers les directions régionales d'action culturelle, aux efforts en faveur du multimédia, à l'aide apportée au spectacle vivant et aux pratiques culturelles nouvelles. Néanmoins, alors que la politique culturelle est à un tournant et doit se donner de nouveaux moyens d'action, votre budget est malheureusement terne, d'un classicisme décevant, pour ne pas dire d'un archaïsme préoccupant. Vous tentez d'en compenser les faiblesses par une politique d'affichage. Un seul exemple : vous mettez en avant la hausse de 3,5 % de votre budget et vous faites référence à la promesse électorale du Premier ministre d'atteindre le mythique 1 % du budget de l'Etat, mais vous êtes plus discrète sur ce qui se cache derrière ces chiffres : votre budget est tout simplement "plombé" par les budgets de fonctionnement des grands établissements issus des grands travaux, puisque les subventions de fonctionnement absorbent désormais près de 20 % des crédits.

Par ailleurs, votre budget ne couvre pas l'ensemble de la politique culturelle de notre pays : j'espère pouvoir compter sur vous, Madame la ministre, pour qu'un document de synthèse retraçant l'ensemble des interventions budgétaires de l'Etat dans ce domaine nous soit transmis.

M. Hervé de Charrette - Très bien !

M. Michel Herbillon - En tout état de cause, une politique culturelle ne saurait se limiter à la distribution de subventions et de dotations. Etant ministre depuis plus d'un an, il est dommage que vous n'ayez pas saisi l'occasion de ce budget pour mener une réflexion sur le rôle de l'Etat en matière culturelle. L'Etat, aujourd'hui, s'intéressant un peu à tout, assume mal ses missions traditionnelles : votre projet de budget est malheureusement le reflet de cette réalité.

En matière de patrimoine, par exemple. Après l'effort budgétaire louable de l'année dernière, les crédits n'augmentent que de 2,7 %. Les subventions d'investissement accordées aux propriétaires de monuments historiques chutent de près de 25 % ; l'essentiel de l'effort concerne les travaux effectués par l'Etat sur ses propres monuments. Pourtant, l'état actuel du patrimoine dans notre pays nécessiterait d'en faire une priorité. Est-il besoin de rappeler que le patrimoine, outre son rôle dans la préservation de la mémoire, rapporte beaucoup plus à notre pays par l'attrait touristique qu'il représente qu'il ne coûte en subventions, et qu'il constitue un outil important d'aménagement du territoire ?

La même absence de volonté politique se retrouve en matière d'éducation artistique. Alors que vous entendez faire de la démocratisation de la culture un objectif de votre budget -ce à quoi j'adhère totalement- vous ne consacrez pas les moyens nécessaires au développement des enseignements artistiques, dont le budget global est en quasi-stagnation -38 millions seulement de crédits supplémentaires sur l'ensemble du budget et à peine 1 % de plus sur les crédits d'intervention. C'est dire qu'on n'a pas la volonté d'appliquer la loi du 6 janvier 1988 sur les enseignements artistiques. Pourtant, l'éducation artistique devrait être une priorité de la politique culturelle, ainsi qu'en témoignent les revendications des lycéens, qui se prononcent majoritairement pour le développement de ces enseignements.

Par ailleurs, une politique culturelle ne peut plus se satisfaire des recettes classiques : elle doit se montrer plus inventive.

Il serait temps, par exemple, non plus seulement de soutenir l'offre culturelle, mais de développer une véritable politique de soutien de la demande culturelle. Pourquoi ne prenez-vous pas l'initiative, par exemple, de la création d'un chèque culture pour les jeunes ?

De plus, il faudrait engager une politique de défiscalisation en faveur du développement culturel. Je sais que cette mesure ne sera pas du goût de tous dans les rangs de votre majorité à l'heure où elle souhaite inclure dans l'assiette de l'ISF les oeuvres et objets d'art, ce qui, n'en doutons pas, ferait disparaître ce qui reste du marché de l'art français. Une baisse de la TVA sur les biens culturels serait un bon moyen de démocratiser la culture.

M. Marcel Rogemont - Qui a augmenté la TVA ?

M. Michel Herbillon - De même, la baisse de la TVA sur les travaux de restauration du patrimoine donnerait de nouvelles perspectives aux artisans d'art, dont la situation est particulièrement préoccupante. Il faudrait aussi une politique fiscale vraiment favorable au développement du mécénat privé, et notamment du mécénat individuel. Il ne s'agit pas de remplacer les aides de l'Etat, mais de les compléter, tout en évitant que l'Etat soit toujours celui qui donne le "la" en matière culturelle. De plus, pourquoi ne pas s'engager davantage dans la décentralisation de la politique culturelle ? L'influence des collectivités locales en matière de politique culturelle est insuffisante au regard de leur part dans le financement.

Enfin, l'Etat devrait favoriser le développement des associations culturelles. Pourquoi ne pas instaurer un dispositif inspiré du chèque emploi-service pour favoriser le développement de l'emploi dans ces associations ?

Voilà quelques pistes de ce que pourrait être une politique culturelle innovante où l'Etat jouerait son rôle, mais seulement son rôle. Madame la ministre, vous n'avez pas pris suffisamment la dimension des enjeux. Il est vrai que vous êtes en butte aux funestes initiatives de votre majorité plurielle, qui veut intégrer les oeuvres d'art dans l'assiette de l'ISF tandis que les députés socialistes souhaitent diminuer de moitié les crédits consacrés au futur musée des arts premiers.

Plusieurs députés socialistes - Ce n'est pas la volonté des socialistes, mais celle d'un seul député !

M. Michel Herbillon - La politique culturelle a besoin d'un nouveau souffle que vous ne lui apportez pas. C'est pourquoi nous n'approuvons pas votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme Huguette Bello - L'audiovisuel revêt une grande importance dans une île lointaine comme La Réunion où il constitue une ouverture sur le monde et un divertissement peu coûteux, en particulier pour les nombreux chômeurs. Grâce à la mise en orbite d'un nouveau satellite, l'offre de programmes à La Réunion, jusqu'alors dominée par un monopole public à peine entamé, va être enrichie de douze chaînes.

Toutefois nous savons que sans une action publique volontaire, la multiplication des chaînes ne garantit pas la diversité des images. Celle-ci est pourtant essentielle à La Réunion où il ne faudrait pas que l'audiovisuel, si récemment ouvert à un réel pluralisme politique, connaisse, demain, une nouvelle uniformisation, cette fois-ci de nature commerciale. Je demande donc que soit diffusée à La Réunion dans les mêmes conditions qu'en métropole la chaîne de la connaissance réalisée conjointement par Arte et La Cinquième.

Il nous faut mener une véritable réflexion sur le risque d'uniformisation qui menace l'audiovisuel, pourtant susceptible de permettre une plus grande ouverture à la fois au monde et à l'environnement immédiat.

Il importe que se développe une production locale et régionale qui, seule, permettra d'éviter une consommation passive, au Sud, des images réalisées au Nord. Les entreprises du secteur se sont pour l'instant refusé à la soutenir en invoquant des contraintes techniques et son coût élevé. Elle est pourtant particulièrement nécessaire à La Réunion où la télévision peut contribuer à la lutte contre l'illéttrisme et à l'apprentissage des langues, favorisant ainsi des échanges culturels et économiques fructueux avec les autres pays de l'Océan indien qui pourront également recevoir les images diffusées par notre satellite. L'exemple d'une société réunionnaise qui, en trois ans, est devenue le plus grand studio européen d'animation montre que cette production locale est désormais possible et je crois que les nouvelles technologies la rendront plus facile et permettront, grâce à la multiplication des opérateurs, le désendettement de notre île.

Nous espérons que vous la soutiendrez (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Marcel Rogemont - Le constat comptable vient de nous être dressé par le rapporteur pour avis, sans pour autant emporter son adhésion. C'est étonnant, car voilà que de nouveau on se rapproche du 1 % de la charge nette du budget de l'Etat pour le ministère de la culture, en passant de 0,95 % en 1998 à 0,97 % en 1999.

Certes, le périmètre de la composition de ce 1 % a été profondément modifié par le précédent gouvernement, peut-être pour brouiller les pistes, et chacun pourrait être aujourd'hui fondé à recalculer ce que serait le 1 % d'hier. Nous en serions alors à 0,83 % en 1999.

Je dis bien "serions", car le budget de l'Etat rebudgétise près de 45 milliards, modifiant donc le dénominateur.

Nous serons en fait en 1999 à 0,94 % de la charge nette du budget de l'Etat pour le ministère de la culture.

Décidément, la marche vers la récupération des 3,3 milliards perdus par le ministère de la culture entre 1993 et 1997 est longue.

La progression est toutefois réelle, puisque en 1999, c'est bien 525 millions de plus dont il s'agit, après les 550 millions supplémentaires de 1998, contrastant avec la diminution de 575 millions en 1997.

Nous vous en remercions, Madame la ministre.

Il ne s'agit toutefois pas de réduire la culture au seul budget de votre ministère, d'autres ministères, tel celui de l'éducation nationale, interviennent en sa faveur.

Il est heureux qu'au sein du Gouvernement, des relations étroites se tissent avec vos collègues pour faire vivre la culture, et permettent à l'école et grâce aux collectivités locales des apprentissages et pratiques artistiques, garants de la formation du public.

Cependant, je sais trop combien les députés présents ne peuvent se satisfaire de ce premier constat, aussi positif soit-il.

M. le Rapporteur pour avis - Tout à fait !

M. Marcel Rogemont - La culture ne se résume pas à des chiffres, elle donne un sens à la société. Il y a donc des raisons supplémentaires de voter ce budget.

La première est que, dans ce budget, le politique revient sur le devant de la scène, tandis que dans un passé récent les crédits étaient sabrés dans l'impersonnalité des bureaux de la rue de Valois, et surtout, de Bercy.

M. Michel Herbillon - Bercy est toujours là.

M. Marcel Rogemont - Il faut reconstruire les relations difficiles entre public et culture et d'abord entre le service public et la culture. Cela passe par la réorganisation des services centraux qui permettra la fin de certains cloisonnements et par la déconcentration. Celle-ci entraîne des difficultés en matière de mouvements des personnels, lesquelles ne doivent pas occulter le besoin réel de la création de postes nouveaux, notamment pour créer des équipements. Il faut également lutter contre la précarité en transformant des crédits de vacataires en postes.

Le développement des chartes de service public contractualisant les relations de l'Etat avec les artistes et les collectivités locales sont également très utiles, car en précisant clairement les objectifs de la politique culturelle, il favorise notamment son évaluation.

Votre action vise aussi à affirmer plus fortement la place de l'artiste dans la société. Je voudrais sur ce point vous signaler les inquiétudes des artistes sur la pérennité du système actuel de perception des droits d'auteur, particulièrement opaque, et sur l'avenir du régime d'indemnisation chômage des intermittents du spectacle.

Je soutiens votre action en faveur de l'écriture contemporaine, notamment théâtrale et musicale. Il conviendra de renforcer ces efforts, auxquels 110 millions de francs de mesures nouvelles sont consacrés, et de les orienter davantage vers la promotion d'une création contemporaine variée.

Il faut également assurer la démocratisation du public et favoriser la consommation culturelle des familles les plus modestes. Comme notre collègue Hélène Mignon lors de la discussion du projet de loi sur l'exclusion, j'appelle de mes voeux une tarification adaptée pour les plus démunis.

Vous avez également un objectif ambitieux de développement non seulement de la consommation mais aussi de la pratique culturelle.

De fait, les jeunes veulent une relation directe avec leur musique sans passer par le solfège. Un rapport a été déposé, une ambition tracée, le budget fortement augmenté : ainsi on développe une approche diversifiée de l'art.

En ce qui concerne le patrimoine, certains ont parlé de relâchement...

M. Michel Herbillon - Hélas !

M. Marcel Rogemont - Curieux relâchement quand les crédits progressent de 42,5 % en deux ans ! Cela montre à ceux qui s'apprêtaient à saccager, faute de crédits, un élément indispensable de la pérennité de notre culture (Interruptions sur les bancs du groupe DL et du groupe du RPR) qu'une politique de gauche intègre le passé. Je rappelle qu'un million de francs investis pour le patrimoine génère trois emplois.

J'apprécie qu'une mission ait été confiée à trois personnes pour réfléchir à l'organisation de l'archéologie. Nous devons trouver une solution équilibrée conciliant le maintien de cette fonction et la réorganisation de la profession.

M. Hervé de Charette - Très bien !

M. Marcel Rogemont - Toutes ces raisons devraient emporter l'adhésion des députés, surtout s'ils veulent bien dépasser leurs passions pour comprendre que la culture concerne tout le pays.

Je reléverai enfin, au moment où la France va adhérer à la charte des langues régionales, l'augmentation de plusieurs millions des crédits de soutien aux langues régionales.

Le groupe socialiste votera ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Hervé de Charette - Madame la ministre, je suis sûre que vous mesurez chaque jour l'honneur d'être ministre de la culture d'un pays qui a la réputation justifiée d'être au premier rang des arts dans le monde.

Si j'attache tant de prix à être chaque année le porte-parole du groupe UDF pour le budget de la culture, c'est parce que je crois que la mission culturelle de l'Etat est la plus haute qui soit. Je rêve d'ailleurs du jour où nos débats sur ce sujet auront définitivement dépassé l'affrontement droite-gauche. Rien n'est plus désuet et plus navrant que cette prétention d'une certaine gauche à détenir une sorte de magistère culturel. La seule attitude qui vaille, c'est l'amour du beau, le respect des artistes, l'ouverture la plus large à toutes les sensibilités et toutes les formes d'expression, le seul critère étant l'exigence de qualité.

De la même façon, je suis choqué lorsque, dans tel conseil régional, le Front national prétend juger du beau et du vrai, de ce qui est subventionnable et ce qui ne l'est pas en fonction des jugements portés sur lui par des hommes de culture ("Très bien !" sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Il ne faut pas politiser la culture. Après tant de débats inutiles à ce propos, il est temps de nous accorder sur un principe laïc simple, celui de la neutralité de l'Etat en matière culturelle, une neutralité active qui aide chacun à avoir accès à la culture, et soutient le monde des arts.

Puis-je vous suggérer, Madame, dans cet esprit, de renoncer à un certain jargon ? Dans votre présentation à la commission, vous avez parlé de "refonder un grand service public de la culture" ! -il n'existait donc pas ?-, "d'encourager l'acte de culture" -encore une catégorie kantienne ?-, enfin de "favoriser l'appropriation citoyenne de notre patrimoine" : on pourrait parler une langue plus pure !

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication - La pureté est dangereuse !

M. Hervé de Charette - Vous souhaitez, donc, un service public fort et efficace. Rien à dire à cela. Il n'était sans doute pas nécessaire de prétendre "restaurer la crédibilité de ce département ministériel" et "remotiver ses agents". De telles affirmations, inutiles et blessantes pour vos prédécesseurs, ne peuvent que ruiner votre propre crédit. Vous avez la légitime ambition de bien diriger votre administration, c'est déjà bien assez.

Je ne vous critiquerai pas sur la réorganisation de votre administration centrale, car je comprends les motifs qui vous ont guidée. L'expérience nous dira si vous avez bien fait. Je voudrais simplement m'associer aux préoccupations déjà exprimées par d'autres orateurs sur la situation des vacataires.

De même, j'approuve votre intention de déconcentrer une part de vos crédits, même si vous êtes restée évasive sur le contenu concret de cette déconcentration, et de les rééquilibrer au profit de la province, toujours tenue à la portion congrue. Votre engagement à faire des prochains contrats de plan Etat-régions un instrument de cette politique sera suivi de près. Pour l'instant, hélas, en dépit des annonces faites l'année dernière, rien n'a changé. Les grandes capitales régionales sont généralement sous-équipées, les villes petites et moyennes négligées, le monde rural totalement ignoré, alors qu'il aspire de plus en plus à bénéficier d'une véritable politique de la culture.

Nous ne pouvons que nous réjouir de voir votre budget augmenter à un rythme plus élevé que la moyenne.

Il n'en demeure pas moins que, depuis 15 ans, je n'ai pas entendu un seul ministre de la culture parler de décentralisation. Plus que jamais, pourtant, les villes, les départements et les régions s'investissent dans le domaine culturel et il est indispensable de remettre à plat le partage des responsabilités entre les différents échelons.

M. Michel Herbillon - Tout à fait !

M. Hervé de Charette - Mais, comme toujours, l'Etat ne veut renoncer à rien ; il prétend tout diriger et votre gouvernement, qui n'est pas le moins centralisateur qu'on ait connu depuis 25 ans, entend désormais dicter aux collectivités l'usage de leurs ressources, ce qui est un comble !

Votre second objectif, avez-vous dit, c'est de concilier le soutien à la création et le développement de la pratique culturelle.

C'est bien ainsi. Le monde de la création a besoin de sentir que l'Etat est présent autant qu'il le peut. Ce que vous ferez en faveur des musiques dites "actuelles" et des arts de la rue doit être approuvé, pourvu que cela ne soit pas aux dépens des formes plus classiques de l'expression artistique. Je souhaite que votre action en faveur de la création se fasse sur le terrain, en partenariat avec les collectivités locales, et que les grandes structures ne consomment pas une part excessive de vos crédits, mais soient encouragées à trouver d'autres financements.

Les lois sur le mécénat devraient être revues, pour être plus incitatives. Tout le monde y gagnerait.

Faut-il, une fois de plus, évoquer l'incroyable faiblesse de l'enseignement artistique français ? L'Etat n'y consacre que des crédits bien modestes. Dans ces conditions, il ne faut pas s'étonner du faible niveau de notre jeunesse à la connaissance des arts.

Je crains qu'il ne soit pas encore né, celui qui attachera son nom à l'éveil et à la formation artistique dans les écoles, les collèges et les lycées ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

Cette quasi-stagnation des crédits ne permettra pas, Madame, d'atteindre votre objectif de démocratisation de la culture.

J'en viens au patrimoine, domaine où la mission des collectivités publiques est fondamentale. C'est l'un des secteurs où devrait s'organiser un réel partage des responsabilités entre l'Etat et les régions, avec pour objectif non seulement de restaurer notre formidable patrimoine, mais aussi de lui faire jouer un rôle en harmonie avec la société d'aujourd'hui : c'est bien de restaurer un monument, encore faut-il lui donner une fonction utile dans le monde d'aujourd'hui.

M. le Rapporteur pour avis - ...et qui permette de l'entretenir !

M. Hervé de Charette - Nous avons noté la légère progression -2,7 %- des crédits en faveur du patrimoine et nous nous en réjouissons. Mais je m'étonne qu'elle profite surtout aux monuments historiques n'appartenant pas à l'Etat, d'autant que, l'année dernière, vous aviez agi différemment.

Je souhaiterais que vous nous indiquiez le montant des crédits qui seront consacrés à la restauration du Grand Palais et le programme de cette opération, ainsi que le montant total des crédits consacrés à la restauration du centre Georges Pompidou. Le sentiment général est en effet que la restauration de ces deux monuments parisiens se fera inévitablement aux dépens des crédits déconcentrés.

Avant de conclure, j'aimerais que vous nous confirmiez, Madame la ministre, que l'assujettissement des oeuvres d'art à l'ISF est bel et bien abandonné.

Je voudrais également évoquer le projet, dû au Président de la République, d'un musée des arts premiers. Nous le soutenons vivement. Le Président de la République a eu raison de souligner l'insuffisante mise en valeur d'un patrimoine, dont la valeur artistique, généralement méconnue, est souvent éblouissante ("Tout à fait !" sur les bancs du groupe socialiste). C'est aussi un acte de respect envers des civilisations que notre culture a tendance à sous-évaluer, voire à mépriser. Notre nation s'honorera en les honorant comme elles le méritent. J'ai d'ailleurs été témoin que cette décision du Président de la République valait à notre pays un surcroît d'estime dans le monde.

C'est pourquoi j'espère que le Gouvernement soutiendra avec énergie ce projet et je vous serais reconnaissant de bien vouloir nous préciser le coût et le calendrier de l'opération.

En dépit de certains éléments positifs et pour les raisons que j'ai évoquées, le groupe UDF ne votera pas ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Patrick Braouezec - Je ne sais, Monsieur de Charette, si Mme la ministre prend chaque jour un peu plus conscience de l'importance de la mission qui lui a été confiée, mais ce dont je peux témoigner, c'est qu'elle sait qu'elle a eu des prédécesseurs, qu'elle aura des successeurs, et que nul ne met en doute sa modestie.

Après un budget 1998 qualifié à juste titre de budget de reconstruction, nous voici cette année au coeur des priorités gouvernementales en matière de démocratisation culturelle. Le présent budget confirme le renversement de tendance, avec une augmentation de près de 3,5 % qui le porte à un peu plus de 15 milliards et demi, soit 0,85 % du budget total, à périmètre constant depuis 1994, le pourcentage affiché de 0,97 % incluant les crédits relatifs à l'architecture, auparavant rattachés au ministère de l'équipement.

L'an passé, Madame la ministre, vous aviez chiffré les coupes claires effectuées entre 1993 et 1997 à plus de trois milliards, soit 20 % du budget total. L'effort de rattrapage poursuivi cette année avec 525 millions de crédits supplémentaires ne permet pas encore une remise à niveau.

L'année dernière, l'essentiel de l'effort avait été absorbé par la restauration et la conservation du patrimoine monumental en raison de l'abandon, arbitrairement décidé par la droite en 1997, de l'étalement sur trois ans de la loi de programmation sur le patrimoine.

Les relatives marges de manoeuvre retrouvées cette année permettent de commencer à concrétiser les réformes, avec des crédits d'intervention qui augmentent de 3,6 %.

Vous dégagez ainsi deux priorités essentielles : le soutien à l'innovation artistique et la démocratisation des pratiques culturelles.

En matière d'accès à la culture, on peut se réjouir de la hausse de 110 millions des crédits en faveur de toutes les disciplines du spectacle vivant. Le groupe communiste partage votre volonté de sortir de l'opposition stérile et artificielle entre création et démocratisation grâce notamment à l'application de la charte du service public du spectacle vivant.

Enfin, la bonne exécution du budget 1998, après les annulations massives de crédits de paiement entre 1993 et 1997, est de nature à restaurer le crédit de l'Etat en tant que partenaire financier des collectivités locales. Rappelons que ce budget ne représente qu'un peu moins de 20 % de l'effort de la nation en faveur de la culture, contre près de 66 % pour les collectivités locales. Que pensez-vous, à ce propos, de notre proposition de créer une structure qui rassemblerait élus locaux, représentants de l'Etat, professionnels et personnalités qualifiées, sur le modèle du Centre national de la ville, qui a favorisé l'échange d'expériences entre villes et permis de mieux articuler les politiques de l'Etat et des collectivités locales ? Un tel outil pour accompagner la déconcentration, qui fait jusqu'ici cruellement défaut en matière culturelle, pourrait être un bon observatoire de la diversité des situations ainsi qu'un instrument d'évaluation des expériences innovantes visant à diversifier les publics et à faire jouer à la culture tout son rôle dans la politique de la ville. Le théâtre Gérard Philippe de Saint-Denis en est un bon exemple. On pourrait aussi prévenir de la sorte des situations dramatiques comme celle de l'Archipel, scène nationale de la Guadeloupe, aujourd'hui en danger de mort et dont le personnel attend les moyens qui lui permettrait d'assurer l'indispensable mission de service public culturel dans leur région.

J'en viens à la contradiction majeure de ce budget : il ne crée pas d'emploi puisque l'augmentation des crédits d'intervention et l'expansion des missions s'accompagneront d'un gel des emplois publics, d'autant moins acceptable qu'il relève en grande partie de l'affichage et d'une concession aux tenants du libéralisme. En effet, la difficulté n'est pas financière puisque des crédits nouveaux sont ouverts pour les vacations.

Votre ministère est un des plus frappés par la précarité de l'emploi. Le nombre de vacataires employés depuis plus de dix mois s'y élève à 1 200, sans compter ceux de l'architecture ni ceux des associations auprès des DRAC. Près d'un emploi sur cinq est précaire.

Les mesures annoncées, notamment la stabilisation de 379 agents au moyen de contrats sur le budget des établissements, apparaissent très insuffisantes.

Je vous invite donc ardemment à amender votre budget, dans un sens que les rigueurs du parlementarisme rationalisé par l'article 40 de la Constitution interdit aux députés mais permet aux ministres. Il est en effet souhaitable d'opérer un transfert de la ligne relative aux autres rémunérations principales, consacrée en grande partie aux vacations, vers la ligne des rémunérations principales afin de transformer des postes de vacataires en emplois de titulaires.

Il s'agit de donner dès cette année un signe fort de votre volonté de résorber l'emploi précaire. Au-delà, il vous incombe de renouer le débat social pour travailler en collaboration avec le ministère des finances à un plan pluriannuel en la matière, afin d'ouvrir cette perspective mobilisatrice aux personnels du ministère. Il en va de leur intérêt, mais aussi de la réalisation de votre action essentielle : restaurer le service public de la culture. Or il n'y aura pas de restauration du service public sans emplois publics stables. Les personnels, avec lesquels vous partagez de nombreux constats, sont vos alliés objectifs dans cette bataille. Toutes les propositions du groupe communiste tendent vers un seul but : vous aider à retrouver une marge de manoeuvre salutaire pour le public et pour la création.

Il vous appartient de rendre cette propriété populaire, grâce à l'avènement d'une culture de loisir et au passage aux 35 heures. Le soutien et la mobilisation des personnels, des créateurs et du public sont seuls de nature à sortir vos crédits de leur précarité. Plus vos dépenses apparaîtront légitimes, plus ils vous soutiendront dans les arbitrages financiers dont vos crédits, trop souvent considérés comme somptuaires et improductifs, sont traditionnellement les victimes.

Nous attendons donc un geste fort en direction des personnels. Je ne doute pas que vos réponses permettront au groupe communiste de voter ce budget sans états d'âme dans un esprit et de confiance et d'encouragement pour la tâche difficile qui reste à accomplir (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. François Baroin - M. de Charette a insisté à juste titre sur l'opacité de ce budget et sur le flou qui entoure la répartition des moyens. Même si les 500 millions que vous avez obtenus témoignent de votre engagement personnel en faveur du chiffre symbolique de 1 % du budget de l'Etat,...

M. Hervé de Charette - Maintenant, c'est 1,5 %.

M. François Baroin - ...votre budget demeure fort peu lisible. On n'est ainsi pas assuré que les principaux acteurs de la vie culturelle soient les véritables bénéficiaires de ces crédits.

Néanmoins quelques grandes orientations demeurent qui sont, en l'absence d'une vision stratégique et d'un souffle nouveau, fort discutables.

Ainsi, les moyens de fonctionnement sont en recul. Compte tenu de la nécessité impérieuse pour le ministère de s'équiper en informatique et de développer les nouvelles technologies de l'information et de la communication, comment ne pas dénoncer la diminution de près de 9 % du chapitre 34-95, qui traduit un manque de modernité, de capacité d'impulsion et de compréhension des enjeux de l'avenir ?

M. de Charette a évoqué la réorganisation des grandes directions de votre ministère. Ne craignez-vous pas ainsi de créer un nouveau pouvoir sans contre-pouvoir ? Il vous appartiendra de faire le bilan. Pour les moyens déconcentrés, on entre dans la logique de décentralisation que nous appelons de nos voeux, car il en va du dynamisme de la politique culturelle. Or force est de constater que les DRAC ne disposeront pas des moyens nécessaires pour faire face à leurs nouvelles responsabilités. Au bout du compte, ce sont une fois encore les impôts locaux qui augmenteront. Certains de vos amis politiques ont d'ailleurs contesté aussi vos choix à cet égard.

Pour le patrimoine, vous ne pouvez vous contenter de mettre sur le compte d'un gel de crédits antérieur l'absence d'une politique de développement et la faiblesse du budget d'acquisition destiné à conserver à la France ses trésors nationaux.

Il faut aussi favoriser le rayonnement de nos artistes, par un soutien aux expositions et aux musées. Comment ne pas juger déplacée la proposition de la majorité de diminuer les crédits destinés à l'édification du musée des arts premiers, voulue par le Président de la République et qu'illustre son attachement à toutes les formes de culture et à un dialogue très profond avec le tiers monde ? J'espère que vous balaierez d'un revers de la main cette proposition et que vous nous indiquerez quels crédits seront alloués à cette opération et quel sera son calendrier.

Je ne conteste pas le bien-fondé de la réforme de l'architecture. Je regrette simplement l'absence de concertation, qui traduit un manque de respect envers les collectivités locales qui ont consenti de gros efforts. Les décisions d'un CIAT doivent faire l'objet de négociations.

Navigant entre opacité et effets de mode, votre budget saupoudre des aides et renonce à une vision globale de notre patrimoine.

On a moins envie de le critiquer par ce qui s'y trouve que pour ce qui ne s'y trouve pas. C'est pourquoi le groupe RPR, qui veut faire de l'action culturelle un outil de renforcement de la cohésion sociale et de rayonnement de notre pays, ne votera pas votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Pierre Carassus - Le budget de la culture pour 1999 progresse de 3,5 % par rapport à 1998 et prévoit 525 millions de mesures nouvelles destinées à dynamiser notre politique culturelle, ce qui répondra aux attentes des professionnels comme de nos concitoyens. La culture est vraiment devenue l'une des priorités du Gouvernement même si l'on est encore loin de l'objectif de 1 % du budget de la nation ! Les députés du Mouvement des citoyens estiment que cet engagement pris par Lionel Jospin lors de sa déclaration de politique générale doit être impérativement respecté avant la fin de la législature. Ils se réjouiraient d'ailleurs si le voeu exprimé par le rapporteur d'atteindre 1,5 % était exaucé.

Deux orientations de ce budget ont retenu tout particulièrement notre attention : le soutien à la création et la volonté d'accélérer la démocratisation des pratiques culturelles. La culture reste encore, hélas, trop souvent perçue comme un luxe par la fraction de la population la plus défavorisée. C'est pourquoi le Gouvernement devrait favoriser de nouveaux partenariats éducation-culture qui permettraient une politique tarifaire plus attractive, l'accès à la culture devant bien sûr être encouragé dès le plus jeune âge.

Nous apprécions l'élaboration d'une charte du service public de la culture. Nous sommes en effet convaincus comme vous, Madame la ministre, que sans intervention de la puissance publique, la démocratisation de la culture demeurerait un voeu pieux. La politique culturelle ne peut pas dépendre de la seule loi du marché. La France doit défendre, sur la scène européenne et internationale, sa conception pluraliste de la culture contre le nivellement par l'argent. Nous nous félicitons que le Premier ministre ait annoncé ici même que la France refusait de ratifier le projet d'accord multilatéral sur l'investissement. La vive et légitime réaction des artistes comme des intellectuels a largement contribué à cette victoire de la démocratie sur le marché, qui nous permettra de préserver notre identité culturelle. Ne baissons pourtant pas la garde ! En effet, le marché continue d'imposer sa loi dans l'industrie du disque où les grandes compagnies monopolisent la diffusion. De même, les stations de radio et les chaînes musicales se contentent de diffuser à longueur de journée quelques chansons-phare qu'on a choisi de rentabiliser aux maximum, dût-on pour cela étouffer le reste de la création. Combien d'auteurs-compositeurs-interprètes de talent se morfondent dans des salles inconnues du grand public ? Malheureusement, le Gouvernement ne semble pas se donner tous les moyens de changer la situation. Il faudrait pourtant donner à la chanson française toutes ses chances. Un bilan objectif de la politique des quotas serait utile à cet égard. Certes, la part des chansons françaises est passée de 39 % à 50 % sur nos radios, mais l'évolution a surtout profité à quelques chanteurs confirmés. Il conviendrait donc de réserver une place à l'expression de talents nouveaux. Sans cela, le soutien apporté au spectacle vivant n'aura que peu d'efficacité pour la chanson.

Tous les secteurs d'intervention de votre ministère, Madame la ministre, voient leur dotation progresser, notamment pour les musées et le patrimoine. C'est pourquoi, en dépit de quelques insuffisances, les députés du Mouvement des citoyens voteront votre budget qui permettra de poursuivre la rénovation de la politique culturelle et de poursuivre sa démocratisation (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Guy Hascoët - J'interviens à la place de mon collègue Aschieri, retenu dans sa circonscription pour des obsèques.

La philosophie générale du budget de la culture pour 1999 donne satisfaction aux députés Verts au nom desquels je m'exprime. Il progresse de 3,5 %. Nous sommes cela étant loin de l'objectif, ô combien symbolique, du 1 % culturel. Le cap est néanmoins tenu. Accrochez-vous, Madame la ministre. Les priorités affichées sont également encourageantes. La démocratisation de la culture doit cesser d'être seulement un slogan. Oui, la culture doit infuser au plus profond de la vie de nos concitoyens, sur l'ensemble du territoire et dans toutes les catégories sociales. La culture est encore trop souvent considérée comme "un supplément d'âme", quand il ne s'agit pas d'un gadget communicationnel. Combien de nos concitoyens reportent leur désir de création à l'âge de la retraite ! Nous espérons, Madame la ministre, que vous vous attacherez à mettre en oeuvre vos bonnes résolutions.

Les députés verts tiennent cependant à rappeler certaines réalités. Tout d'abord, la disproportion entre le coût faramineux des équipements culturels parisiens et les crédits dévolus aux actions en région. Disque rayé, me direz-vous, mais je me fais l'écho de l'amertume de bien des acteurs culturels : un centième de ce qu'engloutissement ces équipements suffirait à faire le bonheur des écoles de musique et de danse, des ateliers de peinture ou d'écriture, des compagnies théâtrales de nos régions dont elles assurent la vitalité culturelle.

Résistez, Madame la ministre, comme vous savez le faire, aux sirènes de la résignation. La culture se confond avec la liberté de création : il nous faut réagir lorsque la loi du marché risque d'étouffer la création et qu'un soupçon de contrôle moral se fait jour. Vous nous aviez entendus lors du vote de la loi sur la licence d'entrepreneur de spectacle. N'oubliez pas ceux qui font de la France une terre de culture et l'y enracinent : associations, compagnies indépendantes, intermittents... N'oublions jamais qu'artistes et créateurs façonnent aujourd'hui le patrimoine de demain.

La culture, c'est aussi la revendication d'une certaine forme de civilisation. Vous vous êtes battue, Madame la ministre, contre l'AMI : c'était, en effet, un combat de civilisation, pour un monde dont l'homme soit le référent unique. Il est inacceptable que ce combat ne soit plus relayé par la façon dont sont utilisés nos équipements culturels. On pourrait pourtant attendre du ministère de la culture qu'il mette en pratique les valeurs humanistes qu'il incarne. Apprendre à penser autrement n'a de sens que pour apprendre à vivre autrement. Or votre ministère a trop souvent les pieds nus : aucune création d'emplois, pas de résorption des emplois précaires. Voilà qui ne peut durer ! Les syndicats estiment à 1 500 le nombre de personnes en situation précaire dans les établissements culturels, soit un emploi sur cinq.

Rien n'est fait alors même que votre budget progresse. Qu'en sera-t-il en période de vaches maigres ?

M. le Rapporteur pour avis - Il n'y aura plus de vaches maigres ! (Sourires)

M. Guy Hascoët - Il est temps de remettre les choses en ordre...

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Guy Hascoët - Si l'Etat n'a pas les moyens de ses ambitions, il doit en tirer les conséquences. Le coût très important du musée des civilisations et des arts premiers suscite nos réserves. Améliorons la gestion de l'existant avant de nous lancer dans de hasardeuses entreprises !

Les hommes et les femmes qui font connaître la culture au grand public comptent sur vous, Madame la ministre, pour redonner à nos ambitions les moyens qu'elles méritent.

Les députés verts voteront votre budget qui, dans l'ensemble, leur convient (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme la Ministre - Pour la seconde fois, je vous présente un projet de budget qui connaît une augmentation significative. Je remercie les députés qui l'ont souligné.

Je vous présente mes regrets pour le caractère parfois tardif des informations que vous avez reçues de mon ministère. Le changement de nomenclature a aussi été source de difficultés, et je vous prie de nous en excuser. Nous avons voulu reconstruire ce budget mais cela a pu, dans un premier temps, en rendre la lecture plus difficile.

Depuis 1981, l'objectif des gouvernements successifs a toujours été de porter le budget du ministère de la culture à 1 % de l'ensemble du budget de l'Etat. Je suis d'accord avec ceux qui pensent qu'il faut faire encore mieux. Cela étant, mieux vaut encore respecter un objectif plus modeste qu'en afficher de plus ambitieux que l'on ne tiendrait pas.

Je rappelle qu'en 1993, l'objectif du 1 % avait été atteint. C'est dans les années suivantes qu'on s'en est éloigné.

On peut toujours afficher une ambition et adopter des budgets qui lui sont contraires. Telle n'est pas ma volonté. C'est pourquoi j'ai joué la transparence et me suis refusée à cacher les difficultés. L'effort des collectivités territoriales est suffisamment important pour que je ne cherche pas à vous tromper. Je n'ai procédé à aucune manipulation comptable ni à aucune extension du périmètre.

Ce budget progresse et il continuera de progresser. Monsieur Herbillon, je me ferai un plaisir de vous adresser le "jaune" récapitulant les efforts de l'Etat, avec une notice pour vous en faciliter la lecture.

Après avoir augmenté de plus de 550 millions l'année dernière, mon budget va encore s'accroître de 525 millions. Il représentera 0,967 % des charges nettes de l'Etat et augmentera de 3,5 %, alors que la moyenne d'évolution des dépenses est de 2,2 %. Ce différentiel montre que la culture constitue bien une priorité pour ce gouvernement.

Notre politique culturelle doit rester ambitieuse et l'Etat doit continuer de consentir un effort significatif. Vous êtes nombreux à partager cette conviction, qu'il faut constamment réaffirmer. Trop répandue est encore cette conception selon laquelle la culture serait un luxe. Nous pensons au contraire qu'elle est au coeur de la citoyenneté.

M. Michel Herbillon - Nous aussi !

Mme la Ministre - Connaître et comprendre, c'est d'autant plus nécessaire que le monde évolue rapidement.

La mondialisation des échanges, les nouvelles technologies de communication, la primauté de l'audiovisuel et les potentialités qu'offre la construction européenne transforment l'environnement de la production artistique et les conditions d'accès à la culture. Certains pensent pouvoir se passer de l'Etat et laisser agir le marché. Je crois au contraire que l'Etat doit accompagner ces changements fondamentaux et surtout préserver ce qui, dans l'art, pourrait être laminé par ces mouvements.

Je viens d'entendre un appel au mécénat. Mais peut-on demander en même temps un budget public plus important et une intervention accrue des acteurs privés ?

M. le Rapporteur pour avis - Additionner les deux, ce serait très bien.

Mme la Ministre - C'est lorsqu'on a réduit les crédits du patrimoine qu'on a créé la fondation du patrimoine, qui devait être financée par des partenaires privés. Elle semble avoir du mal à démarrer.

M. le Rapporteur pour avis - C'est dommage.

Mme la Ministre - Je réaffirme pour ma part la nécessité de l'action publique pour défendre nos valeurs d'universalité et de pluralisme. Il ne s'agit pas de défendre frileusement notre modèle : ce qui est en cause, c'est un choix d'organisation des rapports économiques et sociaux, comme l'a montré la récente décision de M. le Premier ministre sur l'AMI.

Parce que la culture a vocation à investir toujours davantage le champ social et parce qu'elle est au coeur du pacte républicain, je poursuis trois objectifs fondamentaux : refonder un grand service public de la culture, soutenir et encourager davantage l'acte de culture et favoriser l'appropriation citoyenne de notre patrimoine.

La politique culturelle doit s'appuyer sur un service public fort et efficace. Je ne crois pas à l'action de l'Etat sans une administration. Dès 1997, j'ai donc voulu disposer d'une administration modernisée, en état de marche, et remotiver ses agents, pour restaurer la crédibilité de ce département ministériel auprès de ses partenaires.

Outre la reconstitution des moyens de fonctionnement, gravement amputés pendant quatre ans, j'ai voulu des réformes de structure. La réunion de toutes les disciplines du spectacle vivant dans une même direction, comme la création de celle du patrimoine et de l'architecture, ont été guidées par un seul et même souci : bâtir un ensemble performant, en faisant fi des cloisonnements artificiels qui servaient peut-être des clientèles particulières, mais ne répondaient plus à nos exigences. De même, j'ai souhaité créer une délégation au développement et à l'action territoriale qui garantisse la cohérence des actions sectorielles en faveur de la démocratisation et de l'aménagement du territoire. Cette réorganisation est aujourd'hui achevée, à moyens constants.

Beaucoup d'entre vous ont souligné la nécessité de réduire le nombre de vacataires. Nous souffrons en effet d'une pénurie d'emplois permanents.

Le Gouvernement s'est fixé pour objectif de stabiliser l'emploi public. Pour certains ministères, cela s'est traduit par une augmentation des effectifs ; pour d'autres, plus nombreux, par une diminution. Les nôtres sont restés stables.

Certes, il y a de nombreux vacataires dans les postes d'accueil et il existe des besoins importants dans la filière administrative. Mais je souhaite modérer l'appréciation portée à cette tribune, dans la mesure où l'intégration des vacataires se poursuit, dans le cadre de la loi Perben.

S'agissant des DRAC, la nouvelle répartition des rôles entre l'administration centrale et celles-ci va se traduire par des redéploiements de personnel, de façon que nos directions régionales soient en mesure de négocier les contrats de plan.

Le mouvement de déconcentration a été amplifié, qu'il s'agisse des crédits ou des décisions individuelles. Un Etat plus présent, c'est un Etat plus conscient de ses responsabilités.

La déconcentration suscite des craintes dans les milieux culturels. Mais il n'y a qu'un seul Etat, qui doit se rapprocher des citoyens et des collectivités locales.

On a beaucoup invoqué l'exemple de Châteauvallon pour combattre la décentralisation de l'action culturelle. Pourtant, nous y avons réussi parce que nous avons négocié avec le préfet et l'ensemble des collectivités locales républicaines.

Je le réaffirme : je vais renforcer les moyens en personnel des DRAC.

La déconcentration sera utile, en outre, pour rééquilibrer les financements entre Paris et les régions. La part de ces dernières va d'ailleurs passer de 46 % en 1998 à 48 % en 1999. L'engagement pris sera donc tenu.

Sans une programmation maîtrisée des dépenses, les grands équipements parisiens risqueraient d'absorber une part excessive de nos capacités de financement. Les contrats de plan Etat-régions seront un des instruments utilisés pour ce rééquilibrage.

Les crédits destinés à soutenir les opérations d'équipement culturel des collectivités territoriales vont augmenter de 105 millions.

C'est pour rendre l'intervention de l'Etat plus compréhensible que sera proposée aux structures subventionnées en charge du spectacle vivant de signer la charte des missions de service public.

Ce budget marquera aussi, concrètement, ma volonté de concilier le soutien à la création avec la démocratisation des pratiques culturelles.

Le temps de la création et celui de la diffusion sont deux temps différents. Mon ministère doit pourtant les prendre l'un et l'autre en compte. Il doit favoriser la création, en particulier celle qui rompt avec les conventions, pour qu'elle trouve son public. Il serait stérile d'opposer création et démocratisation. Les créations de qualité doivent être vues et entendues par le plus grand nombre.

Le service public de la culture, aujourd'hui constitué d'un vaste ensemble de structures, doit à la fois garantir la liberté de création et favoriser la diffusion du patrimoine vivant. La création n'ayant pas vocation à répondre mécaniquement à la demande sociale, les collectivités publiques ne doivent pas relâcher leur soutien. L'égalité d'accès aux biens culturels et aux pratiques artistiques, principe de valeur constitutionnelle, doit être assurée par tous les moyens de diffusion dont nous disposons : institutions culturelles, médias audiovisuels, structures d'enseignement.

Au sein du spectacle vivant qui constitue l'une de mes priorités pour 1999, je souhaite privilégier des disciplines ou des équipes qui ont été particulièrement touchées pendant les années de régression budgétaire : les compagnies d'art dramatique et de danse, ainsi que les équipes qui ont renouvelé les arts de la rue ; l'écriture musicale ou dramatique, sans laquelle il est vain de parler d'effort en direction de la création contemporaine ; les musiques actuelles, qui ont toujours été l'objet de discours généreux peu suivis jusqu'à présent d'actes concrets.

J'ai rendu publiques les mesures que je retiens du rapport, qui m'a été remis par la Commission nationale des musiques actuelles que j'avais installée ; dès 1999, 35 millions seront consacrés au soutien à la création et à la diffusion. Ce secteur, qui associe l'innovation parfois la plus avant-gardiste et l'adhésion la plus large des publics, intéresse des générations entières et constitue un fantastique espace de création, de renouvellement des pratiques, d'interpénétration des disciplines. J'y intègre d'ailleurs les musiques traditionnelles, aujourd'hui particulièrement vivantes.

M. Hervé de Charette - En effet !

Mme la Ministre - En ce qui concerne les arts de la rue, mes priorités sont l'accompagnement de la professionnalisation des troupes, l'aide à la diffusion des spectacles et le conventionnement des compagnies les plus structurées. Au total, les mesures nouvelles en faveur du spectacle vivant s'élèvent à 110 millions. Mais au sein des structures permanentes seront privilégiées celles qui, conformément à la charte de service public, assument pleinement leurs responsabilités en matière de soutien à la création, de renouvellement des publics et d'ouverture aux pratiques amateurs.

M. Douyère a évoqué la situation des intermittents du spectacle. L'Etat s'est engagé à mieux encadrer leur régime d'indemnisation, et des mesures sont mises en oeuvre en étroite liaison avec le ministère de l'emploi et de la solidarité. Pour lutter contre le travail illégal, une convention nationale a été signée le 21 mai 1997 ; une disposition législative autorisant la constitution d'un guichet unique en matière sociale a été adoptée dans la DDOEF du 2 juillet 1998. Par ailleurs, le projet de loi portant réforme de l'ordonnance du 13 octobre 1945 sur les spectacles a été voté en deuxième lecture par l'Assemblée nationale le 17 juin dernier ; il devrait être adopté définitivement avant la fin de l'année. Enfin, les partenaires sociaux, réunis sous la présidence de M. Maurice Michel, inspecteur général des affaires sociales, ont conclu un accord collectif précisant les conditions de recours au contrat à durée déterminée. Le Gouvernement va rendre compte de ces mesures aux organisations professionnelles et syndicales représentatives sur le plan national, seules habilitées à négocier le régime conventionnel d'indemnisation du chômage.

Soutien à la création et démocratisation des pratiques sont à la base de toutes mes interventions financières. Dans le domaine des arts plastiques, je reconduis le niveau des crédits destinés aux commandes publiques, et j'augmente substantiellement les bourses des étudiants en écoles d'art. Les crédits de la délégation aux arts plastiques progressent de près de 15 %.

Les moyens consacrés aux enseignements et à l'éducation artistiques, qui atteignent près d'un milliard et demi, visent aussi à la fois la formation de nouveaux créateurs et la diffusion des savoirs.

Deux circulaires ont été signées à ce sujet : l'une avec Mme Royal sur l'aménagement du temps et des activités de l'enfant, l'autre avec M. Allègre sur les axes de développement conjoints des deux ministères : mise en place d'un contrat éducatif local, création d'espaces pour l'art et la culture dans les établissements, développement de la pratique collective... D'autres projets concernent l'éducation à l'image, la musique à l'école élémentaire, l'extension du réseau des bibliothèques-médiathèques, la sensibilisation à l'architecture, l'élargissement de la formation culturelle aux IUFM. Les actions nouvelles du ministère représentent 10 millions.

Pour l'ensemble des enseignements artistiques, les crédits progressent de 39 millions, soit de plus de 2,7 %.

M. Michel Herbillon - C'est très insuffisant.

Mme la Ministre - Depuis plus de dix ans, nous entendons de grandes déclarations sur les enseignements et l'éducation artistiques ; mais c'est la première fois que les moyens augmentent significativement !

Il est un autre secteur que j'entends privilégier : les nouvelles technologies et plus particulièrement le multimédia. Je veux amplifier en 1999 le programme de soutien à la création et au développement d'espaces. Le Centre national de la cinématographie renforcera son action dans ce domaine.

Je souhaite orienter l'action du ministère dans trois directions. D'abord, l'aide aux éditions de contenus ; nous ferons évoluer en 1999 le fonds d'avances au multimédia, dont les avances sont déjà passées de 14 millions en 1997 à plus de 20 millions en 1998. Ensuite, l'offre publique numérique pour les réseaux : des programmes de numérisation sont conduits dans la plupart des secteurs et je souhaite aller vers la constitution d'un grand catalogue du numérique culturel. Enfin, les usagers : nous devons tout faire pour éviter l'exclusion culturelle ; à cet égard, je suis heureuse de constater que le plan emplois-jeunes permet de mobiliser des jeunes dans les bibliothèques-médiathèques, y compris en zone rurale, pour former les adultes et les plus jeunes à l'usage des nouvelles technologies.

La France a pris un certain retard dans ce domaine, et dans le même temps l'industrie américaine vient massivement recruter dans nos écoles d'art. Je souhaite donc engager résolument mon département ministériel dans la bataille ; il faut en effet éviter de produire une nouvelle césure entre ceux qui disposent des outils conceptuels et ceux qui consomment les produits. Pour répondre à cette priorité qui est l'éducation à l'image et aux nouvelles technologies, j'ai demandé aux DRAC de mener des actions partenariales avec l'éducation nationale, les structures d'éducation populaire et les institutions audiovisuelles.

Par ailleurs, je souhaite que toutes les institutions culturelles soutenues par l'Etat simplifient leur système de tarification, adoptant le principe d'un tarif périodique le plus bas possible, voire d'un accès gratuit ; la gratuité un dimanche par mois, en vigueur au Louvre, doit être progressivement étendue à l'ensemble des musées nationaux.

Troisième axe majeur de mon action : donner à la politique patrimoniale une dimension nouvelle en favorisant l'appropriation citoyenne de notre héritage culturel.

En 1998, j'avais augmenté les crédits du patrimoine de 39 %. Cette évolution est consolidée en 1999, avec une augmentation de 2,7 %.

M. le Rapporteur pour avis - Il y avait eu des annulations fin 1997.

Mme la Ministre - Une politique patrimoniale ambitieuse n'est pas forcément une marque de conservatisme ; il est indispensable que nos concitoyens, parfois désorientés par la rapidité du changement, puissent retrouver certains repères grâce à la préservation de leur patrimoine.

M. Michel Herbillon - Très juste !

Mme la Ministre - L'effort portera particulièrement sur le patrimoine du XXème siècle, encore trop négligé. La politique d'inventaire et de protection du patrimoine industriel sera renforcée : j'entends mettre en valeur cette dimension fondamentale de l'histoire sociale de notre pays. L'Etat doit apporter son assistance, mais c'est aux collectivités de conserver certains lieux emblématiques -je pense notamment aux sites miniers et sidérurgiques.

La réduction des dotations ouvertes sur le chapitre 66-20 n'est pas la traduction d'un quelconque désengagement de l'Etat en matière de restauration du patrimoine : il y a changement de chapitre pour les dépenses correspondant à des opérations dont la maîtrise d'ouvrage est déléguée par l'Etat à l'établissement public par la voie d'une convention. En 1998, les dotations correspondant aux opérations cité de l'architecture et du patrimoine et Grand Palais ont été ouvertes au chapitre 66-20 ; ce rattachement nous est apparu inapproprié au regard de la loi sur le maîtrise d'ouvrage publique. Les crédits sont donc inscrits pour 1999 au chapitre 56-20. Compte tenu de ce changement, les crédits ouverts au chapitre 66-20 augmentent de 17,4 millions, soit de 4,7 %. En ce qui concerne le Grand Palais, les autorisations de programme s'élevaient à 150 millions en 1998 et atteignent 217 millions pour 1999 ; il faut y ajouter 33 millions avant 1998 : on atteint donc 400 millions. En ce qui concerne Beaubourg, on arrive à 482 millions.

Les crédits ouverts par les lois de finances 1997, 1998 et 1999 permettront au centre d'ouvrir ses portes à la fin de décembre 1999 comme cela avait été annoncé.

Je conteste la prétendue explosion des coûts de fonctionnement des établissements parisiens issus des grands travaux. Ainsi la Bibliothèque nationale de France comme le Louvre fonctionneront en 1999 avec des moyens constants. N'est-il pas nécessaire de donner à ces établissements la capacité de fonctionner ?

Quant au projet de musée des arts premiers, je ne souhaite nullement le remettre en question et je ne vois d'ailleurs aucun amendement en ce sens.

M. Michel Herbillon - Une intention claire s'est exprimée en commission (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Mme la Ministre - Ce projet avait certes été lancé par l'ancienne majorité sans que lui soient affectés des moyens,...

Plusieurs députés socialistes - L'avenir paiera !

Mme la Ministre - ..mais je le soutiens, d'autant que c'est un projet issu du Front populaire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). En outre, la connaissance des arts et des civilisations des peuples qui ont été colonisés permettra de leur redonner, comme cela est nécessaire, leur fierté. J'entends donc faire de ce musée, en collaboration avec l'éducation nationale, un lieu d'exposition mais aussi de recherche et de connaissance.

M. Michel Herbillon - C'est également le souhait du Président de la République.

Mme la Ministre - Dans un même esprit, je souhaite rénover les Archives nationales afin de les ouvrir davantage aux chercheurs et au grand public.

Les archives sont en effet avec l'archéologie au coeur de notre politique de préservation du patrimoine et ce sont pourtant les secteurs les plus en difficulté dans mon ministère. Je compte sur la représentation nationale pour obtenir dans l'avenir les moyens qui leur sont nécessaires.

Je vous présenterai un plan ambitieux de restructuration des Archives nationales. Un projet de loi relatif à la protection des objets et des éléments mobiliers présentant un intérêt artistique et historique est en préparation de même qu'un projet de loi sur le service public de l'archéologie incluant un statut de l'archéologie préventive.

Je vous remercie, Monsieur le rapporteur spécial, d'avoir souligné mon attachement au respect de la parole de l'Etat envers les collectivités locales, d'une part, grâce à l'inscription au budget 1999 de 120 millions pour acquitter les dettes de l'Etat au titre du financement des équipements culturels de province et vis-à-vis des milieux culturels, d'autre part, par le rétablissement des crédits d'intervention du titre IV. J'entends en outre respecter les engagements jusqu'alors sans cesse repoussés, comme la Maison du cinéma que je réaliserai à partir de 1999.

La culture représente 400 000 emplois et la demande exprimée autour des emplois-jeunes a mis en évidence un potentiel de développement.

La culture constitue aussi un enjeu majeur au sein des négociations internationales. Je me bats pour le prix unique du livre, pour un prix satisfaisant du disque. Une mission conjointe de l'inspection des finances et de l'inspection générale du ministère de la culture travaille là-dessus.

La multiplication des supports de diffusion, notamment audiovisuels, entraîne de nouveaux défis que mes responsabilités conjointes de ministre de la communication et de la culture doivent m'aider à relever. Ainsi, le projet de loi sur l'audiovisuel public, qui réaffirmera l'identité du service public de la télévision, confortera celle-ci comme instrument essentiel de création et de diffusion culturelles.

QUESTIONS

M. Bruno Bourg-Broc - Grâce à votre exposé, j'ai appris que l'idée du musée des arts premiers venait du Front populaire. Je croyais qu'elle venait du Président de la République... (Approbations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

Ma question porte sur l'éducation artistique. Un effort réel avait été fait pour appliquer la loi de 1988, véritable charte de l'éducation artistique. L'année dernière, les dépenses ordinaires consacrées à sa promotion avaient augmenté de 6,9 % et les autorisations de programme de 40,3 %. Cette année, les dépenses ordinaires ne progressent plus que de 2,5 % et les AP de 6,7 %.

Le retard ne peut être déjà rattrapé. Votre budget ne me semble donc pas à la hauteur des ambitions que vous réaffirmez. Les crédits d'intervention du titre IV en particulier, qui financent de nombreuses actions d'éducation artistique en milieu scolaire et des bourses d'étude, progressent trop peu.

En outre, vous ne semblez plus vous préoccuper de l'aménagement des rythmes scolaires qui favoriserait pourtant la sensibilisation des jeunes à l'art et l'égalité des chances.

Mme la Ministre - On avait évoqué le risque que le financement des opérations liées à l'avènement de l'an 2000 n'entame les autres crédits de mon ministère, vous constatez qu'il n'en est rien. Du reste, un effort a été fait pour ramener le coût de ce programme à des dimensions plus raisonnables que les diverses propositions lancées : on est ainsi passé d'un milliard à 400 millions, ce qui représente déjà un effort considérable de l'Etat.

En ce qui concerne l'éducation artistique, la progression des crédits est de 2,7 %.

La réalisation du musée des arts et civilisations résulte d'une action conjointe du Président de la République et du Premier ministre. La proposition initiale est venue du Président de la République, mais ce gouvernement a repris et intégré totalement dans ses projets cette idée déjà ancienne. Il y a bien là une volonté conjointe, ce qui devrait mettre fin à toute polémique.

M. Jean-Luc Warsmann - La protection du patrimoine est l'une des missions les plus importantes de votre ministère. Or nous attendons toujours les décrets d'application de la loi votée le 20 février 1997, qui étendait les possibilités de recours auprès de commissions régionales, contre les décisions des architectes des bâtiments de France.

Quand je vous ai interrogée l'an dernier à ce sujet, vous aviez promis que le décret paraîtrait début 1998, puis vous l'avez annoncé pour l'été. Or ce texte n'est toujours pas paru ! Quand les commissions régionales de recours pourront-elles enfin se mettre en place ?

Dans maints départements, les services du patrimoine se heurtent à beaucoup de difficultés. C'est le cas du mien, complètement sinistré à cet égard : pour certains dossiers, il faut attendre 5 ans un avis qui sera défavorable et, dans de nombreux cas, les décisions des architectes ne sont pas comprises.

Comment entendez-vous remédier à cette situation ?

Mme la Ministre - Le décret d'application de la loi du 20 février 1997 vient de sortir du Conseil d'Etat et est actuellement soumis au contreseing des ministères concernés. Il devrait entrer en vigueur le 1er mai 1999. Il est vrai que son élaboration a été longue, mais c'est dû au fait qu'aucun travail préparatoire n'avait été effectué...

M. Jean-Luc Warsmann - Dix-huit mois ! C'est une mauvaise polémique !

Mme la Ministre - En outre, des ambiguïtés dans la formulation de la loi nous ont obligé à procéder à des expertises supplémentaires pour éviter des problèmes ultérieurs dans l'application du texte.

En ce qui concerne les services départementaux d'architecture et du patrimoine, ils disposaient à notre arrivée de moyens très faibles. J'ai prévu une progression de leurs crédits sur plusieurs années, dont 5,2 % dès 1999, afin d'améliorer leurs moyens en personnel et en locaux.

M. Patrick Delnatte - Lors des dernières journées du patrimoine, l'hôtel qui abrite la DRAC à Lille et qui est un des fleurons de la ville, a dû rester fermé en raison d'une action de protestation du personnel. Comment une DRAC qui est au quatrième rang en France pour le volume des tâches peut-elle les effectuer alors que son effectif est au quinzième rang ? 66 fonctionnaires doivent faire le travail qui incomberait normalement à 119 !

La culture est un élément essentiel pour réhausser l'image de cette région confrontée à de graves difficultés économiques. La désignation de Lille comme capitale européenne de la culture en 2004, représente un défi supplémentaire à cet égard.

Comptez-vous répondre aux attentes de notre région en dotant cette DRAC des moyens indispensables ?

Mme la Ministre - La DRAC du Nord-Pas-de-Calais se situe effectivement au quatrième rang en France pour le niveau des crédits gérés et au treizième pour les effectifs de personnel. Pour 66 agents, 11 postes sont vacants et 18 à temps partiel. La création de quatre postes de catégorie A serait nécessaire.

J'ai accéléré le processus d'annonce des vacances. Quelques postes budgétaires seront transférés en 1999 et des concours déconcentrés organisés pour pourvoir les postes de catégorie B.

M. Franck Dhersin - La démocratisation de la culture figure parmi les objectifs de votre budget. Les enseignements artistiques contribuent à l'épanouissement des aptitudes et au développement de la création. Ils font partie intégrante de la formation scolaire et secondaire et donnent lieu en outre à un enseignement spécialisé et à un enseignement supérieur. Mais les crédits prévus dans votre budget ne correspondent pas aux ambitions affichées : 1,33 milliard en dépenses ordinaires et 146,8 millions de francs en AP. L'effort est moindre qu'en 1988 : estimez-vous que le rattrapage nécessaire a été réalisé ?

Quant aux crédits d'intervention, qui financent notamment les actions menées en partenariat avec l'Education nationale, ils diminuent de 3,8 % et c'est bien le point noir de ce budget.

Je regrette également l'absence d'état récapitulatif des crédits affectés au développement des enseignements artistiques. Comment se répartissent les crédits entre les deux ministères ? Que comptez-vous faire pour améliorer réellement la qualité de l'enseignement artistique ?

Mme la Ministre - Plusieurs députés ont critiqué la faiblesse de la progression des crédits affectés à l'enseignement artistique. Mais l'inscription de 35 millions de francs de mesures nouvelles pour les musiques actuelles et l'augmentation de 39 millions de francs des crédits d'enseignement artistique, ce n'est pas un mince effort !

Les crédits d'intervention, qui servent à soutenir des actions d'initiation à la musique, à la danse, au cinéma et à l'écriture, représentent une contribution supplémentaire de 10 millions de francs. Il y a donc bien progression des moyens.

En outre, avec mes collègues, Mme Royal, M. Allègre et Mme Buffet, nous avons décidé de mobiliser les partenaires traditionnels de nos écoles, les musées et autres institutions culturelles, dont le financement apparaît à d'autres chapitres. La charte des missions de service public exige en effet qu'ils mènent un certain nombre d'actions en direction des jeunes, et notamment des élèves des écoles.

M. Jean-Paul Bret - Ma question a trait à la politique culturelle dans les régions où l'exécutif est associé au Front national, notamment en Rhône-Alpes où ce parti a pu sanctionner tel ou tel. Ainsi en a-t-il été du défilé de la biennale de la danse, sans doute jugé trop cosmopolite et trop tourné vers le Sud par les amis de M. Le Pen, et d'une compagnie de théâtre lyonnaise, coupable d'avoir manifesté trop ostensiblement contre le Front national et ses complices.

On connaît votre engagement personnel et la vindicte de l'extrême-droite à votre encontre. On sait aussi que vous considérez qu'une compensation financière automatique reviendrait à dédouaner les responsables et leurs complices.

Cependant, une solidarité s'impose comme celle que vous menez de manifester en attribuant à Rhône-Alpes cinéma une subvention exceptionnelle qui lui a évité le dépôt de bilan. D'autres formes de solidarité sont sans doute possibles, grâce à l'engagement des milieux culturels et des DRAC. Vers quelles solidarités et quels soutiens entendez-vous vous engager ?

Mme la Ministre - C'est une question grave, qui pèse sur la vie quotidienne des institutions culturelles et sur la vie démocratique. J'accorde la plus grande importance à ce qui se passe en Rhône-Alpes comme dans les trois autres régions où l'exécutif est contesté en raison d'un accord avec le Front national.

Ma présence régulière sur place rappelle l'engagement de l'Etat républicain, aux côtés des collectivités locales républicaines, afin de maintenir le lien social, car le but du Front national est précisément de casser tout ce qui renforce la cohésion sociale, afin d'élargir son audience.

C'est bien pourquoi le terrain culturel est devenu un terrain de lutte, comme à chaque fois, dans le monde, qu'un mouvement politique revendique un pouvoir non démocratique, totalitaire. Dans ce cadre, l'action culturelle permet d'affirmer une liberté de choix et de pensée, une fidélité aux valeurs républicaines. Il ne s'agit pas ici uniquement de polémique mais, au-delà de la stratégie d'opposition des élus socialistes, que je soutiens, de construire avec tous les partenaires républicains une nouvelle solidarité envers les structures culturelles que le Front national prend pour cibles.

Face à cette situation, mon attitude a été constante. Je ne souhaite pas que le ministère se substitue aux régions qui se désengagent. Je souhaite rassembler les élus républicains et les professionnels de la culture afin d'organiser une solidarité concrète, c'est-à-dire d'accueillir les productions des artistes touchés par la suppression des subventions et de s'engager dans la coproduction de leurs nouvelles créations.

C'est cette solidarité qui s'est mobilisée autour de la compagnie de Christiane Véricel, après la suppression par le conseil régional d'une subvention de 500 000 F. Plus récemment, la structure de production cinématographique Rhône-Alpes cinéma, dirigée par Roger Planchon, était menacée de fermeture. De manière tout à fait exceptionnelle, je l'ai soutenue en allant un peu au-delà de mes obligations contractuelles. Je traite donc au cas par cas les situations critiques, sans me départir d'un principe général de non-substitution.

Vous avez évoqué l'attitude du Front national à mon encontre. De ce point de vue, la récente décision de justice contre M. Le Pen sera fort utile pour montrer les limites du débat politique et la nécessaire protection du droit de se porter candidat aux élections. De façon plus générale, il faut sans cesse réaffirmer politiquement l'importance de l'éducation, de la culture, de la solidarité, missions régaliennes de l'Etat qui renforcent la cohésion sociale, ainsi que de la conception républicaine de la citoyenneté. C'est d'autant plus important quand un parti utilise les peurs, le chômage et les disparités culturelles. C'est ainsi qu'il faut concevoir le rôle des politiques dans une démocratie moderne (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Patrick Bloche - La démocratisation de l'accès à la culture est un des axes majeurs de la politique que vous mettez en oeuvre, avec talent et détermination. La démocratisation culturelle est, en effet, souvent pensée en termes d'implantation d'équipements culturels, alors que la fréquentation des lieux de diffusion reste marquée par de profondes disparités sociales et géographiques.

Les enquêtes les plus récentes sur les pratiques culturelles des Français confirment que le désir de culture reste minoritaire.

La charge des missions de service public du spectacle vivant constitue, à cet égard, un de ces signes forts d'une réorientation de la politique culturelle de l'Etat que vous avez voulue.

Les musiques actuelles, je pense plus précisément à leurs formes les plus amplifiées, expriment un désir de culture caractérisé par une soif de création le plus souvent instantanée et par l'adhésion de plus en plus large de publics le plus souvent jeunes, comme le pavé parisien en a porté récemment témoignage.

Par vos initiatives qui ont heureusement permis de dépasser le stade d'un discours rarement suivi d'effets jusque-là, vous avez accompli, Madame la ministre, un acte politique essentiel, celui de la légitimation des musiques actuelles par la puissance publique.

En passant de la tolérance à la reconnaissance, comme nous essayons ici-même de le faire en d'autres domaines, vous avez souhaité éviter de laisser des jeunes, et même des très jeunes, se réinventer des références culturelles dans un cadre communautaire distinct du modèle républicain d'intégration.

Pour relever ce ddéfi identitaire, vous mobiliserez 35 millions en 1999, soit une progression de près de 40 % des crédits.

Pouvez-vous revenir sur ce soutien institutionnel à la création, à la diffusion et à la formation que vous accordez aux musiques actuelles ?

Mme la Ministre - Dans le rapport de la Commission nationale des musiques actuelles que j'ai reçu en septembre, la demande de reconnaissance est omniprésente. Le moment est effectivement venu de reconnaître l'importance des esthétiques populaires et nouvelles : jazz, chanson, rock, rap, techno, musiques traditionnelles qui représentent un phénomène culturel et artistique majeure et doivent être considérées comme toutes les autres expressions artistiques dans la politique culturelle du ministère.

Dès 1999, je consacrerai 35 millions au premier volet d'un programme triennal d'action et de développement : 10 millions au titre des crédits d'équipement en faveur des lieux de diffusion, mais également des ateliers de formation ou des studios de répétition, 25 millions pour soutenir la création, la diffusion et la formation.

Ces crédits de fonctionnement seront principalement affectés au renforcement des moyens des scènes de musiques actuelles ; au développement des résidences de création en faveur de la chanson et du jazz ; au renforcement des moyens de l'Orchestre national de jazz et des festivals ; au soutien accru au réseau des écoles associatives ; au soutien financier à la création de postes d'enseignants dans les écoles contrôlées ; au soutien aux structures concourant à une meilleure exportation des productions nationales.

Pour favoriser la formation, il faut ouvrir les écoles nationales de musique et les conservatoires aux musiques actuelles en créant un certificat d'aptitude spécifique ouvrant aux fonctions de direction et d'encadrement ainsi qu'un diplôme d'Etat spécifique.

Pour faciliter la diffusion, les scènes nationales s'ouvriront davantage aux musiques d'aujourd'hui, notamment au profit de la chanson. De plus, une mission d'accompagnement des créations dans le domaine du jazz et des musiques traditionnelles sera confiée à l'Office national de diffusion artistique.

Enfin, nous devons inscrire dans les contrats de pays, les contrats de plan ou les futurs contrats d'agglomération, des projets territoriaux de développement des musiques actuelles (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Henri Plagnol - Ma question a trait à la réforme du statut des commissaires-priseurs. La France se trouve depuis longtemps en infractions par rapport à la législation européenne, puisque le monopole sur les enchères volontaires viole le traité de Rome.

En mars 1995, une mise en demeure nous a été adressée à la suite de la plainte d'un concurrent anglo-saxon et, depuis bientôt quatre ans, les professionnels du marché de l'art attendent une réforme. Au-delà de la nécessaire adaptation juridique au marché européen, se pose la question de l'environnement social et réglementaire, et tout particulièrement fiscal qui entrave le développement du marché de l'art à Paris.

En effet, ce monopole a des effets désastreux sur le marché parisien, qui ne représente plus que 6 % du marché mondial. En vingt ans, les ventes d'oeuvres françaises sur les places étrangères ont été multipliées par 350 et nous courons le risque d'être relégués au rang de place provinciale.

Cette réforme urgente devrait s'accompagner de mesures aptes à permettre à tous les professionnels des marchés français de lutter à armes égales avec leurs concurrents, je pense surtout au taux de la TVA sur les importations.

Je vous félicite d'avoir fait reculer votre majorité sur sa proposition d'inclure les oeuvres d'art dans l'ISF, qui aurait réduit à néant toutes les chances de relance du marché de l'art parisien. Paris a vocation à devenir la capitale mondiale du marché de l'art, elle en a tous les atouts. Encore faudrait-il que l'environnement législatif, notamment fiscal le lui permette. Pourquoi différer encore l'adoption du projet de loi portant réforme du statut des commissaires-priseurs ? Au-delà, comment comptez-vous relancer la place parisienne ?

Mme la Ministre - Le projet de loi sur le statut des commissaires-priseurs prévoit d'indemniser la profession après la libéralisation du secteur des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. Le Premier Ministre a fixé le montant de l'indemnisation à 450 millions pour les 456 commissaires-priseurs. Une taxe de 1 % sur les ventes alimentera le fonds créé à cet effet.

Le ministère de la culture est tout à fait favorable à ce projet de loi qui contribuera au développement du marché de l'art. Le Premier Ministre a souhaité que les analyses du rapport de M. Chandernargor, président de l'observatoire des mouvements internationaux d'oeuvres d'art, soient approfondies, en particulier dans le domaine fiscal : réduction de la TVA à l'importation, instauration d'un taux dégressif sur le droit de suite, allègement de la taxation des plus-values. Nous y travaillons avec le secrétaire d'Etat au budget.

Le non-assujettissement des oeuvres d'art à l'ISF aura bien sûr un effet psychologique favorable aux ventes sur le sol national, et pas seulement à Paris, car Paris n'alimente pas seul le marché de l'art...

M. Marcel Rogemont - Je vous remercie de le préciser.

Mme la Ministre - Je souhaite aussi que l'on parvienne à une plus grande équité des taux sur le plan européen. Les taux très favorables institués par l'Allemagne et la Grande-Bretagne devraient être remis en question. Avec le prix unique du livre et du disque, voilà notre troisième grand sujet de négociation à Bruxelles.

Je reviens de l'inauguration de l'exposition commune Guggenheim-Beaubourg à New-York. J'ai appris du responsable des affaires culturelles que la deuxième ressource financière de la ville, juste après Wall Street, provenait du secteur culturel, dont le marché de l'art fait partie, et représentait 12,5 milliards de dollars. Cela donne la mesure de l'enjeu ! Nous pouvons nous aussi faire en sorte que nos artistes nationaux soient mieux connus et reconnus à l'étranger en portant l'effort sur la promotion, l'exposition et l'exportation. Nous avons prévu une action concertée avec le ministère des affaires étrangères à cet effet. C'est une priorité pour les plasticiens, pour les artistes du spectacle vivant comme pour les auteurs de cinéma.

M. Jean-Luc Warsmann - Nous nous inquiétons des moyens de fonctionnement des DRAC. Déjà très limités dans certaines régions, ils risquent de s'amenuiser encore avec la politique de déconcentration que vous avez engagée. Cette orientation acceptable en elle-même devrait s'accompagner d'une déconcentration des moyens de fonctionnement et, pourquoi pas, d'une redéfinition de la répartition des rôles entre l'administration centrale et les DRAC. Or les crédits de fonctionnement des DRAC n'augmenteront que de 4 millions en 1999...

Comptez-vous accorder davantage de moyens aux DRAC, notamment humains ? Vous avez indiqué à la commission la mise en place d'un plan de délégation de moyens d'ici à la fin de l'année. Vous avez évoqué tout à l'heure un plan pluriannuel. Qu'en est-il ?

Mme la Ministre - Les moyens des DRAC doivent en effet être renforcés. Cela étant, comme vous l'avez noté sur tous les bancs, il n'y aura pas de créations d'emplois : il faudra donc procéder par redéploiements. Une publication plus rapide de l'ensemble des postes vacants devrait aussi permettre d'améliorer la situation. Quant au plan de délégation de moyens, il sera en effet fiscalisé d'ici à la fin de l'année.

Il faut parallèlement faire porter l'effort sur les crédits de fonctionnement des DRAC. Nous les avons augmentés de 4 millions et entendons poursuivre sur cette voie afin que ces directions disposent enfin des moyens pour fonctionner correctement. Les personnels ont exigé que les postes vacants soient rapidement comblés et qu'une dotation complémentaire permette d'en créer de nouveaux. Nous réfléchissons pour l'heure à la situation des conseillers des DRAC qui, bien que contractuels, remplissent des tâches permanentes.

Les DRAC doivent gagner en autorité et en représentativité. Il est dommage en effet qu'elles soient restées plutôt une administration de mission, comme si leurs tâches étaient ponctuelles. Elles doivent devenir une administration mieux assise et vraiment structurante. Il conviendra aussi de ne pas court-circuiter le niveau départemental et de rechercher à chaque fois le niveau le plus pertinent d'action. Les futurs contrats de plan Etat-régions donneront l'occasion d'innover.

M. Yvon Abiven - L'un de vos objectifs, Madame la ministre, est d'améliorer l'accès à la culture. La culture, cela consiste aussi à permettre à chacun de s'exprimer à partir de son histoire, de son territoire, de son univers. Une culture vivante doit permettre à chacun de surmonter ses difficultés et de se sentir bien là où il vit, elle doit être sans cesse renouvelée par l'expression populaire, oeuvre autant d'artistes que d'artisans. Nos cultures régionales participent de ce mouvement et je pense tout particulièrement à ma région, la Bretagne.

Il conviendrait donc de ramener les centres de décision et les moyens en région, de passer d'une politique de grands travaux à une politique d'ateliers, plus proche du terrain. Il conviendrait aussi de mieux prendre en compte une diversité culturelle trop longtemps déniée.

Comment votre budget, Madame la ministre, traduit-il ce souci ? Quelle place acceptez-vous accorder aux langues et aux cultures régionales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

Mme la Ministre - Vous posez en réalité deux problèmes, celui de l'augmentation des crédits déconcentrés du ministère et celui de la légitime reconnaissance de l'apport des cultures régionales au patrimoine national et à la création contemporaine. Sur le premier point, une augmentation de 41 % des crédits destinés aux opérations d'intérêt régional répond, je crois, à votre souci de meilleur équilibre sur l'ensemble du territoire. La déconcentration que nous avons engagée répond aussi à notre souhait d'une plus grande proximité avec les acteurs locaux.

Sur le second point, je viens, vous le savez, moi aussi d'une région de France à l'identité culturelle fortement marquée, qui a souhaité que sa langue et ses traditions soient reconnues comme faisant partie du patrimoine national.

M. Jean-Pierre Baeumler - Très bien !

Mme la Ministre - Je me félicite donc des missions confiées par le Premier ministre successivement à Mme Pery, M. Poignant et M. Carcassonne qui aboutiront à la signature par la France de la résolution du Conseil de l'Europe sur les langues minoritaires.

Mais la reconnaissance des langues régionales ne doit pas remettre en question l'unité nationale fondée sur une identité qui ne méprise aucun apport. L'apport des DOM-TOM n'a pas été suffisamment mis en valeur.

A ceux qui tenteraient de récupérer le thème des cultures régionales pour développer un programme d'exclusion, nous devons montrer que les patrimoines régionaux sont reconnus comme des éléments du patrimoine national. Une démocratie moderne doit se montrer respectueuse des différents apports qui constituent une culture. J'ai souvent souffert de voir que les cultures régionales étaient considérées comme mineures. Sait-on que les pointes des ballerines viennent des danses traditionnelles du Pays Basque ? Comme je l'ai déclaré en Corse, en novembre 1997, les langues et les traditions régionales sont pour nous un atout, à condition qu'elles ne soient pas la manifestation d'une volonté de repli sur soi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Baeumler - Exceptionnellement, je vais m'exprimer en Français (Rires).

En hausse de 3,5 %, votre budget se rapproche de l'objectif de 1 % des dépenses fixé par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale. Il faut saluer cet effort, qui s'oppose aux coupes claires pratiquées entre 1993 et 1997. La culture est bien une priorité pour ce gouvernement.

J'approuve votre volonté de rééquilibrer l'offre culturelle entre Paris et la province. Ainsi, les crédits destinés aux équipements d'intérêt régional vont passer de 289 millions en 1998 à 399 millions en 1999. Cependant, des retards considérables ont été accumulés, à cause des annulations de crédit des années précédentes, dans la construction de salles de spectacle. L'effort budgétaire de l'année dernière a surtout servi à solder des engagements anciens. Beaucoup d'opérations sont aujourd'hui en attente de financement.

Comment comptez-vous aider les collectivités locales à concrétiser leurs engagements, si possible avant 2001 ? (Sourires)

Mme la Ministre - Conseillère municipale aujourd'hui, j'ai occupé précédemment une autre fonction, ce qui me rend particulièrement sensible au souhait que vous exprimez.

Les crédits en faveur des équipements d'intérêt régional vont progresser de 41 %. Leur répartition entre Paris et la province va être modifiée, afin de mieux répondre à la demande.

Les 300 millions de dettes seront payés au cours des exercices 1998 et 1999. Mais contrairement aux gouvernements précédents, nous refusons de multiplier les promesses. La dette a deux causes : les mesures de régulation budgétaire, mais aussi l'inscription de nombreux projets non financés, par complaisance envers les amis politiques...

Afin d'honorer la parole de l'Etat, j'ai accepté de rembourser les dettes quand bien même les projets en cause n'avaient fait l'objet d'aucune inscription. Je remercie à cet égard votre commission des finances, son président et son rapporteur, qui m'ont apporté leurs concours dans l'analyse financière de la situation (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Paul Bret - Au terme de ce débat, je tiens à saluer votre persévérance et votre volonté de conforter la démocratisation de la culture. Cette expression, qui a servi d'étendard à nos politiques culturelles, nationales ou locales, qui a aussi présidé à la naissance de votre ministère au temps d'André Malraux, a perdu de sa force, dans la mesure où tout le monde s'en réclame. Votre mérite est bien de lui rendre son plein sens, par des actions concrètes, comme la mise au point d'une charte des missions de service public ou les mesures nouvelles en faveur des musiques actuelles, lesquelles n'avaient fait l'objet que de déclarations généreuses.

Ces musiques sont souvent diffusées dans des lieux hors normes, qu'on appelle parfois "lieux d'émergence" et qui jouent un rôle considérable dans la démocratisation de la culture. Il faudrait que ces structures puissent bénéficier de la charte, ou au moins d'un conventionnement, pour percevoir plus régulièrement les aides de l'Etat. Je sais que ma préoccupation ne vous est pas étrangère. Que comptez-vous faire concrètement ?

Mme la Ministre - Je profite de cette question pour rappeler que mon ministère s'est engagé dans les politiques de la ville et de l'aménagement du territoire. Pour nous, tous les artistes ont la même valeur, qu'ils se produisent sur une scène nationale ou dans une salle de banlieue. Il n'y a pas une culture de centre-ville et une culture périphérique. Tous les publics, quelle que soit leur condition sociale, ont droit à la même considération. C'est pourquoi mon ministère contribue aussi aux politiques de lutte contre l'exclusion et contre l'illettrisme.

La charte pourra être signée à partir du 1er janvier 1999. Sa rédaction est achevée. Le ministère, qui s'est donné le temps de la concertation, doit reconnaître les nouvelles pratiques culturelles. Il va mettre en place un réseau de scènes pour les musiques actuelles, ainsi qu'un réseau de lieux de fabrication des arts de la rue. Il s'agit d'améliorer la qualité de l'accueil et d'encourager le passage de la pratique en amateur à la pratique professionnelle.

Les musiques actuelles ont droit de cité dans le réseau institutionnel. En outre, je souhaite contractualiser les actions de ce type avec l'ensemble des collectivités territoriales (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Rapporteur - Emporté par mon enthousiasme, j'ai omis tout à l'heure de préciser que la commission des finances avait adopté ce budget. Je vous demande de le faire à votre tour (Sourires).

M. le Président - Précision utile, car j'appelle maintenant les crédits inscrits à la ligne "Culture et communication" concernant la culture.

Les crédits ouverts aux titres III et IV de l'état B, successivement mis aux voix, sont adoptés.

Les crédits ouverts au titre V de l'état C, mis aux voix, sont adoptés, ainsi que les crédits ouverts au titre VI de l'état C.

La suite de la discussion du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 30.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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