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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 15ème jour de séance, 36ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 22 OCTOBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. Yves COCHET

vice-président

          SOMMAIRE :

RÉUNION D'UNE CMP 1

LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- (suite) 1

ENVIRONNEMENT 1

La séance est ouverte à neuf heures.


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RÉUNION D'UNE CMP

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant qu'il a décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire pour les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux.


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LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999.


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ENVIRONNEMENT

M. Gérard Saumade, suppléant M. Michel Suchod, rapporteur spécial de la commission des finances - Je m'exprimerai au nom de M. Michel Suchod, qui a dû partir.

Comme lui, je me félicite que soient renforcés les moyens financiers et humains du ministère de l'environnement. Des crédits qui augmentent de 14,8 %, des effectifs qui progressent de 5,8 %, voilà qui est exceptionnel de nos jours. Cela prouve que ce ministère n'est plus cette simple administration de mission qu'il était à sa création, en 1971. Il est devenu progressivement un ministère de plein exercice, assurant des fonctions régaliennes de plus en plus importantes.

Mais l'innovation principale est d'ordre fiscal : la création de la taxe générale sur les activités polluantes, prévue à l'article 30 de ce projet de loi de finances. Cette taxe en remplacera cinq autres, actuellement perçues par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie : la taxe sur les déchets ménagers, la taxe sur les déchets industriels spéciaux, la taxe d'atténuation des nuisances sonores aéroportuaires, la taxe sur la pollution atmosphérique et la taxe sur les huiles de base.

Alors que le produit de ces cinq taxes était affecté à l'ADEME, la TGAP sera un impôt d'Etat, dont le produit alimentera le budget général. De la sorte, nous faisons évoluer le concept même de taxe écologique. Jusqu'alors, en effet, l'instauration d'une taxe visait avant tout à dégager les sommes nécessaires pour réparer les atteintes à l'environnement. Ainsi, le produit de la taxe d'atténuation des nuisances aéroportuaires est destiné à accorder des aides aux riverains réalisant des travaux d'isolation phonique. De même, le produit de la taxe sur les huiles de base est utilisé pour financer la collecte des huiles usagées en vue de leur élimination ou de leur régénération.

Certes, le principe de l'affectation présente de nombreux avantages. L'utilité de la taxe étant plus visible, son paiement est mieux accepté. En outre, il garantit la pérennité des actions financées. Mais cette technique dénature quelque peu le principe du "pollueur-payeur". Les pollueurs risquent de confondre le paiement de la taxe avec l'acquisition d'un droit à polluer. La Cour des comptes et le Commissariat général du Plan ont mis en lumière cette dérive en ce qui concerne les agences de l'eau, évoquant même l'existence d'une logique de mutualisation et l'apparition d'un principe du "pollueur-sociétaire". La TGAP doit mettre fin à cette dérive.

L'autre innovation consiste à utiliser de manière combinée plusieurs modifications fiscales, pour aboutir à une politique environnementale cohérente en matière de déchets. Il s'agit de favoriser la valorisation des déchets en réduisant la part mise dans les décharges qui, selon la loi du 13 juillet 1992, ne devront accueillir que des déchets ultimes à compter du 1er juillet 2002. La création de la TGAP s'accompagne donc d'une augmentation de 50 % de la taxe sur la mise en décharge, tandis que l'article 21 du projet de loi de finances applique le taux réduit de TVA aux opérations de collecte et de tri sélectif des ordures ménagères. Les opérations d'incinération, quant à elles, restent soumises au taux normal.

Le Gouvernement doit réaffirmer sa volonté de parvenir à moyen terme à la valorisation de 50 % de la masse des déchets. Cet objectif nécessite un effort financier important des collectivités locales, qui doivent mettre en place des ensembles complexes, combinant collectes sélectives avec tri préalable, déchetteries, installations de compostage, incinération avec récupération de l'énergie, centres d'enfouissement pour les déchets ultimes et traitement préalable des encombrants.

Vaste programme pour les collectivités locales, sommées de prendre des mesures complexes et souvent impopulaires. Que ce soit en régie, en délégation de service public ou en combinant ces deux formules, il s'agit véritablement d'une affaire d'Etat. Les schémas départementaux risquent de se révéler insuffisants, les frontières administratives n'étant pas forcément adaptées aux conditions techniques, elles-mêmes en évolution.

Le Gouvernement doit profiter de la création de la TGAP pour réaffirmer sa volonté de respecter l'échéance de 2002, sans quoi il avantagerait ceux qui font le moins d'efforts. Nous sommes passés d'une civilisation campagnarde, qui réutilisait son faible volume de déchets, à une civilisation urbaine qui crève sous ses détritus ! C'est donc bien un problème de civilisation que nous avons à résoudre.

Les efforts consentis par le Gouvernement doivent s'inscrire dans la durée, d'autant que les besoins en matière de lutte contre les pollutions restent considérables. J'ai même l'impression que les atteintes à l'environnement sont de plus en plus nombreuses.

Il faut d'abord que soient bannies, à l'avenir, les mesures de régulation budgétaire, qui ont frappé, dans le passé, le budget de l'environnement. La pérennité des dotations budgétaires pourrait être garantie par le maintien d'un lien étroit entre le produit de la nouvelle taxe et les moyens du ministère et de ses établissements publics. La création de la TGAP ne doit pas être un marché de dupes.

Pour la première année, l'intégralité du produit attendu de la TGAP est affecté à l'ADEME, pour qu'elle poursuive ses politiques traditionnelles de lutte contre les pollutions et les risques et relance la politique de maîtrise de l'énergie. De plus, la répartition de la subvention versée à l'ADEME entre les différents types d'actions reconduit peu ou prou les crédits qui leur étaient consacrés jusqu'alors. Il s'agit de permettre à l'ADEME de continuer à travailler.

Michel Suchod s'est assuré, comme il s'y était engagé l'an dernier, que l'ADEME était de nouveau au travail. On se souvient en effet qu'elle en était arrivée, à partir de 1996, à une quasi-paralysie : plus de conseil d'administration, plus de direction, une consommation des crédits réduite à 500 millions en 1997.

L'année 1998 a été celle du renouveau, avec la nomination d'un président en janvier et d'un directeur général en mars, la réactivation du conseil d'administration et des comités, le travail sur un contrat d'objectif 1999-2002 qui devrait rentrer dans un contrat de plan avec l'Etat, le règlement de nombreux dossiers en attente et la reprise de la consommation des crédits.

L'intervention du président de l'ADEME devant le groupe d'études de l'Assemblée nationale sur les déchets industriels et ménagers, au moins de juin, a été particulièrement bien accueillie, dans la mesure où l'Agence a indiqué sa volonté de ne pas simplement dispenser des aides, mais d'accompagner les élus locaux pour les aider à résoudre les problèmes complexes qui se posent à eux.

La situation de l'ADEME étant restaurée, Michel Suchod insiste sur la nécessité d'amortir ses dotations budgétaires d'une garantie pluriannuelle, d'autant que la TGAP est présentée comme évolutive. Elle est destinée à accueillir de nouvelles accises, existantes ou non. C'est ainsi qu'elle pourrait servir de cadre à la future écotaxe européenne ou à d'autres taxes, dont la création fait l'objet de consultations, notamment celles sur les engrais, ou les produits phytosanitaires. Elle accueillera également dès l'an 2000, tout ou partie des redevances perçues par les agences de l'eau.

Là aussi, il faudra rassurer. Les agences de l'eau craignent que l'unicité de la TGAP ne signifie la fin du système de gestion de l'eau par bassin versant. Mais surtout, la crainte existe que Bercy accapare une partie du produit de la taxe, pour financer les dépenses courantes de l'Etat.

J'en terminerai par quelques remarques sur les principaux agrégats.

73 % des crédits de l'administration générale, soit 473 millions sont des crédits de personnel. Ils permettront de créer 89 emplois dans les directions régionales de l'environnement : ces postes sont particulièrement bienvenus puisque celles-ci, dont le rôle est essentiel sont de taille réduite : 44 agents par direction en moyenne, avec une grande disparité selon les régions. Or ces agents remplissent des fonctions croissantes et sont aux prises tant avec les élus locaux qu'avec des associations diffuses et souvent turbulentes.

Quant au renforcement des effectifs de l'administration centrale -plus 29 emplois-, il tend à accroître les compétences du ministère dans les domaines juridique, fiscal, communautaire et de gestion des ressources humaines.

Enfin, votre rapporteur soulignait l'année dernière la nécessité de renforcer les moyens de l'inspection des installations classées eu égard à l'existence de 62 000 installations soumises à autorisation et aux 2 000 nouvelles demandes d'autorisation déposées chaque année en moyenne. L'effort qui sera consenti en 1999 soit 22 emplois constitue donc un progrès appréciable. Au demeurant, les personnels chargés de l'inspection des installations classées ne relèvent pas tous du budget de l'environnement : 195 agents des services vétérinaires du ministère de l'agriculture inspectent les installations classées agricoles et agroalimentaires.

80 % des crédits destinés à la protection de l'eau et des mieux aquatiques sont consacrés à la mise en oeuvre des plans décennaux de prévention des risques naturels d'inondation et au plan Loire.

S'agissant des crédits consacrés à la connaissance de l'environnement et à la coopération internationale, qui augmentent de 33 % en crédits de paiements, notons la contribution du ministère au plan "nouveaux services-nouveaux emplois". Il a institué un dispositif propre à susciter ou à accompagner la création et la réalisation de projets.

Les crédits pour la prévention des pollutions et des risques connaissent également une très forte hausse. Grâce à la TGAP, qui permet l'inscription de 1 786 millions de crédits, ils s'élèveront à 2 192 millions de dépenses ordinaires et crédits de paiements, soit une progression record dans les annales budgétaires de 466,5 %.

S'agissant des crédits destinés à la protection de la nature, des sites et des paysages, ils progresseront de 19,7 % en crédits de paiements. Le fonds de gestion des milieux naturels est doté de 164 millions, dont 90 millions de mesures nouvelles, le solde provenant du redéploiement de crédits existants.

Enfin, les budgets civils de la recherche et du développement augmenteront de 6,9 % pour atteindre 80,7 millions en 1999.

En conclusion, en renforçant ses moyens et en ouvrant la première phase de l'instauration d'une véritable fiscalité écologique, le présent projet de budget est un bon budget. Il témoigne de la volonté du Gouvernement de faire du ministère de l'environnement un véritable ministère de plein exercice, reconnaissant ainsi son rôle grandissant à la fois dans l'équipe gouvernementale et dans la société (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Stéphane Alaize, rapporteur pour avis de la commission de la production - C'est la première fois que je suis rapporteur pour avis et je me félicite de recevoir mon baptème du feu sur un excellent budget qui passe de 1 899,5 millions en 1998 à 3 947,8 millions en 1999, soit une augmentation de 107,5 %. Les autorisations de paiement font plus que tripler pour atteindre 2 539,5 millions. Mais cette évolution très liée à la TGAP exigera des parlementaires qu'ils soient très vigilants sur l'exécution et le contrôle du budget.

Sur l'ensemble des crédits, les mesures nouvelles s'élèvent à 2 384,4 millions dont 580,4 millions hors TGAP. Au total, ce budget augmente sept fois plus que le budget général.

Le premier point de mon intervention portera sur la TGAP présentée comme une écotaxe naissante, comme marquant l'an I de la fiscalité écologique ou qualifié d'embryon du principe pollueur-payeur, cette taxe marque surtout le retour à une fiscalité plus conforme aux règles fondamentales qui régissent l'impôt, et en particulier à l'article 34 de la Constitution. La TGAP permet au Parlement de se réapproprier ses prérogatives.

Son institution suscite cependant quelques inquiétudes légitimes de la part des agences de l'eau sans résoudre le problème de leur nécessaire réforme.

La nouvelle taxe a le mérite de clarifier la situation en réintégrant dans le budget des taxes et redevances extra-budgétaires. Elle facilitera l'application du principe pollueur-payeur, mais il faudra veiller à ce qu'elle ne soit pas considérée comme ouvrant un droit à pollueur pour ceux qui peuvent payer.

Ce nouvel impôt sera aussi plus efficace que la myriade de taxes et redevances qu'il remplace car il pourra être affecté à toutes les politiques utiles pour l'environnement.

Toujours en matière fiscale l'abaissement à 5,5 % de la TVA sur le tri sélectif des déchets constitue un progrès mais il faudra veiller à ce qu'il soit bien répercuté jusqu'aux contribuables.

J'en viens aux moyens en personnel. Ils bénéficient d'une augmentation conséquente des crédits, soit 12,2 % ; qui permettra de créer 29 emplois dans l'administration centrale, 89 dans les DIREN et 22 pour la surveillance des installations classées.

Ces créations de postes sont indirectement complétées par un renforcement des moyens attribués aux associations de protection de l'environnement, lesquelles sont autant de relais efficaces et même souvent zélés de l'action du ministère. A terme, il faut cependant veiller à ce que des minorités associatives ne s'approprient pas la protection de l'environnement, au détriment de la vision générale qu'il faut avoir de cette question.

Mentionnons aussi les emplois-jeunes et les structures parapubliques telles que l'ADEME et les agences de l'eau qui sont des acteurs utiles et efficaces de l'environnement, sans parler des missions interministérielles.

L'augmentation des moyens en personnel doit servir à appliquer des textes toujours plus nombreux -près de 400 nouveaux textes en 1995 ! Nous disposons désormais des textes nécessaires ; ce qu'il faut maintenant, c'est agir sur le terrain. Il convient d'assurer une meilleure coordination avec la politique européenne et de trouver des solutions propres à éviter les contentieux administratifs. Je pense, par exemple, à la réforme des enquêtes publiques qui devrait bientôt voir le jour.

Ainsi, les dotations budgétaires augmentent dans tous les secteurs relevant de la compétence du ministère de l'environnement et le Gouvernement s'est engagé à poursuivre l'effort sur plusieurs années.

C'est donc à une question de méthode que votre administration est maintenant confrontée, Madame la ministre. Jusqu'à présent "introverti", votre ministère va devoir décloisonner son action. L'écologie, propriété collective des générations présentes, a ses adeptes et ses défenseurs. Cependant certains, sous couvert d'écologie, mènent une politique qui relève plutôt du libéralisme et du capitalisme sauvages. Mais ceux-ci, vite démasqués, ne résistent pas au développement de la conscience écologique et citoyenne.

Ainsi, vous avez pour première mission de gérer le passage de votre ministère de l'adolescence à l'âge adulte. Votre budget va vous y aider. Par exemple la création du fonds de gestion des milieux naturels vous dote d'un bon outil pour des réalisations concrètes, et le comité Natura 2000 sera un précieux partenaire dans vos activités de terrain, en contribuant par l'explication à lever certains malentendus. De même, l'enveloppe spécifique destinée à aider les collectivités locales à lutter contre le bruit est abondée et, grâce aux PPR, la politique de prévention est fortement relancée.

Tout cet ensemble est de nature à forger une identité locale à votre ministère, qui n'apparaîtra plus sous les seules espèces de la contrainte réglementaire.

Je vous invite donc à poursuivre dans cette voie, qu'on pourrait définir ainsi : penser globalement, agir localement.

C'est la capacité de votre ministère à maîtriser son émancipation qui fera de lui, durablement, un ministère à part entière (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Marc Laffineur - Examinant avec soin votre projet de budget, j'y constate que ses crédits sont en hausse et je prends acte de votre volonté de privilégier la valorisation des déchets plutôt que leur incinération ou leur mise en décharge. C'est pourquoi nous avons approuvé la réduction du taux de TVA applicable aux opérations de collecte et de tri sélectif des ordures ménagères.

Cependant les critiques l'emportent de beaucoup sur la satisfaction. Vous avez présenté la réforme de la fiscalité écologique comme une grande nouveauté, faisant de 1999 l'an I de cette fiscalité, mais le contenu n'est pas à la hauteur de l'effet d'annonce. La taxe sur les activités polluantes est en fait une compilation des cinq taxes perçues jusqu'à présent par l'ADEME, et vous vous préparez à abonder cet impôt d'Etat par le produit des redevances acquittées auprès des six agences de l'eau, soit 12 milliards. Ce faisant, vous procédez par un simple article de la loi de finances à une profonde remise en cause du système existant. Où est passé l'esprit de concertation dont se targue votre Gouvernement ? Les principaux intéressés ont appris le lancement de votre réforme par la presse le 22 juillet et vous n'avez toujours pas reçu l'intersyndicale des personnels des agences de l'eau et de l'ADEME, qui vous ont pourtant demandé rendez-vous. Je tiens leur lettre à votre disposition.

M. Jean-Pierre Brard - Laffineur facteur !

M. Marc Laffineur - Et facteur de la CGT ! Si la méthode est critiquable, le fond de votre projet l'est aussi, car il s'agit en fait d'une reconcentration. Vous êtes tombée dans le piège tendu par Bercy, en substituant une subvention aux taxes qui garantissaient le financement de l'ADEME. Or on le sait, les apports étatiques sont à la merci des contraintes budgétaires. La ritournelle est trop bien connue : d'abord, les gouvernements compensent puis, quand apparaissent de nouveaux besoins, les promesses disparaissent en même temps que les crédits. C'est parce que je partage votre volonté de lutter contre la pollution que je ne comprends pas votre démarche, qui revient à mettre en péril les établissements publics chargés précisément de protéger notre environnement. L'affectation des taxes existantes garantissait la pérennité des actions entreprises par l'ADEME et par les agences de l'eau, et rendaient taxes et redevances mieux acceptables.

L'avènement de ce nouvel impôt d'Etat non affecté va fragiliser la politique environnementale. De plus, le rapporteur spécial perçoit déjà cette réforme comme ouvrant la possibilité d'utiliser la TGAP pour réduire d'autres impôts. Ce n'est pas ainsi que nous parviendrons à associer nos concitoyens à l'effort de défense de l'environnement. J'observe aussi la forte hausse, 613 millions, de la composante de la TGAP portant sur les déchets ménagers, et je constate que la totalité des recettes nouvelles redistribuées à l'ADEME ne passe pas par votre ministère, puisque 167 millions transitent par le budget de l'industrie. Voilà qui renforce nos craintes de voir cette fiscalité écologique détournée peu à peu de ses objectifs initiaux.

Une véritable fiscalité écologique doit s'appuyer sur le principe de responsabilisation, chacun devenant un gardien de l'environnement, et sur le renforcement de la règle pollueur-payeur. On pourrait songer à une nouvelle gestion des déchets ménagers associant le prix au volume ou au poids des déchets, ce qui inciterait les ménages à les réduire. Une véritable fiscalité écologique devrait aussi prendre en compte les servitudes environnementales pesant sur certaines propriétés, dont la taxe foncière serait allégée en proportion. Pourquoi même ne pas rapprocher la fiscalité des espaces de grande valeur de celle qui s'applique aux monuments historiques ? Vous émettriez là un signal fort. Il faudrait, enfin, supprimer une ordonnance de Vichy, datée de 1943, qui empêche d'indemniser les personnes victimes d'atteintes environnementales.

M. Jean-Pierre Brard - Il y a bien d'autres textes de cette époque qu'il faudrait abroger.

M. Marc Laffineur - En l'état, votre projet de budget ne nous convient pas. Les menaces dont il est lourd conduisent le groupe DL à voter contre.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - Quelle surprise !

Mme Annette Peulvast-Bergeal - J'avais souligné l'an dernier que le budget de l'environnement, bien qu'il progressât de façon honorable, n'était que le premier signe d'une ambition nouvelle pour notre pays.

Le budget de cette année marque la volonté du Gouvernement et du Premier ministre de transformer radicalement l'appréhension des questions environnementales par l'Etat.

En hausse très sensible, de 15,6 %, il représente désormais 0,3 % du budget civil de l'Etat. Il inaugure en outre l'an I de la fiscalité écologique, notamment avec la création de la taxe générale sur les activités polluantes. Il faut y voir l'amorce d'un processus de fond, qui devrait s'intégrer dans une démarche pluriannuelle de rattrapage visant à renforcer les moyens financiers, humains et de communication de cette administration.

Je souhaite que le budget de l'an 2000 nous donne de nouveaux motifs de satisfaction et confirme les présentes orientations, qui doivent déboucher sur des mesures pérennes.

L'un des éléments importants de ce budget a trait à la fiscalité écologique et plus spécialement à la TVA applicable au traitement des déchets faisant l'objet d'un tri sélectif dont le taux passera de 20,6 % à 5,5 %, à la suite de l'adoption de l'article 21 de la première partie. C'est une décision importante, qui confirme l'esprit de votre circulaire et de la communication que vous avez faite en conseil des ministre en août dernier sur la politique des déchets.

Selon une étude récente menée par l'ADEME et l'association des maires de France, la collecte et le traitement des déchets représentent une dépense de 350 à 500 F H.T. par habitant et par an, selon la façon dont on gère la collecte. D'émergence récente, la politique de traitement des déchets ménagers mérite de prendre une nouvelle dimension, comme le montrent les résultats mitigés des plans départementaux d'élimination, d'autant que les échéances fixées par la loi du 13 juillet 1992 sont proches. Cela suppose à l'évidence une mobilisation plus grande des collectivités locales et de leurs groupements, à condition qu'elles sachent elles-mêmes mobiliser les populations sur ces obligations. Il y faudra une forte implication des élus locaux, qui doivent être les premiers décideurs.

Pour les collectivités ou leurs groupements, vous avez proposé de rendre certaines mesures plus incitatives et suggéré de modifier les barèmes d'Eco-emballages et d'Adelphe ainsi que la modification du régime du fonds de compensation de la TVA applicable aux dépenses d'équipement.

Ces dispositions sont intéressantes, à condition qu'elles soient complétées par des mesures qui profitent directement à nos concitoyens. La baisse de la TVA sur le tri sélectif peut y aider, grâce aux effets bénéfiques qu'elle aura mécaniquement sur la taxe et la redevance d'enlèvement des ordures ménagères. En effet, les sommes prélevées par les collectivités au titre de cette taxe ont augmenté de 131 % entre 1990 et 1997 pour atteindre 17,8 milliards. Par ailleurs de gros écarts -de 1 à 15- existent d'un département à l'autre. On ne peut donc que saluer une mesure tendant à préserver le pouvoir d'achat des ménages, même si elle devra s'accompagner assez vite d'une réflexion sur le rapport coût-efficacité de ces prélèvements.

Il faut en profiter pour aller plus loin dans la sensibilisation, l'information et la concertation. On se réjouira donc qu'aient été récemment annoncés la mise en place d'indicateurs techniques et financiers, des rapports annuels, une meilleure information des assemblées locales, ainsi que l'extension des missions des commissions locales d'information et de surveillance créées dans le cadre d'installation de traitement des déchets.

Les élus locaux mais aussi les entreprises ont à gagner au renforcement de la transparence. En rendant leurs investissements plus lisibles, en favorisant l'adhésion et l'implication des consommateurs, ils contribueront à la consolidation de filières de traitement plus conformes aux objectifs de votre ministère.

Ave unec mobilisation plus forte de tous, l'Etat pourra mieux jouer un rôle à la fois moteur et régulateur. C'est sous ce jour que doit être envisagée la conclusion des derniers plans départementaux et interdépartementaux d'élimination des déchets ménagers et assimilés.

Je l'ai dit, nous formions l'an passé des voeux, pour que le ministère de l'environnement prenne une nouvelle dimension, à la hauteur des enjeux auxquels notre société est confrontée et porteuse d'un espoir de développement durable. Nous attendrons avec intérêt "l'an II de la fiscalité écologique". Mais reconnaissons, d'ores et déjà, l'importance du chemin parcouru et l'impact que ne manquera pas d'avoir votre politique sur le comportement de nos concitoyens à condition qu'ils bénéficient eux-mêmes de la baisse de la TVA et de la maîtrise des coûts de collecte et de traitement ; que les associations soient réellement parties prenantes en matière d'information et de surveillance ; que les élus disposent, dans cette démarche, de tous les éléments de décision et de toute la place qui leur revient (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Jean Vila - L'augmentation de 15 % s'accompagne de la création d'une taxe générale sur les activités polluantes qui entrera en vigueur pour partie dès 1999 et, pour les redevances relatives à l'eau, en 2000. C'est dans cette TGAP que seraient à l'avenir introduites de nouvelles écotaxes sur l'énergie et le CO2.

Mais la TGAP fera perdre son autonomie financière à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise des énergies puis aux agences de l'eau. Jusqu'ici, l'ADEME récupèrait directement les taxes et les agences de l'eau étaient financées par les collectivités, les industriels, le budget de l'Etat et les agriculteurs.

En 1999, la TGAP, taxe uniforme, sera perçue par le ministère de l'économie et des finances, au lieu d'être directement versée au budget de l'ADEME. Comment dès lors être assuré du maintien du niveau des dotations alors que le ministre du budget pourra bloquer l'affectation de crédits en cours d'année, voire les réduire ou même les supprimer ?

La non-affectation de la taxe imposerait aux collectivités territoriales, donc aux contribuables, de nouvelles dépenses pour des investissements environnementaux, alors que la population y a déjà largement contribué. On sait en outre que, dans les foyers modestes, la consommation d'énergie et d'eau est bien plus faible que chez les plus aisés. Une hausse de la fiscalité risque donc de les pénaliser encore plus.

Vous aviez pourtant annoncé, le 20 mai 1998, Madame la ministre, que les projets de réforme des instruments d'intervention publique dans le domaine de l'eau seraient soumis à une large consultation. Sont-ils ajournés ? Comment s'articuleraient-ils avec le présent dispositif fiscal ?

Le fonctionnement des agences de l'eau repose sur la mutualisation des redevances et des aides qui permet à une commune, à un industriel, à un éleveur de se mettre en conformité avec les normes antipollution grâce à l'aide d'une agence de bassin pour les travaux les plus lourds dont le coût lui serait à défaut insupportable. Les agences de l'eau sont un acquis démocratique, un lieu de concertation et de décision original. Elles ont fait la preuve de leur efficacité. Elles ont contribué au développement de l'emploi et à faire de la France un exemple pour la prévention des pollutions aquatiques. Quel rôle joueront-elles si elles n'ont plus à gérer l'argent de l'eau, la redevance pollution, premier poste de leurs recettes, étant dorénavant perçue par Bercy ?

Nous continuons à dénoncer la mainmise des grands groupes gestionnaires sur la distribution et l'assainissement de l'eau et sur la gestion des déchets ménagers.

Alors que la facture d'eau a augmenté de 9 % en moyenne chaque année, de nouvelles hausses de 5 à 6 % sont annoncées. De plus, 20 % de la facturation de l'eau correspond au remboursement de prêts communaux contractés à des taux élevés. La différence de prix entre une régie publique et un opérateur privé est de l'ordre de 28 %, ce qui ne s'explique pas par le coût de l'assainissement ou de la mise aux normes européennes de dépollution mais surtout par la spéculation à laquelle se livrent ces grosses entreprises au détriment de l'intérêt général.

L'eau étant un bien social et non une simple marchandise, nous demandons la création d'une Agence nationale de l'eau, établissement public chargé de préparer les instruments de la politique nationale de l'eau, de la recherche publique en hydrologie, de la lutte contre les pollutions aquatiques et les inondations, de la coopération entre les agences de bassin, des solidarités interrégionales.

Il faudrait également améliorer la gestion des agences de l'eau dans le respect du statut de leurs personnels et en renforçant la démocratie au sein des conseils d'administration.

Des contraintes financières et de service public devraient être imposées aux sociétés gestionnaires de l'eau afin de les inciter à signer une convention collective.

Une aide devrait être accordée aux collectivités souhaitant revenir en régie publique par une rupture de contrat de concession avec préavis d'un an.

Les compagnies d'assurances pourraient être redevables d'une taxe au titre de la lutte contre les inondations.

Nous demandons par ailleurs qu'une alimentation minimale en eau potable soit garantie aux personnes démunies.

Des mesures devraient également inciter à produire plus propre et à mieux valoriser les déchets ménagers.

L'élargissement aux emballages de l'assiette de la taxe sur le stockage des déchets ménagers favoriserait une réduction du volume des emballages. Les emballages vendus pourraient faire l'objet d'une taxe payée par les entreprises à des taux différents selon le poids et les possibilités de valorisation.

Enfin, les opérations de collecte sélective doivent être encouragées.

Toutes ces propositions vont dans le sens d'une meilleure protection de l'environnement, d'une fiscalité juste et de l'intérêt général. Cependant, rien ne sera réglé tant que notre pays ne disposera pas d'un grand service public moderne de l'eau, de l'assainissement, de la collecte et du traitement des déchets (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Jacques Pélissard - Prétendre que les crédits de l'environnement augmentent de 107,8 % est "'trompeur", selon le rapporteur spécial. En effet, à périmètre constant, l'augmentation n'est que de 14,8 %, ce qui demeure toutefois important. Ce budget serait-il donc bon et l'opposition devrait-elle le voter ?

Tous les défenseurs de l'environnement se réjouiront des moyens nouveaux qui sont affectés au ministère, en particulier des 140 emplois nouveaux pour les DIREN et l'inspection des installations classées.

Nombreuses sont également les collectivités locales qui bénéficieront de la baisse de la TVA sur les opérations de collecte sélective et de tri, quand bien même ce dispositif défavorise les régies municipales par rapport aux délégations de service public et ne règle pas la question du fonctionnement du FCTVA pour les installations performantes dégageant des recettes industrielles.

Nous approuvons aussi la création du fonds de gestion des milieux naturels, même si les moyens nouveaux affectés à Natura 2000 sont très modestes au regard d'une superficie d'1,6 million d'hectares. Nous réclamons depuis longtemps la définition des contraintes techniques et juridiques et de compensations financières. Un début de financement apparaît, malgré l'opacité du dispositif ; tant mieux !

En revanche, nous ne pouvons souscrire au fait que l'essentiel de votre progression budgétaire soit financée par la TGAP. Vous qualifiez sa création "d'événement fondateur" marquant l'an I de la fiscalité écologique. Pour ma part, j'en crains les effets dévastateurs.

Cette année le montant de cette taxe sera de 1,321 milliard mais, dès l'an prochain, avec son extension aux agences de l'eau, son produit sera de plus de 10 milliards, et il atteindra 51 milliards sur l'ensemble du programme quinquennal 1997-2001.

Cette budgétisation de ressources jusqu'ici affectées à l'ADEME est porteuse de risques graves.

Elle marque ainsi une véritable étatisation. Ainsi, l'article 16 de la loi de 1992 sur la lutte contre le bruit prévoyait le reversement intégral de la taxe au profit des travaux d'atténuation du bruit pour les riverains des aérodromes. Dans la première partie du projet de loi de finances, on a indiqué que l'ADEME devait seulement contribuer aux dépenses. D'un point de vue financier, la TGAP augmente sur les déchets de 50 % ; son produit global va donc passer de 874 millions en 1998 à 1,337 milliard en 1999. Mais dans le bleu budgétaire, au titre VI, chapitre 67-30, la subvention d'investissement inscrite à l'article 20 "Déchets ménagers et assimilés" n'est que de 811 millions, soit 500 millions de moins...

Les investissements nécessaires au respect de notre environnement, en application des lois de 1992 et 1995, s'élève à 60 milliards ; le conseil d'administration de l'ADEME a porté à 50 % le taux d'aide aux investissements ; les programmes de collecte sélective démarrent. Mais l'ADEME aura-t-elle les moyens de répondre aux demandes d'aides qui lui seront présentées ? L'Etat s'engage-t-il à lui permettre de maintenir les taux d'aide actuels ?

Autre problème, qui a été relevé sur d'autres bancs : la pérennité des dotations budgétaires n'est pas assurée. Le rapporteur spécial a souligné la nécessité d'un lien étroit entre le produit de la TGAP et les moyens accordés au ministère de l'environnement, pour que "le pari risqué que constitue la taxe générale ne soit pas un marché de dupes". Or ce lien n'existe pas. Le compte spécial du Trésor est une formule clinquante, mais inefficace. On peut faire de l'absence de régulation budgétaire un impératif catégorique, mais il n'est pas de garantie possible en ce domaine. Le rapporteur pour avis exprime lui aussi ses inquiétudes, en insistant sur le fait que la TGAP doit servir exclusivement à la protection de l'environnement. A cet égard, l'exemple de l'augmentation de la TIPP sur le gazole est hélas éloquent : la décision a été prise pour des raisons environnementales ; elle apportera 2,7 milliards de recettes fiscales nouvelles. Mais votre budget, Madame le ministre, sera loin d'en profiter pleinement puisque, à périmètre constant, il n'augmente que de 280 millions, soit le dixième de cette manne. De la même façon, la TGAP va être banalisée en recette ordinaire de l'Etat.

Troisième critique : la TGAP bat en brèche une approche partenariale qui caractérisait la gestion française des défis environnementaux. Les différents comités qui vont disparaître au 1er janvier 1999 avaient fonctionné au profit de l'intérêt général.

Enfin, la TGAP est un mauvais outil pour l'environnement. Elle serait, selon ses promoteurs, l'application pleine et entière du principe pollueur-payeur ; elle agirait comme un signal-prix, décourageant certains comportements. Mais c'est une confusion des rôles et des moyens : les comportements polluants sont à décourager, mais cela relève du rôle de l'Etat qui fixe les règles, opère les contrôles, applique les sanctions ; et la relation directe entre facteurs de pollution, taxation et investissements destinés à réduire cette pollution garantit le meilleure rapport coût-efficacité, compte tenu de l'effet de levier des aides financées par les taxes parafiscales environnementales que vous supprimez. En matière de pollution atmosphérique, en 1997, les industriels ont reçu 140 millions d'aides, lesquelles ont déclenché 740 millions de travaux ; quant au VIème programme des agences de l'eau, il a représenté, pour 40 milliards d'aides, 93 milliards de travaux.

La TGAP risque donc de démanteler la politique qui a été patiemment construite depuis trente ans. Vous êtes, Madame le ministre, un défenseur convaincu de l'environnement ; je ne pense pas que vous soyez complice du rapt programmé par le ministère des finances. Pour notre part, nous ne voulons pas y apporter notre caution. C'est la raison pour laquelle le groupe RPR ne votera pas votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Jean-Pierre Brard - Vous étiez meilleur le 22 septembre !

M. Georges Sarre - Y compris pour ceux qui ne font pas profession du combat écologique, même s'ils sont soucieux de l'environnement et souhaitent une eau agréable à boire et un air pur à respirer, ce budget est source de satisfaction. Les crédits croissent de plus de 15 % à structure constante et l'unification des taxes sur les émissions polluantes apporte une incontestable simplification. Cependant je m'interroge : pourquoi le produit de cette taxe est-il versé non plus à l'ADEME comme les cinq taxes qu'elle remplace, mais au budget de l'Etat ? L'ADEME a-t-elle démérité ? Est-ce dans le but de donner au ministère de l'environnement des moyens budgétaires ? Ou est-ce un moyen de soustraire l'Agence aux tutelles de l'Industrie et de l'Education nationale ? Sans épiloguer sur les difficultés rencontrées pour transformer une administration de projet en administration gestionnaire, j'aimerais savoir, Madame la ministre, quelles sont aujourd'hui vos ambitions en matière de lutte contre la pollution de l'air et de l'eau.

En septembre, la journée sans voiture a fait redécouvrir à beaucoup le plaisir des centres-villes. L'absence de bruit, surtout, a -si j'ose la formule- réveillé nos concitoyens. Mais l'exemple ne suffit pas pour combattre les conséquences négatives de choix anciens. Je crains que la pastille verte, destinée à réduire la pollution au moment des pics, ne change pas grand-chose. En revanche, les mois à risque étant connus, il serait bon d'instituer une période estivale et une période hivernale d'alerte, pendant lesquelles, dès que le niveau 2 sera atteint, des dispositions seraient prises, en particulier la circulation alternée. Madame la ministre, entendez-vous remettre sur le métier la loi inachevée sur l'air ?

Ma deuxième préoccupation concerne la gestion de l'eau. La facture d'eau potable des consommateurs a singulièrement augmenté ces dernières années, de façon très inégale sur le territoire, et risque encore de croître fortement sous l'effet des normes environnementales ; en même temps la pollution des nappes phréatiques, notamment dans certaines régions agricoles devient très préoccupante. Les rapports du Commissariat général au plan et de la Cour des comptes ont mis en lumière les effets pervers de la non-application du principe pollueur-payeur : les usagers et les industriels paient pour les agriculteurs.

Dans une circulaire que vous avez cosignée avec le ministre de l'agriculture, vous avez introduit des mécanismes de droit commun pour surveiller l'installation de porcheries dans des zones vulnérables. Fort bien, mais ne risque-t-on pas ainsi d'inciter les éleveurs de porcs à délocaliser leur production dans des zones non surveillées.

Ainsi, dans mon Limousin natal, je puis vous garantir que le mouvement a commencé et peut-être avez-vous lu dans Le Monde une tribune libre où M. André Chandernagor pose à ce propos des questions décisives. Quand pensez-vous appliquer aux éleveurs de porcs le principe "pollueur-payeur" ? Comptez-vous revoir l'ensemble de la politique de l'eau en vue d'aboutir à des prix à peu près identiques dans chacun des six bassins et de garantir la transparence des factures ?

M. Chandernagor demandait : qui demandera et qui obtiendra que le principe "pollueur-payeur" soit étendu aux éleveurs de porcs ? Je voudrais bien que ce soit nous deux, Madame la ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste)

Mme Anne-Marie Idrac - L'environnement, si je puis dire, du budget de votre ministère et ce budget lui-même contiennent de très bonnes choses, Madame : d'abord, la baisse de la TVA sur la collecte et le tri des déchets, ainsi que sur la valorisation-matière. Les commissaires de notre groupe s'en sont réjouis en commission, tout en s'inquiétant de savoir si, après deuxième lecture, ce taux réduit sera étendu à la collecte des journaux et magazines, ainsi que des déchets verts. Je soulignerai aussi la nécessité de donner aux élus locaux soucieux de mettre en place des filières de recyclage industriel de qualité des assurances quant aux objectifs poursuivis et aux aides qu'ils pourront demander : les changements sont un peu trop fréquents ! Je pose, enfin, la question de savoir si la nouvelle taxe permettra réellement à l'ADEME de faire face à ses engagements.

Deuxième motif de satisfaction -pour vous aussi, je pense : les déclarations récentes de MM. Strauss-Kahn et Pierret en faveur d'une continuité de notre politique nucléaire. C'est en effet une garantie aussi bien pour notre indépendance énergétique que pour l'environnement. Nous saluons également la mise en oeuvre de la loi sur l'air et les mesures favorables à un développement des transports en commun que contient le budget de M. Gayssot.

Enfin, à quelques nuances près, nous approuvons tous la réduction de l'écart de taxation entre le gazole et l'essence. Tout au plus aurait-on pu préférer une diminution des taxes sur l'essence : le pouvoir d'achat y aurait gagné et vous auriez fait l'économie de cette usine à gaz qu'est le dispositif prévu pour le remboursement des routiers.

Toutefois, malgré ces motifs de satisfaction, je ferai part de quatre interrogations ou critiques. En premier lieu, si nous sommes loin de désapprouver l'augmentation de vos crédits et si les redéploiements proposés peuvent sembler justifiés, nous nous demandons si la dépense publique sera là totalement efficace. Les augmentations dont vous vous targuez ne sont pas par elles-mêmes une garantie de réussite. Nous nous inquiétons par exemple de constater que les crédits d'administration générale représentent, avec 645 millions sur 2 180, près du tiers de votre budget. Ce poste augmente de 12 % et les structures tendent ainsi à se multiplier, avec le risque de saupoudrage que cela entraîne...

Nous préoccupe aussi le caractère centralisateur de ce budget : le ministère de l'environnement va enfin devenir, nous dit-on, un ministère régalien ! D'un ministère de terrain, ne devient-il pas, avec vous, un ministère de bureaux ? Pour nous, au contraire, votre politique devrait d'abord s'appuyer sur les élus locaux, sur les associations -à condition que les subventions attribuées à celles-ci le soient de façon transparente- et, plus généralement, sur les citoyens, dont-il faudrait développer l'éducation à l'environnement.

Vous avez raison de souligner la contribution du secteur de l'environnement au PIB, à la formation brute de capital fixe et à la création d'emplois. Mais, de ce dernier point de vue, la meilleure méthode n'est sans doute pas de multiplier les emplois-jeunes. On peut d'ailleurs sourire, ou au contraire s'attrister, de dénominations ronflantes comme celle d'animateur du développement local, aux compétences bien imprécises... Que deviendront ces postes dans cinq ans ? Or les "niches" ne manquent pas qui permettraient de développer les emplois dans le secteur privé : je ne citerai que l'entretien des rivières. La fiscalité écologique, écrivez-vous, permettra de recruter pour ces emplois-jeunes : j'eusse préféré lire que la dynamique locale de l'environnement créera des emplois pérennes !

Une quatrième critique a trait à la taxe générale sur les activités polluantes. En dépit de ce que dit la brochure que vous venez de nous distribuer, je ne vois pas que le cercle de la pollution sera rompu : il m'apparaît que l'argent versé par les pollueurs sera mélangé avec les autres recettes et servira à d'autres objectifs que la dépollution. Comment pourra-t-on apprécier l'efficacité de la taxe, dans ces conditions ? Vous annoncez dans la même brochure la notion d'une neutralité fiscale globale : soit, pour la première année, mais comment la neutralité spécifique à chaque secteur évoluera-t-elle à l'avenir ? Cette taxe déconnectée des besoins réels sera déresponsabilisante pour les industriels...

Enfin, ne nous y trompons pas : le ministère des finances a gagné un combat qu'il menait depuis dix à quinze ans. Selon vous, les ressources de l'ADEME seraient garanties, mais vous devriez bien vous souvenir de ce qu'il est advenu de la TIPP ou de la taxe additionnelle au droit de bail. En fait, comme l'a dit le rapporteur, le pari est des plus risqués -d'autant que vous vous exposez désormais à toutes les régulations.

Je vous mets tout particulièrement en garde conte l'application de ce dispositif aux agences de l'eau, l'an prochain. Ce serait un recul qui compromettrait trente années d'un succès qu'on nous envie et cela irait contre la décentralisation, l'autonomie et, comme on l'a dit, la démocratie même qui font la force de ces agences. Ecoutez donc ce que vous disent les élus et les personnels.

Cette taxe est le symbole d'une approche centralisatrice, technocratique et dépensière. Pour nous, l'environnement doit être au contraire l'affaire de tous. Le groupe UDF votera donc contre ce budget, car il refuse un tel meccano administratif (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Daniel Marcovitch - Ce budget témoigne de la priorité qu'accorde le gouvernement de Lionel Jospin à un département trop longtemps négligé. Il apparaît particulièrement satisfaisant pour ce qui concerne la politique de l'eau : les crédits, s'établissant à 265 millions, progressent dans la même proportion que l'ensemble de votre budget, soit de 14 %.

Il est satisfaisant aussi en ce qu'il met l'accent sur la prévention des inondations et sur la restauration des rivières : le plan Loire et le programme décennal de prévention des risques naturels, lancé en 1994, sont confirmés. Satisfaisant, enfin, parce que votre ministère va disposer des moyens techniques et humains indispensables à l'exercice de ses missions régaliennes. Grâce au fonds de concours des agences de l'eau, l'Etat et le Conseil supérieur de la pêche vont pouvoir remplir leur mission de police dans les meilleures conditions.

Les agences de bassin vont bénéficier de 225 créations d'emploi, ce qui représente une augmentation de 15 %. Je rends hommage à leur personnel pour sa compétence et son dévouement.

De plus, les collectivités locales et les associations vont pouvoir créer plus de 800 emplois-jeunes. Ce sont nos enfants, vos enfants, qui vont quitter le statut de chômeur pour exercer une activité salariée.

Sans être exhaustif, je ne peux passer sous silence les 89 postes créés dans les DIREN.

Tout cela est satisfaisant, Madame la ministre, et j'aurais aimé conclure maintenant. Mais il faut aussi aborder des thèmes moins agréables, tout en se gardant d'employer les mots qui fâchent.

Le 20 mai dernier, en conseil des ministres, vous traciez les grandes lignes de votre réforme de la politique de l'eau. Il s'agissait de toiletter, pour ne pas dire plus, ces agences de bassin dont le fonctionnement doit impérativement être démocratisé. On parle parfois, à propos des comités de bassin, de "parlements de l'eau". Mais nous savons qu'un vrai parlement est composé d'élus et non d'individus cooptés et autoproclamés.

Cinq mois plus tard, où en sommes-nous ? Pas très loin, puisque vous n'envisagez aucune réforme d'importance avant la fin du VIIème plan, en 2001. Dans ces conditions, pourquoi vouloir intégrer tout ou partie des redevances dans la TGAP ?

Je ne veux pas m'associer aux protestations des responsables d'agences, qui cherchent pour beaucoup à sauver leur rente de situation, comme l'a montré le récent colloque organisé au Sénat. C'est au nom des élus locaux et du personnel des agences que je souhaite attirer votre attention sur cette question : ils attendaient beaucoup de vos idées de réforme et sont déçus de ne trouver, en fin de compte, qu'un nouveau prélèvement au bénéfice de Bercy. A cet égard, je comprends les inquiétudes de nos collègues de droite, qui ont en mémoire le rapt du 1% patronal, opéré par le précédent gouvernement...

La TGAP, j'en suis persuadé, se révélera efficace. Mais son application au domaine de l'eau n'est envisageable que dans le cadre d'une réforme globale. Il faut revoir les lois de 1964 et de 1992.

Madame la ministre, les députés socialistes seront à vos côtés pour préserver le système français, reconnu dans le monde entier. Il faut garantir le respect du milieu et de la ressource, apporter le meilleur service aux usagers et lutter pour l'emploi dans ce secteur. Nous voterons votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Brard - Ce débat ne manque pas de sel. J'admire les contorsions de nos collègues de l'opposition cherchant à expliquer pourquoi ils ne voteront pas ce budget.

M. Pélissard s'est arc-bouté sur la TGAP. M. Laffineur a certainement rencontré les responsables syndicaux ; mais alors, ceux-ci ont dû lui indiquer que la ministre les avait rencontrés. Mais peut-être aussi n'a-t-il pas eu le temps de lire intégralement son courrier syndical, si peu habitué qu'il est à en recevoir... (Sourires)

Votre budget progresse de 15 % à périmètre constant. Il va passer de 0,14 à 0,3 % du budget civil de l'Etat. C'est un progrès, même si cela ne suffira pas à révolutionner notre politique de l'environnement.

Dans un temps qui n'est pas si lointain, les écologistes n'étaient pas représentés dans cet hémicycle. J'étais alors un des seuls députés à faire état de préoccupations environnementales. Aujourd'hui, sur tous ces bancs, on fait assaut d'écologie et ce n'est pas le ministre qui s'en plaindra.

Reste à mettre en rapport les paroles et les actes. C'est ce que font certains d'entre nous en tant qu'élus locaux. M. Pélissard, bon praticien sur le terrain, a tenu ici des propos plutôt politiciens. Il y a là une contradiction dont il aura du mal à sortir, ne maîtrisant pas bien la dialectique (Rires)...

Il nous reste encore des batailles à gagner.

Ce budget est centré sur la fiscalité écologique, avec la création de la TGAP et l'amorce d'un rattrapage sur le prix du gazole. A ce propos, je pense qu'il aurait fallu aller plus loin. Mme la ministre, tenue par la solidarité gouvernementale, ne peut faire ici état de sa propre conviction, mais ses déclarations antérieures laissent supposer qu'elle pense comme moi.

L'institution de la TGAP, née de la fusion de cinq taxes, constitue un progrès dans la mesure où elle ouvre la voie à une augmentation de la pression fiscale écologique, en vue de réduire la pollution à la source, au lieu d'exonérer les pollueurs de tout effort par des prélèvements trop peu incitatifs. La TGAP ne mérite pas les critiques de M. Pélissard, même si nous devons demeurer vigilants.

M. Laffineur a déclaré qu'il n'était pas opposé à l'augmentation de la fiscalité écologique. En commission cependant, j'ai proposé la création d'une nouvelle taxe sur la chasse, pour payer l'amende qui devra être versée aux autorités européennes... (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV) Cette taxe repose sur le principe du "tueur-payeur"... (Rires) Mais M. Laffineur n'en a pas voulu, montrant ainsi que certains hommes politiques ont toujours du mal à accorder leurs convictions et leurs actes.

Comme promis, l'ADEME va bénéficier d'une dotation de 500 millions pour relancer la politique de maîtrise de l'énergie et de développement des énergies renouvelables. C'est une bonne mesure, qui va créer des emplois.

Je regrette que le débat sur l'énergie, qui nous est promis depuis 1994, n'ait jamais eu lieu. Mme Idrac, facétieusement, a voulu opposer deux membres du Gouvernement. La tenue d'un tel débat permettrait de dissiper les ambiguïtés.

La loi du 2 févier 1995 a créé un comité du débat public, qui doit être consulté avant certaines décisions d'aménagement. Or les moyens dont il dispose sont presque ridicules : un poste et demi, alors qu'il a été saisi de cinq dossiers. Un rapport devait nous être présenté en septembre. Il n'est pas rédigé. Est-ce faute de personnel, ou y a-t-il d'autres raisons ?

L'extension de la période de chasse, votée en violation du droit européen, expose inévitablement la France à une condamnation. Or aucune ligne n'est prévue pour payer l'amende. Comment comptez-vous faire ?

Je me félicite que la loi d'orientation agricole ait institué un dispositif de contrôle pour les organismes génétiquement modifiés, suite à la suspension par le Conseil d'Etat de l'arrêté ministériel autorisant la culture de trois variétés de maïs transgénique. Cet arrêté, selon moi, a été pris en violation du principe de précaution. Nous sommes quelques-uns, Madame la ministre, à être déçus ne de pas vous avoir vue monter au créneau.

Enfin, votre ministère doit prendre des initiatives qui ne coûtent rien, mais peuvent avoir des effets pédagogiques. Je pense à la journée sans voiture du 22 septembre ou à l'unification des modalités de collecte sélective. Comme l'a fait Mme Veil pour lutter contre le tabagisme, vous devez recourir à des mesures incitatives, inscrites dans la durée, plutôt qu'utiliser la contrainte, comme le prônent certains intégristes dont vous vous êtes séparée. Je pense à des gens comme Brice Lalonde, Antoine Waechter et consorts alors que vous, Madame la ministre, faites partie de ceux qui, loin de défendre une conception étroite de l'environnement, conjuguent leurs convictions fortes avec un souci constant de la justice sociale, l'un ne pouvant aller sans l'autre.

En conclusion, malgré les critiques que j'ai formulées sur certains aspects restreints de ce budget, nous le voterons car il marque un progrès réel. Bref, c'est bien mais il faut persévérer (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Guy Hascoët - C'est avec le même plaisir que l'an dernier que j'interviens sur le présent budget.

Les députés savent que l'interdiction qui leur est faite de proposer des dépenses nouvelles ou de procéder à des transferts entre les différents budgets les oblige à travailler à la marge. C'est donc dès l'adoption d'un budget qu'il faut commencer à préparer le suivant.

Cela dit, il est vrai que si l'on dote d'un franc un budget qui n'existe pas, son augmentation est infinie. En l'occurrence, s'agissant du budget qui nous intéresse, il connait une progression spectaculaire. Aussi, ne boudons pas notre plaisir : quand c'est bien, il faut le dire et je conçois que l'opposition ait du mal à trouver des arguments valables pour ne pas soutenir ce projet.

En effet, toutes les lignes de crédits augmentent. A structures constantes, ce budget progresse globalement de 15 %. Cette évolution traduit une volonté politique de renforcer le poids du ministère au sein du Gouvernement.

Au total, près de 400 postes seront créés au profit de l'ADEME, des agences de l'eau et de l'administration centrale.

M. Jacques Pélissard - Nous n'avons jamais dit que ce budget était insuffisant !

M. Guy Hascoët - Je me félicite également de la création du fonds de gestion des milieux naturels. C'est un premier pas et il faudra aller plus loin car les élus locaux vertueux ne sont toujours pas récompensés de leurs efforts, alors que ceux qui multiplient les kilomètres de bitume perçoivent davantage de DGF. Les territoires et les milieux doivent être protégés.

Les baisses de TVA contribueront à empêcher les mauvaises pratiques et à encourager les bonnes. L'effort de l'Etat sera de l'ordre de 500 millions à 1 milliard pour favoriser les mutations en matière de déchets.

A propos de la TGAP, on a parlé d'An I de la fiscalité écologique. J'y vois le début d'un changement qui va se confirmer en France et à l'étranger. En effet, contrairement à la TIPP, la taxe sur les activités polluantes incitera les gens à modifier leurs comportements. Elle a pour vocation de changer de nature dans le temps ou même de disparaître dès lors que tous les comportements seront devenus vertueux.

D'autre part, les questions de centralisation et de décentralisation donnent lieu à un faux procès. Nul n'ignore qu'aucune dotation financière n'est à l'abri d'une décision budgétaire. Ainsi, sans l'alternance politique, l'ADEME s'exposait à un prélèvement soudain de 200 millions opéré sur ses ressources par Bercy.

Pour ce qui est de la politique de l'eau, il faut la rendre plus cohérente. Pendant que l'on l'employait à corriger les erreurs du passé -ce qui est une bonne chose- 50 % des lieux humides ont disparu à cause d'un "saucissonnage" des politiques et des responsabilités.

A partir de 1986, le budget de l'ex-AFME n'a cessé de décroître, passant de 2 milliards à presque rien. Et vous auriez tout lieu d'être inquiet, Monsieur Pélissard, si vos amis revenaient au pouvoir. Mais la situation a désormais changé : la politique de l'environnement n'est plus considérée comme une compétence marginale. Nous sommes entrés dans une phase historique où le budget de l'environnement progressera année après année.

Bien entendu, le groupe RCV votera ce budget avec plaisir (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. le Président - Tous les orateurs ou oratrices ont dépassé leur temps de parole, mais je suis persuadé que M. Blazy n'en fera rien ! (Sourires)

M. Jean-Pierre Blazy - L'importance croissante des problèmes liés à l'environnement et une opinion publique de plus en plus sensible aux effets de l'activité économique et industrielle sur celui-ci impliquent que l'Etat augmente significativement les moyens consacrés à la protection de l'environnement. Je me félicite que le présent budget s'oriente résolument dans cette direction.

Pendant trop longtemps, les effectifs du ministère chargé de l'environnement étaient insuffisants et très inférieurs à ceux de nos voisins européens tels que les pays scandinaves ou certains pays du sud comme le Portugal. Ce budget marque une rupture puisque les effectifs du ministère augmenteront de 6 %. Je tiens à rassurer Mme Idrac : le ministère de l'environnement sera désormais à la fois un ministère régalien et de terrain.

Les associations bénéficieront également de moyens accrus.

Enfin, si la maîtrise des problèmes environnementaux suppose l'utilisation conjointe de plusieurs instruments, la fiscalité détermine la marge de manoeuvre des pouvoirs publics.

Précisément, le projet de loi de finances pour 1999 modifie la fiscalité écologique en introduisant une taxe générale sur les activités polluantes. Cette mesure, qui ne figurait pas dans le rapport de Nicole Bricq, semble justifiée d'une part par l'effet peu dissuasif des taxes antérieures, compte tenu de leur préaffectation, d'autre part, par leur difficile gestion du fait de leur multiplicité. Le souci de simplification que manifeste ainsi le Gouvernement s'inscrit aussi dans la perspective de la future "écotaxe" européenne.

Le nouveau dispositif accroît la souplesse de la fiscalité écologique. En effet, les différentes composantes de la TGAP pourront évoluer en fonction des besoins et être redéployées.

Toutefois, l'affectation du produit de la TGAP au budget de l'Etat me conduit à m'interroger sur la pérennité de ces ressources fiscales indispensables à des organismes tels que l'ADEME. Il n'est que trop facile de prendre l'argent là où il se trouve. Or, pour être efficace, une politique de l'environnement doit s'inscrire résolument dans la durée. Compte tenu des besoins à satisfaire, il est indispensable que des garanties réelles nous soient données.

En tant que membre du Conseil national du bruit et en tant qu'élu directement concerné par l'extension de l'aéroport de Roissy, j'appelle aussi votre attention sur la taxe-bruit destinée à financer les travaux d'insonorisation aux abords des zones aéroportuaires. Le doublement de cette taxe, décidé l'an dernier, a constitué un signal politique fort montrant que les attentes légitimes des riverains étaient prises en considération, en particulier dans la perspective de l'extension de Roissy. 84,5 millions seront affectés à l'ADEME, ce qui correspond bien au doublement de ses crédits qui doit être réalisé en 1999 par rapport à 1997.

Cela dit, il est indispensable d'améliorer la gestion de la taxe-bruit par l'ADEME, ce qui implique une meilleure information des ayants droit et une instruction plus rapide et plus efficace des demandes des riverains. A défaut, on alimente une trésorerie non utilisée qui est susceptible d'être réaffectée ailleurs. Dès lors, le pari de la TGAP deviendrait risqué et la lutte contre les nuisances sonores serait délaissée au profit d'autres priorités. Or, selon le rapport de M. Gualezzi, près de sept millions de Français sont soumis à des niveaux sonores supérieurs à 65 décibels et les doléances proviennent de plus en plus de riverains victimes de nuisances émanant d'infrastructures de transports.

Du bruit comme contrepartie fatale du progrès économique, on est passé au bruit ressenti comme la première forme de pollution.

Quelles suites comptez-vous donner au rapport dont vous avez chargé M. Lamurre ? Il me semble indispensable de compléter la politique fiscale pour financer les mesures préconisées par le rapport de M. Gualezzi. Pensez-vous nous faire des propositions dès la prochaine loi de finances ?

Quant à Roissy, un an après la décision de l'extension, nous constatons des avancées dans certains domaines, mais beaucoup de retard sur d'autres.

Enfin, le projet, adopté en conseil des ministres, tendant à créer une autorité indépendante de contrôle des nuisances sonores sera-t-il inscrit bientôt à notre ordre du jour ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Paul Chanteguet - Certes, on peut réclamer davantage, mais après de nombreuses années où votre ministère a été traité en parent pauvre, le Gouvernement tient son engagement de faire de l'environnement une priorité. En particulier, le volet relatif à la protection de la nature, des sites et des paysages progresse fortement, traduisant l'émergence d'une nouvelle politique de protection et de sauvegarde de la nature.

Dans cette perspective, la création du fonds de gestion des milieux naturels, doté de 164 millions, constitue une grande nouveauté.

Le programme Natura 2000 est sur le point de franchir une nouvelle étape, 90 millions de crédits permettant en particulier de compenser financièrement la gestion de sites, par la contractualisation avec les gestionnaires.

A l'issue de débats difficiles, un inventaire de 543 sites précieux et fragile, a été dressé. Les inscriptions prévues dans ce budget permettront d'aborder plus sereinement les négociations relatives à chacun des sites. Toutefois, il ne faudrait pas que ces crédits se limitent uniquement à des contrats avec des propriétaires et que certains espaces agricoles fragiles en soient exclus. Il reste à établir un cadre juridique solide pour mettre en oeuvre diverses dispositions de la directive Habitat que nous retrouvons à l'oeuvre dans la loi d'orientation agricole et le projet de loi d'aménagement du territoire.

Les parcs naturels régionaux, au nombre de 36, et recouvrant un peu plus de 10 % du territoire, constituent des lieux d'expériences pour le développement local des espaces ruraux habités. Le concept de développement durable leur convient particulièrement bien. L'activité économique qu'ils supportent a permis de créer de nombreux emplois directs, et davantage encore d'emplois induits. Ils contribuent aussi activement au développement des emplois-jeunes.

En 1998, trois nouveaux parcs ont été créés : le Perche, le Périgord limousin et l'Avesnois. L'augmentation importante de la dotation de fonctionnement, qui dépasse 5 millions devrait permettre d'améliorer le fonctionnement des parcs naturels régionaux existants qui ont renouvelé leur charte, et de créer quatre à cinq nouveaux parcs : le Narbonnais, les Causses du Quercy, la Châtaigneraie et Sucs d'Ardèche et le Gâtinais français. Toutefois, le montant des crédits d'investissements, qui n'augmente pas, semble insuffisant.

Pour que le succès des parcs n'entraîne pas leur banalisation, il convient de renforcer les critères de leur sélection et leur consistance juridique.

A chacune des échéances, les parcs doivent apporter la preuve de leur qualité et de leur adéquation avec la loi et les objectifs qu'ils se sont eux-mêmes fixés.

Sur ce point, la superposition des pays et des parcs dans le cadre de la future loi d'aménagement du territoire n'est-elle pas dangereuse ? Les parcs naturels régionaux, dont la délimitation est fondée sur des critères biogéographiques, constituent des laboratoires du développement durable. C'est sur eux qu'il faut s'appuyer pour définir les nouvelles orientations de la politique d'aménagement du territoire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Philippe Duron - L'environnement bénéficie de la deuxième plus forte hausse de crédits de la loi de finances. Avec près de 4 milliards, votre budget représente environ 0,3 % du budget civil de l'Etat. Voilà qui témoigne de la volonté du Premier ministre de faire de l'environnement une priorité.

La part du budget consacrée à la prévention des risques augmente de 9,75 % et dépasse 420 millions. Sept emplois sont créés à la direction de la prévention.

L'actualité rappelle l'importance des risques industriels. A la fin de l'année 1996 et au début de 1997, les mines de fer abandonnées d'Auboué et de Moutiers en Lorraine ont subi des effondrements. En août 1997, l'explosion d'un silo à Blaye a frappé les esprits. En janvier dernier, la commune urbaine de Lille a décidé de suspendre l'activité de trois incinérateurs d'ordures ménagères, des taux de dioxine trois fois supérieurs à la norme admissible ayant été trouvés dans le lait. Enfin, on a suffisamment souligné les risques liés au transport de matières dangereuses.

Votre ministère a pris la mesure de ces incidents, en demandant par exemple aux préfets et à l'ADEME de mesurer les émissions de dioxine. Au total, la prévention des risques industriels bénéficie dans votre budget de 6 millions de crédits supplémentaires.

Les études menées par l'IPSN et l'INERIS, dont le rôle et les moyens, avec en particulier la création de 19 emplois, sont renforcés, vont être multipliées. Tout cela est satisfaisant, à la veille de la transposition dans notre droit, en juin 1999, de la directive SEVESO 2.

25 millions de crédits supplémentaires sont attribués à la prévention des risques naturels, soit une hausse de 50%. Le but est d'approuver 5 000 plans de prévention des risques dans les cinq années à venir afin de satisfaire aux objectifs ambitieux de la loi du 2 février 1995. Le principe de précaution, qui s'impose à l'Etat comme aux collectivités territoriales, sera ainsi mieux respecté.

Les guides méthodologiques qui servent à l'élaboration des PPR d'inondation devraient mieux prendre en compte les milieux et les systèmes climatiques des régions concernées.

Une meilleure prise en compte des risques, une politique renforcée de prévention sont autant d'éléments positifs de ce budget ambitieux qu'à l'instar de mes collègues du groupe socialiste, je voterai (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - A la demande du Gouvernement, je suspends la séance quelques instants.

La séance suspendue à 11 heures 15, est reprise à 11 heures 20.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - L'an dernier, présentant le premier budget de l'environnement de la nouvelle législature, j'avais dit notamment que la qualité d'un budget ne se mesurait pas seulement à l'aune de sa progression -0,9 % ... "A quoi bon un Vert à l'Environnement ?" s'était-on alors demandé et Mme Idrac avait tonné : "Ce budget est mauvais !".

Mais il ne peut y avoir de volonté de maîtrise globale des dépenses publiques, à laquelle je suis attachée, si les ministres et les parlementaires souhaitent dans le même temps que le budget qu'ils présentent ou qu'ils rapportent progresse davantage qu'un autre. Les prélèvements obligatoires sont élevés, il ne s'agit pas de vouloir partout et à tout instant plus d'Etat et plus de dépenses, mais un Etat et des dépenses publiques plus efficaces, au service de chaque citoyen.

M. Patrick Ollier - Jusqu'ici, très bien !

Mme la Ministre - Il s'agit là de la responsabilité individuelle de chaque ministre comme de la responsabilité collective du Gouvernement. Il faut moderniser et réformer l'Etat comme il faut s'interroger régulièrement sur la pertinence des contours et des fonctions de chacun des départements ministériels. Ce qui était juste hier l'est-il toujours aujourd'hui ?

Ce raisonnement, je le tiens encore aujourd'hui, alors que mon budget progresse nettement.

Après avoir remercié vos deux rapporteurs, Michel Suchod, remplacé par Gérard Saumade, et Stéphane Alaize, pour la qualité de leur analyse, je souhaite revenir sur le bilan de l'année écoulée, au cours de laquelle bien des choses ont été faites.

Parmi les actions mises en oeuvre ou engagées, je cite pour mémoire, la relance de Natura 2000, dossier que j'ai trouvé bloqué et sur lequel la concertation a repris ; la protection de nouveaux espaces naturels ; des initiatives visant à mieux maîtriser les pollutions d'origine agricole ; la réforme des instruments de gestion de cette ressource rare et collective qu'est l'eau ; le lancement d'une politique favorisant une réelle diversification de nos choix énergétiques, ainsi qu'un meilleur contrôle et une plus grande transparence en matière nucléaire ; la révision de notre politique de traitement des déchets ménagers et des déchets industriels, qu'a fort bien détaillée Annette Peulvast-Bergeal, afin d'aller vers l'objectif de valoriser 50 % des déchets ménagers rappelé par le rapporteur que je veux rassurer sur le délai de dix ans destiné à nous permettre de faire face à un vrai problème de société ; le meilleur contrôle et l'amélioration de la connaissance des sites pollués ; l'accélération, sur les plan national et communautaire, de la lutte contre la pollution de l'air ; une nouvelle dynamique, suite à la conférence de Kyoto, de la lutte contre l'effet de serre ; la mise en place de la fiscalité écologique ; la création de près de 10 000 emplois jeunes dans le secteur de l'environnement ; le lancement d'un grand chantier pour engager la réforme de l'utilité publique.

Certes, il reste beaucoup de batailles à gagner, comme l'a relevé Jean-Pierre Brard avec humour et lucidité (Murmures sur les bancs du groupe socialiste), pour que le réflexe de l'environnement devienne un réflexe partagé, pour que la politique de préservation de l'environnement ne soit plus perçue comme du poil à gratter mais comme une volonté commune, au service de tous les habitants, des générations présentes comme des générations futures, des citoyens comme des entreprises, de l'emploi et du développement durable.

J'ai pris conscience assez rapidement de l'inadéquation flagrante entre les moyens dont dispose le ministère et les attributions que les gouvernements successifs et la société tout entière lui ont confiées.

Depuis près de dix ans, le ministère de l'environnement est resté aux environs de 0,14 % du budget civil de l'Etat, mais de nouvelles missions lui ont été confiées. Dans les domaines de la nature et des paysages, des déchets, de la lutte contre la pollution de l'air ou de l'eau, de la prévention des risques, il a peu à peu été doté de missions régaliennes. Il fait la loi et la met en oeuvre ; il participe au droit communautaire et à son application ; il exerce des missions de police, préventive ou répressive. En outre, l'environnement est un domaine dans lequel nos concitoyens souhaitent particulièrement le dialogue et la concertation. On comprend donc que les personnels de l'environnement, dévoués et compétents, réclament un véritable service public de l'environnement, des moyens substantiels et non quelques "bouts de ficelle".

Le budget de l'environnement français est plus faible que celui de la plupart des pays européens. Le Danemark consacre 1,6 % de son budget à l'environnement, les Pays-Bas y affectent 0,8 % du leur. On me dira que les pays nordiques ont une longue tradition en la matière. Mais le Portugal atteint 0,45 %...

J'ai donc plaidé auprès du Premier ministre pour que l'environnement figure, pour la première fois, dans les priorités budgétaires du Gouvernement et fasse l'objet d'une première étape de mise à niveau. J'ai été entendue : le budget que j'ai le plaisir de vous présenter affiche une progression, à périmètre et fonctions constants, de 15,6 % de PLF à PLF, de 14,8 % de LFI à PLF. A périmètre et fonctions modifiés, la progression est de 110 %, en raison, d'une part, de la volonté du Premier ministre de relancer la politique française de maîtrise de l'énergie et de développement des énergies renouvelables, d'autre part, de la création de la TGAP.

A périmètre et fonctions constants, le budget s'établit à 2 milliards 180 millions. Les mesures nouvelles, qui représentent environ 300 millions, répondent à trois priorités : renforcer le socle du ministère, mieux assurer la gestion et mieux valoriser les espaces et milieux naturels, mieux prévenir les risques.

Avec 2 412 agents, soit 0,13 % des effectifs civils de l'Etat, le ministère ne peut ni remplir les fonctions essentielles d'une administration centrale, ni assurer, dans les DIREN, la mise en oeuvre des politiques de l'environnement, avec toute la concertation nécessaire. Le rapporteur disait tout à l'heure que ce ministère produisait beaucoup de droit ; cependant il n'a pas de vrai service juridique et il a dû préparer avec les moyens extrêmement modestes le code de l'environnement qui devrait être présenté au Parlement cette année.

Le Premier ministre a donc accepté que soient créés en 1999 140 emplois, dont 89 dans les DIREN, 29 en administration centrale et 22 dans les DRIRE, au titre de l'inspection des installations classées. Je n'aurai pas la cruauté de rappeler comment ont évolué les effectifs au cours des années passées... ("Si !" sur les bancs du groupe socialiste) L'effort consenti en faveur de ce ministère, comme en faveur de celui de la justice, n'entraîne pas un gonflement des effectifs de l'Etat, qui sont globalement stables.

Dans les autres administrations de l'environnement, 550 emplois vont être créés, dont 225 dans les agences de l'eau au titre du soutien à la création d'emplois-jeunes, une centaine à l'ADEME, 28 au conseil supérieur de la pêche, 23 dans les parcs nationaux, 19 à l'INERIS, 9 à l'IFEN, 4 au conservatoire du littoral et 4 au muséum d'histoire naturelle. Soucieuse de la cohérence de l'action de l'Etat et d'une proximité entre ses agents et les élus locaux, j'ai souhaité que les DIREN aient un rôle de tête de réseau des administrations territoriales de l'environnement. En revanche, il me semble prématuré de créer des directions départementales de l'environnement : nous n'avons pas encore atteint pour cela la taille critique.

Outre la création d'emplois, le ministère est doté de moyens de fonctionnement supplémentaires, qu'il s'agisse de formation, de communication, d'information, qu'il s'agisse de nos activités internationales et communautaires, de l'informatisation des services ou encore du domaine immobilier. Je souhaite en particulier que les agents des DIREN puissent travailler dans des conditions plus décentes et que les services qui sont éparpillés puissent être regroupés. Il est également nécessaire de moderniser le parc de véhicules des DIREN, car beaucoup ont plus de 200 000 km au compteur et, bien sûr, n'ont pas la pastille verte...

Ces moyens supplémentaires doivent être mis au service des politiques conduites par le Gouvernement. Pour ce qui est de la protection et de la valorisation des milieux et espaces naturels, il s'agit de rattraper le retard accumulé depuis de longues années, en particulier pour Natura 2000.

C'est ainsi que sera créé en 1999 le fonds de gestion des milieux naturels, destiné à favoriser les politiques contractuelles. Il financera notamment la politique de connaissance et d'inventaire de la diversité biologique et des milieux naturels, Natura 2000 et les actions communautaires, la participation à la politique des parcs naturels régionaux, des conservatoires régionaux d'espaces naturels et des réserves de biosphère. Divers parcs auront été mis en place en 1998 ou 1999 : Perche, Avesnois, Périgord limousin, Gâtinais français, Causses du Quercy, Pays narbonnais, Guyane, Châtaigneraie d'Ardèche...

M. Kofi Yamgnane - Et le parc d'Armorique ?

Mme la Ministre - D'autres sont en préparation, bien sûr, de même, que des parcs nationaux, en particulier le parc marin d'Iroise !

Ces parcs naturels ne sont pas des sanctuaires où l'on mettrait la nature sous cloche ; le développement local et l'emploi sont au rendez-vous. L'émergence des pays ne constitue en rien une menace car ces parcs constituent de véritables modèles ; la ministre de l'environnement est aussi attachée aux PNR que la ministre de l'aménagement du territoire.

Le fonds sera doté en 1999 de 164 millions, dont 90 de mesures nouvelles. Natura 2000 bénéficiera de plus de 100 millions. Les dotations affectées aux parcs naturels régionaux et aux conservatoires régionaux d'espaces naturels augmenteront sensiblement.

La progression de la dotation aux réserves naturelles permettra d'en créer neuf après les huit créées en 1998. La dotation du conservatoire du littoral va passer, en autorisations de programme, de 125 à 135 millions. La cotutelle exercée par mon ministère sur le muséum national d'histoire naturelle et sur l'école du paysage sera renforcée, en particulier par l'octroi de moyens nouveaux.

Cet ensemble de mesures s'accompagne de dispositions en faveur du monde associatif, car je crois à la vertu du dialogue avec lui et à la force de la contre-expertise. Les résultats des concertations menées, dans le cadre de la commission nationale du débat public, à l'occasion des dossiers Port 2000 et de la ligne à très haute tension Boutre-Carros en témoignent. Monsieur Brard, cette commission n'a qu'une année d'existence ; nous sommes conscients de la nécessité de la renforcer.

Augmenter les moyens des associations ne signifie pas donner je ne sais quel "argent de poche" à la ministre, mais bien favoriser le partenariat avec le monde associatif. Nous avons retenu différents critères pour attribuer les subventions : engagement en faveur de l'emploi, participation à notre travail au niveau international, à des structures de concertation officielles, aux efforts d'éducation à l'environnement...

La réforme de l'utilité publique, l'an prochain, participera du même esprit.

Tout cet arsenal devrait contribuer à rassurer M. le rapporteur pour avis. Je refuse toute cogestion avec les associations car je respecte trop leur autonomie. Par ailleurs, le fait qu'elles soient associées aux projets en amont fera qu'elles seront moins tentées de recourir, en appel, aux tribunaux. Ce respect et cette écoute devrait être gage d'un travail en commun utile et fécond.

La prévention des risques naturels, technologiques ou industriels, constitue une autre de mes priorités. Elle suppose tout d'abord que soient développés les instruments de connaissance des milieux et d'évaluation des risques. L'IFEN et l'INERIS seront donc confortés, grâce à des mesures nouvelles, de 8 et de plus de 22 millions respectivement. L'INERIS pourra ainsi développer deux nouveaux pôles de compétences, l'un consacré aux carrières, l'autre à l'écotoxicologie.

Parallèlement, il s'agit d'oeuvrer sur le terrain à la protection des biens et des personnes. Ainsi, le plan Loire, qui entrera en 1999 dans sa deuxième phase, et le programme décennal de prévention des risques naturels seront dotés de 346 millions. De plus, j'entends que l'Etat cesse de se désintéresser de son domaine public fluvial, hormis celui de la Loire : une mesure nouvelle de 9 millions a donc été inscrite en dépenses ordinaires. Le système d'annonces de crues sera en outre renforcé, grâce à une augmentation de plus de 15 % de la dotation.

Comme vous le savez, les lois du 22 juillet 1987 et du 2 février 1995 ont posé le droit du citoyen à être informé sur les risques naturels et technologiques majeurs, et elles ont institué les plans de prévention des risques. Dans le rapport remis au début de cette année, l'instance d'évaluation et de prévention des risques naturels a préconisé de réaliser 10 000 de ces PPR au cours des dix prochaines années, au lieu des 2 000 prévus d'ici à 2000. Avec seulement 1 800 documents valant PPR approuvés à la fin de 1998, nous serons loin du compte. La dotation consacrée à ces plans et à l'information préventive sera donc portée de 42 à 64 millions en 1999.

Comme l'a souligné M. Duron, il serait paradoxal de demander à mon ministère de réparer les dégâts et mieux vaut donc insister constamment sur la prévention, en interdisant de construire dans les zones inondables et en aménageant et entretenant les cours d'eau, notamment. Cela permettra d'économiser l'argent public comme les vies humaines, mais aussi de créer des emplois, mais cela suppose un gros travail pédagogique : on ne peut imaginer le nombre de dérogations sollicitées !

Enfin, à quelques jours de la conférence de Buenos Aires, chargée de mettre en oeuvre le protocole de Kyoto, j'entends conforter la lutte contre la pollution atmosphérique et contre l'effet de serre. Plus de 235 millions seront ainsi affectés, en application de la loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie : 11 iront à la réalisation d'études préalables à l'élaboration de plans tels que les plans de déplacements urbains ; 50 aux associations de surveillance de la qualité de l'air ; 60 à des études sur la pollution de l'air et 115 au financement des équipements de surveillance.

Deux éléments sont venus modifier fortement le périmètre d'action de mon ministère. En premier lieu, comme vous le savez, le Premier ministre a décidé, en février 1998, de relancer la politique de maîtrise de l'énergie et de développer les énergies renouvelables : de fait, la seule énergie qui ne pollue pas est celle qui n'est pas consommée. Une dotation nouvelle, annuelle et donc pérenne de 500 millions sera donc versée à l'ADEME pour cette mission nouvelle. Les deux tiers de la somme, soit 333 millions seront versés par mon ministère, le solde par le secrétariat d'Etat à l'industrie. Grâce à cette dotation nouvelle, le budget de l'environnement augmente de plus de 30 %.

Le fonctionnement de l'ADEME a été gravement perturbé l'an passé, en raison du non-renouvellement de son conseil d'administration. La nomination d'un nouveau président et d'un nouveau directeur, l'élaboration d'un projet d'entreprise ont permis à l'agence de redémarrer et cette relance sera confirmée en 1999 grâce à la création de 100 emplois. L'agence ne peut en effet se contenter de distribuer des subventions : elle doit informer, par le biais de l'Observatoire sur les coûts de traitement et d'élimination des déchets, et elle doit conseiller les collectivités pour leur permettre d'analyser les situations et d'y faire face.

Enfin, comme vous l'avez constaté en approuvant l'article 30 de la première partie du projet de loi de finances, l'an 1 de la fiscalité écologique va pouvoir s'ouvrir : la taxe sur le gazole sera relevée de quelques centimes, en premier lieu. J'aurais certes aimé qu'on aille plus loin, Monsieur Brard, et seule la solidarité gouvernementale m'en a empêchée. Mais reconnaissez qu'être solidaire avec M. Gayssot est agréable...

M. Jean-Pierre Brard - Je vous laisse la responsabilité du propos !

Mme la Ministre - Je me réjouis en tout cas qu'aient cessé les sempiternelles querelles entre le ministère des transports et celui de l'environnement, et que nous parlions désormais d'une même voix !

Mme Peulvast-Bergeal a aussi rappelé l'encouragement donné au tri des déchets, à la collecte sélective et à la valorisation-matière, contre le recours quasi exclusif à l'incinération. Mais la fiscalité écologique se traduit aussi par l'instauration de la taxe générale sur les activités polluantes. A ce sujet, nous avons tout entendu ce matin : pour certains, ce ne serait que l'unification des taxes existantes ; pour d'autres, nous compromettrions le financement des établissements publics qui bénéficiaient des taxes affectées ! Je le dis donc clairement : la TGAP n'est pas un impôt supplémentaire mais un nouvel instrument, pour une fiscalité de l'environnement plus simple, plus moderne et plus efficace. Nous y avons regroupé les quelque 76 taxes existantes -que je serais bien incapable de citer toutes -mais surtout nous avons rompu avec une logique défensive, héritée d'une époque où l'Environnement était considéré comme un secteur coûteux et où il s'agissait avant tout, non de dissuader de polluer, non d'inciter à la vertu, mais de réparer les dommages. Cette première application du principe "pollueur-payeur" était bien imparfaite car elle dérivait vers une politique "pollueur-sociétaire" ou "pollueur-mutualiste" : le fait d'avoir payé valait droit de continuer à polluer. L'institution de la TGAP devrait au contraire encourager la prévention et des comportements plus vertueux. Dès lors, il devenait inévitable de renoncer à un lien direct entre le montant du prélèvement et le montant des réparations. Sur ce point, je ne puis qu'être en désaccord avec M. Pélissard : si l'on persistait dans l'ancienne logique, ceux qui paieraient pourraient exiger de pouvoir continuer à polluer.

La déconnexion permettra, d'autre part, à prélèvement global constant, de dégager des ressources pour réduire les prélèvements pesant sur l'emploi ou les prélèvements socialement injustes : ce qu'on appelle le "second dividende" et que nous retrouvons ailleurs avec le relèvement de la taxe sur les mises en décharge et la réduction de la TVA sur les abonnements de gaz et d'électricité.

En 1999, la TGAP se substituera aux taxes jusqu'ici directement prélevées par l'ADEME. Quant à son extension au secteur de l'eau, elle fait actuellement l'objet d'une très large concertation. Le 27 juillet, j'ai proposé aux syndicats de s'associer à celle-ci et la montée des protestations me laisse donc perplexe. N'ai-je pas réaffirmé le 20 mai l'attachement du Gouvernement au principe même des agences de l'eau et à celui de la gestion par bassin -ce qui n'exclut d'ailleurs pas la solidarité- ? Je ne vois donc pas de motifs de s'inquiéter aujourd'hui et, si je partage les critiques de MM. Vila et Marcovitch, j'entends bien rénover le système, y compris en mettant en oeuvre des outils fiscaux plus justes et plus efficaces. La TGAP n'est qu'un de ces instruments.

Notre réforme des agences de l'eau obéira à quatre soucis majeurs. En premier lieu, il s'agit d'associer le Parlement à la politique de l'eau : n'est-il pas paradoxal que certains d'entre vous se plaignent du peu d'influence qu'a le Parlement sur la politique budgétaire et, dans le même temps, semblent préférer que cette politique de l'eau soit pilotée à partir des comités de bassin, où ils ne siègent pas ? Il faut que le Parlement débatte des grandes orientations, fixe le cadre dans lequel seront perçues les redevances et valide les programmes pluriannuels des agences.

Comme le souhaite M. Vila, il faut rendre plus transparent le mode de fonctionnement des agences de bassin. Peu nombreux sont, à mon avis, les députés capables d'expliquer à un usager le mécanisme de la contre-valeur et d'analyser sa facture d'eau. Améliorer la transparence, c'est rendre plus juste la fixation du montant des redevances, qui devrait être lié au potentiel polluant du consommateur. Il ne s'agit que d'appliquer le principe du "pollueur-payeur", en vue de rendre l'action publique plus efficace.

La concertation ne fait que commencer et je serais heureuse d'y associer votre groupe d'étude parlementaire.

Parmi les craintes exposées ici, il faut distinguer celle qui sont fondées de celles qui me semblent irrationnelles. On ne peut parler, comme l'a fait M. Pélissard, d'une captation étatique des ressources, même s'il a raison d'affirmer qu'un compte spécial du Trésor ne constitue pas la meilleure protection. Outre la volonté et la force de persuasion du ministre, la meilleure garantie réside dans la vigilance des citoyens et de leurs élus.

Rares sont ceux, aujourd'hui, pour qui la défense de l'environnement ne serait qu'un coût. D'une part, ne pas intervenir a aussi un coût pour la collectivité. En outre, le secteur de l'environnement figure parmi les premières activités créatrices d'emploi. Il représente 15 % des emplois-jeunes, ce qui le place en leader, à égalité avec le secteur de la santé et de la protection sociale. De même, l'industrie française est en pointe dans les domaines du traitement des déchets, de l'eau ou de la reconquête des sols pollués. En outre, tout ne peut pas être comptabilisé. Que vaut la survie d'une espèce menacée ? Que vaut la beauté d'un paysage ?

Enfin, qualité de l'environnement et justice sociale se rejoignent souvent. Ce sont en général ceux qui rencontrent les plus graves difficultés financières qui vivent dans les environnements les plus dégradés et, Monsieur Blazy, je porterai une attention particulière à la lutte contre le bruit. Environ 2 500 points noirs ont été identifiés. Les contrats de plan Etat-régions comporteront une première étape sur ce chemin.

Alors que nous avons eu du mal à dégager des moyens pour lutter contre le bruit, l'ADEME avait cette année beaucoup d'argent au titre du traitement des déchets ménagers. Grâce à la TGAP, il n'y aura plus qu'un seul fonds, ce qui permettra, certaines années, de mettre l'accent sur une politique particulière.

Le budget de mon ministère pour 1999 sera abondé de 1,435 milliard par la TGAP, cette dotation supplémentaire devant être reversée à l'ADEME, qui bénéficiera ainsi de ressources supérieures de 40 % au produit des cinq taxes parafiscales en 1998.

Nous avons la volonté d'aller plus loin, qu'il s'agisse de la protection de l'environnement, de la justice sociale ou de la démocratisation des choix. Il faut aussi moderniser nos outils de gestion de l'environnement, renforcer la formation du personnel concerné et améliorer l'information du public.

Je remercie les parlementaires qui participent à notre réflexion. Je regrette cependant que les groupes de l'opposition prennent prétexte d'un danger hypothétique pour ne pas voter ce budget, alors que M. Pélissard, en commission, a salué sa progression. Je crois pouvoir montrer une certaine fierté (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

QUESTIONS

M. Pierre Cardo - La loi du 2 février 1995 prévoit, à la demande des élus locaux, la possibilité d'exproprier les personnes domiciliées dans les zones à haut risque, dites "zones rouges". Or ce dispositif ne règle pas les problèmes liés à l'existence de carrières souterraines, qu'il s'agisse des habitations situées en zone rouge et pour lesquelles toute autre mesure de prévention serait plus onéreuse que l'expropriation, ou des habitations situées en zone bleue, c'est-à-dire à proximité des zones dangereuses.

Envisagez-vous de modifier cette loi pour autoriser le fonds d'indemnisation qu'elle a créé à financer des travaux d'élimination des risques, comme le comblement des vides ?

Parce qu'elle institue un traitement inégalitaire des citoyens, cette loi va causer de lourds contentieux, ainsi que des drames.

M. le Rapporteur spécial - Ce n'est pas la loi qui cause de tels drames !

M. Pierre Cardo - Si, dans la mesure où elle est inapplicable. Venez voir sur le terrain.

Mme la Ministre - J'ai noté que vous avez interrogé les ministres de l'environnement successifs sur les modalités d'intervention de l'Etat en cas de risque d'effondrement dû à la présence de carrières souterraines. Ma réponse ne constituera pas une rupture par rapport aux précédentes.

La loi du 2 juillet 1987 dispose que, dans le cadre d'un plan de prévention, certaines obligations peuvent être imposées aux propriétaires. Elles doivent ne porter que sur des aménagements limités et leur coût ne peut excéder 10 % de la valeur vénale ou estimée du bien.

Dans les Yvelines, le plan de prévention des risques comporte des dispositions prévoyant, en cas d'effondrement, des mesures visant à compenser le coût du préjudice. En zone bleue, il met à la charge du propriétaire, dans la limite des 10 %, les sondages de reconnaissance et les premiers travaux de comblement.

Par ailleurs, le fonds de prévention des risques naturels majeurs, créé par la loi du 2 février 1995, a pour objet de financer les indemnités d'expropriation ainsi que les dépenses liées à la restriction de l'accès aux zones dangereuses et à la démolition des logements. Depuis l'adoption de la loi de finances rectificative pour 1997, il contribue aussi à l'ouverture de travaux propres à prévenir les conséquences exceptionnelles de certains risques majeurs, comme à Séchilienne, dans l'Isère. Le financement de ces travaux est explicitement limité : 145 millions, à consommer avant le 31 décembre 1999. Cette ressource n'est donc pas utilisable pour la question qui vous préoccupe.

M. Patrick Ollier - Nous venons d'examiner le projet de loi d'orientation agricole et la volonté d'encourager l'activité dans les zones de montagne a être réaffirmée. Mais la réapparition de grands prédateurs dans le massif alpin, le lynx et le loup, ne va pas sans poser de problèmes. C'est pourquoi M. Le Pensec a confié une mission sur ce sujet à M. Bracque.

La présence de l'homme dans ces zones doit être préservée. Je suis favorable à la défense de l'environnement et à la protection des espèces menacées. Mais quand la survie même de l'espèce n'est pas en danger, l'article 9 de la convention de Berne autorise, par dérogation, qu'on prenne des mesures de régulation.

Acceptez-vous que l'application de cet article fasse partie des solutions qui seront envisagées pour les départements où le loup n'a pas encore fait son apparition ?

Mme la Ministre - Pardonnez-moi, vous criez avant d'être mordu ! (Sourires)

Selon la convention de Berne et l'arrêté ministériel relatif à la protection des loups, l'espèce peut être régulée si elle n'est pas en danger ou si elle cause des dommages mettant en péril l'agriculture et les populations et ce, après avis du comité national pour la protection de la nature et les ministères intéressés.

Les conditions ne sont actuellement pas réunies pour ouvrir cette possibilité de régulation. Le nombre de loups reste très modeste dans notre pays : on en dénombre une vingtaine répartie en quatre meutes au lieu de 450 en Italie.

D'autre part, à l'issue de la mission qui vient tout juste de lui être confiée, M. Bracque devra dire comment concilier la présence des loups et le maintien du pastoralisme.

Notre stratégie est de nature à apaiser l'inquiétude des bergers dont je supporterais mal qu'elle soit amplifiée de façon parfois un peu politicienne par les élus... (Protestations sur les bancs du groupe du RPR) Les craintes qu'ils expriment ne sont pas sans rappeler celles du Moyen Âge !

M. Nicolas Dupont-Aignan - Ma question a trait aux moyens budgétaires et réglementaires destinés à lutter contre les nuisances sonores liées au trafic aérien. En particulier, les fonds dont disposera la nouvelle autorité de contrôle technique viendront-ils du ministère des transports ou de celui de l'environnement, ce qui serait bien préférable ?

D'autre part, mon inquiétude pose sur la TGAP, qui se substituera à la taxe sur le bruit, laquelle sert à financer les travaux d'insonorisation des habitations. Nous avions obtenu le doublement de cette taxe. Nous craignons, étant donné l'opacité du système d'attribution des crédits par l'ADEME, que son produit soit désormais affecté à d'autres usages. Quel contrôle pourrons-nous exercer sur les dépenses de l'ADEME ?

Bref, Madame la ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour que les fonds prélevés sur les compagnies aériennes profitent réellement aux riverains des aéroports ?

Mme la Ministre - Je profite de cette question pour répondre plus précisément à l'interpellation de M. Blazy.

L'an dernier, nous avons accru les moyens de lutte contre le bruit autour des aérodromes, parce que nous ressentions la nécessité d'apaiser l'inquiétude des citoyens, pour qui le bruit est le premier motif de plainte.

La priorité politique donnée à la lutte contre le bruit doit être constamment réaffirmée. Il faut consolider les ressources de l'ADEME à cette fin et dégager les moyens nécessaires pour résorber les 2 500 points noirs du bruit.

Cela dit, nous éprouvons quelques difficultés à mettre à contribution les responsables du bruit. Si la tâche est relativement aisée pour les grands aéroports, elle l'est moins lorsque le bruit est émis par des voies ferroviaires ou encore par le roulement des voitures et poids lourds. Je ne veux pas qu'on m'accuse de taxer encore l'automobile, même si l'envie ne m'en manque pas !

La lutte contre le bruit impose d'aider les victimes mais aussi de pénaliser les fauteurs de bruit. A cet égard, vous apprécierez sans doute les amendes infligées aux propriétaires de compagnies aériennes qui, par exemple, ne respectent pas les couloirs d'approche...

M. Nicolas Dupont-Aignan - Cela s'applique à Roissy, mais pas à Orly.

Mme la Ministre - Les dispositions seront progressivement étendues. Cette stratégie qui associe prévention, réparation des dégats et punition des fauteurs de bruit, repose sur une volonté politique soutenue par les élus et réclamée avec force par les populations.

M. Thierry Lazaro - Dès l'an 2000, la TGAP s'appliquera à toutes les activités polluantes, quelle que soit leur origine, y compris à l'eau. Cette nouvelle taxe, dont la perception sera centralisée par le ministère, se substitue aux redevances que percevaient les agences de l'eau.

La recentralisation à laquelle vous procédez ainsi suscite une inquiétude d'autant plus vive dans nos régions que, s'agissant de la politique de l'eau, la gestion directe par les comités de bassin en association avec les élus locaux est une vraie réussite. Elu du département du Nord où la ressource en eau est particulièrement menacée, je me félicite du travail remarquable accompli par l'agence de bassin Artois-Picardie.

L'intégration de la redevance versée aux agences de l'eau dans la TGAP ne menace-t-elle pas l'avenir de ces organismes ? Rien ne nous garantit que, pour faire face à des aléas économiques, le ministère du budget ne gardera pas une part croissante du produit de la nouvelle taxe. Qui financera alors les investissements nécessaires pour lutter contre la pollution ? Je crains une hausse brutale du prix du mètre cube d'eau.

Je suis un écologiste de coeur, de conviction et de raison. Avez-vous l'intention, Madame la ministre, d'inclure l'eau dans la TGAP ?

Mme la Ministre - Je suis très émue : à vous entendre, il n'y aurait depuis des décennies que des écologistes dans cette Assemblée ! Alors, comment se fait-il que la qualité de l'eau soit si mauvaise en Bretagne ou que trente ans après la création des agences de l'eau, les problèmes restent si aigus dans ce secteur ?

Si l'on veut défendre ces agences, il faut avoir le courage de les adapter aux évolutions. Tout le monde en convient, la gestion par bassin versant est une bonne chose. Mais les comités de bassin ne sont pas des parlements de l'eau car certaines associations et catégories d'usagers n'y sont que bien peu représentées. D'autre part, il faut éviter que les pollueurs ne se comportent en contribuables exigeant de gérer les sommes qu'ils versent en contrepartie de la pollution qu'ils provoquent. Ce n'est pas l'Automobile-Club, mais la puissance publique qui gère la TIPP. Voilà pourquoi je souhaite qu'on réaffirme le rôle du Parlement. Un débat aura lieu tous les cinq ans sur les grands axes d'intervention des agences. Nous romprons ainsi avec des pratiques anticonstitutionnelles en matière de fixation des redevances.

Bref, je ne souhaite pas une recentralisation. Je veux seulement que les agences de l'eau, qui gèrent 12 milliards, soient aussi efficaces que possible pour améliorer la qualité de la ressource (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV).

M. Pierre Micaux - La loi sur l'eau de janvier 1992 oblige les communes à prendre en charge les dépenses de contrôle des systèmes d'assainissement non collectifs déjà en service. Le désengagement de l'Etat va obliger les communes à se doter de services spécialisés ou à déléguer ces missions à des bureaux d'études.

S'agissant des constructions neuves pour lesquelles un système d'assainissement non collectif est envisagé, comment les dépenses de contrôle seront-elles financées ? Incomberont-elles au pétitionnaire ou à la commune ?

Mme la Ministre - La loi de 1992 a fait de l'assainissement non collectif un mode de traitement des eaux usées à part entière. Les communes sont responsables du contrôle des installations correspondantes. Pour exercer cette responsabilité très lourde, elles ont intérêt à se grouper dans un syndicat intercommunal.

L'emploi à plein temps de personnel qualifié coûte également cher. Le financement est mis à la charge des usagers, par le biais d'une redevance. Pour clarifier les modalités de perception, le décret du 24 octobre 1967 est en cours de modification. Nous réfléchissons à la mise à disposition d'emplois-jeunes dans le secteur du contrôle de l'eau. Les communes ont jusqu'au 31 décembre 2005 pour mettre en place ce nouveau service. Les DDASS les aideront à réaliser progressivement ce transfert de compétence. Cet encouragement devrait permettre d'atténuer dans le futur l'importance des travaux d'extension d'assainissement collectif en zone rurale, dont le coût est également considérable.

M. René André - Voilà près d'un an, au cours de la conférence des présidents de comité de bassin, vous avez fait part d'un grand projet sur l'eau. Depuis, rien n'est venu, sinon aujourd'hui la TGAP, qui paraît contredire votre propos initial, puisqu'elle tend à reconcentrer dans les mains de l'Etat le pouvoir de décision et de cogestion que possédaient les collectivités locales, et à remettre en cause l'action et le rôle des agences de l'eau.

Le risque est grand de voir s'envoler le prix de l'eau payé par les consommateurs. En effet comment les collectivités locales pourront-elles poursuivre et développer leurs travaux d'assainissement si elles ne bénéficient plus de subventions qu'elles recevaient des agences de bassin ?

Quels pouvoirs de décision les élus locaux conserveront-ils ? Que deviendront les agences de l'eau, et leurs 1 700 emplois ? Qu'en sera-t-il des programmes de mise aux normes des exploitations agricoles, qui ont permis, dans la Manche, de procéder à plus de 250 réalisations, 743 étant en attente après des études validées ?

Votre réforme ne comporte-t-elle pas une amorce de fiscalité écologique sur l'eau dont l'agriculture ferait bientôt les frais ?

Mme la Ministre - Ne faites-vous pas de la politique fiction ? La concertation destinée à examiner dans quelles conditions le secteur de l'eau pourrait être intégré dans la TGAP commence à peine, et devrait durer plusieurs mois.

M. Thierry Lazaro - L'intersyndicale ne s'en est pas aperçue !

Mme la Ministre - J'ai reçu tous les syndicats des agences de l'eau le 27 juillet, et je les consulterai à nouveau.

M. René André - Reconnaissez que l'inquiétude est grande !

Mme la Ministre - L'inquiétude relayée par certains élus désireux de continuer à gérer seuls des sommes considérables sans contrôle réellement démocratique, je la comprends. Que cette inquiétude soit largement amplifiée dans l'agence la plus riche par des fonctionnaires qui n'ont pas hésité à recourir aux conseils des précédents ministres de l'environnement rémunérés à cet effet, je le sais aussi. Mais ce n'est pas sur ces fondements que le Gouvernement doit asseoir sa politique de l'eau (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Brard - Dure transparence !

Mme la Ministre - Vous avez rappelé que j'avais annoncé l'an dernier devant les comités de bassin une réforme des instruments de la politique de l'eau, pour affirmer que rien n'a été fait. C'est inexact. Le 20 mai, j'ai présenté en conseil des ministres une communication très complète dont j'ai rappelé les principaux éléments. Des actions démarrent. L'inquiétude que vous évoquez est irrationnelle. Les 1 700 emplois des agences de l'eau ne sont nullement menacés, puisque leur nombre a augmenté de 200 cette année et que, dans ce secteur dynamique, les besoins sont immenses. Les programmes de mise aux normes des bâtiments agricoles ne sont pas davantage menacés, bien au contraire !

M. René André - Je n'ai pas recouru aux menaces ni à l'irrationnel, j'ai posé des questions.

Mme la Ministre - Nous pouvons être en désaccord, sinon nous serions peut-être dans le même parti !

M. le Président - J'appelle les crédits inscrits à la ligne "Aménagement du territoire et environnement, II. Environnement".

Les crédits des titres III et IV de l'état B, successivement mis aux voix, sont adoptés, de même que les crédits des titres V et VI de l'état C.

M. le Président - Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement concernant l'environnement (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

La suite de l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999 est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 40.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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