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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 16ème jour de séance, 39ème séance

1ère SÉANCE DU VENDREDI 23 OCTOBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. Yves COCHET

vice-président

          SOMMAIRE :

LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- (suite) 1

OUTRE-MER 1

La séance est ouverte à neuf heures.


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LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999.


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OUTRE-MER

M. le Président - Je rappelle que la Conférence des présidents a pris des dispositions spéciales pour permettre, à l'occasion de l'examen des crédits, la tenue d'un débat sur l'outre-mer.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer - Il y a un an, lorsque j'ai eu l'honneur de vous présenter le projet de budget 1998, nous avons tous pris conscience que l'outre-mer français méritait mieux qu'une matinée parlementaire, la veille de la Toussaint. L'examen du budget doit être pour nous un rendez-vous majeur, permettant au Gouvernement et aux députés d'aller au fond des problèmes et de débattre d'orientations dépassant le cadre de l'exercice annuel.

Je remercie le Premier ministre, le Président de l'Assemblée nationale, la Conférence des présidents, d'avoir accédé à notre demande conjointe.

Pour la première fois, hors circonstances exceptionnelles, l'Assemblée nationale peut se faire l'écho des préoccupations de nos compatriotes d'outre-mer. C'est un exercice nécessaire, mais qui exige de nous souci de clarté, d'écoute et esprit de responsabilité.

Pour ma part, et au nom du Gouvernement tout entier, j'y suis bien évidemment disposé. Vous présenter, d'un même trait, le projet de budget de mon département ministériel et les grandes orientations du Gouvernement m'est d'autant plus facile que la dépense publique se doit d'être la traduction financière de grands objectifs.

Tel que je l'ai souhaité et après les arbitrages du Premier ministre, ce projet de budget repose sur les priorités qui fondent le contrat de législature que le Gouvernement entend avoir avec les collectivités d'outre-mer.

Il s'élèvera en 1999 à 5,6 milliards de francs, pour les dépenses ordinaires et les crédits de paiement, soit une progression de 7 % par rapport à 1998. Près d'1,9 milliard de francs sont prévus pour les autorisations de programme.

L'action de l'Etat ne se résume pas au seul budget de mon département ministériel. Vous pouvez constater, dans le "jaune" budgétaire, que l'effort financier total de l'Etat en 1999 s'établira à 49,7 milliards, contre 47,6 milliards en 1998.

Les priorités sont évidemment l'emploi, l'insertion, le logement social et le soutien au développement économique.

L'emploi outre-mer nécessite, plus que jamais, un soutien actif de la puissance publique. Alors que la métropole connaît pour la première fois depuis plusieurs années, l'amorce d'une décrue du chômage, la situation outre-mer a continué de se dégrader. Non que l'économie locale ait connu un ralentissement : le taux de croissance est supérieur à la métropole. Mais l'outre-mer doit faire face à la pression démographique avec l'arrivée de nombreux jeunes sur le marché du travail. C'est pourquoi le FEDOM, le fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, verra ses dotations augmenter en 1999 de 6,4 %, pour dépasser 1,8 milliard de francs.

Cela permettra de financer 56 500 solutions d'insertion contre 48 500 en 1998 : 34 000 contrats emploi-solidarité, 15 000 contrats d'insertion par l'activité, 7 000 contrats d'accès à l'emploi et 500 primes à la création d'emplois.

La dotation destinée aux emplois-jeunes s'élève pour 1999 à 445 millions de francs et elle pourrait être complétée en cours d'année, si l'objectif de création de 3 500 emplois-jeunes, hors aides-éducateurs et adjoints de sécurité, venait à être dépassé. Il ne s'agit pas là d'un voeu pieux, mais d'une approche résolument volontariste, dans le prolongement de l'action menée en 1998.

J'avais annoncé, l'an passé, la création de 2 500 emplois d'aides-éducateurs. A ce jour, 2 527 emplois ont été créés, auxquels s'ajoutent 89 adjoints de sécurité. Les collectivités locales et les associations devraient, avec l'aide de l'Etat, créer cette année 3 500 à 4 000 emplois-jeunes et parvenir ainsi à un total de 6 000 emplois-jeunes dans les DOM.

Dans les territoires, l'Etat n'a pas la compétence du soutien à l'emploi ; elle revient aux autorités locales. Cependant, des mesures d'accompagnement demeurent nécessaires.

Les chantiers de développement restent un instrument privilégié dans les TOM et à Mayotte. Le montant total des interventions à ce titre progresse de 30 à 34,8 millions de francs. A Wallis-et-Futuna, où j'ai pu constater moi-même l'ampleur des besoins, la dotation initiale a été portée dès 1998 à 6 millions de francs. En Nouvelle-Calédonie, les crédits en faveur des jeunes stagiaires pour le développement passeront de 35,6 à 37 millions de francs en 1999.

Chômage et exclusion frappent de plein fouet l'outre-mer. Conforter les politiques d'insertion est donc indispensable. Celles-ci, dans les DOM, relèvent de la compétence des conseils généraux, qui contribuent à hauteur de 460 millions de francs au budget des agences départementales d'insertion.

Les dotations de l'Etat progresseront en 1999 de 54 %, au profit des contrats d'insertion par l'activité, des contrats emploi-solidarité, des contrats d'accès à l'emploi, des chantiers de développement. A ces crédits, s'ajouteront les contributions des collectivités et du fonds social européen.

Le statut des agences d'insertion, propres aux départements d'outre-mer, avait fait l'objet de nombreuses critiques. Il a été réformé à l'issue d'un dialogue constructif entre la représentation nationale et le Gouvernement : ces agences seront, dès l'an prochain, des établissements publics locaux.

En ce qui concerne l'éducation et la formation, qui concourent puissamment à l'insertion, les crédits sont pour l'essentiel géré par le ministre de l'éducation nationale, mais l'effort n'en relève pas moins de la responsabilité conjointe du secrétariat d'Etat à l'outre-mer. Les crédits de l'Education nationale affectés aux écoles, collèges, lycées et universités progresseront en 1999 de près de 15 %, passant de 15,8 à 18,1 milliards.

Le budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer dispose depuis l'an passé de crédits d'incitation aux constructions scolaires dans les DOM. Je m'étais engagé à consacrer 15 millions sur le FIDOM au rattrapage dans ce domaine ; ils ont été attribués à la Guyane. Complétant les efforts consentis par les collectivités, ils ont permis de mettre en chantier de nombreuses classes. Ce crédit sera reconduit en 1999 ; s'y ajouteront 40 millions du ministère de l'intérieur.

Mon ministère dispose également de moyens pour la formation professionnelle. J'avais annoncé la reprise de la formation individualisée en mobilité : c'est chose faite. Pour 1999, 28,6 millions sont prévus à cet effet. Ils s'ajoutent à la dotation d'environ 44 millions mise à la disposition de l'ANT, que complétera une contribution du fonds social européen. L'ANT prend en charge plus de 3 500 stagiaires ; 500 d'entre eux bénéficient déjà de la formation individualisée en mobilité. En Polynésie française, le programme territorial de formation professionnelle bénéficiera d'une contribution de l'Etat d'environ 10 millions, pour moitié à la charge du secrétariat d'Etat à l'outre-mer.

Le service militaire adapté est unanimement apprécié outre-mer. Avec la suppression de la conscription, représentant pour le SMA 1 000 postes d'appelés en 1999, le maintien du dispositif passe par le recours au volontariat. 500 emplois de volontaires sont prévus pour un coût de 38 millions, mais la suppression de postes d'encadrement contribuera à compenser le surcoût lié au volontariat. Globalement, les crédits destinés au service militaire adapté augmentent, passant de 440 à 451 millions. Avec les crédits du fonds social européen, la dotation totale sera de 518 millions.

Autre priorité : le logement.

Des besoins considérables avaient été depuis longtemps identifiés, mais l'urgence n'avait pas été reconnue dans les faits. Je m'étais engagé à cette tribune à mettre fin aux errements du passé. En moins d'un an, la situation a été redressée, s'agissant notamment de la sous-consommation des crédits. Je m'étais également engagé à ce que les dotations consacrées au logement social soient à la hauteur des enjeux.

Les moyens de paiement de la ligne budgétaire unique d'aide au logement dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte, augmenteront en 1999 de 58 %, passant de 568 à près de 900 millions. En crédits de paiement, la part de la LBU passe ainsi, dans le budget du ministère, de 10 à 16 % ; les réalisations de programmes aidés s'accélèrent et au total, plus de 19 000 logements pourront être financés. En autorisations de programme, les crédits sont maintenus à leur niveau de 1998, soit 1 milliard 96 millions, dont 1 milliard pour prendre en compte les besoins en logement des ménages et accroître l'offre en terrains viabilisés et 96 millions pour la résorption de l'habitat insalubre.

Outre-mer plus qu'ailleurs, nous devons être soucieux d'un aménagement et d'un développement durable conciliant performance économique, cohésion sociale et qualité de l'environnement. Le projet de loi de Mme Voynet qui vous sera prochainement soumis précisera les fonctions des schémas de services collectifs. Les schémas d'aménagement régionaux devront être élaborés ou achevés lorsque ce n'est pas encore fait.

Les crédits du fonds d'investissement des départements d'outre-mer -FIDOM- s'élève à 205 millions en autorisations de programme. Ils permettront de financer les contrats de plan dans les DOM et à Saint-Pierre-et-Miquelon, à hauteur d'environ 154 millions. L'application de la convention entre l'Etat et la collectivité de Mayotte représentera près de 16 millions, permettant le respect intégral des engagements pris par l'Etat, pour la période 1995-2000. Enfin, la Guyane, outre les opérations inscrites sur le FIDOM, bénéficiera d'une dotation particulière en crédits de paiement de plus de 18 millions, soit une progression de près de 15 % par rapport à 1998.

Sur le fonds d'investissement pour le développement économique et social -FIDES- seront financés le contrat de développement avec la Polynésie, à hauteur de 76 millions, la convention de développement, y compris le logement social et le contrat de plan, avec Wallis-et-Futuna, pour 12,5 millions. Une dotation de 3 millions est également prévue pour l'équipement du territoire. Le secrétariat d'Etat à l'outre-mer apportera sa contribution aux communes par le biais du FIP. Deux dotations de 15 millions chacune sont prévues, inscrites au FIDES général, pour la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie.

Enfin, dans la perspective nouvelle ouverte par l'accord de Nouméa, le secrétariat d'Etat à l'outre-mer soutiendra le développement économique et social du territoire qui bénéficiera, à ce titre, d'une dotation spécifique de 390 millions. Celle-ci permettra notamment de prolonger d'une année les contrats de développement en cours.

Les moyens de fonctionnement de l'Etat et des collectivités ont également fait l'objet, dans l'élaboration de ce budget, d'une attention rigoureuse.

Concernant les moyens des services, une dotation supplémentaire de 1,5 million sera consacrée au développement et à la modernisation de l'outil informatique de l'administration centrale et au développement des moyens de liaison avec les préfets. Le regroupement des services de la préfecture de Saint-Pierre-et-Miquelon fera l'objet d'une autorisation de programme de 3 millions.

Quant aux subventions de fonctionnement des différentes collectivités, toutes sont reconduites, à l'exception de celle de la commune de Cayenne, dont le plan de restructuration prend fin le 31 décembre 1998, et de celle de Mayotte qui avait fait l'objet d'un rattrapage en 1998. Celle de Wallis-et-Futuna sera, elle, plus que doublée, s'établissant ainsi à 3,32 millions afin de répondre enfin à un besoin de remise en ordre des finances du territoire.

Pour la Polynésie, conformément à l'engagement pris, un projet de loi relatif aux communes et au statut du personnel territorial a été déposé sur le bureau du Sénat. Dès lors qu'une base juridique pour la contribution de l'Etat au FIP aura été rétablie, les crédits prévus -52 millions- seront rendus disponibles.

La santé, enfin me tient particulièrement à coeur. Les dotations consacrées à l'outre-mer dans le budget de la santé progressent de plus de 41 %, passant de 764 millions à 1,3 milliard.

Nous avons complété et fait ratifier au début de cette année, l'ordonnance sur l'hôpital de Mayotte qui crée dans la collectivité territoriale un véritable établissement public de santé et une caisse de protection sociale. Cela permettra d'assurer à l'avenir le financement de cet hôpital, en maintenant à un niveau raisonnable les contributions de l'Etat et surtout de la collectivité territoriale. Le nouvel hôpital devrait fonctionner au printemps ; j'ai reçu l'invitation pour son inauguration.

A Wallis-et-Futuna, le projet d'agence de santé est bouclé. Ce sera un établissement public qui, outre ses activités hospitalières, assurera des tâches de prévention. Le financement de l'hôpital restera imputé sur le budget de l'Etat. Son budget passe dès cette année de 41 à 57 millions. Parallèlement, l'endettement a commencé d'être résorbé.

A Saint-Pierre-et-Miquelon, au terme de longues discussions et d'une concertation approfondie associant les médecins et le personnel, la décision de reconstruire l'hôpital a été prise.

Dans les départements d'outre-mer, le Gouvernement a décidé de maintenir en faveur des hôpitaux le différentiel d'augmentation de la dotation régionalisée dont ils bénéficient. En ce qui concerne la Guyane, la décision de transférer à l'Etat les centres de médecine collective sera mise en oeuvre en 1999.

Tel est ce budget, qui répond à des orientations générales dont vous avez souhaité, et je m'en réjouis, qu'elles vous soient rappelées et précisées, et qu'ensemble nous puissions en débattre.

J'ai évoqué, tout à l'heure, un contrat de législature pour l'outre-mer. J'aurais dû préciser un contrat de législature pour chacune de ces collectivités, qui toutes possèdent en effet leur identité propre, façonnée par l'histoire et la géographie. C'est parce qu'aucune collectivité n'est assimilable à une autre que j'affirme avec force, qu'il n'existe pas un modèle calédonien transposable à l'ensemble de l'outre-mer.

Dans son immense majorité, votre assemblée a approuvé l'accord de Nouméa et la révision constitutionnelle du 6 juillet dernier. Nous y reviendrons à la fin de cette session, avec le projet de loi organique destiné à mettre en oeuvre l'accord de Nouméa. Auparavant, le 8 novembre, la Nouvelle-Calédonie aura décidé de son avenir par référendum.

Les Calédoniens auront à coeur, je n'en doute pas, d'approuver une démarche qui garantit vingt ans de paix civile et de développement en assurant un véritable partage de ses responsabilités entre toutes les communautés. Nous savons ce que cette évolution représente pour l'influence de la France dans le Pacifique.

Le Président de la République a souhaité que la Polynésie bénéficie de dispositions constitutionnelles qui s'inspirent de celles adoptées pour la Nouvelle-Calédonie. Le Gouvernement a engagé des discussions avec les représentants du territoire. Un projet de loi constitutionnelle vous sera soumis. Son adoption sera suivie d'un aménagement de l'actuelle loi organique statutaire, qui date de 1996.

A Wallis-et-Futuna, lors de mon séjour en mai dernier, j'ai tenu à dissiper les inquiétudes exprimées après l'accord de Nouméa, qui n'est en rien porteur d'exclusion envers les Wallisiens et les Futuniens.

Nous aurons à débattre de l'évolution de leur territoire, dont le statut remonte à 1961, dans le respect de sa culture.

A Mayotte aussi, la société traditionnelle doit faire face à l'irruption de la modernité. Les Mahorais attendent depuis plus de vingt ans la consultation promise sur leur statut. Pour le Gouvernement, Mayotte n'est pas, comme certains l'ont affirmé dans le passé, une "affaire dérisoire"...

M. Henry Jean-Baptiste - Bon !

M. le Secrétaire d'Etat - ...et il ne saurait les décevoir une nouvelle fois. Ainsi que s'y étaient engagés le Président de la République et le Premier ministre, les Mahorais seront donc consultés sur leur avenir d'ici à l'an 2000. Je compte ouvrir des discussions avant la fin de l'année, afin de parvenir à un projet qui enracine Mayotte dans notre République, en donnant davantage de responsabilités à ses représentants dans les affaires locales. Les deux groupes de travail, réunis l'un à Paris sous l'autorité du préfet Bonnelle, l'autre à Mayotte par le préfet Boisadam, nous fourniront de bonnes bases de réflexion.

A Saint-Pierre-et-Miquelon, il est envisagé de faire évoluer la répartition des compétences et les moyens dont disposent les différentes collectivités. Là encore, je souhaite qu'un accord permette d'aboutir à une modification législative.

Ainsi, le Gouvernement ne considère pas que l'architecture institutionnelle et juridique des collectivités d'outre-mer est gravée dans le marbre. Il n'entend pas non plus, je le redis, transposer un modèle, fût-il réussi, à des situations locales différentes.

En réalité, les DOM ont à s'intégrer, économiquement et socialement, dans l'ensemble de l'Union européenne. Pour mieux maîtriser cette intégration, le Premier ministre, sur ma proposition, a décidé de saisir le Parlement, à l'automne 1999, d'un projet de loi d'orientation sur les DOM, destiné à les engager dans la voie du développement durable.

Depuis 1988, le développement économique des DOM repose largement sur des crédits communautaires qui, durant le XIème plan, auront représenté près de 12 milliards contre 330 millions seulement pour les autres collectivités françaises d'outre-mer.

Le Gouvernement s'attache à préserver les intérêts des DOM au sein de l'Union. Je pense non seulement à la préservation de dispositifs de protection et de soutien au sein des organisations communes de marché et à l'octroi de mer, mais aussi à la négociation Agenda 2000. Les DOM devraient bénéficier, pour les sept ans à venir, d'un soutien financier de l'Union comparable à celui de la période précédente.

Je tiens à réaffirmer la légitimité de la politique d'égalité sociale. Ceux qui la stigmatisent, en décrivant les DOM comme des sociétés assistées, voire des sociétés d'assistés, méconnaissent la réalité et manquent surtout à l'esprit de justice. Ce processus doit être repris, en tenant compte des dispositifs existants et des contraintes financières de l'action publique.

Plusieurs de mes prédécesseurs ont attaché leur nom à des lois favorables à l'activité et à l'emploi, avec par exemple la défiscalisation des investissements et l'exonération des charges sociales. Cependant, constatons-le ensemble, aucun de ces dispositifs, si nécessaires fussent-ils, n'a permis d'enrayer le chômage endémique dans les DOM.

L'effort financier en faveur de l'emploi dans les DOM doit être réaménagé de façon à concourir plus directement à la lutte contre le chômage des jeunes et à la réinsertion des exclus. Il faut également que les exonérations sociales et fiscales bénéficient prioritairement aux entreprises qui produisent et exportent. J'ai ainsi obtenu du Premier ministre la prorogation, jusqu'à la fin de 1999, du régime de primes à la création d'emplois en faveur des entreprises exportatrices. Un bilan des autres dispositions de la loi Perben du 25 juillet 1994 me sera remis sous six mois. Je ferai ensuite des propositions au Gouvernement.

Nous aurons à faire preuve d'imagination et d'audace. Ainsi, le Gouvernement, sur ma proposition envisage que dès 1999 des emplois-jeunes soient affectés, à titre expérimental, à des missions de coopération décentralisée dans les pays de l'environnement régional des DOM.

M. Philippe Auberger - Cela rappelle les chantiers de jeunesse !

M. le Secrétaire d'Etat - Je souhaite également explorer toutes les voies permettant aux allocataires du RMI de retrouver une activité, dans l'esprit de la loi d'orientation contre l'exclusion que vous avez adoptée à l'initiative de Mme Aubry.

Alors que les DOM possèdent un potentiel d'épargne important, le secteur bancaire s'y engage moins qu'ailleurs dans le soutien à l'économie, privilégiant les crédits à la consommation.

Or, plus que jamais, les entreprises privées, surtout les plus petites, souffrent d'une insuffisance de ressources financières. Il faut examiner comment y remédier, compte tenu de la nature spécifique du risque dans les DOM.

Nous devons aussi investir dans la formation et la culture. Le Gouvernement étant décidé à mettre en oeuvre le principe d'égalité des chances, le ministre de l'éducation nationale a annoncé que chaque DOM sera doté d'un plan pluriannuel de développement, auquel pourront s'ajouter, cas par cas, des mesures supplémentaires.

Nous ferons tout pour doter les jeunes, notamment dans les secteurs de pointe, d'une formation leur permettant de s'insérer dans le marché du travail. Les bacheliers devant poursuivre leurs études supérieures en métropole ou à l'étranger pourraient recevoir un soutien financier. Nous dégagerons pour cela des moyens particuliers, notamment à Mayotte.

Les DOM souffrent de tarifs prohibitifs pour les biens culturels. La question du prix du livre, en particulier, devrait être examiné de près.

Choquant dans le domaine culturel, l'écart entre les DOM et la métropole l'est aussi s'agissant du prix des médicaments, et compromet le droit à un égal accès aux soins. L'impératif de santé publique n'est pas non plus assuré par le niveau de certaines taxes, en particulier sur le tabac. Il y a là un chantier à ouvrir vite car le sort de la jeunesse est en cause.

L'habitat, le logement et l'assainissement appellent aussi une attention particulière. Le logement social outre-mer souffre d'un manque de terrains viabilisés à des coûts abordables, si bien que, jusqu'en 1997, les crédits de la ligne budgétaire unique ont été sous-consommés. Une vraie politique foncière locale devra s'appuyer dans chaque DOM sur la création d'un fonds régional d'aménagement foncier urbain, comme à La Réunion.

J'en viens maintenant au droit à la sécurité et s'agissant d'une mission régalienne de l'Etat, je ne distinguerai pas ici entre départements, territoires ou collectivités particulières. Je me suis d'autant plus attaché à cette question que j'ai perçu lors de mes déplacements et au travers du courrier que je reçois une montée du sentiment d'insécurité.

En la matière, vous savez que le Gouvernement a pris pour cadre le contrat local de sécurité, qui vise à faire de celle-ci l'affaire de tous, grâce à une élaboration en concertation étroite avec l'ensemble des partenaires intéressés. A ce jour, quatre contrats ont été signés outre-mer et huit autres sont en passe de l'être.

Cette politique a commencé de porter ses fruits : au cours du premier semestre, le nombre de faits constatés et des infractions de voie publique a diminué.

Nous avons d'abord installé, en juin, à Cayenne, une section d'intervention de 32 fonctionnaires. J'ai décidé d'en créer une deuxième en Martinique où seront envoyés 28 agents de police supplémentaires, tandis que 16 fonctionnaires de la DICILEC seront nommés à la Réunion afin de rendre opérationnelle la zone d'attente de l'aéroport de Gillot et d'ouvrir celui de Pierrefonds. Enfin, alors que 110 postes d'adjoints de sécurité ont déjà été créés pour l'ensemble de l'outre-mer, les collectivités bénéficieront en 1999 d'une centaine d'emplois supplémentaires.

Les services de la DICILEC de Mayotte recevront le renfort de 10 éléments supplémentaires et de 3 cadres ; le service de contrôle de l'immigration en Polynésie celui de 10 adjoints de sécurité et d'un officier.

Ces nouveauxx effectifs s'ajoutant aux 7 300 policiers et gendarmes déjà en poste, permettront de mieux lutter contre la délinquance et l'immigration clandestine et de développer une police de proximité. J'ai donné à tous les représentants de l'Etat instruction d'organiser sur la voie publique une présence effective et visible des forces de police et de gendarmerie, auxquelles je rends hommage pour les missions souvent difficiles qu'elles effectuent parfois au péril de leur vie. Les événements tragiques de Guyane sont encore dans toutes les mémoires : j'ai aujourd'hui, devant la représentation nationale, une pensée pour ces deux militaires et pour leur famille.

Mais la sécurité ne se résume pas à la lutte contre la délinquance : sous la forme de la sécurité civile, elle consiste aussi à faire face aux événements naturels qui trop souvent frappent l'outre-mer. Cette année, la Polynésie a été durement touchée par des glissements de terrains et, en juin, j'ai tenu à rendre hommage, sur place, aux trop nombreuses victimes. J'ai décidé d'envoyer une mission du BRGM afin d'établir un cadre préventif de référence.

Enfin, toujours à titre préventif, et à l'exemple de ce qui a été fait lors du passage en Guadeloupe du cyclone Georges, j'ai demandé le prépositionnement permanent d'un détachement d'une dizaine d'officiers et de militaires de la direction de la sécurité civile, en Martinique et à la Réunion. Cette cellule d'état-major servira d'appui pour l'accueil d'unités plus importantes qui pourraient être envoyées sur les sites menacés.

S'agissant des DOM, j'ai volontairement choisi d'évoquer le développement économique, social et culturel avant d'aborder les questions institutionnelles. Depuis que j'occupe ces fonctions, rien de ce que j'ai pu observer n'aura modifié une conviction qui s'appuie sur mon parcours personnel d'élu local : l'action publique doit être la plus proche possible des citoyens -et ce qui est vrai en métropole l'est plus encore outre-mer. Je veux donc répondre ici au procès fait à la décentralisation dans ces départements. Face à des difficultés plus grandes, à l'héritage post-colonial, à un enchevêtrement de réglementations et de textes, ceux qui, dans les DOM, exercent des responsabilités d'élus locaux, le font avec opiniâtreté et dévouement. Je tiens à saluer leur action et à réaffirmer ma volonté de la soutenir.

Comment ne pas comprendre que ces élus aient le souci de remédier aux inconvénients qui, là bien plus qu'en métropole, découlent de l'enchevêtrement des compétences ? Nous devons réfléchir, ensemble, à une nouvelle répartition de celles-ci entre les différents niveaux territoriaux, d'une part, entre l'Etat et les collectivités locales, d'autre part.

Rien dans les principes ne s'oppose à ce que l'Etat transfère de nouvelles compétences aux collectivités territoriales des DOM. Je souhaite donc des progrès significatifs dans le domaine de la coopération régionale. Déjà, de nombreuses actions ont été entreprises par les collectivités en parallèle à celles de l'Etat -malheureusement trop en parallèle parfois. De nouvelles compétences devront permettre à ces départements de renforcer leur présence dans leur région.

L'approfondissement de la décentralisation outre-mer suppose aussi de rester fidèle à l'esprit de cette grande réforme mise en oeuvre à partir de 1982. Ensuite, il convient que nous prenions clairement position sur le cadre et donc sur le sens d'une telle évolution.

Hier comme aujourd'hui, la décentralisation des pouvoirs répond à une exigence : pour le citoyen, l'action publique se révèle plus efficace lorsqu'elle est exercée par les collectivités territoriales. C'est fort de cette conviction que nous pouvons envisager de nouveaux transferts de compétences.

Les départements d'outre-mer sont définis, en droit français, par l'article 73 de la Constitution et le seront, en droit communautaire, par l'article 299-2 du traité d'Amsterdam. Ce principe est l'identité du droit applicable, sous bénéfice d'adaptations liées à leur situation particulière, selon notre Constitution, ou à leurs handicaps structurels, selon le traité d'Amsterdam. Je sais que certains considèrent que ce dernier, dans la mesure où il rassemble dans une même catégorie les départements français d'outre-mer, d'une part, Madère, les Açores et les îles Canaries, d'autre part, permettrait, qu'en droit interne, le régime des premiers évolue pour se rapprocher de celui des seconds. J'observe cependant que l'article 299-2 fait explicitement référence au statut départemental prévu à l'article 73 de notre Constitution et ce, contrairement à la demande qui avait été faite d'une référence nominative.

C'est donc dans le cadre organisé par ces deux textes qu'il convient de rechercher les conditions d'un meilleur exercice des responsabilités et d'un meilleur équilibre des pouvoirs. Ceux qui, d'emblée, jugeraient ce cadre trop contraignant ou trop limité, je les invite à en faire d'abord la démonstration et je les renvoie aux propos tenus par le Président de la République, lors de son déplacement en Guyane, le 23 novembre 1997 : "Il faut exploiter davantage toute la souplesse qu'offre la Constitution et notamment son article 73, qui a prévu la possibilité d'adapter aux réalités des départements d'outre-mer, grâce à des mesures particulières, le régime législatif et l'organisation administrative".

Or ce chantier sans cesse évoqué n'a jamais été ouvert. Qu'il s'agisse d'une nouvelle répartition des compétences entre les collectivités territoriales, de nouveaux transferts de compétences ou de nouvelles mesures d'adaptation, le Gouvernement a décidé de lancer ce travail en suivant une méthode qui vaut la démonstration de son désir d'aboutir.

Sur ma proposition, le Premier ministre nommera prochainement deux parlementaires en mission, élus des DOM, qui devront lui faire, dans un délai de six mois, des propositions d'approfondissement de la décentralisation. Le Gouvernement rendra publiques ces propositions afin qu'elles soient débattues avant toute décision. Rien n'exclut évidemment que ces propositions et les décisions qui suivront aboutissent à une évolution différenciée selon les départements.

Ouvrir ce chantier ne signifie nullement en oublier un autre. J'ai parfaitement conscience qu'ici ou là, on souhaite une organisation institutionnelle particulière, la mise en place de gouvernements territoriaux, des mécanismes de souveraineté, le tout parfois présenté comme la première étape d'un processus de transition. Ces demandes s'inscrivent dans une logique autre que celle de l'intégration économique et sociale. Le Gouvernement est convaincu que celle-ci, au sein de la France et de l'Union européenne, est et continuera d'être un formidable atout pour les départements d'outre-mer. Chacun est libre d'avoir sur ce point un avis différent, mais sauf à ce que les populations intéressées en décident autrement, le Gouvernement n'entend ni inverser le processus d'intégration, ni accepter qu'il soit mis en oeuvre au mépris des spécificités de l'outre-mer.

Je l'ai dit, il faut aussi penser à accroître les moyens de l'action publique dans les DOM. S'agissant des moyens humains, l'ampleur des problèmes et la complexité du droit applicable rendent nécessaire d'accroître les capacités d'expertise et d'innovation. D'autre part, les collectivités sont trop souvent empêchées de recruter des cadres supplémentaires par des contraintes financières. Je sais aussi que bien des cadres de l'administration d'Etat, en particulier ceux qui sont originaires des DOM, manifestent régulièrement leur intérêt pour une période de mobilité professionnelle dans ces collectivités. Or celles-ci ne peuvent les accueillir, faute de pouvoir supporter la charge de leur rémunération. Aussi suis-je favorable à ce que soient étudiées des modalités permettant d'alléger cette charge.

Le renforcement en cadres est aussi nécessaire pour les services de l'Etat. J'ai donc proposé au Premier ministre d'étendre aux DOM le système des secrétariats généraux aux affaires régionales, qui viendraient se substituer aux actuels secrétariats aux affaires économiques. Cette réforme, qui va dans le sens d'une plus grande déconcentration, permettrait d'accroître les moyens des préfectures et d'inscrire davantage leur action en faveur du développement dans une logique interministérielle.

Cet accroissement des moyens humains et des capacités d'expertise doit permettre de remédier aux dysfonctionnements qui ont caractérisé l'exécution du XIème plan, marquée par une insuffisante consommation des crédits, et celle du DOCUP.

En attendant, il importe d'optimiser sans délai l'utilisation des financements disponibles. Une mission d'assistance technique se rendra dans chaque DOM pour aider à l'exécution des opérations programmées. Elle recensera les moyens de limiter les facteurs de blocage dans les futurs contrats de plan. Outre le montage technique des dossiers, les difficultés financières de nombreuses communes des DOM sont l'un des facteurs le plus souvent évoqués. Il faut donc réfléchir, dans la perspective du XIIème plan, à l'articulation des différents concours de l'Etat aux communes ainsi qu'à une évolution simultanée de la fiscalité communale. Conforter la décentralisation, c'est aussi conforter la démocratie locale. Vous savez le lien qui unit démocratie locale et fiscalité, le libre consentement à l'impôt étant la première garantie de la démocratie.

Enfin, l'action publique doit s'inscrire dans une organisation administrative au service d'un développement soucieux d'aménagement du territoire. Des propositions ont été formulées à ce sujet dans trois des quatre départements d'outre-mer.

A la Réunion et en Guyane, se manifeste le souci de mieux prendre en considération les déséquilibres internes. Différentes options ont été évoquées pour la Guyane. Cinq parlementaires de la Réunion ont émis le voeu que soit créé un second département. Si cette réforme devait voir le jour, elle aurait pour préalable la redéfinition de la carte communale. Pour 700 000 habitants, la Réunion ne compte que 24 communes dont le territoire va du littoral au sommet des montagnes. J'ai demandé aux préfets concernés, celui de la Guyane et celui de la Réunion, de me faire des propositions sur une évolution possible du cadre communal et départemental.

En Guadeloupe, la question des îles du Nord reste en suspens. Leurs élus considèrent que les particularismes de ces deux îles ne sont pas conciliables avec l'intégralité du droit applicable. Le Gouvernement est prêt à en discuter, dès lors qu'auront été pesées toutes les conséquences des demandes d'évolution et que celles-ci n'ont pas pour objet exclusif de créer, au sein de la République, des zones de non-droit fiscal.

Porteuse d'égalité, de solidarité, l'intégration économique et sociale ne signifie pas la négation de l'identité. De toutes les régions françaises, les DOM sont peut-être celles qui ont le plus prouvé leur aptitude à préserver leur identité.

Aussi les programmes scolaires nationaux devront-ils mieux tenir compte de l'apport de l'outre-mer au patrimoine national, à notre histoire, à notre culture. Le rappel, dans les manuels, de l'histoire de l'esclavage et de la traite des noirs revêt en cette année du 150ème anniversaire de l'abolition de l'esclavage une dimension particulière. Le souci pédagogique rejoint l'aspiration de nombreux jeunes d'outre-mer à ce que leur identité soit mieux reconnue.

Conforter les identités des DOM, c'est aussi oeuvrer en faveur des échanges culturels, éducatifs, sportifs. La ministre de la culture et moi-même avons décidé de créer un fonds d'aide à la diffusion, doté de 6 millions et destiné à favoriser la diffusion des créations artistiques des départements d'outre-mer. Cette année, de nombreuses troupes d'outre-mer, présentes au festival d'Avignon, y ont connu un grand succès. Je souhaite qu'une scène ouverte permette d'en accueillir davantage en 1999.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois - Bravo !

M. le Secrétaire d'Etat - L'Etat s'attachera à dégager des moyens supplémentaires d'aide aux déplacements pour permettre aux associations des DOM de réaliser des projets de coopération, culturels, sportifs et éducatifs dans les pays de la région.

Le Gouvernement souhaite préciser les perspectives durant les prochains mois avec un souci d'ouverture, de dialogue et de concertation. Les orientations que j'ai indiquées trouveront leur traduction dans les dispositifs nationaux et communautaires en cours d'élaboration, en particulier dans les prochains contrats de plan.

Quant à la loi d'orientation que j'ai annoncée, elle devra conforter les politiques de solidarité et d'égalité qui sont au coeur de l'intégration économique et sociale. Mais mon ambition va bien au-delà d'un texte législatif. La place des départements d'outre-mer doit être pleinement reconnue.

Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a proposé d'élaborer un nouveau pacte républicain fondé sur le retour aux sources de notre République et sur la modernisation de notre démocratie.

Convaincu du rôle que les DOM peuvent et doivent jouer dans la rénovation du modèle républicain, je partage votre aspiration à ce que nos concitoyens d'outre-mer se voient reconnaître le droit à davantage de responsabilités et au respect de leur identité.

Dans nos départements d'outre-mer, les solidarités sociales sont souvent plus fortes et on exclut moins qu'ailleurs. Sous l'effet de l'histoire et de la géographie conjuguées, ces départements tournés vers le monde extérieur, sont attentifs aux bouleversements qu'il connaît. Là plus qu'ailleurs, l'identité et la culture sont affaire de synthèse, de diversité, de tolérance, de compréhension et de respect de l'autre.

Réformer dans les départements d'outre-mer, ce n'est pas seulement réformer pour ces départements. C'est aussi réformer un modèle républicain qui semble parfois s'effriter sous nos yeux, et susciter le désarroi, surtout chez les plus démunis.

Je n'ai garde d'oublier les autres collectivités d'outre-mer. Pour toutes, en particulier la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie, des échéances sont désormais fixées. Je pense notamment aux discussions qui prépareront la consultation prévue à Mayotte. Je veillerai à ce que les plus petits de nos territoires, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna ne soient pas oubliés.

L'identité de notre pays, son âme, son rôle dans le monde, ses valeurs profondes ne seraient pas les mêmes sans les collectivités d'outre-mer. Les personnes originaires de l'outre-mer sont nombreuses en métropole, environ 1 million. C'est aussi à elles que je m'adresse. Nous continuerons de combattre, ensemble, les propagateurs du racisme, qu'ils agissent ouvertement ou sous couvert d'allusions aussi insidieuses qu'intolérables. Nous les combattrons au nom des valeurs qui fondent la République mais aussi au nom de cette simple évidence, passée, présente et à venir, dont, par leur présence, avec tous nos compatriotes vivant outre-mer, ils portent témoignage : les Français ne sont pas une race ; ils forment un peuple (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Philippe Auberger, suppléant M. Gilbert Gantier, rapporteur spécial de la commission des finances pour les DOM - Notre collègue Gilbert Gantier, malheureusement empêché, m'a demandé de parler en son nom.

Tout d'abord, les crédits destinés aux DOM et inscrits au budget ne représentent que 11 % de l'effort global que la nation consacre à ces départements, comme le montre l'annexe au projet de loi de finances qui, cette année, nous a été distribuée dans un délai décent. Que le ministre et son administration soient remerciés pour leur contribution à l'amélioration des conditions du travail parlementaire.

Le projet de loi de finances prévoit une progression de 7 % du budget de l'outre-mer en dépenses ordinaires et en crédits de paiement. Il atteindra 5,59 milliards. Cette progression intègre un transfert de 380 millions en provenance du ministère de l'emploi, destiné à financer le dispositif emplois-jeunes. Elle traduit un effort accru de solidarité de la métropole, solidarité dont l'exigence avait été rappelée en son temps par la loi Perben.

M. Gantier ne souhaite pas s'étendre sur l'évolution des crédits de l'administration générale, les effectifs restant stables, hors effets de la réforme du service militaire.

Pour l'évolution économique des départements d'outre-mer, il vous renvoie à son rapport écrit, en notant toutefois que la reprise observée en métropole n'a eu, jusqu'à présent, que peu d'impact sur l'économie des DOM, où le taux de chômage se situe toujours entre 20 % et 40 %. Seule l'activité touristique semble pouvoir assurer une certaine croissance à ces collectivités. Dans ce budget, les dépenses ordinaires, soit 3,9 milliards, restent centrées sur les politiques d'insertion, qu'il s'agisse de l'emploi ou du logement. Les dépenses en capital, soit 1,6 milliard essentiellement au titre VI, permettent à l'Etat de tenir ses engagements contractuels.

L'insertion concerne d'abord l'emploi. Selon une étude réalisée par l'INSEE en 1995, le revenu médian par ménage s'établissait, après impôt, à 123 000 F dans les DOM contre 152 000 F en métropole, soit 20 % de moins malgré l'alignement du SMIC sur le niveau métropolitain. Ce décalage résulte en grande partie du chômage.

L'outil budgétaire de l'insertion est le FEDOM, dont les crédits s'élèveront à 1,8 milliard en 1999, soit une augmentation de 6,4 %. 1,36 milliard serviront à financer 56 000 mesures nouvelles d'insertion, sous forme de contrats aidés.

Grâce à une mesure supplémentaire de 145 millions, les emplois-jeunes seront financés pour un montant total de 445 millions, représentant le financement des emplois créés en 1998 et la création d'au moins 3 500 nouveaux emplois.

Les crédits destinés à financer, grâce à la créance de proratisation, des actions d'insertion en faveur des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion progressent de 25 millions du fait de l'augmentation de l'allocation mais aussi, malheureusement, de celle du nombre des bénéficiaires.

L'insertion implique aussi une politique du logement à laquelle 1,5 milliard de francs seront consacrés. Les crédits de la ligne budgétaire unique d'aide au logement dans les DOM, à Mayotte et Saint-Pierre-Miquelon, augmentent de 58 % pour atteindre 897,4 millions, avec une nette amélioration depuis 1997 de l'utilisation des crédits, ce qui permettra de financer 19 100 logements. Les dotations du chapitre 65-01, article 20 -résorption de l'habitat insalubre-, sont doublées par rapport à 1998 et portées à 38,4 millions. Les crédits de la créance de proratisation du RMI qui s'élève à 815 millions s'ajoutent également à la LBU pour financer le logement.

Le service militaire adapté contribue lui aussi à l'insertion. La réforme du service national conduit à supprimer en 1999 1 000 emplois d'appelés et 31 emplois de militaires d'encadrement du SMA, soit une économie de 37,953 millions, mais à créer 500 emplois de volontaires d'un coût de 38,158 millions. Le ministère évalue à 8,95 millions de francs le surcoût lié à la professionnalisation, mais les économies faites sur l'alimentation et l'encadrement le compensent en quasi-totalité. Les crédits d'action sociale et culturelle du chapitre 46-94 atteindront 145 millions en 1999 contre 147,82 millions en 1998.

Les subventions aux collectivités s'inscrivent généralement dans le cadre de procédures contractuelles. Les subventions totales accordées aux DOM-TOM dans votre budget se montent à 92 millions en dépenses ordinaires et 8 millions en dépenses en capital. Environ 41 millions sont attribués aux DOM.

Par les subventions de fonctionnement des chapitres 41-91 et 44-02 qui se montent à 32 millions comme en 1998, l'Etat compense notamment les pertes de ressources subies par les communes dotées d'une fiscalité propre et consécutives aux exonérations de taxes foncières sur les propriétés bâties dont bénéficient certains immeubles. La subvention de caractère facultatif au budget de la collectivité territoriale de Mayotte, versée en application de la convention de développement, atteint 3,6 millions contre 7,2 millions en 1998. L'année 1999 coïncide en outre avec la fin du plan d'apurement des finances de la ville de Cayenne, d'où la suppression de subvention d'équilibre versée à la commune, qui était de 10 millions. Quant aux subventions aux compagnies de transport, elles demeurent en 1999, comme en 1998, de 11 millions destinés à financer la desserte maritime de Saint-Pierre-et-Miquelon.

La plus importante des subventions d'investissement est la section générale du fonds d'investissement des DOM, qui diminuera de 20 millions en autorisations de programme et de 33,7 millions en crédits de paiement du fait de la fin de la garantie accordée à la Société financière de développement économique de Guyane. Cette section financera les opérations prévues par les contrats de plan avec les DOM et par la convention avec Mayotte. La section décentralisée du FIDOM au chapitre 68-03 n'est plus dotée ni en AP ni en CP. Cette extinction était prévue depuis 1997, mais vous pourrez peut-être nous en rappeler les causes. Les crédits destinés à la Guyane au chapitre 58-01 sont pour leur part relevés afin de poursuivre la construction de la route Regina-Saint-Georges.

M. Gantier tient à insister sur la nécessité de maintenir le mécanisme de défiscalisation issue de la loi Pons. Ayant été membre de la mission d'information conduite par le rapporteur général, il lui semble sage, après les modifications apportées l'année dernière, de laisser cette année le dispositif inchangé car l'instabilité de la norme fiscale empêche l'initiative privée. Or le développement économique par le secteur marchand reste la seule chance pour les départements d'outre-mer de sortir d'un cycle d'économie subventionnée, notamment par les sur-rémunérations de la fonction publique.

Enfin, M. Gantier pense que le statut de Mayotte sui generis et provisoire appelle une clarification.

M. Henry Jean-Baptiste - Très bien !

M. Philippe Auberger, suppléant M. Gilbert Gantier, rapporteur spécial - M. Gantier partage certaines des conclusions du rapport réalisé en 1997 par le groupe de réflexion sur cette question et en particulier la nécessité de maintenir Mayotte dans la République et de la doter d'un statut définitif. La départementalisation est sans doute souhaitable, elle permettra en outre d'accélérer des réformes indispensables comme celle de la propriété foncière.

La commission des finances a adopté le budget de l'outre-mer (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF, et du groupe DL).

M. Jérôme Lambert, rapporteur pour avis de la commission des lois pour les DOM  - La hausse notable de vos crédits, que je salue, Monsieur le secrétaire d'Etat, ne doit pas nous faire oublier la situation économique et sociale particulièrement difficile de l'outre-mer. Votre budget, qui intervient dans le domaine du logement et de l'insertion, la prend en considération. Le seul vrai résultat espéré par tous nos compatriotes domiens reste toutefois le développement de l'emploi marchand outre-mer.

Ce débat avait été souhaité de longue date par tous les représentants de l'outre-mer, quelque peu ulcérés, qu'on ne leur accorde tous les ans que quelques minutes pour exposer à la nation leurs attentes. Particulièrement sensible aux difficultés de nos compatriotes, je dois remercier le Gouvernement pour l'organisation de ce débat. Je suis sûr, Monsieur le ministre, que vous saurez écouter les élus des DOM et leur apporter les réponses qu'ils attendent.

L'objet même du secrétariat d'Etat à l'outre-mer est d'être un organe de coordination, d'élaboration juridique et d'impulsion interministérielle dont les missions procèdent du statut de l'outre-mer français, articles 72 à 75 de la Constitution. Constantes, elles concernent l'exercice de l'autorité gouvernementale civile dans les territoires d'outre-mer, l'exercice dans les départements d'outre-mer des attributions qui sont en métropole celles du ministère de l'intérieur, la coordination de l'action gouvernementale dans les départements d'outre-mer, et l'intervention économique. Le budget d'intervention et d'investissement du secrétariat d'Etat est d'ailleurs devenu significatif et il est concentré sur quelques objectifs prioritaires adaptés à l'outre-mer. Il privilégie ainsi les aides à l'emploi, l'insertion et le logement social. Ces priorités, notons-le, rejoignent celles que le Gouvernement a assignées au budget de la nation : croissance, emploi, justice sociale.

Ces crédits atteignent 4,56 milliards, connaissant une croissance impressionnante de 10 % sur un an et presque de 30 % sur deux ans.

De même, la part relative aux DOM dans l'ensemble des interventions de l'Etat représente 40,4 milliards, en augmentation de 3,6 % !

Sans doute faut-il replacer les interventions de l'Etat dans une perspective à long terme et je vous propose, à ce propos, de vous référer à mon rapport écrit et qui dresse un tableau récapitulatif des évolutions intervenues depuis les lois de décentralisation. Elles sont nombreuses, tant sur le plan institutionnel et juridique que sur le plan économique et sur le plan social, qui reste le plus préoccupant.

Il faut fixer des orientations pour l'avenir en particulier sur le plan institutionnel où il convient de réfléchir à la bidépartementalisation de la Réunion et à la définition d'un statut stable pour Mayotte. Mais le développement économique surtout est indispensable.

Aussi bien, le fonds pour l'emploi dans les DOM augmente-t-il de 108 millions et, dépassant 1,8 milliard de dotation, il représente à lui seul 40 % des crédits relatifs aux départements d'outre-mer.

Cette enveloppe comprend d'abord 445 millions au titre des emplois-jeunes. Au total, ce sont 7 000 emplois-jeunes qui seront financés en 1998 et 1999.

Les formes d'intervention classiques de l'Etat restent aussi très présentes dans les DOM. Plus de 56 000 solutions d'insertion seront financées par le FEDOM en 1999.

En second lieu, vous nous proposez d'augmenter significativement les crédits de paiement de la ligne budgétaire unique compte tenu de l'accélération des réalisations de programmes depuis un an. Les crédits en faveur du logement seront ainsi accrus de 329 millions, pour atteindre près de 900 millions.

En outre, la créance de proratisation du RMI serait portée à 815 millions, dont un quart serait destiné aux quatres agences d'insertion, portant leur budget annuel global à 800 millions.

Enfin, 70 millions seront affectés à la résorption de l'habitat insalubre.

Mais les actions en faveur du secteur social ne sont pas les seules attendues par nos compatriotes. L'investissement dans les DOM doit rester le coeur d'une véritable politique de développement. Nous nous réjouissons donc du maintien du dispositif de défiscalisation, même si des mesures plus efficaces pourraient être envisagées.

Les crédits du FIDOM permettront de financer les contrats de plan, avec une enveloppe de 170 millions. Certaines opérations, telle la garantie de l'Etat donnée au plan vert en Guyane, sont aujourd'hui soldées. Les crédits d'infrastructures pour la Guyane seront portés à 18 millions en sus du contrat de plan.

La disparition du FIDOM décentralisé, qui fonctionnait comme un complément de DGE pour les départements et régions des DOM, a été engagée par les deux précédents secrétaires d'Etat. Elle nécessite qu'on soit bien certain qu'aucune collectivité n'ait des créances sur l'Etat du fait d'autorisations de programme déléguées.

L'enveloppe du SMA pour 1999 est en légère augmentation, par suite de la revalorisation des rémunérations des militaires. La réforme du service national crée beaucoup d'incertitudes pour l'avenir : mais compte tenu de l'utilité de cette forme de service national, on ne peut que souhaiter, qu'elle se poursuive, en étant adaptée au volontariat.

Je rappelle que l'ensemble de l'effort budgétaire pour les DOM est neuf fois supérieur aux crédits du ministère et atteindra 44 milliards.

L'accent mis depuis deux ans sur l'insertion et le logement se justifie pleinement dans une perspective à long terme. Les bonnes performances économiques n'ont pas suffi à éviter la montée du chômage, du fait de la courbe démographique. Les tensions sociales qui en résultent appellent un vigoureux effort de formation et d'insertion de la jeunesse. A nous tous de ne pas la décevoir.

Votre projet de budget, qui prend en compte ces aspects, a été approuvé par la commission des lois (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Philippe Auberger, rapporteur spécial de la commission des finances pour les TOM - Je voudrais d'abord féliciter la présidence de l'Assemblée d'avoir organisé ce débat. L'an dernier, dans un rappel au Règlement, j'avais indiqué que la date du 31 octobre, traditionnellement affectée à l'examen de ce budget, empêchait nos collègues d'outre-mer d'être de retour chez eux pour la Toussaint et que, d'autre part, une demi-journée était manifestement insuffisante pour pouvoir leur permettre de s'exprimer. Le progrès, cette année, est incontestable. Néanmoins le temps imparti aux orateurs des TOM reste insuffisant et il serait légitime de leur accorder dix minutes à chacun (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

Le budget des TOM pour 1999 est d'1,34 milliard, et l'effort global de la nation pour ces territoires s'élèvera à 10,753 milliards.

C'est un budget de transition, ce qui est normal compte tenu de l'évolution institutionnelle des territoires. Le référendum en Nouvelle-Calédonie le 8 novembre et la loi organique entraîneront des transferts de compétences. En Polynésie, une réforme institutionnelle est également engagée. Nous aurons donc à veiller à ce que ces transferts de compétences s'accompagnent de transferts financiers et à organiser un contrôle minimum -administratif, juridictionnel et parlementaire- sur la bonne utilisation de ces fonds.

Cette évolution institutionnelle aura également des conséquences économiques. L'incertitude qui prévalait les dernières années décourageait certains investisseurs de prendre des risques à long terme. Maintenant l'hypothèque semble levée et les investissements devraient s'accroître.

La situation économique en Nouvelle-Calédonie est largement tributaire du nickel. Or la chute très importante des cours depuis deux ans a obligé toutes les sociétés internationales à revoir à la baisse leurs programmes d'activité. La SLN envisagerait 150 licenciements et la SNSP a également des problèmes de débouchés. Dans ces conditions, le projet d'usine dans le nord a peu de chances d'aboutir. Il serait normal que nous ayons un peu plus de précisions sur le mode de fixation de la soulte d'un milliard qui a été versée à Eramet pour l'échange de domaines miniers et même que l'on envisage un remboursement de cette soulte en cas d'abandon du projet. Mais jusqu'à présent mes questions sur ces points n'ont pas reçu de réponse satisfaisante.

La situation économique en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie est relativement bonne. Les difficultés du Japon et la chute du dollar n'ont pas eu d'effets notables sur l'activité touristique et les projets en cours dans ce domaine ont de bonnes chances de succès. Néanmoins ils se heurtent à l'insuffisance des transports aériens en provenance du Japon et des Etats-Unis. Les efforts de diversification agricole -pêche, élevage, fleurs, notamment- ont réussi. De façon générale, l'esprit d'entreprise existe dans ces territoires, mais parfois les projets doivent être abandonnés faute de fonds propres.

La loi Pons joue un rôle essentiel dans ce domaine et je me félicite qu'elle n'ait plus été remise en question cette année. Notre rapporteur général en a d'ailleurs, non sans réticence, reconnu le bien-fondé, d'autant que la procédure d'agrément permet de filtrer les demandes. Mais il faudrait accroître la transparence de la procédure et aussi nous présenter le rapport annuel qui doit accompagner l'application de cette loi et qui, cette année, n'a pas été déposé. Je regrette que la disposition relative à la déduction des subventions ne s'applique pas à certains avantages fiscaux comme le "mécanisme Flosse" en Polynésie. Il conviendrait de revoir cette interprétation trop stricte de la loi.

De façon générale, en l'absence de services fiscaux locaux, il faudrait confier aux services du Haut Commissariat la suite des opérations de défiscalisation.

Deuxième point sur lequel je voudrais insister, les contrats de développement et les contrats de plan.

En Nouvelle-Calédonie, ces contrats ont été prolongés en 1998, puis en 1999 pour 318 millions de francs.

En Polynésie, ils seront prolongés l'an prochain, mais on note un retard dans l'exécution de ces contrats, notamment pour la formation professionnelle et le logement. Il est à craindre que certains ministères ne se hâtent pas de verser les crédits compte tenu des prochains transferts de compétences.

Quelques mots, enfin, sur la situation financière des communes. Leurs ressources, en général très limitées, sont consacrées essentiellement aux dépenses de fonctionnement.

Le projet de loi sur les communes de Polynésie actuellement sur le bureau du Sénat prévoit un alignement de la fonction publique commerciale sur les autres fonctions publiques, ce qui risque d'entraîner une augmentation de leurs dépenses de fonctionnement, au détriment des investissements.

Je voudrais rendre hommage aux députés et sénateurs d'outre-mer qui, en raison de leur éloignement, ont beaucoup plus de difficultés que ceux de métropole à exercer leur mandat. Leur travail participe au rayonnement de notre pays, actuellement en progrès sensible dans le Pacifique. Le centre culturel Jean-Marie Tjibaou inauguré en mai 1997 y contribue. De façon générale, l'évolution institutionnelle mise en oeuvre par la France fait que désormais sa voix est écoutée et entendue et c'est un point très important.

La commission des finances a approuvé ce projet de budget (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. le Président - Une précision, Monsieur Auberger : la Conférence des présidents a ajouté deux heures aux demandes spontanées des groupes pour la discussion générale. De plus, elle a décidé de consacrer trois séances à la discussion du budget de l'outre-mer, ce qui est une première.

M. Jérôme Lambert, suppléant de M. François Cuillandre, rapporteur pour avis de la commission des lois pour les TOM - Le projet de budget des territoires d'outre-mer traduit le fait que 1999 sera une année de transition. D'une part, le nouveau statut de la Nouvelle-Calédonie va se mettre progressivement en place ; d'autre part, la Polynésie française connaîtra sans doute une évolution institutionnelle, à laquelle s'ajoutera une nouvelle organisation des communes, deux projets de loi étant actuellement soumis en première lecture au Sénat. L'année 1998 aura amorcé le mouvement vers une nouvelle forme de relations entre l'Etat et les territoires, dans le sens d'une plus grande autonomie de ceux-ci.

Le champ d'intervention de l'Etat est plus limité dans les TOM que dans les DOM, notamment en matière d'emploi et de logement, domaines sur lesquels portent principalement les efforts budgétaires du secrétariat d'Etat. C'est pourquoi, alors que le budget augmente de 7 %, la partie consacrée aux TOM qui, avec 1 milliard de dépenses ordinaires et crédits de paiement, en représente 18 %, ne connaît pas la même évolution. Cependant la baisse apparente de 4,7 % s'explique par la non-reconduction, au moins provisoirement, de la subvention versée à la Polynésie dans le cadre d'un fonds intercommunal de péréquation, qui avait atteint l'an dernier 52 millions : ce dispositif prend fin au 31 décembre 1998 et il faudra attendre le vote par le Parlement du projet de loi organique relatif au régime communal en Polynésie pour que ce mécanisme puisse être reconduit pour 1999 dans le cadre d'un collectif budgétaire. Dans le fascicule jaune, dont nous avons eu connaissance dans un délai plus raisonnable qu'auparavant -espérons qu'il en sera dorénavant toujours ainsi-, l'effort global en direction des TOM apparaît en très légère progression.

La répartition des crédits entre trois agrégats -administration centrale, collectivités territoriales, développement social et économique- est présentée dans le rapport. Les moyens de fonctionnement de l'administration progressent de près de 3 %, notamment en raison de l'augmentation du nombre de fonctionnaires en poste en Nouvelle-Calédonie, destinée à renforcer la capacité d'expertise du Haut Commissariat dans le cadre de la nouvelle répartition des compétences.

Les moyens consacrés au service militaire adapté sont, comme dans les DOM, en augmentation, en raison d'une revalorisation des rémunérations.

Les crédits alloués aux collectivités locales diminuent de 49 % pour la raison que j'ai déjà indiquée -la non-reconduction provisoire de la subvention versée à la Polynésie. La subvention versée à Wallis-et-Futuna passe, elle, de 1,6 à 3,3 millions : le Gouvernement manifeste ainsi nettement la solidarité de la République à l'égard d'un territoire souvent délaissé par la métropole. La subvention au budget local de la Nouvelle-Calédonie se maintient à 5,9 millions.

La baisse sensible de la somme affectée aux travaux d'intérêt local -pour des opérations ponctuelles de petits montants- s'explique par la sous-consommation systématique de ce chapitre.

En ce qui concerne la section des territoires du FIDES, qui permet de financer des opérations ponctuelles, les autorisations de programme sont maintenues à 3 millions, mais les crédits de paiement passent de 6,45 à 3 millions.

Le troisième agrégat relatif aux interventions dans le domaine social et économique, avec 600 millions est en diminution d'environ 1 %. Cela s'explique en grande partie par l'achèvement du centre culturel Jean-Marie Tjibaou qui entraîne une diminution de la subvention accordée à l'agence de développement de la culture canaque. Les crédits de la section générale du FIDES, ces dernières années, sont en légère diminution.

Enfin, la subvention spécifique pour le développement de la Nouvelle-Calédonie, née des accords de Matignon et de la loi référendaire de 1988, reste à un niveau élevé, avec 390 millions.

La commission des lois, consciente des modifications qui entraînent l'année prochaine la nouvelle répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités, a approuvé ce projet de budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis de la commission de la production pour l'outre-mer - Une journée entière consacrée à l'outre-mer : voilà une nouveauté que nous pouvons saluer ! J'espère, Monsieur le Président, que vous n'aurez pas les yeux fixés sur le chronomètre pour rappeler à l'ordre nos collègues...

L'année dernière, ayant à donner l'avis de la commission de la production sur le budget de l'outre-mer, j'avais dû, reprenant les protestations de mes prédécesseurs, m'élever contre le fait que le "jaune" budgétaire ne m'avait été remis qu'à la veille de la discussion. C'est dire ma satisfaction d'avoir pu cette année en prendre connaissance il y a dix jours.

Votre budget, Monsieur le ministre, ne représente qu'une petite partie des engagements financiers de l'Etat outre-mer ; mais son évolution traduit l'intérêt que le Gouvernement porte à nos départements et territoires : nous ne pouvons que nous féliciter qu'après avoir progressé en 1998 de 3,17 %, il soit en augmentation de 7 %.

Il est de tradition de scruter l'évolution de quatre postes : emploi ; insertion ; logement ; FIDOM et FIDES. Je n'y dérogerai pas.

Les crédits du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer augmentent de 6,4 %, ce qui les porte à 1 milliard 808 millions. Le représentant de l'Assemblée au sein du FEDOM ne peut que s'en satisfaire. La plus grande partie -1,36 milliard- sera consacrée à financer 34 000 contrats emploi-solidarité, 15 000 contrats d'insertion par l'activité et 7 000 contrats d'accès à l'emploi.

En ce qui concerne les emplois-jeunes, 445 millions vont permettre de financer les emplois créés en 1998 et 3 500 nouveaux emplois. A la fin 1999, 7 000 jeunes auront été embauchés dans les départements d'outre-mer sur les crédits du FEDOM, ce qui, avec les 2 600 aides-éducateurs ou adjoints de sécurité, nous amènera près de 10 000 emplois. Ces chiffres témoignent à la fois de l'ampleur des besoins et de la volonté des acteurs socio-économiques d'utiliser ce dispositif pour répondre à l'attente des jeunes.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité avait pris l'engagement qu'aucune limite ne serait mise au financement des emplois-jeunes dans les départements d'outre-mer dès lors que les projets soumis aux commissions locales d'admission seraient crédibles et conformes aux dispositions de la loi : vous l'avez confirmé, Monsieur le ministre.

Pour les actions d'insertion en faveur des bénéficiaires du RMI, les crédits passent de 790 à 815 millions. Nous aimerions savoir, à ce propos, quelle réponse le Gouvernement entend apporter à la revendication selon laquelle le processus d'égalité sociale doit être conduit à son terme et, en particulier, le RMI doit faire l'objet d'un alignement progressif. Le différentiel de 20 % a été justifié au moment de la création du RMI en 1988 parce que le SMIC outre-mer avait décroché lui aussi de 20 %. Aujourd'hui, rien ne justifie plus cette discrimination.

Les crédits de la LBU sont ceux qui augmentent le plus, passant de 560 à 897 millions, soit une hausse de 58 %. Cette hausse, la plus forte enregistrée ces dernières années, pourrait permettre de financer la construction de plus de 19 000 logements. Un député peu soupçonnable et peu soupçonné d'opposition m'a soufflé à l'oreille que cette inscription budgétaire en forte augmentation pourrait bien être gratuite, les contraintes foncières et d'aménagement entraînant une sous-consommation des crédits. Je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il y aurait là un peu de vrai. Il est donc indispensable de doter les DOM d'un outil d'aménagement plus performant que ne l'est le FRAFU. Vous souhaitez étendre ce dernier à l'ensemble des DOM ; d'accord, à condition qu'il dispose de moyens permettant de consommer intégralement les crédits de la LBU. L'enjeu est de taille : quand le bâtiment va, dit-on, tout va. A la Réunion, quand on construit des logements, on remet au travail des milliers d'ouvriers de ce secteur.

J'éprouve du désappointement à voir les crédits du FIDOM et du FIDES diminuer régulièrement. La section locale du FIDOM s'est d'abord éteinte, et c'est à présent le tour de la section centrale. Où en serons-nous l'an prochain ? Il est grand temps de mettre fin à cette évolution négative.

Le service militaire adapté, aviez-vous déclaré, sera maintenu. De fait, l'engagement a été respecté. Mais le nombre des appelés du SMA sur l'ensemble des sites outre-mer était bien supérieur à 500. J'espère que le chiffre de 500 postes de volontaires l'an prochain est simplement expérimental, et que les volontaires se présenteront en bien plus grand nombre, d'autant que près de la moitié des postes est réservé à l'encadrement.

J'ai détaillé dans mon rapport l'évolution des secteurs primaire et secondaire. J'insiste ici sur l'inquiétude qu'éprouvent les agriculteurs. Aux Antilles, les producteurs de bananes doivent faire face aux attaques incessantes de l'OMC, et parfois au défaut de respect de la préférence communautaire. Or la filière de la banane représente 30 000 emplois en Guadeloupe et en Martinique.

Les négociations de l'OCM du sucre doivent commencer l'an prochain. Dans un contexte mondial de plus en plus contraignant et incertain, comme on l'a vu pour la banane, la plus grande vigilance s'impose pour renforcer les acquis obtenus de longue lutte vis-à-vis de l'Union européenne, à savoir les quotas et l'aide à la production et à la transformation de la canne. Pour La Réunion, le quota doit être maintenu à 300 000 tonnes, au moment où 7 000 hectares sont sur le point d'être mis en culture.

En Guyane, il est urgent d'organiser l'exploitation des ressources naturelles. Par exemple, la production d'or doit profiter aussi aux Guyanais et pas seulement aux multinationales. Le territoire étant si vaste et si faiblement peuplé, pourquoi ne parvient-il pas à l'autosuffisance alimentaire ? Les récentes évolutions relatives au foncier devraient y aider.

En Nouvelle-Calédonie, la perspective des modifications institutionnelles suscite l'optimisme des chefs d'entreprise. La production du nickel atteint un niveau record, et le tourisme se porte bien. Veillons à épargner au territoire les conséquences de la crise asiatique.

Les députés des DOM unanimes ont salué le vote du Congrès relatif à la Nouvelle-Calédonie. Le Gouvernement doit se tourner maintenant vers les autres parties de l'outre-mer. Le temps n'est plus aux solutions communes à l'ensemble des DOM-TOM, mais au traitement spécifique à chacun d'entre eux. Aussi nous demandons vous d'engager au plus vite des discussions dans ce sens. Vous avez parlé d'un délai de réflexion de six mois. C'est bien long, dix-sept mois après l'installation du Gouvernement. Ces études pourraient être réalisées ici en quelques heures ou quelques jours. (Applaudissements sur les bans du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Toutes les grandes réformes annoncées au cours de la campagne électorale et concernant la métropole ont été menées à terme ou sont en cours de discussion. Les Français en savent gré au Gouvernement. Pour les populations d'outre-mer, il est toujours temps d'attendre, de discuter, de chiffrer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR) En attendant, sur place, la situation s'aggrave. Je vous le dis, il ne sera pas admis que l'an prochain, au moment du débat budgétaire, les solutions proposées par les élus d'outre-mer n'aient pas trouvé à s'appliquer !

Sous ces réserves, la commission de la production propose à l'Assemblée d'adopter votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste, plusieurs bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. le Président - Le caractère exceptionnel de cette journée incite la présidence à se montrer souple pour les temps de parole, mais il ne faudrait pas que les premiers orateurs prennent trop de temps au préjudice des derniers !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois - Comme tous les orateurs, je me réjouis que ce 23 octobre marque l'intérêt que l'Assemblée et le Gouvernement portent à l'outre-mer.

Cette année aura été marquée par une évolution historique. Nous nous souvenons tous de ce 6 juillet où, à Versailles, le Congrès, à la majorité de 95 %, a adopté la révision constitutionnelle relative à la Nouvelle-Calédonie.

Ainsi, le dialogue et l'acceptation de l'autre ont permis de trouver un accord propre à donner un sens à l'avenir du territoire.

Je félicite le Gouvernement et tous les acteurs de ce choix qui grandit l'image de la France dans le Pacifique et dans le monde.

Le vote du budget est l'acte politique majeur de la vie parlementaire. Je me réjouis qu'à cette occasion nous entendions les préoccupations de nos concitoyens d'outre-mer, et y répondions ensemble.

Ce budget est pour la deuxième année en forte augmentation de 7 %, renforçant la capacité du secrétariat d'Etat à soutenir la croissance, l'emploi et la solidarité. De fait, les crédits du FEDOM croissent substantiellement, permettant de financer des contrats emploi-solidarité, d'insertion par l'activité et d'accès à l'emploi. De plus, 3 500 emplois-jeunes, hors aides-éducateurs et adjoints de sécurité, seront ainsi recrutés.

Le droit au logement, s'il est inscrit dans la Constitution, n'est malheureusement pas encore effectif pour tous, surtout outre-mer. L'aide au logement, qui occupe dans votre budget une place privilégiée, permettra de construire près de 20 000 logements.

S'agissant du RMI, la créance de proratisation, majorée de 25 millions, appuiera, elle aussi, l'effort en matière de logement, d'emploi et d'insertion.

L'investissement est davantage orienté vers l'emploi et le développement des infrastructures. Depuis la réforme, en 1998, des aides fiscales en faveur de l'investissement productif, la création ou le maintien d'emplois est devenu heureusement un critère déterminant.

Le FIDOM permettra de financer les contrats de plan de La Réunion, de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane et de Saint-Pierre-et-Miquelon ; avec l'application de la convention entre l'Etat et Mayotte les engagements de l'Etat sur la période 1995-2000 devraient être respectés. En outre, l'effort d'investissement se poursuivra en Guyane, notamment sous forme d'aménagements routiers.

Dans les territoires d'outre-mer, le FIDES financera le contrat de développement avec la Polynésie française, et la convention de développement -y compris le logement sociale et le contrat de plan- avec Wallis-et-Futuna.

J'apprécie aussi que l'Etat contribue, pour 15 millions dans les deux cas, aux investissements des communes de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française.

En Nouvelle-Calédonie, où j'ai conduit une délégation de la commission des lois, au moment de la signature de l'accord de Nouméa et où se rendra prochainement notre rapporteur du projet de loi organique, M. Dosière, un nouveau type de relations s'instaure avec l'Etat, grâce à un transfert de compétences organisé par étapes sur les quinze à vingt prochaines années. Je me réjouis tout spécialement de la dotation spécifique de 390 millions, destinée à soutenir le développement économique et social.

Le rôle joué par le service militaire adapté en matière de formation professionnelle et d'insertion est irremplaçable, comme nous avons pu le constater en visitant le site de Tubuaï en Polynésie. C'est pourquoi, dans le cadre de la professionnalisation des armées, un régime spécifique de volontariat doit être mis en place outre-mer, financé par ce budget et par le fonds social européen. Ce sont ainsi, au total, 518 millions qui iront au SMA.

Comme la commission des lois l'a déjà fait sur l'excellent rapport de M. Jérôme Lambert et comme le groupe socialiste le fera, j'approuve ce budget, mais j'approuve plus encore la décision d'élaborer une loi d'orientation pour les départements d'outre-mer. Nous aurons en effet là l'occasion de traiter les principales questions qui se posent dans les DOM : développement économique, politiques sociale et de solidarité et approfondissement de la décentralisation -sur lequel les élus de ces départements insistent, à juste raison. Ce travail devrait aussi nous permettre d'élaborer des réformes, forcément nécessaires cinquante ans après la départementalisation.

Je sais que s'élèvent, notamment parmi nos collègues, des voix pour réclamer une évolution du cadre institutionnel. S'il faut être à l'écoute de ces attentes, il convient, comme vous venez de le préciser, de rechercher tous ensemble d'autres possibilités, dans le cadre de l'article 73 de la Constitution. Je reste persuadée que l'avenir des DOM est intimement lié à l'appartenance à l'Europe. Là où certains, il y a dix ans, ne voyaient qu'un épouvantail, la population et les élus ont appris à reconnaître à la fois des atouts et des faiblesses, mais aussi un cadre dans lequel travailler. Ils ont mesuré l'apport des fonds structurels et ils ont su faire reconnaître les handicaps particuliers de l'insularité et de l'éloignement.

Le cadre européen n'est pas incompatible, à mon sens, avec un élargissement des pouvoirs des élus locaux. Je pense notamment à une répartition plus claire des compétences entre les assemblées régionale et départementale et à la dévolution de compétences dans le domaine de la coopération régionale.

Nos collègues qui seront désignés pour faire des propositions en vue de cet approfondissement de la décentralisation tiendront un rôle éminent dans la préparation de cette loi d'orientation et je me réjouis de cette façon d'associer le Parlement à cette tâche.

Mais les habitants des DOM attendent aussi des réponses d'une autre nature et touchant leur vie de tous les jours. Je souhaite que les décisions budgétaires prises dans ces différents domaines soient rapidement suivies d'effets concrets, particulièrement pour ce qui est de la formation des jeunes. Reprendre la marche vers l'égalité des chances suppose un effort accru d'éducation et de formation.

Cette année 1998 restera également marquée par la célébration du cent cinquantième anniversaire de l'abolition de l'esclavage. Par les manifestations organisées outre-mer et en métropole, la France fait mémoire de ce passé tragique. Mais ce regard rétrospectif n'a de sens que s'il éclaire l'avenir. Je suis sûre que notre débat contribuera à faire mieux apprécier les réalités de l'outre-mer et la chance qu'il représente pour la France. Pour sa part, la commission des lois, dans les domaines qui relèvent de sa compétence, y sera particulièrement attentive (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

M. Alfred Marie-Jeanne - Contre l'immobilisme, pour le changement : tel sera le thème central de mon propos.

La décision prise par le Gouvernement d'élargir ce débat budgétaire à la question des institutions est en soi un aveu. Même si cette initiative s'est enrobée ensuite d'artifices plus ou moins spécieux pour tenter d'en limiter la portée, elle reste une reconnaissance implicite de l'inadaptation et de l'inefficacité d'un système d'un autre âge.

Se rétracter en "tunnélisant" le champ des interventions à l'article 73, c'est, Monsieur le secrétaire d'Etat, démontrer que des groupes de pression sont intervenus. Mais on ne bâtit pas l'avenir en ne considérant que les intérêts d'un petit nombre et ce serait faire injure à la démocratie que de tenir délibérément à l'écart les élus du peuple souverain. Quant à chercher des arguties pour voler au secours de ceux qui ne cessent d'opposer, pour leurs besoins, changement de statut et développement local, c'est une manoeuvre puérile, digne d'un passé révolu.

Certes, le statut ne crée pas mécaniquement le développement. Mais il peut le prédéterminer. A l'opposé, un statut obsolète constitue un obstacle majeur au décollage économique. J'en veux pour preuve tous les plans qui se sont succédé sans jamais avoir l'effet escompté : départementalisation économique de Valéry Giscard d'Estaing en 1974, plan Dijoud en 1979, loi Pons sur la défiscalisation en 1986, assises sur l'égalité sociale active d'Alain Juppé en 1996... Les plans ont passé, les plans ont trépassé ! (Rires sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste) L'atonie générale en a été renforcée et c'est la preuve a contrario que développement et pouvoir politique vont souvent de pair. En revanche, l'absence de pouvoir réel est source d'instabilité permanente et d'incertitude sur l'avenir.

Dans le domaine économique, il n'est pas question de nier l'existence de l'aide et des transferts en provenance de l'extérieur, mais de démontrer qu'ils ne sont pas toujours utilisés à bon escient. Mon propos est aussi et surtout de mettre à bas le mythe de flux à sens unique.

Dans sa livraison d'Antiane-Eco d'août, l'INSEE Antilles-Guyane affirme que "les exonérations sectorielles ne créent pas directement d'emploi : leurs bénéficiaires n'ont aucune obligation d'embauche, ni même de préserver leurs effectifs". La même revue démontre "que le chiffre d'affaires des entreprises repart en direction de la métropole par le biais des importations" et que "le reste du monde, bien que faisant l'avance des transferts publics, se retrouverait excédentaire de 2,2 milliards en 1994."

L'IEDOM a fait le même constat en 1998, évaluant la balance des transferts à moins 193 millions et celle des seuls transferts bancaires à moins 10 216 millions. Une telle situation ne saurait perdurer indéfiniment, car elle s'apparente davantage à un pillage qu'à une aide véritable. La solution ne réside plus en un simple accroissement des fonds mais, nécessairement, par une restructuration de fond ! Le père patenté de la départementalisation n'a-t-il pas reconnu lui-même que "la départementalisation a mis le pays en assistance publique ?"

Le moment est donc venu de cesser de jouer au welto, ce jeu trompeur dans lequel toutes les mises sont toujours récupérées en dernier ressort par les mêmes.

S'agissant des institutions, j'entends répéter à satiété qu'être collectivité départementale vaut solution définitive, bannissant toute idée d'indépendance à terme. C'est une interprétation abusive de la Constitution et de la jurisprudence. En effet, l'article 53, dernier alinéa, dispose que "nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n'est valable sans le consentement des populations intéressées." Le Conseil constitutionnel, par sa décision en date du 30 décembre 1975, a déjà depuis belle lurette réglé ce problème-là lorsqu'il considère que "les dispositions de cet article 53 doivent être interprétées comme étant applicables, non seulement dans l'hypothèse où la France céderait à un Etat étranger ou bien acquerrait de celui-ci un territoire, mais aussi dans l'hypothèse où un territoire cesserait d'appartenir à la République pour constituer un Etat indépendant."

Cela signifie que si un territoire souhaite devenir indépendant, il faut admettre que le peuple concerné, conformément à l'article 53, puisse être consulté par référendum d'autodétermination. Et pour lever toute ambiguïté d'interprétation, le Conseil constitutionnel précise bien que le "terme territoire n'a pas, dans cet article 53, la même signification juridique que dans l'expression territoire d'outre-mer..." L'article 53, dernier alinéa, ne fait aucune distinction entre DOM et TOM. En d'autres termes, les départements d'outre-mer sont concernés intrinsèquement en tant que territoire.

Les professeurs Prelot et Boulouis explicitent, à leur tour, la portée de cet article 53 : ..."Cette disposition reprend le principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes... C'est en ce sens que s'est prononcé le Conseil constitutionnel en décidant que l'article 53 s'applique non seulement lorsque la France cède un territoire à un Etat étranger mais aussi lorsqu'un territoire cesse d'appartenir à la République soit pour se rattacher à un autre Etat, soit pour constituer un Etat indépendant."

La jurisprudence et la doctrine étant ainsi rappelées, c'est désormais la consultation populaire obligatoire, décidée le moment venu dans les conditions d'objectivité requises, qui importe.

Maintenant que l'hypothèque du principe de l'autodétermination est levée, il reste à entamer le processus de transformation en mettant sur pied l'assemblée régionale unifiée de transition. Elle doit être habilitée à prendre des mesures législatives relatives à l'économie, à l'organisation sociale, à la fiscalité, à l'audiovisuel, à l'éducation, aux relations avec nos voisins de la Caraïbe.

En conclusion, malgré les subsides versés, les indicateurs sociaux et économiques s'affolent avec 28,8 % de chômage. Or "le chômage n'est pas un temps libre mais du temps vide", propice à toutes sortes de déviance, comme le souligne un auteur martiniquais.

La politique d'intégration forcée et l'alignement systématique sur les normes européennes découragent la production au profit de l'importation. C'est le système exclusif de Colbert inversé.

Après un demi-siècle, le système départemental, mâtiné de quinze années de décentralisation, arrive épuisé au terme de sa course.

Comme le disait Frantz Fanon : "Il est plus facile de proclamer qu'on rejette que de rejeter réellement." A l'aube du troisième millénaire, ce gouvernement, dont toutes les composantes se piquent, à juste raison, d'être à l'écoute des problèmes, se doit de ne pas pratiquer un dialogue sélectif.

J'attends de lui une réponse qui ne soit pas évasive (Mme Christiane Taubira-Delannon applaudit).

M. François Asensi - L'augmentation de 7 %, par rapport à 1998, des crédits consacrés à l'outre-mer traduit la volonté de mieux prendre en considération les spécificités et la diversité des départements et territoires concernés. Et bien entendu, le groupe communiste votera ce budget.

Je regrette toutefois le désengagement en matière d'investissement. Ainsi, les crédits affectés au fonds d'investissement des départements d'outre-mer -FIDOM- et au fonds d'investissement pour le développement économique et social -FIDES- ne cessent de diminuer, année après année et le projet de loi de finances ne modifie pas le dispositif de défiscalisation pour l'investissement outre-mer.

Après avoir pris des mesures en 1998, pour en limiter les dérives, vous avez décidé de proroger la loi Pons jusqu'en 2001. Cette mesure était nécessaire, mais je souhaiterais qu'un bilan en soit dressé. S'il s'avère que ce dispositif ne crée pas d'emplois, il devra être révisé, sinon abrogé. Il faut trouver des mesures alternatives satisfaisantes.

Pour ce qui est du développement économique local, les filières traditionnelles restent extrêmement fragiles.

Face à l'offensive américaine sur le marché européen de la banane, les planteurs antillais et la main-d'oeuvre locale sont très inquiets, après la décision du conseil des ministres de l'agriculture de l'Union européenne, de céder à la pression de l'OMC, notamment en facilitant l'accès des négociants d'Amérique latine, qui vendent la banane "dollar", au marché européen. La production communautaire risque d'être ainsi sacrifiée. Le respect de la préférence communautaire, la garantie de revenus des producteurs de bananes et d'écoulement de leurs produits sur le marché communautaire doivent rester nos objectifs prioritaires.

L'avenir de la production du rhum, qui représente près de 4 000 emplois de la filière canne, semble incertain. La plupart des indicateurs économiques et sociaux sont très préoccupants. La politique des transferts financiers n'est pas parvenue à établir l'égalité entre la situation de la métropole et celle des DOM.

On assiste à des mouvements sociaux en Guadeloupe. Quelle est votre opinion à ce sujet, Monsieur le secrétaire d'Etat, et quelles solutions proposez-vous pour y mettre un terme ?

Avant de parler de l'avenir institutionnel des DOM-TOM, je tiens à dire quelques mots à propos des conséquences des essais nucléaires sur la santé des Polynésiens et des anciens travailleurs des sites d'essais nucléaires.

Des chercheurs de l'INSERM ont confirmé les inquiétudes dont l'association Hiti-Tau m'a fait part à ce sujet. Les radiations ionisantes auraient provoqué des cancers de la thyroïde et des maladies génétiques.

Tous les moyens doivent être mis en oeuvre pour vérifier la véracité de cette assertion. Je souhaite que le ministre de la défense coopère dans cette affaire qui touche à la santé publique.

J'en viens à la question institutionnelle.

En Nouvelle-Calédonie, l'Etat français ne pouvait rester neutre en raison du lourd contentieux colonial qui a opposé, depuis le XIXème siècle, la population mélanésienne aux immigrants. Il se devait d'imaginer un modèle souple de décolonisation permettant aux populations de choisir leur destin. Les Calédoniens se prononceront donc par référendum, le 8 novembre prochain, sur l'avenir institutionnel de leur territoire.

La décolonisation de ce territoire du bout du monde est suivie attentivement par l'ONU. Le principe d'irréversibilité des transferts de compétences est l'un des chemins vers cette décolonisation et implique la mobilisation des services de l'Etat sur le territoire.

En attendant ce transfert de compétences, il convient de contrôler l'utilisation des fonds publics versés au territoire dans l'objectif d'un véritable rééquilibrage.

Pour éviter une remontée possible des tensions, surtout à l'occasion de la discussion du projet de loi organique au Parlement, le groupe communiste attend du Gouvernement qu'il impose le strict respect des accords de Nouméa.

Je salue le travail de persuasion, mené par le Gouvernement sous votre autorité, Monsieur le secrétaire d'Etat, pour parvenir à cet accord qui engage la Nouvelle-Calédonie sur la voie de la décolonisation.

Les peuples d'outre-mer ont suivi ce dossier avec intérêt. Ils peuvent considérer que ce travail gouvernemental peut s'étendre à leur région. Toutefois, il n'est pas possible de transposer tel quel le modèle d'émancipation néo-calédonien aux autres départements et territoires d'outre-mer, compte tenu de la diversité de leurs situations.

Il existe cependant une aspiration commune de tous les peuples à être écoutés et entendus. Il appartient à l'Etat, dans le respect des conventions internationales et de la Constitution, de leur permettre de choisir librement leur destin.

Il est aussi de notre responsabilité d'examiner comment les statuts pourraient évoluer.

La permanence d'une relation de dépendance de type néo-colonial entre la métropole et l'outre-mer et l'aggravation de la fracture sociale, notamment dans les domaines de la culture et de la santé publique, peuvent renforcer les idées indépendantistes assorties d'éventuelles dérives nationalistes et isolationnistes.

Notre devoir est d'appeler l'attention des populations sur les risques d'interventionnisme qui résulteraient d'une défaillance de la République française. Mais, en aucun cas, cette vision politique ne peut servir d'alibi pour maintenir un statu quo.

Faisons confiance à l'esprit créatif des peuples pour trouver la juste voie.

La République est le cadre qui peut offrir, si telle est la volonté des peuples, la plus grande autonomie. La Constitution le permet. L'effacement de la République, dans un contexte international de mondialisation, de déréglementation et d'affaiblissement de la puissance publique auraient de graves conséquences pour les DOM et les TOM.

Enfin, si vous décidez d'ouvrir le chantier des réformes institutionnelles, n'oubliez pas d'y associer les personnes originaires de l'outre-mer en métropole. Ayant toujours fait preuve d'une grande vitalité pour diffuser leur culture, ils souhaiteraient être écoutés sur leurs problèmes quotidiens.

J'ai ressenti fortement cette exigence, lors de l'anniversaire de l'abolition de l'esclavage, où en présence d'Ernest Moutoussamy, la ville de Tremblay-en-France donnait le nom de Toussaint-Louverture à sa plus grande enceinte sportive.

De nombreux domiens subissent de multiples atteintes à leurs droits en matière de mutations, de primes d'éloignement, de congés bonifiés, d'emplois qualifiés, de reconnaissance de leur identité culturelle. Ils sont aussi victimes de discriminations pour obtenir un logement. Ils demandent l'abrogation de la notion de résidence habituelle qui les prive de congés bonifiés. Il est temps de mettre fin à des pratiques qui portent atteinte à la dignité des originaires de l'outre-mer. Je suis persuadé, Monsieur le secrétaire d'Etat, que vous porterez une attention très soutenue à leurs problèmes (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, quelques bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Dominique Bussereau - Permettez-moi tout d'abord de me réjouir de la tenue de ce débat d'orientation que j'avais d'ailleurs demandée lors de la discussion du projet de loi constitutionnelle relatif à la Nouvelle-Calédonie et dont nous pourrions nous inspirer pour conduire la réforme, souhaitée par le Président Fabius, des procédures de la discussion budgétaire. De tels débats, bien plus intéressants que l'examen fastidieux des fascicules, contribuent en effet à la revalorisation de notre assemblée.

Le groupe DL ne comporte pas -pas encore- d'élu d'outre-mer ; je m'exprimerais donc, bien qu'il y ait quelques îles en Charente-Maritime (Sourires), avec une grande humilité vis-à-vis de mes collègues plus compétents dont on a bien vu, notamment lors de l'intervention de M. Alfred Marie-Jeanne, la connaissance du terrain issue de l'exercice de responsabilités locales, ce qui mérite réflexion dans notre débat actuel.

Nos partenaires européens qui ont longtemps moqué les "confettis" de notre ancien Empire prennent aujourd'hui conscience que l'outre-mer nous apporte beaucoup. De fait, ces territoires sont pour la France une chance et non une charge.

Ils sont d'abord d'une importance stratégique majeure. C'est grâce à la Polynésie que la France, contrainte de quitter le sol algérien, a pu néanmoins développer sa force de dissuasion. Aujourd'hui, c'est grâce à la Guyane que nous bénéficions des meilleures conditions pour mettre en orbite nos fusées.

En outre, l'outre-mer nous montre ce que peuvent être de véritables sociétés multiculturelles à la française...

M. Henri Jean-Baptiste - Très juste !

M. Dominique Bussereau - ...au sein desquelles des hommes de toutes origines parviennent à vivre et à travailler ensemble. Cela dit, nous pensons à Démocratie Libérale qu'il est indispensable de donner un nouvel horizon à l'outre-mer. Il faut que les populations ultramarines sachent comment elles entreront dans le XXIème siècle et en particulier comment s'organiseront leurs relations avec la métropole et avec l'Union européenne.

A cet égard, et comme l'écrit fort bien Michel Rocard dans Le Figaro, il convient, avant toute modification des institutions, et pour importante qu'elle puisse être, de réfléchir aux moyens d'assurer la réussite économique de l'outre-mer. Il n'est pas admissible que la situation de l'outre-mer qui a tant d'atouts soit aussi mauvaise, notamment au regard du chômage. Il faut plus de libertés, plus d'incitations à créer dans ces territoires par exemple grâce à des zones franches. Il faut ouvrir un nouvel horizon économique à l'outre-mer, qui n'est pas condamné à l'échec ou au chômage. Sa réussite économique est même indispensable, car sinon la tentation cartiériste renaîtra un jour en métropole.

Les DOM-TOM ont également besoin d'un nouvel horizon social car, là aussi, la situation actuelle n'est pas satisfaisante. Vous faites un effort légitime pour régler les difficultés en matière de logement. Je me demande en revanche si nous ne sommes pas allés trop loin en décidant, certes au nom de principes estimables, d'aligner les prestations sociales sur celles de la métropole ce qui a contribué à déstabiliser l'économie de ces territoires.

Sachons dépasser ces tabous, en ce qui concerne également le surpaiement de nos fonctionnaires en poste outre-mer, certes parfaitement justifié dans un passé lointain mais dont le bien fondé mérite aujourd'hui réflexion, aussi difficile qu'elle doive être.

Enfin, l'outre-mer a besoin d'un nouvel horizon politique. Vous avez donné des orientations fortes à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie mais beaucoup se demandent pourquoi des évolutions ne sont pas mises en oeuvre ailleurs.

Pour ma part, je crois que les institutions décentralisées d'outre-mer ont d'abord besoin d'être simplifiées et notamment, même si cela doit déplaire à certains de mes collègues, que la coexistence sur un territoire identique d'un conseil général et d'un conseil régional n'est pas bonne.

M. Laurent Cathala - Vous n'avez pas toujours dit cela !

M. Dominique Bussereau - Tout le monde évolue. Je suis aujourd'hui convaincu que cela entraîne des gaspillages et une mauvaise administration. Pour les mêmes raisons, je suis donc défavorable à la bidépartementalisation de la Réunion qui a déjà un département et une région.

En ce qui concerne les autres DOM, je partage les inquiétudes de François Asensi sur la situation sociale dégradée que connaît la Guadeloupe à l'approche de la haute saison touristique. Certaines évolutions ont toutefois été positives aux Antilles qui bénéficient notamment d'une bien meilleure desserte aérienne, à meilleur prix, grâce, n'en déplaise à Monsieur Gayssot, à la libéralisation du transport aérien. Lors d'une mission conduite à ce sujet, j'ai même entendu certains professionnels estimer qu'elle avait trop réussi, eu égard aux catégories de touristes qu'ils souhaitent pour leur région. Il reste toutefois une amélioration à apporter dans le secteur aérien qui connaît une certaine cacophonie du fait de la coexistence d'Air Martinique et d'Air Guadeloupe qu'il faudrait fusionner en une compagnie régionale unique.

En ce qui concerne la Guyane, je m'associe à l'hommage que vous avez rendu aux gendarmes tués dans l'exercice de leur mission et je souhaite savoir quelles réponses vous comptez apporter au déferlement permanent de violence dont est victime ce département aux frontières, il est vrai, bien difficiles à surveiller.

La Réunion pose, me semble-t-il, une question de fond à laquelle je ne sais répondre : pourquoi, malgré le talent des hommes et des femmes de ce département, celui-ci ne s'est-il pas développé comme l'île voisine de Maurice pourtant partie de plus loin ?

En ce qui concerne Mayotte, j'aimerais que notre éminent collègue Henry Jean-Baptiste n'ait plus à demander, dans ses discours, de précisions sur l'avenir du statut de l'archipel.

M. Henry Jean-Baptiste - Tout à fait !

M. Dominique Bussereau - Il n'a que trop entendu de réponses dilatoires ; il serait temps de décider que faire de Mayotte.

En Polynésie, le problème principal est la difficile situation financière imposée aux communes et que rappelait M. Lambert. Nous avons été vivement interpellés à ce sujet par les maires lors de la mission conduite par Mme Tasca.

Quant aux évolutions institutionnelles de ce territoire, je me réjouis que le Gouvernement entreprenne, conformément aux souhaits du Président de la République, une réforme à laquelle nous avions pensé les premiers. Je crois qu'elle est légitime, compte tenu de la situation géographique et d'autre part de l'évolution de la Nouvelle-Calédonie. Je vous demande toutefois de trouver une autre appellation que celle de POM, qui ne profitera qu'aux chansonniers (Sourires).

Mais, je le répète, nous sommes favorables à l'évolution institutionnelle de ce territoire.

En ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, M. Auberger a rappelé les vicissitudes liées au cours du nickel. Cela risque-t-il de mettre en cause tout ce que nous cherchons à bâtir ? Notre groupe a voté pour les accords de Nouméa, ils sont extrêmement importants. Les premiers sondages parus laissent augurer un "oui" au référendum et les forces principales de l'île, dont l'association des maires, se sont prononcées en ce sens.

Néanmoins nous avions mis en garde, lors de la discussion, contre certains aspects du texte -le ton de "repentance" du préambule, la préférence accordée aux Calédoniens pour l'emploi, etc. Il ne faudrait pas que l'addition de petits mécontentements fasse grimper fortement le pourcentage des non et que le résultat du référendum ne corresponde pas à l'immense élan de paix et de fraternité que nous avons vécu, à vos côtés, à Nouméa au printemps dernier. Je lance donc un appel pour surmonter ces divergences et pour que le Gouvernement, lors de l'examen de la loi organique, apporte des réponses qui contribuent à rassurer et rassembler.

La tradition républicaine veut que l'opposition ne vote pas le budget, donc DL ne le votera pas. Mais nous vous savons gré, Monsieur le ministre, de ce débat sur la France d'outre-mer, qui nous paraît une France forte, tournée vers l'avenir et à laquelle nous croyons (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Henry Jean-Baptiste - Ce débat sur l'outre-mer arrive à son heure. Il est devenu urgent, en effet, de dissiper les inquiétudes et les doutes qu'un grand quotidien national croyait récemment discerner dans "les DOM-TOM, à la recherche de leur avenir"...

C'est dire qu'un tel débat ne saurait se limiter à l'examen -toujours un peu rituel- du budget du ministère de l'outre-mer. D'une part, ce budget ne représente que 10 % du total des crédits publics consacrés à l'outre-mer. D'autre part, il est de notre intérêt de mieux informer la représentation nationale et surtout l'opinion publique métropolitaine, qui n'a de nos réalités et de nos aspirations qu'une connaissance incertaine, quand elle ne se nourrit pas de généralités ou de simplifications abusives, voire de clichés. Or l'outre-mer est d'une extraordinaire diversité géographique, historique, culturelle... que résume le fameux "défi des singularités" de mon ami Gérard Belorgey.

Nous savions déjà que la Martinique n'est pas la Creuse ou l'Orne, mais la Réunion n'est pas davantage la Guyane ou la Guadeloupe et Mayotte ne ressemble qu'à Mayotte.

L'outre-mer français est aujourd'hui parvenu à une étape décisive de son histoire.

On l'a bien vu, au Congrès à Versailles, lors du débat sur l'émancipation et peut-être l'indépendance, à terme, de la Nouvelle-Calédonie et déjà, l'on évoque l'extension de ces réformes statutaires à la Polynésie. Aux Antilles, la question de l'assemblée unique agite les esprits, à La Réunion certains réclament la création d'un deuxième département tandis que Mayotte souhaite plus que jamais une "départementalisation adaptée" à ses particularismes.

Des demandes très diverses donc.

Mais l'enjeu prioritaire demeure pour tous, le développement économique et social et plus précisément, la création d'activités et d'emplois.

On sait ce que l'aggravation du chômage peut susciter comme impatiences, exaspération et propos extrêmes, notamment dans les jeunes générations, plus instruites qu'autrefois.

Comme l'immense majorité de nos concitoyens d'outre-mer, je pense essentiel de concevoir un dispositif institutionnel qui, sans mettre en cause l'unité de la République, nous assure une réelle maîtrise de notre propre développement.

C'est d'abord une revendication de dignité. Certes, la solidarité nationale ne nous a jamais fait défaut, mais nous souhaitons passer d'une situation d'assistance à une économie productive, fondée sur la création d'entreprises innovantes plutôt que sur l'extension indéfinie du commerce d'importation ou la distribution de revenus sons contrepartie de travail -cette contrepartie pourrait être un travail d'utilité sociale.

Les bases du développement local existent : elles se trouvent dans le niveau de nos équipements collectifs et de la protection sanitaire et sociale et dans nos instruments de formation et d'éducation, qui permettent l'accès aux technologies d'avenir.

Nous devons rechercher également une intégration toujours mieux adaptée à l'Union européenne du grand marché et de la stabilité monétaire... Ce sont pour nous d'inestimables atouts. Mais il s'agit aussi d'obtenir les marges d'initiative permettant une insertion plus active dans notre environnement régional. C'est une revendication d'identité, mais aussi de participation à l'action internationale de la France notamment dans le domaine de la coopération technique, scientifique et culturelle.

Voici deux ans à peine, nous avons commémoré la transformation, en 1946, des "quatre vieilles colonies" en départements français d'outre-mer.

Le bilan de cette "départementalisation", qui répondait à une demande quasi unanime de nos compatriotes d'outre-mer, est largement positif : enracinement progressif de l'Etat de droit dans ces sociétés coloniales, apprentissage de la démocratie, émergence de la justice et paix dans des zones souvent troublées, progrès de l'éducation.

En revanche, les résultats sont plus contrastés dans le domaine de l'économie. La contradiction est bien connue : nos productions, qui portent sur des produits primaires, de régions tropicales, intègrent des charges sociales et salariales de pays développé ; c'est l'effet de l'extension des droits attachés à la citoyenneté française.

Résultat, nos produits résistent mal à la concurrence étrangère et sont en quête permanente d'aides publiques nationales ou communautaires.

Cette économie largement assistée renforce cependant des éléments de dynamisme qu'il s'agit d'encourager. Le taux de créations d'emplois, notamment à la Martinique et à la Réunion, dépasse nettement celui enregistré en métropole. Mais compte tenu du dynamisme démographique de ces départements, ces résultats ne suffisent pas à inverser les courbes du chômage.

Qui peut, dans ces conditions, sérieusement penser que le bouleversement de nos institutions, voire l'abandon du statut départemental, serait aujourd'hui de nature à relancer les activités économiques et à rétablir la confiance nécessaire aux investissements productifs ?

Le retour à la croissance est la condition nécessaire, avec les progrès de l'éducation et de la formation des hommes, pour effacer les séquelles des périodes coloniales.

Nous pensons, à l'UDF, que cette indispensable stabilité institutionnelle n'exclut nullement des "adaptations" novatrices.

L'exercice qui nous est proposé n'est pas simple. Il s'agit de permettre à l'outre-mer français de mieux assumer sa diversité, au besoin par des "pactes ou des conventions particulières de développement", tout en renforçant les bases de l'unité nationale.

Il s'agit aujourd'hui d'approfondir un mouvement de différenciation institutionnelle qui, en réalité, se poursuit depuis longtemps.

La première étape remonte à 1976, avec la création, à côté des fameux "DOM-TOM", des "collectivités territoriales".

D'autres éléments de différenciation institutionnelle sont apparus avec la création de nombreux instruments spécifiques de développement de l'outre-mer : le FIDOM, le FIDES, la LBU, le FEDOM pour l'emploi, le BUMIDOM, l'ANT, qui s'occupe de l'insertion, en général très réussie, de nos compatriotes d'outre-mer en France métropolitaine.

Relèvent également de cette différenciation toutes les séries d'ordonnances qui, depuis 1993, ont eu pour objet d'adapter le droit applicable outre-mer.

En ce qui concerne nos relations avec l'Europe communautaire, la lente promotion du POSEIDOM a été confirmée, en annexe du traité de Maastricht, par l'importante "déclaration relative aux régions ultra-périphériques de la Communauté".

Dans le même sens, l'article 299 du traité d'Amsterdam permet, en faveur des DOM, certaines dérogations au droit communautaire. Nous avons ainsi un cadre évolutif dont il faudra explorer toutes les potentialités dans le sens du développement économique.

Ces avancées ont été positives, mais il faut aller plus loin aujourd'hui, peut-être même au-delà des possibilités d'adaptation des lois métropolitaines ouvertes par l'article 73 de la Constitution. Car nous savons combien ces "adaptations" ont été, dès l'origine, strictement limitées par la loi et la jurisprudence.

La réponse aux questions posées par l'outre-mer, réside dans l'expérimentation d'une politique nouvelle de décentralisation, imaginative et vigoureuse, dont nous proposerons nous-mêmes au Gouvernement les objectifs et les moyens. Je sais bien que certaines pratiques de décentralisation n'ont pas été heureuses. Mais faisons l'état des lieux et envisageons des perspectives nouvelles.

Dans un domaine où le pragmatisme doit l'emporter sur toute considération théorique ou idéologique, il me paraît tout indiqué de suggérer une méthode de travail qui a donné d'excellents résultats à Mayotte et dont vous avez parlé, Monsieur le ministre : deux groupes de travail ont été constitués, l'un à Paris, l'autre à Mayotte ; il en est résulté une excellente analyse et des propositions. Cette idée devrait être versée au dossier des deux parlementaires en mission.

Ainsi serait réalisée cette évolution institutionnelle différenciée qui me paraît répondre aux exigences du temps présent : la République se donnerait la capacité de connaître la diversité de ses composantes, tout en élargissant le champ des prérogatives et des responsabilités locales. Telle est, en effet, la difficulté majeure dans ce pays qui pratique si mal la décentralisation, alors qu'il en conçoit la nécessité, et où les administrations s'y entendent si bien pour reprendre ou recentraliser les compétences déléguées ou déconcentrées.

C'est affaire de volonté politique : certaines pratiques récentes du Gouvernement m'ont laissé sceptique, mais cela peut venir...

Ainsi, malgré la mobilisation de l'ensemble des parlementaires de l'outre-mer, nous avons simplement limité les dégâts infligés aux mécanismes de la défiscalisation. De nouveau, je déplore que, dans le processus proposé à la Nouvelle-Calédonie, l'option indépendantiste soit nettement privilégiée, comme si, contre l'avis de la majorité de la population, l'on considérait l'indépendance comme inéluctable. Plus récemment, quelques dizaines d'athlètes mahorais se sont vus interdire sur veto comorien l'accès aux "Jeux des îles de l'Océan indien", organisés à La Réunion et largement financés par la France. "Affaire mal engagée, mal traitée, mal gérée", m'a-t-on dit à Paris... "Frilosité diplomatique" répond l'écho à Mayotte. Tout cela, en dépit de votre engagement personnel, dont je vous sais gré, Monsieur le ministre !

En 1987, Mayotte avait pu participer à ces jeux, malgré l'opposition des Comores, grâce à l'action du Gouvernement de Jacques Chirac, nous ne l'oublions pas.

Quant à votre budget, Monsieur le ministre, il a pour mérite d'exister : je ne partage pas l'opinion de ceux qui réclament la suppression du ministère de l'outre-mer. Je considère en effet qu'il exerce une fonction irremplaçable -de coordination, d'impulsion, ainsi que de médiation entre nos territoires éloignés et les services parisiens ; j'en fais tous les jours l'expérience et je veux ici rendre l'hommage qu'ils méritent à vos collaborateurs. On peut lui trouver d'autres mérites, mais il souffre aussi de lacunes.

Tout d'abord, deux remarques concernant Mayotte.

Le FEDOM augmente sensiblement, mais notre collectivité territoriale n'y a pas accès. Nous avons bien du mal à obtenir l'application de dispositifs de droit commun concernant l'emploi des jeunes...

A l'inverse, Mayotte émarge au FIDOM, mais ce fonds est en chute libre. Je vois d'ailleurs quelque contradiction entre l'annonce de mesures de décentralisation et la réduction de la branche décentralisée du FIDOM : une réflexion d'ensemble me paraît nécessaire.

Au-delà de ces questions ponctuelles, ce budget souffre de n'être accompagné d'aucun des signes forts qui, traduisant une volonté politique, rendraient confiance à l'outre-mer.

Vous nous avez parlé tout à l'heure, c'est vrai, de loi d'orientation, Monsieur le ministre, et j'en approuve le principe ; mais nous souhaiterions un mécanisme un peu plus contraignant, sachant que les "orientations" se perdent volontiers dans les eaux du Pacifique, de l'Atlantique et, plus encore, de l'Océan indien... (Sourires) Nous voudrions une loi de programme : elle permettrait de donner une cohérence à toutes sortes de propositions novatrices -zone franche, entreprises franches, statut fiscal et social adapté aux entreprises artisanales...

Un signe est également nécessaire en direction des jeunes. On a beaucoup parlé de la jeunesse en déshérence ; mais il y a aussi outre-mer une jeunesse dynamique, comme en témoignent la composition des équipes de France d'athlétisme ou de foot... Il serait donc nécessaire d'inciter ces jeunes à créer des entreprises, à saisir les chances nouvelles qu'offrent les technologies d'avenir.

Enfin, Monsieur le ministre, et là je vous rejoins, avec beaucoup d'autres et en particulier mon ami Dominique Bussereau, il faut mieux faire ressortir les apports positifs de l'outre-mer à la communauté nationale. La réforme de l'audiovisuel public doit être l'occasion de marquer le rôle que nous pouvons jouer dans la coopération régionale, la diffusion culturelle, la francophonie. Ma conviction, partagée par beaucoup, est que l'outre-mer ne se présente pas les mains vides...

Je conclus. Pour nos petites sociétés d'outre-mer, riches de leur diversité mais fragiles, l'entrée dans le troisième millénaire sera un nouveau défi. Il faudra définir de nouveaux principes : ainsi, il me paraît évident que la notion d'assimilation ne peut plus, comme en 1946, suffire à définir la départementalisation. Aujourd'hui, se manifeste dans ces départements un double besoin d'identité et de responsabilité.

Par ailleurs, le plus sûr fondement de l'outre-mer français réside dans l'adhésion des populations, mais une adhésion éclairée. C'est pourquoi -ces propos n'engagent que moi- il ne faudrait pas hésiter, si la confusion et l'ambiguïté menacent, à consulter nos compatriotes d'outre-mer sur leur volonté d'appartenance à la République. Les textes constitutionnels autorisent cette clarification.

Je sais que, dans leur immense majorité, nos compatriotes souhaitent demeurer ce qu'un quotidien national du soir appelait, il n'y a pas si longtemps, "la France du grand large" (applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Dominique Perben - Nous sommes aujourd'hui réunis pour un débat qui va au-delà des questions budgétaires. Il y a un an, Pierre Mazeaud avait promis, en réponse à l'insatisfaction de beaucoup d'entre vous, que l'Assemblée consacrerait davantage de temps à l'outre-mer, pour réfléchir à son avenir et répondre à de légitimes interrogations.

Le sentiment largement partagé outre-mer, c'est l'inquiétude. D'abord pour des raisons économiques et sociales : malgré des performances remarquables en matière de croissance et même de créations d'emplois, le chômage atteint toujours des taux impressionnants, spécialement dans les DOM. Cette situation génère l'insécurité et une réelle désespérance chez les plus jeunes et leurs parents.

La précarité est en train de s'installer. L'exclusion n'est pas loin, avec son cortège de difficultés matérielles et morales. Ce sont des phénomènes insupportables dans des sociétés où le vouloir-vivre ensemble est très fort.

A cette réalité objective s'ajoutent des éléments psychologiques et politiques.

Comme je l'avais déjà dit l'année dernière, la façon dont, peut-être malgré vous, Monsieur le ministre, le Gouvernement a traité la question de la loi Pons a été une énorme maladresse.

M. Jean-Louis Debré - Très bien !

M. Dominique Perben - Vous avez commis une erreur économique et une faute politique, et envoyé un contre-signal. Vous avez laissé accroire que les dispositifs dérogatoires accordés à l'outre-mer pouvaient être remis en cause brutalement, sans autre alternative, de sorte que nos compatriotes de l'outre-mer ont le sentiment grandissant que la métropole évolue vers une forme d'indifférence à l'égard des DOM-TOM. Le débat d'aujourd'hui offre une première occasion de démentir une telle affirmation. La démarche du groupe RPR s'inscrit dans la tradition gaulliste faite de générosité et de dignité, avec la volonté d'ouvrir à l'outre-mer de nouvelles voies d'espoir et de progrès. Un repli sur soi de la métropole, un refus de reconnaître les spécificités de l'outre-mer, un étroit calcul coût-avantage ne sont pas acceptables pour nous. Notre conception de la nation et de l'influence française nous fixent comme une impérieuse nécessité une vraie politique pour l'outre-mer.

MM Henry Jean-Baptiste et Jean-Louis Debré - Très bien !

M. Dominique Perben - Cette conception est celle du Président de la République. De l'Etat, l'outre-mer attend toujours beaucoup.

Est-il toujours à l'écoute, inventif, capable d'adaptation ?

Les contraintes auxquelles la vie économique de l'outre-mer doit faire face sont nombreuses. Refuser cette réalité est absurde. Pour développer l'emploi productif et des PME modernes, il faut beaucoup d'investissements, publics et privés, et beaucoup de réduction de charges de production. Cela, nous le savons tous, je pense. Encore faut-il en tirer quelques conséquences. La loi Pons comme celle de juillet 1994 sont des éléments de réponse.

Que veut faire le Gouvernement au-delà de mars 2000 pour la loi de juillet 1994 ? Vous avez annoncé une étude. Il en existe déjà, puisque j'en ai lues, en particulier celle de l'INSEE. Ce qu'il faut maintenant, c'est décider.

Que veut faire le Gouvernement dans le domaine des investissements privés ? L'administration des finances interprète très strictement les textes de l'an dernier sur la loi Pons. Ainsi, plusieurs dossiers touristiques polynésiens sont bloqués, et aux Antilles l'activité hôtelière est ralentie.

Tandis que l'outre-mer a besoin d'investissements massifs, les investissements privés diminuent.

L'investissement public, lui, n'est pas très prometteur. Les crédits du FIDOM et du FIDES diminuent, alors qu'ils ont un effet d'entraînement. Cette évolution est dangereuse.

Rendez des perspectives aux investisseurs ; il y va de l'emploi et de la paix publique, car s'en tenir à une gestion au fil de l'eau est le meilleur moyen de susciter l'inquiétude. Quelques voix en ont profité pour réclamer des évolutions statutaires et même à terme l'indépendance. Complète erreur ! Au lieu d'expérimentation institutionnelle, c'est d'innovation, économique et sociale, que nous avons besoin (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Ceux qui, à la Martinique, tiennent un discours indépendantiste, sèment le trouble dans les esprits, l'incertitude dans l'économie, et donc la régression sociale, ne feront pour finir que dresser les Martiniquais les uns contre les autres.

On le sait bien, des changements institutionnels radicaux ne résoudraient pas la question de l'emploi ni les questions sociales.

Choisir l'indépendance, c'est choisir le repli sur soi et le déclin.

La course au changement institutionnel est une fuite devant les responsabilités. Le vrai courage consiste à affronter la réalité et ouvrir de vraies perspectives aux jeunes générations.

Se saisir des accords de Nouméa pour généraliser la question institutionnelle est un non-sens. La Nouvelle-Calédonie ne doit pas être un exemple statutaire. Ce territoire a ses spécificités, il a surtout une histoire contemporaine particulière. Les communautés de Nouvelle-Calédonie ont souhaité avec l'Etat français reconstruire la paix, la concorde et les conditions du progrès. Cet objectif ne peut être atteint que par un chemin particulier. La fierté des Calédoniens et de la France c'est d'avoir su trouver ce chemin. J'ai l'intime conviction, et c'est pourquoi j'ai approuvé les accords de Nouméa, que ce chemin mènera à la fois à une paix durable et au maintien définitif de la Nouvelle-Calédonie dans la République.

A Wallis-et-Futuna se pose la question des relations avec la Nouvelle-Calédonie. Vous l'avez évoquée furtivement. Des arrangements précis seront nécessaires pour éviter une déstabilisation de la société de Wallis-et-Futuna. En outre, les engagements pris par l'Etat à l'égard du territoire doivent être tenus, en raison de l'immensité des besoins.

En Polynésie française, nous nous félicitons des conséquences positives du pacte de progrès. Le développement du tourisme, de la pêche et des activités perlières est prometteur, et les créations d'emplois sont impressionnantes.

Sur le plan institutionnel, nos amis polynésiens souhaitent une évolution du régime d'autonomie pour mieux prendre en compte les spécificités du territoire. Nous aurons prochainement à en débattre, en prenant en compte leur attachement profond à la République. A Mayotte la grande affaire est de préparer enfin, la consultation promise par tous, et que vous confirmez.

Nous y prendrons, au Parlement, toute notre part. Aux DOM, il faut proposer des perspectives nouvelles. Le statut de département ne signifie pas l'immobilisme, vous l'avez dit.

Il doit permettre de mieux affirmer la présence de l'Etat comme garant de la sécurité et de l'Etat de droit, et d'assurer le développement local. Cela suppose que certains services soient mieux assurés, voire repris en main. Il est dommage que notre projet de réforme dans les services de l'Etat à la Martinique n'ait pas été mis en oeuvre. La réforme de l'Etat doit être réalisée en priorité outre-mer, en l'adaptant aux réalités locales. Que comptez-vous faire à cet égard ?

Les collectivités locales appellent des évolutions. La fiscalité locale pose problème. La taxe d'habitation porte sur un trop petit nombre de contribuables. L'octroi de mer ne sera pas éternel, et reste sous le coup de décisions juridictionnelles dont on ne tire pas suffisamment les conséquences. Ne faut-il pas s'interroger aussi sur le rôle de la TVA dans les économies domiennes, comme l'ont déjà fait certains élus ? Cet impôt moderne présente de grands avantages, y compris pour favoriser les productions locales.

M. Henry Jean-Baptiste - C'est évident !

M. Dominique Perben - La répartition des compétences est aujourd'hui confuse. Les régions doivent recevoir une plénitude d'attributions en matière d'aménagement du territoire, les départements obtenir la pleine maîtrise des politiques sociales. Un allégement des charges des communes conjugué avec la réforme de la fiscalité locale permettraient de les soulager. Cette clarification parfaitement réalisable dans le cadre de la Constitution, renforcerait la démocratie locale.

N'ayons pas peur d'innover outre-mer ! Nous l'avons fait pour les charges sociales avec la loi de juillet 1994. Bien d'autres champs d'expérimentation méritent d'être explorés. Ce mouvement ouvrirait à la vie politique locale, à la participation des citoyens, des espaces nouveaux. Il pourrait ainsi répondre aux incertitudes, par un changement profond des comportements et une amélioration de l'organisation des pouvoirs publics.

Soit l'exemple, choisi à dessein difficile, de la sur-rémunération des fonctionnaires : la solution passe ici par une négociation sociale globale, menée avec et par les acteurs locaux, mais cette négociation suppose elle-même que des perspectives réelles soient ouvertes par ailleurs pour le développement de chaque département.

Dès lors, il convient qu'un contrat à moyen terme fixe, pour chaque collectivité, le rôle de chacun et les moyens financiers, législatifs ou réglementaires du développement économique. L'horizon en sera éclairci et les initiatives comme le dynamisme confortés.

Cela suppose cependant une vraie volonté politique de la part du Gouvernement. Nous ne l'avons pas sentie jusqu'ici, Monsieur le secrétaire d'Etat -en tout cas, jusqu'à votre discours de ce matin.

L'élaboration des nouveaux contrats de plan donne l'occasion d'une telle démarche, qu'il faut autrement plus ambitieuse et globale que la démarche parfois un peu pointilliste et technique adoptée pour les mêmes contrats en métropole. Vous avez ouvert des perspectives à cet égard et nous attendons.

L'action de l'Europe outre-mer permet aussi innovations et adaptations. La notion de région ultra-périphérique, confirmée par le traité d'Amsterdam, fournit un cadre de référence, autorise des adaptations aux règles communautaires et invite l'Union européenne à un soutien accru. La révision des fonds structurels fournit l'occasion de ce travail. Aux investissements dont les DOM ont grand besoin, l'Europe peut largement contribuer. Or elle le veut, je le crois.

Enfin, il apparaît déraisonnable de plaquer systématiquement sur l'outre-mer les politiques arrêtées pour la métropole. S'est-on demandé si les communes d'outre-mer sont en mesure d'assumer la politique des emplois-jeunes ? Les ministères de l'agriculture et de l'environnement sont-ils conscients des problèmes d'environnement, d'eau et de déchets qui se posent là ? A-t-on vraiment mesuré au ministère de l'éducation nationale les problèmes éducatifs rencontrés par exemple à la Réunion ? Nos administrations parisiennes ont trop le sentiment que la situation serait identique sur tout le territoire français. L'article 73 est fait pour que l'on s'en serve : exploitons-en toutes les réserves, et elles sont grandes.

Le RPR s'honore de compter en son sein 15 parlementaires de l'outre-mer ; héritier d'une longue tradition d'ambition et d'intérêt pour cette France d'au-delà des océans, il est le seul parti politique national qui y soit représenté dans chaque département, territoire ou collectivité. C'est pour nous une raison de vouloir que se construise un outre-mer français riche de ses traditions et de sa diversité, résolument tourné vers la modernité, vitrine de notre civilisation, élément avancé de notre présence dans le monde et modèle de notre conception de la démocratie et de l'égalité sociale. C'est un défi enthousiasmant à relever, mais c'est aussi le génie de notre pays que d'en être capable. Cette ambition nationale unique dans le monde est, en tout cas pour moi, un élément fondamental dans ma conception de la République. Je suis sûr que beaucoup ici la partagent : ayons l'audace de la proposer à l'ensemble des Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 50.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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