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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 16ème jour de séance, 40ème séance

2ème SÉANCE DU VENDREDI 23 OCTOBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. Arthur PAECHT

vice-président

          SOMMAIRE :

LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- (suite) 1

OUTRE-MER (suite) 1

La séance est ouverte à quinze heures.


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LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999.


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OUTRE-MER (suite)

M. Michel Tamaya - Les élus de l'outre-mer avaient l'an dernier demandé d'une seule voix qu'un temps suffisant soit consacré à l'examen du budget de l'outre-mer. Je suis donc, comme mes collègues, satisfait que le Gouvernement et l'Assemblée nous aient répondu favorablement. Ainsi pourrons-nous, au-delà du budget, nous consacrer largement à la situation de l'outre-mer. Voilà qui tranche avec les pratiques antérieures, quand ce budget était examiné nuitamment, en catimini, comme si l'on voulait nous culpabiliser de parler de l'outre-mer.

S'il fallait trouver des raisons à cette séance spécialement consacrée à l'outre-mer, unique dans l'histoire de la Vème République, j'y verrais les effets de l'acuité des problèmes car si le taux de chômage décroît en métropole, outre-mer, il continue sa progression et frappe 42,8 % de la population active à la Réunion ; s'y ajoutent la complexité et l'hétérogénéité des situations outre-mer ; enfin l'outre-mer dépasse les seuls enjeux locaux et intéresse l'ensemble de la nation, donc la représentation nationale.

A la Réunion, tandis que se rapprochait cette date du 23 octobre, toutes les composantes de notre société -syndicats, entreprises, associations, chômeurs- ont examiné leurs attentes face à la préoccupation majeure, l'emploi.

Cette préoccupation, les cinq députés de la Réunion, unanimes au-delà de leur appartenance politique, l'ont exprimée dans une déclaration commune, qui propose des orientations. Sans rien renier de leurs choix respectifs, ils ont fait, solennellement, acte de responsabilité.

L'évolution de la Réunion a été marquée dans les années 1980 par la décentralisation et dans les années 1990 par la poursuite du processus de l'égalité sociale, une place particulière lui étant en outre reconnue au sein de l'Union européenne et de la Commission de l'Océan indien. Un effort de rattrapage important a été réalisé en matière d'infrastructures, d'éducation et de formation. Parallèlement, les secteurs agricole et industriel se diversifiaient et les secteurs des services et du tourisme décollaient.

Cette croissance économique -supérieure à celle de la métropole- n'en reste pas moins largement artificielle tant elle est liée à l'augmentation des transferts financiers, insuffisante pour faire face à l'aggravation du chômage, liée notamment à la vague démographique qui ne se ralentira qu'après 2005, incapable de corriger les inégalités structurelles de la société réunionnaise, malgré tous les mécanismes de solidarité.

Ainsi, même si l'on créait chaque année 4 000 emplois, soit plus qu'aujourd'hui, la Réunion n'en compterait pas moins 130 000 chômeurs en 2005 contre 100 000 aujourd'hui et le taux de chômage des jeunes dépasserait alors les 50 %.

Dans ce contexte, l'enjeu premier est bien sûr l'emploi et, au-delà, la satisfaction des besoins d'une population qui comptera probablement un million d'habitants dans 25 ans au lieu de 700 000 aujourd'hui.

Le gouvernement de Lionel Jospin n'a pas pour autant attendu le débat d'aujourd'hui pour agir et je pense en particulier au dossier calédonien. Pour l'outre-mer, comme pour la métropole, selon le Premier ministre : "le Gouvernement est animé d'une volonté de réforme claire, annoncée et assumée, un cap a été fixé devant les Français, nous gardons ce cap".

Ainsi, les DOM, comme l'ensemble de la France, ont bénéficié des grandes réformes entreprises par le Gouvernement. Dans le domaine de l'emploi et de la solidarité, la politique menée depuis juin 1997 a bénéficié sans délai aux DOM.

Oui, de grands textes ont été appliqués outre-mer : la loi sur les 35 heures, la réforme du service national, la loi contre l'exclusion surtout, dont certains articles ont été adaptés aux DOM -je pense notamment à la réforme des ADI.

Une vraie réponse a été apportée au grave problème de l'emploi des jeunes. La loi sur les emplois-jeunes prévoyait des crédits particuliers. 4 296 emplois-jeunes ont été créés dans les DOM, dont 2 527 aides-éducateurs et 89 adjoints de sécurité. A la Réunion, au 31 juillet 1998, 1 260 jeunes avaient effectivement retrouvé un emploi, c'est-à-dire plus qu'une activité, l'ouverture de nouvelles perspectives.

Enfin, les mesures en faveur des emplois du secteur marchand -CAE, prime de création à l'emploi en faveur des entreprises exportatrices- ont été renforcées et l'essentiel du dispositif de défiscalisation a été maintenu.

Le budget 1998 traduisait d'ailleurs ces orientations essentielles. Les 5,2 milliards de crédits inscrits lui donnaient les moyens de ses ambitions. Son exécution rigoureuse a permis de respecter tous les engagements pris.

Vous avez aussi clairement énoncé ce matin, Monsieur le ministre, que le Gouvernement convenait de la nécessité d'une nouvelle étape et d'une nouvelle dynamique dans son action. On en voit la première traduction dans cette loi de finances.

En augmentation de 5,6 %, les crédits affectés à l'emploi et à l'insertion atteignent 2,15 milliards, soit 36,44 % du total.

Les crédits destinés à favoriser l'emploi des jeunes vont augmenter de 50 %, passant de 300 à 445 millions.

Il faut aussi relever le défi de la formation, c'est-à-dire parier sur l'intelligence : 28 millions seront consacrés à cet objectif.

Les aides fiscales à l'investissement seront maintenues et le FIDOM va bénéficier de 205 millions en autorisations de programme.

Il faut saluer l'effort consenti dans le domaine du logement : mon collègue Claude Hoareau s'est exprimé sur ce point.

Au-delà des questions budgétaires, le Gouvernement a réaffirmé sa volonté d'aider la Réunion à entrer dans le troisième millénaire. Je me réjouis que les revendications des Réunionnais aient trouvé écho, comme en témoignent vos propositions : favoriser la création d'emplois, promouvoir un aménagement équilibré du territoire, ouvrir notre île, région française et européenne, sur son environnement régional. En ce sens, je trouve encourageante votre annonce relative au calendrier de réalisation de l'égalité sociale, de la reconduction de la prime export, ainsi que du redéploiement des dispositifs en faveur de l'emploi, ou de l'extension, à titre expérimental, des emplois-jeunes aux actions de coopération.

Vous nous proposez une loi d'orientation pour 1999. Certes, il vous faut prendre le temps de la concertation, mais vos engagements doivent dès maintenant servir de base aux négociations engagées, qu'il s'agisse de la réforme des fonds structurels, des contrats de plan ou de la loi sur l'aménagement du territoire.

Leur caractère de zone ultra-périphérique doit valoir aux DOM les moyens nécessaires à leur développement, dans le cadre des schémas de services collectifs en cours de préparation.

J'ai entendu avec intérêt mes collègues Alfred Marie-Jeanne et Henry Jean-Baptiste. Il ne m'appartient pas de leur répondre. Cependant, il est de mon devoir de refuser tout amalgame. Je tiens à rappeler solennellement que la Réunion, département d'outre-mer, se veut dans la République et dans l'Union européenne. Notre avenir s'inscrit dans le cadre défini par l'article 73 de notre Constitution et par l'article 299-2 du traité d'Amsterdam. Nous souscrivons donc totalement, Monsieur le ministre, à la position du Gouvernement sur ce point.

Nous considérons tant que les faits ne feront pas la démonstration contraire que ce cadre autorise la prise en compte de la spécificité de notre île, française et européenne, située à 9 000 km de la métropole et du continent européen. Il ne s'agit que d'appliquer le principe de la décentralisation outre-mer.

Quinze ans après la première élection de conseils régionaux dans les DOM, il est temps de faire le point, dans le double souci que vous avez indiqué : le développement des responsabilités et l'équilibre des pouvoirs. Nous ne pouvons qu'apporter notre soutien à la démarche du Gouvernement.

Je prends acte de la volonté exprimée par les députés de la Réunion de revoir l'organisation administrative de l'île.

Je disais que la problématique de l'outre-mer ne devait pas interpeller les seuls ultra-marins mais bien la communauté nationale. Je ne voulais pas parler de nos liens avec la France : ce débat est dépassé. La Réunion et la France, nous formons une communauté de destin, au sein d'une République qui confère à tous les mêmes droits et exige de tous les mêmes devoirs. Notre relation n'est donc pas à sens unique : lorsque le tissu social se désagrège dans les DOM, lorsque les bidonvilles sont encore le lot quotidien d'une partie de la population, c'est toute la République qui subit cet état de fait. De la même façon, l'esclavage dont on fête l'abolition ne constitue pas seulement un traumatisme pour nos départements : c'est la part sombre d'une histoire commune.

Peut-on parler de liberté, sans égalité ni fraternité ? Peut-on parler d'égalité, quand les milliers d'employés communaux de la Réunion, après des années de travail, restent privés d'un véritable statut ?

Quelle égalité offre le système éducatif à nos jeunes pour que leurs chances de réussite soient identiques à celles des jeunes de métropole ?

Enfin, où en est la fraternité républicaine quand les natifs des DOM vivant en métropole se trouvent confrontés eux aussi à des actes ou à des discours racistes ?

De ces questions, le Gouvernement se préoccupe. Je ne peux que l'encourager à agir plus vite, dans l'application de notre devise républicaine. Cela ne peut que servir la nation tout entière (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, groupe communiste et du groupe RCV).

Mme Huguette Bello - Qu'avons-nous fait de leur jeunesse ? C'est la réponse à cette question qui, en dernier ressort, indiquera la valeur de notre action. Un petit Réunionnais de dix ans a aujourd'hui plus d'une chance sur deux de se retrouver au chômage à l'issue de sa scolarité. Ceux que les statistiques appellent les "moins de vingt-cinq ans" sont majoritairement sans emploi. Ils sont les exclus, désormais majoritaires, d'une société dans laquelle l'intégration se fait par le travail.

Avec 43 % de la population active sans emploi, la Réunion détient de loin le triste record du plus fort taux de chômage. Or on sait que la population active va continuer à croître pendant une dizaine d'années, -le marché du travail accueillant à présent les nombreux jeunes qui sont nés pendant les années de forte natalité. On sait aussi que la situation ne permet pas de créer un nombre suffisant d'emplois. On connaît enfin les conséquences des mutations économiques liées à la mondialisation. Le télescopage de la croissance démographique et de la restructuration économique, deux phénomènes généralement séparés dans le temps, confronte la Réunion à une situation inédite.

A situation exceptionnelle, solutions exceptionnelles. Les chômeurs demeurent la plus grande force sociale de la Réunion, les violences risquent de se multiplier. Déjà plus aucune partie de l'île n'est épargnée. Des communes réputées calmes viennent de connaître leurs premiers pillages, dans une région où, précisément, était implantée une importante usine sucrière dont la fermeture, selon les industriels, s'était passée sans problèmes.

Si rien ne change, le décalage entre la création d'emplois et la croissance de la population active aboutira inéluctablement à la frustration, au malaise, à la violence et à toutes ces choses dont on n'a pas toujours idée, qui ne sont pas forcément mesurables, mais qui font le malheur d'une société. Nous refusons ce scénario catastrophe.

Aussi faisons-nous de l'emploi la priorité des priorités. L'emploi est l'obsession des Réunionnais. Toutes les solutions en faveur de l'emploi, traditionnelles et innovantes, concurrentielles ou solidaires, doivent être envisagées, sans tabou, avec audace et imagination.

Cela suppose de travailler à la fois à court terme et pour l'avenir.

Il faut, pour le long terme, créer les conditions du développement et choisir les secteurs à encourager. Les nouvelles technologies nous offrent des perspectives nouvelles, dans la mesure où elles ignorent nos handicaps structurels, au premier rang desquels l'éloignement.

A court terme, il faut favoriser le développement de l'économie solidaire et tirer le meilleur parti des dispositifs d'insertion existants, comme les emplois-jeunes. Moins d'un an après leur création, près de 3 000 jeunes sont déjà embauchés. Imaginez leur joie et le soulagement de leurs parents.

Et cela aussi fait justice de cette image d'assistanat qu'on se plaît à attribuer à ceux que la société exclut. Le conseil régional souhaite augmenter encore sa contribution pour atteindre les 10 000 emplois-jeunes d'ici trois ans.

Développer l'économie alternative exige que l'on recherche les gisements d'emploi constitués par les besoins que l'économie concurrentielle ne satisfait pas : par exemple, les services de proximité ou les activités liées à l'environnement, menacés par les changements climatiques et la croissance démographique. Les métiers de demain sont vraisemblablement préfigurés ici.

Le chômage à la Réunion progresse deux fois plus vite qu'en France. Les mesures de droit commun restent donc insuffisantes. Il faut aller plus loin ce qui suppose qu'on multiplie les sources de financement.

L'une d'entre elles, et non des moindres, est le redéploiement de certaines dépenses, par exemple de cette prime coloniale élégamment baptisée prime d'éloignement, afin de transformer les dépenses passives en dépenses actives.

La croissance de la création d'emplois, proportionnellement plus forte à la Réunion qu'en France, demeure insuffisante face à une progression démographique qui devrait en trois décennies se traduire par une augmentation de la population de l'ordre de 300 000 habitants.

Aussi le marché du travail doit-il accueillir chaque année plusieurs milliers de jeunes auxquels s'ajoutent de plus en plus de métropolitains que la crise, le soleil ou encore les primes de la fonction publique incitent à venir travailler dans l'île. De 1982 à 1990, le tiers des emplois créés ont été attribués à des personnes non originaires de la Réunion. Ces arrivées qui ne sont pas nouvelles deviennent évidemment plus embarrassantes sur un marché du travail où des milliers de jeunes diplômés sont sans emploi.

Cette concurrence sur le marché du travail pose une question très grave à l'ensemble de l'outre-mer. Le Gouvernement l'a d'ailleurs prise en compte dans les récentes mesures prévues pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française. Un dispositif destiné à favoriser l'accès à l'emploi des jeunes Réunionnais devrait pouvoir être également envisagé.

Au coeur de toute décision, l'emploi. Nous nous félicitons que votre budget augmente substantiellement les crédits affectés au logement ce qui permettra à la fois de répondre aux besoins immenses dans ce domaine et de relancer l'emploi dans le BTP.

Veillez toutefois, Monsieur le ministre, à ce que vos intentions deviennent bien réalités, malgré les lourdeurs de fonctionnement, la dotation insuffisante du FRAFU et les capacités financières limitées des communes. Ces dernières années, la moitié seulement des 10 000 logements aidés nécessaires ont été construits, contraignant de nombreuses familles à continuer à vivre dans des conditions indignes.

Votre ministère a lancé une étude sur la politique des loyers et des aides à la personne dans les DOM. C'est sans doute là l'occasion de remédier au sinistre paradoxe qui fait que les plus démunis sont souvent exclus du dispositif d'aide au logement précisément au motif que leurs logements ne répondent pas aux normes de salubrité.

Les retards sont nombreux également pour ce qui concerne les infrastructures. Les combler favoriserait l'emploi dans le BTP, secteur dans lequel il faudra en outre régler la question récurrente des préretraites pour rajeunir la pyramide des âges et libérer des emplois.

Il est nécessaire de se pencher sur les modes de réalisation et de maintenance des infrastructures, car la logique de mécanisation à outrance montre ses limites. Sans doute est-il temps de revenir à un nouvel équilibre où le recours au travail de l'homme ne sera plus considéré uniquement comme une contrainte, et de mettre en oeuvre le concept de "mobilisation intensive de main-d'oeuvre".

Il est également indispensable d'agir très en amont en mettant l'accent sur le système éducatif. Les progrès sont réels, mais des points noirs subsistent. La population scolaire continue d'augmenter et, avec elle, les besoins en terme d'encadrement et d'infrastructures. Le Gouvernement a donc décidé en juin un plan de rattrapage sur quatre ans pour la mise en oeuvre duquel nous comptons sur votre vigilance. La région, au-delà de ses compétences sur les lycées, a adopté pour sa part un plan de réhabilitation des écoles primaires.

Il ne faut pas que, dans le même temps, le contenu de l'enseignement semble immuable malgré l'analphabétisation importante et les taux d'échecs trop élevés.

Le contenu de l'enseignement ne doit plus être hermétique à l'environnement dans lequel il est dispensé car ce décalage entre ce que les enfants doivent apprendre et ce qu'ils vivent fera d'eux, pour longtemps ou pour toujours, des exilés de l'intérieur.

La ratification annoncée par la France de la charte européenne des langues régionales prélude-t-elle à l'inscription du créole au titre de la loi Deixonne qui prévoit l'enseignement des langues régionales ? Je voudrais vous citer le linguiste Claude Hagège, qui déclare que "ceux qui apprennent bien les langues étrangères se recrutent surtout parmi ceux qui ont une langue régionale maternelle". Ainsi la prise en compte du créole dans l'enseignement ne se ferait pas au détriment du français et elle favoriserait le plurilinguisme. C'est ce seul constat qui doit guider toute décision sur cette question. Il y va de l'avenir de nos enfants, créolophones à 95 %.

Les programmes devraient également s'ouvrir à l'étude des pays qui nous entourent pour faciliter les relations avec des voisins dont les préjugés nous ont tant éloignés.

Une si grande pénurie d'emplois et d'activités dans un monde où le travail demeure l'élément majeur de socialisation est porteuse de lourdes menaces. L'exclusion d'une partie toujours plus importante de la population peut déboucher sur une crise générale dont les prémisses sont visibles dans les violences qui embrasent de plus en plus fréquemment certains quartiers.

C'est pourquoi il faut sans plus attendre définir les contours de la société de demain. A la Réunion, comme ailleurs, le développement sera solidaire ou ne sera pas. Le Gouvernement, les élus et tous les Réunionnais, ceux qui travaillent et ceux qui n'ont pas d'emploi, doivent-ils oeuvrer en ce sens.

Or le renouvellement des solidarités passe d'abord par l'identification des sources structurelles d'inégalité. Avec 41 000 F, le revenu par unité de consommation de la Réunion est inférieur de moitié au niveau métropolitain ; et on ne peut donc plus accepter que le processus d'égalité sociale marque le pas. Il faut aligner les prestations familiales qui ne le sont pas encore ainsi que le RMI, pour donner enfin toute sa signification au principe d'égalité entre les citoyens français.

Les sources d'inégalité sont également à rechercher au sein de la société réunionnaise elle-même. Prônée pour des raisons d'égalité sociale, la départementalisation a créé de nouvelles inégalités, que la politique des revenus a, en quelque sorte, légalisées. Cette question est très sensible. Mais, si grand qu'il soit, le risque qu'elle comporte ne doit pas en faire un tabou. Dans un contexte budgétaire où le redéploiement prend le pas sur les transferts supplémentaires, aucun développement n'est envisageable sans réforme de la fonction publique.

Les tentatives effectuées ces vingt dernières années pour harmoniser les salaires ont toutes sombré selon un scénario digne du Titanic : propositions, manifestations, retrait.

Leur échec même met en évidence le préalable indispensable à toute réforme, l'analyse de la formation des prix, qui justifie les sur-salaires de la fonction publique.

Ces tentatives ont montré également qu'il était possible d'envisager des solutions alternatives permettant à la fois de compenser, pour tous, le niveau plus élevé du coût de la vie, de régler la lancinante question de la titularisation de milliers d'employés communaux et de remédier au sous-encadrement de la fonction publique.

Ce débat est très attendu outre-mer. Certains font du 23 octobre une date historique tandis que d'autres ont déjà fait part de leur déception. Il y a longtemps que l'aspect proprement budgétaire a disparu des esprits.

Sans doute cette journée est-elle le point de départ d'une nouvelle approche où chaque entité d'outre-mer, dans un dialogue particulier avec le pouvoir central, rechercherait les solutions répondant le mieux aux aspirations des populations.

Ne pas s'engager dans cette voie risque de nous condamner à un exercice de plus en plus formel où, chaque année, des élus toujours un peu plus désarmés viendraient ressasser leurs difficultés devant un gouvernement qui déplorera toujours un peu plus l'assistanat dans lequel s'enfonce l'outre-mer. N'attendons pas que l'urgence se transforme en catastrophe pour entamer ce dialogue (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et sur divers bancs).

M. le Président - Mes chers collègues, je ne peux me résoudre à interrompre les orateurs sur un sujet aussi important. Cela me contraint à accorder à tous les intervenants un dépassement de leur temps de parole afin d'être équitable, ce qui prolonge notre débat.

Je n'y vois pas d'inconvénient étant, comme M. le ministre, à la disposition de l'Assemblée mais je voudrais que les orateurs soient bien conscients de leur responsabilité.

M. Ernest Moutoussamy - Le contexte difficile que connaît la Guadeloupe relativise la satisfaction que nous apportent les orientations positives de votre budget.

Les mesures généreuses que vous annoncez, et notamemnt l'augmentation de 15 % du budget de l'Education et de 41 % de celui de la santé et de la solidarité, suffiront-elles à apaiser la crise ? A répondre aux angoisses des 52 000 chômeurs de la Guadeloupe ? A résoudre le problème de la sécurité des biens et des personnes ? A faire respecter les règles de l'Etat de droit ? A mettre fin au drame de collectivités et d'institutions en liquidation de citoyenneté ? Je n'en suis pas convaincu.

Secoué par une instabilité structurelle aggravée par des aléas climatiques, notre département connaît des crispations révélatrices de notre fragilité socio-économique et d'un mal-être qui font que le peuple ne peut plus se satisfaire de promesses et de débats. Il a besoin de réalisations, de perspectives, de rêve.

Par ailleurs, si féconde que soit notre discussion, je ne peux m'empêcher de la sentir dérisoire devant l'importance des défis à relever et la somme d'idées exprimées à cette tribune depuis 1946. Après Aimé Césaire, Rosan Girard, Paul Valentino, Raymond Verges, Justin Catayer, il est difficile d'inventer, tant ces parlementaires ont posé avec lucidité la problématique de nos régions. L'heure n'est-elle pas venue de les entendre, sachant que c'est par l'irresponsabilité que les hommes perdent la liberté ? Les voies du devenir de l'outre-mer sont-elles à ce point impénétrables, pour que nous en soyons encore à tergiverser ?

L'heure n'est-elle pas venue de s'évader des schémas traditionnels pour tenter de répondre à d'impérieux besoins, et pour rester digne de cette belle image que donne la Guadeloupe à la France par les exploits des Pérec, Thuram, Henry, Aron, Flessel et autres ?

L'heure n'est-elle pas venue de réformer un système sclérosé, nourri par une doctrine périmée, engendrant décadence, irresponsabilité et assistanat ?

L'heure n'est-elle pas venue de faire tomber les obstacles au développement, de consolider notre ancrage dans le territoire de la République, d'éliminer les dérives opportunistes, de trouver des solutions aux problèmes de société et de stabiliser le tissu socio-politique de la Guadeloupe ? Bien entendu, il ne s'agit point d'être Chantecler, ce coq glorieux qui vivait avec la naïve conviction qu'il faisait lever le soleil... (Sourires)

Monsieur le ministre, il est temps de donner au débat budgétaire sur l'outre-mer un cadre précis, mettant en évidence toutes les recettes et toutes les dépenses, y compris celles des autres ministères. Dans l'immédiat, pour répondre à l'urgence, nous nous proposions de signer avec la collectivité guadeloupéenne un "pacte de croissance et de solidarité" : il comprendrait notamment un programme d'actions et un dispositif fiscal et financier susceptibles d'impulser un développement durable, générateur d'emplois. Vous nous avez annoncé ce matin un contrat de législature et la discussion, à l'automne 1999, d'un projet de loi d'orientation. Nous n'allons pas nous quereller sur le contenant, l'essentiel étant le contenu ; permettez-moi toutefois de regretter le calendrier retenu.

Il va de soi que la politique que nous préconisons implique la concertation avec toutes les forces vives, l'établissement d'un nouveau partenariat avec les institutions locales et la redéfinition de nouveaux équilibres. Aux agents du secteur hospitalier, aux marins-pêcheurs, aux transporteurs, à la jeunesse, aux déshérités, aux artisans du BTP, aux agriculteurs, aux commerçants, aux milliers de familles qui attendent un logement, aux jeunes qui sont victimes de la toxicomanie transformés en loques humaines et abandonnés de tous, nous donnerions alors un fort signal d'espoir. A tous les travailleurs, aux chefs d'entreprise, dont la préoccupation majeure n'est certainement pas l'évolution des institutions, il faut donner les moyens de sortir de l'impasse.

Tout en réconciliant l'entreprise avec l'innovation et le risque, il faut avoir présent à l'esprit que la Guadeloupe doit être protégée des ravages de la mondialisation. La France et l'Union européenne ne doivent pas la sacrifier sur l'autel de la compétitivité : d'où l'urgence de définir le contenu de l'ultrapériphéricité découlant de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam et de pousser à l'extrême les perspectives de l'article 73 de la Constitution.

Si tout cela est réalisé en même temps que s'opère une révolution des mentalités pour abandonner la culture de confrontation, du corporatisme et des complexes au profit de celle du compromis, alors réapparaîtront l'espoir et l'attractivité de notre territoire et nous n'aurons "pas honte d'être bons" pour reprendre les mots du préfet de la Guadeloupe.

Cependant, les handicaps liés à l'étroitesse des marchés locaux, aux conditions géographiques et climatiques, à l'éloignement du continent européen, à l'absence de matières premières, à un environnement défavorable, font que le secteur marchand seul ne peut pas faire reculer le fléau du chômage. Il appartient donc à l'Etat d'assumer sa part de responsabilité, par le recyclage d'une partie des transferts publics au profit de la rémunération du travail dans le secteur non marchand. Je plaide pour la structuration de celui-ci autour de l'agence départementale d'insertion, qui pourrait contribuer, à travers l'expression culturelle identitaire, à réconcilier notre population avec ses spécificités et son histoire.

Incontestablement, la voie du développement est étroite. Aussi faut-il, sans chercher à opposer logique marchande et logique interventionniste, en faciliter toutes les formes et réformer les mécanismes obscurs et archaïques.

L'éloignement et les spécificités régionales commandent d'élargir le champ des décisions prises localement et de dépouiller les services de l'Etat de toute connotation colonialiste.

M. Jean-Claude lefort - Très bien !

M. Ernest Moutoussamy - Enfin, faut-il oui ou non faire évoluer les institutions dans les départements d'outre-mer ? Je réponds sans ambiguïté pour ce qui concerne la Guadeloupe, qu'il est urgent d'ouvrir ce chantier, selon une méthode, des modalités et un calendrier qu'il convient de définir. Ce n'est pas qu'il existe un statut miracle susceptible de régler tous nos problèmes, mais il faut préparer l'avenir en reconnaissant au pouvoir local le droit aux responsabilités.

Puisque nous n'en sommes pas encore à ce débat institutionnel, je me bornerai à quelques réflexions, d'autant que je ne souhaite pas venir à cette tribune présenter ma proposition de statut ou celle de mon parti, mais celle qui sera élaborée de manière consensuelle par l'ensemble des forces vives et politiques de la Guadeloupe.

M. Jean-Claude Lefort - Très bien !

M. Ernest Moutoussamy - Malgré le formidable impact de la loi du 19 mars 1946 et les progrès considérables engendrés par la départementalisation, la quête d'institutions mieux adaptées a été permanente. Des esprits éclairés, des progressistes ont bien vu que cette départementalisation, avec son âme damnée "l'assimilation", portait en elle les séquelles du colonialisme. Cette réflexion a conduit aux adaptations des années 60, à la régionalisation des années 70, au chapitre 6 du programme commun de la gauche, au point 58 des 110 propositions de François Mitterrand, à des projets de statut d'autonomie et d'indépendance. Nul ne peut considérer que le débat est clos. Cependant, au moment où des Etats puissants sont contraints de sacrifier des pans importants de leur souveraineté pour reconstituer des grands ensembles imposés par les lois de l'économie marchande, les formules dogmatiques ou idéologiques paraissent dérisoires.

MM. Jean-Claude Lefort et Henry Jean-Baptiste - Très bien !

M. Ernest Moutoussamy - Après l'échec de certaines expériences, il me semble souhaitable de lier le destin du peuple guadeloupéen à celui du peuple français, sans qu'il y ait nécessairement de confusion (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UDF et du groupe du RPR)..

Ce demi-siècle a démontré que les indépendances conquises ou octroyées ont rarement débouché la vraie souveraineté nationale ; le droit sacré des peuples à choisir librement leur destin n'a pas conduit à la victoire des droits de l'homme, à la satisfaction des besoins fondamentaux, au progrès et à l'émancipation des peuples. Il était terrible parfois de voir des héros de la lutte anticolonialiste, chercher asile sur le sol de l'Etat colonisateur (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, plusieurs bancs du groupe UDF et du groupe du RPR). J'appelle ce gouvernement de la gauche plurielle, mieux placé que nul autre pour comprendre l'aspiration profonde de nos populations à entendre la voix de la responsabilité.

Que faire ? Pérenniser la situation actuelle ? Certainement pas ! Car cette curiosité bicéphale dont nous avons bénéficié engendre anarchie, gabegie, mégalomanie et autocratie.

Faut-il subir pour autant la maladie infantile du pouvoir et des slogans et lier sa vaillance politique au degré de résonance des formules statutaires ? Certainement pas ! Que reste-t-il alors ? Définir en termes nouveaux notre appartenance à la République, et pour cela ouvrir en Guadeloupe le chantier de la réforme des institutions. Une fois un projet élaboré, nous reviendrons vers vous. Le parti progressiste démocratique guadeloupéen estime que l'on pourrait en venir à une modification de la Constitution.

Ce matin, vous avez annoncé vouloir ouvrir le chantier des institutions. C'est là un discours différent de celui de vos deux prédécesseurs, parmi lesquels M. Perben que je salue ici, que j'ai écouté avec intérêt, mais donc j'aurais aimé qu'il s'exprime comme il vient de le faire quand il était à votre place.

Cependant, en délimitant très précisément votre chantier, vous nous imposez d'y entrer comme par effraction. Pour une fois, pour la première fois, nous vous demandons de laisser notre peuple et ses élus réfléchir en toute liberté, pour que ce choix démocratique soit leur choix. Il y va de la grandeur de la démocratie et de la grandeur de la France ! (Approbations sur les bancs du groupe communiste)

Moi qui depuis 1981 ai été témoin des grands débats institutionnels, et en particulier du combat d'Aimé Césaire contre les exceptions d'irrecevabilité défendues par Jean Foyer et Michel Debré, je sais que vous entendrez des florilèges de sophismes, que vous recevrez la batterie de pétitions de principe et essuierez même les tirs de l'éristique antique !

Mais aucun gouvernement ne réussira à combler l'Atlantique ! (Sourires) Jaillira donc toujours, ici ou là, le serpent de mer de l'évolution institutionnelle outre-mer. Ne vaudrait-il pas mieux apporter dès maintenant une réponse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV)

M. Gérard Grignon - Votre budget est en hausse de 7 %, et le FEDOM est substantiellement abondé. Voilà deux motifs de satisfaction. En revanche, des baisses constatées dans d'autres secteurs suscitent l'inquiétude. Par exemple, hormis les emplois-jeunes auxquels 445 millions sont consacrés, les solutions d'insertion en entreprise régressent, de même que les primes à l'emploi. L'augmentation de la créance de proratisation traduit, elle, une croissance du nombre des érémistes. Le FIDOM général hors contrat de plan disparaît, de même que la section du FIDOM décentralisé, ce qui, Henry Jean-Baptiste vous l'a fait remarquer, contredit votre volonté affichée de décentralisation.

Les taux de chômage considérables dont souffrent les DOM atténuent l'apparence favorable de votre budget, même si, nous le savons, ce dernier n'exprime qu'environ 10 % de l'effort national pour l'outre-mer.

Au reste, l'existence d'un budget ne signifie pas que la France ait une véritable politique de l'outre-mer. A cet outre-mer, l'opinion publique réserve souvent des expressions méprisantes, comme "danseuses de la France", "confettis de l'Empire", et autres. Pour elle, la France d'outre-mer est constituée de territoires lointains qui ne servent à rien, qui coûtent cher et qu'il vaudrait mieux larguer, d'autant que leurs habitants se conduisent en enfants gâtés, jamais satisfaits et irresponsables. Seul un véritable discours politique sur l'outre-mer pourrait briser cette image d'un folklore désuet et parasitaire. Les Mahorais, les Antillais ou les Saint-Pierrais apportent autant à la France et méritent autant de considération que les Bretons ou les Alsaciens. Toute politique claire doit partir de ce fait, doit affirmer que l'outre-mer, partie intégrante de la République, contribue à la présence et au rayonnement de la France dans le monde, que si la France apporte beaucoup à l'outre-mer, celui-ci apporte beaucoup à la France. Cela on ne le dit pas assez !

Savez-vous que la Compagnie générale maritime est née du réinvestissement en métropole des bénéfices des pêcheries Campion et Théroulde installées à Saint-Pierre-et-Miquelon en 1855 ?

C'est aussi grâce à notre archipel que la France siège dans l'organisation des pêches du Nord-Ouest atlantique et dans la commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique. Grâce à Saint-Pierre, l'euro sera présent demain à la porte de l'Amérique du Nord. De plus, l'archipel contribuera, en raison des énormes réserves de gaz et de pétrole contenues dans sa zone, à la production énergétique de la France. On mesure ainsi tout ce que l'outre-mer, à l'image de ce petit archipel, apporte à la France.

Or, faute de le reconnaître clairement, à cause aussi de la suspicion jetée sur la loi Pons et de l'image dégradée de l'outre-mer renvoyée par la presse, nos populations inquiètes soulèvent parfois les questions de statuts. Pourtant, la priorité outre-mer n'est pas un problème statutaire. Le statut doit être en effet un gage de stabilité et de confiance. Le doute et l'instabilité tuent l'investissement et créent le chômage, déjà, extrêmement élevé dans les DOM. Aussi l'unique priorité doit-elle aller au développement économique et à l'emploi. A Saint-Pierre-et-Miquelon, par exemple, il n'y a aucune raison de modifier le statut. La loi y est applicable de plein droit, sauf pour la fiscalité et l'urbanisme, où le conseil général est compétent. Cela lui a permis de créer un code local des investissements particulièrement attractif, complétant les mesures déjà prises par le Gouvernement. A ce sujet, que deviendront la loi Pons et la loi Perben ?

Pour faire face au chômage provoqué par l'arrêt total des activités de pêche en 1992, et équiper le territoire en infrastructures lourdes, notre collectivité a dû beaucoup s'endetter, à hauteur de 100 millions pour le seul aéroport. Aussi l'effort demandé à nos 2 000 foyers fiscaux trouve-t-il rapidement ses limites. L'archipel ne s'en sort qu'en s'appuyant sur son statut de pays associé à l'Union européenne, qui lui permet de bénéficier des dispositions de la décision du 17 juillet 1991 ouvrant droit à des opérations de dédouanement. Grâce à notre statut, nous avons pu répondre aux besoins des communes, en autorisant par exemple la municipalité de Saint-Pierre à relever la taxe sur le fioul domestique. On le voit bien, il ne faut pas toucher au statut, même si une évolution est souhaitable en matière d'urbanisme. Encore ne me paraît-il pas nécessaire pour cela de passer par la loi.

L'article 49 de la loi du 4 janvier 1993 dispose qu'un cahier des charges devra définir les conditions dans lesquelles notre collectivité territoriale pourra exercer ses compétences en matière d'exploration et d'exploitation des ressources naturelles. Or ce cahier des charges n'a jamais été rédigé, alors que d'immenses ressources en gaz et en pétrole ont été découvertes dans la région. Quelles sont les intentions du Gouvernement à ce sujet ? Je vous ai également demandé de modifier l'article 31 du code minier, pour que les exploitations de gaz et de pétrole en zone économique exclusive française autour de l'archipel soient soumises à redevance, comme partout.

Or l'Assemblée a adopté samedi dernier -à l'unanimité- l'amendement que j'avais déposé après l'article 36 de la loi de finances. Il s'agit d'une disposition déterminante pour l'avenir de l'archipel à compter des années 2004-2005, moment où l'exploitation de ces ressources devrait commencer. Je tiens à vous remercier, Monsieur le secrétaire d'Etat, pour l'appui que vous m'avez apporté dans cette affaire.

Je vous sais de même gré d'avoir soutenu mon intervention en faveur de l'adhésion de la France, au titre de Saint-Pierre-et-Miquelon, à la commission internationale pour la préservation des thonidés.

Tout cela importe à l'évidence bien plus que les dérisoires rivalités autour de la question statutaire : la seule priorité qui vaille, n'est-elle pas celle du développement, de la diversification économique et de l'emploi ?

Je terminerai en vous interrogeant sur quelques sujets plus spécifiques.

Dans l'archipel, la pèche industrielle connaît une certaine reprise, mais reste fragile compte tenu de la faiblesse des quotas. Le soutien de l'Etat demeurera donc nécessaire en 1999 : Archipel SA peut-il y compter ? D'autre part, Miquelon SA a déposé son bilan, mettant 70 personnes au chômage. Faute de projet de reprise crédible, l'Etat apportera-t-il son soutien financier, comme il l'a fait par le passé pour l'actionnaire principal, Pescanova ?

Le Canada a de plus en plus tendance à retarder la réunion du conseil consultatif des pêches. Il serait souhaitable que cette réunion se tienne en novembre ou en décembre, quitte à ne pas régler totalement le problème de la morue. Par contre, il est indispensable que la France obtienne une "avance" sur les quotas de ce poisson, pour un démarrage de la pêche et de l'usine dès janvier. Que ferez-vous à ce sujet ?

Nos engagements avec le Canada et avec nos partenaires de l'OPANO nous obligent à placer des observateurs sur les bateaux de pêche : une ligne du budget de l'agriculture permet de recruter 9 marins pour y pourvoir. Ces crédits seront-ils reconduits en 1999 ?

Quelle est votre position sur l'application de la loi de 1975, relative aux personnes handicapées ? Souscrirez-vous à la demande du conseil général ?

Où en est le règlement de la question des retraites des agents hospitaliers ?

Comment comptez-vous remédier au fait que, dans notre collectivité, on ne peut appliquer des taux bonifiés à la construction de logements sociaux ?

Enfin, vous savez qu'avant 1987, il n'existait pas de régime de retraite dans l'archipel. La loi de juillet 1987 a comblé la lacune, mais les retraites des salariés du secteur privé ont été liquidées au plus bas niveau. De plus, les retraites du régime général n'ont crû que de 11 % depuis 1992, alors que le coût de la vie augmentait de 16 %. Beaucoup de nos retraités ont du mal à faire face aux dépenses élémentaires et une revalorisation s'impose donc. Les articles 13 et 15 de la loi de 1987 l'autorisent, mais exigent un accord des ministres des finances et des affaires sociales. Interviendrez-vous auprès de vos deux collègues ?

Je voudrais excuser le président de notre groupe, M. Douste-Blazy, qui devait s'exprimer au nom des fédérations d'outre-mer de l'UDF : la brièveté du temps qui nous était apparemment imparti l'en a empêché et il revient donc à M. Jean-Baptiste et à moi-même d'exposer notre position politique sur la question des DOM.

Pour nous, après le temps de l'égalité sociale, qui a entraîné des transferts financiers massifs, est venu celui d'entamer une nouvelle phase de développement, visant à promouvoir le travail comme valeur. La jeunesse de nos départements ne veut plus de l'assistance, elle veut vivre de son travail, dans la dignité. Il faut pour cela la paix institutionnelle, socle de la confiance indispensable à l'investissement privé. Nous avons pris acte de vos propos quant à la création d'un deuxième département à la Réunion, nous réservant de nous prononcer en temps utile sur le fond. Nous appelons en revanche à élaborer une loi de programme qui définisse un modèle de développement propre à chacun des DOM. Elle devrait leur permettre à tous de s'ouvrir sur leur région et sur le monde, grâce à des entreprises franches et à des exonérations ciblées de charges sociales, cependant que des missions de coopération régionale devraient appuyer les efforts des assemblées territoriales et des investisseurs privés.

Les DOM ne doivent pas manquer leur rendez-vous avec le développement : cela dépend de la volonté des élus mais aussi de celle du Gouvernement, que nous sollicitons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

M. Pierre Petit - Il aura fallu attendre 1998 pour que l'examen du budget de l'outre-mer devienne un événement politique majeur pour nos régions. Souhaitons qu'à l'avenir il donne aussi au Gouvernement l'occasion de dresser un bilan de sa politique.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous présentez un budget de 5,6 milliards en augmentation de plus de 7 % faisant une part importante au logement et à l'emploi. Les réalités socio-économiques de la Martinique suscitent pourtant l'inquiétude. Malgré le doublement des dépenses pour l'emploi et les meures prises, le chômage n'a pas cessé d'y augmenter. A quand donc une étude de l'impact réel de ces mesures ?

Quant à l'ANT, ses procédures sont encore trop complexes, trop longues et trop exclusives à la France. Comment cette agence pourrait-elle favoriser la mobilité des jeunes et orienter ceux qui répondent à des offres d'emploi formulées sur le réseau mondial ?

S'agissant du logement, vous avez répondu à deux de mes préoccupations anciennes : l'accession au logement d'une partie de la classe moyenne et la création dans chaque département d'un FRAFU. Mais nous devons en outre prévoir un traitement spécifique pour les ménages les plus démunis, qui n'entrent dans aucun critère d'aide. Vos services déconcentrés devraient également veiller à une plus vigoureuse distribution de l'aide à l'amélioration de l'habitat.

Cela dit, il me serait difficile de vous cacher mes craintes quant au long terme. D'une manière générale, quelle est votre politique des DOM ? En dix-sept mois, je n'ai vu que le rapport Migaud ! Or tous les responsables politiques ont deux motifs d'inquiétude : ils constatent que le Gouvernement a faiblement résisté à la charge menée contre la défiscalisation par le président de la commission des finances (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR) et tous attendent encore de connaître à la fois le bilan de la loi Perben, comme prévu, et les intentions du Gouvernement quant à sa pérennisation.

Enfin, vous connaissez mes préoccupations au sujet de la renégociation de la convention de Lomé, de l'aide de l'Etat à la construction scolaire, de la situation des agents communaux non titulaires ainsi que de l'absence de décrets pour l'application de la loi sur les cinquante pas géométriques.

Convenez que l'on ne développe pas un pays uniquement avec l'aide sociale. Persister dans cette voie, c'est retarder l'entrée de nos régions dans le monde moderne. La grandeur de la France ne peut plus seulement s'exprimer par la distribution de dotations à fonds perdus. Une nouvelle dynamique de développement est aujourd'hui nécessaire.

La crise qui frappe actuellement la Martinique est avant tout une crise politique, une crise de développement liée à l'absence d'un choix politique définitif, propre à rétablir la confiance et la sécurité des biens et des personnes. Le sentiment d'impuissance et de doute qui assaille certains de nos compatriotes conduit à des revendications extrêmes. D'aucuns pensent que la solution serait l'indépendance, d'autres préconisent l'autonomie ou l'autogestion. A ces options qui risquent de bloquer toute évolution, je préfère la technique d'un "Fabius Cunctator" pour construire l'avenir...

Ainsi, partant du principe que la population martiniquaise est dans sa grande majorité contre toute rupture à terme avec la France, je revendique la mise en oeuvre d'un contrat de progrès avec celle-ci.

A travers vous, c'est au chef du Gouvernement qui, de passage à la Martinique avant son élection, avait lui-même proposé cette démarche que je veux m'adresser. Ce contrat de progrès qui symbolisera un changement tant dans la méthode que dans la politique conduite en faveur des DOM reposera sur quatre piliers. Le premier : un projet de société d'inspiration locale, élaboré et adopté par les forces vives martiniquaises, et qui servirait de base à un dialogue avec le Gouvernement.

Le deuxième : un plan de transformation de l'économie de l'île en une économie de production, préparé en partenariat avec les socioprofessionnels et dont le succès repose sur cinq conditions : la création d'un espace juridique fiscal et social stable, la consolidation et l'élargissement contrôlés du dispositif Pons ; la mobilisation de l'épargne populaire, adossée aux fonds d'Etat et aux fonds structurels européens ; l'adaptation de la législation sociale par un intelligent allégement des charges sociales sur les bas salaires ; enfin, des mesures pour faciliter l'accès aux marchés extérieurs, assorties de la création d'un fonds d'aide à l'export.

Bien entendu, pour ce plan, la clé du succès résiderait dans le partenariat entre les opérateurs économiques, les investisseurs et les agents de l'Etat et des collectivités locales.

Troisième pilier, la réorganisation des pouvoirs locaux. On ne saurait préparer le développement de la Martinique en centralisant à Paris les principaux leviers de décision et de financement et en maintenant sur place plusieurs niveaux de décision aux compétences mal définies. Il faut un seul niveau de pouvoir clairement identifié comme responsable de l'orchestration du développement.

Le socle de cette réforme devrait être le principe de la subsidiarité entre l'Etat et les collectivités locales. Chaque fois que la collectivité, créée dans le respect des articles 72 et 73 de la Constitution -remaniés s'il le faut-, sera mieux placée que lui, l'Etat devra lui laisser le pouvoir d'intervenir, quitte à lui prêter l'assistance de ses services pour les compétences exorbitantes du droit commun qui lui seraient déléguées.

Enfin, le quatrième pilier de ce contrat de progrès consiste en un plan de financement pluriannuel, sans lequel tout ne serait que voeux pieux.

Comprenant, Monsieur le secrétaire d'Etat, la complexité de votre mission, je voudrais vous prévenir contre deux dangers : d'une part, la tentation de généraliser, c'est-à-dire de traiter de la même manière les quatre DOM ; d'autre part, la tentation technocratique de confier l'élaboration et l'application d'un texte général aux agents de l'Etat. Pour éviter ces écueils, je vous suggère de constituer un groupe d'impulsion interministériel, en y associant des élus domiens, un peu à la manière du groupe interservices mis en place à la Commission pour la préparation du POSEIDOM.

Sachez cependant qu'aucun lifting administratif ne suffira à remplacer la volonté politique. Le dialogue et la concertation doivent être à la base de ce contrat de progrès, qui pourrait être adopté par le Parlement, éventuellement au titre d'une loi-programme.

Mais, pour valider cette politique et, peut-être, pour confirmer notre attachement à la République comme meilleur garant de nos libertés, une consultation préalable de la population serait indispensable.

Certains collègues revendiquent l'indépendance, d'autres l'autonomie. Pour ma part, j'ai cru comprendre que le peuple a soif de développement économique, de promotion sociale et d'épanouissement. Ne brisons pas son espérance par un malentendu plus ou moins consciemment orchestré.

Monsieur le ministre, ne regardez pas l'appartenance politique de celui qui vous parle. Entendez seulement le cri qu'il vous lance. C'est le cri d'une population qui souffre, qui doute, qui regarde l'avenir avec angoisse. Attelons-nous donc ensemble à la préparation d'un avenir meilleur pour notre jeunesse.

Dans l'espoir d'avoir été bien compris, j'attendrai pour déterminer mon vote (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Léo Andy - En réservant une journée tout entière de la session budgétaire si chargée au débat sur l'outre-mer, le Gouvernement donne enfin satisfaction aux élus de ces territoires qui n'ont cessé, depuis des années, de déplorer les conditions dans lesquelles se discutait le budget des DOM-TOM à l'Assemblée nationale.

Cette journée a pris chez nous une singulière importance. Pour ne pas décevoir les attentes de la population, il est impératif que nous déterminions ensemble, en analysant les problèmes qui assaillent notre pays, les grands domaines où s'imposent les réformes et leur orientation. Bien sûr, ce débat n'apportera pas de réponses définitives, tant les situations sont complexes et diversifiées. Nous espérons néanmoins qu'il permettra au Gouvernement d'ouvrir, dans la plus large et la plus franche concertation, les vastes chantiers des réformes propres à faire prévaloir un développement économique durable et endogène, la reconnaissance de l'identité des peuples d'outre-mer, leur droit à la responsabilité.

Mais, puisqu'il s'agit tout de même d'un débat budgétaire, je prends acte de l'accroissement sensible, de 7 %, de ce budget et de la priorité qu'il accorde à l'emploi et au logement social. Ainsi, la dotation du FEDOM s'élèvera à 1,808 milliard, en hausse de 6,4 %, et sera notamment consacrée au financement des emplois-jeunes, avec un objectif de 3 500 emplois supplémentaires en 1999, à quoi s'ajouteront 56 500 insertions par l'activité contre 48 500 cette année. De même, les crédits des CES augmentent fortement. En revanche, les CAE et les primes à la création diminuent de façon significative, ce qui risque d'affaiblir encore nos activités productrices.

Sur un budget global de 5,59 milliards, 1,5 milliard sera consacré au logement, ce qui permettra de construire 11 800 logements neufs et d'améliorer 5 000 logements anciens. Je mesure toute l'importance de cet effort dont on peut espérer un effet favorable sur le BTP, sinistré chez nous depuis six ans, en raison notamment de la faiblesse des commandes publiques. En Guadeloupe, où pénurie, précarité et insalubrité caractérisent le logement, il faudrait, selon la DDE, une dizaine d'années, au rythme actuel des constructions, pour résorber le déficit, évalué à 20 000 logements, sans parler des besoins considérables de réhabilitation et de résorption de l'habitat insalubre.

L'appréciation positive que je porte sur ce budget n'enlève rien à mes vives inquiétudes devant la situation socio-économique de mon pays. Les handicaps géographiques et le retard structurel dont souffre la Guadeloupe sont connus. J'insisterai donc plutôt sur la situation paradoxale des départements français des Amériques qui constituent une vitrine dorée de la France dans la Caraïbe alors qu'ils souffrent d'un véritable "mal-développement" : la croissance y est forte mais artificielle, car elle repose sur les transferts sociaux et la consommation des ménages plutôt que sur les activités productrices, ce qui correspond à une dépendance totale par rapport à l'extérieur. Le taux de couverture de nos importations par nos exportations était de 8 % l'an dernier, en retrait par rapport aux 9,8 % de 1994. Il s'est encore dégradé au cours des six premiers mois de 1998. Nous produisons peu, nous importons tout, y compris les biens de consommation courante et les produits des industries agroalimentaires qui représentent 42 % de nos importations. La récente grève des dockers en Guadeloupe a révélé l'ampleur de cette dépendance alimentaire : les magasins manquaient de tout, et même de sucre, dont nous importons 5 000 tonnes par an alors que la Guadeloupe a toujours été un pays producteur. Nos importations atteignent 20 000 tonnes pour la viande et les abats ainsi que pour les légumes et les tubercules.

Quoi de moins surprenant, lorsqu'on connaît la dégradation de notre agriculture et de notre élevage ? Nos cultures traditionnelles, confrontées à la mondialisation et à notre intégration au marché unique européen, sont en crise. La banane, qui est notre premier produit d'exportation en volume depuis de nombreuses années, est non seulement victime des catastrophes naturelles, mais aussi menacée par les modifications du régime de l'OCM banane imposées par les Etats-Unis et les multinationales américaines opérant en Amérique latine. L'augmentation du quota des bananes dollars fixé à 353 000 tonnes, la suppression du système des licences, qui équivaut à la fin de la garantie d'écoulement pour la banane antillaise, la faible augmentation de la recette de référence, qui ne compense pas celle des coûts de production depuis 1994, augurent très mal de la survie de notre production bananière, qui ne peut continuer à subir le dumping social des pays d'Amérique latine.

M. Jean-Claude Lefort - Très bien !

M. Léo Andy - La filière canne-sucre est en déclin depuis 1970 et le rhum n'assure la rentabilité que grâce aux soutiens publics. A cet égard, le projet d'alignement des taux d'accise appliqués au rhum traditionnel sur le marché local des DOM sur celui qui s'applique en métropole risque de porter un coup fatal aux entreprises de ce secteur et inquiète légitimement les professionnels.

Des tentatives de diversification ont bien eu lieu pour les cultures maraîchères, fruitières et florales, mais elles souffrent de la faiblesse de l'organisation des filières, de l'étroitesse des exploitations, de l'absence de système de conservation des semences et des rythmes irréguliers de production.

L'élevage, familial ou semi-industriel, pâtit d'un encadrement technique insuffisant et du coût élevé des structures d'abattage. Ses performances restent donc médiocres malgré les aides dont il a bénéficié.

Cette crise se traduit par une réduction continue des superficies occupées par les cultures traditionnelles, par une diminution de la population agricole qui est passée de plus de 86 000 personnes en 1981 à 35 000 aujourd'hui. Le nombre d'exploitations chute aussi, tandis que l'âge moyen des chefs d'exploitation augmente constamment. Il est de plus en plus difficile de survivre pour les petits et moyens agriculteurs, dont les coûts de production sont très élevés en raison notamment de l'éloignement des centres d'échanges. Ils sont de surcroît mal indemnisés pour les calamités naturelles, que les compagnies d'assurances refusent de couvrir et que l'Etat ne couvre, avec beaucoup de retard, qu'à hauteur de 25 % des dégâts.

Le sauvetage de l'agriculture en Guadeloupe passe par l'utilisation d'importantes surfaces agricoles, laissées à l'abandon ou insuffisamment cultivées. Il faudrait légiférer à ce propos. Ce sont 20 000 hectares qui pourraient ainsi être récupérés, pour l'installation de jeunes agriculteurs. Un plan de désendettement et d'incitation fiscale est aussi nécessaire, avec d'autres moyens, que ceux dévolus aux agriculteurs en difficulté par la commission départementale d'orientation agricole. Un réseau de mutualité agricole permettrait aux agriculteurs de bénéficier de l'assurance contre les calamités naturelles. Une organisation rationnelle de la commercialisation, avec la création d'un marché d'intérêt régional, faciliterait l'écoulement des produits. Enfin, un effort doit être engagé pour l'irrigation des exploitations, avec des réseaux secondaires destinés aux parcelles individuelles. Le plan d'aménagement du territoire devrait inclure un schéma favorisant la diversification de la production et l'implantation de PME dans l'agroalimentaire.

En ce qui concerne la pêche, les besoins locaux ne sont couverts qu'aux deux tiers par la production locale, handicapée par les moyens archaïques de la profession. Les techniques de pêche ont peu évolué, la filière est mal structurée et la commercialisation inadaptée aux circuits modernes de distribution. Pourtant la Guadeloupe devient le deuxième consommateur mondial de poisson, juste après le Japon. J'insiste en outre sur le problème récurrent de la non-limitation des zones de pêche dans notre région et sur les humiliantes épreuves qui en découlent pour nos pécheurs. Un règlement s'impose de toute urgence et je compte sur le Gouvernement pour faire diligence, en relation avec la Commission européenne.

L'industrie guadeloupéenne reste embryonnaire et la situation des entreprises artisanales est catastrophique. Les activités industrielles, qui ne représentent que 10 % du PIB, sont menacées par la remise en cause du système actuel de l'octroi de mer, qui ne fournit pas seulement aux collectivités territoriales leur principale ressource financière, mais protège aussi la production locale. Sur ce dossier également je souhaite qu'on fasse le point. Par ailleurs, nos entreprises ont besoin, pour faire face à la mondialisation, de dispositions autrement plus favorables que celles qui régissent l'emploi aidé. La durée des incitations à l'embauche et les exonérations des charges sociales doivent être revues à la hausse. Pour l'entreprise individuelle ou artisanale, des mécanismes d'allégement et de simplification des charges doivent être envisagés. D'autres mesures, telles que la bonification des taux d'intérêt en faveur des entreprises créatrices d'emplois, le renforcement des fonds propres de nos entreprises et la création d'une dotation de compensation des effets de l'insularité, comme pour la Corse, pourraient également dynamiser notre industrie. Celle-ci a certes bénéficié de diverses aides mais parfois sans grande efficacité pour le développement. Ainsi, la loi de défiscalisation, dans son application, a souvent été détournée de son objectif, de sorte que son rapport coût/efficacité n'est pas bon. Je me réjouis néanmoins que la mission conduite par le rapporteur de la commission des finances admette la nécessité de la prolonger au-delà de 2001 et suggère de ne pas la réformer en profondeur tant qu'un système de substitution ne sera pas créé. Je partage, également, votre souhait, Monsieur le ministre, de réaménager le dispositif de soutien à l'économie, de façon à ce qu'il concoure réellement à la lutte contre le chômage et l'exclusion, et qu'il bénéficie aux entreprises productrices de biens et de services tournés vers l'exportation.

Votre économie a en effet besoin d'avantages fiscaux, voire d'un statut fiscal dérogatoire au droit commun et aux normes européennes, pour pallier nos handicaps. Or l'article 227, paragraphe 2, du traité instituant les Communautés européennes, dans sa rédaction résultant du traité d'Amsterdam, semble plus intéressant pour les DOM que la législation française. Ce nouveau statut devrait être au service d'un véritable pacte de développement durable et endogène, qui impliquerait un fort engagement des Guadeloupéens pour leur propre avenir économique. Tel n'est guère le cas aujourd'hui, faute de qualification et de formation suffisante. Il faut développer l'apprentissage et la formation continue, afin que les besoins en emploi puissent être satisfaits sur place. Cela est d'autant plus urgent que nous assistons, depuis quelques années, au tarissement de la migration vers la métropole et même à une amorce de retour en Guadeloupe.

"Chômage" et "exclusion", ce sont les deux mots qui reviennent le plus souvent quand on parle de l'outre-mer. En Guadeloupe, malgré les actions d'insertion et les aides à l'emploi, le chômage a de nouveau augmenté en 1997, atteignant le taux de 27,8 %. Il a continué sa progression lors des six premiers mois de cette année.

Ce chiffre ne tient d'ailleurs pas compte des personnes très nombreuses qui ne sont pas inscrites à l'ANPE. En outre, l'emploi précaire et à temps partiel ne cesse de se développer, touchant désormais les hommes aussi bien que les femmes. Faute de perspectives, les jeunes restent plus longtemps dans le système scolaire. Ils subissent néanmoins le même sort que les autres à la sortie, ce qui est cause de frustration. Cela prouve la nécessité de leur donner une formation plus adaptée. Le Gouvernement doit consentir un effort supplémentaire dans le domaine de l'enseignement afin de nous aider à réduire notre retard par rapport à nos voisins martiniquais. Je pense en particulier à la création de ZEP.

Selon l'INSEE, la pauvreté touche davantage nos départements que la métropole. Le revenu médian des ménages par unité de consommation après impôts s'établit à 47 000 F en Guadeloupe, contre 83 000 F en métropole. Encore ne s'agit-il que d'une moyenne : dans notre société caractérisée par de fortes disparités de revenus, il existe des situations sociales d'extrême détresse.

Le fléau du chômage est à l'origine de nos problèmes de toxicomanie, de violence urbaine, d'insécurité.

Mais notre société souffre aussi d'une blessure identitaire. Produit d'une histoire violente, celle de l'esclavage, elle s'est forgée une culture propre, enrichie par l'apport des populations venues d'Europe, d'Afrique, et d'Asie se joindre au peuple des Caraïbes. Or cette histoire demeure occultée à l'école, où notre langue créole n'est pas enseignée. Certes, la commémoration du 150ème anniversaire de l'abolition de l'esclavage a éveillé la mémoire collective. On ne peut cependant en rester là. Un programme de reconnaissance et de valorisation de notre identité culturelle doit être mise en oeuvre. Nous demeurons isolés. La faiblesse des échanges culturels en témoigne. Pourtant, nous sommes plus proches, culturellement, de nos voisins des Caraïbes que de l'Europe.

Je me félicite que le Gouvernement s'apprête à nous présenter un projet de loi d'orientation, dont la finalité sera le développement durable des DOM. Pour y parvenir, il faudra examiner la question institutionnelle de manière moins passionnée.

Monsieur le ministre, je n'ai pas la prétention de faire ici le procès de la départementalisation, qui a connu diverses phases et qui ne s'est traduite en termes d'égalité sociale qu'en 1996. Si elle a permis de nombreuses avancées sur les plans sanitaire, social et scolaire, son échec est patent dans le domaine économique. Paradoxalement, la décentralisation que nous appelions de nos voeux, a aggravé cet échec, car l'organisation politico-administrative qui l'a accompagnée à induite de nombreux dysfonctionnements. Le transfert des moyens n'a pas suivi celui des compétences.

L'existence de deux collectivités distinctes sur un même territoire a paralysé l'action publique locale, ce qui a servi de justification à une recentralisation rampante. Il est pourtant évident que les autorités locales sont les mieux placées pour analyser les problèmes. Une réforme institutionnelle est indispensable.

Toutefois, elle ne peut se faire dans la précipitation, ni sans concertation avec les populations concernées. Ouvrons donc ce chantier ! Pour la Guadeloupe, je préconise l'institution d'une assemblée unique, qui exercerait les compétences des deux assemblées existantes, ainsi que de nouvelles compétences transférées par l'Etat. Elle interviendrait ainsi dans les domaines du logement social, de l'enseignement supérieur, de la coopération régionale, et négocierait avec les institutions européennes, sur les décisions la concernant. Cette assemblée doit être dotée de pouvoirs importants, afin qu'elle contrôle efficacement l'exécutif.

En 1982, le Conseil constitutionnel a censuré l'option de l'assemblée unique dans les DOM. Réfléchissons donc à la création d'un nouveau type de collectivité territoriale, qui jouirait d'une très large autonomie dans le cadre de la République française. Monsieur le ministre, j'ouvre ici une parenthèse pour vous rappeler que le conseil général de la Guadeloupe, conformément au voeu de la municipalité et de la population de Saint-Barthélémy, souhaite l'adoption d'un nouveau statut pour cette île.

S'agissant des DOM, l'article 73 de la Constitution autorise l'application de mesures fiscales, sociales et financières adaptées. Quant à l'évolution statutaire, Monsieur le ministre, dans un entretien à l'hebdomadaire Le point, vous avez admis qu'elle pouvait être "envisagée en tenant compte de la situation différenciée de chaque département d'outre-mer", ajoutant que "les prochaines années doivent être celles de l'identité et de la responsabilité".

En s'engageant sur cette voie, qui permettra aux peuples d'outre-mer de mieux maîtriser leur destin, la France, et singulièrement le gouvernement de la gauche, s'inscriront dans les traditions les plus généreuses de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. André Thien Ah Koon - Je tiens à remercier M. le Président de l'Assemblée nationale et le Gouvernement d'avoir pris l'initiative de ce nouveau type de débat : une initiative qui devra être renouvelée dans les prochaines années.

Notre histoire, cependant, a été jalonnée de rendez-vous décevants. La désillusion est telle que certains n'hésitent pas à demander la suppression pure et simple du secrétariat d'Etat à l'outre-mer. Telle n'est pas ma position, Monsieur le ministre.

Je souhaite que nos travaux nous permettent de combattre la fatalité : cela ne dépend que de vous, Monsieur le ministre !

L'histoire des départements d'outre-mer a connu trois étapes : celle des institutions s'est achevée avec la départementalisation, après trois siècles d'esclavage. L'étape de l'égalité sociale a été franchie grâce aux gouvernements précédents. Reste à affronter la question économique, la plus difficile à résoudre, compte tenu des handicaps de l'outre-mer : l'éloignement, l'isolement et un environnement très concurrentiel, en raison de la proximité des pays ACP.

Je déplore la réticence des gouvernements successifs à affronter les problèmes, qui ne font que s'amplifier, faute d'ambition.

N'y a-t-il pas là une volonté de maintenir le statu quo, favorisant ainsi les revendications autonomistes et indépendantistes ?

Comment ne pas penser que cette inertie des pouvoirs publics n'est pas calculée ? Depuis des années, on ne répond pas aux attentes des populations et des parlementaires d'outre-mer.

A cet égard, le bilan est accablant dans le domaine économique.

Pour assurer la survie des PME et des artisans, qui disparaissent inexorablement au profit des grands groupes et des monopoles, nous avons demandé l'adaptation du code des marchés publics aux réalités locales : pas de réponse.

Le premier fossoyeur des petites entreprises à la Réunion, c'est la caisse générale de sécurité sociale, toujours prompte à opérer des redressements. Le deuxième fossoyeur, c'est l'institut d'émission des DOM, qui ne prête qu'aux riches et aux puissants. Nous avons préconisé sa réforme : pas de réponse.

Pas de réponse non plus quant à la définition d'une politique de rattrapage de nos retards structurels, en particulier dans les domaines scolaire, universitaire et hospitalier. Les lycéens ont raison d'être mécontents. A chaque rentrée, faute de place, des élèves sont orientés vers des filières qui ne les intéressent pas.

Loi de programme en faveur du développement économique : pas de réponse, même si j'enregistre avec satisfaction l'annonce d'une loi d'orientation.

Remplacement du concept de zone franche par celui d'entreprise franche : pas de réponse. Pourtant, une telle mesure favoriserait l'implantation à la Réunion des sociétés nationales et internationales que l'on voit s'installer dans les pays voisins, ce qui ridiculise notre pays.

Il est irresponsable de ne pas exploiter la position géostratégique de la Réunion, qui est la porte d'entrée de l'Europe dans l'Océan Indien, au carrefour de l'Asie et de l'Afrique. Des milliers d'emplois sont en jeu.

Sur l'extension de la loi Aubry aux activités d'exportation, pas de réponse.

Or 60 000 containers remontent chaque année à vide vers l'Europe.

Sur la nomination d'un délégué interministériel habilité à prendre des mesures d'urgence : pas de réponse.

Même mutisme sur les questions touchant à l'aménagement du territoire.

Sur la définition d'un contenu à la notion de "région ultra-périphérique", comme sur la création d'une clause de sauvegarde pour notre agriculture : pas de réponse.

La création d'une région française de l'Océan indien regroupant la Réunion, Mayotte, les Iles Eparses et les Terres australes et antarctiques françaises est réclamée depuis longtemps : toujours pas de réponse.

La mise en place d'un deuxième département, que ne doit pas retarder la refonte de la carte communale, est nécessaire pour replacer notre île dans le droit commun : là encore, malgré le soutien unanime des élus, pas de réponse.

Les projets sont pourtant prêts et n'attendent plus que votre décision.

La population de l'île atteindra bientôt un million d'habitants et les infrastructures sont saturées : il est plus facile de circuler à Paris qu'à Saint-Denis de la Réunion !

Face à l'hypertrophie du nord de l'île, le sud, malgré un énorme potentiel, reste insuffisamment développé et connaît un taux de chômage de 47 %.

On ne peut plus accepter de tels déséquilibres auxquels la bidépartementalisation est aujourd'hui la seule réponse et qui justifient, en outre, l'extension de la piste de l'aérodrome de Pierrefonds à 3 500 mètres, la poursuite de la délocalisation de l'université, le renoncement à la route en corniche que nous ne pouvons financer et le développement de la route des plaines avec la liaison Saint-Pierre-Saint-Benoît.

Dans le domaine social, de manière inexplicable, le dossier de la fonction publique n'est constamment remis à l'ordre du jour qu'à la Réunion. Pourquoi ne pas commencer par d'autres départements ? Les Réunionnais seraient-ils considérés comme des citoyens plus dociles que les autres ?

Pourquoi seuls les Réunionnais devraient-ils faire des sacrifices en matière de salaires alors qu'ils sont pourtant plus élevés dans les TOM ?

Par ailleurs, qu'allez-vous entreprendre, Monsieur le ministre, en ce qui concerne la titularisation des 11 700 journaliers communaux qui relève du domaine réglementaire ?

L'Etat remet systématiquement en cause les mesures favorables au développement économique des DOM-TOM. La loi Perben est un instrument exemplaire (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) dont le seul défaut est de ne pas avoir été étendue aux marins-pécheurs.

La loi Pons a été, année après année, vidée de son contenu sans que l'on propose d'alternative équivalente, alors qu'il s'agit de l'un des dispositifs les plus créateurs d'emplois.

Par ailleurs, l'agriculture réunionnaise est menacée par le projet de création d'une filière canne en Guyane : une concertation des élus est nécessaire.

Autant de dossiers qui se sont accumulés dans les tiroirs de nos ministères, qui alimentent les regrets des Réunionnais.

Les gouvernements ne réagissent qu'au jour le jour : suivant la politique de la barricade, on répond à la pression de la rue plutôt qu'aux élus.

L'Etat a-t-il donc une politique et une ambition pour la France dans le monde, pour chaque département et territoire d'outre-mer, et pour la Réunion en particulier ?

Aujourd'hui la réponse est négative. Elle est encore plus inquiétante au regard de l'évolution de la Nouvelle-Calédonie.

Contrairement au principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, ce sont pour l'instant l'Assemblée nationale et le Sénat qui ont voté l'autonomie virtuelle de cette île. Les principes démocratiques élémentaires auraient voulu que ce soit la population locale qui se prononce prioritairement, et elle seule !

Si l'on planifie l'explosion sociale à la Réunion pour y appliquer la méthode utilisée en Nouvelle-Calédonie, je revendiquerai, pour les Réunionnais, le droit de se prononcer par référendum sur la création d'un deuxième département, afin de mettre un terme définitif au débat sur l'autonomie.

La solution pour la Martinique n'est pas l'indépendance, mais la réglementation des monopoles économiques.

Rien n'est plus dissuasif pour les investissements que l'incertitude statutaire !

Les Réunionnais sont d'abord français et il ne faut pas mettre en doute leur conviction patriotique.

Quand le Gouvernement aura-t-il enfin la volonté de conduire une grande politique pour l'outre-mer français ? Nous n'avons pour l'instant aucune lueur d'espoir.

Je souhaite à cet égard vous mettre en garde contre les diktats des hauts fonctionnaires qui empêchent les réformes nécessaires en nous disant, par exemple, que la création d'un deuxième département coûterait 400 millions. Qui peut justifier ce chiffre alors que d'autres parlent de 80 millions ? Le coût doit-il en outre faire toujours reculer la décision politique ?

Il est urgent de réagir alors que les élus des îles lointaines ne pourront pas jouer indéfiniment le rôle de pompiers de la France d'outre-mer, auxquels on demande de faire quotidiennement des miracles.

Au demeurant, les maires n'ont jamais été aussi déconsidérés, persécutés, découragés devant l'incompréhension de l'administration.

Nous sommes tous traités d'incompétents. La première des soupapes de sécurité dont vous disposez, celle de la démocratie locale, est en train d'exploser !

C'est dire si, au-delà des effets d'annonce, nous voulons une politique maîtrisée, reposant sur des décisions courageuses qui s'imposent dans la durée.

Car l'outre-mer, c'est le coeur et le rayonnement de la France dans le monde et nos concitoyens ultra-marins ne méritent pas moins de considération que ceux de la métropole !

C'est aussi l'exemple d'une nation rassemblée malgré la diversité des hommes et des femmes qui la composent et qui ont en commun une même ambition de représenter avec fierté la France.

Enfin, l'outre-mer, ce n'est pas une population assistée mais c'est le centre spatial de Kourou, les réserves de nickel en Nouvelle-Calédonie, le tourisme en Polynésie, aux Antilles et à la Réunion, les immenses réserves de pêche de l'Océan indien, et nos positions géostratégiques à travers le monde qui font de notre pays la troisième puissance maritime mondiale.

Monsieur le ministre, votre mission n'est pas facile. J'approuverai votre budget, mais je crois qu'il est surtout grand temps de mettre les hommes au travail et de donner des directives claires.

Vous devez réussir pour que nos enfants, demain, gardent, aux quatre coins du monde, leur fierté d'appartenir à cette grande nation qu'est la France ! (Applaudissements sur divers bancs)

M. Claude Hoarau - Ma collègue Huguette Bello s'est attachée à vous parler des questions sociales et mon collègue Elie Hoarau vous parlera de l'organisation administrative et de la coopération régionale. J'évoquerai pour ma part les problèmes économiques de la Réunion.

Il n'est pas exagéré de dire que la Réunion est à la croisée des chemins. Une période s'achève, celle de la réalisation progressive de l'égalité sociale et d'une rapide augmentation des transferts financiers dont l'impact socio-économique a été considérable.

Des échéances s'annoncent, celles du renouvellement d'importants instruments de développement et de la mise en place de nouveaux dispositifs. D'ici à l'année prochaine, nous aurons à nous pencher sur des dossiers capitaux, qu'il s'agisse du plan de développement régional et du contrat de plan, ou de dispositifs législatifs et réglementaires, tels que la loi Perben, le projet de loi Voynet et le décret export, ou encore la loi de défiscalisation qui devrait arriver à son terme en 2001.

S'agissant du décret export, les représentants de la direction régionale du commerce extérieur, les organisations professionnelles, l'université de la Réunion et la chambre de commerce et d'industrie ont formulé des propositions dont il faudra s'inspirer.

La loi Perben doit faire l'objet d'un toilettage, en vue d'une application différenciée selon les secteurs, afin de permettre le développement de l'emploi en évitant les effets d'aubaine.

Pour ce qui est de la loi de défiscalisation, chacun sait que nous ne l'avons jamais sacralisée. Nous sommes comme vous tous pour une plus grande justice fiscale, mais force est de constater que ce dispositif a permis des réalisations dans les départements d'outre-mer, et en particulier à la Réunion.

L'an dernier, au moment où les passions se sont déchaînées sur cette affaire, M. le Premier ministre avait affirmé solennellement qu'il ne cherchait pas à faire des économies sur le dos des départements d'outre-mer. C'est pourtant exactement ce qui s'est passé avec la tunnellisation, mais personne n'est en mesure de nous dire combien de centaines de millions ou de milliards ont été ainsi récupérés au détriment de l'investissement dans nos pays !

Aujourd'hui, l'ensemble des responsables du développement de la Réunion, au niveau central comme au niveau local, ont le devoir de garantir un développement durable et solidaire.

Les fondements de ce développement existent grâce aux atouts qui s'attachent à notre situation d'île de l'Union européenne au coeur de l'Océan indien et à l'intensification de nos échanges internes depuis la fin de la guerre froide.

L'émergence de vastes blocs régionaux et la multiplication d'investissements croisés entre l'Afrique australe et l'Asie du Sud et du Sud-Est témoignent du dynamisme de cette région.

Dans ce contexte, notre île dispose d'équipements de haut niveau, notamment en matière de santé et de formation. Elle dispose également d'infrastructures et d'outils de télécommunications performants.

Avec 40 000 réunionnais diplômés supplémentaires d'ici à 2005, la Réunion peut compter sur une jeunesse nombreuse et de mieux en mieux formée. Il serait difficilement concevable que cette richesse humaine présente sur un territoire caractérisé par sa stabilité politique, juridique et monétaire, ne puisse pas être à la base d'un véritable renouveau économique de la Réunion, pour ne pas dire d'un miracle économique réunionnais. Ce renouveau exige que notre appareil productif soit préservé. Il faut en premier lieu défendre avec la plus grande énergie notre filière canne ; l'inquiétude grandit en effet parmi les planteurs à l'approche de la négociation sur l'organisation commune du marché du sucre : il faudra absolument obtenir, d'une part, le maintien à 300 000 tonnes du quota de la Réunion, d'autre part, le maintien des aides à la production de canne et à la transformation. Il faut aussi obtenir une garantie de pérennité pour le dispositif de sauvegarde de nos productions que vient d'instituer l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et l'Afrique du Sud.

La Réunion doit, en confortant ainsi ses acquis, se donner les moyens de pénétrer les marchés extérieurs. En effet, elle bénéficie d'un accès privilégié au marché européen, mais son éloignement demeure un handicap important. Quant au marché intérieur, même avec un million d'individus en 2025, sa dimension restera limitée. Les champs d'expansion se trouvent tant dans le bassin de l'Océan indien qu'en Afrique australe.

Nous disposons d'infrastructures de désenclavement du haut niveau, mais elles sont dramatiquement sous-utilisées et il importe de les valoriser. Les services portuaires et aéroportuaires doivent être considérés comme de véritables filières de production, et l'Etat doit contribuer à renforcer l'attractivité des infrastructures. Il conviendrait, d'une part, d'accorder une aide pour comprimer les tarifs des prestations offertes aux compagnies maritimes et aériennes ; d'autre part, de renforcer la maîtrise du développement maritime et aérien par les acteurs réunionnais, en s'inspirant de ce qui se fait déjà dans d'autres collectivités d'outre-mer.

Enfin, il sera nécessaire de faire connaître la qualité de nos infrastructures à nos partenaires potentiels de l'Océan indien. La tenue récente à la Réunion d'un congrès international maritime constitue une avancée significative. L'Etat devrait encourager ces initiatives et les amplifier par le relais de ses postes diplomatiques et d'expansion économique.

L'enjeu est considérable en termes d'activité et de créations d'emplois ; il s'agit de faire de notre île un noeud logistique international, au carrefour de l'Europe, de l'Asie et de l'Afrique.

En ce qui concerne le développement des exportations, il est regrettable que les dispositifs de la convention ACP-Union européenne, visant à développer les échanges commerciaux entre les DOM et leur environnement régional, n'aient jamais été réellement mis en oeuvre. Il conviendra de les rendre opérationnels dans le cadre de la prochaine convention de Lomé. Dans cette perspective, il serait judicieux que comptant l'Afrique du Sud, l'Inde, le Sud-Est asiatique et l'Australie dans son environnement régional, la Réunion soit dotée d'une direction régionale du commerce extérieur. De même, il faudrait une liaison structurelle entre la Réunion et les postes d'expansion de notre environnement géo-économique.

La réalisation d'un noeud logistique international et le développement des exportations appellent nécessairement la mise en place de formations supérieures dans le domaine du commerce et du transport international ainsi que pour l'apprentissage des langues régionales et internationales. Il faut aussi encourager le développement de formations supérieures dans le domaine des technologies de l'information et de la communication, essentiel pour nous aider à surmonter les difficultés liées à notre insularité et à favoriser l'émergence de productions à forte valeur ajoutée. Déjà, une entreprise réunionnaise d'informatique vient de remporter d'importants marchés en Chine.

Par ailleurs, une filière audiovisuelle est en train de se développer. Il faut encourager cette dynamique, notamment par des dispositifs d'aide à l'investissement et à l'innovation.

Enfin, nous souhaiterions que les conséquences de l'introduction de l'euro soient évaluées. Il faudrait cerner les perspectives ouvertes par notre situation d'unique territoire de l'Euroland au sein d'un environnement monétaire déprimé et où les échanges sont essentiellement facturés en dollars américains. Cette singularité devrait se traduire par la mise en place d'un pôle d'ingénierie financière à vocation internationale et par le positionnement de la Réunion comme porte d'entrée commerciale vers la zone euro.

Nous sommes convaincus qu'un développement durable et solidaire, fondé sur la valorisation de tous nos atouts est à notre portée. Une loi de programme doit marquer le renouveau que les Réunionnais appellent de leurs voeux. Monsieur le ministre, à ce débat que vous avez voulu solennel, donnez rapidement une suite : les Réunionnais sont aujourd'hui des centaines de milliers devant la télévision ou à l'écoute de la radio ; la balle n'est plus au centre, elle est dans vos pieds ! Tous les acteurs de la vie socio-économique et politique de la Réunion sont prêts à jouer avec vous une partie qui est déterminante pour l'avenir de la Réunion (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. Philippe Chaulet - Cinq minutes pour parler de la Guadeloupe : chacun appréciera.

Les spéculations, les surenchères au sujet de ce débat ont été bon train durant ces deux derniers mois. Débat budgétaire, débat statutaire, débat institutionnel, débat sur l'avenir de l'outre-mer. Pour ma part, je dirais plutôt absence de vrai débat puisque, Monsieur le ministre, nous n'avons aucun contrôle sur la préparation de votre budget. Rien de bien concret ne sera décidé aujourd'hui pour panser les grandes plaies dont souffre l'outre-mer. Bon budget, mauvais budget : ces mots n'ont aucune signification pour les Guadeloupéens.

En effet, à quoi sert notre budget quand le chômage atteint des sommets en Guadeloupe ? Les Guadeloupéens ne veulent pas travailler 35 heures, ils veulent seulement travailler...

A quoi sert votre budget quand la LBU finançant le logement social et soutenant l'activité du BTP n'est jamais entièrement consommée, toujours avec une bonne excuse de vos services -cette année une panne d'ordinateur...

A quoi sert votre budget, quand l'arrêté fixant les taux des prêts consentis par la Caisse des dépôts pour la construction de logements sociaux n'est toujours pas signée ?

A quoi sert votre budget, quand l'Etat lui-même n'investit plus en Guadeloupe ?

A quoi sert votre budget, quand nos agriculteurs qui ont subi le cyclone Georges recevront peut-être dans quelques mois une indemnisation couvrant à peine 30 % des pertes ?

A quoi sert votre budget, quand nos marins-pêcheurs sont arraisonnés par nos voisins de la Caraïbe, parce qu'il n'existe pas d'accord de pêche ?

A quoi sert votre budget, quand la Guadeloupe occupant les cinquante pas géométriques attend les décrets d'application d'une loi votée en 1996 ?

A quoi sert votre budget, quand les artisans de transports de personnes attendent la pérennisation de leurs droits de trafic ?

A quoi sert votre budget, quand certains de vos amis diabolisent la défiscalisation, qui a pourtant fait ses preuves ?

A quoi sert votre budget, quand vous restez sourd aux demandes de Saint-Martin, qui est au bord de l'explosion, et de Saint-Barthélémy, qui revendique la reconnaissance de droits historiques ?

La Guadeloupe est en pleine crise sociale, en pleine crise économique. Tous les voyants ont dépassé le stade de l'alerte 2 renforcée, un ouragan de force 5 nous ravage sous le regard indifférent du Gouvernement. L'âme guadeloupéenne est profondément meurtrie, nous sommes "bouffis", comme on dit chez nous !

Les grandes lois de développement de l'outre-mer, ces quinze dernières années, ont toutes été votées à l'initiative d'hommes de droite -loi Pons, loi Perben. Ce n'est pas moi qui l'affirme, mais mon ami Ernest Moutoussamy : il est temps qu'un gouvernement de gauche propose une loi de programme. Les chantiers sont immenses, notamment en Guadeloupe.

En ce qui concerne la méthode, je propose d'organiser une large concertation avec les députés et les sénateurs de l'outre-mer ; un document de synthèse fixant de grandes orientations devrait en résulter. La négociation des contrats de plan Etat-régions est une formidable occasion de rassembler les énergies pour définir des stratégies. Lançons un grand chantier pour définir les mesures urgentes qui répondront aux situations locales les plus extrêmes. Mettons en chantier une loi de programme touchant à tous les secteurs de l'économie. Lançons un grand chantier pour définir, dans le cadre de l'article 73 de la Constitution, l'accompagnement budgétaire des compétences décentralisées. Réformons la décentralisation et la fiscalité locale ; l'ensemble de l'archipel guadeloupéen devrait être déclaré zone franche. Lançons de grands chantiers pour réformer le service de l'Etat, pour recrédibiliser la défiscalisation, pour élargir le champ d'application de la loi Perben, pour accompagner les besoins de financement des entreprises.

Ouvrez donc le dossier des îles du Nord et répondez aux angoisses de Saint-Martin, qui est en proie à une grande crise. Répondez aussi aux revendications qui montent de Saint-Barthélémy, où le droit doit enfin rejoindre le fait. J'ai déposé une proposition de loi relative à Saint-Barthélémy. Saisissez-vous en, modifiez-la, mais surtout décidez et agissez ! Il y en a assez de ce flou qui ne tient aucun compte des réalités. Comment appliquer le droit commun dans un contexte qui n'a rien de commun avec les réalités de l'hexagone ?

Nos propositions concrètes ne doivent pas seulement être enregistrées. Elles méritent d'être étudiées pour devenir opérationnelles.

L'an 2000 représente pour la Guadeloupe une échéance majeure. Aussi faut-il agir vite et bien ! Nous ne tolérons plus le manque de lisibilité de la politique gouvernementale pour l'outre-mer, et encore moins le recours systématique à une politique de pompiers pour un outre-mer, pour une Guadeloupe, qui ont soif de dignité (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Daniel Marsin - Avant d'intervenir aujourd'hui au nom de ma terre de Guadeloupe, j'adresse un salut amical à Jean-Pierre Chevènement, en souhaitant qu'il nous rejoigne le plus vite possible (Applaudissements sur tous les bancs).

Je remercie tous ceux qui ont accepté de consacrer une journée aux débats sur l'outre-mer. La prochaine fois, nous tâcherons de la placer le mardi ou le jeudi, afin de permettre à tous nos collègues de nous entendre. Je salue les députés présents, ou virtuellement présents.

Il est beaucoup question aujourd'hui des institutions. Pour moi la dialectique indépendance/autonomie ou statu quo est très réductrice, et je ne suis pas du tout sûr qu'elle corresponde à une véritable aspiration populaire. Au demeurant, aucun statut ne me fait peur, dès lors qu'il serait mûrement réfléchi et accepté. Il s'agirait alors d'une évolution positive et non d'une posture de "frilosité" ou de "repli sur soi". En effet, la thématique institutionnelle est trop souvent utilisée soit pour défendre des intérêts d'auto-protection à court terme, soit pour réveiller chez nos compatriotes des attitudes "populistes". Attention aux voisinages idéologiques, l'histoire faisant parfois de tristes clins d'oeil !

Je tiens à associer à mon intervention le groupe d'universitaires, au premier rang desquels le doyen Eric Nabajoth et le professeur Jean-Gabriel Montauban, de l'université d'Antilles-Guyane, ainsi que les 50 responsables socioprofessionnels guadeloupéens qui ont participé à la journée d'études organisée le 10 octobre dernier aux Abymes. Leurs réflexions, leurs suggestions et leur enthousiasme ont renforcé ma conviction qu'il est grand temps que les politiques inventent une nouvelle pratique de la décision et de l'action politiques.

En effet, la situation en Guadeloupe est suffisamment préoccupante, pour que la politique et ses acteurs reprennent tous leurs droits et toute leur place afin de proposer aux Guadeloupéens d'édifier leur avenir. Ils sont nombreux à nous écouter. Ils ne doivent plus être déçus.

Jeune en politique, j'ai la conviction chevillée au corps que la France et la Guadeloupe vivent une période historique cruciale sur fond de grave crise d'identité. Tâchons tous de rendre du crédit à la parole et à l'action publiques !

Je voterai le budget de l'outre-mer, sans cacher que la situation en Guadeloupe est grave, et en proposant une méthode pour faire émerger un grand projet fédérateur et mobilisateur.

L'honnêteté intellectuelle devrait conduire tous les parlementaires à décerner un satisfecit global à l'effort consenti et concrétisé par un budget de 5,6 milliards, soit une hausse de 7 % contre 2,3 % pour le budget général. Votre budget traduit la volonté du Gouvernement de lutter contre l'exclusion, en favorisant l'insertion par l'activité et le logement.

Ainsi, avec 18 milliards, les crédits du FEDOM progressent de 6,35 %, et permettront, en théorie, de financer 56 500 nouvelles solutions d'insertion par l'activité.

Cependant, alors que 34 000 emplois solidarité sont envisagés, les collectivités locales et les associations ont de plus en plus de mal à en proposer. De même, alors que 7 000 contrats d'accès à l'emploi sont budgétisés, les crédits correspondants baissent, ainsi que ceux relatifs aux primes à la création d'emplois, alors que ces formes d'aides sont les instruments d'insertion les plus efficaces.

En revanche, je note avec satisfaction la poursuite de l'effort sur les emplois-jeunes. Nos jeunes compatriotes fondent de sérieux espoirs sur ce dispositif que notre majorité a eu le mérite de voter, même si nos collectivités locales n'ont pas toujours les moyens de la mettre en oeuvre.

Le SMA, avec un crédit global de 451 millions, a été, comme promis, préservé. Puisse ce dispositif de formation, d'insertion et d'utilité sociale être conforté dans le futur !

L'effort de l'Etat en faveur du logement social est particulièrement marqué, avec une LBU portée à près de 900 millions, soit une extraordinaire progression de 58 %. S'y ajoutent les quelque 611 millions de la créance de proratisation consacrés à l'insertion par le logement des RMIstes. Reste qu'il est bien difficile parfois de mobiliser ces crédits, ce qui conduit le secteur du BTP et les opérateurs sociaux à exprimer leurs inquiétudes et leur mécontentement.

En outre, le PACT de Guadeloupe, au moment où je parle, est menacé de liquidation, notamment pour cause de blocage des financements publics. Cette structure, qui emploie 26 agents, qui concerne une centaine d'artisans et 500 familles attendant des conditions d'habitat meilleures, ne peut mourir au moment même où vous affichez le logement comme une priorité de votre action outre-mer. Il faut donc intervenir vite !

La lisibilité de l'intervention nationale outre-mer est loin d'être parfaite, car selon les chiffres récoltés ici ou là, la masse financière investie dans les DOM atteindrait les 44 milliards. Pourquoi ne pas rassembler, dans le budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, l'ensemble des interventions de l'Etat ?

Enfin il me semble temps de prendre en compte, par des mesures budgétaires fortes, la situation particulièrement difficile des départements et des communes qui n'arrivent plus, même en accentuant la pression fiscale, à assumer les dépenses relatives au contingent d'aide sociale et à l'investissement nécessité par la vétusté des bâtiments publics, dont les cantines scolaires et les écoles.

Sous ces réserves, votre budget représente un progrès appréciable, et je le voterai.

Cependant, si l'on examine en profondeur la situation en Guadeloupe, ce budget n'apparaît pas en mesure de garantir à terme le mieux-être de nos compatriotes.

En effet, parce que trop souvent on ne perçoit la gravité des problèmes que lorsqu'il est trop tard et, parfois même, que le sang a déjà coulé, nous devons être très attentifs à la situation en Guadeloupe et éviter à tout prix de la banaliser. Rassurez-vous, nous n'en sommes pas encore au sang, mais prions le ciel que nous n'ayons pas péché par manque de clairvoyance.

Je vous le dirai donc tout net : la réalité d'aujourd'hui en Guadeloupe me paraît préoccupante. Certains connaissent la différence entre l'ouragan et le volcan : le premier s'annonce et la météorologie peut aviser ; le second gronde, mais l'explosion est imprévisible. Je voudrais penser que nous ne sommes pas dans cette dernière situation.

Quelle est donc cette réalité qui fait de notre île une des régions les plus pauvres d'Europe, sinon la plus pauvre ? La Guadeloupe se caractérise d'abord par un tissu économique largement déstructuré, par un système de plus en plus extraverti. L'agriculture et la pêche nourrissent de moins en moins de gens tandis que les productions traditionnelles, fragiles, voient leurs débouchés de plus en plus menacés et que la diversification piétine. Bref, le poids de cette agriculture ne cesse de décliner.

L'industrie reste embryonnaire tandis que le bâtiment attend désespérément des commandes que les collectivités locales sont dans l'incapacité de passer. Quant aux artisans, fort nombreux, ils sont, pour la plupart, en difficulté, faute de pouvoir compter sur le PACT ou, surtout, d'accéder aux marchés publics. Le tertiaire, enfin, connaît des situations très contrastées.

Pour résumer, malgré la progression du PIB, nous sommes en face d'une économie que d'aucuns qualifient de "mal développée", d'autres d'économie "import-export". D'où une situation sociale très inquiétante. Le chômage croît de 10 % par décennie : il s'établissait à 12 % dans les années 70, à 20 % dans la décennie suivante, pour atteindre près de 30 % aujourd'hui. Si la tendance actuelle se maintient -et elle risque de s'aggraver-, ce sont en 2020 plus de 50 % de la population active, soit environ 100 000 personnes, qui seraient réduites aux minima sociaux. Quelle perspective décourageante pour les moins de 25 ans !

Face à l'incapacité de ce système à offrir des chances de socialisation à nos compatriotes exclus de la société, la seule solution alternative réside dans le traitement social du chômage. Je reconnais qu'à cet égard, vous avez fait dans ce budget un effort notable -sauf à noter que le nombre de CES, de CEC et de CAE diminue de plus en plus.

Si nous n'y prenons garde, le désarroi risque de s'emparer de la population, pour le plus grand bonheur des pêcheurs en eau trouble. C'est pour cette raison, et parce que je crois dans ce gouvernement, que je vous invite à réagir et à tout faire pour redonner sens, chez nous, à l'action publique. C'est un véritable projet de société qu'il faut maintenant concevoir, dans une collaboration intelligente entre les échelons national et local, et mettre en oeuvre de façon déterminée.

Les institutions ne devraient être qu'un outil au service de ce projet, et nous ne devons donc pas faire de cette question une question de principe si nous voulons mobiliser réellement nos compatriotes.

J'ai noté, Monsieur le secrétaire d'Etat, que vous envisagiez de confier à deux élus la mission de proposer des évolutions. La méthode est louable, mais la mesure est à mon avis insuffisante car elle ne prend pas en compte l'aspiration des Guadeloupéens à être acteurs de leur destin. C'est pourquoi j'appellerai plutôt à lancer dans les meilleurs délais des états généraux de la Guadeloupe. L'idée est forte, mais la démarche est d'une grande simplicité : il ne s'agit que d'impliquer les acteurs dans la définition des choix, pour que ceux-ci soient mobilisateurs.

Par acteurs, j'entends aussi bien les politiques, les socioprofessionnels, les syndicats, les associations, les experts. Quant à cette grande réflexion, elle doit avoir trois objectifs : évaluer l'ensemble des dispositifs publics à l'oeuvre en Guadeloupe ; à partir de là, tracer des orientations, fixer des objectifs d'évolution secteur par secteur ; enfin seulement, définir le cadre institutionnel le plus propre à permettre la réalisation de ce projet de société ! Et, dans ce domaine, il ne doit pas y avoir de tabou. Le champ du possible doit être large, l'essentiel étant de soumettre in fine les divers scenarii à la délibération populaire.

Toute cette initiative doit être mise en oeuvre sans a priori, en bannissant tout esprit d'accusation ou de suspicion : c'est à ce prix qu'on aboutira à un projet fédérateur.

M'adressant ici à mes compatriotes de tous horizons politiques, je les invite à sortir de l'ambiguïté spirituelle, à ne plus se laisser ballotter entre la fierté d'une identité plurielle et le malaise autoflagellatoire. C'est ensemble que nous devons construire notre avenir : "Tan a mitan fini, a prézan ce tan a tanmi. An nou colé tét an nou é fouyé'cabèche an nou pou di Gouvelman ki Gwadloup nou tout vlé pou dèmin".

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous n'avez pas encore suffisamment pratiqué notre langue pour comprendre mais puisse cette citation vous inciter à ne pas oublier le créole lorsqu'il sera question de langues régionales dans les instances internationales.

Ce que je disais, c'est que nous devons tous nous creuser la tête pour dire ce que nous voulons pour la Guadeloupe.

Aux représentants de l'Etat, je demande de favoriser ces états généraux et même de s'y associer car, en définitive, c'est tous ensemble que nous validerons le projet de société et que nous nous donnerons les moyens de le faire entrer dans la réalité.

Vous aurez compris que, pour moi, cette journée du 23 octobre que tout le monde a voulu monter en épingle, n'est pas un aboutissement mais un point de départ, un prélude à une "longue marche", à un processus salvateur collectivement assumé, à un sursaut aussi.

Quant à moi et à ceux de ma mouvance, nous y travaillons de toutes nos forces, dans un esprit de responsabilité et de concertation mais avec détermination.

Je vous remercie de m'avoir écouté et, peut-être, entendu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. le Président - Le Gouvernement demande une brève suspension de séance.

La séance, suspendue à 17 heures 55, est reprise à 18 heures 10.

M. Emile Vernaudon - Je veux d'abord remercier M. Jean-Jack Queyranne qui a élaboré ce budget en croissance de 7 % grâce surtout aux chapitres consacrés à l'emploi et à l'habitat social. Merci aussi à Lionel Jospin et à son gouvernement qui ont maintenu les crédits attribués à la Polynésie française, même s'il conviendrait qu'ils soient mis à disposition plus rapidement.

Mais je veux surtout traiter ici de l'évolution statutaire de la Polynésie française qui sera bientôt d'actualité puisque le président du gouvernement, ministre du tourisme, sénateur, maire de Pirae -excusez du peu !-, Gaston Flosse veut rallumer la mèche de la revendication. La Polynésie a été dotée en 1996 d'un énième statut d'autonomie élargie qui devait être, selon le rapporteur du projet, "l'ultime statut d'autonomie au-delà duquel ce serait l'indépendance" !

Or, après que le Congrès a avalisé sur le plan constitutionnel le processus d'évolution de la Nouvelle-Calédonie vers une possible indépendance à la suite des accords de Nouméa, le président du gouvernement, véritable obsédé textuel, supplie le Président de la République de profiter de la prochaine révision constitutionnelle, à l'occasion de la ratification du traité d'Amsterdam, pour faire insérer dans le statut de la Polynésie certaines dispositions de l'accord de Nouméa. Il s'agirait notamment de la capacité pour l'assemblée de Polynésie d'édicter des lois -ou plutôt ses propres lois- de l'instauration d'une citoyenneté polynésienne. Mais là, je m'interroge : demande-t-il l'indépendance ? Serons-nous toujours Français ou bien Polynésiens ou Mahorais ? Il s'agit aussi de la possibilité de signer des accords internationaux dans le cadre d'une souveraineté partagée entre la France et la Polynésie qui abandonnerait l'appellation de territoire d'outre-mer au profit de celle de pays d'outre-mer -après les DOM-TOM, les DOM-TOM-POM... (Sourires) Bien qu'il s'en défende, il ne fait que singer la souveraineté en caricaturant la Polynésie en une sorte de république bananière.

Assez d'hypocrisie ! Assez de mensonges ! S'il faut discuter de notre avenir institutionnel, pourquoi écarter pudiquement l'hypothèse de l'indépendance politique et de la souveraineté du territoire ?

Pourquoi ne négocier qu'avec un seul interlocuteur en Polynésie, alors que le Gouvernement a discuté avec l'ensemble des forces politiques en Nouvelle-Calédonie ? Ces dernières ont d'ailleurs accepté de partager le pouvoir, alors qu'en Polynésie, un seul homme prétend régner en maître absolu. Pourtant, l'opposition polynésienne représente 50 % du corps électoral, si ce n'est davantage. Le président du gouvernement ne doit sa majorité qu'à la sur-représentation de certains archipels et à des alliances de circonstance. Alors qu'il faut 3 000 voix pour un siège à Tahiti, il en suffit de 500 dans les autres circonscriptions. En vertu du principe démocratique "un homme, une voix", il importe de corriger cette anomalie.

J'invite le Gouvernement de la République à suspendre toutes les négociations en cours et à rencontrer les différentes composantes de l'opposition polynésienne, avant d'engager une réforme aussi importante pour l'avenir de nos enfants !

Gaston Flosse ne pense qu'à enrichir sa panoplie de pouvoirs pour échapper au contrôle du tribunal administratif, dont il veut restreindre les compétences.

Il rêve à de nouveaux privilèges, dans un pays qui a déjà un président, une assemblée délibérante, un gouvernement de dix-sept membres et même un hymne, qui a déjà supplanté la Marseillaise.

Il est en train de se faire construire un immense palais présidentiel, dont le coût de fonctionnement sera supérieur à celui de l'Elysée ! Il s'est constitué une véritable milice : ce bataillon de tontons-macoutes, appelé "Groupement d'intervention de la présidence", est directement placé sous son autorité.

Certains documents, parfaitement étayés, évaluent son patrimoine personnel à près de 200 millions de francs français. Ses remboursements bancaires s'élèvent à 700 000 F, alors que son revenu mensuel déclaré ne dépasse pas 150 000 F.

Savez-vous que ce sénateur, ancien ministre et président du gouvernement, est le seul parlementaire de la République à avoir fait une fausse déclaration de patrimoine ? Le seul !

On ne peut le laisser transformer la Polynésie en une sorte de fonds de commerce, sous le prétexte qu'il serait le seul à garantir la présence française ! De tels actes relèvent des tribunaux. Les Polynésiens s'interrogent d'ailleurs sur la lenteur de la justice à son égard.

C'est pourquoi je demande à l'Etat d'exercer son pouvoir de contrôle sur tous les actes des autorités territoriales. "Qui paye contrôle", avait déclaré Michel Rocard en Polynésie, quand il était Premier ministre.

Laisser le président du gouvernement agir à sa guise, ce serait prendre le risque d'une "corsification" de la Polynésie.

L'actuel statut d'autonomie a atteint ses limites. Je suis opposé à une évolution statutaire élaborée dans la précipitation, sans l'être cependant à une évolution des institutions élaborée en concertation avec toutes les forces vives de la Polynésie.

Une telle réforme devrait s'inspirer de la philosophie des accords de Nouméa et offrir à la Polynésie, dans le cadre d'un processus négocié, la possibilité d'accéder au statut d'Etat souverain, mais dans la paix, l'amitié, et le respect mutuel et après un vote de la population.

Le droit fondamental à l'autodétermination des Polynésiens est déjà garanti par la Constitution. Il n'est pas question de l'aliéner, comme le propose Gaston Flosse.

Par ailleurs, la France a ratifié les résolutions 15/14 et 43/47 de l'ONU relatives à la décolonisation de tous les peuples et territoires encore sous tutelle ainsi qu'à l'éradication du colonialisme. Ces résolutions vont d'ailleurs dans le droit fil du discours de Brazzaville du général de Gaulle.

Je souhaite que nous entamions un véritable débat démocratique sur l'avenir de notre territoire, sans pour autant couper nos liens historiques avec la France, qui doit rester le partenaire de notre développement et de notre émancipation.

Ce sont des "accords de Tahiti" qu'il convient de préparer, à l'instar des accords de Nouméa.

On ne peut envisager de larguer la Polynésie. C'est grâce à elle que la France est devenue la troisième puissance nucléaire mondiale, ce qui lui donne d'énormes obligations morales et financières.

Je demande, en tant que député de la République et porte-parole de toute l'opposition polynésienne, que l'Etat s'engage à lancer une vaste concertation avec l'ensemble des partenaires politiques et socio-économiques, afin de définir démocratiquement l'avenir institutionnel de la Polynésie.

Mon pays a la volonté de relever les défis du troisième millénaire, avec des institutions adaptées à sa culture et à sa situation géographique exceptionnelle, mais toujours en partenariat et en coopération avec la France.

Mauruuru, et Iaorana !

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Jean-Louis Debré - Rappel au Règlement, fondé sur les articles 58, alinéa 6, et 71, alinéa 5.

Depuis ce matin, nous assistons à un débat de haute tenue. Avec sérieux, dans la sérénité, nous tâchons d'analyser les problèmes de l'outre-mer. Des propositions ont été formulées en vue de trouver des solutions.

Je regrette que l'un d'entre nous ait, par des attaques personnelles, des allégations non vérifiées et des insinuations perfides, donné à notre discussion une tonalité déplaisante.

M. Emile Vernaudon - La vérité vous blesse !

M. Jean-Louis Debré - De tels propos, choquants, n'ont pas leur place dans ce débat.

Pour manifester sa réprobation, le groupe RPR demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 18 heures 25, est reprise à 18 heures 30.

M. Elie Hoarau - Comme beaucoup de mes collègues, je me réjouis de ce débat qui donne à nos concitoyens ultra-marins, du chef d'entreprise aux journaliers communaux, du chômeur aux milliers de fonctionnaires en sous-effectif, l'espoir de voir leurs problèmes évoqués. L'attente est donc grande, vous n'avez pas le droit de la décevoir.

A la Réunion, pour la première fois, tous les députés sont d'accord sur les grandes orientations à mettre en oeuvre pour préparer l'avenir de l'île et pour rendre espoir aux victimes de la situation actuelle, chômeurs et exclus, dont le nombre croît.

Comme nous l'avons dit dans une déclaration commune, il est urgent de présenter sous la forme d'une loi de programme ou d'une loi d'orientation, un train de mesures sociales, économiques et culturelles d'autant que seront bientôt discutés les plans de développement régionaux, les contrats de plan et les contrats de ville qui engagent des dizaines de milliards sur plusieurs années.

Avec autant de moyens, on comprend de moins en moins une situation aussi difficile qui alimente des mouvements collectifs et des actes individuels désespérés, tournant parfois au drame. Le moment est donc venu de donner des perspectives nouvelles à la Réunion.

Le projet de loi d'orientation que vous avez évoqué ce matin irait dans ce sens et permettrait de contractualiser dans la durée les contributions financières de l'Etat et de ses partenaires en tenant compte des spécificités de chaque collectivité.

La Réunion, quant à elle, dispose, comme nous le disait Claude Hoarau, de nombreux atouts avec ses infrastructures performantes, sa jeunesse bien formée et sa position géostratégique favorable. Il est d'ailleurs primordial que soit reconnu son rôle de trait d'union entre la France et l'Union européenne, d'une part, et les pays d'Afrique australe et de l'Océan indien, d'autre part. Il faut qu'elle bénéficie en tant que région ultra-périphérique d'un traitement préférentiel de l'Union européenne et qu'elle prenne une part active dans la coopération régionale.

Il convient en effet de tourner la Réunion vers l'extérieur et de lui donner les moyens de conquérir de nouveaux marchés, afin de consolider des activités traditionnelles parallèlement à l'indispensable promotion d'une économie alternative.

Pour cela, l'adhésion des citoyens est nécessaire et nous ne l'obtiendrons que si le progrès profite à tous, que s'il n'y a plus d'exclus, ni de régions défavorisées comme peuvent l'être actuellement l'est et le sud de l'île. Il faut donc une réforme administrative pour accompagner cette nouvelle politique. Pour que plus de Réunionnais participent à des responsabilités, il faut créer de nouveaux cantons. Pour rapprocher les élus des administrés, il faut créer de nouvelles communes moins étendues et, parallèlement, renforcer l'intercommunalité. Pour rapprocher les centres de décision des citoyens, il faut créer un nouveau département qui serait d'une taille suffisante puisque chacun des départements ainsi créés compteraient plus de 350 000 habitants et qui garantirait un aménagement plus équilibré du territoire.

Enfin, cette réforme mettra un terme aux ambiguïtés nées de la loi de 1982 qui a entraîné la création de régions monodépartementales, sources de dysfonctionnements du fait de chevauchements de compétences entre conseil général et conseil régional. En mettant fin à cette situation, cette réforme permettrait au conseil général d'être plus présent dans la gestion du quotidien, et à la région de se consacrer pleinement à la gestion du long terme, notamment en matière de coopération régionale et de relations avec l'Europe.

Les débuts de siècle sont souvent des dates symboliques. Nous devons offrir aux Réunionnais des perspectives nouvelles à travers une loi de développement durable et solidaire leur donnant de larges responsabilités. La date du 1er janvier 2000 paraît donc tout indiquée pour la promulguer et ériger à la Réunion le deuxième département qu'elle attend.

Pour la première fois, l'accord est général à la Réunion sur la réponse à apporter aux graves problèmes que nous connaissons. L'ensemble des forces politiques mais aussi les chambres consulaires demandent une loi spécifique sur l'aménagement du territoire. Ni les uns ni les autres, et encore moins la population, ne comprendraient que, face à un tel consensus, le Gouvernement ne se décide pas à agir pendant qu'il est encore temps (Applaudissements sur divers bancs).

M. Anicet Turinay - A l'instar du budget de l'année dernière, celui-ci privilégie l'emploi, l'insertion et le logement social, mais l'augmentation de 7 % que vous annoncez est en grande partie due à des transferts et des non-reconductions de crédits récupérés pour alimenter les domaines que vous privilégiez.

Ainsi, pour ce qui est de l'emploi, les crédits pour les contrats d'accès à l'emploi et pour la prime à la création d'emplois diminuent de plus de 278 millions que vous transférez sur les CES, les contrats d'insertion par l'activité et les emplois-jeunes.

Le SMA, excellent outil d'insertion et de formation pour certains jeunes, subit la réforme du service national : les effectifs en personnel civil diminuent, ceux des militaires stagnent, tandis que les crédits d'équipement administratif augmentent. Etant donné l'existence, en plus des crédits d'Etat, d'une aide communautaire par le biais du FSE, il conviendrait de créer davantage de postes de volontaires : vous en avez annoncé 500, ce qui est une proposition timide, disait mon collègue Hoarau.

En ce qui concerne le logement, le renforcement des crédits de paiement relatifs à l'aide au logement et à la résorption de l'habitat insalubre nous permettra de poursuivre des actions importantes. Toutefois, le faible coût des marchés du logement social ne permet pas toujours aux entreprises du BTP d'en vivre ; la LBU devrait également contribuer à aider le logement intermédiaire, quasiment inexistant dans mon département. Par ailleurs, quand sortira le décret sur les cinquante pas géométriques ? Plus de 30 000 personnes dans les DOM l'attendent pour améliorer leur logement.

J'appelle votre attention sur la décision prise par le directeur des services fiscaux de la Martinique de ne plus appliquer l'article 1384 A du code général des impôts qui exonère pendant dix ans de la taxe foncière sur les propriétés bâties les constructions neuves affectées à l'habitation principale et financées à plus de 50 % au moyen de prêts aidés par l'Etat au motif que la législation sur les prêts aidés par l'Etat n'est pas en vigueur dans les DOM. Or cela fait plus de vingt ans que ce dispositif est appliqué à la Martinique. Cette décision pénalise 1 642 familles modestes qui ont investi pour devenir propriétaires ; je souhaite que vous interveniez auprès du ministre de l'économie et des finances pour rétablir cette exonération.

Vous avez annoncé la création du fonds régional d'aménagement foncier et de l'urbanisme -FRAFU- que j'avais moi-même demandé à votre prédécesseur ; je souhaiterais savoir quand elle interviendra ; de nombreuses communes l'attendent.

Les subventions au fonds d'investissement des DOM continuent leur chute vertigineuse ; je souhaiterais connaître la répartition des crédits par départements.

Le Gouvernement a compris cette année qu'il ne fallait pas poursuivre le démantèlement de la loi sur la défiscalisation ; toutefois, ne crions pas victoire trop vite : le rapporteur général a annoncé qu'il présenterait des amendements. J'en appelle donc à votre vigilance... La loi Pons n'est pas en Martinique génératrice de paradis fiscaux ; M. Migaud, lors de sa mission, a pu apprécier le nombre d'emplois induits.

Notre secteur agricole doit être protégé et aidé. Il est impératif de garantir sur le marché européen essentiellement l'écoulement de nos principales ressources d'exportation que sont la banane et le rhum. Il convient d'être vigilant sur l'octroi de mer pour tenir compte de nos handicaps structurels. Par ailleurs, il faut encourager la production locale qui n'est pas suffisamment compétitive.

Autre secteur important pour nos départements : le tourisme. Ses potentialités n'ont pas été totalement exploitées. Une formation spécifique à l'outre-mer et des moyens supplémentaires sont nécessaires ; et j'insiste beaucoup sur l'apprentissage des langues : notre environnement anglophone et hispanophone justifie que dès le CP, les écoliers apprennent une langue étrangère.

Par ailleurs, je vous alerte à nouveau sur les difficultés que rencontrent les communes pour financer les réparations et les constructions d'écoles primaires et maternelles. Il faudrait inscrire une mesure d'urgence dans les contrats de plan. Enfin, un an après le lancement du plan informatique, pour tous, le matériel était devenu obsolète ; je vous demande donc l'ouverture d'une ligne de crédit pour ne pas laisser cette charge aux communes.

Bien sûr, je ne puis ici qu'émettre des propositions car nous ne pouvons modifier ce budget... Nous pouvons seulement souhaiter qu'il soit mieux élaboré l'année prochaine. Pour ma part, je suis persuadé qu'on peut aller plus loin ; je pense notamment à la loi de programme, à la loi de défiscalisation, à la loi Perben.

Les faiblesses dont souffre votre budget, Monsieur le ministre, pénalisent l'outre-mer. Si celui-ci est pour vous une priorité, montrez-le en élaborant avec nous un véritable plan de développement économique.

Nous revendiquons le droit d'être traités avec dignité car, comme le disait ce matin l'un de nos collègues, nous n'arrivons pas les mains vides. L'outre-mer contribue au développement de la France. Ne pas prendre en compte ses revendications, c'est renoncer à la grandeur de notre pays.

Ce débat n'est pas le grand débat sur l'outre-mer que nous avions souhaité. Cependant, Monsieur le ministre, vous avez dissipé nos craintes en nous annonçant une loi d'orientation.

Par ailleurs, depuis la révision de la Constitution pour l'adapter aux accords de Nouméa, une question hante certains élus : l'avenir institutionnel des DOM. Or, pour la Martinique dont l'histoire n'a rien de commun avec celle de la Nouvelle-Calédonie, le statut départemental me semble constituer le meilleur cadre. Des aménagements administratifs sont possibles ; nous disposons pour cela de l'article 73 de la Constitution et du traité d'Amsterdam. Le développement économique suppose la stabilité institutionnelle. De toute façon, si changement de statut il devait y avoir, il ne pourrait être demandé ni par les parlementaires, ni par l'assemblée départementale, ni même par le président de la région, qui ne sont pas mandatés par le peuple à cet effet : ce dernier a compris depuis fort longtemps que notre appartenance à la France, et a fortiori à l'Europe, est notre atout principal dans un contexte de mondialisation. Pour en être convaincu vous pouvez consulter les populations... Mais soyez sûr que refusant de céder à la fatalité, au repli sur soi et au bouleversement aventureux, elles préfèrent l'espérance dans la France (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Camille Darsières - Le débat d'aujourd'hui est fort suivi à la Martinique où, lundi dernier, une manifestation de rue a, pour la première fois, réuni avocats, marins-pêcheurs, médecins, petits agriculteurs, pharmaciens, transporteurs, chirurgiens-dentistes, petits commerçants, artisans... Bref, cette foule de travailleurs indépendants qui maintiennent en survie le pays martiniquais. Ils réclament des mesures d'urgence qui allègent leurs charges, assurent leur désendettement, arrêtent des poursuites judiciaires humiliantes. Le Gouvernement devrait répondre par des mesures exceptionnelles à cette exceptionnelle protestation.

Les crédits destinés à l'outre-mer sont dispensés entre divers ministères techniques. Mais si l'on se réfère au budget qui nous est soumis, l'effort en direction des DOM est incontestable.

Mais nous savons que beaucoup d'inscriptions budgétaires sont réduites à néant par les fonctionnaires en charge de les mettre en oeuvre.

Ainsi, des milliards sont votés pour le logement, et mobilisés par la DDE. Naturellement les rapports des agents de l'Etat assurent que les crédits ont permis d'améliorer les conditions de vie des mal ou pas logés. Sauf que, si le parc compte 146 907 logements, 79 785 ne sont pas reliés aux égouts, 5 058 n'ont ni douche ni WC, 2 458 n'ont pas l'eau, 4 990 n'ont pas l'électricité, sur un territoire qui connaît le fax et la communication par satellite.

Et les milliers de familles concernées ne se plaignent ni au préfet, ni à la DDE, mais aux élus, lesquels, pour agir, doivent passer par les fourches caudines de fonctionnaires. Citons, ici, l'obstruction de la DDE à un projet de la municipalité du Marin de construire 300 logements, prétextant que le projet serait inadéquat ; ou le blocage du dossier de 66 logements présenté par le maire de Bellefontaine, la DDE réclamant une étude globale d'implantation dans le site.

Lors donc que nous nous félicitons de voter des masses budgétaires importantes, leur dévolution à l'administration érige celle-ci en juge de l'opportunité des initiatives prises par des élus désireux de répondre aux besoins de leurs administrés.

De même, des millions sont votés pour la coopération régionale. La Martinique, qui pense que son salut se joue dans sa capacité à s'insérer dans son environnement caribéen, se dit qu'un partenariat économique avec ses voisins serait sa chance de marchés nouveaux, et garantirait un débouché pour sa jeunesse, dont, chaque année, 7 355 bacheliers. Aussi, en Guyane, les présidents des chambres de commerce de Fort-de-France, de Pointe-à-Pitre, de Cayenne, le 5 avril 1990, ont réclamé la création d'une structure associant élus, acteurs économiques et Etat, en vue d'un marché commun de la Caraïbe et des pays de la côte ouest des Amériques. Or une chance s'offrait à nous : la création à Carthagène, en juillet 1994, de l'association des Etats de la Caraïbe. Un accord, du 24 mai 1996, y associe la France, pour le compte de nos 3 DFA. C'eût été une belle occasion d'utiliser à des actions concrètes une partie des crédits de coopération. Hélas, le gouvernement Juppé a cru bon de ne pas faire des régions françaises les associées directes de l'AEC, comme l'ont fait les Pays-Bas pour leurs trois territoires caribéens. Ce n'est pas l'exécutif de chacune de nos régions qui dialogue avec l'AEC, comme les exécutifs d'Aruba, de Bonnaire ou de Curaçao, mais le préfet de Guadeloupe.

Les élus des DFA, de ce fait, sont totalement en marge des actions de l'association, qui, pourtant, portent sur des domaines essentiels, susceptibles d'ouvrir des perspectives à nos jeunes diplômés, et de créer des activités nouvelles, profitables à nos producteurs.

L'inscription au titre de la coopération régionale n'a donc aucune chance de créer une dynamique de développement : c'est qu'elle est à la disposition d'un haut fonctionnaire de l'Etat, qui est considéré par nos voisins comme le représentant d'une puissance coloniale. Pourtant la rencontre des responsables élus des affaires intérieures de la Caraïbe eût permis de prévenir les heurts entre marins-pêcheurs de la zone, qui ne demandent qu'à fraterniser.

Seul donc un pouvoir local peut donner impulsion à nos territoires. Il ne s'agit pas d'accroître la décentralisation, dont on sait que les énarques la polluent toujours d'une déconcentration rampante et tentaculaire. Leur bulbe rachidien, en aversion des moindres libertés locales, véhicule des senteurs de pacte colonial.

Il ne s'agit pas davantage de postuler pour une indépendance qui ferait fi des acquis arrachés, pendant des décennies, par les travailleurs martiniquais au bout de trop de souffrances pour en supprimer les effets émancipateurs et progressistes.

La thèse -la décentralisation-déconcentration- et l'antithèse -l'indépendance- doivent être transcendées par la synthèse, qui peut être l'autonomie. Celle-ci, précise la doctrine, ne touche pas à l'unité politique de l'Etat, ni à sa croissance territoriale. Mais, en ce qui concerne la gestion des affaires intérieures du territoire d'outre-mer, un pouvoir propre d'administration est reconnu aux autorités locales qui émanent de sa population.

De fait, le soutien à la production, des mesures fiscales spécifiques, le contrôle du coût des transports, la discussion avec l'Etat des ressources indispensables à notre rattrapage économique, les rapports avec la communauté antillaise vivant en métropole, la coopération régionale, la négociation avec l'Union européenne d'un droit à dérogations, le droit d'être associé aux accords de Lomé, voilà des affaires, intérieures à un territoire autonome, appelant d'être réglées par ses responsables propres, à l'exclusion de tous autres.

C'est pourquoi le budget de l'outre-mer requiert un volet d'éducation nationale particulier. Les membres de la communauté martiniquaise doivent prendre conscience de la communauté à laquelle ils appartiennent. Car cette conscience identitaire les incitera à mieux se mobiliser au service de leur pays. Il est donc nécessaire que les élus locaux soient en mesure d'intervenir dans les programmes pédagogiques afin que le jeune martiniquais veuille défendre la singularité de ses origines et de sa culture.

A vrai dire, depuis 52 ans, les DOM ont été frustrés du bénéfice de la loi de départementalisation du 19 mars 1946, dont le rapporteur déclarait : "...l'assimilation qui vous est proposée, loin d'être une assimilation contre nature, est une assimilation souple, intelligente et réaliste".

Et Aimé Césaire ne biaisait pas, quand il citait Boissy d'Anglas : "Les colonies seront soumises aux mêmes formes d'administration que la France. Il ne peut y avoir qu'une bonne manière d'administrer, et si nous les avons trouvées pour les contrées européennes, pourquoi celles d'Amérique en seraient-elles déshéritées ?".

Si le député Césaire citait ainsi, c'était pour que l'auteur du Cahier d'un retour... combatte mieux la thèse d'une simple assimilation : "L'assimilation qui vous est proposée, pour s'inspirer du même idéal de justice que la politique coloniale de la Convention, s'en écarte par le souci qu'elle manifeste de tenir compte des contingences spéciales liées à la situation des vieilles colonies". Et Aimé Césaire concluait : "Les propositions qui vous sont présentées n'empêchent pas de laisser éventuellement aux conseils généraux de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Réunion et de la Guyane certains pouvoirs qui leur seraient propres".

Le rapport fut adopté à l'unanimité.

Durant trente-sept années, aucune suite ne fut donnée à la promesse implicite d'un surcroît de pouvoirs aux conseils généraux d'outre-mer. La décentralisation socialiste de 1983 a certes été un ballon d'oxygène. Les extrêmes l'ont d'abord décriée pour, ensuite, s'y vautrer à plaisir. Mais les élus locaux de l'outre-mer n'ont reçu aucune prérogative spécifique. Le débat d'aujourd'hui prouve que la fuite en avant est vaine. A la fin, l'histoire rattrape toujours les fuyards.

Alors que faire ?

Déjà, ne pas céder aux sirènes du cartiérisme qui, me dit-on, persiflent, jusque dans les couloirs des ministères, qu'il urgerait de renoncer au poids lourd que serait l'outre-mer. Les persifleurs ne sont pas les payeurs.

Hors ses DOM et ses TOM, la France courrait le risque de n'être plus qu'une puissance étriquée. Par eux, elle est puissance stratégique, présente aux quatre coins du monde ; puissance spatiale, parce que à Kourou ; puissance nucléaire par Mururoa ; puissance maritime, parce que, seule, elle se réduirait à 260 290 km2 de zone économique maritime, qu'avec ses DOM, elle passe à 873 690 km2 et avec ses TOM, à 10 736 340 km2 ; puissance culturelle enfin, mais par le métissage des cultures de ses peuples.

Que faire, une fois écartés les nostalgiques de l'Empire ? Ne pas décider d'en haut. Considérer que le débat d'aujourd'hui n'est qu'un début. Ouvrir le dialogue avec chacun des départements d'outre-mer, car leurs destinées ne sont pas nécessairement identiques, en y déclenchant un bouillonnement démocratique des idées et en interrogeant chacune des assemblées locales, qui auront à coeur de consulter toutes les forces vives. La circulation et l'affrontement à froid des idées inciteront ces assemblées à organiser un vrai débat public, clôturé par le vote de motions. Celles-ci seraient alors la base d'une consultation référendaire : aux peuples de choisir, librement. Que surtout aucun juridisme ne vienne entraver son choix ! Laissons s'affronter entre eux les docteurs de la loi : le droit doit se mettre au pas d'un peuple déterminé, comme l'a montré l'exemple de la Nouvelle-Calédonie.

Il est des moments où l'on sent souffler le vent de l'histoire : mai 1848, qui porta la liberté aux nègres, mars 1946 qui porta l'égalité. Voici venu le temps de l'identité et de la responsabilité, en tout cas, pour la Martinique. Le gouvernement de la gauche plurielle se doit d'y associer son nom. Lequel, mieux que lui, peut comprendre que c'est lorsque l'on est soi-même que l'on peut sincèrement cheminer avec les autres ?

A Morvan Lebesque, incomparable éditorialiste, un jour interrogé : "Comment peut-on être Breton" ?, j'emprunte en substance la réponse à la voix qui m'interpelle : "Comment peut-on être Martiniquais ?" "Le monde n'a de sens que dans le respect des pluralismes... Je serai mieux Français et mieux citoyen du monde, lorsque le monde et la France m'auront reconnu Martiniquais" (Applaudissements sur tous les bancs).

M. Michel Buillard - L'augmentation de votre budget serait, dites-vous, Monsieur le secrétaire d'Etat, le signe de l'intérêt que porte votre gouvernement aux DOM-TOM. Ceux-ci bénéficieraient de toutes les priorités qui marque la loi de finances : à l'emploi, à l'insertion, au logement social. Or, si ce budget augmente en effet globalement, je dois bien constater que la part allouée aux territoires d'outre-mer ne croît pas dans les mêmes proportions. Ainsi le FIDES diminue de 3 % : or de lui dépend l'investissement dans nos territoires...

J'ai bien noté votre engagement de maintenir en l'état le dispositif d'aide fiscale à l'investissement outre-mer : j'y vois la reconnaissance de son bien-fondé et de son caractère sain. Cependant, pourquoi la direction générale des impôts refuse-t-elle systématiquement les agréments ? Que veut le rapporteur lorsqu'il se propose d'amender la loi de défiscalisation ?

Je constate également une stagnation des crédits destinés aux actions d'insertion et à l'action sociale dans les TOM, tandis que la dotation allouée aux activités sportives, culturelles et de jeunesse diminue fortement. Les jeunes ne sont-ils pas l'avenir de la Polynésie française ? N'avons-nous pas à les encourager et à les soutenir pour qu'ils prennent conscience de leur rôle dans la société ?

La réforme des communes de Polynésie a été engagée. Or, cette année, aux termes de la loi d'orientation de 1994, l'Etat doit cesser de prendre en charge une quote-part du fonds intercommunal de péréquation, en attendant de nouvelles dispositions comprises dans les projets déposés au Sénat. Quelles mesures transitoires comptez-vous prendre dans l'intervalle ? Je vous demande aussi de tout faire pour que ces projets soient rapidement à l'ordre du jour de la Haute Assemblée. Il est en effet plus que temps de donner à nos communes les moyens de leur future autonomie -les moyens de participer pleinement au développement du territoire.

Je me réjouis que les projets clarifient leurs compétences et que l'Etat s'engage à pérenniser sa participation, mais je regrette le gel de celle-ci à son niveau de 1993 alors que le nouveau statut du personnel communal alourdira inévitablement les charges municipales.

Je suis sceptique quant à l'introduction du scrutin proportionnel pour toutes les communes de Polynésie, y compris pour les communes associées. C'est une tradition chez nous que les majorités municipales soient formées par des coalitions politiques, ce qui permet à un large éventail d'opinions de s'exprimer au sein des conseils. Si donc je suis favorable à une dose de proportionnalité, je suis contre une mesure qui risque de paralyser les communes associées. Comme le déclarait René Rémond au lendemain des élections régionales et cantonales, "le maintien de la proportionnelle, en empêchant une majorité de se dessiner, érige en arbitres les minorités extrêmes et entraîne alliances et tractations".

J'apprécie en revanche l'occasion qui nous est donnée de réfléchir ensemble à l'évolution institutionnelle des DOM-TOM. Le statut d'autonomie dont bénéficie la Polynésie française depuis 1984 nous a permis d'assurer notre développement économique et social. En dépit de la fermeture du CEP, nous avons réussi à mobiliser nos énergies et à exploiter nos ressources propres. C'est ainsi que notre PIB a crû de 5,5 % et que près de 2 000 emplois ont été créés en 1997, ce qui a permis de contenir le chômage aux alentours de 13 %.

Pour poursuivre ce développement tout en restant parfaitement intégrée dans la nation française, la Polynésie souhaite assumer ses responsabilités dans un cadre rénové qui va au-delà des possibilités offertes par le titre XII de la Constitution. Il ne s'agit pas pour nous de "réclamer" plus de compétences et d'autonomie, mais de conforter et de garantir celle-ci en consacrant constitutionnellement quelques avancées : nous souhaitons que les délibérations de l'assemblée de Polynésie aient valeur législative, que soit créée une citoyenneté polynésienne et que nous soit donnée la possibilité de conclure des accords internationaux dans certains domaines.

Actuellement, les délibérations des assemblées territoriales n'ont qu'un caractère réglementaire. Or, dans les domaines de compétence du territoire, il conviendrait que ces actes puissent recevoir les mêmes facultés d'aménagement des normes supérieures que le juge constitutionnel accorde à la loi. Cela ne vaut pas pour autant immunité juridictionnelle : nos lois de pays pourront être déférées devant le Conseil constitutionnel et la juridiction administrative aura toujours à en contrôler les actes d'application.

La création d'une citoyenneté polynésienne nous permettra avant tout de protéger certains emplois locaux, de favoriser l'accès à l'emploi des personnes durablement installées sur notre territoire et de réguler l'accès à la propriété foncière.

Les Polynésiens, nous le savons tous, ne sont pas favorables à l'indépendance. Par ses votes de ces trois dernières années, ils ont montré qu'ils souhaitaient suivre la voie de l'autonomie prônée par notre président, M. Gaston Flosse. Mais vous avez compris cela puisque vous vous êtes engagé à donner à notre territoire la possibilité de profiter de la réforme engagée pour la Nouvelle-Calédonie. Le Président de la République et le Premier ministre sont également partisans de cette évolution qui, en donnant l'autonomie nécessaire à notre peuple, garantira la paix pour notre territoire (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

Mme Christiane Taubira Delannon - Nous sommes tous épuisés et j'entends votre appel muet, mais bien traumatisant pour moi, à être brève ! (Sourires) En tout cas, vous aurez appris, physiquement, que nous tenons de nos origines africaines un goût voluptueux pour la parole !

Tout ce que nous avons entendu aujourd'hui prouve que l'outre-mer est un abus de langage, un raccourci géopolitique, une fiction économique. La dispersion géographique, la diversité des régimes institutionnels, la complexité des réalités sociologiques, la disparité des rapports régionaux en témoignent. Quant à l'immuabilité des rapports avec la France, l'histoire des aménagements législatifs et réglementaires concernant nos territoires prouvent que, lorsque l'intérêt de l'Etat le justifie, les pouvoirs publics savent composer avec leur culture jacobine.

Ainsi la charte de l'exclusive coloniale issue de l'Edit de Fontainebleau de 1727 renforçait le principe d'interdit industriel édicté par Colbert et selon lequel pas un clou ne devait sortir des colonies... Elle fut assouplie en 1763 pour permettre aux colonies d'exporter vers l'étranger du tafia, alors interdit d'importation en France pour ne pas concurrencer les eaux de vie du royaume. En 1866, le Second Empire confirma une disposition de la Restauration de 1814, selon laquelle les colonies doivent satisfaire à leurs dépenses. C'est sur cette base que fut créé l'octroi de mer et que diverses dépenses furent imputées au budget de la colonie, notamment les salaires des milices qui, avant l'abolition de l'esclavage, étaient chargées de la capture des marrons.

Plus récemment et, heureusement, dans un tout autre esprit, lors de la décentralisation, qui fut une très grande réforme, l'Etat a cédé généreusement un certain nombre de compétences, sur des dépenses lourdes, en omettant parfois de transférer les moyens correspondants...

Bien évidemment, les récentes dispositions à l'égard de la Nouvelle-Calédonie relèvent d'un tout autre esprit, du respect de la lutte conduite sur le terrain, du rapport de force qui en a découlé, d'une capacité du Gouvernement à entendre à temps les injonctions de l'histoire.

Je vous disais l'année dernière, Monsieur le ministre, que le temps était venu d'engager le dialogue, sans aucun tabou, parce que la demande était déjà forte dans la société guyanaise. Même si cette demande reste diverse et désordonnée, même si des divergences sont profondes, elle existe encore ; elle exprime à la fois une angoisse et un espoir, une confiance ; elle ne saurait se contenter du silence ou de quelques subtilités dilatoires ; elle a besoin de repères précis, d'un calendrier. Vous avez annoncé une loi d'orientation pour l'automne prochain, il faudra envisager des étapes et il serait bien que nous en convenions ensemble.

Nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner 12 % des interventions de l'Etat dans l'économie, l'activité et l'administration de nos sociétés. Sans doute, pour les 88 % restants, notre opinion n'a pas grande importance. Une fois de plus, les transferts publics augmentent -7 % cette année-, la solidarité nationale est constante et magnanime, nos balances des paiements et commerciales sont déficitaires. Nul ne s'aventure dans une comparaison à la fois ambitieuse et humiliante avec les autres régions françaises...

La France et l'Europe tirent avantage de l'exploitation de l'outre-mer par le maintien de l'emploi chez les fournisseurs de produits et de services, par les marchés publics offerts aux entreprises, par notre situation géopolitique dans trois océans et sur trois continents. Ces avantages, on les évoque parfois, mais on ne s'aventure pas à les mesurer car ce serait probablement subversif.

Nous conservons, on le voit ici, une impavide sérénité car nous savons ce que nous offrons. Nos territoires garantissent à la France sa troisième place de puissance maritime mondiale -sinon elle serait quarante-cinquième...- grâce aux richesses halieutiques, biologiques, minérales, énergétiques des océans. Ils garantissent aussi la politique spatiale européenne, la politique nucléaire française, une part importante de son rayonnement scientifique, notamment sur les forêts, les cultures et les éco-systèmes tropicaux, l'expérimentation et le déploiement technique d'EDF et du centre spatial, l'ingénierie minière du BRGM. Ils garantissent encore le contrôle des grands axes maritimes pour le commerce d'hydrocarbures, de minerais et de matériaux nécessaires à l'industrie de l'armement, par la proximité de nombreux canaux. Ils garantissent également des bases militaires et logistiques qui servent à assurer ou à protéger les échanges, les interventions ou les actions humanitaires. Enfin, ils offrent la chance de mener des politiques de coopération qui alimentent de bonnes relations avec les pays du Sud. Plus précieux encore que tout cela, ils fournissent des cerveaux, des sportifs, des travailleurs, des richesses que la France porte en bandoulière pour son influence en Europe et qu'elle apporte dans sa corbeille dans ses relations avec les Etats-Unis.

Mais tous ces atouts semblent se dissoudre face au discours sur nos handicaps, souvent repris par les nôtres. Le premier serait notre forte croissance démographique. Ferions-nous trop d'enfants ? Serions-nous trop fécondes ? Aimerions-nous trop la vie ? (Sourires) Y a-t-il trop de monde chez nous ? L'Europe n'a-t-elle pas connu un boom démographique à l'époque de la révolution industrielle ? N'a-t-elle pas connu le baby boom lors de la reconstruction ? En fait, nos territoires sont-ils correctement aménagés pour accueillir les populations qui y vivent, sans surdensité urbaine ? Mais, en Guyane, nous serions trop nombreux à n'occuper que 5 % du territoire. Pour autant, l'absurdité de l'argument économique ne doit pas évacuer l'aberration sociale d'une politique d'accompagnement familial inadaptée, déresponsabilisante, perverse et d'une politique d'immigration velléitaire, qui pourrit nos relations avec nos voisins et qui, avant de constituer un problème, était perçue par l'Etat comme une solution aux revendications identitaires et territoriales.

Autre handicap : nous sommes tributaires, paraît-il, de très peu de cultures. Mais la mono et la biculture sont directement l'héritage colonial. En Guyane, cette situation est surtout le résultat de politiques agressives contre des activités lucratives comme l'exploitation aurifère après les émeutes de 1928, du fait qu'il n'y ait pas eu de soutien à l'économie de transformation du bois, d'accords internationaux intempestifs tel le système généralisé qui a pénalité la crevette.

Nous avons aussi comme handicap d'être éloignés des marchés. Mais du temps où les produits coloniaux étaient nécessaires aux marchés européens, les distances paraissaient bien plus raisonnables. Pourtant les moyens de transports étaient, me semble-t-il, moins rapides...

Nous sommes également trop éloignés des centres de décision. A moins de contraindre la géographie à se soumettre aux aberrations humaines, il faudrait peut-être déplacer ces centres car il y a de fortes chances que, pendant quelques milliers d'années encore nous demeurions en Amérique, dans la Caraïbe, dans le Pacifique, dans l'Océan indien, même si la dérive des continents devait s'accélérer... (Sourires)

Il paraît aussi que nos marchés sont trop exigus. Mais nous importons 80 % de ce que nous consommons et notre croissance démographique est, je vous le rappelle, trop importante.

Tous ces handicaps nous pénalisent dans l'esprit du développement économique. Et si un objectif est consensuel, transidéologique, apaisant, c'est bien celui du développement économique. Il ne saurait être dissocié du pouvoir économique, c'est-à-dire de la capacité de choisir et d'orienter. Or, depuis plusieurs années, le discours à ce propos s'est réduit à des dispositifs d'exonération, de dérogation, d'allègement. Et le miracle devrait suivre. Comme disait Bob Marley, Jah provide the bread... Le plus vieux de ces dispositif date de 1952 et l'ensemble n'a cessé d'être renforcé depuis 1980 par des primes et des allégements en tout genre, sans oublier la loi Pons et la loi Perben. Voilà qui "boosterait" n'importe quelle économie. Pourtant les indicateurs économiques et sociaux sont impitoyables sur le taux de chômage, la dépendance, les impasses de l'éducation, la dégradation de la couverture sanitaire, les difficultés d'accès au logement. Et il est à craindre que, même avec un budget en hausse de 7 %, ces dysfonctionnements ne soient pas corrigés. En effet, cet effort considérable ira d'abord vers les collectivités, l'emploi précaire, l'aide au logement social, toutes dispositions indispensables mais qui ne répondent pas immédiatement à l'objectif du développement économique parce que cela ne crée pas d'emplois pérennes, ne prépare pas aux métiers d'avenir, ne développe pas les activités susceptibles de densifier le tissu économique.

Le mode d'investissement est de nature à alimenter l'économie d'importation. Les salaires de la fonction publique, combinés au retrécissement de la capacité productive stimulent aussi l'importation, aggravant ainsi la dépendance. Cette politique a favorisé la pénétration d'investissements privés extérieurs à un point tel qu'elle leur confère une capacité de chantage social -tel sera peut-être le cas avec le projet sucrier en Guyane. L'initiative locale s'en trouve bridée. Cela nous amène en outre à poser la question du pouvoir administratif et de la réalité du pouvoir politique. Si ce dernier est un leurre, que ceux qui en ont la charge le disent. S'il reste en revanche des marges de manoeuvre, qu'elles soient rapidement utilisées afin que l'on sache qui donne les orientations économiques.

Tout le dispositif d'incitation est venu consolider un système d'accumulation du capital clairement orienté depuis un siècle et demi. Lors de l'abolition de l'esclavage, les maîtres ont été indemnisés, les esclaves ne le furent pas. Et, pour s'assurer que le capital marchand serait transformé en capital productif, l'article 7 de la loi d'indemnisation imposait la mobilisation d'un huitième de la rente dans le capital des banques qui allaient être créées. Cela faisait d'office des maîtres des actionnaires de ces banques. Celles-ci n'accordaient que des prêts à court terme, consolidant ainsi les fortunes existantes, dont les détenteurs pouvaient rembourser vite, renforçant l'économie de rente et l'agriculture d'exportation, excluant pour des générations ceux qui n'avaient pas de garanties hypothécaires et ne pouvaient rembourser rapidement, c'est-à-dire les anciens esclaves et les descendants d'esclaves.

Lorsqu'une concentration financière et économique a été organisée de façon aussi méthodique, comment s'étonner des difficultés que rencontrent ceux qui s'échinent à faire vivre des entreprises, à développer des activités agricoles, artisanales ou semi-industrielles ?

Il faut reconnaître l'existence d'intérêts divergents au sein de nos sociétés. Le développement économique n'est donc pas politiquement neutre, il suppose un choix de société, un type de rapports sociaux, une orientation claire quant aux catégories que l'on veut favoriser -grandes entreprises, multinationales avec leurs relais prête-noms sur place ou PME, artisans ou autres.

La question du développement économique est au centre du débat institutionnel. Toutes les forces politiques et tous les groupes sociaux de la Guyane en conviennent.

Le conseil général et le conseil régional ont mis en place une commission mixte qui va bientôt rendre publiques ses conclusions. Les indépendantistes de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane viennent de se réunir à Cayenne et m'ont fait connaître leurs positions. L'enjeu est bien de régler la question du pouvoir, mais personne n'ayant mandat pour négocier, nous en restons au stade des avis et des propositions.

Un pouvoir de proximité renforcé serait exposé à l'action des groupes de pression. A mesure que s'ouvriront de nouveaux espaces de décisions, il faudra donc créer des contre-pouvoirs.

Les artisans n'acceptent pas d'être condamnés par les règles des marchés publics. Les enseignants ont soif de liberté et ont besoin de nouvelles méthodes, de nouveaux moyens, pour développer l'esprit de curiosité de leurs élèves.

Il nous faut une dynamique nouvelle, pour que les agriculteurs soient fiers de nourrir la population, que les ouvriers transmettent leur savoir-faire, que les fonctionnaires d'origine guyanaise ou non, soient heureux de réhabiliter le service public, que les chefs d'entreprise fassent appel aux compétences locales, que les policiers et les gendarmes assurent par leur vigilance la sécurité des plus faibles, que les identités communautaires authentiques s'épanouissent mais que les regroupements ethniques se dissolvent dans l'intégration citoyenne, enfin, que mon rêve deviennent réalité. A coeur vaillant, rien d'impossible !

Ce débat est nécessaire, mais sur un territoire aussi difficile que le nôtre, il appartient à la puissance publique de garantir les conditions du dialogue.

Quels mots inventer, pour expliquer à notre jeunesse que, sur une forêt de 7,5 millions d'hectares, elle ne pourra même pas disposer de quelques milliers de mètres carrés ? Tout cela, parce que des fonctionnaires bien intentionnés se sont efforcés de réduire le champ de la loi foncière.

Pourtant, l'Etat s'est montré assez prodigue pour créer un parc naturel de 3 millions d'hectares, un bassin forestier productif de 600 000 hectares, deux réserves naturelles de 100 000 hectares chacune, mais encore pour attribuer 210 000 hectares en titres miniers ou pour en céder 100 000 au centre spatial de Kourou, dans des conditions d'ailleurs contestées.

De même, 13 000 hectares, c'est-à-dire six fois la superficie de Cayenne, ont été octroyés pour la réalisation d'un projet sucrier privé et 30 000 hectares ont été inondés par EDF, dans notre intérêt paraît-il, sans doute pour nous empêcher d'avoir peur dans le noir...

Que dire aux jeunes, pour leur faire aimer l'école, alors qu'ils sont orientés en fonction des places disponibles et ne disposent plus que d'équipements obsolètes ? Comment les empêcher de voir qu'on ne leur donne pas leur chance ? Comment ne pas voir dans leur révolte le signe rassurant de leur vitalité ?

Il nous faut rendre espoir aux jeunes et leur garantir l'accès aux arts, aux sciences et à tous les métiers, afin qu'ils s'ouvrent au monde sans perdre leur culture. Les pieds en Amazonie, la tête dans l'éternel, qu'ils aient le coeur partout où des hommes font triompher la justice et la liberté !

Monsieur le ministre, la gauche ne se caractérise pas seulement par la qualité de ses hommes d'Etat, mais aussi par son attachement aux valeurs démocratiques, par son combat contre l'oppression, par son respect de toutes les cultures et par sa foi en la créativité de chacun.

Il appartient à ce gouvernement de raviver notre enthousiasme à cheminer ensemble, en vue d'atteindre notre idéal partagé de justice, de paix et de bonheur (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Pierre Frogier - L'année dernière, les députés de l'outre-mer français avaient réagi au peu de considération dont ils semblaient faire l'objet, au moment de la discussion budgétaire. Je remercie le Gouvernement de les avoir entendus.

Le 8 novembre prochain, les habitants de la Nouvelle-Calédonie vont se prononcer par référendum sur l'accord de Nouméa, signé le 5 mai dernier entre l'Etat et les deux principales forces politiques de Calédonie : le Rassemblement, qui milite depuis vingt ans pour le maintien de la Calédonie dans la France, et le FLNKS, favorable à l'indépendance.

Vouloir concilier, dans la paix, deux objectifs aussi opposés relevait, il y a dix ans, d'un véritable défi.

Et pourtant, en 1988, avec beaucoup d'imagination, d'intelligence et de courage, une nouvelle voie était tracée. Dialogue, tolérance, partage, acceptation de l'autre ont été les clés de la réussite des accords Matignon.

L'accord de Nouméa, quant à lui, est le fruit de concessions réciproques. C'est un texte équilibré, un pacte d'amitié. Personne ne renonce à ses convictions, mais les points de convergence ont été mis en avant, pour éloigner le risque des divisions idéologiques.

Cet accord doit être approuvé le 8 novembre par la grande majorité des Néo-Calédoniens, et tout permet de penser qu'il le sera. Le Parlement pourra alors être saisi du projet de loi organique qui le mettra en oeuvre, conformément aux articles 76 et 77 de la Constitution.

Le 8 novembre, la Nouvelle-Calédonie écrira une nouvelle page de son histoire.

Les débats qui ont précédé la révision constitutionnelle ont ravivé, dans l'outre-mer français, une réflexion sur l'opportunité d'évolutions institutionnelles. Cela se conçoit. Mais la situation de la Nouvelle-Calédonie ne me semble assimilable ni à celle des DOM et des collectivités territoriales, ni à celle des autres TOM.

Son histoire lui confère une spécificité qu'il fallait traduire en termes institutionnels. Mais pour y parvenir, notre majorité locale a renoncé à imposer sa volonté à la minorité. Notre seul souci a été de maintenir la paix et la volonté de vivre ensemble.

Nous avons fait oeuvre de réalisme, laissant aux juristes le soin d'intégrer l'édifice construit dans les catégories juridiques existantes et le cadre constitutionnel.

Si la représentation nationale, de façon quasi unanime, a accepté, sur proposition du Président de la République, cette évolution constitutionnelle, c'est qu'elle a ressenti la volonté des Néo-Calédoniens de construire ensemble leur avenir.

A aucun moment il ne s'est agi d'une démarche personnelle et unilatérale. Si cela avait été le cas, je doute fort qu'opposition et majorité confondues aient approuvé l'accord de Nouméa.

Quant à votre budget pour 1999, force est de constater qu'il n'est, pour la Nouvelle-Calédonie, qu'un budget de reconduction. Ainsi, les dotations au titre des actions de développement, qui représentent l'essentiel des crédits consacrés au territoire, sont inchangées depuis 1995. Il ne peut s'agir là que d'un budget de transition, dans l'attente de la mise en place des nouvelles institutions. La signature des contrats de développement et d'agglomération, à partir de l'an 2000, doit s'accompagner d'un effort de l'Etat à la hauteur des défis.

Comme dans l'ensemble de l'outre-mer français, l'emploi est la priorité des priorités. En effet, 50 % de notre population a moins de 25 ans. Comment ces jeunes pourront-ils se projeter dans l'avenir s'ils n'ont pas de travail, s'ils ne peuvent pas s'offrir un logement décent, s'ils n'ont pas les moyens de faire vivre une famille ?

La Nouvelle-Calédonie dispose d'un atout économique majeur : le nickel. Mais si cette activité peut être très rentable, elle est confrontée à une concurrence internationale très rude.

Notre industrie minière et métallurgique subit les conséquences de la crise conjoncturelle en Asie et de la crise financière mondiale. Une entreprise est déjà en redressement judiciaire et 300 emplois sont menacés. La SLN, premier producteur français, vient d'annoncer un plan de réduction de ses effectifs de 15 % en trois ans.

La Nouvelle-Calédonie doit pouvoir compter sur la solidarité nationale, mais elle doit aussi développer d'autres secteurs économiques.

Les efforts de ces dix dernières années ont porté principalement sur l'industrie touristique, mais nous sommes encore loin des performances du reste de l'outre-mer français.

Notre dispositif de défiscalisation doit être maintenu. Financé par le budget du territoire, il vise à encourager l'investissement industriel. Cependant, sans le complément de la loi Pons, la Nouvelle-Calédonie ne pourra pas faire face à ses besoins.

Mon territoire est celui qui a le moins profité de la défiscalisation. En outre, aucun abus n'y a jamais été signalé. En 1997, sur 834 agréments accordés par Bercy, 26 seulement concernaient la Nouvelle-Calédonie, qui, sur un montant total de 9 milliards d'investissements défiscalisés, n'en a recueilli que 11 %.

Trois dossiers pour un montant d'environ 450 millions sont actuellement en attente d'agrément. Un accord de principe de votre part serait souhaitable pour accélérer leur instruction.

Nous devons également relever un défi en matière de logement social, car nous ne construisons pas pour l'heure la moitié des 1 000 logements par an dont nous avons besoin. Il est vrai que la Nouvelle-Calédonie ne bénéfice ni de la ligne budgétaire unique ni du dispositif des prêts locatifs aidés, ce qui est une anomalie puisque la caisse d'épargne de Nouvelle-Calédonie collecte les fonds du livret A. Cette possibilité nous permettrait pourtant de réaliser les investissements nécessaires, et c'est pourquoi le Premier ministre a confirmé le 13 mai dernier la décision prise d'étendre ce dispositif à la Nouvelle-Calédonie. Pourtant la Caisse des dépôts n'a toujours pas été autorisée à les mettre en place, ce qui est incompréhensible.

Dans quelques semaines, la Nouvelle-Calédonie sera de nouveau à l'ordre du jour à l'occasion de la discussion de la loi organique et des différents dispositifs d'accompagnement prévus à l'accord de Nouméa.

Nous aurons besoin, alors, d'être assurés que cet effort d'accompagnement de l'Etat se traduira par des moyens nouveaux, dégagés sur le budget national, afin qu'au travers d'un partenariat renouvelé, la France soit fière de l'oeuvre accomplie en Nouvelle-Calédonie (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Léon Bertrand - Je voudrais tout d'abord saluer mes compatriotes de la Guyane qui nous regardent à la télévision en ce moment.

Une nouvelle fois, la choix de la journée fait que le budget de l'outre-mer est examiné dans la confidentialité.

Je regrette aussi de constater, Monsieur le ministre, l'absence de vos collègues, dont beaucoup ont encore en charge le sort de nos régions.

Les débats de l'an dernier ayant été menés au pas de charge, le président de séance, Pierre Mazeaud, s'était engagé à intervenir pour qu'à l'avenir le débat soit plus long. Et aujourd'hui, nous disposons de trois heures supplémentaires. Mais, à regarder ces travées vides, il me semble que nous n'avons guère plus d'écoute. D'autant que, par le jeu de répartition des temps de parole, le groupe auquel j'appartiens ne bénéficie que de deux minutes supplémentaires par député.

L'absence, répétée chaque année, autant des parlementaires de métropole que de vos collègues du Gouvernement suscite l'amertume de nos concitoyens d'outre-mer, en donnant l'impression que les DOM-TOM sont des régions incapables, futiles et donc superflues.

Elle étaye en outre le sentiment d'une métropole effrayée par ces régions exotiques, paraissant maintenue par son histoire dans un état de culpabilisation endémique, redoutant de devoir engager un projet à long terme pour ces parties lointaines du territoire de la République.

Et, malheureusement, le fait que votre ministère soit réduit à un simple secrétariat d'Etat, marque un désintérêt qui semble gagner même le Gouvernement et nuit à la cohérence d'action de l'Etat. Cette ambiguïté fait obstacle à toute tentative d'élaborer une stratégie de développement économique de moyen et long termes et laisse un vide. Or lorsque le pouvoir est à terre, il y a toujours quelqu'un pour le ramasser et c'est bien le cas ici : le terrain laissé vacant est ouvert à toutes les intrigues.

Le statut départemental, socle stable de nos institutions, a le mérite d'exister. Il offre un cadre solide que l'article 73 de la Constitution, les lois de décentralisation ou les dispositions spécifiques communautaires peuvent façonner suivant les particularités de chacune de nos régions.

Il convient simplement d'apprendre à mieux les utiliser.

Aussi les responsables de collectivités que nous sommes devons privilégier la formation des hommes afin qu'une qualification plus grande favorise une meilleure utilisation des moyens législatifs et financiers mis à notre disposition.

Il faut aussi clarifier les compétences de chacune des collectivités, afin d'éviter ces chevauchements improductifs, qui paralysent l'esprit d'entreprise.

Pour ce qui concerne l'Etat, il est urgent de réfléchir sur son adaptation vis-à-vis de nos régions dans un contexte que nul n'aurait pu prévoir en 1946.

Il faut en particulier rompre avec cet esprit de rivalité qui, en Guyane, a fait que, huit mois après le début de travaux financés par la LBU, les arrêtés de subventions nécessaires au fonctionnement des entreprises n'ont toujours pas été notifiés faute pour les différents services de disposer du même logiciel de traitement. Les entreprises sont ainsi contraintes au dépôt de bilan. L'absurde le dispute au tragique !

De manière plus générale, l'égalité civique ayant été réalisée, il vous faut aujourd'hui parvenir à l'égalité économique qui permettrait à l'outre-mer de reprendre espoir en son destin.

Jusqu'ici, les seules mesures qui ont porté leurs fruits en outre-mer ont été celles conduites dans le cadre de lois-programmes. Nous devons donc tout faire pour améliorer celles qui existent déjà et en créer d'autres.

Ainsi, en Guyane, nous devons réhabiliter et pérenniser la loi de défiscalisation qui, malgré certaines dérives dues à sa jeunesse, a été un excellent outil de développement, étendre le bénéfice de la loi Perben au secteur de la pêche, assouplir les règles d'utilisation de la LBU et favoriser la création d'entreprises franches régionales tournées vers l'exportation.

A ce sujet, je voudrais dire l'opportunité que constitue pour la Guyane le rapprochement MERCOSUL-Europe qui s'opère et je souhaite qu'une séance de travail lui soit prochainement consacrée sous votre égide.

Mais aucun développement économique ne peut se faire dans un climat d'insécurité, il importe donc de restaurer l'Etat de droit.

Lors des dernières élections, j'ai signé un protocole d'accord avec le président de la région pour que soit mis en place une conférence régionale de lutte contre l'insécurité.

Par ailleurs, Monsieur le ministre, vous m'avez assuré que les moyens de lutte contre l'insécurité existent en Guyane. Ne peut-on alors envisager, sous la conduite du préfet de région, et pendant un certain temps, un plan du type Vigipirate ?

Certains s'efforcent de définir une stratégie de long terme pour l'outre-mer.

Ainsi, en Guyane, prenant la suite des états généraux, une commission mixte conseil régional-conseil général travaille depuis de longs mois. Elle souhaite que je relaye ses propositions, que je ne partage pas, mais qui montrent que quelque chose est en train de se passer et qu'il faut réagir.

Le Gouvernement doit accepter de répondre aux questions que toutes les populations d'outre-mer se posent : que veut la France pour l'outre-mer ? Et qu'attend-t-elle de l'outre-mer ?

Je n'ai aucun doute sur les souhaits de la majorité de nos populations : elles veulent rester dans la République.

Encore faudrait-il que l'Etat français accepte de tenir compte de ce voeu et qu'il se montre plus inventif dans ses relations avec ses régions lointaines, têtes de pont de la France sur toute la planète.

Ces régions constituent en effet un atout économique formidable grâce à leur triple appartenance, française, européenne et locale. Ainsi, mercredi soir, beaucoup d'Européens, dont les Français, étaient fiers du succès d'Ariane 5, partie de cette terre de Guyane lointaine, mais essentielle au maintien de la grandeur de la France. Je félicite d'ailleurs les responsables du centre spatial de Kourou.

Enfin, pour en revenir à votre budget, son augmentation de 7 % du fait de l'effort porté sur les emplois-jeunes est louable. Il apporte une réponse immédiate aux situations les plus critiques mais, trop social, il obère tous les efforts portés sur les aides à la vitalité des entreprises, seules génératrices d'emplois durables.

Ayant pu constater que seuls les programmes pluriannuels ont eu des effets bénéfiques pour l'outre-mer, je me réjouis de votre projet de loi d'orientation pour l'outre-mer.

Cependant, à l'occasion de sa préparation, il me paraît nécessaire de procéder à un état des lieux complet abordant les questions de la fiscalité et de la surémunération des fonctionnaires. Il importe enfin que cette loi d'orientation soit pour chacune de nos régions déclinée en loi-programme (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Victor Brial - Une fois de plus, on ne peut que constater que l'outre-mer n'est pas un bloc et que ses composantes sont confrontées à des problèmes particuliers, reflets de leurs spécificités respectives. C'est pour moi un honneur que d'avoir à clore ce débat en évoquant les préoccupations du territoire que je représente ici.

Wallis-et-Futuna a connu une année difficile sur le plan financier et social. Le territoire et le service de santé ont dû faire face à d'importantes difficultés budgétaires et à des grèves à répétition.

J'ai eu à coeur, depuis un an et demi, d'exercer à ce sujet une pression constante. Elle a, depuis lors, trouvé un écho favorable auprès du Gouvernement qui a reconnu que nous étions arrivés à un "point de rupture" et a consenti à faire des efforts significatifs en faveur du territoire. Plusieurs dossiers dans l'impasse ont ainsi pu être relancés.

Votre venue, Monsieur le ministre, à Wallis et à Futuna, l'augmentation de 16 millions de la dotation du service de santé et le doublement de la subvention d'équilibre sont des signes forts qui méritent d'être salués.

L'indemnisation rapide du cyclone Ron, le maintien des crédits "chantiers de développement", la relance du dossier de l'habitat social et de celui de la fonction publique territoriale sont autant d'autres éléments tangibles de l'action menée en faveur des Wallisiens et Futuniens.

Dans le domaine de l'enseignement, j'ai souhaité l'accélération du reclassement des maîtres titulaires de CAP et CEAP ; le Gouvernement s'y est engagé dès cette année et je m'en félicite. Par ailleurs, je souhaite que la convention Etat-mission catholique dont le renouvellement est prévu pour l'an 2000 aille encore plus loin. Enfin, la mise en place de classes d'application dans le primaire, la reconnaissance officielle des langues vernaculaires, la classification de Wallis-et-Futuna en zone d'éducation prioritaire sont nécessaires.

Une agence de santé doit être créée début 1999. J'émets des réserves sur une éventuelle diversification de ses sources de financement ; je continuerai à suivre ce dossier avec une particulière attention.

Sur l'épineux dossier de la fonction publique territoriale, un chargé de mission a réalisé un rapport qui, m'a-t-on indiqué, est encore à l'étude dans vos services. J'espère que ses conclusions me seront soumises rapidement.

Le montant de la subvention d'équilibre est porté de 1,6 à 3,3 millions. C'est bien, mais ce n'est pas encore assez. Malgré les efforts de gestion engagés par le territoire, j'ai dû formuler une demande d'avance du trésor de 11 millions, restée sans réponse à ce jour.

Le territoire aura du mal à honorer ses engagements auprès d'Air Calédonie International pour financer la desserte entre Wallis et Futuna. Il ne le pourra que si le Gouvernement lui accorde une rallonge budgétaire exceptionnelle de 2,2 millions dans la loi de finances rectificative pour 1998. J'attends sur ce point une réponse précise.

Enfin, je souhaiterais que l'Etat prenne en charge la rémunération des personnels de statut local de la délégation de Wallis-et-Futuna en Nouvelle-Calédonie -1 400 000 F.

On constate indéniablement cette année l'amorce d'une politique plus volontaire et plus ambitieuse. Il faudra absolument aller plus loin dans les mois qui viennent, notamment en direction des plus démunis.

Je pense plus particulièrement aux personnes âgées, qui mériteraient plus d'égards. En vertu d'une convention de 1992, elles perçoivent une allocation de 426 F par mois. Monsieur le ministre, vous avez soutenu la proposition de renouvellement de cette convention que je vous ai transmise ; j'attends maintenant un geste fort de Bercy. Etant donné le petit nombre de bénéficiaires -à peine plus d'un millier- le refus d'une revalorisation serait incompréhensible.

Il en va de même des personnes handicapées : les 450 000 F que leur apporte l'Etat ne permet ni leur prise en charge, ni leur suivi médical et psychologique, encore moins leur intégration.

Enfin, de plus en plus de jeunes Wallisiens et Futuniens sortis diplômés du système scolaire sont sans travail. Je souhaite donc qu'un dispositif soit mis en place pour favoriser leur insertion ; il pourrait être intégré au contrat de plan qui doit être signé l'an prochain.

1999 sera l'année de la mise en oeuvre des accords de Nouméa. Je suis très attentif à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie, d'abord parce qu'elle va entraîner une séparation effective entre les deux territoires, ensuite parce qu'elle concerne des milliers de Wallisiens et de Futuniens installés sur place.

Les îles Wallis et Futuna connaissent une grande stabilité institutionnelle, signe de l'efficience de la loi statutaire du 29 juillet 1961. Cela ne doit pas entraîner l'immobilisme : l'évolution de la Nouvelle-Calédonie, et bientôt de la Polynésie française, est l'occasion pour la métropole de resserrer les liens avec Wallis et Futuna, dont vous avez vous-même perçu, je suppose, l'attachement à la métropole.

Nos législations doivent être harmonisées, notamment en ce qui concerne le statut de la fonction publique territoriale. La modernisation de la législation du travail, en matière d'hygiène et de sécurité, est également nécessaire : aucun comité technique consultatif n'a été mis en place. Enfin, il est urgent de fixer des règles d'incompatibilité entre fonctions coutumières, mandats électifs et emplois administratifs ; la modernisation de notre vie politique passe par là, ainsi que par une refonte des listes électorales.

Le resserrement des liens avec la métropole que j'appelle de mes voeux, dans le respect de nos coutumes, doit s'accompagner d'une réflexion sérieuse sur l'évolution statutaire du territoire, qui suppose une large concertation. In fine, il devra revenir aux Wallisiens et aux Futuniens de décider de leur avenir institutionnel.

Certains souhaitent que l'autorité exécutive du territoire revienne à l'assemblée territoriale, comme c'est le cas en métropole depuis les lois de décentralisation ; ce transfert serait sans doute prématuré. Pour ma part, j'estime que la formation des hommes, et notamment des cadres, est prioritaire.

Je compte sur vous, Monsieur le ministre, pour non seulement confirmer, mais renforcer l'engagement de l'Etat en faveur de Wallis-et-Futuna (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer - Je remercie tous les orateurs qui se sont exprimés après vos excellents rapporteurs. Ce débat, hors mon intervention, aura duré plus de huit heures : je ne sais pas si "l'outre-mer" est un abus de langage, Madame Taubira-Delannon, mais en tout cas nous avons entendu de la part de ses élus beaucoup de plaidoyers.

Vous comprendrez qu'il me soit difficile de répondre à chacun. Je voudrais seulement apporter quelques précisions, sachant que nous aurons tout au cours de l'année des contacts particuliers et un travail en commun sur la loi d'orientation. En dix-sept mois, le Gouvernement a bien travaillé. Quand nous sommes arrivés, en juin 1997, le dossier calédonien était embourbé. Il a fallu régler la question minière, avancer vers une solution politique ; les accords de Nouméa ont été approuvés par tous les parlementaires de l'outre-mer, par 95 % des parlementaires français. Je souhaite que la participation des Calédoniens au référendum et leur approbation soient très larges.

Bien évidemment, la France continuera à accompagner le développement de la Nouvelle-Calédonie, y compris par des actions de formation. Je voudrais répondre à M. Auberger que nous souhaitons que le projet d'usine de nickel au Nord permette un rééquilibrage ; mais si les conditions économiques ne sont pas réunies, le protocole signé à Bercy prévoit qu'Eramet remboursera à l'Etat la part d'indemnisation correspondant à la valeur du gisement.

Monsieur Asensi, les contrôles existent et continueront d'exister, qu'il s'agisse des institutions financières ou judiciaires ; il en sera de même en Polynésie.

Dans le domaine de l'emploi, nous avons beaucoup fait aussi. 6 000 emplois-jeunes ont été créés en 1998.

Par ailleurs, nous avons agi pour défendre les productions de l'outre-mer. Une rude négociation a été menée sur l'OCM banane. Le gouvernement français s'est montré très offensif, et M. Le Pensec, soutenu par le Premier ministre et par le Président de la République, a pu arracher des conditions satisfaisantes.

La LBU a été beaucoup commentée. Je rappelle qu'à la fin de 1997, 420 millions demeuraient non consommés, alors qu'à la fin de cette année il ne restera à peu près rien.

Vous le voyez, pendant toute cette période nous avons beaucoup avancé. Vingt ordonnances ont été prises pour régler d'importantes questions, comme celle du foncier en Guyane, et mettre de l'ordre dans les régions économiques ou juridiques de certains départements ou territoires.

Le FIDOM et le FIDES ont donné lieu à beaucoup d'inquiétudes. Monsieur Turinay, je vous rappelle que la répartition des crédits est décidée en comité du FIDOM, dans lequel siègent des parlementaires. La réduction des crédits a commencé en 1994. Ils atteignaient alors 379 millions, et ne s'élevaient plus qu'à 214 millions en 1997, soit une baisse de 45 %. En 1999, le FIDOM n'aura plus à supporter les conséquences du plan vert en Guyane, soit 32 millions, si bien que les crédits augmenteront d'autant. Ils serviront à financer les contrats de plan, que le gouvernement précédent a prolongés d'un an. Le FIDOM décentralisé, lui, est en cours d'extinction depuis 4 ans.

Messieurs Hoarau, Turinay, Marsin, le SMA subit les conséquences de la réforme du service national. L'an prochain, nous ouvrons 500 postes de volontaires, tous hommes du rang. L'objectif est de parvenir en 2002 à 1 800 volontaires, soit, avec l'encadrement, 2 500 à 2 700 personnels du SMA. Nous ne savons pas encore comment répondront les jeunes de l'outre-mer. Pourrons-nous conserver en Guyane les deux unités du SMA de Cayenne et de Saint-Laurent ? Nous l'espérons.

Le FRAFU, expérimenté à la Réunion, sera étendu d'ici la fin de l'année aux trois autres DOM.

En première partie de la loi de finances, vous avez maintenu le dispositif actuel de défiscalisation. Le rapport de M. Migaud, celui, bientôt, de M. Lallier, inspecteur général des finances, analysent les effets du dispositif sur l'investissement. Plutôt que de classer des DOM intégralement en zone franche, mieux vaut, je crois, recourir à la notion d'entreprises franches, applicable à celles qui produisent et exportent, afin de les rendre plus concurrentielles.

Je suis très sensible aux difficultés rencontrées par les communes. Le texte relatif aux communes de Polynésie est en instance de discussion au Sénat. Nous disposerons ainsi, Monsieur Buillard, de la garantie d'un financement pérennisé pour le FIP. C'est vrai, Monsieur Perben, les structures fiscales des communes sont très fragiles, la matière imposable étant réduite. La loi d'orientation devra traiter de ce problème. On a beaucoup parlé de la Guadeloupe. Je ne sais pas s'il s'agit, Monsieur Chaulet, d'un ouragan de force 5, ou d'un volcan qui menace, Monsieur Marsin. Mais il est vrai que la situation sociale est fortement dégradée. M. Moutoussamy a raison, la Guadeloupe doit passer d'une culture d'affrontement à une culture de compromis. Ce département ne peut pas rester paralysé par des conflits endémiques qui durent 40 ou 50 jours. La Guadeloupe manque cruellement d'une culture de la négociation. Je ne possède pas la solution aux conflits en cours. Mais si la Guadeloupe s'enferme dans ces conflits, elle en paiera lourdement les conséquences économiques et touristiques. Le besoin de dialogue social se fait impérieusement sentir. L'Etat peut rechercher des médiations, mais il ne peut pas se substituer aux employeurs. La société guadeloupéenne doit regarder ce problème bien en face. La solidarité nationale n'est pas une abstraction en Guadeloupe. Pour les agriculteurs victimes d'abord de la sécheresse, puis de l'ouragan Georges qui a dévasté les productions de banane, le Gouvernement a décidé d'une indemnisation de 100 millions, et des certificats d'importation devraient être délivrés à l'issue de la mission sur place des instances communautaires au début de novembre. Pour les 1 000 salariés agricoles placés en chômage technique, l'allocation chômage sera intégralement prise en charge.

Les problèmes de sécurité nous préoccupent. Nous avons renforcé les éléments d'intervention, en particulier en Guyane. Je retiens la suggestion de M. Bertrand d'une action concertée entre les 400 policiers, les 600 gendarmes et les deux régiments stationnés sur place, pour combattre la délinquance et l'immigration clandestine, même si les frontières sont très longues.

Nous serons très vigilants, Monsieur Grignon, sur l'application de l'accord de pêche franco-canadien de décembre 1994. Le comité consultatif se réunira dans deux mois, et la France se réserve la possibilité de demander une avance sur ses quotas. J'ajoute que sept emplois d'observateurs embarqués seront financés par le ministère de l'équipement.

Les parlementaires réunionnais nous demandent de poursuivre sur la voie de l'égalité sociale. L'alignement du RMI sur celui de la métropole est socialement et moralement souhaitable. Mais faut-il choisir l'utilisation collective ou l'utilisation individuelle des crédits ? Les 800 millions provenant de la créance de proratisation sont affectés pour un quart à l'insertion, et pour les trois quarts au logement social.

S'agissant de la fonction publique territoriale, Monsieur Brial, vous pourrez disposer dès la semaine prochaine du rapport qui a été rédigé sur le projet. On recense, d'autre part, près de 30 000 agents non titulaires, Monsieur Tamaya : dans chaque département, des accords locaux ont permis de trouver des solutions et je salue tout particulièrement le protocole que l'association des maires de la Réunion a conclu avec les représentants de ces personnels. Je n'ignore cependant pas les conséquences juridiques et financières qu'entraînent pour les collectivités de tels accords. Le Gouvernement agira donc en obéissant à trois principes : assurer aux agents la protection qu'ils peuvent légitimement attendre ; tenir compte des possibilités financières des collectivités, mais aussi respecter la légalité.

Au cours des prochaines semaines, nous allons nous atteler ensemble à la loi d'orientation. La concertation est bien entendu indispensable à ce travail et je confirme à MM. Darsières et Andy que nous prendrons en compte la réflexion menée dans les différentes collectivités, ainsi que dans le cadre des états généraux évoqués par M. Bertrand.

Cette loi d'orientation sera ce qu'on appelait sous la IVème République une loi-cadre, c'est-à-dire qu'elle fixera de grands principes en matière économique, sociale, culturelle et politique. A ce dernier titre, nous aurons donc à nous préoccuper de l'évolution institutionnelle : j'entends d'abord par là la question des assemblées. Chacun se souvient de la décision du Conseil constitutionnel de 1982, refusant l'assemblée unique. Il nous faudra réfléchir sur ce point à la lumière de l'évolution de ces quinze dernières années, avec le souci d'assurer un certain équilibre des pouvoirs, c'est-à-dire de ménager des contre-pouvoirs.

Nous aurons aussi à nous préoccuper des compétences complémentaires qui pourraient être transférées aux collectivités. M. Darsières a mentionné à ce propos la coopération régionale et il est légitime que les élus d'outre-mer ressentent certaines frustrations à cet égard lorsqu'ils constatent, comme tel sénateur, qu'il leur est plus facile d'envoyer une classe en Allemagne que dans l'île voisine de Sainte-Lucie ! Nos départements rencontrent des difficultés pour s'inscrire dans les courants d'échanges normaux avec leurs proches voisins. Je pense que, dans ce domaine comme dans d'autres, des propositions seront avancées, chacun se déterminant ensuite en fonction de ses choix ou de ses vues sur ce que doit être l'évolution de l'outre-mer.

Nous travaillerons donc à l'avenir, plus particulièrement sur trois points : l'identité -et à cet égard, l'annonce de la notification de la charte des langues minoritaires devrait rassurer tous ceux qui ont défendu et illustré le créole, comme Mme Taubira-Delannon et M. Marsin ; la recherche de l'égalité juridique et sociale ; enfin, l'élargissement des responsabilités.

Notre pays a la chance d'avoir un outre-mer vivant qui lui permet d'être implanté dans des zones géographiques en pleine évolution. C'est pour lui un atout, économique mais aussi culturel -l'identité française est nettement multiculturelle et, à côté des succès sportifs déjà mentionnés, nous bénéficions de tout un foisonnement créatif que nous ne saurions méconnaître sans nous appauvrir. C'est bien en ce sens que l'outre-mer affirme la présence française dans le monde ! (Applaudissements sur tous les bancs)

M. le Président - J'appelle les crédits inscrits à la ligne : "outre-mer".

OUTRE-MER

Etat B

Les crédits inscrits aux titres III et IV, successivement mis aux voix, sont adoptés.

Etat C

Les crédits inscrits aux titres V et VI, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président - Nous avons terminé l'examen des crédits du secrétariat d'Etat à l'outre-mer.

Prochaine séance : mardi 27 octobre, à 9 heures.

La séance est levée à 20 heures 50.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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