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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 22ème jour de séance, 55ème séance

1ère SÉANCE DU MARDI 3 NOVEMBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. Patrick OLLIER

vice-président

          SOMMAIRE :

LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- (suite) 1

La séance est ouverte à neuf heures.


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LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999.


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VILLE

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial de la commission des finances pour la ville - En exergue du rapport qu'il a remis à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, Jean-Pierre Sueur citait fort judicieusement Fernand Braudel qui écrivait : "La ville est mouvement".

En se contentant de consolider les moyens de la politique de la ville dans le budget pour 1998, le Gouvernement avait choisi de se donner le temps de la réflexion avant de relancer cette politique sur des bases solides. Le rapport de Jean-Pierre Sueur, dont je salue la qualité et la pertinence, nous dote d'une feuille de route pour l'avenir. Ainsi devrait pouvoir mieux s'inscrire dans la durée une politique trop souvent, hélas, soumise aux impératifs de l'urgence.

Après donc une année de transition et de réflexion, voici venu le temps du mouvement et de la mobilisation de l'ensemble des partenaires qui au quotidien font la ville. Votre nomination il y a quelques mois, Monsieur le ministre, atteste de la volonté du Gouvernement. De même, les prochains projets de loi sur l'aménagement du territoire, sur l'intercommunalité et, plus tard, sur l'urbanisme, permettront de mieux prendre en compte le fait urbain. Enfin, le présent budget traduit un changement de perspective pour la politique de la ville, dont le champ sera élargi.

Jean-Pierre Sueur préconisait, dans son rapport, de combiner plus harmonieusement la politique de la ville, entendue au sens d'une politique sociale et réparatrice, et les politiques urbaines. En effet, le traitement spécifique des quartiers sensibles a trop souvent buté sur l'absence d'articulation entre ces deux dimensions. Les politiques de zonage ont au total plus montré du doigt qu'elles n'ont permis une réelle prise en mains. Cette combinaison doit aussi permettre d'équilibrer les interventions entre l'urgence et la durée, entre les problèmes du quotidien et la construction d'un environnement urbain de qualité. Le budget de la ville pour 1999 en donne les moyens, dessinant ce que le Gouvernement a appelé, lors du conseil interministériel des villes du 30 juin dernier, "Une nouvelle ambition pour les villes".

Sans avoir jugé nécessaire d'invoquer la mémoire du général Marshall, sans avoir eu besoin, depuis Paris, de déterminer sur du papier millimétré, à quel côté de la rue l'argent public devait profiter, le Gouvernement a défini une politique de la ville qui sera aussi une politique des villes. Le budget de la ville est celui qui progresse le plus en 1999, augmentant de 32 % pour atteindre le milliard de francs. Les financements publics concourant à la politique de la ville dépasseront 37 milliards, soit sept milliards de plus qu'en 1998.

Un regret : le jaune budgétaire nous a été transmis hier seulement. Procédé pour le moins cavalier d'autant que nulle contrainte ne peut expliquer ce retard. L'administration centrale du budget est simplement plus soucieuse de son confort que des conditions de travail des parlementaires...

Aucun gouvernement n'a jamais mobilisé des moyens aussi importants pour la ville. Il a choisi de privilégier une approche globale et transversale des malaises urbains et d'articuler son action autour de trois axes, trois P : P comme projet, P comme partenariat, P comme proximité.

La politique de la ville a souffert du zonage géographique prioritaire, nécessaire certes, efficace en certains domaines mais stigmatisant pour les habitants des quartiers et trop rigide pour régler les problèmes au niveau approprié. A cet égard, le Gouvernement qui, bien sûr, respectera les engagements pris par l'Etat en matière d'exonérations fiscales, notamment dans les zones franches urbaines, entend néanmoins rompre avec une vision par trop jacobine et technocratique. C'est du territoire que doivent naître les projets et d'une certaine manière, ce sont les projets qui dessinent le champ d'intervention de la politique de la ville. Il appartient aux élus et aux partenaires locaux de déterminer là où il faut en priorité concentrer les moyens financiers. Cette démarche, à la fois pragmatique et volontaire, alliant développement local et solidarité nationale, agrée aux élus et aux acteurs de la ville. Elle permettra de varier les périmètres en fonction des sujets, de partir vraiment des quartiers sans les enfermer sur eux-mêmes, d'inscrire la mixité sociale et urbaine au niveau pertinent de l'agglomération.

La fonction d'administration de mission exercée par la délégation interministérielle à la ville est opportunément relancée. Enfin, l'intervention publique, plus soucieuse de l'aspect local, sera plus efficace. En effet, les villes qui connaissent de graves difficultés financières s'inquiètent davantage de savoir comment financer au prochain budget la réhabilitation indispensable d'une école primaire que d'évaluer telle ou telle opération sociale innovante. Je me félicite donc des orientations du Gouvernement.

En encourageant et en soutenant les dynamiques locales de projets, la politique de la ville rejoint le droit commun de la décentralisation.

Deuxième point, le partenariat. 1999 sera l'année de la contractualisation, avec les contrats de plan Etat-régions, les contrats de ville et les futurs contrats d'agglomération. Cette architecture, bien agencée, servira la politique de la ville. Les départements et les régions devront être mieux impliqués dans ces procédures contractuelles. L'année qui vient doit être mise à profit pour clarifier les rôles de chaque partenaire. A cet égard, je me félicite que le Gouvernement ait assoupli le calendrier de préparation des contrats de plan Etat-régions.

De même, l'expérimentation des nouveaux contrats de villes dans quinze sites pilotes sera l'occasion de simplifier les procédures et de faciliter la mobilisation effective des crédits.

Evitons que les élus, les partenaires et les associations gaspillent leur énergie à courir derrière les crédits ou à les attendre trop longtemps. Je sais, Monsieur le ministre, que vous êtes particulièrement attentif à cette question.

J'en viens à la proximité. La politique de la ville doit être visible à l'oeil nu pour les habitants des quartiers dits sensibles. Les priorités du Gouvernement -le logement, l'éducation, l'emploi, la sécurité- doivent se voir au niveau local. Des mesures d'ampleur ont été prises, je pense aux emplois-jeunes et à la mise en place d'une police de proximité.

J'y insiste : la sécurité et la tranquillité publique sont des dimensions essentielles de la politique de la ville. En effet, tous les efforts peuvent être anéantis d'un coup par un accès de violence ou s'engluer dans un sentiment diffus d'insécurité, dans la mauvaise réputation qui colle à un quartier et à ses habitants.

La sûreté, le Premier ministre l'a rappelé à plusieurs reprises, est un droit fondamental de chaque citoyen. La mise en oeuvre des contrats locaux de sécurité portera bientôt ses fruits. Elle doit s'articuler avec les dispositifs de prévention. Il ne faut pas dissocier prévention et sécurité. La lutte contre l'insécurité est affaire de prévention, de sécurisation des espaces urbains et de répression. Il faut donc doser ces trois éléments, sans quoi nous n'aurons que des résultats ponctuels ou éphémères.

Le renforcement et l'adaptation des conseils communaux de prévention de la délinquance doivent être menés à bien dans les mois qui viennent, car en dépend une meilleure participation des habitants à la vie locale.

La gestion urbaine de proximité, les constructions et démolitions doivent également contribuer à améliorer la qualité de vie dans les grands ensembles : les crédits prévus à cet effet témoignent de votre ambition de remodeler les villes et les quartiers hérités d'un urbanisme aujourd'hui inadapté. Mais, dans ce domaine, le partenariat entre l'Etat, les collectivités, les acteurs locaux et les associations est essentiel.

Je crois nécessaire aussi que l'Etat et l'ensemble des services publics affirment leur présence en offrant des prestations de qualité dans ces communes : plus de déconcentration, des services mieux adaptés et les habitants de ces cités ne se sentiront plus abandonnés par la puissance publique. La dimension interministérielle de votre mission, Monsieur le ministre délégué, doit se déployer pleinement.

Quoi qu'il en soit, ce budget est un bon budget, par son ampleur, comme par l'effort sans précédent qu'il consacre. S'appuyant sur une montée en puissance de la politique de la ville et sur un renforcement des dotations de solidarité, il peut permettre de répondre aux attentes de nos concitoyens et il facilite la mobilisation de l'ensemble des acteurs. L'enjeu étant d'offrir à chaque Français l'égalité des chances, quels que soient son lieu de naissance, son adresse et son niveau de revenu, je vous propose d'adopter, comme l'a fait la commission des finances, ces crédits de la ville. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

M. le Président - Je demanderai à chacun de respecter scrupuleusement son temps de parole, afin que nous puissions voter ces crédits avant 13 heures comme il a été prévu.

M. Roland Carraz, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour la ville et l'intégration - Que de changements depuis le dernier débat budgétaire ! Le premier, Monsieur le ministre délégué, réside dans votre présence sur le banc du Gouvernement, où vous incarnez la rénovation de la politique de la ville. Le Conseil national des villes, renouvelé, et la délégation interministérielle à la ville, dynamisée, sont désormais en mesure de vous soumettre des propositions. Enfin, un séminaire national se prépare, sur le thème de la lutte pour la sécurité et de la prévention de la délinquance...

Le conseil de sécurité intérieure, enfin, est devenu, après Villepinte, la plaque tournante de cette politique de la ville : citons pour mémoire ses réunions du 27 avril, consacrée à la police et à la gendarmerie, du 8 juin, consacrée à la délinquance des mineurs, et du 12 octobre. Nous disposons donc aujourd'hui des outils indispensables à une politique pleinement opérationnelle.

Plusieurs missions nous ont en outre fourni les outils conceptuels nécessaires : le rapport de M. Sueur, Demain la ville, a ouvert, ce printemps, des perspectives claires pour le siècle à venir ; il éclaire votre action comme notre réflexion en nous appelant à une grande ambition. Sur la délinquance des mineurs, nous avons bénéficié de l'avis de Mme Lazergues et de M. Balduyck. Enfin, je me permettrai de faine référence à la mission que j'ai conduite avec M. Hyest sur la répartition des forces de police et de gendarmerie. Avec d'autres rapports, ceux-ci ont déjà permis de prendre des décisions : ainsi le conseil interministériel de la ville du 30 juin a pu définir les grands axes de la politique de la ville -en premier lieu, la restauration du pacte républicain. De fait, le retour à une plus grande cohésion sociale passe par la mobilisation de tous, par la responsabilisation démocratique des habitants de nos cités.

Votre budget est un bon budget. Qui se risquerait à dire le contraire, d'ailleurs, alors que ces crédits atteignent la somme symbolique du milliard de francs ? L'ensemble des ressources affectées à la Ville atteindra 31 milliards, soit une augmentation de plus de 30 % : les concours des ministères se montant à 12 milliards, la DSU approche des 4 milliards et les fonds structurels européens représentent encore 1 milliard. Si l'on y ajoute les mesures fiscales, la participation des collectivités aux contrats de ville et la contribution de la Caisse des dépôts, nous disposons d'outils financiers puissants pour une grande politique de la ville. N'oublions pas non plus l'action menée, par exemple par vos collègues de la Justice et de l'Éducation nationale.

Mais je formulerai quelques voeux. Les succès de notre politique passe par une amélioration de la vie quotidienne de nos compatriotes, en particulier dans les banlieues. Veillez à ce que les effectifs de police et de gendarmerie prévus y soient rapidement affectés. S'agissant de la lutte contre la délinquance des mineurs, je souhaite aussi que vous alliez plus loin et plus vite, particulièrement pour ce qui est des transports.

Deuxième voeu : il convient de conforter l'autonomie financière des collectivités. De façon quelque peu provocatrice, j'ai dit dans mon avis que la DSU restait insuffisante : la péréquation ne représente en effet qu'entre 2 et 3 % de l'ensemble de l'enveloppe normée de cette dotation ! C'est encore trop peu. De même, il nous faut réfléchir à la situation des communes surendettées, qui sont exclues du bénéfice des nouvelles dispositions, faute de pouvoir trouver les 10 % nécessaires.

Si nous voulons réussir la restructuration des villes, il faut concentrer davantage de moyens sur la rénovation des centres commerciaux de quartier. J'attends beaucoup de l'IPARECA, dont il faudrait renforcer les moyens, ainsi que de votre volonté d'implanter dans ces villes des administrations d'Etat.

Enfin, si j'approuve le retour à une certaine "horizontalité" -il y a eu trop de zonages dans le passé-, je souhaite que les engagements pris soient tenus, notamment en ce qui concerne les zones franches urbaines : elles ont à tout le moins permis de maintenir les emplois, et peut-être verrons-nous qu'elles en ont créé.

Bien évidemment, je conclus à l'adoption de vos crédits, au service d'une grande politique de la ville dont vous serez l'animateur (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. André Santini, rapporteur pour avis de la commission de la production pour la ville et l'intégration - Je commencerai fort immodestement en rappelant que, dans mon rapport de l'an dernier, je regrettais que le projet de loi de finances pour 1998 n'accorde pas à la politique de la ville les crédits exigés par l'étendue de ses mission. Votre nomination au printemps dernier, Monsieur le ministre délégué, et la progression de plus de 30 % de votre budget, qui atteint cette année le seuil symbolique du milliard de francs, rendent justice avec quelque retard à ma critique !

Je suis en droit d'espérer que mes observations sur le projet pour 1999 seront entendues dans un moindre délai. L'an dernier, on ironisait sur mes critiques. Mais elles furent suivies d'effet. Ma méthode était donc peut-être la meilleure.

Ce débat s'engage dans des conditions assez étranges. Nous nous apprêtons, à discuter de dotations sans savoir précisément en quoi consistera la politique de la ville.

Cette incertitude est d'autant plus grande que la majorité élue au printemps 1997 n'a encore pris aucune mesure significative, si ce n'est la suppression des emplois-ville. En 1993, la majorité nouvellement élue, avait fait de la politique de la ville l'un de ses dossiers prioritaires en organisant, dès le 28 avril, un grand débat d'orientation à l'Assemblée nationale et en arrêtant, en juillet, un plan d'urgence doté de cinq milliards de crédits. Cet engagement en faveur d'une opération de solidarité nationale s'est trouvé démenti à aucun moment entre 1993 et 1997.

L'effort public global en faveur de la politique de la ville est passé de 8 milliards en 1994 à 14 milliards en 1997, ses principes ont été consolidés et ses objectifs étendus notamment grâce au pacte de relance pour la ville. Nous avions aussi unifié les dispositifs contractuels et mis en place le fonds interministériel d'intervention pour la politique de la ville, pour gérer les crédits de façon plus souple.

Face à ce bilan -positif chacun le reconnaîtra-, on nous annonce de profonds changements. S'il s'agit d'améliorer les mécanismes, tout le monde ne peut qu'approuver. Mais je m'interroge...

Entendez-vous remettre en question la nécessité de ramener l'activité économique dans les quartiers ? Jusqu'en 1993 rien de conséquent n'avait été prévu et le principal mérite de la majorité précédente a été de mettre en place un dispositif ambitieux.

Les incertitudes actuelles sont gênantes pour les acteurs de terrain. La nouvelle forme de contractualisation devra, d'une part, reconnaître le rôle des élus locaux et, d'autre part, prendre harmonieusement le relais des dispositions existantes. Les communes doivent, en effet, disposer d'un temps raisonnable pour élaborer leurs propositions.

Par ailleurs, pensez-vous supprimer des mécanismes trop récents pour avoir fait leurs preuves, comme les exonérations fiscales et sociales liées aux zones de redynamisation urbaine et aux zones franches urbaines ? Si oui, par quoi entendez-vous les remplacer ?

Enfin, la politique de la ville a toujours constitué un domaine privilégié de l'inventivité administrative. Dans son rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 1994, M. Eric Doligé avait recensé 27 procédures mises en oeuvre par des organismes très variés, répondant à des logiques sectorielles, accompagnées de financements spécifiques et concernant des territoires différents. Cette situation, heureusement, a été largement corrigée depuis. Sophistication, diversité des instruments, langage abscons, tout renforçait la complexité. Le rapport Sueur, à son tour, a regretté la stratification et la segmentation des dispositifs. Pour ne pas retomber dans ces travers, il faut écouter davantage les acteurs de terrain, qu'une certaine technostructure.

Les actions engagées depuis la fin des années 1970 ont sans nul doute permis à nos villes d'éviter une évolution à l'américaine, même si certaines situations demeurent très difficiles.

Avant d'aborder les crédits, je souhaite à mon tour que le jaune budgétaire soit distribué suffisamment tôt. Cette année encore, même si vos services ont eu la gentillesse de me faire parvenir il y a plusieurs semaines une version provisoire, le jaune n'a été distribué que la veille du débat en séance publique.

Les crédits spécifiques de la politique de la ville augmentent de près de 26,9 % en moyens d'engagement et de 32,7 % en moyens de paiement, les crédits de paiement affichant un léger recul.

Mais les incertitudes qui pèsent sur l'avenir me semblent appeler un avis négatif.

Toutefois la commission de la production a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la politique de la ville pour 1999.

M. Pierre Cardo - Enfin, un interlocuteur pour traiter de la ville. Votre nomination était souhaitable ; elle ne résout pas les problèmes. Le bouleau argenté qu'est un ministre ne doit pas cacher la forêt des hêtres malades de la pollution urbaine.

Le 30 juin dernier le Premier ministre a assuré que la politique de la ville était une priorité. Ce n'était pas la première fois. Ce ne serait pas la première fois non plus que les quartiers ne verraient pas grand-chose changer.

Vous avez indiqué que vous disposez de moyens importants et que vous vous inscrivez dans le droit fil du rapport Sueur. J'en partage l'essentiel. Dès lors de quoi me plaindrais-je ? Je vais vous le dire.

D'abord, je suis d'accord sur l'utilité sociale des emplois-jeunes, je ne le suis pas sur la limitation des qualifications. C'est aussi une erreur d'exclure les adultes chômeurs de longue durée d'un tel dispositif et de la médiation sociale, alors qu'on doit réhabiliter leur autorité. Je ne vois pas non plus dans ce budget de quoi financer des initiatives intéressantes pour l'emploi, notamment dans le secteur socio-économique. J'avais proposé un projet d'entreprise socio-économique. Il est resté lettre morte.

Sur le plan financier, vous accordez 45 millions supplémentaires aux 13 GPU, déjà avantagés par rapport aux 214 contrats de ville et aux 750 zones urbaines sensibles. Dans mon département, le GPU est zone franche, il bénéficie du pic Urban, et d'autres financements européens, du projet Seine Aval, de votre effort supplémentaire pour les GPU, du fonds spécial et du site pilote. Pour les contrats de ville, dont bénéficie la mienne par exemple, il reste des miettes. Vous créez ainsi une nouvelle inégalité de traitement entre villes en difficulté.

Vous affirmez pourtant que le meilleur accès au service public reste une priorité. Le service public ne se résume pas à la Poste. C'est tout l'équipement qu'offre une ville. Les citoyens sont-ils traités de la même façon dans un GPU qui a 5 000 francs par habitant pour le service public et dans le cadre d'un contrat de ville, avec 1 800 francs ? Comment affirmer dans ces conditions que le maire est le premier acteur de la politique de la ville ?

J'en viens à la prévention-répression-éducation. La sécurité est une des priorités du Gouvernement. Mais vos moyens complémentaires ne suffisent pas à combler de joie les acteurs du terrain que sont les policiers, les magistrats et les enseignants.

Il faut faire en ce domaine un sérieux effort, notamment en amont, partout où des expériences peuvent être financées. Les Yvelines lancent en 1999 les projets pilotes des points d'accueil pour les jeunes en difficulté et des maisons de l'espoir. J'espère qu'ils auront mieux que le soutien moral du Gouvernement. J'aimerais aussi que l'Education nationale dispose de plus d'enseignants formés à la spécificité des quartiers difficiles, et qu'il y ait davantage de classes relais.

Mais l'éducation relève avant tout des parents. Il faut aider ceux qui sont en difficulté, mais aussi sanctionner davantage ceux, très peu nombreux, qui ne veulent pas assumer leur mission éducative. Il est choquant qu'au nom du "politiquement correct", on refuse de sanctionner ceux qui abandonnent leur progéniture dans la rue la nuit.

J'ai déclenché un tollé depuis huit ans en souhaitant que cette sanction porte sur les allocations familiales. Aujourd'hui on en parle même au Gouvernement. Mais je ne vois rien venir. En attendant il faudrait que chaque parquet définisse une politique pénale envers les mineurs pour mettre fin au sentiment d'impunité.

Je m'interroge aussi sur l'utilité de créer une énième instance de réflexion, l'institut pour la ville. Je ne sais si le budget est suffisant, mais les structures le sont ! Réfléchir ? On la déjà fait. Evaluer ? Des gens intelligents vont nous faire perdre notre temps à comprendre ce que nous avons déjà compris sur le terrain et que ceux qui nous dirigent n'ont pas voulu comprendre.

Si vous voulez évaluer utilement, prenez le risque de le faire pour l'action de la police, de la justice, de l'école et des dispositifs de santé mentale (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). Vous seriez le plus courageux des ministres de la Ville.

Je m'interroge, enfin, sur les procédures. Avez-vous donné des instructions aux services instructeurs pour qu'ils instruisent vite et que les subventions nous arrivent plus rapidement ? Comment envisagez-vous la participation des communes en difficulté, dont personne ne veut, à l'intercommunalité ?

Ne craignez-vous pas qu'elles soient lésées ou, j'en ai fait l'expérience, qu'englobées dans un ensemble plus vaste, elles soient maltraitées par leurs voisines, plus intéressées par leurs subventions que par leurs problèmes ?

Voilà quinze ans que je critique toutes les politiques menées car elles sont inadaptées aux réalités du terrain, je continuerai. Je prends en compte l'augmentation des moyens, même si l'on ne sait jamais exactement ce qui est additionné, et votre volonté d'avancer.

Le groupe Démocratie Libérale s'abstiendra (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville - Merci.

M. Michel Pajon - Ce budget est celui qui connaît la plus forte hausse ; le Gouvernement a su respecter ses engagements. Je constate aussi une approche nouvelle et globale des problèmes.

Il y a un an, je qualifiais le budget 1998 de "budget de raison et de transition". Le budget 1999 est un budget d'impulsion et d'innovation.

Dans un domaine où les effets d'annonce et la précipitation ont trop souvent prévalu, où les plans d'urgence, souvent inefficaces ont succédé aux mesures gadgets, le Gouvernement a pris le temps de la réflexion. Jean-Pierre Sueur a posé, dans un remarquable rapport, un diagnostic exhaustif et proposé des mesures concrètes. Il fallait dresser un bilan lucide d'une politique à bout de souffle.

Votre action s'inscrit dans la durée, évite toute démagogie, prend en considération tous les acteurs de la politique de la ville. Elle s'appuie sur les possibilités de chaque territoire et privilégie la participation de tous.

Votre nomination, l'installation du Conseil national des villes, le comité interministériel consacré exclusivement à la politique de la ville, en juin, l'engagement personnel du Premier ministre ont montré clairement la volonté du Gouvernement.

L'augmentation des crédits est à la hauteur de nos attentes. Elle vient servir notre ambition de voir la ville devenir, ce que vous avez récemment appelé, "le champ du possible, un espace d'opportunités et de solidarités, qui organise le droit permanent à la réussite."

L'augmentation est donc considérable, tant du point de vue des crédits spécifiques "Ville" que de l'effort public global.

Les crédits spécifiques ville augmentent de plus de 30 %, ce qui est sans précédent, votre budget franchissant ainsi le cap symbolique du milliard.

Première priorité, la conception et l'animation de la politique de la ville bénéficient d'un apport supplémentaire de plus de 30 millions, dont bénéficieront des institutions comme le Conseil national des villes et l'institut de la ville que vous êtes en train de créer. Nous espérons que cet effort profitera directement aux acteurs de terrain, notamment en facilitant leurs échanges avec les représentants de l'Etat. Les attentes sont également fortes en matière de formation. Le secteur des métiers de la ville est en plein essor.

Deuxième priorité, le soutien aux initiatives locales et la rénovation de la contractualisation. Le choix de seize sitespilotes permettra d'expérimenter des méthodes nouvelles pour les contrats de ville, dans une démarche qui place tous les acteurs de terrain au coeur des processus de décision.

Vous augmentez aussi les moyens attribués aux contrats existants et aux grands projets urbains, pour des actions concernant en priorité l'emploi, la sécurité et l'éducation.

Nous nous rallions à ces propositions dès lors que l'Etat fait aussi un effort réel de simplification de ses procédures et de la clarification de ses modes de financement.

Troisième priorité, l'égalité d'accès au service public. Le développement des services publics de proximité permettra d'assurer une présence publique qui, malheureusement, fait parfois défaut dans de nombreux quartiers. Cette présence incombe d'abord aux administrations décentralisées, mais, ici encore, nous comptons sur votre détermination pour que l'Etat assure pleinement son rôle d'animateur et facilite la participation de ses personnels aux initiatives locales. Il faut ancrer dans les quartiers tous les services publics ou collectifs.

Notre pays doit garantir un égal accès au service public, y compris de police, à chacun, où qu'il habite.

Il ne s'agit pas de stigmatiser tel ou tel quartier ou de faire un amalgame entre banlieues et insécurité, mais de comprendre que la crise urbaine est marquée aussi par la violence dans les cités, les centres commerciaux, les transports. Le climat d'insécurité et de violence réduit souvent à néant tous les efforts d'animation ou de développement urbain. La police comme la justice, doivent donc trouver des réponses adaptées.

Vous venez d'être chargé d'une réforme des dispositifs de prévention et de sécurité et nous comptons sur vous pour qu'ils s'articulent mieux avec la politique de la ville, afin de faire de la sécurité un droit pour tous.

L'effort public global consacré à la politique de la ville passe à plus de 30 milliards contre 23 l'année dernière. C'est bien le signe que le Gouvernement concrétise ses engagements.

Trois ministères apportent une contribution remarquée : l'Emploi et la Solidarité, l'Education nationale et l'Intérieur. Le jaune montre aussi les efforts significatifs des collectivités locales qui, soutenues par la progression de plus d'1 milliard de la dotation de solidarité urbaine, porteront leur participation à la politique de la ville de 2,5 à 3,1 milliards. La Caisse des dépôts consacre également des enveloppes exceptionnelles de prêts aux projets urbains. Enfin, les fonds structurels européens atteindront plus d'un milliard, signe d'une plus grande implication de l'Europe en faveur de la ville.

Cet effort global est d'autant plus louable qu'il vient à la fin du XIème plan. Vous connaissez les inquiétudes des élus et des acteurs locaux quant à l'avenir de la contractualisation.

D'autres réformes importantes, en préparation, exigeront toute votre attention, notamment la réforme de la taxe professionnelle et des valeurs locatives, ainsi que diverses actions comme le programme TRACE à destination des jeunes, la relance des zones d'éducation prioritaires, le redéploiement des forces de police et de gendarmerie. Il ne faut pas oublier, enfin, l'aménagement du territoire et la politique du logement. Le groupe socialiste votera avec enthousiasme ce budget d'impulsion et d'innovation (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Michel Vaxès - Vingt ans de politique de la ville n'ont pas permis d'enrayer les mécanismes qui ont conduit à plus de ségrégation, plus d'exclusion, plus de souffrance.

Ce constat révoltant ne nous surprend pas. Depuis longtemps, les députés communistes répètent que la crise urbaine, le chômage, la pauvreté, l'insécurité, qui se manifestent par de récurrentes explosions de violences, sont symptomatiques du mal profond qui ronge notre société et qu'aggravent les dogmes ultra-libéraux. Oui, le libéralisme est disqualifié pour résoudre la crise de la ville qu'il a lui-même provoquée.

Ne rechercher que l'accumulation des placements spéculatifs, la réduction coûte que coûte de la rémunération du travail au bénéfice de celle du capital, conduit à des déséquilibres majeurs que reflète la crise urbaine. La logique de l'argent facile a poussé les plus démunis à la périphérie des villes et les a mis au ban de la société.

C'est pourquoi les élus communistes ont toujours considéré qu'une politique de la ville efficace devait s'inscrire dans une politique d'ensemble, qui donne la priorité à l'emploi, à l'aménagement équilibré du territoire national, à l'égalité effective des droits, qui ramène l'homme au centre de toutes les préoccupations.

Une politique du moindre mal ne saurait constituer un projet de société.

La gauche a, dans sa pluralité, un devoir d'innovation et de citoyenneté, de justice et de solidarité.

Mais si nous nourrissons de grandes ambitions, nous n'en demeurons pas moins lucides, conscients qu'il faut agir le plus souvent dans l'urgence. Nous ne sommes pas partisans du tout ou rien. Nous voulons tirer le meilleur parti des procédures contractuelles.

Nous le faisons avec tous les acteurs de la politique de la ville, anonymes, souvent bénévoles, qui ont déployé sur le terrain une activité exemplaire. Il faut ici leur rendre hommage. Mais plus que la reconnaissance formelle de la nation, ils attendent des moyens à la hauteur des enjeux.

Le comité interministériel des villes du 30 juin et le présent budget témoignent heureusement de l'intention du Gouvernement.

Vous affirmez, et c'est bien, que la crise urbaine appelle une approche politique globale, à long terme, de manière à redonner au service public son rôle d'intégration dans le corps social. La nécessité est impérieuse de poursuivre simultanément des objectifs de réhabilitation, de requalification urbaine, de redynamisation économique et de justice sociale.

Les huit mesures en faveur de la mixité sociale vont dans le bon sens, et la hausse globale des crédits du ministère est à la hauteur de cette ambition, qui devrait être perceptible, dès l'an prochain, par les millions de personnes concernées. Notre seul regret, mais il n'est pas mineur, est que l'ensemble de la loi de finances ne soit pas nourrie de la même ambition.

Pour être au chevet de villes malades, vous devez savoir, Monsieur le ministre, combien sont insuffisantes les réponses aux besoins de leurs habitants, combien les services publics y manquent d'agents, combien est pénalisant, pour la politique de la ville, un budget de la nation qui ne crée pas d'emplois nets. Nous avions critiqué la création des zones franches, et nous ne sommes toujours pas convaincus que les coûteuses exonérations dont les entreprises y bénéficient aient un effet perceptible sur l'emploi. Vous savez aussi combien sont démunies de moyens les ville qui ont consenti les plus gros efforts pour accueillir les populations les plus modestes. Nous saluons la progression de l'enveloppe de la DSU, mais il faudra aller beaucoup plus loin pour qu'elles s'engagent avec l'audace nécessaire dans les contrats de plan 2000-2006.

Si les crédits de fonctionnement augmentent de près de moitié, ceux d'investissement stagnent, au motif, nous est-il expliqué, que d'importants reliquats des années précédentes n'ont pas été consommés. Mais n'est-ce pas la preuve, justement, des dramatiques difficultés financières des communes ?

Vous avez, enfin, mis l'accent sur le développement de la démocratie locale, sur la participation des citoyens à la reconquête de leur ville. La commune reste, selon nous, le cadre le plus approprié. Nous ne nions certes pas la nécessité de poser à l'échelon adéquat les questions d'équipement, d'aménagement, de développement économique, mais l'incitation à la coopération intercommunale ne doit pas mettre à mal l'autonomie de la commune, foyer de la démocratie, creuset de la vie associative, lieu d'épanouissement des solidarités concrètes sans lesquelles, justement, toute politique de la ville serait vouée à l'échec. Les associations, quant à elles, doivent être assurées de la continuité de leurs contrats et de leurs subventions, et délestée de la fiscalité qui pèse sur les salaires de leurs employés.

Ce budget est, sans conteste, l'un des meilleurs de la loi de finances pour 1999. Les députés communistes le voteront et s'engageront, avec l'ensemble des acteurs de la politique de la ville, pour lui donner le maximum d'efficacité, sans renoncer pour autant à plaider pour de nécessaires et urgentes réformes de structure (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Jean-Claude Mignon - Gérer une ville est une tâche exaltante, ceux de nos collègues qui ont - encore - le privilège d'être maires le savent bien, mais il leur est devenu difficile d'assumer les responsabilités qui leur ont été démocratiquement confiées par leurs concitoyens. Le travail d'un orchestre exige, on le sait, une entente parfaite entre les musiciens, la moindre fausse note ternissant le morceau exécuté comme la réputation des musiciens. Or la ligne mélodique de certains "premiers violons" du Gouvernement, Monsieur le ministre, n'est pas toujours la même que celle écrite dans votre partition, et il arrive même que certains contre-chants de seconds violons détonnent franchement. Les instruments du grand orchestre gouvernemental sont mal accordés, et celui qui le dirige ne fait trop souvent qu'accroître la cacophonie par ses méthodes autoritaires et son entêtement doctrinaire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Odette Grzegrzulka - Faites comme les Français, faites-nous confiance !

M. Jean-Claude Mignon - Votre projet de budget enregistre une augmentation de près du tiers et franchit ainsi le cap symbolique du milliard, auquel doit s'ajouter, soulignez-vous, l'ensemble de l'effort public consenti en faveur de la politique de la ville, et qui passe de 23 à 31 milliards. Ce serait, à vous en croire, le premier signal fort de la mobilisation générale, comme si rien n'avait été fait auparavant.

Mme Odette Grzegrzulka - C'est toujours mieux que le "plan Marshall pour les banlieues" !

M. Jean-Claude Mignon - Faut-il rappeler que le Premier ministre n'avait même pas évoqué la politique de la ville dans sa déclaration de politique générale et qu'il a attendu plus d'un an pour éprouver le besoin de nommer un ministre délégué à la ville ? ("Très bien !" sur plusieurs bancs du groupe du RPR) Cette décision faisait d'ailleurs suite à l'initiative du président de la République ("Ah !" sur les bancs du groupe socialiste) de réunir, au lendemain des tragiques événements de fin 1997, un groupe de réflexion composé de douze maires de toutes tendances politiques !

On nous annonce, à son de trompe médiatique, un effort sans précédent, une aubaine pour les élus locaux et pour nos concitoyens, mais force est de constater, au vu des chiffres, qu'il s'agit une fois de plus d'un simple habillage. Sur les 245 millions supplémentaires inscrits à votre budget, 30 sont pris par les crédits de fonctionnement du ministère, de la DIV, du nouveau Comité national des villes et du nouvel Institut pour la ville. Pourquoi, d'ailleurs, créer deux nouvelles structures, quand plusieurs établissements remplissent déjà les mêmes missions ? Pourquoi abonder de 22 millions les crédits d'études et de formation, alors que les collectivités locales supportent mal de devoir cofinancer ces actions et encore plus mal de devoir justifier leurs projets locaux par des études préalables ? La mesure réjouira, par contre, les cabinets de conseil...

Les 192 millions supplémentaires alloués aux contrats de ville et aux grands projets urbains sont gagés pour partie par la diminution de 10 % des dotations du fonds social urbain. Qui plus est, les 13 grands projets urbains absorberont l'essentiel de l'enveloppe du fonds interministériel à la ville, le solde étant réparti, à raison de 100 000 à 200 000 F par site, entre les 214 contrats de ville et les 750 zones urbaines sensibles. Quant aux crédits destinés à renforcer l'égalité devant le service public, ils sont en hausse de 24 millions, mais encore faudra-t-il prendre des mesures efficaces pour que les équipements créés ne soient pas la cible privilégiée des délinquants ! ("Très bien !" sur plusieurs bancs du groupe du RPR)

Sans doute conscient des limites de son ambition, le Gouvernement a d'ailleurs eu l'habileté de présenter de façon globale l'effort financier pour les villes, de façon à afficher un total de 31 milliards. Celui-ci inclut en réalité 7 milliards de prêts de la Caisse des dépôts, dont l'enveloppe est rarement consommée en totalité, 1 milliard provenant des fonds structurels européens, 3 milliards versés par les collectivités locales au titre de leur contribution de solidarité et 12 milliards figurant aux budgets d'autres ministères, notamment au titre du financement des emplois-jeunes.

En revanche, vous passez sous silence les effets négatifs, pour les communes éligibles à la garantie minimale, de la transformation du pacte de stabilité en "contrat de croissance et de solidarité". Vous n'évoquez pas non plus l'inquiétude légitime causée aux élus locaux par l'annonce, sans concertation, de la suppression du dispositif d'aménagement des rythmes scolaires, qui avait pourtant fait ses preuves, et par l'incertitude qui pèse sur le financement des nouveaux contrats éducatifs locaux. Vous omettez également les conséquences financières, pour les collectivités locales, du plan Allègre de mise en réseau des matériels informatiques des établissements scolaires : le recours à des prêts à taux zéro rompt en effet avec le principe du cofinancement par l'Etat.

Vous avez mis en doute l'efficacité des zones franches.

Mme Odette Grzegrzulka - Il y a de quoi !

M. Jean-Claude Mignon - Les statistiques prouvent au contraire qu'elles ont permis de revitaliser le tissu économique des quartiers et d'introduire la dimension économique dans la politique de la ville. Grâce à ce dispositif, 20 000 emplois nouveaux ont été créés...

Mme Odette Grzegrzulka - Faux !

M. Jean-Claude Mignon - Oh, Madame, ce n'est sûrement pas votre expérience qui vous permet d'affirmer cela !

L'emploi créé dans ces zones et aidé temporairement par l'Etat revient à 80 000 F, soit un coût inférieur au traitement social d'un chômeur. Dans ces conditions, pourquoi ne pas élargir le dispositif ?

Interministérielle par excellence, la politique de la ville concerne aussi la sécurité des personnes et des biens dans les quartiers, préoccupation majeure de nos concitoyens.

Le 8 juin dernier, le conseil de sécurité intérieur a annoncé un plan gouvernemental de lutte contre la délinquance juvénile. Malheureusement, le budget pour 1999 ne suit pas. En effet, les moyens de la police ne cessent de décroître par rapport aux besoins, des milliers de titulaires ne seront pas remplacés et les crédits budgétaires correspondants serviront à financer des emplois jeunes labellisés "adjoints de sécurité".

Pourtant, la violence urbaine augmente constamment, et chaque jour des citoyens honnêtes se trouvent dans l'obligation de quitter leur logement, excédés par les actes de délinquance qu'ils subissent régulièrement. Les victimes ne portent plus plainte par peur des représailles et le taux de classement sans suite ne cesse de progresser. Cette situation renforce le sentiment d'impunité, favorise l'accroissement des zones de non-droit et l'émergence de ghettos.

Une politique ambitieuse pour les villes sera celle qui permettra à nos concitoyens de vivre normalement en toute sécurité et qui mettra un terme à cette tendance consistant à ériger les auteurs d'acte de délinquance en victimes de la société. Ce sera celle qui permettra aux élus d'alléger la fiscalité locale, celle qui favorisera au sein de nos villes la mixité sociale et qui enrayera la paupérisation des banlieues. Comme ce n'est pas celle du Gouvernement, le groupe RPR ne votera pas ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Maurice Leroy - En tant que nouveau député un peu naïf, j'éprouve une certaine frustration à constater que nous ne disposons que de quatre heures pour discuter de la politique de la ville. Tous s'accordent pourtant à reconnaître qu'elle constitue un enjeu majeur puisque bientôt quatre Français sur cinq vivront en ville.

Monsieur le ministre, je souhaite que vous réussissiez. Aucun d'entre nous ne peut souhaiter un échec qui se solderait par l'accroissement de la violence urbaine et de l'exclusion sociale.

Mme Odette Grzegrzulka - Voilà un propos constructif.

M. Maurice Leroy - Nous aurons, et sans doute pas plus tard qu'aujourd'hui, maintes occasions de confrontations. Mais s'il est un domaine où nous devons tirer tous dans le même sens, c'est bien la politique de la ville. Plus qu'une autre, elle a besoin de continuité car le temps des projets ne correspond pas du tout au temps médiatique. Je pense que M. Dauge ancien délégué interministériel à la ville, ne me contredira pas sur ce point.

La continuité, c'est un rapport Sueur qui s'inscrit dans le droit fil du rapport Idrac-Dupont, c'est une action qui se prolonge depuis Michel Delebarre -qui fut un très bon ministre à la ville- jusqu'à vous, en passant par Eric Raoult et Jean-Claude Gaudin. Cette continuité est un acquis à préserver absolument.

J'ai lu le bleu budgétaire, mais chacun sait qu'on peut faire dire aux chiffres ce qu'on veut. Je me bornerai à constater que vous avez obtenu, Monsieur le ministre, des crédits nouveaux comme en avait obtenu naguère Eric Raoult -j'aurais aimé que l'orateur socialiste d'alors, Laurent Cathala, le reconnût.

Je préfère évoquer les problèmes du terrain, si vous permettez. Et, d'abord, ces chefs de projet de quartier qui font un boulot remarquable avec trois élastiques et deux trombones, et qui s'épuisent à la tâche, car croyez-moi, il faut se la faire, la permanence de quartier ! Ils auraient besoin d'un vrai statut. Or il existe un corps de sous-préfets à la ville qui, malheureusement, sont bien souvent court-circuités par le secrétaire général de préfecture ou par un sous-préfet d'arrondissement peu désireux de voir quelqu'un d'autre sur son terrain. Ces sous-préfets à la ville devraient constituer votre bras armé, Monsieur le ministre. Pourquoi ne pas ouvrir leur corps à des chefs de projet de quartier ? Ils connaissent bien la boîte à outils, croyez-moi, et ils pourraient utilement relayer votre action !

Quant à l'institut pour la ville, il faut le faire si l'on veut rassembler toutes les compétences et permettre une réflexion transversale, au lieu que les architectes, les ingénieurs, les sociologues "solicolloquent".

J'ai bien entendu en commission les critiques de Mme Grzegrzulka sur les zones franches urbaines, mais ne soyons pas dogmatiques. Il y a des quartiers où ce dispositif a permis de maintenir de l'activité. Peut-être a-t-il eu aussi, ici ou là, des effets pervers -chasseurs de primes ou autres. Il faut y remédier sans bazarder un dispositif qui recrée un peu "ce maillon manquant de la politique de la ville" -pour reprendre une expression du Président de la République- à savoir l'économique, autrement dit l'emploi. Sans ce maillon, nous alignerons en vain des bataillons de travailleurs sociaux

Mme Odette Grzegrzulka - L'UDF va voter ce budget ?

M. Maurice Leroy - Dans ma passion pour le sujet, j'allais oublier de dire que le groupe UDF s'abstiendra.

M. Patrick Rimbert - L'examen d'un budget est toujours le moment privilégié pour dresser un bilan et élaborer des projets. Cela est d'autant plus vrai pour celui de la ville aujourd'hui que 1999 sera une année décisive pour la préparation des contrats de ville. La forte augmentation de ses crédits est un signe politique fort, de même que l'invitation adressée aux autres ministères de renforcer dans leur secteur la politique menée dans la ville. En outre, le programme législatif des prochains mois comporte les projets de loi relatifs à l'aménagement du territoire et à l'intercommunalité.

Le bilan des contrats de ville 1994-1998 est à tout le moins mitigé. Ils ne laisseront pas un souvenir impérissable. Alors que la procédure DSQ avait montré qu'il convenait d'appréhender les problèmes au-delà du quartier, au niveau de la commune ou de l'agglomération, le pacte de relance a eu pour effet d'accentuer les effets pervers du zonage, remettant en question le principe d'un contrat local censé rétablir le lien entre les quartiers défavorisés et le reste de la ville. A verser également au débit des contrats de ville : l'absence de projets au niveau des agglomérations en raison d'une intercommunalité insuffisante. A cet égard, l'institution d'une taxe professionnelle d'agglomération, qui permettrait de péréquer les moyens financiers, est urgente. Enfin, dernier point négatif : les villes furent vraiment livrées à elles-mêmes. Nous aurions pourtant besoin de moteurs de projets plutôt que de greffiers ou de censeurs.

Cela étant, ces contrats de ville ont tout de même eu des aspects positifs parmi lesquels le développement du partenariat, notamment en matière économique avec les plans locaux d'insertion par l'économique, en matière de sécurité avec les contrats locaux de sécurité, en matière d'habitat avec les programmes locaux d'habitat. L'Etat et les collectivités ont appris à travailler ensemble et à financer des projets en commun, on peut s'en féliciter.

Reste maintenant à remettre de l'ordre dans ce fourre-tout, voire cette usine à gaz, que sont les contrats de ville, afin que la politique de la ville ne soit pas un SAMU social mais bien un projet de société.

Après ce constat, quelques questions. Quelle dimension prendront en compte les futurs contrats de plan  ? L'agglomération, la commune, les quartiers ? Quelle place pour les contrats de ville aux côtés des futurs contrats d'agglomération ? Quelles orientations prendre pour que l'Europe soit l'un des moteurs de la politique de la ville dans le cadre de la réforme des fonds structurels ? D'ores et déjà, 90 contrats de ville sur 214 ont été financés sur des crédits FEDER et FSE ; 13 sites ont bénéficié du programme Urban.

Enfin, j'aimerais vous faire quelques suggestions, Monsieur le ministre, dans le domaine du logement, qui est au coeur de la politique de la ville. Les cités d'habitat social se paupérisent. Dans l'office HLM dont je suis l'administrateur et qui gère 25 000 logements, je constate que le nombre de personnes seules ou de chômeurs augmente parmi les nouveaux locataires tandis que les actifs pourvus d'un emploi quittent, plus nombreux, nos ensembles. En 1998, la détente du marché locatif privé, grâce aux mesures prises par le Gouvernement, mais aussi, hélas, la réputation de certains sites amplifient les départs des locataires les plus favorisés. En résultent un nombre plus important de logements vacants, ce qui réduit les recettes des bailleurs, mais aussi l'accueil de personnes de moins en moins solvables. Il conviendrait d'une part, de généraliser et d'inscrire mieux dans la durée les programmes locaux de l'habitat, la LOV ne les rend obligatoires aujourd'hui que pour les communes de plus de 200 000 habitants ; d'autre part, de permettre la fongibilité totale des aides au logement. Il faut que le volet habitat des contrats de ville soit l'un des garants du pacte républicain.

Monsieur le ministre, faites obstacle au puissant mouvement de nos villes en crise et transmutez-le, car la ville est aussi, comme l'écrivait Fernand Braudel, "a matrice chaude et fertile de la création" (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville - Plus de trois Français sur quatre vivent aujourd'hui en ville ; la ville est donc devenue un enjeu majeur pour le développement de notre pays et l'avenir de notre société.

La balkanisation de nos agglomérations est-elle irréversible ? Comment refonder le pacte républicain et conforter nos valeurs démocratiques dans une ville qui exclut au lieu de rassembler ?

Le Gouvernement entend mettre la politique de la ville au service d'une nouvelle ambition : reconstruire des villes équilibrées, espaces de richesses et de solidarités, qui organisent le droit permanent à la réussite.

Ce projet s'accompagne de moyens et de mesures qui doivent se traduire au quotidien pour les habitants.

L'avenir de notre société se joue dans la ville.

Il n'y a plus lieu d'opposer, comme dans le passé, les modes de vie ruraux et urbains, puisque la majeure partie de la population vit aujourd'hui en ville.

Nos agglomérations tendent à devenir un système complet d'échanges et de production de richesses, façonné par les moyens modernes de transport et de communication. Or, à mesure que les villes s'étendent et que les échanges sont plus faciles, le libéralisme sans frein et la crise économique ont érigé de nouvelles frontières intérieures, disqualifiant la partie la plus fragile de la population et conduisant à la dérive certaines portions de territoire.

Le développement de la précarité, la multiplication des violences urbaines, la montée du sentiment d'insécurité, le repli dans un patriotisme de cage d'escalier, constituent une menace mortelle pour notre société et ses valeurs, dont l'abstentionnisme et le vote extrémiste portent le sombre présage.

Nous refusons le modèle américain, où des villes privées se développent à côté de véritables cités carcérales où l'on enferme les plus pauvres et les minorités. Cette évolution n'est pas inéluctable. Nous pouvons encore rééquilibrer nos villes.

C'est tout l'enjeu de la politique née en France il y a une vingtaine d'années et progressivement structurée à travers les alternances politiques. Elle a joué un rôle essentiel d'amortisseur dans la période de chômage de masse et de mutations sociales que nous avons traversée, grâce à l'action de milliers d'acteurs de terrain, qui chaque jour se battent contre l'exclusion. Nous devons aujourd'hui les aider à dépasser l'étape de la seule réparation.

Cette politique a cependant conduit parfois à stigmatiser, encore plus, certains quartiers identifiés comme des "zones" -ZUP, ZEP, ZUS, ZRU, ZFU. Qui aurait envie d'habiter dans une zone ? Cette politique n'a pas toujours joué sur les véritables ressorts de l'exclusion en matière d'habitat ou de transports. Qui pourrait croire que la solution à l'exclusion par le travail passe seulement par des incitations fiscales à l'implantation d'activités dans les quartiers, et non par une réflexion globale sur le développement économique et l'insertion professionnelle au niveau des bassins d'emploi ? L'agglomération doit devenir le nouvel horizon de la politique de la ville. Celle-ci n'a pas toujours su non plus mobiliser tous les acteurs autour d'un véritable projet de territoire. Trop souvent elle est même devenue une politique de guichet parmi d'autres, de surcroît tatillonne. Les habitants demandent du concret. Ils peuvent comprendre que les solutions demandent du temps, mais veulent être sûrs d'avoir été entendus et voir les effets de l'action publique dans leur vie quotidienne.

Nous devons aujourd'hui mettre à profit la reprise économique pour dépasser ces limites de la politique de la ville. Les raisons d'espérer sont nombreuses, grâce notamment au potentiel formidable de ces quartiers jeunes, en mouvement, riches d'initiatives et de solidarités. Ne décevons pas leur espoir, car si les frémissements de la croissance s'arrêtent à l'entrée des quartiers, le fossé entre deux France s'élargira, et du pacte républicain ne restera bientôt plus que le communautarisme des ghettos.

M. Pierre Cardo - Tout à fait !

M. le Ministre délégué - Je veux croire que la société française sait encore intégrer dans la République les populations issues de l'immigration.

La politique de la ville a un nouveau cap, fixé par le comité interministériel des villes du 30 juin 1998. Les programmes décidés à cette occasion s'appuient notamment sur les mesures prises par le Gouvernement depuis juin 1997, qui ont considérablement renforcé les outils de la politique de la ville.

Pour reconquérir le coeur de nos agglomérations, le programme de renouvellement urbain mobilisera une énergie et des moyens comparables à ce qui avait été nécessaire pour adapter nos villes à l'industrialisation et à l'exode rural.

Des opérations lourdes de remodelage urbain seront nécessaires pouvant comprendre des destructions de logements sociaux, lorsque les seules personnes qui acceptent d'habiter certains quartiers sont celles qui n'ont pas le choix, et que le parc social se vide. Mais il ne s'agit pas de se débarrasser de la misère, ou de la disperser dans les communes voisines. Il faudra définir une politique de peuplement et d'habitat à l'échelle intercommunale qui n'est d'ailleurs qu'une étape dans un projet plus global de requalification et de mixité sociale. C'est d'ailleurs pourquoi je préfère parler d'opérations de reconstruction-démolition.

Il convient aussi de privilégier la proximité. Le temps de l'attente, pour des projets souvent longs à mettre en oeuvre, est aussi souvent le temps de la désespérance. C'est le sens de l'apologue du carreau cassé : si on ne le répare pas immédiatement, le cadre de vie se dégrade et le sentiment d'insécurité croît.

Cette ambition du concret se retrouvera dans les grandes priorités retenues par le comité interministériel de la ville : emploi, sécurité et éducation.

L'emploi et le développement économique sont des préoccupations qui ne se sont imposées que tardivement, mais la création des zones franches urbaines a sans doute accéléré cette prise de conscience. La politique de la ville doit désormais s'appuyer sur tous les outils de la politique publique pour contribuer au développement local, à la formation professionnelle et à l'accès de tous à l'emploi. C'est ainsi qu'il a été décidé, par exemple, que 20 % des emplois-jeunes profiteront aux quartiers en difficulté, de même que l'essentiel des 10 000 premiers parcours TRACE. Il conviendra aussi d'inciter les entreprises privées à créer des emplois et à lutter contre la discrimination à l'embauche : aucun développement n'est possible quand les tensions sociales sont exacerbées.

Monsieur Cardo, les emplois-villes n'ont pas été supprimés, mais ils ont été remplacés par les emplois-jeunes. La participation de l'Etat est ainsi passée de 50 % sur trois ans à 80 % sur cinq ans et le recrutement, au lieu d'être lié à l'existence d'une ZUS, concernera tous les jeunes quel que soit leur domicile. On a amplement dénoncé les effets du zonage : désormais, c'est aux décideurs locaux de définir des projets évitant l'exclusion des jeunes ayant connu l'échec scolaire. Mais cela suppose peut-être qu'ils rencontrent les intéressés...

Le droit à la sécurité, tel qu'il a été réaffirmé par le Premier ministre à Villepinte, mérite de devenir une réalité dans les quartiers en difficulté plus encore qu'ailleurs. La montée des violences urbaines, aujourd'hui plus diffuses mais aussi plus fréquentes et plus aiguës, la multiplication des incivilités et des délits commis par des mineurs, perturbent gravement la vie de nos concitoyens. L'Etat doit garantir le droit de tous à la sécurité, mais celle-ci est aussi l'affaire de tous : organismes de logement social, transporteurs, travailleurs sociaux, municipalités, associations. En outre, ces efforts doivent être menés dans la durée. les politiques de prévention de la délinquances peuvent être décriées au premier incident, et le patient travail de maillage social doit être renforcé pour empêcher l'affrontement entre habitants de la périphérie et habitants du centre ville, entre jeunes et représentants de l'autorité ou entre enfants et adultes... Cette fracture-là interdirait en effet toute identification aux valeurs de la République.

Nous la combattrons en fournissant une réponse d'ensemble, en recherchant ce qui unit et non en exacerbant ce qui oppose. Pour que le rappel à la loi soit compris, il faut des règles de vie communes mais aussi une réplique intelligible et intelligente. La sécurité repose donc sur trois piliers : la sanction pour les actes les plus graves, la réparation et la médiation pour les incivilités et, enfin, l'organisation d'une réponse collective et solidaire des habitants et de tous ceux qui ont une responsabilité dans l'éducation des enfants.

M. Pierre Cardo - Pour l'instant, il n'y a que la peur qui soit collective...

M. le Ministre délégué - Troisième priorité : l'éducation. L'école, seul service public présent dans tous les quartiers, doit être confortée et tel est le sens de la réforme des ZEP entreprise par Claude Allègre et Ségolène Royal. Mais la politique de la ville aussi peut y contribuer, en mettant en place une véritable chaîne éducative avec parents, enseignants et associations. Car on oublie souvent que l'élève est aussi un enfant.

Afin de concrétiser ces différentes priorités, le Gouvernement a décidé de prolonger en 1999 les actuels contrats de ville, ce qui donnera aux acteurs locaux le temps d'élaborer de véritables projets territoriaux, en phase avec les grands choix d'aménagement du territoire. La politique de la ville doit en effet être une préoccupation qui recoupe l'ensemble des politiques sectorielles. Il conviendra que les prochains contrats de plan mettent davantage l'accent sur les politiques de solidarité, en privilégiant les lieux plutôt que les liens, les villes et les agglomérations plutôt que les routes, les transports de proximité plutôt que les grands réseaux.

Pour autant, 1999 ne sera pas une année blanche : 16 sites pilotes, en métropole et outre-mer, préfigureront les futurs contrats de ville. Surtout, toutes les actions innovantes seront soutenues, afin de favoriser concrètement un changement d'échelle.

Cette politique de la ville, vous l'avez compris, je ne le ferai pas seul, et les crédits qui lui seront consacrés sont là pour l'attester.

L'ambition que je vous propose au nom du Gouvernement a un coût, que Jean-Pierre Sueur avait estimé à 35 milliards par an pendant 10 ans. Ce projet de loi de finances portera l'effort, tel qu'il est récapitulé dans le "jaune", de 23 à 31 milliards, les 35 milliards devant être atteints à mi-parcours des futurs contrats de ville.

L'implication accrue de tous les ministères concernés devrait se traduire par une augmentation de leurs crédits de près de 3 milliards, à quoi s'ajouteront 2,6 milliards d'exonérations fiscales et sociales au titre des zones franches et des zones de redynamisation urbaines. Les concours de la Caisse des dépôts croîtront de près de 3 milliards et une convention avec l'Etat, signée en octobre, a fixé les priorités pour l'utilisation du programme de renouvellement urbain, qui passe de 150 à 300 millions par an, et pour les deux enveloppes exceptionnelles de prêts bonifiés de 10 milliards, destinées aux projets urbains et aux opérations de reconstruction-démolition.

Monsieur Mignon, il ne s'agit pas là de crédits redéployés, mais d'argent neuf, comme vous pouvez le constater en examinant le bleu ! D'ailleurs, s'il y a bien un budget qui soit épargné par les redéploiements, c'est bien celui-ci. Ne vous laissez pas prendre à l'impression de "lasagnes" que peut donner le jaune...

La politique de la ville exige un approfondissement de la décentralisation. Je souhaite que les départements compétents en matière sociale soient systématiquement associés à la définition et à la mise en oeuvre de la politique de la ville ("Très bien !" sur plusieurs bancs). En outre, comme l'a souligné M. Vaxès, une plus grande solidarité entre communes riches et pauvres et une répartition plus équitable des dotations de l'Etat devraient leur permettre de mieux répondre aux problèmes qu'elles rencontrent : d'où le projet sur l'intercommunalité, l'augmentation d'un milliard de la DSU et la réforme, décidée par le CIV, des contingents communaux d'aide sociale. Tout cela doit être regardé comme le premier signal donné en faveur d'un renforcement de la solidarité entre communes, Monsieur Cardo.

Enfin, la participation des fonds structurels européens, qui dépassera le milliard, est devenue un apport très important pour les sites éligibles. La réforme en cours de ces fonds doit être l'occasion pour la France de promouvoir le principe d'une intervention plus soutenue de l'Europe en faveur des villes. Nous comptons faire passer le message très bientôt.

Sur les crédits de mon ministère, proprement dits, je me félicite que le retour à un "bleu budgétaire" nous permette un débat approfondi.

Grâce à leur extrême souplesse d'utilisation, les crédits spécifiques de mon ministère seront le ciment indispensable de milliers de projets. Car une véritable logique de projet doit se substituer à une logique de guichet. Dès 1999, la gestion sera également simplifiée.

Ces crédits spécifiques augmentent de plus de 32 %. C'est sans précédent depuis la création d'un ministère de la ville. Franchir le cap du milliard dans le projet de loi de finances constitue un symbole fort.

S'y ajouteront 485 millions en provenance du fonds d'aménagement de la région Ile-de-France et des différents ministères qui contribuent au fonds interministériel d'intervention pour la ville.

M. Mignon avait peur de la bureaucratie. Non, plus de 93 % des crédits seront consacrés à des actions concrètes.

D'abord, 30 millions supplémentaires -soit une hausse de 86 %- serviront à renforcer les capacités d'animation, de formation, d'ingénierie et de recherche des institutions chargées de la politique de la ville, en particulier de la délégation interministérielle à la ville et du conseil national des villes dont les deux vice-présidents sont M. Cathala, que je salue ici, et M. de Robien.

Le nouvel "Institut pour la ville" et les centres de ressources régionaux permettront de capitaliser les savoirs et d'échanger les pratiques.

Loin d'être une nouvelle cathédrale en béton, l'institut sera une passerelle entre associations d'élus locaux et chercheurs. Leur réflexion, leurs échanges, permettront de sortir de l'expérimentation en généralisant ce qui fonctionne bien, en abandonnant ce qui ne fonctionne pas. Mieux vaut que de telles décisions soient prises par les élus et acteurs locaux qu'à l'échelon central.

Plusieurs députés socialistes - Très bien !

M. le Ministre délégué - L'essentiel des moyens supplémentaires soit 191 millions -en augmentation de 30 %- serviront à financer des initiatives locales dans le cadre des contrats de ville et des grands projets urbains.

Les crédits d'investissement accompagneront des opérations de renouvellement urbain. Nous soutiendrons les initiatives en matière de gestion urbaine de proximité et le développement de nouvelles formes de participation des habitants, dans la perspective de les reprendre à grande échelle dans les futurs contrats de ville.

Nous créons une nouvelle ligne budgétaire de fonctionnement, dotée de 45 millions, pour les communes impliquées dans un Grand Projet Urbain.

Je connais votre commune, Monsieur Cardo, et je comprends vos préoccupations. Mais que faites-vous de la nécessaire continuité dans l'action de l'Etat ? On a créé les GPU, ils doivent fonctionner. Trop souvent on hésite à utiliser les crédits d'investissement pour ne pas créer des dépenses de fonctionnement. Aidons les GPU à réussir. A partir de cet exemple, nous commençons à réfléchir aux ambitions et aux moyens des contrats de ville 2000-2006. En 1999 il faudra agir, mais aussi faire des choix collectifs pour définir l'effort et la règle du jeu afin de rendre l'espoir à certaines villes.

Les opérations Ville, Vie, Vacances bénéficieront de crédits supplémentaires. Une mission d'inspection est en cours pour les recentrer sur les territoires et les publics les plus en difficulté, car leur généralisation les rend moins utilisables pour un public très ciblé. Inspirons-nous des réussites pour mieux adapter cet outil.

Enfin, 24 millions de crédits supplémentaires -soit plus 32 %- financeront des projets contribuant à rétablir l'égalité d'accès au service public, en partenariat avec les collectivités locales, la Poste ou les transporteurs publics.

Il est essentiel de nous mobiliser pour la ville de demain et d'y consacrer un effort financier important. Elle est à la fois le grand chantier du XXIème siècle et un défi au quotidien.

Ministre de la ville, je suis résolu à donner corps à cette ambition nouvelle du Gouvernement, aux côtés de Martine Aubry et de tous les responsables qui agissent pour la cohésion sociale et celle de notre territoire.

Le chemin parcouru est déjà important, installation du CNV renouvelé, tenue du CIV en juin dernier, nomination d'une nouvelle déléguée à la ville, qui s'emploie à redonner son lustre à cette institution, désignation des seize sites pilotes en septembre, convention avec la Caisse des dépôts en octobre. Prochainement nous signerons une convention avec la Poste et le CIV de décembre commencera à préparer les prochains contrats de ville. Il proposera de premières simplifications administratives.

La politique de la ville porte en elle une transformation profonde des pratiques publiques. Nos concitoyens doivent être entendus et sentir que leur quotidien change, que nous faisons ce que nous disons. L'action publique, plus discutée, sera plus légitime, et la démocratie en sortira grandie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe RCV).

QUESTIONS

M. Michel Meylan - Vous allez prolonger les contrats de ville en 1999. Les critères de classement en zone urbaine sensible ou d'éligibilité aux contrats de ville étant inadaptés, les petites villes de moins de 10 000 habitants sont exclues des aides de l'Etat malgré leurs problèmes. Souvent en effet une urbanisation rapide a conduit à la constitution de conurbations. Les communes qui les constituent connaissent aussi la violence, l'insécurité, la délinquance, l'exclusion... mais leur petite taille ne permet pas de les classer dans les zones prioritaires. Des dynamiques locales se mettent en place autour des conseils communaux de prévention de la délinquance, de plans locaux de l'habitat, dans le cadre du pays. Mais l'Etat ne donne pas les moyens suffisants pour les soutenir.

Concentrer les actions de développement sur les grandes villes, c'est risquer d'instaurer une politique de la ville à deux vitesses.

Enfin, relever le défi urbain c'est intégrer tous les habitants dans la ville. Pour cela l'emploi et le développement économique sont déterminants. Il est essentiel que le budget 1999 offre des perspectives claires dans ces domaines.

Quels moyens budgétaires l'Etat consacrera-t-il au soutien des actions de politique de la ville conduites par de petites villes, notamment dans le cadre du pays ?

M. le Ministre délégué - Les problèmes urbains évoluent rapidement. Mais la politique de la ville n'est pas celle des seules grandes villes.

L'Etat s'est engagé dans des contrats de ville avec de nombreuses villes moyennes, par exemple en Rhône-Alpes, Oyonnax, Villefranche-sur-Saône, Aubenas, Annonay.

Pour autant, il faut prendre plus largement en compte les phénomènes que vous soulignez dans les petites villes. L'inscription de la politique de la ville dans la politique d'aménagement durable du territoire permettra de trouver des solutions cohérentes à partir de 2000. Un volet solidarité urbaine pourra être intégré aux contrats de pays.

A vous d'identifier les difficultés, de bâtir les projets, de hiérarchiser les actions et de préciser les territoires concernés, en distinguant le social, qui relève de l'action de proximité, et le développement économique, qui suppose une zone plus vaste, tel le bassin d'emploi.

Dans votre circonscription, c'est bien dans une démarche intercommunale qu'une politique de développement local doit être conduite, dans la vallée de l'Arc.

La politique de la ville n'est pas une question de taille. Des contrats de ville pourront concerner des territoires urbains de moins de 50 000 habitants. L'environnement local permet mieux qu'une référence nationale de mesurer l'intensité d'un problème. Les petites villes confrontées à de graves difficultés ne seront pas oubliées grâce à la démarche commune de la politique de la ville et de la politique d'aménagement du territoire.

M. Yves Daugé - Dans le cadre d'une réforme radicale de la procédure des contrats, ne conviendrait-il pas de respecter totalement l'esprit de la décentralisation en faisant, à partir d'objectifs et de moyens définis, une confiance absolue aux collectivités ? On leur offrirait ainsi bien plus de souplesse et on leur éviterait de perdre un temps précieux à monter les dossiers de demande de subvention, un contrôle étant bien sûr opéré a posteriori.

Il conviendrait également que soient mieux précisés les engagements de l'Etat en matière de justice, de sécurité, d'éducation et de santé. Il faudrait, par exemple, faire sortir les hôpitaux de leurs murs pour des consultations sur le terrain, notamment en pédo-psychiatrie.

M. Maurice Leroy - Très bien !

M. Yves Daugé - Vous pouvez, Monsieur le ministre, faire beaucoup avancer les choses.

M. le Ministre délégué - Vous parlez d'or, comment s'en étonner puisque vous êtes un des pères fondateurs de la politique de la ville ?

Dès mon entrée en fonctions, j'ai refusé que les nouveaux contrats de ville soient préparés selon les mêmes règles que les précédents. Il fallait s'engager résolument sur la voie de la simplification administrative et améliorer les circuits de financement. Le rapport du groupe de travail à ce propos me sera remis avant la fin de l'année. Il faut éviter, en effet, qu'élus et acteurs de terrain consacrent un temps excessif au montage de dossiers compliqués.

Je souhaite, par ailleurs, que l'Etat déconcentré parle d'une seule voix et que l'on cherche plus à évaluer l'efficacité des actions sur le terrain qu'à exercer un contrôle a priori.

Il faut éviter d'agacer les acteurs de la politique de la ville, de désespérer les petites associations qui, en raison du retard du versement des subventions, font le bonheur de leurs banquiers...

M. Maurice Leroy - C'est vrai !

M. le Ministre délégué - Les contrats de ville devront être marqués par la souplesse plutôt que par la rigueur tatillonne.

Mme Odette Grzegrzulka - Très bien !

M. le Ministre délégué - En amont de ces contrats, il nous faudra évaluer l'implantation des services publics, pour mesurer quels devront être en la matière les engagements de l'Etat.

M. Pierre Cohen - Après quelques années d'inquiétudes, quand le budget et les ambitions de la politique de la ville se réduisaient sans cesse, après une année de réflexion et de concertation qui a débouché notamment sur l'excellent rapport de Jean-Pierre Sueur, enfin, nous retrouvons l'espoir de voir la ville au coeur des préoccupations du Gouvernement. La création de ce ministère, les grandes orientations du Gouvernement, la progression de 30 % de ce budget montrent une ferme volonté de s'attaquer aux dysfonctionnements profonds de nos cités, dans un projet politique global et à long terme.

Le Gouvernement a décidé de proroger en 1999 les contrats de ville existants, afin de préparer une nouvelle génération de contrats, plus ambitieux. Cela permettra de sortir de la logique de paix sociale pour rechercher des actions globales en matière d'emploi, d'aménagement du territoire, d'éducation. Comment la politique de la ville s'articulera-t-elle avec les autres contrats ?

Afin de promouvoir l'innovation et l'expérimentation, seize sites pilotes ont été retenus. Les résultats ainsi obtenus serviront-ils à l'élaboration des futurs contrats ?

Enfin, construire un nouvel espace démocratique avec les habitants est pour moi la clé de votre réussite. Les centre de ressources décentralisés permettront de mettre en valeur les professionnels sur le terrain. Comment entendez-vous concrètement traduire cette dynamique démocratique ?

M. le Ministre délégué - Nous essaierons, bien entendu, d'harmoniser les procédures contractuelles mais en évitant toute rupture. Nous voulons que l'idée de projet soit au coeur des contrats de ville et nous espérons que les réussites des structures intercommunales inciteront les élus à se rallier aux futurs contrats d'agglomération autour de projets d'habitat, de sécurité, de transport, le contrat de ville prenant alors la dimension de solidarité qui lui incombe.

Que vous ayez insisté sur la participation des habitants ne m'étonne guère compte tenu de votre engagement avec la ville de Ramonville-Saint-Agne et au sein du GIP. Oui, la démocratie participative est devenue un enjeu majeur. Il faut dépasser le stade de l'expérimentation. Au moment où le sentiment d'abandon et l'incompréhension s'aggravent, l'objectif central des futurs contrats doit être que chacun soit reconnu comme acteur de la cité. Les progrès de la démocratie locale s'inscrivent pleinement dans la modernisation de la vie politique entreprise par le Premier ministre. Elles marquent une nouvelle étape de la décentralisation.

A ceux qui osent parler de préférence nationale, les Républicains que nous sommes devons opposer la préférence démocratique.

Les modalités de la participation des habitants détermineront les engagements de l'Etat. Le fonds d'initiative des habitants, les lieux d'expression et de débat, la formation, les agents de développement social financés par l'Etat contribueront à la démocratie locale.

Mme Annette Peulvast-Bergeal - La forte augmentation de ce budget est un véritable réconfort pour les élus de terrain que nous sommes.

Parmi les treize sites GPU créés au cours du XIème plan, seul celui de Mantes-en-Yvelines regroupe trois communes et le niveau d'engagement des dépenses y atteint 55 %.

Cela tient à la volonté des collectivités et des élus locaux, de l'Etat, des fonctionnaires. On le voit, on peut quand on le veut faire avancer les choses.

Je discerne, dans vos orientations trois innovations majeures : l'accent mis sur la participation des citoyens, l'intégration fiscale par la TPU, la volonté d'attirer davantage les investisseurs et les créateurs d'emplois. Sous cette dernière rubrique, cependant, on entend trop souvent les seules grandes entreprises, oubliant le commerce de proximité, qui est confronté à des problèmes de sécurité, de solvabilité, de compétitivité. Quelles mesures entendez-vous prendre pour relancer, parallèlement aux opérations portant sur le logement, l'activité commerciale dans nos centres urbains ?

M. le Ministre délégué - Nous souhaitons en effet compléter les grandes opérations de rénovation urbaine en réimplantant dans les quartiers concernés les activités indispensables au rétablissement d'une vie normale. Il s'agit d'assurer le retour à l'emploi, afin que chacun soit acteur de sa propre vie plutôt que spectateur assisté ; il s'agit aussi d'assurer le retour ou le maintien de l'activité commerciale, et le conseil d'administration de l'EPARECA, que préside M. Cathala, doit examiner quels moyens pourraient être mobilisés à cet effet.

M. Patrick Braouezec - Il est nécessaire d'élargir vos prérogatives, pour faire de votre ministère le lieu de mise en cohérence des interventions de l'Etat dans le champ urbain, le garant du réengagement de l'Etat et non le réparateur ou l'amortisseur de ses carences. Il faut rompre avec cette vision quasi "humanitaire" de la politique de la ville pour lui substituer l'impératif de l'égal accès de tous aux services publics et aux équipements collectifs.

A Saint-Denis, la mobilisation des élus et des habitants a permis d'obtenir de la Poste l'ouverture de nouveaux bureaux, mais dans les communes voisines le service rendu a continué de se dégrader. Il y a là un problème de cohérence de l'action publique, tout comme dans l'article 26 de la loi de finances pour 1999, qui étend de façon indifférenciée la taxe sur les bureaux en Ile-de-France aux locaux commerciaux et de stockage sans tenir compte des valeurs locatives et commerciales, au risque de pénaliser les communes déjà défavorisées.

Il est impératif que l'ensemble des orientations budgétaires passent, dès l'an prochain, au crible du comité interministériel des villes. Nous apprécierons désormais votre action, non à la lumière de votre seul budget, mais à celle de l'ensemble de l'action gouvernementale. Il faut que vous ayez les moyens de peser sur les choix stratégiques des autres ministères concernés.

M. Maurice Leroy - Très bien !

M. le Ministre délégué - La réponse est délicate et ne dépend pas entièrement de moi... (Sourires)

Dès ma nomination, cependant, j'ai affirmé que je n'entendais pas être un ministre-alibi et que je ne concevais pas mon domaine d'action comme sectoriel. Mon rôle, tel que l'a défini le Premier ministre, est à la fois modeste et ambitieux. Modeste, car le remède à l'impossibilité de vivre normalement dans certains quartiers de villes ne relève pas, les exemples de 1994 et de 1996 le montrent, d'un plan d'urgence, mais d'une démarche politique à long terme. Modeste, car il ne m'appartient pas d'agir à la place des autres, mais de favoriser la convergence de leurs actions. Ambitieux, car nous voulons changer l'échelle même de la politique de la ville, sortir d'une politique de réparation pour jouer sur les véritables leviers de l'exclusion et faire des villes le terreau du développement de la solidarité. Ambitieux, car nous entendons faire ce que nous disons, approfondir la démocratie locale et redonner aux citoyens confiance dans leurs institutions.

Ce budget marque une relance, mais le débat qui aura lieu l'an prochain à l'occasion de la préparation des nouveaux contrats de ville sera capital, et nous vérifierons alors si la politique de la ville dépasse sa fonction d'amortisseur social pour devenir un vrai projet de société ("Très bien !" sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jacques Brunhes - Il est indispensable, en même temps que de fixer les règles d'une nouvelle contractualisation, de définir plus précisément les objectifs stratégiques que l'Etat propose à ses partenaires, notamment en matière de mixité sociale. Un véritable apartheid social est en effet à l'oeuvre, du fait de stratégies de peuplement concentrant géographiquement les familles en difficulté, de l'abandon progressif de certains territoires par les bailleurs institutionnels, de l'inefficacité des dispositifs visant à contraindre certaines communes à développer leur parc social. La lutte contre le double phénomène de la relégation et de l'évitement, qui ébranle les fondements du pacte républicain, suppose que les quartiers actuellement stigmatisés deviennent des quartiers comme les autres, où les règles de la vie commune prévalent comme ailleurs. Par quels moyens le Gouvernement entend-il avancer dans cette voie ?

M. le Ministre délégué - La loi d'orientation de 1991 a constitué une première et importante étape. Ses dispositions incitatives, voire coercitives, ont provoqué une prise de conscience collective, mais il faut maintenant aller plus loin, car la compréhension et le respect mutuels reculent quand la ségrégation progresse. La mixité sociale passe d'abord par davantage de solidarité entre communes d'une même agglomération, grâce à la TUP et à l'intercommunalité de projet, notamment dans les sites pilotes.

Les engagements pris en matière de PLH intercommunaux devront donc être tenus. Dans les villes où ne se dégagerait pas une telle intercommunalité de projet, il faudra accroître la pression, quitte à modifier pour ce faire, en concertation avec M. Besson, la loi d'orientation pour la ville ou à renforcer les sanctions.

Je ne suis pas de ceux qui disent aux gens : une fois partis dans d'autres communes, vous pourrez accéder au bonheur. Non, les populations ont droit au bonheur là où elles se trouvent. A nous de les en convaincre par les mesures que nous prenons en faveur de l'égalité devant le service public, de l'amélioration de la sécurité et de la justice, des emplois de proximité. C'est aussi comme cela que nous favoriserons la mixité sociale, car que regarde une famille quand nous lui proposons un logement ? L'état de l'école à côté, la propreté du hall de l'immeuble, le degré de sécurité du quartier... Si les éléments d'une vie normale lui paraissent rassemblés, elle accepte ; sinon, elle préfère aller ailleurs et l'on ne retrouve plus dans ce type de quartier que des familles "assignées à résidence". Faciliter la vie de tous les jours, c'est donc bien encourager la mixité sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Gilbert Meyer - Une circulaire du 22 octobre 1998, signée par M. Besson et par vous-même, et relative aux subventions accordées pour changement d'usage de surfaces de logement HLM, prévoit un taux maximal de subvention de 35 % en cas d'implantation d'une activité privée, de 20 % seulement s'il s'agit d'une activité publique. Je m'interroge sur le bien fondé d'une telle discrimination, surtout après vous avoir entendu insister sur la nécessité d'une présence administrative dans les quartiers difficiles. Une telle disposition freinera les initiatives propres à rapprocher les Français de leurs administrations. Ne conviendrait-il donc pas d'appliquer le même traitement à tous les projets d'implantation ?

M. Jean-Luc Warsmann - Très bien !

M. le Ministre délégué - Je suis tout à fait d'accord avec vous. C'est pourquoi, lors du prochain comité interministériel des villes, je proposerai à M. le Premier ministre d'aligner le taux de subvention accordée aux implantations d'une activité publique sur celui valable pour une activité privée, soit un taux unique de 35 %.

M. Gilbert Meyer - Merci.

M. Jean-Luc Warsmann - Je voudrais vous faire part, Monsieur le ministre, de l'inquiétude de petites villes comme Sedan.

En 1994, Sedan a signé un contrat de ville mais a vu l'effort de l'Etat régulièrement décroître à partir de 1996. La dotation pour 1999 compensera-t-elle le recul des années passées et quand en connaîtrons-nous le montant ?

Notre inquiétude vient aussi du fait que Sedan ne compte que 22 000 habitants. Même si l'on programme des actions à l'échelle de l'agglomération ou des trois cantons, on ne franchit pas le seuil de 50 000 habitants. Sedan pourra-t-elle néanmoins continuer à bénéficier de l'outil des contrats de ville ?

M. le Ministre délégué - La réponse à votre première question est oui ! Et dès le début de l'année, Sedan pourra, comme les autres villes, constater que les moyens mis à la disposition des contrats de ville augmentent.

Et si le périmètre qu'elle propose est pertinent, elle pourra continuer à bénéficier d'un contrat de ville. Ce type de contrat peut en effet constituer une bonne publicité pour les contrats d'agglomération que nous entendons encourager.

M. Gilbert Meyer - La ville de Colmar n'a pas bénéficié d'un contrat de ville mais n'est pas pour autant restée inactive. Elle a en effet signé avec l'Etat un contrat d'agglomération, mis en chantier un plan local d'insertion par l'économique, et vient de conclure avec la préfecture, les services de la justice et de l'éducation nationale, un contrat local de sécurité.

Par décret du 28 mai 1996, une partie du périmètre urbain a été classée également zone urbaine sensible puis, le 1er janvier 1997, zone de dynamisation urbaine. Le secteur le plus sensible à l'intérieur de ce périmètre avait été retenu dans l'opération "50 quartiers", lancée par le comité de pilotage de la Caisse des dépôts et consignations de l'Union nationale des fédérations d'organismes d'HLM.

Cette qualification nous conduira à proposer une action de restructuration totale, conforme aux orientations de votre politique urbaine, concertée avec la population et estimée à 100 millions. La municipalité est très impliquée dans ce projet. C'est pourquoi j'aimerais être rassuré quant à la possibilité pour Colmar de bénéficier des nouveaux contrats, bien qu'elle n'ait pas dans le passé conclu de contrat de ville. Y sera-t-elle éligible ?

M. le Ministre délégué - Le jeu nouveau est entièrement ouvert. Je ne peux vous répondre en séance concernant Colmar et je vous invite donc à vous rapprocher de votre préfet pour voir quelles propositions peuvent être retenues. Mais l'action que vous envisagez ressemble étrangement aux futurs contrats de ville que j'appelle de mes voeux.

Mme Nicole Bricq - L'évaluation des zones franches urbaines devrait se faire en considérant notamment les créations d'emplois pérennes dans les quartiers et le nombre d'habitants en ayant bénéficié, le tout rapporté au coût des exonérations fiscales et sociales accordées. Participant deux fois par an au comité de surveillance de la zone franche de Meaux, je constate qu'une telle évaluation ne se fait pas. Elle serait pourtant particulièrement nécessaire, compte tenu des effets pervers du dispositif en question : effets d'aubaine, délocalisations, licenciements ultérieurs... Comptez-vous donc en dresser un bilan site par site et intégrer dans l'évaluation la nouvelle définition de la politique de la ville ?

M. le Ministre délégué - Les zones franches urbaines, qui constituaient l'un des volets du pacte de relance pour la ville adopté par le gouvernement précédent, visaient à favoriser l'implantation d'activités économiques dans les quartiers en difficulté. Mais aucun dispositif de suivi n'a été prévu...

Mme Odette Grzegrzulka - Tout à fait regrettable ! Ce n'était pas innocent !

M. le Ministre délégué - ...si bien que l'actuel gouvernement ne dispose d'aucune information fiable lui permettant de décider de l'avenir des zones franches. C'est pourquoi le Premier ministre, le 30 juin dernier, a chargé l'IGAS, l'IGA et l'IGF d'une expertise approfondie des 44 zones franches afin d'en évaluer les résultats mais aussi d'en recenser les dérives, dont nombre d'entre vous ont fait état, et de faire des propositions pour l'avenir.

Mme Nicole Bricq - Bonne nouvelle.

M. Maurice Leroy - N'y aurait-il pas de dérives dans les contrats de ville ?

M. le Ministre délégué - Eux aussi seront évalués. Evaluation n'est pas un mot tabou ou ne devrait pas l'être. Le législateur a toujours revendiqué d'être informé des conditions d'application de la loi et de ses résultats. N'est-il pas légitime de savoir à quoi servent les 2,6 milliards affectés aux zones franches ?

La politique de la ville a trop longtemps souffert que des mesures se succèdent sans avoir eu le temps de prouver leur efficacité. J'ai donc décidé de ne pas interrompre le dispositif de zones franches. Tout d'abord, par souci de pragmatisme.

En deuxième lieu, pour ne pas mettre brutalement en difficulté des entreprises et des territoires alors que l'Etat leur avait donné sa parole. Ensuite, parce qu'en matière économique et d'emploi, l'action demande du temps pour être efficace. Enfin, parce que ce dispositif a introduit la dimension économique dans la politique de la ville. Or, depuis le rapport élaboré en 1991 par Mme Aubry et M. Praderie à la demande de M. Delebarre, cette dimension-là avait été progressivement négligée.

Il n'en reste pas moins que le dispositif des zones franches est coûteux et a provoqué des effets pervers -effets d'aubaine, concurrence déloyale, délocalisations. Ces dérives doivent cesser.

Mme Odette Grzegrzulka - Absolument.

M. le Ministre délégué - Faut-il revoir les contreparties exigées des entreprises ? Faut-il renforcer le rôle des comités d'orientation et de surveillance ? J'attends les conclusions du rapport d'inspection pour mesurer à la fois les dérives et les résultats positifs du dispositif. J'en attends aussi des propositions pour l'avenir. En effet, l'octroi d'exonérations fiscales n'est pas le seul moyen de maintenir et de développer l'activité dans les quartiers. Le CIV du 30 juin dernier a dégagé de nouvelles orientations. Il faut mobiliser toutes les compétences car le combat a lieu sur plusieurs fronts. Il faut notamment améliorer les infrastructures de communication, soutenir la veille technologique afin de détecter de nouveaux produits, de nouveaux marchés et de nouveaux services, renforcer la formation et l'accompagnement des créateurs d'entreprise. Le ministère de la ville souhaite s'associer avec d'autres acteurs, notamment la Caisse des dépôts, pour mener une politique économique plus globale en faveur de l'emploi dans les quartiers. En tout état de cause, les conclusions du rapport d'inspection vous seront communiquées et donneront lieu à un débat où vos propositions seront également les bienvenues.

Mme Odile Saugues - Les habitants des quartiers en difficulté vivent mal l'inégalité en matière de services publics dont souffrent leurs quartiers. Certes, des efforts seront engagés dès 1999 pour améliorer la situation.

Les entreprises ont des difficultés pour s'installer dans des quartiers trop longtemps tenus à l'écart d'une logique de développement. Les commerces ont du mal à s'y maintenir. Dans ces conditions, les services publics pourraient tirer ces quartiers vers le haut. Pour l'avoir vécu dans un quartier de l'agglomération clermontoise, je sais que des pôles de services publics de proximité constituent un outil précieux au service de l'intégration mais aussi un point de référence respecté, dans des quartiers où les repères ont tendance à s'estomper. Face à la montée des extrémismes et des intolérances, ils dédramatisent l'accès aux institutions et prouvent que les principes républicains d'égalité et de laïcité valent aussi dans les quartiers.

La reconquête des quartiers par l'Etat républicain prendra du temps mais, compte tenu de l'urgence sociale, elle doit être rapidement perceptible. Dans quels délais l'effort budgétaire en faveur du service public produira-t-il ses effets sur le terrain ?

M. le Ministre délégué - La répartition géographique des administrations, la nature des services et la formation des agents ne sont que très imparfaitement adaptées aux évolutions sociales et démographiques des 25 dernières années. Le rapport Sueur a souligné que le déficit quantitatif et qualitatif des services publics est plus marqué dans les quartiers en difficulté où les violences de plus en plus fréquentes à l'encontre des institutions témoignent d'un rejet des valeurs intégratrices portées par le service public.

Le CIV du 30 juin a décidé de rétablir l'égalité en matière de services publics dans tous les quartiers et cela se fera sentir dès 1999. Ainsi un diagnostic de l'offre de services publics dans tous les quartiers en difficulté sera-t-il entrepris, à partir duquel seront fixés, en concertation avec les intéressés, des objectifs d'amélioration ? L'Etat, les collectivités mais aussi d'autres prestataires de services collectifs y puiseront l'inspiration pour leur action, notamment pour les prochains contrats de ville.

Les crédits consacrés aux services publics dans les quartiers, en augmentation de 32 % en 1999, permettront de financer des réalisations telles que les plates-formes ou les maisons de services publics. Ainsi à Roubaix, une maison des services publics, installée dans un immeuble HLM, que l'on s'apprêtait à démolir accueille treize institutions, ce qui permettra aux habitants d'accomplir toutes leurs démarches en un seul endroit et aux administrations de mieux travailler ensemble. Par ailleurs, une convention sera signée avec la Poste afin de renforcer sa présence et d'adapter ses prestations dans les quartiers en difficulté.

L'égalité devant les services publics sera l'un des axes majeurs de la politique de la ville car le service public doit retrouver sa vocation d'intégration.

Mme Gilberte Marin-Moskovitz - Je me réjouis tout d'abord de pouvoir m'adresser à un ministre de la ville.

Permettre à chacun de redevenir ou de devenir acteur de sa vie, acteur dans son quartier, c'est lui permettre de retrouver sa citoyenneté.

Devant le développement des actes d'incivilité, on crie à l'irresponsabilité et à la démission des parents. Je suis, pour ma part, convaincue que le rôle de la famille est primordial pour le maintien de la cohésion sociale...

M. Maurice Leroy - On en parlera cet après-midi !

Mme Gilberte Marin-Moskovitz - Je souhaite en parler, moi, dans le cadre de la politique de la ville.

On n'apprend pas à être parent, on ne fait jamais que transmettre ce qu'on a reçu soi-même, dans sa propre famille. Si l'école joue bien sûr un rôle essentiel dans l'apprentissage des valeurs républicaines, le rôle des parents est tout aussi important. Il convient donc d'aider ceux qui rencontrent des difficultés avec leurs enfants.

Quelles actions envisagez-vous pour développer la citoyenneté et faciliter l'exercice correct de la fonction parentale ? Pour que la politique de la ville ne soit pas seulement un alibi, aurez-vous, Monsieur le ministre, un pouvoir réel de coordination de tous les ministères concernés, dont celui de la justice au premier chef ?

Comment mobiliserez-vous tous les acteurs de la socialisation afin d'intervenir en amont de la délinquance ? Pour l'avoir expérimenté, je sais que la tâche est difficile mais qu'elle peut être couronnée de succès.

M. le Ministre délégué - Nous avons accordé toute l'attention qu'il mérite au rapport de Mme Gillot sur la famille. Il est en effet essentiel que les parents retrouvent la plénitude de leur rôle. Cela passe par la reconnaissance de leur rôle à l'école, dont ils sont restés trop longtemps à l'écart -la création de salles des parents permettra de combler le fossé qui s'est ainsi creusé entre eux et l'école.

J'ai participé à la conférence de la famille à Matignon et il faut essayer de voir comment les services publics et les municipalités peuvent aider les parents. C'est dans esprit que la délégation interministérielle va signer avec les grandes associations familiales des conventions permettant de prendre des mesures dès l'an prochain. Monsieur Cardo, la justice a toujours la possibilité de prononcer la mise sous tutelle des allocations familiales mais je ne pense pas qu'il soit opportun d'aggraver ainsi les difficultés financières des familles : mieux vaut s'orienter comme nous le faisons vers une action commune avec le mouvement familial si l'on veut que les parents retrouvent leur rôle d'éducateurs.

M. Jean-Luc Warsmann - Les contrats de ville ont eu indéniablement des effets très positifs, mais leur mise en oeuvre s'est trop souvent heurtée à la difficulté de débloquer les fonds, surtout lorsqu'il y avait cofinancement avec le FAS ou le FEDER. Comment comptez-vous faciliter ce déblocage, comme vous l'avez annoncé ?

Enfin, quand, à quel niveau et selon quelles modalités voulez-vous associer les conseils généraux à la relance de la politique de la ville ?

M. le Ministre délégué - Comme je l'ai dit, le comité interministériel du 30 juin a demandé à un groupe de travail présidé par M. Georges Cavallier de présenter en décembre des propositions de simplification, tant pour les procédures administratives que pour le financement. L'idée serait de disposer d'une structure unique, pour éviter toutes les complications que vous avez évoquées. Les conclusions de ce groupe seront communiqués aux commissions concernées qui, si elles le souhaitent, pourront formuler un avis après le Conseil national des villes.

Dès ma nomination, j'ai rencontré les représentants de l'association des présidents de conseils généraux, non pour faire jouer à ceux-ci le rôle de roues de secours mais bien en vue de mieux associer les départements à la politique de la ville. Leurs compétences en matière sociale le justifient pleinement. J'ai donc proposé que, dès l'an prochain, un certain nombre de départements passent des conventions intermédiaires en ce sens et je souhaite que les conseils généraux soient associés aussi bien à l'évaluation des contrats de ville qui s'achèvent qu'à l'élaboration des contrats pour la période 2000-2006. Nous ne voulons pas faire appel à eux seulement pour qu'ils paient la facture : ils doivent être partie prenante de notre action !

M. Maurice Leroy - Cela se fait déjà dans les Hauts-de-Seine !

Mme Odette Grzegrzulka - Il peut sembler paradoxal que je vous interroge sur la politique culturelle dans les quartiers, mais je considère que la culture contribue à tisser des liens sociaux, permettant ainsi à nos concitoyens de se former des repères, de se valoriser, de retrouver une identité -à condition qu'il ne s'agisse pas d'une culture "plaquée", mais d'une culture de proximité, d'une culture participative comme celle que notre rapporteur spécial a promue à Sotteville-lès-Rouen, à travers son initiative exemplaire en faveur des "Arts dans la rue".

Pourquoi, dans les quartiers en difficulté, les équipements culturels, -quand il y en a-, sont-ils toujours des antennes ou des annexes ? Quand aura-t-on le courage d'implanter des équipements centraux dans la périphérie des villes ? Pourquoi les temps forts de toute année culturelle n'ont-ils jamais lieu dans les quartiers ? Je vous défie de me citer une ZUP concernée par la fête du cinéma ou par la journée du patrimoine ! Il est vrai qu'il n'y a là ni salles de cinéma ni monuments historiques...

Il est temps de faire tomber le mur qui sépare la culture "pure" des centres-villes de la culture de seconde zone de la périphérie. Comme le demandait M. Dauge pour la santé, faites sortir les équipements culturels de leur ghetto !

Les habitants des quartiers ont aussi besoin de lieux pour se rencontrer : que ne négociez-vous avec les organismes HLM la mise à disposition de locaux collectifs qui favoriseraient cette culture de proximité bien mieux que les caves maudites ou les abribus dégradés ?

Enfin, comment fonctionnera le fonds pour les initiatives des habitants, créé le 30 juin ? J'ai cru comprendre qu'il ne bénéficierait qu'à dix sites pilotes mais j'ai bien envie de m'écrier : que fleurissent 100 000 sites ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

M. le Ministre délégué - Notre ambition culturelle au service de la politique de la ville consiste à mettre de la vie dans nos villes, en agissant avec et pour les habitants.

La culture n'est pas la cerise sur le gâteau, ni le petit "plus" populaire qui fait plaisir ; c'est une dynamique durable à laquelle les habitants sont associés. Je veux donc, en partenariat avec Catherine Trautmann, en faire un élément fort de ma stratégie contractuelle. Avec le lancement des sites pilotes en particulier, il s'agira de démontrer que la politique culturelle est un atout de la politique de la ville, pour peu qu'on soit à l'écoute de nos quartiers.

Il faut agir avec les habitants. "Le défilé de la biennale" de Lyon illustre parfaitement cette politique : l'organisation d'un grand défilé, dans la tradition des arts de la rue, mobilise tous les quartiers, voire toute l'agglomération, pour bien plus d'une journée. C'est en effet un an de travail, de brassage des générations et des cultures, de création et de solidarité. Il est d'ailleurs révélateur que la région Rhône-Alpes ait cette année refusé toute subvention à cette action...

M. Michel Meylan - Mais vous avez voté avec eux !

M. le Ministre délégué - Vous savez très bien que nous voterons contre tous les projets de cette région car nous n'acceptons pas l'accord entre le Front national et une droite qui perd le sens de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Agir avec, c'est aussi mobiliser les institutions culturelles pour qu'elles sortent de leurs murs : comment ne pas saluer avec enthousiasme, l'initiative de Stanislas Nordey qui, à Saint-Denis, vise à faire du théâtre un lieu ouvert sur la ville ?

Mais il faut aussi agir pour les habitants : la politique culturelle ne doit évidemment pas dénier le droit d'accéder à des spectacles, car cela participe du droit à une vie normale. Il faut une offre suffisamment diversifiée pour attirer les publics et mon action sera donc en parfaite complémentarité avec celle de la ministre de la culture, soucieuse de démocratiser l'accès à la culture.

Notre politique culturelle encouragera les acteurs de terrain à penser leurs projets dans la durée en les intégrant au projet de ville.

Faire sortir la culture de son ghetto, c'est démontrer qu'elle contribue, au-delà du loisir et du spectacle, à créer du lien social, de l'intégration, de la sécurité. Et c'est parce qu'elle génère du beau, parce qu'elle favorise la rencontre et l'échange, qu'elle est un pilier indispensable de la politique de la ville.

Vous avez raison, cette culture doit être une culture de proximité, une culture participative.

En ce qui concerne les opérations "ciné" dans les quartiers, des acteurs de la politique de la ville s'y sont d'ores et déjà engagés : par exemple le Collectif 12 de Mantes-la-Jolie, qui, cet été, a travaillé sur ce thème dans le cadre d'une friche industrielle.

Pour ce qui est des locaux collectifs de bas d'immeubles, nous devons certainement travailler avec les bailleurs sociaux pour aider les associations qui oeuvrent au services de habitants et à l'évidence les actions culturelles peuvent devenir un moyen utile à leur expression.

M. Laurent Cathala - Vous avez à juste titre dénoncé l'amalgame fait, après les manifestations de lycées, entre "casseurs" et jeunes des banlieues. Le danger serait grand d'attiser par de telles généralisations le ressentiment entre groupes sociaux ou entre jeunes et adultes. Or certains médias, dans des reportages parfois tronqués, ont oublié quelque peu la déontologie...

M. Jean-Claude Mignon - C'est le moins qu'on puisse dire !

M. Laurent Cathala - ...présentant tous les jeunes de nos quartiers comme des délinquants ou des voyous.

Il est vrai que la violence urbaine évolue. On ne se contente plus de casser, on vole, pour des raisons économiques, et cela accroît le ressentiment. Comment le Gouvernement entend-il lutter contre des amalgames qui menacent la cohésion sociale ? Comment compte-t-il s'adapter aux nouvelles formes de violence urbaine qui s'apparentent à du sanditisme ? (Murmures sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. le Ministre délégué - Vaste sujet, qui pourrait nous retenir des heures. Trop souvent on essaie de faire l'amalgame entre banlieues et casseurs. Ce fut le cas lors de la dernière manifestation de lycéens. Or une grande majorité des jeunes qui défilaient, notamment de ces jeunes filles qui ont contribué à organiser le mouvement pour réclamer l'école de la réussite, venaient de banlieue. Tout amalgame menace la cohésion sociale, ternit l'image de tous ceux qui n'ont rien à voir avec les casseurs.

La violence exige de l'Etat une réponse forte. Les casseurs doivent être sanctionnés, qu'ils viennent de banlieue ou d'ailleurs. Il n'est pas question de laisser se développer un sentiment d'impunité.

D'autre part, il faut se demander où implanter les forces de sécurité et examiner le déroulement de la carrière des personnels de sécurité. La police doit pouvoir faire la différence entre la grande violence, les casseurs et les jeunes de banlieues. Cela relève d'une pratique quotidienne.

Plus généralement, il nous faut entendre le cri qui s'élevait de cette manifestation. Ces jeunes veulent être acteurs de leur propre vie, s'intégrer dans le société par le travail, et grâce à l'élitisme républicain. Ils savent que pour cela ils ont besoin d'enseignants formés et d'une école de qualité.

Il faut distribuer des cartons rouges et des cartons jaunes. Mais pour faire accepter ces sanctions, il faut aussi montrer aux jeunes que nous travaillons à une société dans laquelle ils trouveront toute leur place (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. le Président - Nous avons terminé les questions. J'appelle le vote sur les crédits du ministère de l'emploi et de la solidarité concernant la vile.

Les crédits inscrits aux titres III et IV de l'état B ainsi que les crédits inscrits aux titres V et VI de l'état C, successivement mis aux voix, sont adoptés.


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CALENDRIER DES TRAVAUX PARLEMENTAIRES

M. le Président - L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au 20 novembre a été fixé en Conférence des présidents. Il sera annexé au compte rendu de cette séance.

Par ailleurs, la Conférence des présidents a décidé, en application de l'article 65-1 du Règlement, que les explications de vote et le vote par scrutin public sur le projet de loi de finances pour 1999 auront lieu le mercredi 18 novembre après les questions au Gouvernement.

La procédure d'examen simplifiée a été engagée sur la proposition de loi relative aux centres de soins infirmiers, gérés par la Mutualité sociale agricole et sur le texte de la CMP du projet relatif aux animaux dangereux, inscrits à l'ordre du jour du matin le jeudi 19 novembre.

La Conférence des présidents propose à l'Assemblée de suspendre ses travaux, en application de l'article 28, alinéa 2, de la Constitution, du 27 décembre 1998 au 17 janvier 1999, du 21 au 28 février et du 11 au 25 avril 1999.

Je constate qu'il n'y a pas d'opposition.

Il en est ainsi décidé.

Prochaine séance, cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 40.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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