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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 23ème jour de séance, 59ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 4 NOVEMBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. Laurent FABIUS

          SOMMAIRE :

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 1

    SITUATION DES RETRAITÉS 1

    ORGANISATION TERRITORIALE DES FORCES DE SÉCURITÉ 2

    CONSEIL DE L'EURO 2

    CONCENTRATION DANS LA PRESSE 3

    MOUVEMENTS DES SANS-PAPIERS 4

    POLITIQUE DU LOGEMENT 4

    GESTION DE L'ÉDUCATION NATIONALE 5

    NON-CONSOMMATION DES CRÉDITS D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE 5

    CYCLONE EN AMÉRIQUE CENTRALE 6

    CONTRATS DE PLAN ÉTAT-RÉGIONS 7

    DURÉE DU TRAVAIL À L'HÔPITAL 7

LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- (suite) 8

La séance est ouverte à quinze heures.


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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

SITUATION DES RETRAITÉS

M. Paul Patriarche - La semaine dernière, lors des questions d'actualité, Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité a caricaturé la situation de 12 millions de retraités. Contrairement à ce que son propos pourrait laisser croire, ceux-ci ne sont pas tous des nantis ! J'en veux pour preuve les manifestations qui, le jeudi précédent, avaient mobilisé 70 000 d'entre eux : cela ne s'était pas vu depuis plus de cinq ans...

Les retraités subissent de plein fouet votre politique, depuis plus d'un an. Au lieu de respecter la promesse que vous aviez faite, au printemps de 1997, de revaloriser leurs pensions, vous les avez ponctionnés en augmentant la CSG, en alourdissant la fiscalité sur l'épargne et en abaissant l'abattement de 8 % sur l'impôt sur le revenu -cette seule mesure a touché 640 000 d'entre eux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et du groupe UDF) Vous avez en outre annulé la réforme, décidée en décembre 1996 par la précédente majorité, qui leur aurait permis de bénéficier d'une diminution du barème.

Le Gouvernement envisage-t-il de répondre à l'inquiétude de ceux qui, au terme d'une vie de labeur, ont droit à la reconnaissance et à la solidarité de la communauté nationale ? Va-t-il s'employer à préserver leur pouvoir d'achat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et du groupe UDF)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Aucun membre du Gouvernement n'a parlé de nantis à propos des retraités -le terme est d'ailleurs plus fréquent dans votre bouche (Exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR) et nous n'avons pas pour habitude, nous, de montrer du doigt telle ou telle catégorie !

Quelle était la situation des retraités à notre arrivée ? Le 1er juillet 1993, vous leur aviez imposé une hausse de 1,3 % de la CSG. Le 1er janvier 1996, vous aviez instauré le RDS. Le 1er août 1996, puis le 1er janvier 1997, vous avez relevé leurs cotisations maladie de 1,2 %.

Qu'avons-nous fait pour notre part ? Nous avons d'abord fait en sorte que les retraites augmentent de 1,2 % en 1999, soit 0,5 % de gain de pouvoir d'achat par rapport à la stricte application de la loi -celle à laquelle vous vous êtes limités pendant quatre ans. En outre, le Premier ministre a décidé de relever le minimum vieillesse de 2 % et d'augmenter les pensions de réversion.

Je conçois que cette réalité vous gêne, et elle tranche en effet avec celle qu'ont vécue les retraités pendant quatre ans. Pour autant, nous ne considérons pas que la question soit réglée et nous préparons donc, avec les représentants des retraités et avec les organisations syndicales, l'année internationale des personnes âgées : nous travaillons dans ce cadre, autour de quatre grands thèmes, à une nouvelle amélioration de leur situation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

ORGANISATION TERRITORIALE DES FORCES DE SÉCURITÉ

M. Jean-Paul Dupré - Le projet de transferts de compétences territoriales et de redéploiement des forces de sécurité publique a suscité, à juste titre, de très vives réactions et le Gouvernement a donc décidé de reprendre les consultations. Nous nous en félicitons mais les inquiétudes subsistent, avivées par certaines déclarations dont nous ne pouvons mesurer le bien-fondé. Il apparaît clairement que la fermeture de centaines de commissariats et de gendarmeries poserait plus de problèmes qu'elle n'en résoudrait. Comme l'a rappelé le Premier ministre, la sécurité est un droit et l'insécurité une injustice. Le droit doit être partout garanti également à nos concitoyens : la réforme annoncée n'y tendait pas. La loi du 21 janvier 1995 et le décret de septembre 1996 ne sont pas adaptés à la réalité : tous ici, de droite ou de gauche, doivent en convenir et refuser d'en faire le socle d'un projet qui ne répond pas aux besoins de notre territoire.

Monsieur le ministre de l'intérieur par intérim, quelles sont vos intentions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim - Cette question de la répartition des zones de sécurité entre la police nationale et la gendarmerie a fait l'objet d'un rapport de MM. Carraz et Hyest, puis de propositions du conseil de sécurité intérieure. Celles-ci ont en effet suscité des réactions, à l'échelon local comme à l'échelon national, réactions dont vous vous êtes fait l'écho auprès de moi en ce qui concerne l'Aude. Je vous confirme que le Gouvernement a décidé de confier une mission d'expertise et de concertation à M. Fougier, conseiller d'Etat et ancien préfet de police. Celui-ci se rendra dans toutes les régions d'ici à la fin de l'année -il en a déjà visité cinq- pour dresser l'état des lieux. Comme l'a fermement indiqué le Premier ministre lorsqu'il s'est rendu en Seine-et-Marne, aucune décision n'est prise pour l'heure : la concertation est réelle. Nous ne trancherons qu'après avoir entendu les élus et les organisations professionnelles et syndicales, et nous prendrons en considération le besoin de sécurité tel qu'il s'exprime. Il faut une organisation mieux adaptée de nos forces de sécurité, mais nous entendons bien prendre en compte les exigences de l'aménagement du territoire et, spécialement, celles des petites villes et des zones rurales. Comme vous l'avez dit, la sécurité doit être garantie partout, à tous également (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

CONSEIL DE L'EURO

M. Alain Barrau - A quelques mois de la mise en place de l'euro a été installé le conseil de l'euro. Il y a peu, certains se montraient dubitatifs à son sujet mais, pour nous, c'est l'embryon d'un gouvernement économique de l'Europe. Qu'en est-il, Monsieur le ministre de l'économie et des finances ?

D'autre part, votre homologue britannique vient d'annoncer le lancement d'un plan national de transition vers l'euro. Le nouveau Chancelier allemand a salué cette décision : quel est votre sentiment sur une mesure qui, me semble-t-il, conforte la place de l'euro au sein du système monétaire international ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Le conseil de l'euro a été mis en place grâce à l'action menée par la France depuis la réunion d'Amsterdam : nous étions convaincus qu'il fallait une instance permettant aux ministres de l'économie et des finances de la zone euro de piloter la politique économique européenne. Si nous voulons la croissance, si nous voulons combattre le chômage, il faut que nous agissions ensemble. Si certains étaient en effet sceptiques au départ, l'intérêt de ce conseil est maintenant reconnu par tous et j'en veux pour preuve que c'est en son sein que sont prises aujourd'hui toutes les décisions importantes.

Cela n'est sans doute pas sans lien avec le fait que des gouvernements qui s'étaient jusqu'ici tenus volontairement à l'écart de l'euro, souhaitent aujourd'hui y participer. Je me félicite ainsi du pas qu'a décidé de faire la Grande-Bretagne dans ce sens, même si aucune date n'a été donnée : plus nous serons nombreux dans cette zone euro, plus s'étendra la zone de stabilité déjà créée et mieux nous maîtriserons notre avenir. Nous accueillerons volontiers nos amis britanniques, aussitôt que possible. Et nous, Français, avons toutes raisons d'être fiers d'avoir contribué à la création de cet instrument qui démontre chaque jour sa nécessité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

CONCENTRATION DANS LA PRESSE

M. Bernard Roman - Il y a quelques jours, le groupe belge Rossel, détenu à 40 % par le groupe Hersant, annonçait qu'il prenait des intérêts dans la société de presse Voix du Nord -et ce à hauteur de 38 %. Or Voix du Nord détient déjà tout ou partie du capital de la plupart des titres de la grande région Nord. L'annonce est donc doublement inquiétante. En premier lieu, la loi de 1986 limite expressément à 20 % la participation d'intérêts étrangers dans le capital de publications françaises.

Les seules exceptions prévues à l'article 7 concernent les entreprises assimilables aux entreprises nationales et celles des pays avec lesquels nous avons conclu des accords de réciprocité. Ce n'est pas, à ma connaissance, le cas de la Belgique.

Cet événement traduit également la poursuite du mouvement de concentration qui affecte notre presse régionale et qui a bien entendu des conséquences sur l'indépendance des titres, sur leur pérennité et sur l'emploi.

Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour que de tels accords soient compatibles avec l'indépendance politique et financière de nos titres régionaux, indispensable à la préservation du pluralisme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication - La presse écrite participe à notre vie démocratique en assurant l'information des citoyens. Elle connaît aujourd'hui des mutations économiques profondes, liées à la concurrence de la radio et de la télévision, à la multiplication des titres et au développement de la presse spécialisée. Sous-financée, elle ne dispose pas des moyens nécessaires pour s'adapter aux mutations technologiques et est particulièrement fragile aux changements dans la structure de son capital.

Le cas du Midi libre, où un bouleversement d'alliance au sein du conseil d'administration a conduit à un changement de présidence, et celui de La Voix du Nord, où le désaccord des actionnaires a favorisé l'arrivée d'un nouvel actionnaire de référence, illustrent cette situation.

Je partage votre analyse, Monsieur le député. La loi de 1983 doit être respectée et le Gouvernement s'y emploiera.

Des réformes plus vastes sont également nécessaires pour augmenter l'efficacité économique des entreprises de presse et pour garantir une plus grande transparence des opérations financières les affectant.

Pour maintenir une indépendance éditoriale durable, le Gouvernement soutient les structures de gestion collective formées par association volontaire en titres. Elles favorisent en effet des économies d'échelle sans compromettre l'indépendance de chaque titre.

Votre assemblée a, en outre, et je l'en remercie, mis en place un fonds de modernisation de la presse dont le décret d'attribution est actuellement soumis au Conseil d'Etat. Il permettra notamment de financer le développement de la presse électronique.

En étroite collaboration avec le secrétaire d'Etat à l'industrie, j'ai également souhaité diminuer le coût du portage par la Poste pour favoriser les abonnements. Nous prolongeons ainsi la démarche engagée avec les accords Galmot.

Plusieurs députés RPR, UDF et DL - C'est trop long !

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication - Quel dommage que vous ne m'écoutiez pas, je suis en train de rendre hommage au précédent gouvernement...

Je souhaite accroître la transparence des opérations financières concernant la presse en modifiant la loi de 1986. Les cessions de parts indirectes devraient être soumises aux même règles que les cessions directes (Brouhaha, "C'est trop long !" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. le Président - Madame la ministre, nous allons écouter attentivement votre conclusion.

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication - Il faut également améliorer le dispositif anti-concentration, afin d'empêcher des pratiques qui portent atteinte au pluralisme (Mêmes mouvements).

Je regrette que vous soyez aussi peu attentifs à l'indépendance des titres français, qui conditionne pourtant le bon fonctionnement de notre démocratie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

MOUVEMENTS DES SANS-PAPIERS

M. Bernard Outin - Au Havre, à Bordeaux, à Lille, à Orléans, à Perpignan, à Limeil-Brévannes des étrangers sans papiers mènent une grève de la faim qui les met en grand danger. Régler cette situation est un devoir humanitaire.

Un député RPR - Renvoyez-les chez eux !

M. Bernard Outin - Après le rejet de leurs dossiers de régularisation, ils ne peuvent plus espérer une vie normale en France. On ne saurait accepter qu'ils retournent dans la clandestinité. Le bon sens et l'humanité appellent la reprise du dialogue avec ces personnes qui ont vocation à vivre, dans la légalité, en France.

Monsieur le ministre de l'intérieur par intérim, quelles mesures le Gouvernement va-t-il prendre pour régler cette situation inacceptable ?

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim - Le Gouvernement a défini dès juin 1997 un dispositif de régularisation pour les étrangers se trouvant en situation irrégulière sur notre sol. Des critères de régularisation, inspirés du travail de la commission consultative des droits de l'homme, ont été fixés et il n'y a pas de droit automatique au séjour pour tous les étrangers.

Un député RPR - Alors expulsez-les !

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim - 140 000 demandes ont été examinées et 83 000 étrangers ont été régularisés. Des recours ont été déposés, 80 % des recours gracieux et 50 % des recours hiérarchiques ont déjà été étudiés. Des étrangers demeurent sans titre de séjour et ont entrepris de mener les actions que vous évoquez. Chaque cas a pourtant été examiné attentivement, les recours permettant de reconsidérer les situations au regard des critères de régularisation précisés par M. Chevènement dans deux circulaire d'août.

Mme Aubry a communiqué ce matin au conseil des ministres son projet de contrat de réinsertion dans le pays d'origine destiné en particulier aux ressortissants du Mali, du Sénégal et du Maroc. C'est une démarche positive encourageant le retour des étrangers et le développement des pays d'émigration. Il faut la soutenir au lieu d'encourager les étrangers à entreprendre des actions sans issue qui mettent en danger leur intégrité physique.

POLITIQUE DU LOGEMENT

M. Gilbert Meyer - Monsieur le secrétaire d'Etat au logement, en présentant votre budget pour 1998 vous vous étiez engagé à construire 80 000 logements sociaux.

Selon le Moniteur du 25 septembre dernier, seuls 10 596 logements ont été construits au cours des huit derniers mois. 25 000 seront donc construits au mieux cette année, soit moins du tiers du nombre que vous promettiez à la représentation nationale.

68 800 logements ont été construits en 1996 et 59 900 en 1997. 25 000 pour 1998 serait un niveau qui n'avait pas été atteint depuis 1953 et l'hiver 1953-1954 était celui de l'appel de l'abbé Pierre ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Ce triste record coïncide avec le vote de votre loi contre les exclusions. Quelles mesures d'urgence envisagez-vous en 1999 avec une année aussi noire !

Cette question a déjà été évoquée lors de la discussion de votre budget, mais permettez-moi d'en renforcer l'écho.

M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement - Je vous donne acte que vous m'avez annoncé cette question ce matin, lors du débat budgétaire. Vous avez donc souhaité que la réponse soit télévisée.

Puisque vous parlez d'années noires, le niveau le plus bas de constructions sociales a été effectivement atteint en 1996-97. Le logement social s'avère être le maillon le plus faible de la chaîne du logement.

Avec M. Gayssot, nous lui avons donné la priorité dans le budget, avec 80 000 logements financés en 1998 contre 65 000 précédemment ; pour 35 000 d'entre eux, la TVA a été abaissée à 5,5 % et l'aide à la pierre rétablie.

Le dialogue avec les organismes du logement social a cependant mis en évidence des difficultés que nous avons essayé de prendre en compte une à une par des mesures appropriées : baisse d'une demi-part des taux d'intérêt en juin dernier ; relèvement de 10 % des plafonds de ressources en juillet ; accord conclu en août avec les collecteurs du 1 % pour réaffecter 4,5 milliards au logement locatif social en 1999 -en 1998, ils sont encore soumis au prélèvement de 7 milliards pour financer le prêt à taux zéro.

Ces mesures sont récentes, nous espérons en voir les effets positifs en 1999. Nous poursuivons le dialogue avec les organismes HLM pour envisager d'autres améliorations.

Mais le logement social n'est pas seulement l'affaire de l'Etat et des organismes HLM : ceux-ci se plaignent souvent du mauvais accueil qu'ils reçoivent dans trop de communes et qui conduit à des déséquilibres de peuplement ("Très bien" ! sur les bancs du groupe communiste). Il nous faut convaincre les communes de s'y mettre toutes. La loi d'orientation sur la ville y contribuera, mais les parlementaires peuvent, eux aussi, nous y aider dans leur conscription. Je suppose que si vous posez cette question, c'est que vous êtes prêt à contribuer à susciter cet élan et je vous en remercie par avance (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

GESTION DE L'ÉDUCATION NATIONALE

Mme Marie-Jo Zimmermann - Monsieur le ministre de l'éducation nationale, nous avons le sentiment qu'il y a en vous deux ministres, celui qui parle et celui qui gère ; le second a visiblement du mal à entendre le premier.

En l'espace d'une semaine, vous changez les programmes et les emplois du temps, vous supprimez des chapitres dans certaines matières, vous allégez, vous coupez, vous éliminez ! Sans aucune concertation, vous mettez recteurs, inspecteurs et enseignants devant le fait accompli ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Vous gérez l'éducation nationale dans la confusion et l'improvisation, sous la pression des événements. Les lycéens ont repris les cours, mais ils seront demain à nouveau dans la rue car les vrais problèmes ne sont pas réglés. Quand comptez-vous gérer sérieusement l'éducation nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - Je suis heureux que vous vous souciez de la gestion de l'éducation nationale, qui n'a pas été gérée pendant les quatre années où la droite était au pouvoir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; vives protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Nous remettons de l'ordre dans cette maison et d'ailleurs bon nombre d'entre vous l'ont reconnu (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Toutes les mesures prises ont été annoncées quand nous avons présenté la réforme des lycées. L'allégement des programmes a été réalisé avec les associations de spécialistes, le but étant de faire appel à l'intelligence des élèves plutôt qu'à les gaver comme des oies (Rires sur divers bancs) et de se concentrer sur les savoirs fondamentaux.

Ce que l'opposition n'a pas su faire en quatre ans, nous le ferons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

NON-CONSOMMATION DES CRÉDITS D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

M. Yves Deniaud - En matière d'aménagement du territoire, une sous-consommation importante des crédits tant nationaux qu'européens est régulièrement observée. Or 1999 est une année cruciale car les fonds structurels européens vont être réformés. Notre sous-consommation des crédits compromet d'avance nos chances d'obtenir des dotations substantielles conformes aux besoins de nos régions.

Tous les services concernés devraient s'activer pour susciter et soutenir des projets sur le terrain, or ce n'est pas le cas. On nous annonce déjà une baisse de 20 % de l'enveloppe destinée à la France.

Madame la ministre, vous prônez un aménagement du territoire harmonieux. Expliquez-nous pourquoi, alors que les initiatives et projets foisonnent sur le terrain et que les financements existent, le Gouvernement ne prend pas les mesures nécessaires pour qu'ils se réalisent. Serait-ce que tout aménagement du territoire risquerait de mettre en péril l'environnement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - La parole est à Mme Dominique Voynet, ministre... (Les députés RPR, UDF et DL chantent en choeur "Happy birthday to you !")

M. le Président - S'il vous plaît, mes chers collègues... Je vois que vous avez bien récupéré après cette longue nuit ! Mais si vous avez un message d'amitié à faire passer à Mme Voynet, faites-le par écrit ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)

Mme Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - J'imagine quand même que vous vous y associez de bon coeur, Monsieur le Président ? (Rires et applaudissements sur divers bancs )

M. le Président - Dans le respect de la dignité du Parlement, de très bon coeur ! (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)

Mme Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - Monsieur le député, je m'associe volontiers à votre constat. La France souffre effectivement d'une sous-consommation des crédits nationaux et européens inscrits notamment dans les contrats de plan.

C'est une vieille maladie, due pour partie à la lourdeur des procédures de délégation, de gestion et de contrôle des fonds sur le terrain : nous sommes en train de les réviser et de les alléger, pour éviter des tracasseries incompatibles avec la dynamique locale.

Mais le phénomène s'explique aussi par le caractère pluriannuel des programmes : la montée en puissance est plutôt lente et souvent des sommes importantes sont liquidées en fin de programme

Nous procédons actuellement à une évaluation quantitative, mais aussi qualitative, des projets réalisés dans le cadre des programmes européens et des contrats de plan, et parallèlement à la rénovation des outils de gestion et à la révision des critères d'utilisation de certains fonds.

Une évaluation purement financière ne permet pas de mesurer l'impact sur le terrain des réalisations en termes de création d'emplois et d'aménagement équilibré du territoire. Une approche plus qualitative est nécessaire pour que le contenu des prochains contrats de plan et des prochains programmes européens tienne mieux compte de nos priorités, l'emploi et le développement durables. (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste)

CYCLONE EN AMÉRIQUE CENTRALE

M. Georges Sarre - Depuis quelques jours, plusieurs pays d'Amérique centrale sont ravagés par le cyclone Mitch, qui aurait fait plus de 19 000 morts et 14 000 disparus. Inondations et glissements de terrain ont englouti des villages entiers, détruit les infrastructures et la majeure partie de la production agricole. Plus de 2,5 millions de personnes sont sinistrées et les épidémies menacent. Au Nicaragua, 75 000 mines antipersonnel ont été dispersées par les crues, rendant dangereuses des zones entières.

Face à cette situation dramatique, je salue la rapide mobilisation internationale. La France a dépêché sur place 23 spécialistes, dont 9 médecins. C'est un premier pas. Quelles autres actions d'urgence la France va-t-elle entreprendre ?

Par ailleurs, une coopération à long terme s'impose : en une nuit, ces pays ont reculé de 30 ans ! Quelles initiatives le Gouvernement va-t-il prendre pour mobiliser ses partenaires européens et la communauté internationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste)

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Le cyclone Mitch a fait 25 000 morts et disparus et les conséquences économiques sont tragiques, avec 70 % des récoltes dévastées, tous les bâtiments soufflés. Le Honduras et le Nicaragua sont les plus touchés. Sur le Guatemala et le Salvador, nous attendons des estimations plus précises pour décider de notre action.

Dès dimanche le secrétaire d'Etat aux DOM-TOM a envoyé 20 personnels spécialisés depuis les Antilles. Dans les 24 heures à venir, nous allons envoyer 140 autres personnels spécialisés et 50 tonnes de matériel d'urgence.

Bien sûr, il faut voir plus loin. Dans quelques jours, le Président de la République se rendra au Mexique puis au Guatemala pour un sommet régional. Dans les circonstances présentes, son voyage aura aussi un aspect humanitaire.

Nous sommes en contact avec nos partenaires européens. Dans le cadre du programme ECHO 150 000 écus ont été débloqués. La coordination se met en place à l'ONU pour élaborer un plan de reconstruction auquel nous participerons (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

CONTRATS DE PLAN ÉTAT-RÉGIONS

M. Guy Hascoët - Ma question s'adresse à Mme Voynet (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Une fois n'est pas coutume...

Nous allons examiner les crédits de votre ministère. En janvier prochain, nous débattrons de votre projet de loi sur l'aménagement durable du territoire. En même temps, l'Etat et les régions engageront les discussions sur les contrats de plan.

Quant et comment entendez-vous organiser la concertation sur ces contrats ? Comment le concept de développement durable y figurera-t-il ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV)

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - Le précédent gouvernement avait prolongé d'un an les contrats de plan en cours pour des raisons financières. Il s'agissait aussi de les aligner sur l'Agenda 2000 européen. Nous avons donc une année de plus pour préparer les prochains contrats, réviser et modifier les zonages et négocier les prochains fonds structurels européens.

Avant la fin de l'année, l'Etat aura élaboré ses propositions aux régions. Un CIAT rappellera ses priorités ainsi que le périmètre de contractualisation. Puis les préfets de région animeront une phase de consultation pendant quatre mois, avant que ne débute la négociation proprement dite au second semestre. Ce travail préparatoire est d'autant plus nécessaire que beaucoup de régions ont engagé le débat localement, ce qui permettra de faire remonter les projets. A la fin du premier semestre, on arrêtera les mandats de négociation des préfets et les cadrages financiers par région et par grand projet.

La négociation proprement dite n'aura pas lieu avant les élections européennes. La date de signature des contrats reste bien fixée au 1er janvier 2000.

Nous menons une évaluation des contrats en cours afin d'orienter les prochains vers les secteurs les plus porteurs pour l'emploi, la solidarité sociale, le développement durable et le développement local (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

DURÉE DU TRAVAIL À L'HÔPITAL

M. Léonce Deprez - Madame le ministre des affaires sociales, les milieux professionnels hospitaliers sont très inquiets. Le 31 mars 1998, vous avez annoncé un bilan sur la durée du travail dans la fonction publique hospitalière ainsi qu'un rapport au Parlement. Pouvez-vous nous éclairer à cet égard ? Avez-vous pu répondre aux gestionnaires des établissements parapublics qui se préoccupent de savoir comment répercuter dans leur budget 1999 le coût des heures supplémentaires entre 35 et 39 heures ? Cela représente 16,6 % d'augmentation. Apaisez nos craintes de voir la loi des 35 heures se traduire dans les hôpitaux parapublics par des réductions d'effectifs (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et sur quelques bancs du groupe du RPR).

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé - Je souhaite effectivement apaiser vos craintes. Dans les établissements privés faisant partie ou non du service public, la négociation va son train et il n'est pas question que la réduction du temps de travail y aboutisse à une diminution des effectifs, au contraire. Par exemple, dans les hôpitaux publics, le passage aux 35 heures de nuit s'est accompagné d'une augmentation de personnel.

Il n'y a pas de rapport à remettre au Parlement. M. Zuccarelli a chargé M. Jacques Roché d'étudier la réduction du temps de travail dans les fonctions publiques, qui ne sont pas concernés par la loi du 13 juin 1998. Le document sera remis à la fin de l'année et sur cette base les négociations commenceront dans chaque établissement. Car il s'agira toujours de négociations particulières, les situations étant différentes. Bien entendu, il y aura compensation. Nous avons prévu une augmentation des crédits de 2,5 % alors qu'elle était de 1,7 % quand nous sommes arrivés au Gouvernement (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 10, sous la présidence de M. Cochet.

PRÉSIDENCE DE M. Yves COCHET

vice-président


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LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999.


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LOGEMENT (suite)

Mme Marie-Hélène Aubert - Le budget du logement augmente dans la même proportion que celui de l'Etat, soit 2,2 % en moyens de paiement, pour atteindre plus de 49 milliards. Il permet ainsi d'atteindre l'objectif d'amélioration sociale du logement. Comme nous, vous souhaitez favoriser l'accès au logement social des ménages les plus modestes, diversifier et améliorer l'offre de logement, soutenir la reprise dans le secteur de la construction.

Votre politique du logement s'inscrit dans une vision globale de la ville, de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire qui nous satisfait. La lutte contre les exclusions passe par l'accès et le maintien au logement, droit imprescriptible qui doit être garanti à tous. La loi votée l'an dernier vous permettra d'agir dans ce sens. Nous tenons à ce que ses décrets d'application soient publiés avant la fin de l'année.

Ne pas être exclu commence par la possibilité de garder ou d'acquérir un logement décent. Sur ce point, le fonds de solidarité logement joue un rôle considérable, d'autant mieux que vous le dotez de 490 millions, soit une hausse de 44 %. Prévenir les expulsions est un moyen de solvabiliser les ménages en grande difficulté.

Votre budget permettra un meilleur suivi des situations d'exclusion, en offrant les moyens d'agir plus rapidement et de façon plus individualisée. Les aides supplémentaires que vous dégagez en faveur des associations et des CCAS vont dans ce sens.

Vous inscrivez des crédits pour financer 80 000 PLA. C'est mieux que l'an dernier, mais encore insuffisant. De plus, combien de logements seront-ils réellement construits ? Rappelons que 13 millions de personnes vivent dans le logement social. Votre action profite principalement à l'habitat urbain où l'urgence est grande en effet. Mais nous aimerions voir prendre corps une véritable politique de sauvegarde de l'habitat rural ancien. Or notre système de financement continue à privilégier la construction de logement neuf. Nous souhaitons donc que ceux qui ont choisi d'acquérir ou de louer un logement ancien bénéficient d'avantages aussi incitatifs que pour la construction neuve. Déjà, faisons mieux connaître et coordonnons mieux les dispositifs existants pour la préservation ou la réhabilitation du petit patrimoine bâti en milieu rural.

Nous voulons également faire des propositions concrètes pour promouvoir la qualité environnementale de la construction. Nous souhaiterions engager un vrai débat sur cette notion, et sur celles de développement durable. Préserver les ressources naturelles en satisfaisant aux exigences de confort, de santé et de qualité de vie peuvent être aussi des objectifs de votre budget. Une vision écologique de la construction peut favoriser la création d'emplois qualifiés, la promotion de savoir-faire professionnel, l'organisation de filières de valorisation des matériaux, comme le bois, et de technologies peu ou non polluantes, l'utilisation de produits non toxiques et non allergisants. Je reconnais que c'est là un dossier transversal qui touche de nombreux ministères ; mais le cas de l'amiante doit impérativement servir de leçon.

Autre axe de votre politique, la solvabilisation des ménages : la revalorisation des barèmes emporte notre soutien. Agir au plus près des réalités individuelles est la seule voie efficace. Dans cet esprit, la rebudgétisation du prêt à 0 % permettra d'offrir 110 000 prêts nouveaux par an alors que le dispositif était voué à disparaître. Ce dispositif, qui préserve la facilité accordée aux ménages défavorisés pour prétendre à l'accession, permet en outre de rendre au 1 % sa vocation initiale qui est d'abord de favoriser les opérations HLM.

Le troisième axe de votre politique, relatif au secteur de la construction, peut favoriser son activité. La suppression programmée sur cinq ans de la taxe professionnelle sur les salaires lui donnera assurément les moyens d'embaucher, au moins de ne pas licencier. Cette mesure, financée par le contribuable, doit produire des effets sociaux certains. Nous serons vigilants sur la différence entre aides et cadeaux. La contrepartie sociale est impérative.

Votre budget logement a ceci de neuf, qu'il inscrit les questions du logement dans un contexte global, incluant l'aménagement du territoire, la lutte contre les exclusions et la politique de la ville. C'est pourquoi nous le voterons, en espérant toutefois qu'il ne se limite pas à des effets d'annonce, que les objectifs seront réellement mis en oeuvre et que l'on ira plus loin sur les aspects qualitatifs du logement (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Daniel Marcovitch - La dernière fois que je me suis adressé à vous, Monsieur le ministre, du haut de cette tribune, c'était à l'occasion de la loi contre les exclusions. Depuis nous avons voté des mesures importantes qui ont renforcé le droit au logement. Votre budget pour 1999 en est fortement marqué. Qu'il s'agisse des aides personnelles au logement ou du fonds de solidarité logement, qui augmente de 44 %, des efforts significatifs sont en outre entrepris vers les ménages les plus modestes, et je souhaitais d'abord saluer ces efforts.

Je vous félicite particulièrement pour la solution que vous avez su trouver à cette bombe à retardement, posée par le gouvernement précédent : la budgétisation du 1 % patronal et le détournement de ses ressources, de leur destination première, le financement du parc social locatif, vers celui du prêt à taux zéro des non-salariés. Nous y reviendrons à propos du futur projet sur le 1 %, mais force m'est de faire un parallèle entre cette question du 1 % et la "tempête dans un verre d'eau" autour de la TGAP. Les mêmes qui, lorsqu'ils sont au gouvernement, budgétisent le 1 %, sonnent l'alarme une fois dans l'opposition, sur le risque de budgétisation des taxes sur l'eau : deux poids, deux mesures... En tout cas, ce gouvernement assume ses choix dans son budget ; il le prouve ici en rebudgétisant et en pérennisant le prêt à taux zéro et en restituant progressivement le 1 % patronal au financement du logement social.

Autre innovation marquante de ce budget, bien qu'elle figure dans un article non rattaché de la partie recettes de la loi de finances : le nouveau dispositif fiscal en faveur des bailleurs privés, qui porte déjà votre nom. Il maintiendra une incitation forte pour l'activité du bâtiment et un certain avantage fiscal, mais avec une contrepartie sociale : un conventionnement sur neuf ans, qui permettra de développer, dans l'ancien notamment, un parc intermédiaire entre le PLA et le PLI qui fait souvent défaut. De plus, les bailleurs privés conventionnés bénéficieront d'une sécurité renforcée par le versement direct de l'allocation logement et des garanties de loyers au travers du 1 %. Reste cependant posé le problème de la sortie de ce conventionnement.

S'y ajoutent l'extension du taux réduit de TVA aux travaux subventionnés par l'ANAH et le doublement du crédit d'impôt pour travaux d'entretien dans les logements privés. Je rappelle notre volonté de voir le Gouvernement défendre la proposition d'un taux de TVA réduit pour l'ensemble des travaux d'amélioration et d'entretien dans ses négociations avec la Commission européenne.

Ces mesures méritent l'accueil chaleureux qu'elles ont reçu de la part des professionnels, et sauront susciter, je l'espère, le même sentiment chez les propriétaires. Néanmoins, tout cela n'apporte qu'une réponse partielle à un problème trop peu traité : celui de l'habitat dégradé. Il a été bien posé lors de la conférence nationale que vous avez organisée en juin. Bien qu'on ignore l'ampleur exacte du parc concerné, je constate, dans ma circonscription, que le phénomène se propage. En quelques années, un îlot entier peut être concerné. Les conséquences en sont connues : outre le développement de l'insalubrité et des maladies qui l'accompagnent, l'abandon offre un terreau favorable aux squats et aux marchands de sommeil, détruisant la mixité sociale et renforçant l'insécurité. A l'origine, il y a toujours la défaillance d'un ou de plusieurs copropriétaires ou du syndic, qui rend la copropriété incapable de réagir aux premiers signes de délabrement ; rapidement ils s'accumulent et la situation devient irrémédiable.

C'est cette absence de responsabilité qui rend peu efficace le dispositif que vous nous proposez et qui s'appuie sur un propriétaire volontaire. Le futur projet sur l'habitat et l'urbanisme devra proposer des solutions face à l'insalubrité. D'ores et déjà, je vous propose deux pistes de réflexion. Tout d'abord, réformer la loi du 10 juillet 1965 qui régit les copropriétés, pour une meilleure formation des membres des conseils syndicaux et un plus grand contrôle des cabinets de syndics, devrait simplifier et rendre plus transparente la gestion des copropriétés. Ensuite, il faut revoir les modalités de l'intervention publique, notamment en réactualisant la loi Vivien du 10 juillet 1970, au regard du nouveau contexte qui entoure ce phénomène, comme l'instabilité des propriétaires, mais aussi pour une action plus ciblée en direction du diffus, la démolition ne devant constituer qu'une solution extrême. Ainsi devra être poursuivie la lutte contre le saturnisme, engagée dans la loi contre l'exclusion, en se rappelant tout de même que l'humidité et l'insalubrité font souvent plus de victimes que le saturnisme.

Je veux relever les efforts entrepris dans ce budget, puisque 80 000 logements seront réhabilités grâce aux crédits débloqués. Néanmoins, il s'agit d'un budget de transition, qui permet de solder les errements du gouvernement précédent. A nous d'engager de nouveaux chantiers. Je sais que vous irez dans cette voie. En attendant, je voterai ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Balligand - Les décisions du Gouvernement pour mieux répondre aux besoins de nos concitoyens sont très souvent mises en oeuvre avec des délais trop longs. En matière de logement, cela a des incidences directes sur le quotidien des familles concernées, et indirectes quand cette situation contribue aux difficultés des organismes HLM pour construire de nouveaux logements.

La baisse du taux de l'épargne administrée, décidée en juin dernier, a entraîné la baisse du taux des prêts aux organismes HLM, ce qui a permis de baisser les loyers. Nombreuses sont les familles qui attendent de bénéficier de cette baisse.

Mais cela ne concerne pas tous les locataires HLM. La mesure permet de sortir des taux à 4,3 % pour les prêts logements adossés au livret A, mais pour d'autres types de prêts -comme les prêts CGLS au taux de 5,6 %, ou d'autres à 5,4 %- le ministère des finances n'a toujours pas autorisé la Caisse des dépôts à les réaménager. Tous les organismes sont concernés, à des degrés divers, pour un total d'une centaine de milliards d'encours. Dans ces logements, les locataires attendent toujours la baisse des loyers.

Autre sujet d'inquiétude : un ambitieux programme de démolition reconstruction a été annoncée au comité interministériel des villes de juin avec une enveloppe de 10 milliards de crédits sur les fonds d'épargne pour des prêts à 3,8 %. La lourdeur du travail interministériel fait qu'il a fallu plusieurs mois pour publier la circulaire d'application. Nombre d'organismes HLM qui ont mis au point de telles opérations, avec le soutien des collectivités locales, attendaient l'arme au pied pour pouvoir les engager.

Quant à la circulaire sur l'utilisation de l'autre enveloppe de 10 milliards de prêts sur fonds d'épargne, également destinés aux opérations de renouvellement urbain, il ne faudrait pas que son retard traduise en fait une attitude frileuse de l'Etat sur la démolition. Les organismes HLM ont besoin de pouvoir faire respirer leurs parcs de logements sociaux. Certains ne sont plus adaptés aux besoins des bassins d'habitat ; pour d'autres la réhabilitation n'a pas de sens économique, car la valeur marchande de certains programmes est quasi nulle. La démolition sans reconstruction sur le même site peut être nécessaire pour mener une réelle politique de renouvellement urbain, mais il faut souvent l'expliquer aux préfets.

Enfin, j'appelle votre attention sur un point important. Tous nos dispositifs ont été profondément modifiés, il y a trois ou quatre ans. Jusqu'à la crise immobilière, le logement social était soumis à deux contraintes : les plafonds de loyer et les plafonds de ressources des futurs locataires. Depuis cette crise, ils sont soumis à une troisième contrainte, l'état du marché. C'est un fait nouveau : créée dans un climat de pénurie, la politique de logement social avait pour but d'offrir aux personnes à ressources faibles, voire moyennes, des prestations correctes de logement grâce à des subventions publiques ; on se situait clairement hors marché. Aujourd'hui il n'y a plus de pénurie globale de logements sociaux, mais plutôt des tensions de la demande sur certaines zones géographiques. Les organismes de logement social sont désormais soumis à la concurrence, pour la construction neuve comme pour la gestion du parc existant.

Devant cette situation, est-il raisonnable d'appliquer partout les mêmes règles de financement, de normes qualitatives, d'organisation des programmes de construction ? Cessons de vivre sur le mythe d'une France unique, où une seule et même règle s'applique à tous ("Très bien !" et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Il faudrait aussi penser à assouplir les règles de financement des programmes de logements ; le cloisonnement des financements entre le secteur privé et le secteur public ne permet pas de réaliser sur un même site de véritables opérations de mixité sociale. Pour faire de la ville, il faut pouvoir combiner sur un même site des financements PLA et des financements privés, car la mixité des financements rendra effective la mixité sociale et bien sûr la mixité des fonctions qui font la ville (Approbation sur divers bancs).

Les efforts de ce budget pour le financement du logement social se traduiront par un réel développement de la construction de logements sociaux seulement si l'on assouplit les règles de financement et de programmation. Sans quoi nous devrons déplorer la mauvaise consommation des crédits en fin d'exercice ! Et cela non par pénurie de crédits, mais à cause de la non-utilisation des PLA pour les organismes HLM.

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial  - C'est aussi parce que les maires n'offrent pas de terrains.

M. Jean-Pierre Balligand - Ces rigidités ont de graves conséquences tant pour les locataires, et ceux qui voudraient le devenir, que pour les organismes. Il faut encourager ceux-ci à construire, dans un cadre renouvelé, sous peine de connaître à brève échéance une pénurie de ces logements (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Guy Lengagne - Ce budget montre la volonté du Gouvernement, et la vôtre, Monsieur le secrétaire d'Etat, de faire du logement, et du logement social en particulier, une priorité. Il démontre également la parfaite connaissance du domaine dont vous avez la responsabilité. Cependant, je ne puis que partager l'inquiétude du rapporteur spécial devant l'insuffisante consommation des crédits destinés au logement locatif social. Aux explications déjà données de cette situation, j'en ajouterai d'autres, à la lumière de mon expérience de maire et de président d'un office : l'aménagement urbain est une tâche délicate ; les exigences quant à la qualité du logement sont de plus en plus élevées ; les quartiers dits difficiles sont presque toujours des quartiers HLM ; enfin, les organismes sont souvent dans des situations financières très tendues.

Pour les opérations de démolition-reconstruction, nous disposons de crédits non négligeables mais certains offices, tels que le mien, manquent de logements vacants pour reloger préalablement les familles. Je ne saurais donc partager l'analyse de M. Balligand : pour 6 000 logements, je recense 1 600 demandes en attente !

Faute de pouvoir reloger, il faudrait trouver des terrains nouveaux -si l'on peut, ce qui n'est pas mon cas non plus. Mais supposons qu'on y parvienne : on se heurte alors au problème d'un aménagement harmonieux et, surtout, à celui de l'équilibre financier. En effet, les emprunts souscrits pour la construction ou pour les PALULOS ne sont en général pas totalement remboursés...

D'autre part, que faire lorsque la démolition-reconstruction ne peut intervenir que marginalement, lorsque les immeubles ont presque tous bénéficié de PALULOS encore en cours de remboursement et que certains se dégradent parce que l'office n'a pas les moyens de payer les réparations ? Toutes les régions ne sont pas égales de ce point de vue : un immeuble à l'abri des intempéries vieillit beaucoup moins vite qu'un autre assailli par la pluie et le vent parce que perché sur une falaise... Et que faire quand, de plus, les loyers atteignent le maximum autorisé et que la collectivité doit faire face à des dépenses sociales importantes parce que le taux de chômage dépasse 20 % ? Le choix est entre remettre en état, quitte à placer l'organisme dans le "rouge", ou construire un budget en équilibre et laisser des familles vivre dans des conditions indignes de notre époque.

Ma conviction est que, dans de telles situations, la solidarité nationale doit jouer, à l'égard des personnes mais aussi des organismes. Puisqu'il existe dans votre budget des crédits qui ne sont pas consommés, pourquoi ne pas les consacrer, sous le contrôle très strict de vos services, à régler les problèmes que je viens de soulever, en vous autorisant au besoin à les transférer sur un chapitre spécial ?

Mais, pour le reste, je ne puis qu'inciter mes collègues à voter votre budget ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste)

M. Yves Dauge - Je consacrerai mon propos à l'urbanisme plus qu'au logement même : sur ce dernier, tout le monde s'accorde à commenter positivement votre budget, sauf à constater le décalage entre le niveau exceptionnel des moyens offerts et leur consommation insuffisante. On peut, comme M. Balligand, prôner des assouplissements ou demander une révision des mécanismes de financement : pour ma part, je soulignerai surtout l'inadéquation entre les logements qu'on construit et ce qu'attendent les habitants, ainsi que l'inadéquation entre ces mêmes attentes et les espaces qu'on s'emploie à urbaniser. Et c'est ici que se pose inéluctablement la question : "Quelle politique d'urbanisme voulons-nous pour les années à venir ?".

Votre ministère regroupant le logement et l'urbanisme, il faut prendre au sérieux cette dénomination et passer aux actes ! La nouvelle politique doit s'appuyer sur un concept plus resserré de la ville : il faut revenir aux quartiers, pour les transformer, et aux centres-villes, pour les réhabiliter ; il faut travailler en faveur des villes moyennes, il faut aménager le territoire de façon plus équilibrée. En bref, il faut revoir totalement nos méthodes de programmation : on ne peut plus prétendre financer l'urbain -le foncier, les réhabilitations, la qualité de la vie...- par le logement ! Nous devons distinguer les financements.

La question doit d'ailleurs être posée d'urgence, afin d'inscrire des mesures concrètes dans les prochains contrats de plan. Ces mesures doivent bien sûr porter sur les transports et sur le logement, mais il convient aussi de solliciter les régions pour qu'elles contribuent à financer l'urbain. Au-delà, il nous faut travailler à cette loi sur l'habitat "choisi" que vous vouliez faire : elle doit nous fournir des outils nouveaux, mieux calibrés que les actuels qui datent d'il y a vingt ans, et nous permettre de réfléchir au rôle des différents acteurs. A cet égard, le mouvement HLM apparaît inadapté à la situation et aux besoins actuels.

Il n'est sans doute pas mauvais que ce plaidoyer intervienne sous couvert d'un bon budget. J'en profiterai pour demander aussi qu'à l'avenir, on ne se contente pas de reconduire les dotations destinées aux études et à la planification : trop d'erreurs ont été commises pour que nous ne cherchions pas à avoir une vision plus cohérente de l'espace et de l'aménagement du territoire. Cet investissement dans la planification est au reste bien modeste au regard du coût des ronds-points que nous aménageons tous. Il faut du logement, de la ville, de l'habitat, du relationnel et j'invite donc les ministères qui ont des investissements lourds à financer à faire des arbitrages : on ne m'a pas entendu lorsque j'étais directeur de l'urbanisme, mais je maintiens qu'on peut renoncer à quelques infrastructures pour donner un peu à la planification urbaine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

M. Patrick Rimbert - Votre budget pour 1999 confirme l'heureuse surprise que constituait le précédent. De plus, il lève de nombreuses interrogations : venant après le volet logement de la loi contre les exclusions et la convention sur le 1 % signée avec l'union d'économie sociale pour le logement, il organise un statut du bailleur privé et la sortie de l'amortissement Périssol et il sécurise l'accession sociale à la propriété... Pour autant, il ne suffit pas d'avoir un budget, encore faut-il l'utiliser pleinement. Or, selon les dernières estimations, le taux de consommation des PLA est faible, comme beaucoup l'ont d'ailleurs relevé.

Une première explication tient à la difficulté d'équilibrer les opérations PLA : la charge foncière est souvent excessive et il faut partir à la quête de subventions, de terrains gratuits, de participations du CIL, ou faire appel à ses fonds propres si l'on en a. Dans cette quête, les organismes ne sont pas à égalité. Certains, faute de fonds propres ou d'accès à des financements complémentaires hésitent ou renoncent pour ne pas supporter des pertes régulières pendant 30 ans. Or ce sont très souvent ceux qui accueillent les plus démunis et répondent le mieux à la demande des exclus.

Autre explication : les loyers de sortie sont trop élevés. Comment un ménage au RMI pourrait-il habiter un logement PLA ? Ce dernier bénéficie d'une aide maximale de 1 600 F pour un logement de type T3 ; le loyer est de 2 200 F en moyenne et les charges de 500 F. Sur un revenu de 2 400 F, il ne reste que 300 F pour vivre !

Les opérations mixtes de développement du locatif social et notamment les petites opérations suivant les nouveaux critères, 3 PLA pour un PLA à loyer minoré ou un PLA intégration, sont pourtant très intéressants pour améliorer la mixité sociale.

Je signale aussi qu'une personne seule gagnant 4 625 F mensuels et qui aurait un PLA type II pour un loyer de 1 780 F et 415 F de charges conserverait à sa charge 1 740 F, soit un taux d'effort net de 38 %.

Pour cette même personne, dans un logement de type II au loyer de 1 200 F, l'APL serait plus forte et son taux d'effort serait de 25 %. Les conclusions sont évidentes.

Enfin, la non-consommation des PLA résulte également de la lourdeur de la gestion de ces crédits au niveau décentralisé.

Le problème de la sous-consommation des PLA illustre la difficulté de pratiquer une politique du logement ciblée avec des outils trop conjoncturels, même s'ils sont nombreux et bien abondés.

Chaque territoire a une histoire et des problèmes spécifiques et des acteurs aux logiques variées. Ne pas en tenir compte, en se basant uniquement sur des analyses macro-économiques, risque de conduire à ce que les bassins d'habitat n'utilisent pas les crédits disponibles pour certaines opérations tout en manquant pour d'autres.

L'Etat doit trouver des partenariats avec les collectivités locales autour de projets territoriaux, grâce à des instruments adaptés. C'est votre volonté. La définition des "bassins d'habitat" et des "conférences intercommunales" dans la loi contre les exclusions, les nouveaux contrats de ville en préparation, la future loi sur l'intercommunalité, votre projet de loi "habitat et urbanisme" permettent de construire contractuellement des stratégies territoriales de l'habitat.

Je me perds parfois dans ce foisonnement créateur et j'aimerais savoir comment tout ceci s'emboîte... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jacques Fleury - Dans mon département, les crédits affectés à la construction de logements HLM ne sont pas utilisés, les organismes hésitant à lancer des programmes. Ce n'est pourtant pas les clients qui manquent mais le coût de la construction et le risque d'accueillir des locataires peu solvables freine la construction. Aussi des organismes exigent maintenant des communes, non seulement la garantie des emprunts mais aussi celle des loyers. Dans ces conditions, certaines communes à qui on demande déjà de contribuer pour un montant qui varie entre 25 000 et 50 000 F par logement en mettant à disposition des terrains viabilisés, sont obligées de renoncer au projet.

Par ailleurs, pour rester dans les prix, les architectes prévoient notamment des chauffages électriques moins coûteux à l'installation mais non à l'usage.

Grâce aux interventions des députés de la majorité lors des débats sur la loi contre les exclusions, vous avez augmenté les plafonds de ressources pour l'accès au logement social des petits ménages. Cette augmentation est sensible pour Paris et pour les ménages de 2 à 3 personnes, mais elle est insuffisante pour la province et ne concerne pas les célibataires. Les loyers sont trop élevés pour ceux qui pourraient les occuper et ceux qui pourraient les acquitter n'ont pas le droit au logement HLM. Cela favorise le développement de ghettos. En outre, dans ma propre commune, alors que les demandeurs se pressent à ma permanence, il existe des logements qui ne sont pas occupés. Entendez-vous procéder à une nouvelle revalorisation de ces plafonds, surtout en province ?

S'agissant des aides aux loyers, vous vous êtes efforcés d'augmenter les crédits attribués aux FSL. Pouvez-vous nous assurer que les crédits supplémentaires leur permettront de faire face à toutes leurs missions ?

La révision une fois par an de l'allocation logement ou de l'APL semble inadaptée à la réalité de l'évolution des revenus des personnes aidées. La précarité croissante des emplois place entre deux révisions nombre de locataires dans des situations difficiles parce que leur allocation ne s'adapte pas à la réalité de leur revenu ou, pire, parce qu'on leur demande le remboursement de trop payés, ce qui, pour ces niveaux de revenus, est catastrophique.

Les inégalités de traitement génèrent aussi un sentiment d'injustice. Alors que le Gouvernement s'efforce d'encourager les propriétaires privés à louer, une personne bénéficiaire de l'allocation parent isolé bénéficie de l'APL si son bailleur est public mais se voit déduire de son API, l'allocation logement si le bailleur est privé.

Un sentiment d'injustice est également très vivement ressenti du fait de la prise en compte de l'origine des ressources pour l'attribution de l'allocation logement. Ainsi s'agissant des Rmistes, les ressources sont neutralisées et il n'est pas rare que pour certains, l'allocation logement dépasse le montant du loyer. Mais tous ceux dont les indemnités chômage avoisinent le RMI, voient leur allocation calculée en fonction de leurs revenus. Ce qui aboutit souvent à une allocation moitié plus faible que celle que touche leur voisin Rmiste.

Indépendamment de ces réflexions concrètes, je voterai avec plaisir votre budget qui marque la priorité accordée par le Gouvernement au logement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Patrice Carvalho - Vous aviez, l'an dernier, à assumer les conséquences de choix passés. Vous pouvez cette année imprimer des orientations nouvelles à votre budget.

Ce budget, à l'an 1 de la mise en oeuvre de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, privilégie le logement des ménages les plus modestes et assure la mixité sociale, en rupture avec la politique antérieure.

Vous annoncez 80 000 prêts locatifs aidés dont 20 000 PLA d'intégration et 120 000 PALULOS. Personne néanmoins n'ignore que, depuis plusieurs années déjà, y compris en 1997 et 1998, ces programmes n'ont pas été intégralement réalisés. Ainsi pour les PLA, 60 % seulement des crédits sont consommés et la construction prend du retard.

Les aides personnelles au logement ont été actualisées le 1er juillet et 34,6 milliards leur sont consacrés dans votre budget. Leur hausse risque d'être insuffisante en raison des effets du nouveau conventionnement sur le nombre de bénéficiaires.

Il est en fait difficile de changer de logique dans le financement du logement social. Les lois Barre et Méhaignerie ont transformé la nature de l'investissement des pouvoirs publics dans le secteur du logement. L'aide à la construction a proportionnellement diminué au profit des aides à la personne. Aussi, les sommes consacrées aux aides personnalisées ne cessent de croître avec l'appauvrissement des familles tandis que l'aide à la construction a diminué de sorte que moins de logements sont construits et que les logements ont un coût élevé pour des locataires moins solvables.

La pire des politiques aura consisté à considérer que le logement social devait être désormais réservé aux plus démunis, et à inciter ceux qui avaient juste un peu plus à se loger dans le privé ou accéder à la propriété avec un prêt à taux zéro. Au bout de ce chemin-là, nous aurions consacré des cités ghettos, d'un côté, et des familles endettées, de l'autre.

Il faut rompre avec cette politique. Votre budget ne s'y applique pas assez.

L'amélioration de la situation du logement implique une politique tournée vers la relance de la consommation et la lutte contre le chômage. Le Gouvernement doit aller plus loin dans cette direction. Ainsi, des millions de familles aujourd'hui non solvables le redeviendront et pourront se loger normalement, diminuant ainsi les sommes colossales que les collectivités publiques consacrent à compenser cette insolvabilité. Il y a urgence à changer la règle du jeu.

L'Etat doit s'orienter plus résolument vers l'aide à la pierre. Le logement rapporte plus à l'Etat qu'il ne lui coûte. La baisse de la TVA amorce un changement en ce domaine. Mais il faut également s'orienter vers la baisse des taux d'intérêt, l'allongement de la durée des remboursements et réexaminer les conditions d'exonération de la taxe foncière sur la propriété bâtie, pour redynamiser la construction.

Il faut aussi favoriser le développement du logement social en milieu rural. Les élus seraient souvent prêts à réaliser de petits programmes dans leurs communes. Mais ils se heurtent à des tels obstacles qu'ils doivent parfois renoncer. On leur impose en effet les mêmes contraintes qu'en ville, en fonction de législations anciennes, notamment en matière de lutte contre l'incendie.

Il faut enfin garantir la mixité sociale dans nos quartiers. La loi d'orientation de lutte contre les exclusions a permis de premières réformes des surloyers. Dans l'Oise, se sont ainsi 1 500 familles qui ne paient plus de surloyer. Nous attendons maintenant avec impatience le décret qui doit être pris en Conseil d'Etat concernant les maxima, qui plafonneront les surloyers. Je crois néanmoins que ce dispositif injuste doit disparaître (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement - Je salue la qualité du travail et des exposés des deux rapporteurs, qui me permettront de raccourcir mon propos.

Toute l'action du Gouvernement a consisté, ces derniers mois, à mettre en place les fondations d'une politique du logement plus globale, plus juste et plus stable. A ce titre, nous avons donné au logement social des moyens accrus, mais nous partageons les inquiétudes exprimées par plusieurs d'entre vous. Les constructeurs de logements sociaux ont énuméré un certain nombre d'obstacles à la consommation de ces crédits : nous nous sommes efforcés de les lever, mais il en reste certainement d'autres. Parmi les mesures prises, je citerai la baisse d'un demi-point des taux d'intérêt, en juin dernier, le relèvement de 10 % en moyenne des plafonds de ressources en juillet, le décret sur les surloyers maxima qui vient de revenir du Conseil d'Etat et devrait sortir rapidement, enfin l'implication accrue des collecteurs du 1 %, qui n'auront plus à assurer le financement du prêt à taux zéro : une convention a été signée le 3 août et je confirme à Mme Jambu que dès 1999 nous disposerons pour le logement social de 4,5 milliards sur le produit du 1 %.

Nous avons également rétabli l'aide à la pierre pour 35 000 des 80 000 PLA programmés.

Il est normal qu'il faille un certain temps avant que ces mesures récentes produisent leurs effets. En tout cas, elles justifient le maintien des crédits au niveau de 1998.

Mais, comme je l'ai dit cet après-midi en réponse à une question actualité de M. Meyer, tout ne peut pas venir de l'Etat. Nous avons besoin de la participation active des collectivités locales. C'est dans ce but que j'ai mené une série de réunions de travail dans toutes les régions, afin de sensibiliser nos interlocuteurs.

La loi contre les exclusions doit également contribuer à plus de justice.

Nous avons voulu que cette politique plus sociale soit également plus stable, c'est une condition d'efficacité. C'est le sens du statut du bailleur privé, qui rompt avec la logique conjoncturelle du précédent dispositif. C'est aussi le sens de la convention quinquennale conclue avec les partenaires du 1 %. Agir dans la durée doit également être le but de la politique de l'habitat : elle doit contribuer davantage à la qualité de la vie urbaine et aux équilibres indispensables.

Le projet de budget pour 1999 s'inscrit dans cette politique volontariste, autour de quatre axes essentiels. Premier axe, nous avons consolidé les efforts significatifs consentis en 1998 en reconduisant les crédits pour le logement. Les dotations budgétaires pour l'urbanisme sont également maintenues. Les aides aux agglomérations nouvelles passent de 73 à 80 millions, ce qui devrait compenser, Monsieur Guyard, la fin de la DGE dérogatoire. La ligne consacrée aux grandes opérations d'urbanisme, dotée de 50 millions, permettra la poursuite de ces programmes.

Deuxième axe, nous voulons une politique du logement plus sociale. Les mesures de revalorisation des allocations logement prises au 1er juillet 1997 et au 1er juillet 1998 représentent à elles seules une dépense supplémentaire de 4,5 milliards, soit nettement plus que les 2,5 à 4 milliards que nous aurions, selon certains, "économisés" sur les familles les plus aisées. Pour 1999, une hausse des crédits de 4,4 % est prévue.

Ce budget traduit tous les engagements pris dans la loi contre les exclusions : les crédits du FSL augmentent de 44 %, ceux de l'ALT de 18 % ; une nouvelle ligne de 60 millions financera la gestion locative effectuée par les associations au bénéfice des familles défavorisées ; 50 millions sont consacrés à la lutte contre le saturnisme et l'ANAH portera à 70 % son aide aux travaux en ce sens.

Troisième axe, le statut du bailleur privé. Le Gouvernement souhaitait remplacer l'amortissement accéléré pour la construction privée à but locatif par un nouveau système profitant à ceux de nos concitoyens qui n'ont pas droit au logement aidé. L'article 68 institue un statut pérenne et équilibré du bailleur privé, en assortissant les aides fiscales d'une contrepartie sociale sous forme de plafond de loyer. En outre, le dispositif est étendu aux logements anciens. Pour les logements neufs, le taux de l'amortissement sera de 8 % pendant 5 ans et 2,5 % pendant les quatres années suivantes, dans l'ancien la déduction fiscale forfaitaire est portée de 14 % à 25 %.

Les bailleurs seront sécurisés par le versement direct de l'allocation logement et par les garanties de paiement du loyer pendant trois ans pour les logements construits avec le 1 %.

C'est donc un changement complet de logique : on passe d'un système de défiscalisation temporaire à un système durable et équilibré qui, à côté d'avantages fiscaux, comprend une reconnaissance sociale et des garanties de loyers. Je ne comprends donc pas le pessimisme de M. Meyer quand il prédit l'échec du dispositif. M. Proriol et Mme Jambu ont eu une analyse différente puisqu'ils ont exprimé, au contraire, la crainte d'un certain déséquilibre dû au succès du système.

Quatrième axe, la pérennisation du prêt à taux zéro, réintégré dans le budget. De plus, l'accession sociale à la propriété sera sécurisée dès le 1er janvier prochain si le Parlement trouve le temps d'adopter le projet de loi approuvé par le conseil des ministres le 28 octobre et que le Sénat doit examiner le 12 novembre. Nous espérons que l'Assemblée pourra s'en saisir en décembre.

En outre, nous prendrons en charge dans le locatif la caution pour les jeunes à la recherche d'un emploi et la garantie du loyer pour les salariés des entreprises concernées. Le 1 % fournira désormais la mobilité professionnelle par une aide à l'emménagement. Enfin, le paritarisme sera renforcé par la transformation des comités interprofessionnels des logements en unions d'économie sociale. La participation du 1 % du budget de l'Etat va s'étendre sur 5 ans et la rebudgétisation portera sur un volume de prêts à taux zéro identique à l'année précédente et aux mêmes conditions.

Ces orientations s'inscrivent dans un environnement fiscal favorable à l'immobilier. La baisse des droits de mutation coûtera 3,6 milliards. A l'initiative des parlementaires, les particuliers seront exonérés de TVA et assujettis à des droits de mutation de 4,8 % sur la vente de terrain à bâtir. Il faut cependant ajuster cette mesure pour éviter qu'elle ait des effets pervers.

M. le Rapporteur spécial - Ils sont sous-jacents.

M. le Secrétaire d'Etat - Plus de 10 000 logements devraient être concernés par l'extension du taux de TVA à 5,5 % sur les travaux dans le parc locatif privé. Comme vous, Monsieur Marcovitch, le Premier ministre -il l'a indiqué devant l'union professionnelle artisanale- estime que cela favorisera la demande et réduira le travail clandestin. Le Gouvernement a donné un avis favorable à votre amendement qui porte le taux du crédit d'impôt de 15 à 20 % et son plafond de 10 000 à 20 000 F.

La loi d'orientation de lutte contre les exclusions comporte quelques mesures fiscales comme l'exonération de taxe foncière sur le bâti pendant 15 ans, et l'aménagement de la sortie du bail à réhabilitation pour relancer cette formule.

Le budget 1999 s'inscrit dans la recherche d'une plus grande justice sociale, d'un cadre stable pour les acteurs, d'un développement de l'emploi dans le bâtiment qui, pour la première fois depuis six ans, ne devrait plus perdre d'effectifs cette année.

La politique du logement devra être complétée et réformée au service d'une politique urbaine favorisant la mixité comme l'ont souhaité M. Dauge et Mme Jambu. La requalification des quartiers en difficulté peut déjà bénéficier des PLA construction-démolition, de subventions aux PALULOS de 25 % au lieu de 10 % dans les zones urbaines sensibles, et de prêts à 3,8 % de la Caisse des dépôts en complément de ceux de l'Etat. La Caisse des dépôts dispose aussi de 300 millions pour financer des projets, en particulier des études. C'est le cas à Boulogne-sur-Mer. Ces projets pourront bénéficier de subventions du ministère de la ville s'ils s'inscrivent dans des contrats de ville ou d'agglomération.

Il faut construire de nouvelles formes de partenariat notamment, Madame Aubert, pour donner plus de cohérence à la politique du logement en milieu rural. Il faut aussi repenser le financement de la politique urbaine et mettre en cohérence politique du logement et politique de la ville, enfin adapter le droit de l'urbanisme pour préserver la mixité, maîtriser le développement urbain site par site et donner aux agglomérations la possibilité de se doter d'un projet d'ensemble. Il faut enfin restructurer les quartiers d'habitat social et requalifier les copropriétés en difficulté. Sur ce point, les propositions de M. Marcovitch sont pleines d'intérêt.

M. Gayssot et moi-même souhaitons engager prochainement un vaste débat avec tous les partenaires concernés. Il conduira à la loi habitat et urbanisme, qui vous sera présentée avant l'été.

Le budget pour 1999 marque une nouvelle étape d'une politique que nous souhaitons globale, juste, pérenne et orientée vers le social.

Le logement demeure la condition première de l'épanouissement de la famille et de l'individu. La mobilité professionnelle, l'allongement des études, celui de l'espérance de vie, la recomposition des familles créent de nouveaux besoins. Il faut donc une offre diversifiée, de qualité, et qui contribue à reconstituer l'équilibre social et celui du territoire.

Beaucoup a été fait pour progresser vers l'objectif largement partagé du droit au logement pour tous dans un environnement de qualité. Beaucoup reste à faire. Ce projet de budget est une nouvelle avancée. Je vous demande de l'approuver (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe RCV et certains bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

QUESTIONS

Mme Odile Saugues - Je m'inquiète de la pérennité des aides de l'Etat au logement social dans le cadre européen. Suite aux plaintes de l'AFB, du Crédit agricole et des Banques populaires, le dossier du livret A est actuellement sur le bureau de la direction générale de la concurrence à Bruxelles. Notre système de financement du logement social repose sur un produit d'épargne réglementé distribué par des réseaux exclusifs, sur la centralisation des fonds à la Caisse des dépôts et leur affectation à des emplois d'intérêt général avec garantie de l'Etat. Il ne peut subsister que s'il est reconnu comme un service d'intérêt économique général par le Gouvernement et accepté comme tel par la Commission européenne. C'est là une condition essentielle.

Les décisions qui seront prises d'ici la fin de l'année pour le livret bleu feront jurisprudence pour le livret A. Si la Commission remettait celui-ci en cause brutalement, c'est tout le financement du logement social qui serait déstabilisé. Quelle est votre position sur ce dossier important ?

M. le Secrétaire d'Etat - Le financement du logement social repose sur une épargne populaire grâce à 48 millions de livrets dont les trois quarts ont un dépôt inférieur à 10 000 F. Ce type de financement fait partie de notre patrimoine collectif. Il serait totalement déraisonnable d'y renoncer. La centralisation du produit à la Caisse des dépôts doit aussi être maintenue pour assurer l'efficacité financière et une affectation garantie à des fins d'intérêt général, à savoir le financement du logement et la restructuration urbaine.

Compte tenu de cette nécessité, de l'attachement de nos concitoyens à l'épargne populaire, de l'importance du logement social aux yeux du Gouvernement, ce dernier entend ne rien négliger qui contribue à stabiliser cette ressource, et agira pour faire reconnaître par la Commission de Bruxelles le bien-fondé de notre système.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont - Comme les rapporteurs et la plupart des orateurs, je relève avec satisfaction les mesures positives que contient votre budget, en particulier en faveur de la relance de la construction. Sur ce point, je salue l'accord passé avec les artisans du bâtiment pour réduire le temps de travail.

Cependant, plusieurs situations précises constatées dans mon département me conduisent à appeler votre attention sur la nécessité d'abonder les crédits PALULOS. Cette prime contribue en effet à maintenir la population en zone rurale, et à préserver un habitat traditionnel de grande qualité. Or parfois certains dossiers, bien qu'ayant obtenu un accord technique de principe, ne sont pas menés à terme faute de crédits suffisants, ce qui est d'autant plus dommageable que le gel de cette prime entraîne le blocage d'autres subventions, pénalisant ainsi des projets de qualité.

M. le Secrétaire d'Etat - Je vous remercie de l'appréciation que vous portez sur le budget du logement. Cette année, nous finançons 120 000 PALULOS. Les crédits seront totalement mis en place. En Haute-Vienne, toutes les opérations présentées devraient être effectivement programmées sans subir de retard. Si ce n'était pas le cas, n'hésitez pas à nous alerter, afin que nous procédions à un rattrapage au début de 1999.

M. Jacques Guyard - Monsieur le ministre, je vous remercie pour vos indications relatives aux villes nouvelles en plein développement. Je salue aussi le financement des grandes opérations d'urbanisme. J'y vois un début de réponse au souhait d'Yves Dauge que soit réaffirmée une volonté urbaine par votre ministère.

Pour que la politique du logement et celle de la ville avancent de concert, les institutions doivent travailler ensemble, et non pas de façon juxtaposée. L'expérience des villes nouvelles montre que l'on a pu construire plus de 150 000 logements dans l'équilibre et une certaine harmonie parce que nous disposions d'outils adéquats, les établissements publics d'aménagement. Or beaucoup d'entre eux ont achevé leur mission, et ne peuvent plus vivre sur les recettes d'aménagement. Pourtant beaucoup reste à faire. L'expérience douloureuse des SEM d'aménagement plaide pour des outils mieux maîtrisés. Les EPA sont des instruments de l'Etat. Quelle peut être leur évolution, et selon quel calendrier ? Comptez-vous engager une concertation avec les collectivités locales ?

M. Forni remplace M. Cochet au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE DE M. Raymond FORNI

vice-président

M. le Secrétaire d'Etat - Dans le cadre de la restructuration des services du ministère, la direction de l'habitat et de la construction et celle de l'aménagement foncier et de l'urbanisme ont été regroupés dans une direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction ; de plus, depuis mars dernier, existe le secrétariat général des grandes opérations d'urbanisme et des villes nouvelles. Cette évolution est significative des grandes orientations retenues par l'Etat.

Les villes nouvelles continuent d'être des éléments déterminants de l'aménagement régional. Néanmoins certains peuvent envisager le retour au droit commun, si possible sur la base d'un contrat pluriannuel avec l'Etat. Dans ce cadre, nous aurons à développer le partenariat, et à redéfinir les missions et le mode de financement des EPA. L'Etat souhaite recentrer ses interventions sur les grandes opérations d'urbanisme et élargir l'expérience acquise par le groupe central des villes nouvelles à de nouveaux sites, par exemple Euro-Méditerranée à Marseille. L'Etat doit savoir prendre, sur un nombre limité de sites, le même type d'engagements et de risques qu'il a pris il y a 30 ans pour les villes nouvelles.

M. André Schneider - La loi du 19 février 1998 permet aux organismes HLM d'intervenir dans le parc privé. Elle intéresse beaucoup de propriétaires. Malheureusement l'arrêté du 25 mars dernier relatif aux loyers plafonds applicables dans le cadre de cette loi rend l'application de cette dernière difficile. En effet, les logements concernés exigent pour la plupart d'importants travaux de réhabilitation, et le produit des loyers attendu ne permet pas de couvrir la charge des emprunts nécessaires. Il faut donc ajuster les loyers plafonds en fonction du confort de ces logements. Les loyers pratiqués dans le secteur intermédiaire offrent une référence appropriée. L'application de loyers de ce type permettrait de loger de nombreuses familles actuellement écartées du parc HLM, avec une économie pour l'Etat puisque de tels logements n'ont pas à être construits. Quelles sont vos intentions ? Maintenir les dispositions de l'arrêté du 25 mars vous obligerait à faire construire des logements avec l'aide de l'Etat, alors qu'il s'en trouverait à côté qui seraient vacants.

M. le Secrétaire d'Etat - L'auteur de la loi de 1998 est M. Gilbert Meyer, dont le texte a été adopté sans modification. Elle organise la prise à bail de logements vacants par les organismes HLM pour les donner en sous-location, mais en précisant que ces logements devaient être attribués aux sous-locataires bénéficiaires des logements HLM dans le respect des plafonds de ressources applicables aux HLM. Ainsi le Gouvernement ne pouvait-il pas prendre d'autres dispositions que celles de l'arrêté du 25 mars, sauf à faire modifier la loi. Le Gouvernement souhaite mobiliser les logements privés vacants. L'attractivité du statut du bailleur, qui est étendu au secteur ancien, devrait y aider et éviter une construction excédentaire là où il y aurait une vacance constatée. Attendons pour tirer des conclusions de l'application de la nouvelle loi.

M. Henry Chabert - Il n'y a pas de bonne politique de l'habitat et de l'urbanisme sans de bons outils et de bons partenariats. Il est indispensable pour que certains instruments opérationnels soient modernisés et sécurisés. Pensons aux SEM, aux établissements publics, aux agences d'urbanisme. Il en va de même pour les outils réglementaires. C'est par exemple le problème de l'évolution des SDAU, ou celui de la simplification de l'outil ZAC, etc. Quant à la question du partenariat, elle concerne notamment les bailleurs privés, dont l'implication forte est nécessaire à une politique de l'habitat. Les mesures que vous avez annoncées doivent être complétées par un effort supplémentaire pour les opérations d'amélioration de l'habitat, qui permettent un urbanisme de reconquête. Je crois également qu'il faut, plutôt que de taxer la vacance, encourager la fin. Quant au Périssol, s'il faut se féliciter que l'esprit en ait été conservé, il faut que l'acquisition d'un logement soit considérée comme un investissement de droit commun : l'amortissement n'apparaît plus dès lors comme un avantage fiscal, mais comme un élément économique normal.

En un mot : comment, et selon quel calendrier, entendez-vous mettre en oeuvre la réforme des outils opérationnels et réglementaires ?

M. le Secrétaire d'Etat - Nous partageons vos attendus : il est exact que nous avons hérité nos outils opérationnels d'une époque où le problème urbain était d'abord un problème d'extension urbaine. Ainsi, quoique la ZAC ait constitué une évolution par rapport à la ZUP, il y a bien entre elles une filiation. Nous sommes aujourd'hui confrontés à des problèmes de restructuration, qui impliquent de prendre en compte l'urbanisme et l'habitat. D'où une sorte de défi que nous lançons à nos collaborateurs ; il existe désormais une direction qui a cette double vocation, et nous entendons bien mobiliser ses compétences pour ouvrir des perspectives, moderniser les textes, voire inventer de nouveaux modes opératoires. Mais il ne saurait s'agir seulement d'un exercice interne au ministère. Nous souhaitons un dialogue avec tous les acteurs de terrain, avec qui il faut prévoir les partenariats les plus efficaces possible. Pour cela, avant de définir le contenu de ces partenariats, il faut entendre tout le monde. C'est le sens du débat qu'a annoncé M. Gayssot pour les mois qui viennent, et qui doit se tenir avant qu'interviennent les arbitrages sur le projet de loi habitat et urbanisme. Vous souhaitez que les bailleurs privés soient reconnus parmi les partenaires concernés ; et de fait, avec la reconnaissance de leur fonction et le statut qu'on leur propose, il est encore plus légitime qu'ils prennent toute leur place. La présidence du conseil d'administration de l'ANAH est d'ailleurs occupée, pour la première fois depuis longtemps, par un professionnel. Si la ville, demain, doit être faite d'équilibres mieux respectés, cela implique un caractère pluriel de l'offre d'habitat. Tous ceux qui peuvent y prendre part doivent être associés à la réflexion, aux propositions, et donc à l'élaboration des nouvelles perspectives législatives que vous évoquez.

M. Didier Quentin - Vous avez conclu le 17 décembre 1997 un accord-cadre pour 1998 avec l'union des HLM, qui prévoit un nouveau conventionnement. Celui-ci semble devoir entraîner une hausse des loyers. Des centaines de milliers de locataires sont concernés, et s'émeuvent. Il s'agit en effet le plus souvent de personnes à ressources modestes, dont le revenu stagne ou augmente peu. Or l'inflation en 1999 n'excèdera sans doute pas 1 %. Et la négociation en cours sur l'application de l'accord suggère que la hausse des loyers pourrait atteindre 4 % ! Ce n'est pas acceptable, compte tenu de la situation des personnes concernées, et de la hausse de 4 % en moyenne qu'elles ont déjà subie ces deux dernières années. Pouvez-vous nous rassurer en nous disant que vous avez définitivement abandonné cette idée d'une hausse générale des loyers HLM ?

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement n'a pas eu à "abandonner" cette idée, puisqu'il en combat le principe, et donc ne l'a jamais proposée. Le conventionnement-cadre tel qu'il a été négocié avec l'union des HLM veut donner plus de cohérence et de clarté à la gestion du parc social. Lors du dernier congrès HLM, le directeur d'un organisme a expliqué comment il s'était vu obligé d'augmenter de 24 % le loyer de ses logements en ZUS, pour compenser la difficulté d'augmenter de plus de 3 % ses loyers en centre ville... Le système est plein d'effets pervers, résultant d'excessives rigidités. C'est pourquoi l'esprit du nouveau conventionnement ne va nullement dans le sens d'une hausse générale, mais dans celui de la cohérence et de la lisibilité. Il s'agit notamment de donner une assise à la démarche de mixité sociale. Ce que nous proposons aux organismes est de trouver dans ce conventionnement des règles permettant de faire en sorte que, dans tous les programmes, puissent être accueillis des demandeurs de tous profils sociaux, afin d'éviter que la ségrégation commence dès l'immeuble. C'est un objectif ambitieux.

M. Gayssot, interpellé à ce sujet lors du congrès de l'union HLM à Marseille, a déclaré : il n'y aura pas de big bang des loyers. Il s'agit dans un premier temps d'expérimenter, et d'en tirer les leçons. Aujourd'hui le mouvement HLM doit être signataire de quelque cent mille conventions ! Plus personne ne s'y retrouve, ni ceux qui doivent les respecter, ni ceux qui doivent contrôler. Il faut sortir par le haut de cette situation.

M. Jean-Jacques Weber - Vous avez dit lors du dernier congrès de l'union nationale de la propriété immobilière que vous n'étiez pas forcément opposé à l'abrogation de la loi de 1948, qui concerne encore 300 000 logements. L'encadrement drastique des loyers, qu'elle impose, handicape gravement l'état de ces logements, qui, faute de loyers suffisants, ne peuvent être rénovés. Les lois de 1982 et 1989 ont institué une protection des locataires qui rend apparemment inutile la loi de 1948, et le nouveau régime conventionné que prévoit notre budget me semble susceptible de donner satisfaction aux deux parties.

Ma proposition serait d'intégrer progressivement dans votre nouveau dispositif les logements relevant de la loi de 1948. Ainsi le propriétaire d'un de ces logements pourrait proposer à son locataire, à compter du 1er janvier 1999, un bail de six ans régi par la loi de 1989, assorti d'un projet de rénovation. L'augmentation du loyer qui en résulterait serait étalée sur les six ans du nouveau contrat. Si son niveau de ressources est inférieur au plafond fixé par le régime conventionné, le bailleur aurait l'obligation de souscrire avec l'Etat la convention prévue par la loi de finances pour 1999. Au 1er janvier 2000, si le bailleur ne propose rien, un bail régi par la loi du 6 juillet 1989 serait réputé conclu pour six ans au loyer antérieur en vigueur. Ces propositions permettraient une sortie progressive de la loi de 1948 dans des conditions raisonnables pour les locataires. Qu'en pensez-vous, Monsieur le ministre ?

M. Cochet remplace M. Forni au fauteuil présidentiel

PRÉSIDENCE DE M. Yves COCHET

vice-président

M. le Secrétaire d'Etat - J'ai assisté au congrès de l'UNPI. Son président a évoqué les difficultés de ses mandants à s'y retrouver dans cinquante ans de législations empilées, avec notamment cette loi de 1948 qui n'en finit pas d'arriver à son terme. J'ai dit au président que sa proposition -qui n'est pas d'abroger purement et simplement la loi, mais de chercher à raccorder les 300 000 logements qu'elle régit au nouveau statut du bailleur privé, comme vous-même le suggérez- méritait étude, et je vous le confirme. Mais cela demande des précautions. Car si certains de ces 300 000 locataires bénéficient d'une rente de situation infondée, d'autres sont dans une situation qui justifie pleinement une protection particulière. Il faut donc un état précis de ce parc et de ses occupants, afin d'envisager son rattachement à la nouvelle loi. Cela contribuerait à simplifier une situation trop complexe.

M. Christian Martin - Ma question relève sans doute de votre compétence, Monsieur le secrétaire d'Etat, dans la mesure où elle concerne les logements-foyers pour personnes âgées, mais peut-être beaucoup plus de la compétence du ministre du budget dans la mesure où elle a trait aussi au droit au bail.

Souvent, ces logements-foyers ont été construits par un organisme d'HLM, sur des crédits PLA, pour le compte d'un CCAS qui en assume la gestion, directement ou par l'intermédiaire d'une association loi de 1901. Le CCAS ou l'association mandataire perçoivent les loyers qui, diminués des frais de fonctionnement de l'établissement, sont reversés à l'organisme HLM. Les sommes correspondent très exactement au remboursement des emprunts, aux frais généraux du propriétaire, à la provision pour grosses réparations et à la prime d'assurance. La difficulté réside dans la cascade des droits au bail exigés par les centres des impôts. En tant que gestionnaire ou locataire principal, le CCAS ou l'association sont considérés avoir consenti des sous-locations aux résidents et, à ce titre, doivent acquitter une taxe annuelle sur le droit au bail sur le montant de l'indemnité d'occupation, qui correspond non seulement aux charges que j'ai énumérées, mais aussi aux frais de fonctionnement de l'établissement. Il est vrai que le droit au bail ne serait plus exigible si le CCAS ou l'association étaient agréés au titre de l'aide sociale, mais je vois mal les conseils généraux faire la démarche !

Parallèlement, l'organisme HLM propriétaire se voit réclamer un deuxième droit au bail, dont le montant vient se rajouter aux sommes qui lui sont déjà versées. Le locataire est ainsi contraint d'acquitter ce droit deux fois, ce qui majore d'autant son loyer alors qu'il ne dispose la plupart du temps que d'une retraite bien faible. Ne peut-on faire en sorte, sinon qu'il y ait exonération totale, du moins que ne soit plus perçu qu'une seule fois le droit au bail ?

M. le Secrétaire d'Etat - D'autres services que les miens pourraient sans doute vous éclairer beaucoup mieux que je ne le ferai, mais j'appelle votre attention sur deux dispositions récentes. La première est celle de l'article 111 de la loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, débattue au printemps dernier et qui étend aux travaux effectués dans les logements-foyers l'application du taux réduit de TVA. Lors de la discussion de la première partie de la présente loi de finances, M. Sautter a confirmé que cette disposition était d'application rétroactive. Les collectivités qui gèrent ces logements-foyers trouveront sans doute là un peu de l'"oxygène" dont elles ont bien besoin.

Quant au problème du droit au bail, il est au moins partiellement réglé, peut-être, par l'article 43 de la loi d'orientation contre les exclusions. En effet, pour éviter la double imposition, il exonère de droit de bail les sous-locations aux personnes défavorisées mentionnées à l'article premier de la loi du 31 mai 1990 visant à mettre en oeuvre le droit au logement, dès lors que l'organisme concerné n'opère pas à titre lucratif et qu'il a été agréé par le représentant de l'Etat dans le département. Une personne âgée considérée comme défavorisée sera donc exonérée et je donnerai instruction aux services déconcentrés de l'Etat de faciliter les procédures d'agrément pour les logements-foyers concernés.

M. Christian Martin - Je vous remercie : vous avez été le premier à me donner des éléments de réponse, le ministère des finances restant, quant à lui, insensible aux sollicitations que je multiplie depuis dix-huit mois.

Ma deuxième question est en fait celle de M. Abelin, obligé de repartir dans sa circonscription...

M. le Président - Le Règlement interdit de suppléer ainsi un collègue absent.

M. Christian Martin - Mais je reprends cette question à mon compte !

Le prêt à taux zéro a dopé l'accession à la propriété et permis à des dizaines milliers de foyers de financer leur projet, relançant du même coup la construction et libérant des logements dans le secteur locatif privé et public. Cependant, on présente régulièrement ce dispositif comme voué à ne pas durer, en particulier parce que son financement repose sur une contribution exceptionnelle du 1 % logement et parce qu'il risquerait de reconduire de nombreux accédants au surendettement, en raison des différés de remboursement.

Cette loi de finances comporte une rebudgétisation partielle des crédits finançant ce prêt, ainsi qu'une dégressivité sur quatre ans de la contribution des collecteurs du 1 % logement. D'autre part, vos services travaillent à un dispositif de garantie qui devrait faire disparaître le risque de surendettement.

Ces mesures n'ont toutefois pas totalement rassuré et je vous demande donc si vous entendez confirmer le prêt à taux zéro comme élément clé du financement de l'accession pour les années à venir et avec quels moyens. D'autre part, selon quel calendrier le dispositif de garantie sera-t-il mis en oeuvre ?

M. le Rapporteur spécial - Tout le monde se préoccupe de la sécurisation de l'accession : très bien !

M. le Secrétaire d'Etat - Vos question appellent des réponses très claires. Nous étions dans un système où le 1 % finançait le prêt à taux zéro mais, comme il avait été dit que cela ne devait durer que deux ans, les collecteurs du 1 % nous rappelaient fermement cet engagement et le prêt ne pouvait plus être financé à compter du 1er janvier prochain. La décision prise par le Premier ministre d'inscrire à nouveau dans le budget de l'Etat le financement de l'accession sociale à la propriété et de pérenniser le 1 % en le modernisant a conduit à la convention du 3 août, qui est valable pour cinq ans. Du coup, l'horizon est dégagé.

En 1999, 110 000 prêts à taux zéro seront financés mais ensuite, demanderez-vous ? Nous ferons tout pour satisfaire les besoins.

La sécurisation vient en appui à l'accession sociale à la propriété. Les anciens prêts PAP avaient beaucoup souffert des sinistres liés aux difficultés de remboursement. Le Sénat va donc débattre à partir du 12 novembre d'une loi garantissant la sécurité de ce secteur à partir du 1er janvier 1999.

Financement par le budget et sécurisation : l'effort de l'Etat devrait lui aussi être pérennisé !

M. Daniel Marcovitch - L'absence de compteurs individuels d'eau froide dans la plupart des immeubles collectifs est source de nombreuses anomalies. En effet, le prix payé par chaque consommateur est totalement déconnecté de sa consommation réelle car il est fixé en fonction des millièmes qu'il occupe. On imagine ce qui s'ensuit lorsqu'une laverie est installée dans l'immeuble !

Plus grave encore, lorsque le syndic ou la copropriété est défaillant, l'eau peut être coupée sans que la bonne foi des usagers soit en cause.

En outre, la charte solidarité-eau ainsi que les commissions départementales solidarité-eau mentionnées dans la loi contre les exclusions, ne s'adressent qu'aux abonnés directs. Les autres, c'est-à-dire la grande majorité des Français, continuent à dépendre du fonds de solidarité-logement.

Il y a une semaine, lorsque s'est mise en place la commission consultative des usagers de l'eau, j'ai posé la question des compteurs divisionnaires. J'ai reçu le soutien de principe tant des distributeurs que du représentant de la chambre syndicale des syndics d'immeubles et de l'union fédérale des consommateurs. Il est donc grand temps d'élaborer un programme d'installation. Votre ministère doit y prendre toute sa part, dans les domaines de sa compétence, mais aussi en incitant fiscalement et juridiquement les assemblées de copropriétaires à prendre un décision. Comptez-vous soutenir ce mouvement qui participera, sans nul doute, à une indispensable prise de conscience : celle de la rareté de ce bien vital qu'est l'eau ?

M. le Secrétaire d'Etat - Le problème se pose en effet davantage dans les copropriétés que dans le secteur locatif public, où les trois quarts à peu près des logements sont équipés de compteurs divisionnaires. Cela s'explique : la loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété ne fait pas obligation de poser de tels compteurs et c'est pourquoi la plupart des règlements de copropriété prévoit que cette charge est répartie au prorata des tantièmes -ce qui peut conduire aux situations que vous avez dénoncées.

Actuellement, pour décider l'installation de compteurs divisionnaires, l'assemblée générale des copropriétaires doit se prononcer à la majorité, représentant au moins les deux tiers des voix. D'où une difficulté, qui demeure en dépit des assouplissements apportés par la loi du 21 juillet 1994.

Mes services étudient les solutions techniques envisageables. Sur le plan juridique, une adaptation de la loi du 10 juillet 1965 est nécessaire. Le ministère de la justice, compétent en matière de statut de la copropriété, la prépare.

M. Patrick Rimbert - L'accès au logement des jeunes, souvent en situation précaire dans le cadre de contrats d'intérim ou à durée déterminée, est difficile. J'ai ainsi rencontré un jeune en apprentissage dont le revenu annuel déterminant son aide au logement a été calculé sur la base de la rémunération de ses deux mois de travail d'été. Compte tenu de son revenu réel bien plus faible, il n'a pu se loger.

Que comptez vous faire pour répondre à ces situations absurdes et pouvez-vous nous éclairer sur le volet de la convention avec l'union d'économie sociale pour le logement qui concerne l'accès au logement pour les jeunes de moins de trente ans ?

Comment entendez-vous garantir l'autonomie de ces jeunes qui doivent trop souvent passer par la sous-location ?

M. le Secrétaire d'Etat - Votre question est très pertinente car si un ajustement de l'aide en cas de chômage a été prévu, il n'existe en revanche pas de mécanisme de revalorisation si un changement d'activité se traduit par une baisse de revenu.

C'est d'autant plus anormal que les parcours professionnels des jeunes sont désormais beaucoup moins stables qu'ils ne l'étaient il y a quelques décennies.

Un groupe de travail associant l'Etat et la CNAF devrait remettre des propositions au Gouvernement avant la fin de l'année. En outre, la convention signée le 3 août avec l'UESL prévoit que les jeunes de moins de trente ans recherchant un premier emploi pourront obtenir un dépôt de garantie d'une durée de trois ans et garantit leur bailleur contre les impayés de loyers et de charges pour 9 mois pendant les trois premières années de location.

Quant à la sous-location, elle doit être un passage vers davantage d'autonomie.

M. André Schneider - Je manquerais à l'honnêteté intellectuelle si je ne précisais pas que ma question a été préparée par mon collègue Jean Auclair (Sourires). Nous éprouvons une crainte concernant la suppression du taux de TVA minoré dont bénéficient les collectivités investissant dans la réhabilitation de logements à usage locatif. Ces collectivités, souvent de petites communes rurales, ne bénéficient en effet que de la PALULOS.

M. le Secrétaire d'Etat - L'article 14 de la loi de finances pour 1998 a notamment prévu l'application du taux réduit de TVA de 5,5 % aux dépenses de travaux d'amélioration portant sur des logements conventionnés au titre de l'APL et réalisées dans le cadre de la procédure fiscale dite de la livraison à soi-même.

Les collectivités locales qui ne disposent pas d'établissements publics placés sous leur tutelle font clairement partie des bénéficiaires de la PALULOS, sous réserve qu'elles signent une convention APL avec l'Etat.

Je vous confirme que lorsque les communes bénéficient d'une subvention PALULOS pour la réalisation de travaux de réhabilitation de logements leur appartenant ou de transformation en logements de locaux dont ce n'était pas l'usage, ces travaux bénéficient du taux réduit de TVA. Il suffit que la commune recevant la subvention PALULOS demande aux services fiscaux l'ouverture d'un secteur distinct d'activité qui est de droit et leur permet de bénéficier du taux réduit. La TVA facturée par les entreprises à 20,6 % sera remboursée et la commune devra, à l'achèvement des travaux, payer la TVA au taux de 5,5 %.

J'espère vous avoir rassuré (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. le Président - Les crédits du logement seront appelés à la suite des crédits du tourisme.

Nous abordons l'examen des crédits de l'aménagement du territoire.


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AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

M. Alain Rodet, rapporteur spécial de la commission des finances - Le cadre traditionnel de la discussion des crédits de l'aménagement du territoire est inadapté cette année, compte tenu du calendrier. Cette politique va enfin être profondément réorientée. Les crédits que nous examinons aujourd'hui seront en effet affectés en fonction de la loi d'orientation que vous annoncez, des négociations communautaires sur les fonds structurels à venir, des contrats de plan Etat-régions qui seront bientôt conclus et enfin des textes réglementaires d'application de la loi d'orientation agricole que nous venons d'adopter.

Les crédits inscrits dans notre budget prennent en compte la sous-consommation de ceux des années précédentes que nous avions signalée l'année dernière. La situation s'est toutefois nettement améliorée pour les neuf premiers mois de l'année 1998.

Cela confirme en tout cas qu'en matière d'aménagement du territoire, il y a bien souvent loin de la coupe aux lèvres ! De plus, colloques, séminaires et rapports divers encombrent les agendas au détriment de l'action souhaitée par tous.

Votre budget reconduit quasiment les crédits de l'année dernière. Nos collègues de la commission des finances espéraient mieux, mais les changements annoncés dans la conception et dans le financement de votre politique comme l'effort indiscutable consenti l'année dernière rendent ce budget bien plus favorable que ne l'étaient ceux de 1996 et 1997 !

L'instrument administratif de votre politique est la DATAR et vos interventions budgétaires sont réalisées grâce à la prime à l'aménagement du territoire et par le biais du fonds national d'aménagement et de développement du territoire. Les fonds créés par la loi de février 1995 sont abondés par d'autres budgets que le vôtre ou par des comptes d'affectation spéciale.

Les comparaisons avec le budget de 1998 sont aisées et cette transparence favorise notre contrôle de l'exécutif.

Seul changement à signaler, d'ailleurs justifié, le transfert des crédits d'études du titre III au titre V. La forte augmentation des crédits de fonctionnement de la DATAR -23,5 %- s'explique par ce changement d'imputation budgétaire.

Au sein des crédits de fonctionnement de la DATAR, les dépenses de personnel s'établissent à 57 millions de francs, soit une progression de 4,9 %, pour 141 emplois. La variété des tâches assignées actuellement à la DATAR dépasse de loin son rôle initial de réflexion et de coordination : elle intervient de plus en plus dans le fonctionnement d'instances et dans les négociations des contrats Etat-régions.

En ce qui concerne les crédits affectés à la PAT, les AP restent stables, avec 320 millions, les CP diminuent légèrement, avec 315 millions. Mais les crédits de 1998 avaient été largement abondés par des reports de 1997 et des reports analogues devraient être opérés en 1999. Ce faisant, tous les projets soumis pourront être pris en compte. Il serait cependant nécessaire de mettre fin aux débats de doctrine et aux complexités procédurales pour répondre aux besoins, notamment ceux liés à la restructuration des installations de défense. Il convient de noter la vive concurrence d'autres zones de la Communauté pour les grandes plantations : l'Irlande, l'Ecosse, la Wallonie proposent parfois des incitations fiscales deux fois supérieures aux nôtres ! Un débat sur ce sujet s'impose.

Pour le FNADT, les subventions de fonctionnement restent stables à 295 millions de francs. A noter que 135 millions sont délégués aux préfets de région pour les aides à l'emploi et 78,55 millions affectés à l'aide aux associations.

Quant aux investissements, les AP s'élèvent à 1,281 milliard et les CP à 1,081 milliard, soit une légère régression, mais qui s'explique par le faible taux de consommation de ces crédits -65 à 70 %. Les règles de gestion du fonds devraient être revues pour améliorer ce taux.

J'en viens aux fonds créés par la loi de 1995. Le FITTVN est reconduit à l'identique. Le FNDE est enfin devenu opérationnel, grâce aux décisions du CIAT du 15 décembre 1997. Le FGER, qui avait suscité l'an dernier un débat passionné, cède la place à des instruments relevant soit de la politique agricole, soit de la protection de l'environnement, notamment dans le cadre des nouveaux contrats territoriaux d'exploitation, pour lesquels une dotation de 30 millions de francs est prévue au budget de l'agriculture.

Ce budget de reconduction opère donc une sorte de transition avant les grands rendez-vous de l'an prochain : loi d'orientation, réforme des fonds structurels européens, conclusion des nouveaux contrats de plan, mise en oeuvre de la loi d'orientation agricole.

L'aménagement du territoire doit redevenir une politique globale intégrant pleinement la notion de développement durable fondé sur de réels moyens interministériels.

Le 8 octobre dernier, la commission des finances a adopté ces crédits moyennant quatre observations.

La première demande une évaluation des procédures d'emploi des fonds structurels européens.

La deuxième rappelle la nécessité de poursuivre la politique de délocalisation d'emplois publics.

La troisième appelle des mesures d'urgence pour accélérer l'utilisation des crédits européens de la dernière année des fonds structurels sous leur forme actuelle.

La dernière observation souhaite l'affectation prioritaire aux ZRR des crédits déconcentrés du FNADT.

Les commissaires ont tenu à rappeler que la politique d'aménagement du territoire avait besoin de visionnaires lucides, mais aussi de gestionnaires avisés car si les volontés précaires se traduisent par des discours, les volontés fortes doivent se traduire par des actes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Janine Jambu, suppléant M. Félix Leyzour, rapporteur pour avis de la commission de la production - Dans son rapport écrit, M. Leyzour a situé le budget 1999 dans l'ensemble de la politique d'aménagement du territoire, dont il a rappelé les nouvelles orientations.

Je me contenterai ici de présenter quelques observations sur la DATAR et les fonds créés en 1995. De 1994 à 1997, le budget de la DATAR a connu une décroissance de 28 %. En 1998, le budget était en augmentation de 6,06 % ; en 1999, les crédits s'élèveront à 1,799 milliard en dépenses ordinaires et crédits de paiement, contre 1,805 milliard en 1998, soit une très légère baisse.

Cette stabilité cache évidemment des disparités : les crédits de fonctionnement augmentent, les dotations du FNADT sont stables, les crédits de la PAT sont reconduits.

L'augmentation sensible des crédits de fonctionnement de la DATAR -108,76 millions contre 88 millions en 1998- doit cependant être relativisée car elle résulte du transfert de 19,3 millions de crédits d'études vers le titre III.

En ce qui concerne la PAT, les crédits de paiement proposés passent de 320 millions en 1998 à 315 millions. Les autorisations de programme, quant à elles, sont stables à 320 millions.

Toutefois, le taux de consommation des crédits étant relativement faible -60,74 % en 1996, 56,8 % en 1997-, ils devraient permettre de financer le même montant de primes que les années précédentes.

Les dotations du FNADT sont pratiquement reconduites.

Rappelons que le FNADT regroupe, depuis le 1er janvier 1995, d'anciens fonds à objectif plus limité. Le GIRZOM, le FAD, le FRILE, le FIAM, le FIDAR. Ce regroupement permet plus de souplesse dans la gestion du fonds. Toutefois, le trop grand saupoudrage des crédits en atténue l'impact.

Parmi les fonds créés par la loi d'orientation de 1995, le FITTVN est alimenté par deux taxes, l'une perçue sur les titulaires d'ouvrages hydroélectriques concédés, l'autre due par les sociétés d'autoroutes.

En 1997, les recettes se sont élevées à 2,96 milliards, en 1998 elles sont estimées à 3,9 milliards, en 1999 à 3,93 milliards.

La priorité donnée au secteur ferroviaire se traduit par le fait que sa part des crédits passera de 41,9 % à 48,1 % tandis que celle du secteur routier diminuera de 47,1 % à 40,4 %

Le fonds de gestion de l'espace rural -FGER- finance des actions d'entretien et de réhabilitation d'espaces agricoles en voie d'abandon, d'éléments naturels de paysages et d'espaces où l'insuffisance d'entretien est de nature à aggraver les risques naturels, dont pour moitié des actions de débroussaillage, d'entretien de haies et d'amélioration des abords de lieux habités. Environ 35 % contribuent à l'entretien d'espaces agricoles, à la réhabilitation de milieux humides. La moitié des projets intéressent les zones défavorisées où se pratiquent élevage et polyculture.

Le FGER sera désormais intégré aux nouveaux contrats territoriaux d'exploitation.

Le fonds national de gestion des entreprises -FNDE-, doté de 200 millions, pourrait contribuer utilement à la création d'emplois au niveau local.

Toutes ces actions contribuent à soutenir l'activité économique, à réaliser des infrastructures qui participent à l'aménagement du territoire, même si elles n'inversent pas les grandes tendances à la concentration dans certaines régions.

Avant le débat sur la loi d'orientation de l'aménagement du territoire, il fallait analyser de la manière la plus objective possible les résultats des politiques conduites ces dernières années afin de mieux préciser les nouvelles orientations.

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission des finances - Au-delà des chiffres, c'est sur les politiques à moyen et long terme de l'aménagement du territoire qu'il faut nous interroger.

Les dotations sont d'un niveau convenable et correspondent assez largement aux besoins que traduit la consommation des crédits ces dernières années. Elles justifient donc un vote favorable.

Mais la commission des finances s'est surtout penchée sur les instruments de la politique d'aménagement du territoire et sur leur gestion.

Elles avait déploré que les crédits, surtout les crédits d'équipement, du FNADT soient imparfaitement consommés. Ils l'ont été à 70 % en 1997. La situation s'est améliorée ces derniers mois, mais au prix d'un tassement des ouvertures annuelles de crédits, qui s'explique par la volonté des services centraux de décider sans tenir compte des avis donnés par les agents de terrain et par les préfets. Le mode de gestion, plus centralisé qu'il n'y paraît, entraîne aussi des lenteurs. Ne pourrait-on autoriser les préfets de région à affecter directement la part déconcentrée ?

Le regroupement de différents fonds dans le FNADT en 1995 allait, disait-on, accroître l'efficacité. C'est le contraire, et ceux qui bénéficient de ces fonds particuliers comme le FIDAR ou le GIRZOM sont laissés à l'écart. La commission des finances avait souhaité que l'on finance de façon prioritaire les actions menées en zone de revitalisation rurale. Elle a de nouveau formulé cette observation.

Celle-ci n'a guère été suivie d'effets pas plus que n'a été appliquée la disposition de la loi de 1995 prévoyant la conclusion de contrat particulier dans les zones de revitalisation rurale. En réponse à une question de Robert Lamy vous avez indiqué, Madame la ministre, que vous n'envisagiez pas de modification avant la mise en place des futurs contrats de plan et des nouveaux fonds structurels européens. On ne peut attendre ainsi. La politique de développement indispensable dans ces zones ne peut se faire que par une discrimination positive.

Malheureusement plusieurs mesures affectent les dispositifs d'aménagement du monde rural.

D'abord, le fonds de gestion de l'espace rural est supprimé. Or il ne finançait pas seulement des individus mais aussi des collectivités pour de petites opérations d'entretien. Celles-ci n'entreront pas dans le cadre du CTE et, hors des zones classées, ne seraient pas prises en charge par le fond de préservation du milieu naturel. Dès lors, comment entretiendra-t-on l'espace rural là où il n'y a plus d'agriculteurs ?

Je m'inquiète aussi de la suppression, par l'article 81, de l'exonération de cotisations d'allocations familiales pour les entreprises implantées dans les ZRR. Elles n'avaient pas beaucoup d'avantages. Elles n'en auront plus d'autre, sauf l'allègement de taxe professionnelle. J'ai déposé un amendement pour supprimer l'article 81.

Enfin, je suis préoccupé par le devenir de la politique de la montagne. Les instruments traditionnels ne sont pas très bien traités. Nous attendons toujours les résultats de l'évaluation dont en décembre 1997 vous me promettiez la publication avant la fin de l'année. Vos services m'en ont fourni un résumé qui m'inquiète un peu. J'ai cru y retrouver l'écho de l'appréciation négative portée sur cette politique par les élèves de l'ENA. Je suis également surpris que le conseil national de la montagne soit resté en léthargie depuis plus d'un an, suite à la démission de son président.

Enfin, je ne voudrais pas que la reconnaissance des pays et agglomérations dans le cadre de la politique contractuelle remette en cause les initiatives librement prises par les collectivités. En Midi-Pyrénées par exemple, des contrats de développement ont été souscrits, à l'initiative de mon département, avec la région et l'Etat. C'est une excellente démarche. Etes-vous disposée à poursuivre cette expérience et à associer les départements qui le souhaitent à la préparation des contrats de plan Etat-régions ?

Je forme le voeu qu'avec les moyens dont vous disposez, vous puissiez en 1999 faire progresser la politique d'aménagement du territoire en tenant compte des expériences qui existent (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Yves Deniaud - Le rapporteur général du budget se serait demandé, dit-on, si le ministre de l'aménagement du territoire et celui de l'environnement se rencontraient parfois. Ce serait alors la rencontre de deux mondes, celui de la misère et celui de l'opulence : - 0,4 % pour l'aménagement du territoire, + 14,8 % pour l'environnement ! Votre personnalité ne se dédouble pas, seul compte l'environnement, et tant pis pour le reste ! Vous me répondrez que le budget pour 1997 ne comptait que 1,696 milliard, 100 millions de moins que celui que vous proposez.

Mais j'avais adressé à votre prédécesseur des reproches qui rendent d'autant plus crédibles, ceux que je vais formuler.

Sa réponse était que le budget 1996 de 2 milliards avait été très insuffisamment consommé. Votre argumentation est la même, mais le temps tourne contre les intérêts de notre pays.

En effet, la consommation des crédits, européens comme nationaux, est toujours aussi mauvaise, au point que la commission des finances a voté une observation ferme sur ce sujet.

1999 étant la dernière année des fonds structurels européens sous leur forme actuelle devrait connaître une activité forcenée des services pour accélérer toutes les actions subventionnables par l'Europe.

C'est ce qui se passe en Irlande, au Portugal, en Espagne, mais pas en France, où l'on s'ingénie à ériger tous les obstacles bureaucratiques possibles.

Si la baisse annoncée de 20 % des fonds européens destinés à la France est de plus calculée sur une consommation effective faible, la pitance sera maigre pour les régions françaises.

Il eût fallu inscrire dans le budget de quoi mobiliser à coup sûr les crédits européens, puisqu'il faut un déclencheur financier national, et imaginer la compensation nationale de leur diminution programmée -1,7 milliard de crédits nationaux pour 13,6 milliards de crédits européens, ce n'est pas suffisant. Tel n'est absolument pas votre choix effectué.

Il faudrait également porter au maximum la part déconcentrée du FNADT, mais je crains que l'administration centrale ne tienne la bride serrée.

L'aménagement du territoire s'exprimait depuis la loi de février 1995 par différents fonds et par des zonages qui, peut-être compliqués, avaient le mérite de traduite des réalités. Votre décret de cet été les ignore, ne retenant que les zonages européens.

Quant aux fonds, ils sont en cours d'incorporation dans le budget de l'Etat, ce qui confirme votre logique de résignation à l'urbanisation sans frein et d'abandon du monde rural.

Vous acquiescez à une réforme des fonds structurels européens caractérisée par une forte diminution des surfaces subventionnées, par la fusion des objectifs 2 et 5 B au profit des territoires urbanisés, votre propre projet de loi faisant la part belle aux agglomérations. Il nous semblait que la politique de la ville de plus en plus fortement financée faisait apparaître la nécessité de maintenir et ramener les activités et la population sur l'ensemble du territoire. Vous nous accusez de soumission aux lois du marché. Voilà un domaine où l'Etat peut infléchir les tendances spontanées, et c'est vous qui abandonnez ce rôle.

Si les fonds européens attribués à la France diminuent de 20 %, les territoires concernés, ruraux bien sûr, pourraient être réduits de 40 %. Comment atténuer ce choc ?

Ils n'auront même pas le réconfort d'une politique ferme de maintien des services publics puisque là aussi la volonté a disparu. Que d'incantations n'avons-nous pourtant entendues !

Vous vous en prenez à l'équipement routier et autoroutier. Le schéma national défini en 1987 par le gouvernement de Jacques Chirac, complété en 1989 par le gouvernement Rocard, confirmé par tous les gouvernements suivants, est remis en cause à votre initiative. L'intrusion de l'idéologie dans ce domaine est ahurissante. Le chemin de fer serait moral et de gauche, la voiture immorale et de droite. Tout cela est ridicule, je me permets de le dire en tant que responsable des transports dans la région qui dépense le plus pour moderniser ses voies ferrées.

Le nécessaire développement du ferroviaire n'empêchera pas que le transport routier continuera de progresser aussi, et que le devoir de l'Etat est d'équiper le pays d'un réseau de plus en plus efficace et sûr.

M. Christian Estrosi - Très bien !

M. Yves Deniaud - Cette opinion est partagée par l'immense majorité de la population et de ses élus.

M. Jean-Louis Idiart - N'opposez pas les deux modes de transport !

M. Yves Deniaud - Vous dites qu'il faut du ferroviaire mais vos amis s'opposent à toute construction de ligne nouvelle, vous dites qu'il faut du fluvial mais votre premier grand succès est d'avoir annulé le projet Rhin-Rhône. Le projet était sans doute contestable mais la chose est tout de même symbolique !

M. Christian Estrosi - C'est le retour de la lampe à pétrole !

M. Yves Deniaud - A votre refus d'un véritable aménagement de l'intégralité du territoire, à votre vision déformée par une idéologie simplificatrice et dérisoire, le groupe RPR opposera le refus le plus catégorique (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. le Président - Monsieur Lenoir, vous ne comptez pas parler cinq heures ! (Sourires)

M. Jean-Claude Lenoir - Je suis à la disposition de l'Assemblée si elle m'en donne le temps !

Ce projet de budget manque d'ambition. Les crédits diminuent légèrement, hélas ! et ceux de la PAT sont sous-consommés. Pourtant, dans nos régions, nous souhaiterions que cette prime soit plus forte et, M. Deniaud qui, comme moi, représente l'Orne le disait aussi, que davantage de zones puissent en bénéficier.

Nous rencontrons aussi au plan local de grandes difficultés pour mobiliser les crédits du FNDAT, en raison de la complexité du dispositif et des retards dans la mobilisation des financements.

La loi d'orientation agricole fait disparaître le FGER, dont la contribution, brillamment évoquée par le président Bonrepaux, manquera désormais pour entretenir l'espace rural.

Le fonds de développement des entreprises, créé en 1995, a fait l'objet de promesses non tenues...

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - Si, ce fonds est maintenant doté !

M. Jean-Claude Lenoir - Nous attendons l'inscription des crédits.

Je tiens à exprimer la très haute estime dans laquelle je tiens l'administration de la DATAR.

Au moment où va s'ouvrir le grand chantier de la loi d'aménagement du territoire qui porte déjà votre nom, comme celle de 1995 portait celui d'un de vos prédécesseurs, nous avons le sentiment, dans le monde rural, que vous êtes mobilisé davantage en faveur des zones urbaines que des zones rurales. En répondant à des questions d'actualité, vous avez affirmé qu'un rééquilibrage au profit des agglomérations était nécessaire. Nous représentons certes 20 % de la population, mais 80 % du territoire. Nous ferons valoir cet état de fait, lorsque nous examinerons des dispositions qui, sur un plan général, ne suscitent pas notre opposition, car je partage sur certains points la philosophie de votre texte ; mais je tenais à appeler votre attention sur le problème des zones de campagne.

Nous sommes le 4 novembre, et chacun sait quel grand événement a eu lieu à cette date il y a quelques années... (Sourires) Hier nous avons débattu du Pacs, que nous retrouverons dans quelques jours. Nous vivons aujourd'hui une parenthèse plus sereine, qui nous permet de débattre longuement, et que Mme Guigou a sans doute mise à profit pour se consacrer à la Chancellerie, ou peut-être à sa famille, avant de nous retrouver. Aujourd'hui nous sommes prêts à vous entendre ; et c'est selon les réponses que vous nous ferez que notre groupe décidera de son vote.

M. Jean Rigal - Avant d'évoquer vos crédits, Madame le ministre, et leur utilisation, qui laisse à désirer, je souhaite faire quelques observations générales sur le concept même d'aménagement du territoire. On le sait, 80 % de la population vivent sur 20 % du territoire national. Ce déséquilibre, qui continue à se creuser, témoigne de l'insuffisance des politiques menées depuis de nombreuses années et appelle une relance vigoureuse de la politique d'aménagement du territoire, dont on a longtemps parlé sans la faire réellement.

L'aménagement du territoire doit anticiper, pour assurer la cohésion du territoire et exprimer la solidarité nationale envers les territoires en difficulté. Et cela quelle que soit la nature de ces difficultés : il peut s'agir de zones urbaines, mais aussi rurales, ou plus exactement de cette lointaine province où il n'y a pas que des campagnes. A cet égard, le commissariat général du plan, qui a une mission de réflexion stratégique à moyen et à long terme, peut jouer un rôle essentiel, et il est indispensable de lui en donner les compétences et les moyens.

Par ailleurs, il faut renforcer le caractère interministériel de l'aménagement du territoire, qui met en oeuvre des actions transversales par nature. En effet, chaque ministère a une tendance naturelle à raisonner par secteur d'attribution et non par zone géographique.

Votre projet de budget, Madame la ministre, s'inscrit dans un contexte particulier, marqué par la prochaine discussion du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire modifiant la loi Pasqua du 4 février 1995, sans oublier la négociation des contrats de plan Etat-régions, la réforme des fonds structurels européens et celle de la politique agricole commune. Votre budget interfère également avec le projet de loi du ministre de l'intérieur portant réforme de l'intercommunalité et le projet de loi tendant à clarifier les interventions économiques des collectivités territoriales, que proposera le ministre de la fonction publique.

Avec 1,8 milliard, ce budget est relativement stable par rapport à celui de 1998, qui avait rompu avec la diminution drastique constatée au cours des exercices immédiatement antérieurs ; nous vous en donnons acte. Les crédits de la DATAR sont stables même si, comme l'a souligné M. Rodet, ses moyens en personnel restent modestes par rapport à des tâches toujours accrues. En additionnant les moyens financiers des autres départements ministériels qui contribuent à la politique d'aménagement du territoire, les exonérations fiscales et sociales accordées aux entreprises et les fonds communautaires, l'effort financier de l'Etat dépasse les 60 milliards, comme l'an dernier.

Au-delà des chiffres, je souhaite appeler votre attention sur le maintien des services publics dans ces lointaines provinces, où l'on trouve à la fois des campagnes et des bassins industriels et miniers en déshérence. Je suis moi-même l'élu d'un de ces bassins, celui de Decazeville. Une maternité va y disparaître, ainsi qu'un commissariat ; France Télécom va réduire ses emplois ; des bureaux de poste sont menacés, ainsi que certaines écoles rurales. Je ne crois pas qu'on puisse descendre en dessous d'un certain niveau de présence des services publics, qui est un niveau de survie, dans ces zones durement touchées, qui certes ont perdu de la population, mais demandent encore à vivre. Je suis un peu surpris que l'alternance n'ait pas permis d'ouvrir résolument une alternative politique. Car ce qui se met en place, en réalité, ce sont des décisions prises entre 1993 et 1997 par les gouvernements Balladur et Juppé. Sommes-nous vraiment là pour continuer une telle politique ? Je réponds non. La position du Gouvernement à cet égard demande à être clarifiée.

Avant de conclure, quelques mots sur la réforme de l'aménagement du territoire. Près de trois ans après sa promulgation, l'application de la loi de 1995 a été très partielle et des lacunes sont apparues, qui vous conduisent, à juste titre, à proposer une révision législative. Rééquilibrer le développement des villes et des campagnes, favoriser l'emploi et consolider la décentralisation sont les objectifs affichés de votre projet de loi. Il s'agit de resocialiser les grandes agglomérations, d'y faire reculer l'exclusion, d'y rétablir l'état de droit : c'est bien. Mais il s'agit aussi de revitaliser les zones à faible densité démographique. Ces deux objectifs, pour être complémentaires, n'en sont pas moins distincts, et appellent des moyens différenciés, adaptés -mais très volontaristes dans les deux cas. La lecture de ce budget suscite certaines interrogations. Mon groupe votera les crédits de l'aménagement du territoire, mais je serai pour ma part très vigilant sur l'action du Gouvernement en matière d'aménagement, en particulier pour ce qui concerne la question des services publics (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 25.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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