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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 23ème jour de séance, 60ème séance

3ème SÉANCE DU MERCREDI 4 NOVEMBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. Yves COCHET

vice-président

          SOMMAIRE :

LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- (suite) 1

La séance est ouverte à vingt et une heures.


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LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999.


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AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE (suite)

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont - Le rapporteur spécial a présenté le contexte d'attente dans lequel doit être analysé ce budget de continuité, qui réaffirme le rôle de la DATAR à travers une dotation stabilisée. Alors que le budget de 1998 avait marqué une inflexion positive, celui-ci n'en est qu'une stricte reconduction, ce qu'on peut expliquer pour plusieurs raisons.

En premier lieu, les crédits du FNADT et de la PAT inscrits en 1998 n'ont pas tous été consommés ; le dernier reliquat de la PAT s'élevait à 267 millions, ce qui d'ailleurs doit nous conduire à nous interroger. En ce qui concerne le FNADT, il faut souligner la volonté d'augmenter les crédits gérés par la section locale, au niveau des préfectures de région ; cette déconcentration va dans le sens de la simplification et de la souplesse d'utilisation.

De même, il faut saluer la demande faite à la DATAR, à l'issue du CIAT de décembre 1997, de revoir les conditions d'emploi de la PAT afin d'assurer une plus grande efficacité et une meilleure cohérence à l'ensemble des dispositifs destinés à favoriser la création d'activités et d'emplois. Je retiens en particulier le souhait que la PAT soutienne des investissements, même modestes, susceptibles de fixer des activités dans des zones fragiles. On ne peut qu'espérer que le seuil de 20 créations d'emplois soit abaissé, afin de permettre l'installation de petites entreprises.

Enfin, il faut rappeler que des crédits inscrits au budget d'autres ministères participent de la politique d'aménagement du territoire.

En deuxième lieu, on ne saurait oublier que ce budget est le dernier avant le vote de la loi d'orientation et d'aménagement durable du territoire dont nous allons débattre dans quelques semaines ; le dernier aussi avant les nouveaux contrats de plan et avant la réforme des fonds structurels européens, dont les difficultés d'utilisation plaident pour des évaluations de la consommation des crédits en cours d'exercice et pour des procédures d'attribution moins lourdes. Vous savez comme nous, Madame la ministre, que l'attente est grande après le peu de résultats de la loi de 1995 ; soyez assurée que nous examinerons avec vigilance les budgets qui suivront le vote de la nouvelle loi. Celle-ci devra donner les moyens de lutter contre l'hyperconcentration, étant entendu que cela passe par une discrimination positive en faveur des territoires les plus fragiles. Il faudra aussi veiller à une réelle péréquation des ressources.

Sans anticiper le débat, permettez-moi de mettre l'accent sur la fonction essentielle des services publics pour l'équilibre territorial et sur la pertinence d'une politique concertée mais volontariste de délocalisations (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Maurice Ligot - En juin 1997, le nouveau Gouvernement a annoncé des réformes importantes concernant l'aménagement du territoire, l'intercommunalité et les pouvoirs économiques des collectivités territoriales. Cette remise en chantier s'accompagnait d'une réorientation de la DATAR, avec la nomination d'un nouveau délégué. Elle a suscité parmi les élus des collectivités locales et de notre assemblée, quelles que soient leurs tendances politiques, une réelle attente. Après un an et demi, où en êtes-vous ? Nous voudrions le savoir.

Ce que nous savons, c'est que quatre textes vont combiner leurs effets : votre projet de loi sur l'aménagement du territoire ; le texte, présenté par le ministre de l'intérieur "relatif à l'organisation urbaine et à la simplification de la coopération intercommunale" ; le texte élaboré par le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation sur les pouvoirs économiques des collectivités locales et sur les sociétés d'économie mixte ; la réforme de la taxe professionnelle entamée par le ministre de l'économie dans le projet de loi de finances pour 1999.

Ce puzzle correspond-il à une politique d'ensemble ? J'y vois plutôt des contradictions. L'une, qui risque d'être lourde de conséquences, oppose votre texte à celui de M. Zuccarelli, quant aux pouvoirs économiques de la région et ceux des départements.

Par ailleurs, vous avez commis une erreur de méthode. Vous avez choisi d'interrompre la mise en oeuvre de la loi du 4 février 1995, afin de préparer un nouveau texte. Résultat : depuis près de dix-huit mois, la politique d'aménagement du territoire est arrêtée.

L'abandon du schéma national d'aménagement et de développement du territoire a créé une incertitude telle que plus aucune décision n'est prise. La situation ne se débloquera que lorsque votre projet qui, d'ailleurs, reprend à bien des égards la loi de 1995, sera voté et que les décrets d'application seront parus. Au minimum, trois années auront été perdues pour l'aménagement du territoire et pour l'emploi, et cela pour remplacer le schéma national par des schémas de services collectifs : un tel enjeu, qui fleure bon la technocratie, valait-il cet arrêt de trois ans ?

La préparation des contrats de plan Etat-régions est un exemple de dysfonctionnement de la politique d'aménagement du territoire. Tout se passe en effet comme si l'Etat et les régions travaillaient chacun de leur côté ; c'est le constat que font beaucoup d'élus régionaux, de la majorité comme de l'opposition. Nous nous trouvons dans une situation paradoxale, et même non démocratique : à travers les contrats, l'Etat veut faire appliquer des textes de loi qui ne seront présentés au Parlement que l'an prochain.

Le CIADT du 15 décembre 1997 avait affirmé qu'"une plus grande modulation des interventions de l'Etat, en fonction de la situation et des besoins de chaque région" était indispensable. Depuis lors, les représentants de l'Etat sont bien discrets sur cette modulation.

En particulier, nous sommes nombreux à nous inscrire très vigoureusement en faux contre les thèses actuelles de la DATAR, selon lesquelles la France serait maintenant bien équipée et n'aurait plus besoin d'investir dans les infrastructures. Au vu de l'état de réalisation du schéma autoroutier, on constate combien de telles thèses dénotent une ignorance profonde de ce qui se passe au-delà de la francilienne...

Le schéma autoroutier est en train de reproduire le réseau en étoile, avec Paris pour centre, conçu pour le réseau ferré et qui a tant contribué à déséquilibrer la France. Que les autoroutes aient, dans un premier temps, suivi le même schéma dénote à quel point notre pays est déséquilibré ; mais que l'administration en charge de l'aménagement du territoire affirme aujourd'hui que nous n'avons plus besoin d'autoroutes ou de routes supplémentaires, dès lors que le schéma en étoile est sur le point d'être achevé, c'est réellement consternant. Cette administration nous a, à juste titre, abreuvé d'analyses sur la banane bleue, sur les risques d'un déplacement du centre de l'Europe vers l'Est et de "finistérisation" de la moitié ouest de notre pays. Il faut en tirer les conséquences : pour atteindre l'Allemagne et le centre de l'Europe à partir du Havre, de Rennes, de Nantes, de La Rochelle ou de Bordeaux, il est indispensable de disposer de voies autoroutières évitant le passage par l'Ile-de-France.

Cette absence de grands axes transversaux, qui est l'aspect le plus nocif de la tradition jacobine française, handicape aussi lourdement les relations de proximité indispensables au développement économique.

On sait l'intérêt des réseaux de ville, mais celles-ci ne peuvent entrer en complémentarité que si elles sont bien reliées ; c'est le cas de Rennes, de Nantes et d'Angers, souvent citées en exemple, mais toute collaboration de ce genre est aujourd'hui impossible entre Nantes, Poitiers, Limoges et leurs territoires, faute d'une liaison routière ou autoroutière de qualité. Il faut donc que le prochain contrat de plan Etat-région permette la réalisation d'un tel projet, qui s'inscrit dans l'axe Centre-Europe-Atlantique, et je m'étonne que Mme Pérol-Dumont n'en ait pas parlé.

Sur cet axe, des barreaux manquants pourraient être réalisés rapidement, tels que la A870 entre Cholet et Bressuire. Malheureusement, le dossier est bloqué.

Ce qui est vrai pour les autoroutes l'est souvent aussi pour le rail et, sur ce thème des infrastructures, nous allons vers un affrontement plutôt rude entre les élus de toutes tendances et les technocrates des administrations centrales. Pouvons-nous espérer que vous pèserez de toute votre autorité pour que ces liaisons transversales soient construites ? S'il en était autrement, beaucoup de territoires risqueraient de se trouver marginalisés.

Jusqu'à ce jour, la politique d'aménagement du territoire est pensée et menée comme elle l'était dans les années 1960-1970, comme s'il n'y avait pas eu les lois de décentralisation. Le nom même de la DATAR est devenu anachronique, dans la mesure où l'"action régionale" relève désormais des collectivités territoriales. Cela ne signifie en rien que le rôle de l'Etat soit amoindri, bien au contraire : il lui appartient d'assurer une réelle péréquation entre les territoires. Mais il doit le faire en laissant aux collectivités la plus grande latitude possible.

Ce tournant n'a pas encore été pris et je ne pense pas que ce soit votre prochain projet qui y remédie. Sans doute aussi ce changement nécessiterait-il, en parallèle, de nouveaux progrès de la décentralisation : attribution de nouvelles compétences, clarification de ces compétences, modification des règles de financement et des règles fiscales. Or rien de tel dans le projet présenté par le ministre de l'intérieur. Quant à la réforme de la taxe professionnelle, elle constitue, dans sa forme actuelle, un retour à la centralisation. Il n'y aura, par conséquent, pas grand-chose de neuf : en témoigne votre budget, tristement étale et qui ne peut recueillir notre approbation. Tout laisse à penser que, pour être une nécessité absolue dans la France actuelle, l'aménagement du territoire ne constitue pas une priorité pour le Gouvernement et sa majorité : l'UDF ne peut qu'être un désaccord avec vous !

M. Daniel Paul - Avec votre prochain projet de loi et celui de votre collègue de l'intérieur, avec l'ouverture des négociations sur les contrats de plan et la réforme des fonds structurels, les questions d'aménagement du territoire deviennent des questions d'actualité. C'est à la lumière de ce contexte de transition que l'on doit apprécier votre budget pour 1999.

C'est un budget qui, d'abord, confirme la volonté de rattrapage constatée l'an dernier : les crédits de l'aménagement du territoire avaient alors progressé de 6,06 %, rompant avec une diminution qui, entre 1994 et 1997, avait atteint 28 %. Mais avec 1 799 millions contre 1 805 en 1998, il n'y a que stabilisation et beaucoup reste à faire pour compenser les faiblesses passées !

Stabilité aussi pour la DATAR, puisque vous mettez un terme au programme pluriannuel de réduction des effectifs arrêté par le gouvernement de droite. Je souhaite que, comme vous l'avez annoncé en commission, ces effectifs soient renforcés dès l'année prochaine car, grâce à son activité de prospection et d'accueil des investissements étrangers, la DATAR contribue indéniablement à la création d'emplois. Ainsi, dans son excellent rapport pour avis, mon ami Félix Leyzour note que les "362 projets de 1997 permettront de créer ou de maintenir 24 212 emplois sur les trois prochaines années". La création d'emplois publics constitue donc bien un investissement porteur de développement et en renforçant la DATAR vous pourriez en apporter une belle illustration.

Autre outil d'importance, la prime à l'aménagement du territoire aide aux créations, délocalisations ou extensions d'entreprises dans des zones classées prioritaires. Si les crédits qui y sont affectés sont sous-utilisés, ce qui est déplorable, cela ne tient pas à ce que l'essentiel des objectifs aurait été atteint tant s'en faut, mais plus certainement à ce que l'ambition politique a fait défaut pour soutenir les projets. Il était donc urgent de réviser les politiques d'emploi de ces crédits et de ceux du fonds national d'aménagement et de développement du territoire, et j'espère que nous en verrons les premiers résultats dès la fin du premier semestre de 1999. Dans le contexte actuel, rien ne doit être négligé de ce qui peut favoriser les créations d'emplois.

Le projet de loi d'aménagement du territoire qui nous sera soumis dès janvier, ne peut manquer de retenir l'attention dans la mesure où il vise à renforcer l'efficacité économique et la cohésion sociale et à préserver les ressources naturelles tout en rompant aussi bien avec le dirigisme qu'avec l'ultralibéralisme. Des entités plus ou moins nouvelles verront leur rôle accru, régions, agglomérations, pays, schémas de services collectifs... Ainsi se profilent un changement institutionnel et une modification des responsabilités jusqu'ici confiées à l'Etat, au département et à la commune. La notion de territoire "pertinent" ne manque pas d'intérêt, mais encore faut-il s'entendre sur le sens de ce mot et chercher à favoriser l'implication des citoyens. Comment pourrait-on soutenir en effet une Europe où les citoyens resteraient éloignés des centres de décision ? Je sais par expérience que l'échelon communal est propice à l'expression des besoins et des attentes, ainsi qu'à l'expérimentation des formes d'intervention citoyenne. Mais cela suppose que les conseils, élus directement, ne perdent pas leurs pouvoirs au profit d'une instance d'agglomération, désignée, elle, au second degré. Il ne saurait y avoir de place pour l'autoritarisme dans un projet intercommunal.

Craignons donc que, sous prétexte de souplesse, on ne s'achemine vers une construction institutionnelle plus européenne et assurément moins démocratique. Auquel cas je ne suis pas sûr que se résorberaient les inégalités, en particulier entre régions. Celles-ci se voient confier un rôle pivot dans l'aménagement du territoire, mais quelle possibilité ont-elles de corriger ces inégalités ? Seul, l'Etat en apparaît capable : à l'heure de son élargissement à l'Est, l'Union européenne n'a que faire de certaines préoccupations nationales et, par exemple, de celle qui a trait au devenir de l'Ouest français.

Or on ne saurait négliger l'importance de notre façade maritime atlantique ni le rôle des places portuaires dans le développement de leur région et, par conséquent, la nécessité de les conforter, en particulier par des moyens de communication leur permettant d'irriguer l'hinterland national et européen. Or, faute pour notre pays d'avoir comme ses voisins développé des réseaux fluviaux et ferroviaires, nos grands ports peinent aujourd'hui à occuper la place qui devrait être la leur. Un rééquilibrage des trafics maritimes passe certes par des investissements dans les ports eux-mêmes -ce qui se fait au Havre avec Port 2000-, mais tous les partenaires concernés insistent sur l'urgente nécessité d'axes ouest-est, en particulier ferroviaires, évitant la région parisienne. Les transits portuaires génèrent en effet emplois et plus-values. Mais ce n'est pas d'un dialogue entre régions et Union européenne que l'on peut attendre ce développement équilibré. Il y faut le poids de l'Etat, son rôle d'aménageur soucieux de l'intérêt général. A lui de susciter les coopérations interrégionales, mais qu'il ne délégue à aucun moment sa responsabilité dans le domaine de l'aménagement du territoire !

Le Conseil économique et social, dans son avis sur le projet de loi que nous examinerons au début de 1999, note d'ailleurs ce fait, en ajoutant que "si l'optimisation des équipements existants doit être recherché, cela ne doit pas conduire à renoncer à toute construction d'infrastructures et d'équipements nouveaux, lorsque ceux-ci sont nécessaires pour raccorder les zones en difficulté aux grands réseaux". Nos concurrents nord-européens accélèrent aujourd'hui leurs investissements portuaires et développent des voies de communication vers le centre de l'Europe, afin de capter l'augmentation des trafics maritimes actuellement constatée. L'urgence commande pour notre pays que l'Etat joue rapidement et pleinement son rôle. Nous ne pouvons courir le risque de voir nos ports être irrémédiablement dépassés et notre façade maritime limiter ses ambitions à la création d'espaces naturels ou de ports de plaisance en négligeant les besoins de l'industrialisation.

Dans ce projet de budget, vous n'ignorez pas, Madame la ministre, les perspectives tracées par les projets de loi que nous aurons à examiner en 1999. Les moyens dont vous disposerez sont autant de signes encourageants. Mais notre approbation à ce budget ne saurait que préluder, le moment venu, à des propositions visant à rechercher, à travers les lois touchant à l'aménagement du territoire, la démocratie et le développement équilibré et cohérent de notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

Mme Marie-Hélène Aubert - C'est avec plaisir, Madame la ministre, que j'interviens cette année sur le budget de l'aménagement du territoire qui, pour nous députés verts, doit rester un volet essentiel de votre ministère.

Votre budget s'établit pour 1999 au même niveau que pour 1998 à 1,8 milliard. C'est donc un budget de consolidation pour lequel nous n'éprouvons pas un enthousiasme excessif. Il avait toutefois augmenté de 6,06 % en 1998, en rupture avec la décroissance régulière des exercices antérieurs. Il ne rend de plus pas compte de l'ensemble des moyens que l'Etat consacre à l'aménagement du territoire et qui représente plus de 60 milliards.

La DATAR bénéficiera, quant à elle, en 1999, des moyens nécessaires à son action grâce à la prime d'aménagement du territoire et au fonds national d'aménagement et de développement du territoire.

Il faut tenir compte en outre de la négociation des contrats de plan Etat-régions, des possibilités de contractualiser offertes jusqu'en 2003 aux agglomérations et aux pays et de la réforme des fonds structurels européens dans le cadre de l'Agenda 2000.

Mais l'enjeu essentiel est la réforme de la loi Pasqua de 1995.

Les procédures retenues seront primordiales. Elles devront accorder une large place à la concertation. La politique d'aménagement du territoire doit en effet s'appuyer sur une logique de projets prenant en compte les besoins réels des citoyens et non la mégalomanie dispendieuse de certains décideurs, élus ou non. Ces projets permettront à tous l'accès à des services publics de qualité.

Ces procédures devront être claires afin de ne pas tomber à nouveau dans le travers de moyens peu ou mal utilisés. Evitons les usines à gaz dont l'efficacité énergétique laisse tant à désirer !

M. Michel Bouvard - Ce gaz est pourtant une énergie propre ! (Sourires)

Mme Marie-Hélène Aubert - Il faut réaffirmer la volonté d'aller vers une véritable décentralisation malgré les tristes épisodes constatés dans les conseils régionaux sous l'influence de l'extrême-droite. Elle est, en effet, la garantie de la démocratie locale.

Nous souhaitons donner toute sa signification à la notion de "développement durable", distincte de celle de "croissance durable". Elle ne constitue pas une idéologie simpliste, comme le prétendent certains "accros" du bitume, mais un projet moderne reposant sur une meilleure efficacité de la production préservant le bien-être de ceux qui nous succèderont.

Le développement durable met ainsi l'accent sur le qualitatif, sur les biens immatériels, sur les services aux personnes, sur la circulation des connaissances, sur la solidarité et sur la qualité de vie.

Ainsi, en matière de préservation du patrimoine naturel, le développement durable repose sur les principes de précaution, de responsabilité, d'autonomie et de solidarité.

C'est aussi "penser globalement, agir localement", y compris par exemple pour lutter contre l'effet de serre conformément aux recommandations de la convention de Kyoto et des travaux de Buenos Aires.

Nos concitoyens, lassés des discours sans lendemain, souhaitent en effet des actions plus efficaces.

Enfin, il faut impérativement sortir de l'opposition ville-campagne. On entend dire que le développement de la ville irrigue la campagne, logique qui accentue de façon néfaste la concentration urbaine, ou alors que la campagne constituerait un terrain de loisirs pour urbains stressés, ou encore la chasse gardée de la profession agricole.

La vérité est qu'en France comme ailleurs, les campagnes se désertifient. Il faut oser parler de limitation de la taille des agglomérations, en étudiant le seuil qui fait qu'une ville engendre plus de coûts qu'elle n'offre de services.

Il faudra en outre consacrer des moyens suffisants au développement des pays.

Il faudra de plus changer les règles du jeu en matière de fiscalité locale et renforcer l'intercommunalité, laquelle fait l'objet d'un projet que nous étudierons prochainement.

Les politiques agricoles nationales et communautaires, seront elles aussi déterminantes.

Sur toutes ces questions, nous savons que vous avez déjà de nombreuses propositions à nous faire.

Vous pouvez compter sur notre soutien vigilant pour faire vivre auprès de nos concitoyens les abstractions, que sont encore souvent pour eux, l'aménagement du territoire et le développement durable (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et sur de nombreux bancs du groupe socialiste).

M. Henri Nayrou - L'examen de la partie "aménagement du territoire" de votre budget ne peut se faire sans avoir à l'esprit la future loi d'orientation, les lois sur l'intercomunalité, voire la réforme des fonds structurels européens. Qui dit "aménagement du territoire" dit ipso facto une correction à apporter aux déséquilibres du pays. Et si je vous dis que je suis élu de l'Ariège, vous comprendrez que j'aborderai ce budget du point de vue de la montagne et des zones défavorisées.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. Henri Nayrou - Je me réjouis d'abord que les crédits soient stabilisés -même si ce budget ne sera vraiment le vôtre qu'après la mise en application de la loi d'orientation. J'apprécie aussi votre volonté d'améliorer les conditions d'utilisation de la PAT -dont 267 millions ne sont pas consommés. Vous avez manifesté votre volonté de remédier énergiquement à ces dysfonctionnements lors des questions.

M. Michel Bouvard - Faites vite !

M. Henri Nayrou - Il faut réorienter la PAT vers des opérations plus modestes et adapter le plancher de 20 emplois à la taille des projets de revitalisation en milieu rural ou montagnard.

Vous avez affirmé qu'une logique de projet devait remplacer la logique de guichet. La formule est heureuse, il reste à la rendre efficace.

Comme vous, nous préférons que l'Etat apprenne à pêcher plutôt que de donner du poisson.

Les élus ruraux aussi appellent de leurs voeux un développement durable chez eux, non par un corporatisme territorial dérisoire, mais parce qu'ils ne veulent pas vivre dans des zones transformées en sanctuaire.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. Henri Nayrou - Comme d'autres, je regrette la dilution progressive des crédits spécifiques de la montagne dans ce budget.

Ainsi, le FIAM issu de la loi montagne de 1985 s'évapore au fil des années. Il s'agit pourtant d'un remarquable outil de développement.

Le FNADT a fait également tomber dans le pot commun les moyens nationaux et régionaux du FIDAR.

Enfin, la sous-consommation de la PAT et du FNADT est préjudiciable au développement de nos zones. Cela pose le problème des financements croisés avec 5 ou 6 partenaires dont l'Europe.

Mais finalement, votre politique, Madame la ministre, répond assez bien aux aspirations des élus de la montagne et du monde rural.

Nous regrettons avec vous le montant des crédits non utilisés.

Nous partageons votre volonté de recadrer les attributions de la PAT pour des projets plus modestes.

Mais nous souhaitons surtout que soit réaffirmée la spécificité montagne.

Alors pourquoi ne pas concevoir une mini-PAT d'un usage plus souple et donc plus efficace qui serait destinée aux zones à faible densité pour des mini-projets.

Il faut passer du concept fourre-tout d'aménagement du territoire à celui d'occupation harmonieuse d'un territoire aménagé.

Vous l'aurez sans doute compris : je préfère une sardine sur du pain à un oiseau qui vole... (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Stéphane Alaize - Les fonds structurels sont mal utilisés comme en témoigne la sous-utilisation des crédits. Cela résulte de la mauvaise préparation des acteurs de terrain à leur utilisation. Celle-ci passe en effet par des procédures très lourdes, moins du fait des dispositifs communautaires que de nos pratiques nationales.

Je déplore en particulier le manque de formation des agents instructeurs de l'administration et l'absence invraisemblable dans la plupart des préfectures de services consacrés à ces questions.

Auditionnée par la commission de la production, Mme Monica Wulf-Mathies, membre de la Commission européenne, a déclaré ne constater une telle sous-consommation qu'en France.

Des solutions existent pourtant comme le pilotage conjoint de l'instruction des dossiers par l'Etat et le département que nous expérimentons en Ardèche, ou la création d'un bureau technique instructeur allégé au personnel bien formé. Nous dépassons régulièrement 100 % de notre enveloppe de référence. Aussi serait-il bon d'envisager dès maintenant un recueil des pratiques locales les plus efficaces.

En second lieu, je voudrais évoquer la gestion pluriannuelle des crédits européens. Lorsque les crédits au niveau régional sont consommés à moins de 70 % une année, la pénalisation porte sur l'année suivante. Des programmes qui sont prêts ne peuvent alors être financés ! Des départements actifs comme l'Ariège sont alors pénalisés. Ce système pervers doit cesser. Et avant que n'expirent les programmes 1994-1999, il faut dresser un bilan des départements et régions qui ont consommé leurs crédits et leur attribuer un supplément grâce à une vraie fongibilité des fonds.

Ce que je viens de dire pour les fonds structurels vaut aussi pour le FNADT.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. Stéphane Alaize - Vous avez annoncé à Autrans que le conseil national de la montagne se réunirait prochainement. Il faut effectivement qu'il sorte de sa léthargie. Les difficultés des zones de piémont et de montagne, qui sont des espaces prometteurs, peuvent être surmontés si une réelle volonté politique s'affirme pour l'aménagement du territoire. Il vous revient de freiner les vélléités de nos collègues qui ne misent que sur la ville. Qu'on pense à l'implantation des gendarmeries et commissariats par exemple. La sortie du moratoire sur les services publics témoigne de la possibilité d'un retrait de l'Etat. Nous serons à vos côtés si vous essayez de sensibiliser le Gouvernement, comme nous vous avons soutenue sur le plan massif, lancé au CIAT de Mende pour le Massif central. Réhabiliter la montagne est un processus novateur qu'il faut poursuivre. Cette démarche s'inscrit d'ailleurs que dans le schéma européen de développement de l'espace communautaire qui préconise, à travers des expériences comme celle du Massif central, une répartition plus équilibré des activités productives, une occupation des sols qui ne dépende pas de la seule rentabilité, une plus grande sensibilité aux caractères spécifiques de chaque territoire.

Cette démarche renforce l'action opiniâtre conduite au sein des comités de massif et permet d'envisager la validation d'un ensemble de propositions à mettre en cause dans un contrat de plan spécifique qui aura valeur d'exemple pour les politiques nationale et communautaire d'aménagement du territoire.

Ne serait-il pas opportun en 1999, puis sur la période 2000-2006 de faire des comités de massif le livre d'expérience de ces politiques ? Actuellement, chaque massif se heurte au fait que les régions sont les partenaires exclusifs de l'Etat au mépris de certaines initiatives innovantes dans le cadre de la montagne.

Mon plaidoyer pour le monde rural ne le situe pas en opposition mais en complément au monde urbain.

La loi d'orientation, les contrats de plan, la réforme des fonds structurels nourrissent dès inquiétudes légitimes. Ne fera-t-on pas trop de place à la ville, ou même à la notion de pays ? Faites confiance au monde rural, source de valeurs sûres et de potentialités qui peuvent enrichir notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Philippe Duron - Ce budget est bon. Le groupe socialiste le votera. Avec 1,8 milliard, c'est un budget de consolidation, après une décroissance de plusieurs années. 1999 sera d'ailleurs une année de transition puisque se préparent les contrats de plan Etat-régions, la réunion des fonds structurels et votre projet de loi d'orientation.

Ce dernier marque la volonté de relancer l'aménagement du territoire, en panne depuis la loi du 4 février 1995. Il ne s'y substitue pourtant pas. Ainsi il conserve les pays. Mais il innove avec la notion de développement durable du territoire.

Il définit aussi des choix stratégiques. Il s'agit d'abord de faire toute sa place à la France dans l'Union européenne en développant des pôles qui offriront une alternative à l'aire urbaine parisienne. Il s'agit de réduire les inégalités entre territoires. L'Ariège et l'Ardèche doivent garder des raisons d'espérer.

Le Gouvernement réforme aussi les moyens d'action. Au schéma national d'aménagement du territoire succèdent huit schémas de services collectifs, élaborés en concertation avec les partenaires locaux.

Par ailleurs, le projet de loi renforce la décentralisation et veut substituer une logique de projet à la logique de guichet. Le développement durable ne saurait résulter que d'un partenariat entre l'Etat et les acteurs locaux. Dans un souci démocratique, le projet renforce également le rôle des associations.

Mais plusieurs contraintes pèsent sur ce projet ambitieux. D'abord, il faut que les huit schémas nationaux de services collectifs et les vingt-deux schémas régionaux d'aménagement et de développement coïncident avec la préparation des contrats de plan et avec la réforme des fonds structurels. L'exercice sera difficile. Il faut ensuite garantir l'égalité d'accès au service public, ce qui nécessite d'en rechercher les formes nouvelles correspondant aux besoins de demain.

Enfin, l'élaboration, le contenu, la validation des schémas des services collectifs suscitent bien des questions. Comment prendre en compte la dimension sociale dans une logique d'aménagement de territoire ? Le débat que nous aurons sur ce projet s'annonce passionnant. Il prépare le siècle à venir. Ce n'est pas un mince enjeu (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Aloyse Warhouver - A travers les actions de la DATAR, les fonds structurels, les contrats de plan et ce budget, l'aménagement du territoire a pour enjeu l'équilibre entre ville et campagne, entre les différentes régions de l'hexagone, soumises à des tensions et des influences variables, entre les espaces européens enfin.

Sur quatre aspects, cette politique mériterait des correctifs.

D'abord, les primes à l'aménagement du territoire jouent un rôle décisif dans les décisions d'implantation. Ainsi une industrie du bois installée dans le massif vosgien, où son approvisionnement est assuré, va se développer ailleurs, là où elle bénéficiera de primes et d'une main-d'oeuvre abondante et meilleur marché. Il faut revoir la réforme de la PAT de 1995 dans certains départements comme la Moselle.

Je me préoccupe ensuite de la politique des pays. Le développement local a connu depuis 30 ans beaucoup d'initiatives intéressantes, qui ont toutes abouti à la création de structures porteuses de projets. La politique des pays vient s'y superposer, de sorte que nous avons affaire avec une multitude de structures qui n'ont plus rien à voir avec la représentation du suffrage électoral, d'autant que les différentes structures sont souvent dirigées par les mêmes responsables, ce qui ajoute à l'opacité de l'ensemble.

Gardons ce qui fonctionne bien, comme l'a dit M. Bonrepaux, mais simplifions cet enchevêtrement, d'autant que la structure de développement constitue davantage un tremplin vers des mandats électoraux qu'un instrument au service de l'emploi et du progrès économique.

La loi du 4 février 1995 a créé les directives territoriales d'aménagement, fixant les orientations fondamentales dans ce domaine. Or les vallées de la Sambre et de la Meurthe viennent de subir des inondations sans précédent. Comment en est-on arrivé là ? D'abord, les villes manquant d'espaces plats ont remblayé les fonds de vallée, pour y installer des activités, voire des habitations. Les cours d'eau ne retrouvant plus leur lit d'étalement montent alors à des cotes jamais atteintes. Ajoutez à cela les drainages, les digues créées pour les voies nouvelles, le déboisement, les remembrements, la disparition des haies, les surfaces goudronnées ou bétonnées : tout est réuni pour qu'une nuit de pluie provoque des inondations catastrophiques. Pourriez-vous accélérer la mise en place des schémas de service collectif, et coordonner ce qui peut encore l'être : protection des fonds de vallée, plans d'écoulement, retenues d'eau ? L'agence du bassin Rhin-Meuse annonce l'écoulement annuel sur son aire de 54 millions de m3 d'eau sans aucune utilisation. Notre pays est suréquipé en centrales nucléaires qui ne sont pas au point, en particulier pour le traitement des déchets radio-actifs (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV). Il faut donc remplacer ces marmites infernales par des usines hydroélectriques ou thermiques.

S'agissant des prochains contrats de plan, les 33 propositions de réforme présentées par M. Chérèque vont dans le bon sens. Veillez à la qualité environnementale des équipements, structurants, et établissez aussi des garde-fous, car certains élus ont tendance à se servir à deux ou trois sources. Ces financements croisés s'opèrent toujours au détriment des petites communes. Le cadrage financier devra assurer une meilleure répartition entre zones rurales et zones urbaines. La réforme en cours des fonds structurels devrait aboutir aux mêmes objectifs. A l'heure des bilans, il serait intéressant de connaître la destination par région et à l'intérieur des régions des financements communautaires. Je pense principalement à l'objectif 5b. Je voterai votre budget, pour qu'il ouvre des perspectives nouvelles (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. André Vauchez - Avec 1,8 milliard, le budget de l'aménagement du territoire retrouve son niveau de 1998, alors qu'il diminuait régulièrement avant 1997. Aménager le territoire pour les hommes, voilà le défi que vous voulez relever. Je sais comment vous allez auprès des populations des villes et des champs du Jura recueillir les aspirations des gens pour que vive leur territoire, dans une France en développement, à l'orée du XXIème siècle. Chaque région doit pouvoir connaître un développement durable. Nous ne voulons plus de villes asphyxiées par la concentration d'activités, ni de territoires continuant leur lente désertification. Au fil du temps, les gouvernements de droite et de gauche ont tenté d'enrayer ce mécanisme. Certains ont rêvé de transporter des usines dans les villages en proposant des primes importantes, là où il n'y avait presque plus personne. Ainsi, sur une multiplicité de zones couvrant près de la moitié du territoire, l'aide a été inefficace. De fait, mettre l'accent sur le pluralisme primaire, c'est opposer le rural, qui doit être revitalisé, aux petits pôles de développement locaux.

Notre pays vit grâce à tous ces centres vitaux que sont les communes de France, si différentes soient-elles. Le maillage du territoire tient bon parce que tous les noeuds en sont solidement réunis, du plus gros au centre de la France, jusqu'aux plus petits. Plutôt qu'une logique de guichet, une logique de projet permettrait de redynamiser ces noeuds actifs du territoire français. A la veille de la présentation de votre projet d'aménagement, votre budget marque la fin d'un cycle. Nous aurons à reconstruire de nouveaux équilibres, fondés sur la solidarité de proximité, qui garantit que le maillage ne se rompt ni en amont ni en aval du noeud. Cette solidarité, active pour défendre le service public, est moins vérifiée dans les domaines économique, social et culturel. C'est pourquoi je vous suggère de réorienter les crédits de la PAT et du FNADT vers une meilleure logique de développement durable, ce qui permettra ainsi de mieux consommer les crédits.

Etes-vous d'accord sur cette proposition, et comment pourriez-vous la mettre en oeuvre ? Sans attendre votre réponse, je vous annonce que je voterai votre budget, qui prépare l'avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Balligand - Le débat sur l'aménagement du territoire pèche par manque de réflexion collective sur l'environnement économique qui caractérise cet aménagement. L'absence d'un véritable discours sur l'aménagement économique du territoire fait ainsi le jeu du libéralisme, au détriment de la volonté politique. Or les liens étroits entre aménagement du territoire et décentralisation nous conduisent à penser qu'il faudrait étudier de façon concomitante les lois Chevènement, Zuccarelli et Voynet.

Nous sommes un certain nombre d'élus à nous poser la question avec inquiétude : l'Etat sait-il et veut-il intervenir en partenariat avec les collectivités locales ? On a parfois le sentiment que l'Etat entend agir seul, en utilisant la structure pyramidale et hiérarchique qui le caractérise dans notre pays. J'en veux pour preuve le bouclage prévu des contrats de plan... avant même l'adoption définitive de la loi sur le développement du territoire ! En effet, avec le calendrier prévu, ce n'est qu'à la fin 1999 que nous adopterons ce texte qui créera les structures juridiques des pays et des agglomérations, alors que les contrats auront été signés avant (Approbation sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL). Il faudrait donc que le Gouvernement déclare l'urgence de l'examen du projet sur l'aménagement du territoire : c'est le seul moyen de pouvoir contractualiser sérieusement avec les pays et les agglomérations ("Très bien" ! sur les bancs du groupe socialiste). Je le dis au nom de nombreux collègues, sur tous les bancs, qui sont responsables de collectivités et qui s'interrogent. Si l'on veut privilégier l'agglomération, il faut d'abord avoir la taxe professionnelle d'agglomération : si on ne dégage pas des moyens pour cet espace, si on laisse jouer l'égoïsme communal, comment pourra-t-on contractualiser ? Si l'on choisit cette voie, il sera intéressant d'avoir une action publique territorialisée, par voie contractuelle, dans le cadre des contrats Etat-régions, qui pourront la décliner sur les agglomérations et les pays. Mais pour cela il faut que le calendrier institutionnel la permette : il faut l'urgence, pour que le projet puisse être adopté en mai ou en juin. Nous n'entendons nullement, disant cela, brusquer le débat parlementaire, ni vous-même, Madame la ministre.

Nous pensons au contraire servir la cause de la contractualisation, au lieu de nous enliser dans une procédure qui aboutirait à une incohérence.

M. Jean-Claude Lenoir - Excellent !

M. Jean-Pierre Balligand - En effet, sans cela, on nous dira qu'il faut contractualiser avec des pays et des agglomérations qui n'existeront pas, juridiquement et financièrement !

M. Christian Estrosi - C'est ce que je disais la semaine dernière au préfet de région !

M. Jean-Pierre Balligand - Je souhaite savoir par ailleurs si le Gouvernement a d'autres positions, que nous ignorerions. Un exemple : il y avait une structure, appelée "entreprises et territoires", dépendant de la DATAR. Nous, provinciaux, -et je ne parle pas de ceux qui, comme M. Nayrou, essaient de compenser l'absence de moyens qui se sont dilués dans le FNADT de M. Pasqua-...

M. Christian Estrosi - Ne devenez pas désagréable, vous étiez parfait jusqu'à présent !

M. Jean-Pierre Balligand - ...nous qui représentons des zones où existe encore une activité économique, nous trouvions auprès de cette structure un interface pour faire sortir de la région parisienne certaines activités créatrices d'emplois. Or nous découvrons soudain qu'entreprises et territoires n'est plus chargée de jouer ce rôle, qu'il est même interdit d'utiliser cette structure pour démarcher des entreprises en région parisienne ! Celle-ci doit-elle être hyperprotégée ? Je me demande si ce n'est pas l'effet des zones franches systématiques, qui conduisent à privilégier le grand urbain. Celui-ci, certes, subit la crise. Mais la crise en Ile-de-France ne résulte-t-elle pas d'abord d'un refus de péréquation entre le département le plus riche de France, les Hauts-de-Seine, et le plus pauvre de France, la Seine-Saint-Denis ? Est-ce à nous, provinciaux, de payer l'absence de toute intercommunalité dans la région qui a le plus fort PIB ? Nos zones moyennes, nos petites villes ont besoin d'une structure nationale qui joue ce rôle d'interface.

Je veux enfin poser le problème de la PAT. Dans les rapports de nos collègues Rodet et Leyzour, j'ai découvert des chiffres inquiétants. Entre 1995 et 1997, la PAT a diminué en moyenne de 11 % par dossier, alors que pendant la décennie précédente la tendance était à la hausse. Je crains -et je le dis solennellement- que nous ne soyons pas assez attentifs à la volonté constante de Bercy -comme auparavant de Rivoli- de démanteler la politique d'aménagement du territoire, et en particulier la PAT. Soyons donc vigilants sur ce point, ou alors ne disons plus que nous voulons faire de l'aménagement économique du territoire.

Enfin, Madame la ministre, nous devons être vigilants sur les PME. La réforme Mehaignerie de 1987 s'est traduite par une renationalisation totale de la PAT, désormais concentrée sur les dossiers dits "internationalement mobiles". Si nous voulons être efficaces, il faut une PAT pour les PME-PMI. Je ne dis pas pour les TPE, car on peut s'en occuper au niveau départemental et régional. En revanche, quand une entreprise de dix salariés est susceptible de passer à trente ou quarante, nous sommes là sur les vraies niches d'emploi. Il faut une politique fiscale au niveau du ministère des finances, et cela se fait peu à peu. Mais il faut aussi des crédits déconcentrés, voire -pourquoi pas ?- décentralisés. Il faut une PAT qui permette d'accompagner le passage de la TPE à la PME. Nous espérions un infléchissement en ce sens.

Tout cela n'est pas dirigé contre votre politique, bien au contraire. Je réitère notre souhait d'obtenir l'urgence, pour permettre une cohérence entre votre projet, que nous approuvons, et la contractualisation. Il faut que la "loi Voynet" soit bouclée vers mai-juin, pour qu'au deuxième semestre l'Etat puisse contracter avec des structures infrarégionales dotées d'un vrai substrat juridique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Michel Grégoire - Au-delà des crédits, je souhaite parler projet, équilibre et philosophie de l'aménagement du territoire. Son enjeu est la maîtrise des évolutions, en ville comme à la campagne. On l'a dit : 80 % de la population vivent en ville, 20 % dans les campagnes. Mais la vraie question de l'aménagement est de savoir où sont les espaces de développement et d'emploi, où l'on peut judicieusement investir et mettre des moyens -mais aussi comment répondre à des phénomènes de saturation qui génèrent précarité, exclusion et chômage. Il faut pouvoir contractualiser plus près du terrain que jusqu'à présent. C'est d'ailleurs un axe fort de votre futur projet. Cela implique une meilleure coordination des échelons territoriaux, une répartition plus claire des compétences. Cette logique, que j'approuve, s'oppose à la pure logique de gestion et de rentabilité, qui conduit à supprimer les services publics en zone difficile. Cela implique un partenariat entre les collectivités, où chacune connaisse exactement ses engagements. La loi sur l'intercommunalité devrait aller dans ce sens, si elle est bien coordonnée avec la vôtre. Une telle logique est d'une actualité croissante, qu'il s'agisse de transports, de poste, de communication, d'agriculture, de réseaux collectifs -on sait la difficulté des communes rurales à financer l'eau et l'assainissement.

Je suis convaincu que la campagne est un espace d'accueil économique pour l'avenir. Mais je crains qu'on ait laissé s'installer une rupture entre ville et campagne. Depuis cinquante ans, notre pays évolue toujours dans le même sens, du rural vers l'urbain, et je ne sais s'il est encore possible de corriger cela. Les Français sont en mal de leurs territoires, ils les aiment ; mais les racines, ils ne les ont plus. L'aménagement du territoire se fait avec des hommes et des femmes qui s'attachent au territoire qu'ils occupent, pour des raisons familiales ou à partir d'un projet. Le mal-être des banlieues ne tient pas seulement au chômage et à la précarité, mais aussi au manque de repères territoriaux. Le territoire évoque la terre, et la terre les racines, dont l'homme a besoin pour se construire.

La France d'aujourd'hui veut retrouver son souffle, en rompant avec une société qui a usé les hommes. L'Europe a son rôle à jouer pour relever ce formidable défi. Aménager le territoire, n'est-ce pas d'abord mener une politique de l'espoir, pour notre environnement, pour notre vie quotidienne ? Votre ministère a du pain sur la planche, Madame la ministre, même s'il n'a pas encore suffisamment de moyens, ou du moins d'autorité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - L'année 1999 sera décisive pour l'aménagement du territoire à plusieurs titres. Les contrats de plan Etat-régions s'achèveront et nous préparerons les contrats du XIIème plan. La prochaine génération des aides communautaires à finalité régionale devra être mise au point, s'accompagnant d'une refonte importante des objectifs des zonages et de leur carte. L'Assemblée nationale examinera dès le 19 janvier prochain le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, ainsi que, au cours de l'année, d'autres réformes importantes, évoquées par MM. Ligot et Balligand, en particulier le projet de Jean-Pierre Chevènement sur les communautés d'agglomération. Les schémas de services collectifs qui seront prévus par le projet de loi d'orientation se substitueront aux schémas sectoriels de la loi Pasqua et seront opérationnels dès l'an 2000. Enfin, la révision des doctrines d'emploi des instruments financiers de l'aménagement du territoire gérés par la DATAR -prime d'aménagement du territoire et fonds national d'aménagement et de développement du territoire- devrait être achevée au cours de l'année.

Le budget de l'aménagement du territoire que j'ai le plaisir de vous présenter est à la fois de transition et de consolidation, comme l'ont bien compris vos deux rapporteurs, que je remercie pour la pertinence de leur analyse.

Budget de transition : les travaux dont je viens de parler le prouvent.

Budget de consolidation : il reconduit celui de l'an passé au centime près, Monsieur Deniaud, avant abondement par la réserve parlementaire.

Le budget de la DATAR avait diminué de 3 % en 1995, de 12,2 % en 1996, de 14,1 % en 1997, soit de 27 % en trois ans. L'année dernière, je vous avais présenté un budget en augmentation de 6,06 %, tandis que le budget de l'environnement ne faisait que suivre la progression des dépenses de l'Etat. Je ne me souviens pas que M. Deniaud ait, à l'époque, dénoncé la misère de l'environnement par rapport à l'aménagement du territoire.

Je vous avais déjà rappelé l'année dernière que la qualité d'un budget ne se mesurait pas seulement à l'aune de sa progression. M. Lenoir m'a reproché un manque d'ambition, comme si celle-ci se mesurait par les inscriptions budgétaires, pourtant si souvent suivies dans le passé de gels et d'annulations... Je suis attachée à la maîtrise globale des dépenses publiques. Comment y parvenir si les ministres et les parlementaires plaident systématiquement pour des augmentations de crédits ? C'est déjà ce que j'ai dit en présentant le budget de l'environnement. Il ne faut pas toujours plus d'Etat et plus de dépenses, mais un Etat et des dépenses publiques plus efficaces, au service de chaque citoyen.

C'est pourquoi j'ai moi-même demandé au Premier ministre, lors des arbitrages budgétaires, non pas une nouvelle augmentation du budget de l'aménagement du territoire, mais une simple consolidation. Il me paraissait important de confirmer la rupture avec la baisse constante des années 1994 à 1997, mais les conditions ne me paraissaient pas réunies pour aller au-delà. Je sais que cette manière de raisonner chagrine quelques-uns d'entre vous, et pas seulement dans l'opposition, mais elle me paraît réaliste. Nous avons plus besoin de réflexion que de crédits. Beaucoup d'entre vous ont plaidé pour une orientation des choix publics vers un développement durable et plus attentif à l'emploi.

Si les conditions ne me paraissaient pas réunies pour aller au-delà, c'est d'abord parce que des chantiers interministériels et communautaires sont en cours ; c'est ensuite parce que les instruments d'aménagement du territoire gérés par la DATAR n'ont pas encore atteint une efficacité maximale. Je partage l'avis d'Alain Rodet sur ce point.

Pour la prime d'aménagement du territoire, la sélectivité des projets est faible : environ 80 % des projets présentés sont acceptés. On ne sait pas quel est l'impact réel de la PAT en termes de créations d'emplois durables. En outre, l'obtention de la PAT ne résulte-t-elle pas souvent d'un simple effet d'aubaine ?

On constate que 63 % des emplois annoncés lors de l'examen des dossiers ont effectivement été créés trois ans plus tard, 65 % cinq ans plus tard. Ce taux ne s'établit cependant qu'à 51 % si l'on exclut les facteurs exogènes au programme primé, notamment les croissances d'effectifs imprévues, liées à la conjoncture.

S'agissant de l'effet d'aubaine, il s'avère que la plupart des entreprises bénéficiant de la PAT ont plus facilement accès que les autres à d'autres sources de financement. La PAT ne contribue ainsi qu'insuffisamment au financement d'investissements à risque ou faiblement capitalisés. Elle aide les entreprises les mieux armées pour faire face à la mondialisation, comme l'a souligné Daniel Paul.

De plus, la PAT ne représente qu'une part très réduite du financement des projets : 4,9 % en moyenne, pour la période 1994-1996. Cette part est même très marginale pour les plus gros investissements : dans le cas de l'implantation de Toyota à Valenciennes, la PAT ne représente que 1 % de l'investissement.

Enfin, la PAT ne tient qu'un rôle mineur dans le choix du lieu d'investissement. Lors d'une récente enquête, deux tiers des chefs d'entreprise ne citaient pas les aides publiques directes comme facteur d'installation ou de développement. Les éléments décisifs d'implantation sont la fiscalité, la stabilité de l'environnement industriel, la qualité de l'environnement social, industriel ou technologique, les infrastructures, la proximité d'un marché.

Parce que la PAT est un élément secondaire dans le choix d'un investisseur, les décisions d'octroi prises en CIALA sont insuffisamment suivies d'effets, les montants effectifs sont inférieurs aux plafonds autorisés, comme l'a rappelé Jean-Pierre Balligand. Je ne crois pourtant pas que le responsable soit le vilain Bercy...

Pour la période 1994-1998, le stock d'autorisations de programme disponibles au titre des années antérieures représente, en moyenne, plus de trois fois la moyenne des autorisations de programme ouvertes en loi de finances. S'agissant des crédits de paiement, les crédits reportés étaient chaque année, depuis 1994, supérieurs aux crédits ouverts en loi de finances initiale. Ce n'est plus le cas, heureusement, en 1998.

Dans ces conditions, j'ai décidé d'agir dans trois directions.

D'abord, en réalisant un grand nettoyage comptable. Les autorisations de programme dormantes depuis plus de quatre ans sont systématiquement annulées, les autres le seront au cas par cas.

Ensuite, par un effort de consommation effective. Le taux de consommation de 1998 sera le meilleur des quatre dernières années. Il s'établissait au 1er octobre 1998, à 37 % pour les autorisations de programme et à près de 72 % pour les crédits de paiement. Cela représente 12 points de mieux que sur la moyenne annuelle de 1995-1997 pour les autorisations de programme, et 18 points de mieux pour les crédits de paiement.

Enfin, par la réforme de la doctrine d'emploi de la PAT. J'en présenterai les grandes lignes au prochain comité interministériel, courant décembre.

Je m'interroge sur la possibilité de séparer la PAT en deux rubriques : l'une destinée à quelques investissements internationalement mobiles et particulièrement structurants, pour lesquels la PAT pourrait jouer un rôle "catalyseur" : ce serait une "PAT exogène" ; l'autre, concentrée sur les régions en difficulté, concernerait davantage des projets de plus petite taille et serait ouverte plus qu'aujourd'hui aux services et aux projets pour lesquels elle pourrait jouer un rôle "déclencheur" : ce serait une "PAT endogène".

Quant au fonds national d'aménagement et du territoire, je souhaite que sa gestion soit durablement améliorée, pour une utilisation plus efficace au service des projets présentés par les élus comme des nouvelles orientations du Gouvernement. Dans ce cas aussi, les crédits sont consommés trop lentement : alors qu'ils correspondent à des engagements confirmés, le montant des rapports d'un exercice sur l'autre dépasse chaque année de 25 % en moyenne le montant des autorisations de programme et des crédits de paiement ouverts en loi de finances. Cependant, l'effort demandé l'an passé par le président de la commission des finances a déjà produit des résultats perceptibles : pour les crédits de paiement, le taux de consommation s'établissait à 70 % le 30 septembre, soit un taux comparable à celui qui avait été observé à la fin des trois exercices précédents. Des progrès durables supposent cependant un réexamen des conditions d'emploi du fonds et l'établissement de procédures claires.

Aujourd'hui encore, bien qu'ils aient fait l'objet d'un premier écrémage en préfectures de région, 30 % des dossiers présentés au CIAT ou en réunion interministérielle sont ajournés parce qu'incomplets. Cela relativise l'opposition un peu simpliste entre l'Etat qui bloque et les régions qui débordent de projets ! Et dans ces conditions, vous comprendrez que le niveau du FNADT, en particulier de son titre VI, me paraisse convenable. A montant comparable à celui de 1998, la dotation donnera d'ailleurs davantage de marge de manoeuvre au Gouvernement, le poids des engagements pris au cours des exercices antérieurs ayant été réduit de 150 millions environ. Cela permettra d'augmenter de 43 % la dotation affectée à la section locale libre d'emploi, pour la porter à 200 millions, tout en augmentant légèrement les crédits disponibles pour la section générale.

S'agissant des zones de revitalisation rurale, sur lesquelles m'interrogeait M. Rodet l'an dernier, et qui représentent 39,1 % de la surface du territoire et près d'un tiers des communes, la part du FNADT qui leur est affectée a été portée de 40 % en 1994 à 44 % en 1995, 1996 et 1997. C'est donc une part prépondérante.

Les conditions d'emploi du fonds ne me paraissent pas non plus satisfaisantes. Trop souvent, les crédits ne permettent ni de lancer de nouveaux projets ni de résorber les handicaps territoriaux : ils complètent simplement des projets montés ailleurs, pour lesquels les autres bailleurs souhaitent s'en tenir à la clé d'affectation qu'ils ont préalablement déterminée. Il n'est évidemment pas question d'interdire au FNADT de cofinancer des projets, mais il ne doit plus se substituer au budget des autres administrations publiques, comme s'il était une simple variable d'ajustement et non un catalyseur de développement, un déclencheur !

Comme pour la PAT, le CIAT du 15 décembre dernier m'a donné mandat de préparer une réforme de sa doctrine d'emploi. Lors du prochain comité interministériel, je proposerai des éléments précis de cette réforme, centrée sur le soutien aux projets intercommunaux, aux pays et aux agglomérations.

Voilà les raisons pour lesquelles j'ai demandé au Premier ministre une simple consolidation. Au reste, une augmentation de 6 %, comme l'an dernier, n'aurait représenté qu'une centaine de millions de francs. Cela n'aurait pas été à la hauteur des enjeux. Soyons lucides : les crédits de la DATAR ne sont pas, de loin, les seuls outils de la politique d'aménagement du territoire, même du point de vue budgétaire. Comme le montre la lecture du "jaune" et comme l'a noté M. Leyzour, ils ne représentent qu'environ 3 % de l'ensemble des dotations, en y incluant les moins-values de recettes fiscales, considérées comme participant à cette politique. Ces dotations sont en effet évaluées à plus de 65 milliards. Encore je n'y inclus pas la PAC qui, aux 60 milliards par an, est sans doute l'outil le plus puissant de l'aménagement du territoire, déployé sans évaluation sérieuse de ses effets sur le développement rural ou sur l'environnement.

La politique que j'entends conduire est donc davantage déterminée par ma ferme volonté d'impliquer l'ensemble de mes collègues que par le seul niveau de mes crédits propres. Comment imaginer qu'avec 2 milliards, on contribuera effectivement à un aménagement équilibré et durable du territoire si l'on ne s'est assuré préalablement que les 63 autres milliards sont bien mobilisés dans la même direction, qu'ils ne contribuent pas au déménagement du territoire, à l'aggravation des inégalités, à la destruction des solidarités et des ressources de demain ?

C'est dans cet esprit que Jean-Claude Gayssot et moi-même veillons à ce que la réorientation de notre politique des transports s'effectue rapidement. Certains ont ironisé à ce sujet.

M. Michel Bouvard - Il va bientôt y avoir un débat parlementaire sur les investissements en infrastructures.

Mme la Ministre - Soyez gentil, lucide et équitable : la plupart des grands projets structurants sont réalisés au même rythme que par le passé. Ce n'est pas parce que vous avez, vous, commis des schémas nationaux qui additionnaient les infrastructures infinançables que nous sommes obligés de continuer.

Nous avons souhaité, non accumuler les prouesses technologiques mais répondre aux besoins. Les Français le comprennent très bien et je tiens à la disposition de l'orateur RPR un sondage qui montre que 77 % de nos concitoyens donnent la priorité au développement économique et à l'emploi local, 68 % à la préservation de l'environnement mais seulement 24 % à la construction de grands équipements tels que des autoroutes ou des lignes TGV... (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR)

M. Michel Bouvard - Evidemment, si on a interrogé les Parisiens !

Mme la Ministre - A ceux qui pensent que j'ai une vision simplificatrice ou déformée de l'aménagement, je rappellerai tout de même que nous avons abondé le FITTVN d'un milliard en 1998 et en 1999, ce qui nous permet de réaliser les équipements dont nous avons réellement besoin.

J'attache une très grande importance aussi aux futurs schémas de services collectifs des transports.

Nous sommes, comme M. Rigal, soucieux de développer les services publics. Mais que peut la ministre chargée de l'aménagement du territoire si chaque ministre chargé d'un service public agit isolément, sans tenir suffisamment compte de l'impact des réorganisations de ces services sur l'aménagement du territoire ? Nous en avons donc discuté avec le Premier ministre et il a été décidé que le Gouvernement devait traiter cette question collectivement et qu'un bilan précis des réorganisations en cours serait dressé.

Je compte naturellement mettre la même conviction au service du monde rural, particulièrement affecté par la concentration des activités et des hommes dans les grandes métropoles ou le long de nos principaux fleuves.

Nombre d'entre vous avez plaidé pour ce monde rural. M. Bonrepaux a souligné l'impact néfaste de la suppression des cotisations d'allocations familiales pour la création d'emplois dans les zones de revitalisation rurale. Certes, 100 à 400 millions, cela reste une somme modeste, mais nous devons dresser un état complet des mesures à conserver, à modifier ou à abandonner dans ces zones. L'enjeu n'est pas mince : il s'agit de rompre avec une tradition bavarde de l'aménagement du territoire (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF), qui a pour contrepartie un déni de la réalité urbaine. Nous devons reconstruire la solidarité entre l'urbain et le rural, en privilégiant le maillage, les collaborations, la mise en réseau. Ce sera l'objet de la révision de la loi d'orientation.

La concentration des hommes et des activités, due en bonne partie aux effets de la mondialisation, se traduit paradoxalement par un étalement urbain dévoreur d'espace et générateur de trafic automobile. N'en déplaise à Alphonse Allais, "construire les villes à la campagne" ne rend pas l'air plus pur pour tout le monde, au contraire !

L'aménagement du territoire devra donc s'attacher à refaire de l'urbain, structuré autour des réseaux de transports en commun, et rompant avec le désastreux zonage. Là encore, l'approche transversale s'impose.

Je n'aurai garde d'oublier la montagne, quand MM. Bonrepaux et Bouvard sont là. Environ la moitié des zones montagneuses connaissent d'importantes difficultés économiques et sociales -mais la moitié seulement. Comme pour le monde rural en général, un nouvelle approche du développement doit y prévaloir. Elle prendra en compte les handicaps géographiques, mais saura aussi faire valoir les atouts et préserver des biens communs trop longtemps sous-estimés parce que non monétarisés.

Un rapport au Premier ministre évaluant la politique de la montagne sera rendu public avant la réunion du conseil national de la montagne qui doit se tenir d'ici la fin de l'année. Cela sera l'occasion de relancer les schémas interrégionaux de massif que M. Alaize a évoqué à propos du Massif central et qui doivent se développer.

Le littoral partage avec la montagne des caractéristiques, comme la richesse et la fragilité des milieux naturels, mais possède aussi des atouts spécifiques comme les activités industrialo-portuaires, la pêche et le tourisme. Il souffre toutefois aussi de lourds handicaps notamment liés à la nécessaire reconversion d'industries civiles et militaires.

M. Daniel Paul a évoqué l'indispensable modernisation de nos ports qui doivent être reliés à leur hinterland dans une logique de transport combiné. Déjà en concurrence avec les plus grands ports du monde, ceux de Rotterdam et Anvers, il importe qu'ils ne le soient pas entre eux.

Enfin, je souhaite qu'une action transversale soit conduite au service des entreprises, afin de passer, là aussi, d'une logique de guichet à une logique de projet et de favoriser le développement de territoires dont la seule condition est que l'Etat remplisse son rôle.

J'ai obtenu à la différence de mes prédécesseurs que le fonds national de développement des entreprises soit doté dès 1998, à hauteur de 200 millions. Une centaine de millions devraient être engagés cette année, et cette dotation sera renouvelée en tant que de besoin.

Enfin, à côté de la réforme des instruments nationaux de l'aménagement du territoire, la France doit réussir la négociation du prochain programme des aides communautaires à finalité régionale.

Plus de 10 milliards par an sont concernés, soit cinq fois le budget de la DATAR. Là aussi, dans le cadre des négociations combinées de l'Agenda 2000, il nous faudra veiller à ne pas lâcher la proie pour l'ombre, en mélangeant, inutilement, deux négociations différentes, celle de la PAC et celle des fonds structurels.

La négociation sera plus aisée si nous faisons la preuve que nous savons consommer convenablement les crédits communautaires. Notre taux d'exécution des programmes communautaires n'est pas satisfaisant, parce que certaines régions ont pris un retard important alors que, paradoxalement, d'autres souhaiteraient un abondement supplémentaire mais aussi parce que les procédures de gestion de ces crédits sont inefficaces, voire contraires aux règles communautaires.

Ainsi, la réglementation communautaire impose un commencement d'exécution du projet pour en financer le complément. Le décret de 1972 portant réforme du régime des subventions d'investissement accordées par l'Etat prévoit, au contraire, que la décision attributive de la subvention doit être préalable au commencement d'exécution de l'opération à subventionner !

M. Michel Bouvard - Bonne remarque !

Mme la Ministre - Cela pose d'autant plus de problèmes que le FNADT est largement utilisé comme contrepartie aux fonds européens. Heureusement, la réforme du décret de 1972 est désormais en cours.

Je réponds maintenant aux observations formulées par les orateurs.

M. Duron m'a interrogée sur le projet de loi d'orientation d'aménagement et de développement durable du territoire dont il sera le rapporteur. Il en partage les grandes orientations, notamment la rupture avec une logique d'office au profit de la prise en compte des besoins prévisibles de la population, la consolidation des projets de territoires dont l'organisation sera renforcée en pays, en agglomérations ou en parcs naturels régionaux.

Il a insisté sur les problèmes de calendrier qui résulteront de la coïncidence de la préparation des schémas régionaux d'aménagement du territoire, des schémas de services collectifs et des prochains contrats de plan Etat-régions.

Je n'ai pas choisi ce calendrier qui résulte notamment de choix faits avant juin 1997 comme la décision de prolonger d'un an les contrats de plan. Celle-ci avait pourtant sa logique, car elle permettait d'adapter ces contrats aux programmes européens. Il est vrai qu'il était difficile d'anticiper sur l'ampleur des réformes entreprises et sur la difficulté de leur préparation.

M. Jean-Pierre Balligand a évoqué l'éventualité d'une discussion du projet de loi d'orientation dans l'urgence. J'ai un grand respect pour le débat parlementaire, mais il est vrai que celui-ci a déjà été largement conduit lors de la discussion de la loi de 1995 et que les constats tirés alors restent pertinents. Je ne verrais donc que des avantages à ce que ce projet soit examiné selon la procédure d'urgence afin de passer au plus tôt à sa mise en oeuvre concrète.

Je reviendrai sur la question des services publics sur laquelle nous travaillons, ministère par ministère, région par région, bassin d'emploi par bassin d'emploi.

M. Paul a plaidé pour une démocratisation des structures de coopération intercommunales. Je ne verrais que des avantages à ce que les parlementaires se saisissent de cette question et aillent plus loin que le dispositif qu'a retenu le Gouvernement concernant l'élection au deuxième degré des conseils d'agglomération.

M. Ligot m'a suspecté de vouloir bloquer un certain nombre d'équipements. Au contraire, le ministère de l'aménagement est intervenu auprès du ministre des transports pour que les travaux prévus sur la route Centre-Europe-Atlantique, qu'il évoquait, soient réalisés comme prévu au cours de l'actuel contrat de plan.

M. Nayrou a plaidé pour la sardine et contre l'oiseau si je l'ai bien compris ?

M. Henri Nayrou - Non.

Mme la Ministre - Je préfère cela, car pour ma part je pense que l'on peut protéger les oiseaux comme les poissons et être un gastronome et un défenseur de l'environnement, ce qui est d'ailleurs votre cas depuis longtemps.

M. Alaize nous a incités à une redéfinition audacieuse de certaines politiques. Je reconnais bien là les jeunes parlementaires qui osent sans doute davantage que leurs collègues plus expérimentés (Protestations amusées sur divers bancs).

M. Christian Estrosi - Combien de temps avez-vous été parlementaire ?

Mme la Ministre - 48 heures. Je voudrais inviter M. Alaize à se pencher sur le schéma de développement de l'espace communautaire, document passionnant qu'il nous a été demandé de soumettre à l'avis des collectivités. Nouvellement élus, les présidents de région n'ont pas le temps de se saisir de ce dossier. Pourtant ce document dessine ce que pourrait être nos priorités et comment, notamment par des coopérations interrégionales, nous pourrions assurer le développement de la façade atlantique par exemple.

M. Warhouver a évoqué les directives territoriales d'aménagement mises en place par la loi de 1995. Ce dispositif largement expérimental ne concerne pour l'instant que 6 zones. Il a été proposé de l'élargir soit à des zones plus petites, soit à des zones confrontées à des affaissements miniers ou à des désordres naturels graves.

Je ne suis pas sûr que ce peut être le cas. Je souhaite en tout cas qu'un bilan soit établi pour évaluer la pertinence de cet outil. Faire prendre des décisions d'arbitrage par l'Etat est une démarche assez lourde et nous exposerait probablement à l'accusation de recentralisation. Le projet de loi prévoira que les régions peuvent demander à l'Etat une telle directive d'aménagement.

Je n'évoquerai pas les marmites nucléaires. Le schéma de service collectif sur l'énergie nous permettra de mesurer précisément les besoins. De plus, la directive communautaire sur l'électricité obligera à certaines évolutions.

Sur la carte de la PAT et les zonages, je serai moins pudique que certains d'entre vous. Dans certains endroits, on peut s'interroger sur un zonage curieux. Je pense à mon département. Les plus optimistes penseront que les cantons où sont élus des représentants de l'actuelle majorité n'avaient pas besoin de zonage puisqu'ils étaient très bien défendus.

M. François Sauvadet - Les zonages répondent à des critères bien précis.

M. Michel Bouvard - Et ils existaient avant 1993 !

Mme la Ministre - Méfions-nous des critères "objectifs". Un taux de chômage n'a pas la même signification dans une ville qui compte beaucoup d'actifs et dans une zone de montagne que tous les jeunes ont quittée. Il faut vraiment voir cela de près. En outre, les zonages doivent être révisés pour les adapter aux politiques que nous souhaitons mettre en oeuvre.

M. Balligand m'a interrogée sur entreprise et territoire. Elle a eu d'énormes difficultés, notamment financières, avant 1997. Nous avons voulu la rénover en apportant aux acteurs locaux un appui technique et méthodologique sans se substituer à eux. Entreprise et développement a donc pour mission d'anticiper et de favoriser les démarches innovantes, d'apporter une ingénierie de développement, d'organiser l'échange pour capitaliser les savoirs. Elle agira bien sûr en fonction des priorités définies par le Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

QUESTIONS

M. Serge Poignant - Vous annoncez un budget de transition. Il faut attendre la loi d'orientation, les contrats de plan, les nouveaux fonds structurels. Bref, c'est un an d'attentisme alors qu'entreprises et collectivités locales ont besoin de soutien.

La commission de la production a regretté que la consommation des crédits de la PAT soit insuffisante pour 1998. Qu'avez-vous fait pour améliorer le dispositif ? En novembre 1997, vous disiez qu'il faut l'adapter. Un an plus tard, on n'a guère avancé.

En second lieu, j'ai déjà demandé qu'on renforce notre présence économique à l'étranger en rassemblant les différents outils. Les postes d'expansion économique et la délégation aux investissements internationaux mènent des actions parallèles.

Vous disiez l'an dernier que faute de moyens la DATAR ne pouvait pas jouer son rôle efficacement. En commission des finances, le rapporteur a annoncé un renforcement de la DATAR. Je ne vois pas avec quels moyens dans ce budget. Pouvez-vous nous éclairer sur vos intentions ?

Mme la Ministre - Ce n'est pas en raison d'une réglementation lourde ni d'obstacles mis par l'Etat que la consommation des crédits de la PAT est mauvaise, mais parce qu'il y a une distorsion entre les modalités d'utilisation du fonds et les projets courants. Pour un projet de l'ampleur de Toyota, des centaines d'autres sont plus modestes et correspondent mieux au développement local. Nous avons engagé une réforme de l'utilisation de ce fonds pour l'adapter à la réalité. Nous avons retenu l'idée d'une PAT "exogène" pour les grands projets et d'une PAT "endogène" pour des projets de moins de vingt emplois.

A la DATAR il n'y pas de surhomme. Je vous ai donné la liste de tous les chantiers à mener. Je me réjouis d'avoir sauvé les deux emplois menacés à la suite de l'accord pluriannuel passé par le précédent gouvernement, et de l'aide que vous allez m'apporter pour essayer de renforcer les effectifs de la DATAR, à laquelle on ne peut pas demander toujours plus et mieux. Il faut passer à la vitesse supérieure. Cela ne peut pas se faire dans une année de transition, mais dès l'an 2000, lorsque les éléments essentiels de la politique d'aménagement du territoire seront en place.

M. Roland Francisci - Le contrat de plan entre l'Etat et la collectivité territoriale de Corse va être signé en 1999. N'ayant reçu aucune réponse au courrier que je vous avais adressé à ce sujet, j'appelle de nouveau votre attention sur deux points essentiels.

D'abord, EDF impose à la Corse un régime pénalisant pour certains usagers. En effet, il n'y a pas en Corse d'option "effacement jour de pointe", le ticket de raccordement n'existe pas dans le secteur rural où le consommateur paie dix à quinze fois plus que sur le continent, et les contrats à tarif bleu ont le taux réduit de TVA de 8 % tandis que les contrats à tarif jaune supportent un taux de 20,6 %. Il faut mettre un terme à ces anomalies.

D'autre part, la Corse possède 4 000 km de routes départementales vétustes et 555 km de routes régionales qui sont les anciennes nationales. Pour en assumer la charge, la collectivité territoriale dispose chaque année de 100 millions provenant de l'Etat et 40 millions de la Communauté européenne. Si l'on y ajoute ses fonds propres, elle peut investir 405 000 F par an sur chaque kilomètre de route régionale. Le département de Corse-du-Sud investit péniblement 18 000 F par an sur chacun des 2 200 km de routes dont il a la charge, soit vingt-six fois moins. Cette disparité est choquante.

Si la Corse est malade de beaucoup de maux, l'intérieur est en voie de désertification et mériterait un traitement prioritaire. Or, dans le domaine de la voirie, c'est le contraire qui se produit. Il faut donc corriger rapidement la disparité de traitement entre routes régionales et routes départementales, comme avait commencé de le faire le gouvernement de M. Juppé, qui en 1996 avait accordé une subvention d'Etat de 60 millions. Je demande au Gouvernement de reconduire une subvention exceptionnelle du même montant pour toute la durée du contrat de plan.

La Corse compte deux fois plus d'accidents de la route que le continent, 52 pour mille habitants contre 25. C'est une raison déterminante pour l'aider à améliorer son réseau départemental. Quelle suite le Gouvernement compte-t-il donner aux demandes que j'avais adressées au Premier ministre en juillet ?

M. le Président - A ce rythme, nous en avons encore pour trois heures !

Mme la Ministre - Pour EDF, le principe de l'application de la péréquation tarifaire absolue entre tous les usagers est réaffirmé.

Quant aux routes, la Corse est une île montagneuse. Des travaux routiers, fussent-ils gigantesques, n'y changeraient rien. La population, peu nombreuse, se concentre à 40 % dans les villes d'Ajaccio et de Bastia. La dispersion du reste de la population ne permet d'envisager que des améliorations marginales des routes qui la desservent. L'assainissement en cours des modes d'intervention des financements publics en Corse implique de s'attacher à la satisfaction des besoins réels des usagers par une répartition raisonnable des moyens financiers disponibles à l'exclusion d'autres considérations inadaptées. On ne fera plus de travaux sur les routes pour donner du travail aux entreprises, mais pour satisfaire les besoins réels des usagers. Cette politique devrait conduire la collectivité territoriale corse et l'Etat à concentrer leurs efforts sur un nombre réduit d'itinéraires routiers, propres à favoriser le développement durable de la Corse.

M. Christian Estrosi - Vous avez développé votre politique d'aménagement du territoire en l'appuyant sur la nécessité de répondre aux besoins d'activités au bénéfice des hommes. J'ai ressenti sur tous les bancs la volonté de rapprocher les hommes et les femmes entre eux sur nos territoires, par les différents moyens de transport.

Pourtant, dès votre arrivée aux affaires, vous avez rayé d'un trait de plume, en région PACA, le canal Rhin-Rhône, l'autoroute A51 entre Grenoble et Sisteron, l'autoroute 58 pour dédoubler l'A8 dans les Alpes-Maritimes, les percées internationales alpines, et d'autres projets sur lesquels nos gouvernements avaient travaillé.

On ne peut pas avoir de double langage. Vous parlez de consultations pour les schémas collectifs et le contrat de plan. Mais quelle est la méthode réelle, lorsque M. Balligand relève que nous ne connaissons pas les règles du jeu à venir ? Comment la concertation peut-elle s'instaurer dans nos territoires pour proposer des projets d'infrastructures, alors que vous refusez de les prendre en considération en région PACA ? Pour vous, cette région ne serait-elle qu'un lieu de villégiature pour Parisiens ? Ou Croyez-vous qu'il s'agit d'un lieu d'épanouissement culturel, de développement de hautes technologies, pour autant que vous nous restituiez le canal Rhin-Rhône, l'A51, le dédoublement de la nationale 202, l'A58 et surtout les percées internationales alpines pour nous rapprocher du Piémont, dont le taux de croissance est le plus fort de l'Europe du Sud ?

L'ancien président Prodi a proposé qu'un grand emprunt européen finance des projets à vocation européenne. M. Jospin a approuvé cette initiative. Etes-vous disposée à ce que les projets auxquels vous avez mis un terme puissent bénéficier d'un financement de cette sorte ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

Mme la Ministre - Rapprocher les hommes et les femmes entre eux, quel beau programme ! N'en parliez-vous pas ici hier soir ? (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe RL).

On a connu de grands programmes des infrastructures qui ne se sont pas réalisés, faute de financement ou par inadéquation. Pendant 30 ans, on a laissé ainsi espérer le canal Rhin-Rhône, et laissé se dégrader le réseau Freycinet. De même, le schéma national du TGV était conçu de façon optimiste, alors que le réseau traditionnel se dégradait, que de petites gares fermaient. Des projets autoroutiers ont été élaborés pour répondre à des trafics dérisoires ou traversant sans s'arrêter des territoires difficiles, alors que le réseau national et départemental était mal entretenu, que les problèmes de sécurité et de nuisance n'étaient pas réglés.

Je ne suis pas contre les équipements ni les infrastructures, à condition qu'ils répondent aux besoins de la population, qu'ils soient économes de l'argent public et soient réalisés dans des délais raisonnables.

M. Christian Estrosi - J'ai posé des questions précises !

Mme la Ministre - J'en viens au franchissement des Alpes. Au sommet franco-italien de Chambéry, les deux gouvernements ont réaffirmé leur intérêt commun pour une meilleure coordination entre nos deux pays à travers les Alpes. C'est le projet Lyon-Turin.

M. Christian Estrosi - J'ai parlé de la percée sous la Mercantour ! Vous n'y connaissez rien !

Mme la Ministre - Vous avez parlé de franchissement alpin. Pourquoi un projet vous intéresse-t-il, si un autre projet intéresse davantage nos gouvernements ?

M. Rudy Salles - M. Estrosi s'intéresse à ce qui se passe chez lui !

Mme la Ministre - Drôle de conception de l'intérêt public ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste)

Les gouvernements français et italien ont décidé de privilégier la dimension fret du projet Lyon-Turin et le franchissement ferroviaire du massif Alpin. Il faut cesser, en effet, d'encourager l'acheminement par la route du trafic de marchandises.

M. Christian Estrosi - Ce n'est pas ce que pense Mme Guigou !

Mme la Ministre - Nous préparons la réalisation d'une première section entre Lyon-Satolas et les Pins-le-Lac pour améliorer les liaisons vers Grenoble et Chambéry.

Concernant le tunnel du Mercantour, vous savez que le rapport du conseil général des Ponts-et-Chaussées, rendu en mars à M. Gayssot, démontre que le projet ne répond pas aux besoins et aux intérêts français nationaux et locaux. Il préconise un retubage du tunnel de Tende.

M. Christian Estrosi - Ce rapport est nul ! Mme Guigou et M. Vauzelle l'ont rejeté !

Mme la Ministre - Je communiquerai ce point de vue très argumenté à M. Brossier et à M. Gayssot.

M. Christian Estrosi - Quelle incompétence !

Mme la Ministre - Et vous, quelle grossièreté !

M. Jean Proriol - Trois circulaires de juillet dernier ont tenté de définir la procédure d'élaboration des prochains contrats de plan Etat-régions et des schémas régionaux d'aménagement du territoire. Ces travaux doivent tenir compte à la fois de la "stratégie de l'Etat dans la région" et des schémas de services collectifs prévus dans votre futur projet de loi, lequel ne sera voté au mieux qu'au cours de l'année prochaine.

A ce jour, les régions n'ont pas officiellement connaissance de cette stratégie non plus que de ces schémas. Il est même précisé que les schémas doivent être adoptés par décret au plus tard le 31 décembre 1999. C'est une date bien tardive ; ils doivent en effet servir de référence non seulement pour les schémas régionaux, mais aussi pour la négociation des contrats de plan qui débutera au deuxième trimestre 1999.

Pour ne pas être prises au dépourvu, quinze régions ont déjà lancé des consultations avec leurs partenaires territoriaux habituels. Mais elles avancent à tâtons, dans un brouillard certain.

Pouvez-vous lever leurs craintes quant aux échéanciers annoncés, qui sont à la limite de l'ingérable ?

Mme la Ministre - Vous conviendrez que dans beaucoup de régions la situation n'est pas facile. Certaines régions ont souhaité que la réflexion sur les contrats de plan avance plus vite, d'autres ont au contraire demandé plus de temps, après la constitution de majorités parfois fragiles, pour mener leurs propres concertations. Nous avons donc souhaité revoir le calendrier, pour tenir compte des desiderata des régions, ainsi que de la période des élections européennes, peu favorable pour engager les négociations Etat-régions. Mais nous ne remettrons pas en cause l'objectif de démarrage des contrats au 1er janvier 2000, d'autant que la prolongation d'un an des précédents contrats avait déjà été mal vécue.

Par conséquent, avant la fin de l'année, l'Etat mettra au point ses propositions de stratégie en régions. Après le CIAT de décembre, les préfets de région lanceront une concertation de quatre mois, à l'issue de laquelle le Gouvernement arrêtera, à la fin du premier semestre, les mandats de négociation des préfets de région. L'allongement de la phase de consultation devrait permettre de travailler avec des régions qui seront elles-mêmes plus avancées dans leur propre concertation avec les collectivités, et de disposer d'une évaluation plus complète des contrats en cours. Il s'agira en tout cas d'être à l'écoute dans les prochains contrats, plus que précédemment, des innovations locales et des projets de développement issus du terrain.

Les préfets de région ont reçu des circulaires. J'ai promis aux présidents de région une lettre précisant tous les éléments de cette stratégie et les grandes orientations de notre réflexion, et ce avant le prochain CIAT. Nous devrions ainsi pouvoir répondre aux questions concrètes qu'ils se posent.

M. Gérard Voisin - L'année 1999 sera décisive pour l'avenir de nos territoires. Votre budget permettra-t-il d'y faire face ? La préparation de la prochaine génération des contrats de plan et des fonds structurels européens implique une forte mobilisation des élus locaux. Mais l'action désordonnée du Gouvernement ne leur facilite pas la tâche. Depuis mai 1998, les services déconcentrés de l'Etat doivent engager la réflexion locale sur les nouveaux contrats. L'accent est mis notamment sur l'incitation des exécutifs locaux à se regrouper en territoires pertinents de projets. Pays et agglomérations constitueront le volet territorial des contrats de plan. On peut donc s'interroger sur la pratique de certains préfets, qui anticipent sur deux projets de loi -concernant l'aménagement du territoire et l'intercommunalité- qui n'ont pas encore été soumis au Parlement. "Organisez-vous, l'Etat vous aidera", dit en substance Mme le ministre. Encore faut-il pouvoir le faire librement, non sous la contrainte, et en avoir le temps. En effet, les contrats doivent être signés avant le 1er janvier 2000. Notre collègue Balligand a bien raison de demander l'urgence : un an seulement pour repenser tout le maillage de nos territoires ! Les projets de loi parlent de chartes de territoire, de projets d'agglomération : cela implique de longues et coûteuses négociations. L'Etat nous aidera-t-il dans cette mise en place ? Nous ignorons l'ampleur des moyens qui seront affectés à ces nouveaux contrats. Vous prévoyez une révision du fonds national d'aménagement du territoire, sans préciser quels seront le financement des contrats locaux et de l'aide de l'Etat. Pouvez-vous nous préciser ces points ?

Mme la Ministre - La tâche qui nous attend en 1999 est lourde. C'est pourquoi nous n'avons pas souhaité pousser les feux pour l'organisation des pays et des agglomérations. Les collectivités locales ne peuvent mener une réflexion sereine sur l'organisation de leurs territoires, sauf là où elle est déjà engagée. C'est pourquoi nous reconnaîtrons seulement les projets de pays là où ils existent, ou sont sur le point d'être bouclés ; mais dans la plupart des cas, cela demandera plus de temps. C'est pourquoi le volet territorial des contrats de plan sera négociable jusqu'en 2003, date où en sera fait un premier bilan.

Dans bien des cas les pays, qui sont avant tout des espaces de projet, devront piloter des politiques qui mettent en jeu d'autres pans du travail de mon ministère. Ainsi nombre de pays s'inspirent des parcs naturels régionaux, lesquels s'en sont émus. J'ai rappelé que ces parcs, ancêtres et modèles du développement local, doivent être privilégiés et consolidés. Il n'est pas exclu que l'Etat, encourageant les projets des parcs, les reconnaisse comme les pays et les agglomérations.

M. Charles Ehrmann - Le département des Alpes-Maritimes est encerclé par les Alpes, et les communications, surtout nord-sud, y sont difficiles. Or la population a doublé en trente ans, et s'est installée pour 90 % sur le littoral, soit 10 % du territoire. Ce littoral est devenu une zone quasi urbaine continue, avec les problèmes qui en découlent : bruit, circulation, insécurité, lourds impôts. L'industrie du bâtiment est en crise, le tourisme redoute la concurrence des pays à bas salaires, et le chômage est supérieur à la moyenne nationale. En 1995, le ministre Bernard Pons reconnaissait que "la Côte d'Azur a été oubliée depuis quarante ans par les gouvernements." Il établissait alors un programme ferroviaire, et prévoyait de nouvelles routes, permettant notamment une bonne liaison avec l'Europe centrale et septentrionale. Mais le gouvernement actuel a abandonné ce programme. Pourtant le président de la région PACA, M. Vauzelle, a réaffirmé la nécessité de ce désenclavement. Quelles sont vos intentions à ce sujet ?

Mme la Ministre - Les enjeux de ce secteur sont assez lourds pour qu'il ait été décidé d'élaborer une DTA pour les Alpes-Maritimes.

La phase d'études préalables est achevée et le mandat d'élaboration de la DTA a été adressé au préfet le 12 novembre 1997. Le périmètre définitif a été fixé à l'ensemble du département des Alpes-Maritimes. La DTA devra notamment conforter le positionnement de la Côte d'Azur, notamment en restructurant des territoires stratégiques comme Sophia-Antipolis et la vallée du Var et en améliorant les communications avec le grand Sud-Est. Elle devra permettre de maîtriser le développement urbain de l'ensemble azuréen au moyen de politiques d'urbanisme, d'habitat et de déplacements appropriées tant pour le littoral que dans le moyen pays. Elle devra enfin préserver et valoriser un cadre patrimonial d'exception par l'identification d'un réseau d'espaces naturels et paysagers de qualité et la revalorisation du haut pays.

Ces éléments ont été rendus publics par le préfet en décembre 1997, lors de l'ouverture de la concertation prévue par la loi. Ont été également présentées à cette occasion, les études lancées pour approfondir le contenu de la DTA concernant notamment l'application des lois littoral et montagne, et les transports dans une approche intermodale : une étude portera sur les alternatives possibles au doublement de l'autoroute A8, dont la congestion est due à un trafic essentiellement urbain. Elle sera disponible au début de l'année prochaine. Le projet de DTA devrait être achevé à l'été 1999 pour une période de consultations légales prévue au second semestre 1999.

J'ai également abordé avec le président de votre région de grands projets d'aménagement excédant le cadre départemental, comme la revalorisation de la zone de Gardanne, la réhabilitation de l'étang de Berre ou des programmes comme Euro-Méditerranée. Je suis également attentive à l'évolution du trafic en Méditerranée, et prête à discuter avec vous des perspectives de développement du port de Nice.

Mme Nicole Feidt - La diversité socio-économique de notre pays implique que l'Etat conserve une place prépondérante dans l'aménagement du territoire. Le Conseil économique et social a très justement posé, dans son avis sur l'avant-projet de loi d'orientation pour l'aménagement durable du territoire, cette exigence forte : "Mieux d'Etat mais pas moins d'Etat", et il regrette que "ne soit affirmé avec une force suffisante le rôle éminent de l'Etat".

L'aménagement du territoire se limite à une politique d'équipements au financement partagé. La contractualisation a des limites, qu'imposent les ressources et capacités financières des différentes régions. Au cours de la préparation des futurs contrats de plan, le risque est grand, si nous n'y prenons garde, de voir s'amplifier la fracture territoriale et sociale. La juxtaposition de schémas régionaux parfois incohérents entre eux, la multiplications des "pays" ne peuvent pas réellement remplacer une politique nationale.

Face à ce danger, le service public constitue une réelle réponse, car il est le ciment de l'unité républicaine. Seul l'Etat, garant de l'intérêt collectif, a la capacité de veiller à la cohérence des diverses politiques régionales portant sur l'aménagement du territoire. Il doit tenir compte de cette réalité, si l'on veut faire réellement exister le principe constitutionnel selon lequel "le service public garantit au citoyen le même service quelle que soit sa position sur le territoire".

L'Etat a un rôle d'autant plus important à jouer que l'organisation du territoire doit maintenant se faire dans la perspective de l'Union européenne, qui ne l'oublions pas, contribue financièrement au développement local. Quelle place entendez-vous réserver au principe d'égalité des citoyens devant le service public ?

Mme la Ministre - Nous sommes, je crois, d'accord sur le rôle de l'Etat. Je souhaite que la décentralisation se poursuive, et en même temps que l'Etat veille à être le garant de la cohérence dans l'aménagement du territoire, ainsi que de l'équité dans l'accès aux équipements et services et dans la répartition des ressources.

L'amélioration de la qualité des services publics et de leur répartition sur le territoire est une préoccupation forte du Gouvernement. De nombreuses expériences ont montré que les solutions existent : maisons de services publics, services mobiles, bureaux à horaires partagés, utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication, pratiques intercommunales... Le statut des fonctionnaires autorise une certaine souplesse de gestion des personnels. Enfin, des dispositifs de concertation ont été mis en place par les gouvernements successifs. Ce qui manque, c'est la mise en cohérence de ces expériences, de ces facilités et de ces dispositifs.

Le préfet doit retrouver un pouvoir réel de coordination en matière d'implantation ou de relocalisation de services publics. Cela passe d'abord par le renforcement de sa capacité de prévision et d'anticipation ; mais il doit aussi pouvoir refuser des réorganisations et a fortiori des suppressions.

Les territoires doivent disposer des moyens nécessaires pour adapter les services publics, appuyer les opérateurs, développer les partenariats. L'Etat doit donc mobiliser des crédits d'étude, d'ingénierie et de démarrage pour des montages fonctionnels multiservices, contribuer au fonctionnement des opérateurs, faire participer les secteurs qui suppriment des services à leur reconversion ou à leur transformation sur place, et mieux surveiller dans ce cas les mesures de compensation.

J'ai parlé de ces questions récemment avec le Premier ministre. Il partage, je pense, mon souci de politiques mieux coordonnées, donnant matière à l'annonce de priorités claires lors du prochain CIADT. Enfin, il est souhaitable que soit installé un dispositif national d'observation, d'appui à l'innovation et, le cas échéant, d'alerte.

M. Yves Dauge - Si dans les territoires nous manquons de projets, c'est que nous manquons de matière grise pour les concevoir. La première chose à faire, c'est d'embaucher des professionnels. Comment pouvez-vous, avec l'argent dont vous disposez, commencer à solliciter les partenaires locaux pour embaucher des jeunes ? Il y en a trop qui sortent des écoles d'architecture, des écoles de paysage ou d'aménagement qui pourraient mettre au point des projets et qui vont se trouver au chômage. Si l'on pouvait lancer un grand programme d'embauche de jeunes professionnels dans les territoires, 1999 serait à marquer d'une pierre blanche !

Mme la Ministre - La politique d'aménagement du territoire peut se traduire par une aggravation des inégalités entre régions ou entre différentes portions d'un territoire. En effet, les outils sophistiqués que nous développons ne sont pas toujours utilisés là où il y a le plus de difficultés.

Il faut donc, en effet, que des projets puissent être élaborés dans ces territoires. Mais je suis pas sûre que des jeunes soient les plus à même de remplir le rôle, lourd et difficile, d'accompagnateurs de projets ; sans doute faut-il surtout des personnes un peu expérimentées.

La DATAR attribue des subventions à des réseaux de développement local, dont l'expérience nous est très précieuse car ils ont su maintenir ou développer des emplois dans des zones difficiles. Je pense notamment à l'UNADEL, au comité des basins d'emploi, au réseau national des entreprises d'insertion, au réseau de l'économie alternative et solidaire. La mobilisation de ces réseaux, la détection de matière grise sur les territoires, l'installation d'agents de développement local doivent nous permettre d'identifier de nouveaux métiers, de créer de nouvelles activités, de monter des projets, même très modestes. Les 113 employés de la DATAR ne baisseront pas les bras...

M. Jean Launay - La sous-consommation des crédits européens est une réalité. En tant que président de l'association des élus du Lot, j'ai développé ce thème lors de notre dernier congrès départemental.

Pourquoi, alors qu'il paraît si complexe à des élus communaux de bâtir un projet, les fonds existants sont-ils sous-utilisés ? Comment va-t-on affecter le solde des enveloppes actuelles ? Quels mécanismes va-t-on mettre en place pour que les fonds disponibles soient utilisés le plus efficacement possible pour faire avancer les projets de développement local ?

Mme la Ministre - Comme élue local, il m'est arrivé souvent de me perdre dans le maquis des dispositifs communautaires. La proposition de la Commission de les simplifier devrait faciliter la tâche des élus locaux. J'ai par ailleurs annoncé la réforme du décret de 1972 et des modifications destinées à accélérer la délégation des crédits.

La Commission propose que l'actuel objectif 5b, concernant le développement rural, soit inclus dans l'objectif 2 nouveau. Ce changement, motivé par un souci de plus grande solidarité à l'égard des régions les plus en difficulté, devrait s'accompagner d'une réduction significative de la population éligible, qui passerait en France de 43 % à 36 ou 38 %.

La concentration des aides sur des territoires plus restreints risque de poser des problèmes de consommation : à nous d'être suffisamment inventifs pour développer des projets adaptés.

La Commission propose aussi le maintien du programme Leader ; la France souhaite que les moyens soient renforcés, mais je plaide pour que Leader 3 soit d'un usage plus simple que Leader 2...

Les actions de développement rural devraient être d'une plus grande souplesse, dans la mesure où elles ne seraient pas soumises à un zonage.

Ces orientations restent bien évidemment en discussion à Bruxelles mais, au cours des négociations, le Gouvernement veillera à ce que soient préservés des moyens communautaires qui, pour n'être pas aussi connus que les politiques spécifiquement agricoles, représentent une contribution majeure au développement rural.

M. Jacques Barrot - Ma question porte sur la négociation des contrats de plan et sur le rôle que peuvent y jouer ou non les conseils généraux. Je ne suis pas départementaliste par principe, mais je crois que les départements sont les espaces d'une vraie solidarité territoriale, sans laquelle il ne saurait y avoir de développement durable. Ceux qui comme moi sont responsables de départements relativement pauvres savent l'importance de cette action en faveur de la cohésion. D'autre part, de toutes les collectivités, le département est celle qui intervient de la façon la plus décisive dans la construction d'infrastructures, de communication ou d'assainissement par exemple. Enfin, nous sommes constamment sollicités par les régions, désireuses de nous voir compléter leurs dotations.

Comment, de votre côté, voyez-vous le rôle des départements ? La lecture de votre circulaire selon laquelle les départements n'auraient pas voix au chapitre est-elle une lecture sommaire ? Avec toutes les novations qui peuvent prendre place dans les contrats de plan, ne perd-on pas de vue, d'autre part, les infrastructures ? Dans mon département, je ne saurais oublier que le désenclavement a préparé le développement.

M. Michel Bouvard - Très bien !

Mme la Ministre - La loi Pasqua ne disait pas un mot des villes et personne n'a accusé M. Pasqua de vouloir supprimer les villes !

M. Jacques Barrot - La loi Pasqua n'est pas une référence pour moi !

Mme la Ministre - Il est évident que, dans le respect des lois de décentralisation, nous associons les départements à la phase de concertation comme par le passé : ils interviennent en effet dans l'aménagement du territoire et ils sont porteurs de projets. Mais il faut tenir compte des compétences de chacun : la région doit jouer un rôle de chef de file, d'animateur du débat régional. De même que le département est responsable de l'action sociale, elle a à animer la réflexion sur l'aménagement du territoire. C'est donc dans cet esprit que nous travaillerons dans les mois à venir.

En outre, contrairement à ce que certains ont cru, il est probable que, dans certaines régions au moins, le rôle des départements sera accru et qu'il leur sera demandé de se montrer plus inventifs qu'ils ont pu l'être par le passé.

M. Léonce Deprez - L'aménagement du territoire impose une certaine logique. L'Etat a exposé sa stratégie pour les régions, stratégie que les conseils régionaux doivent maintenant assimiler. Les schémas des services, en cours d'élaboration, doivent éclairer et orienter les schémas régionaux d'aménagement du territoire. Ceux-ci, à leur tour, devront inspirer les contrats de plan. Respectera-t-on cette logique, qui est aussi une logique chronologique ? Les contrats de plan seront-ils bien, en quelque sorte, pour la période 2000-2006, la première étape opérationnelle des schémas régionaux, conformes eux-mêmes à la directive nationale et aux schémas de services ?

D'autre part, le volet territorial est constitué par les contrats de pays et d'agglomération. Est-ce que ces pays, constitués par plusieurs entités géographiques couvertes par des structures intercommunales à vocation multiple, vont pouvoir coordonner leur action et présenter leurs projets dans le cadre d'une association loi de 1901 ou d'une agence de développement associative, ou leur demanderez-vous de constituer des syndicats mixtes ?

Mme la Ministre - Je n'ai pas caché tout à l'heure la difficulté qu'il y aura à mener à bien les tâches lourdes et fortement intriquées qui nous attendent dans les mois à venir. Cela étant, les régions ne découvrent pas aujourd'hui la nécessité d'élaborer un schéma d'aménagement et de développement du territoire : l'article 6 de la loi Pasqua exigeait que le contrat de plan tienne compte d'un tel schéma. Je sais aussi que certaines régions se sont déjà lancées dans des exercices de prospective ou de programmation concrète.

Il faudra en effet assurer la cohérence entre les grandes orientations des schémas de services collectifs et les schémas régionaux d'aménagement du territoire. Dans les deux cas, la perspective porte à vingt ans, alors qu'elle n'est que de sept ans pour les contrats de plan, mais nous ferons en sorte d'accélérer la réflexion au moins sur deux schémas qui, l'expérience l'a démontré, sont indispensables pour éclairer les contrats : le schéma des services de transports et le schéma des services d'enseignement supérieur. Les discussions pourront ainsi s'engager entre l'Etat et les régions sur une base équilibrée.

En ce qui concerne le schéma des transports, le cahier des charges a été communiqué aux régions il y a déjà plusieurs semaines et les préfectures de région se sont mises au travail. Celui-ci avance donc au rythme prévu.

Enfin le schéma régional tel que nous l'avons conçu doit comporter, outre des éléments cartographiques, une charte de développement régional, qui devrait traduire concrètement la priorité donnée à l'emploi et au développement local tout en fournissant des éléments de réflexion prospective à long terme.

M. Jacques Barrot - Cette deuxième question touche à la fois à l'environnement et à l'aménagement du territoire : elle a trait à notre chère Loire qui nous a valu tant de déboires. Nous sommes aujourd'hui quelque peu prisonniers du conflit entre l'Etat et l'établissement public d'aménagement de la Loire et de ses affluents -l'EPALA- et je voudrais vous lancer un appel au secours : des populations sont menacées, le long du fleuve, de même que certaines activités que nous voudrions préserver ou réinstaller. Nous qui habitons la Loire amont sommes particulièrement victimes du blocage de la situation, né du problème de Chambonchard. Il ne faudrait pas que cette situation s'éternise ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

Mme la Ministre - Le département de la Loire n'a pas été trop mal traité par l'Etat au cours des derniers mois : le dernier CIAT a pris des mesures pour diversifier les activités et les compétences à Roanne et à Saint-Etienne notamment, et le décret créant l'EPORA, l'établissement public foncier tant attendu, a été présenté au conseil des ministres le 14 octobre.

Mais l'essentiel de votre préoccupation est ailleurs. Je rappellerai donc que le plan décennal "Loire grandeur nature", approuvé le 4 janvier 1994, arrive cette année au terme d'une première phase de cinq ans. L'Etat, en élaborant des outils pour réglementer l'occupation du sol, a mis un frein à la construction en zone inondable ; il a rénové le système d'annonce des crues, participé pour 160 millions à la restauration du lit et au renforcement des levées de la Loire entre la Haute-Loire et Nantes ; il a totalement financé la protection du barrage de Brives-Charensac pour 321 millions. Il a aussi lancé un programme d'étude sur le fonctionnement de la Loire de Nevers à l'estuaire, ce qui devrait permettre de préciser une stratégie de gestion du fleuve, notamment en période de crues exceptionnelles. Le barrage d'étiage de Naussac-I a été complété par Naussac-II. Un important programme de restauration du milieu naturel a enfin été engagé.

Il faut maintenant préparer une deuxième phase de ce plan : il s'agira de conforter la prévention des inondations en achevant la mise en place du réseau d'annonce des crues et en élaborant des plans de prévention des risques, de continuer à restaurer les digues, le lit et le milieu naturel, de valoriser le patrimoine ligérien, de mettre en oeuvre des schémas de développement par sous-bassin, en particulier dans le secteur de Montluçon et ce quelle que soit la décision que prendra le Gouvernement à propos de Chambonchard. Plus généralement, cette deuxième phase devra inscrire le plan Loire dans un processus de développement durable en s'appuyant davantage sur la gestion des milieux que sur de grands travaux.

Comme vous l'avez dit, le 7 juillet, l'EPALA a décidé de suspendre sa participation au plan, ce qui compromet la réalisation de projets acceptés par tous. Elle a tiré prétexte de ce que l'Etat souhaitait prendre le temps d'expertiser l'utilité du barrage de Chambonchard. Je déplore cette décision et espère que l'EPALA se ravisera et que nous pourrons revoir un ensemble de programmes peut-être mal adaptés pour répondre en priorité aux besoins de l'ensemble des habitants -qu'il s'agisse de développement économique et touristique ou de la sécurité et de l'approvisionnement en eau.

M. Michel Bouvard - Le rapport d'évaluation de la politique de la montagne sera, nous avez-vous dit, disponible avant la fin de l'année. C'est exactement la réponse que vous aviez faite en décembre 1997 à notre collègue Bonrepaux !

La réforme des fonds structurels européens doit prendre en compte les difficultés propres aux zones de montagne. Elles n'ont pourtant pas été évoquées par la Commission dans le cadre de l'Agenda 2000. Une action résolue du Gouvernement, appuyée sur la charte européenne des régions de montagne du Conseil de l'Europe, afin que des politiques communautaires soient mises en place en faveur de la montagne, doit donc être entreprise.

Les régimes des aides nationales et communautaires sont en outre incohérents puisque les zones éligibles à la PAT ne coïncident pas avec celles reconnues par la Commission comme des zones en difficulté au regard de l'objectif 5b, aujourd'hui, ou du nouvel objectif 2, demain.

Vous venez de réformer le décret de 1982 relatif à l'immobilier d'entreprise en plafonnant les aides de manière identique pour l'ensemble des zones éligibles à la PAT. Dès lors, puisque la construction d'un bâtiment dans une zone industrielle située à 800 ou à 1 000 mètres d'altitude coûte 30 % de plus qu'en plaine, comment les communes de montagne pourront-elles attirer de nouvelles implantations ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

Mme la Ministre - Monsieur Bouvard, vous connaissez sans doute mieux la montagne que moi. Le Jura, dont je suis originaire, n'est sans doute pour vous qui avez des moutons qu'une montagne à vaches...

M. Michel Bouvard - Pas du tout. J'ai beaucoup de respect pour le Jura.

Mme la Ministre - Je suis heureuse de l'entendre.

"La" montagne n'existe pas. Il y a des zones de montagne dont les situations sont très différentes, certaines connaissent de grandes difficultés alors que d'autres sont très dynamiques et ne méritent pas la même attention de l'Etat.

Les dispositifs en faveur de la montagne doivent en tenir compte. Une refonte complète de la carte des zonages devrait nous permettre d'orienter les aides de manière plus fine au profit des zones confrontées à la désertification rurale, à des suppressions d'emplois et à des difficultés particulières géographiques et climatiques. Certains ont proposé d'ajouter un critère, l'effort consenti pour protéger un patrimoine culturel et naturel d'intérêt collectif. Je souhaite qu'il soit pris en compte par le fonds de gestion des milieux naturels et j'aimerais qu'il en soit de même au niveau communautaire.

La commissaire européenne a déclaré que la carte des aides européennes et celle des aides nationales ne devraient pas diverger de plus de 2 %. Il nous faudra donc revoir le zonage national ce qui se heurte parfois au sentiment que peuvent avoir certains élus qu'un zonage est acquis indépendamment des évolutions ultérieures. Pourtant les zones les plus dynamiques pourraient ne pas garder les zonages dont elles bénéficient aujourd'hui de façon intégrale.

M. Michel Hunault - Vous avez dit votre attachement aux schémas régionaux mais sur les programmes importants, il faut que l'Etat se détermine.

C'est le cas dans le Grand Ouest du projet de construction d'un aéroport au nord de Nantes et de celui de la modernisation des voies ferrées sur la façade atlantique entre Nantes et Bordeaux et vers la Bretagne.

L'Etat va-t-il privilégier ces investissements d'intérêt interrégional ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

Mme la Ministre - De nombreuses régions ont annoncé qu'elles ne financeraient pas les opérations de dimension nationale. Il faudra donc bien préciser, lors des négociations, si un équipement est d'intérêt national ou interrégional... (Sourires)

Le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes fera l'objet d'une discussion lors de l'élaboration du schéma de service collectif des transports. L'aéroport de Nantes-Atlantique n'est pas saturé mais entraîne le survol du centre ville. L'activité de l'aéroport de Rennes-Saint Jacques a beaucoup reculé depuis la mise en service du TGV Rennes-Paris, mais plusieurs lignes subsistent.

La desserte aérienne des villes de province est actuellement largement tributaire du passage par Paris. L'avenir est toutefois au développement de lignes directes à partir de centres régionaux.

Nantes fait partie des quelques villes de province susceptibles de bénéficier d'une desserte internationale qui pourrait être assurée depuis l'aéroport de Nantes-Atlantique, mais cela provoquerait de nombreuses nuisances pour les riverains. Le développement d'un second aéroport est donc envisageable. Il faut en étudier les avantages et les inconvénients.

En ce qui concerne la desserte de l'arc atlantique, je suis particulièrement vigilante à ce que le maillage du territoire soit adapté aux besoins des populations. Les projets élaborés par les différentes régions seront étudiés dans le cadre des prochains contrats Etat-régions.

M. Patrice Martin-Lalande - La politique d'aménagement du territoire est remise en cause par l'impossibilité de cumuler les aides spécifiques en faveur de l'aménagement du territoire avec les aides prévues par des dispositifs généraux.

Il n'est ainsi pas possible de cumuler les aides incitant à la réduction du temps de travail et celles accordées aux entreprises installées dans les zones de revitalisation rurale. Les entreprises choisiront donc l'aide la plus favorable, ce qui diminuera, voire annulera, l'avantage accordé aux ZRR, selon la différence entre la prime accordée pour le passage aux 35 heures et celle spécifique aux ZRR.

Il est pourtant illogique qu'une mesure générale vienne annuler une mesure spécifique dont l'objet est tout à fait différent.

Il en est pourtant ainsi pour les aides du fonds de reconversion des entreprises de défense qui ne sont pas cumulables avec celles accordées au titre de l'aménagement du territoire.

L'interdiction de tout cumul, c'est, semble-t-il, l'interdiction de la politique d'aménagement du territoire puisque l'on traite partout les entreprises de la même manière. La possibilité d'un cumul, au moins partiel, doit donc être ouverte.

Mme la Ministre - Le non-cumul des aides spécifiques aux ZRR était prévu par le COAT, à l'exception de l'exonération sur les bas salaires et de l'aide au titre des contrats initiative emploi.

La nouvelle mesure réduit effectivement les avantages accordés aux ZRR.

M. Patrice Martin-Lalande - C'est choquant.

Mme la Ministre - Il est nécessaire de mesurer l'impact de ces aides. Un bilan sera accompli pour le 1er janvier 2000. On estime le coût budgétaire de ces dispositifs à 750 millions dont 10,5 millions au titre de l'exonération de la taxe professionnelle, 150 millions pour la diminution des droits de mutation sur les commerces, 103 millions pour la baisse des charges à l'embauche du premier salarié. Il semble que la diminution des cotisations d'allocations familiales est mise en cause. Je le déplore puisque le bilan n'a pas été tiré.

M. François Sauvadet - Très bien !

Mme la Ministre - Avec la FRED, le cumul est possible s'il s'agit d'aides à l'investissement.

S'il ne paraît pas évident qu'il faille cumuler les avantages dus aux 35 heures et les avantages spécifiques en ZRR, il ne devrait y avoir aucun bouleversement avant une évaluation sereine de l'impact des mesures sur la création d'emplois dans ces zones. Cela n'a pas été fait. J'ai appelé l'attention du ministre de l'emploi sur ce point. J'ai l'intention de lui en parler de nouveau et j'espère qu'il sera possible de revenir en deuxième lecture sur des dispositions pouvant remettre en cause la dynamique dans les ZRR.

M. Patrice Martin-Lalande - Merci. Il est dommage de ne pas l'avoir fait avant.

M. Jean Proriol - Vous faites des régions les chefs de file de l'aménagement du territoire. Je m'en réjouis. Mais je m'étonne de la multiplication des structures. Que pensez-vous, par exemple, de l'initiative de M. Allègre, toujours prompt, qui a lancé seul l'initiative U3M et demandé à des groupes régionaux placés sous l'autorité des recteurs et des préfets de région de remettre un avis pour fin 1998 ? Les régions n'ont pas été consultées sur cette procédure qui conduit à des découpages en pays parfois artificiels et à la création ex nihilo de conseil de développement associés à l'élaboration de chartes de pays. Nous craignons que les collectivités territoriales soient dépossédées de leurs compétences, qu'elles peuvent mettre en oeuvre notamment avec les contrats territoriaux de pays. Quelle est votre position sur cette question ?

Mme la Ministre - Malgré ma brève expérience, je suis au courant de certaines mauvaises habitudes. C'est par exemple péché véniel que commet un ministre pour gagner un peu de temps sur ses petits camarades et faire en sorte que ses préoccupations soient mieux prises en compte que d'autres. Je salue Claude Allègre pour son culot, mais les régions auront bien à dire leur mot, prenant de U3M ce qu'elles considèrent répondre à leurs besoins et contestent ce qui ne leur convient pas.

Je rappelle aussi que ce n'est pas le périmètre qui fait le pays mais le projet. Aussi imaginer une carte des pays comme l'ont fait certains aménageurs me paraît un peu précipité. Même en étant très optimiste, je ne pense pas que les pays vont se mettre en place en quelques mois, ni même quelques années. Il faut affiner les projets, se concerter avec la société civile. Aussi paraît-il inutile d'accélérer la réflexion cette année. En revanche, il me paraîtrait bien d'harmoniser les expériences, pour l'instant diverses. Le concept de pays qui sera précisé dans mon projet devrait permettre que certaines expériences alimentent la réflexion commune.

La région est-elle chef de file de l'aménagement du territoire ? Les lois de décentralisation leur en donnent la compétence générale ; elles sont les partenaires de la contractualisation avec l'Etat et les collectivités de référence pour les fonds structurels européens. Les départements veulent intervenir de plus en plus dans l'aménagement. Mais c'est aux régions que revient cette compétence.

M. Jean Proriol - Merci.

M. Paul Patriarche - Les communes rurales s'inquiètent du coût des nouvelles normes européennes pour le traitement des déchets, de l'eau, et pour l'assainissement. En zone de montagne, par exemple, il leur est souvent difficile de se regrouper et même dans ce cas, elles n'ont guère de possibilités fiscales. Il arrive aussi que la population soit multipliée par dix en été ; mais c'est la population permanente très réduite qui supporte le coût de l'équipement. Les maires sont souvent découragés par les exigences croissantes de l'Etat qui se retranche derrière Bruxelles. Ils n'ont guère de moyens mais refusent une trop forte augmentation des coûts.

Que propose l'Etat pour aider les communes à faire face à un investissement qu'il impose sans discernement et qu'elles ne pourront pas financer ?

Mme la Ministre - Des investissements imposés sans discernement ? Comme vous y allez ! Comme si on pouvait ignorer que la qualité des cours d'eau s'est fortement dégradée et qu'en Bretagne, par exemple, la moitié d'entre eux comportent un taux de nitrates largement supérieur à ce qui est admis pour l'eau potable.

Les efforts de dépollution ne sont donc pas seulement imposés par nos engagements internationaux, mais par le souci de l'environnement et de la santé. Les Français veulent de l'eau potable et des plages saines. La dépollution est plus prioritaire que d'autres investissements que les communes rurales ont eu parfois tendance à réaliser avant.

Le coût est lourd pour les petites communes. Un effort particulier est donc fait en leur faveur. Les agences de l'eau y consacreront 51 milliards de 1997 à 2001, avec des contrats ruraux garantissant des aides préférentielles. Le fonds disposera d'un milliard en 1999 pour des travaux d'assainissement et d'adduction d'eau en zone rurale.

En ce qui concerne les déchets, le taux des aides du fonds de modernisation et de gestion des déchets est passé de 20 à 50 % et d'autres aides très incitatives seront consenties.

Ces aides seront accordées pour les équipements permettant de prévenir la production des déchets et pas seulement leur traitement. Nous verrons si ce type d'investissement peut être éligible au FCTVA. La dépollution coûte cher. La prévention est toujours plus économique.

M. Paul Patriarche - M. Laffineur s'interroge sur le devenir des fonds du FEDER. Ils resteront au même niveau pour la période de 2002 à 2006. Mais pour la répartition, le territoire éligible sera-t-il désormais le département et non plus le canton ? Quels seront les critères retenus pour désigner les bénéficiaires ? La démographie, le taux de chômage, la concentration des populations ? La disparition de la distinction entre objectif 5 et objectif 2 ne menace-t-elle pas l'effort affecté au monde rural, qui a tant besoin de ces aides communautaires ? Rassurez-moi sur ce point.

Mme la Ministre - L'élargissement et la stabilisation des ressources propres de l'Union ont conduit la Commission à proposer une concentration géographique des zones éligibles aux objectifs 1 et 2. La France ne sera pas épargnée, puisque le Hainaut et la Corse cesseront d'être éligibles à l'objectif 1. De plus, l'intensification des aides sur des portions plus réduites du territoire pourrait rendre plus difficile la consommation des crédits. Les propositions de la France pour l'objectif 2 porteront sur la réhabilitation des zones sensibles, urbaines, industrielles et rurales. Les préfets mèneront une consultation entre février et avril 1999, pour permettre aux propositions françaises d'être négociées à Bruxelles à partir de juin. Les préfets devront tenir compte des situations les plus critiques, des capacités d'absorption des partenaires locaux et de leur intention de se conformer aux grandes priorités des documents uniques de programmation communautaire. Ils appliqueront les critères que vous avez cités, ainsi que le critère de service rendu à la collectivité, notamment sous la forme de prise en charge d'éléments du patrimoine naturel ou culturel.

M. Michel Vergnier - Pour nous, la seule solution pour maintenir les services publics en zones fragiles, c'est d'y ramener de l'emploi. Dans nos réunions, nous y faisons part de notre désir que l'Etat soit solidaire, à proportion de nos handicaps. Nous sommes d'accord pour donner, mais nous ne voyons jamais rien venir en échange, tant les procédures sont compliquées. Pourtant la PAT a un rôle essentiel à jouer chez nous. Sa réforme intégrera-t-elle les trois critères d'attribution suivants : favoriser les petites entreprises, réduire les zonages, porter une attention particulière aux territoires les plus fragiles ?

Mme la Ministre - Ramener de l'emploi dans les zones en difficulté, voilà en effet la priorité. Maintenir l'emploi grâce à des services de qualité n'est pas moins important.

Le maintien du service public en milieu rural passe aussi par une réflexion sur les conditions dans lesquelles ce service est rendu.

Sur la question désormais célèbre de la modification de la carte des commissariats de police et des brigades de gendarmerie, je suis convaincue que le débat n'est pas entre maintien et suppression. L'essentiel est de savoir comment organiser les services pour qu'ils soient le plus efficaces ? Les nouvelles technologies de l'information et de la communication offrent des solutions, tout comme la création de maisons de services publics en zone rurale.

Une meilleure utilisation de la PAT requiert un nettoyage comptable et une amélioration de la consommation des crédits -le taux de 1998 étant le plus élevé depuis quatre ans. Je proposerai à un prochain CIAT de réformer la PAT pour la dédoubler : une première forme, exogène, serait réservée à quelques investissements internationalement mobiles ayant un rôle d'entraînement à grande échelle, une autre forme, endogène, destinée à des projets de plus petite taille, capables de susciter le développement local.

M. Jean-Pierre Baeumler - Les PACT urbains, créés dans le cadre des contrats de plan pour 1994-1999, accompagnent les politiques de développement de territoires fragilisés ou en reconversion, par exemple les bassins miniers. A la fin de 1997, une mission d'évaluation portant sur six PACT urbains a relevé des résultats inégaux. Elle a mis en évidence la réussite du PACT du bassin potassique d'Alsace dont le taux de réalisation des actions engagées atteint 80 %. Ce PACT a permis d'accélérer la mutation économique de notre bassin minier, grâce à une forte implication de l'entreprise minière et chimique, et de transférer aux communes dans les meilleures conditions les équipements publics appartenant aux mines de potasse d'Alsace. Il a permis de mener à bien des actions à caractère social ou culturel de requalification de l'environnement, et surtout de renforcer le partenariat local et la dynamique intercommunale.

Ce succès nous conduit à demander la reconduction des PACT urbains dans le prochain contrat de plan. Y êtes-vous disposée ?

Mme la Ministre - Vous avez presque tout dit ! Les contrats d'agglomération que nous préparons tireront parti de l'expérience des PACT urbains, en en reprenant les aspects les plus positifs. Les PACT ont posé les prémisses d'une gestion locale du développement. Dans le prochain plan, nous passerons d'une logique de réparation à une logique d'innovation. C'est à quoi s'attacheront les démarches contractuelles d'agglomération des territoires urbains qui bénéficient aujourd'hui d'un PACT urbain. Celui du bassin potassique a mis en oeuvre un partenariat exemplaire, en mobilisant 250 millions dont 30 millions provenant du FNADT. Il a permis de dynamiser un espace considéré comme délaissé. Il appartiendra à l'Etat de légitimer la performance réalisée pour les communes du bassin potassique, et je proposerai de leur conserver son soutien au travers du contrat d'agglomération.

M. Léonce Deprez - Madame la ministre, vous avez à jouer un rôle de coordination interministérielle. Peut-être serait-il souhaitable que vous soyez déléguée auprès du Premier ministre. Au niveau régional, il appartient aux schémas régionaux d'aménagement du territoire d'assurer un certain équilibre de la vie économique et sociale. Or l'Etat ne donne pas toujours l'exemple du respect des conditions de cet équilibre. On voit des administrations supprimer certains services, privant de cohérence l'aménagement du territoire. Les pays ne doivent-ils pas offrir le cadre d'un engagement que prendrait l'Etat de maintenir les services publics, pour ne pas dévitaliser les campagnes ? L'Etat peut-il prendre un tel engagement, dans le cadre des contrats de plan, pour que les différents territoires d'une région ne soient pas dévitalisés par sa propre action ?

D'autre part, pour que le pays ait une voix, maintenez-vous le principe d'une association 1901, ou envisagez-vous d'autres structures ?

Mme la Ministre - Les commissions départementales d'organisation et de modernisation des services publics, nées de la loi de 1995, se sont mises en place progressivement, et réunies au moins une fois dans tous les départements. De nombreuses préfectures ont souhaité constituer avec elles des groupes de travail capables d'évaluer les besoins et d'élaborer des propositions pour l'élaboration des schémas départementaux des services publics. L'élaboration de ces schémas a été différée jusqu'à fin 1998. Ils devraient permettre de définir dans une perspective pluriannuelle les moyens d'un accès égal aux services publics sur tout le territoire. La condition de concertation locale est donc remplie. Je ne suis pas sûre que cela suffise. Quand nous aurons ces schémas, il nous faudra voir s'ils répondent aux besoins des populations. En tout cas, l'Etat a pris ses responsabilités dans ce processus, qui doit permettre, bassin par bassin, de faire que les services offerts à la population soient adaptés à sa concentration et à sa structuration sociologique.

Quant aux pays, je souhaite me donner un peu de temps. En effet, si certains territoires ont commencé un travail en ce sens, si même certains pays existent, ce n'est pas le cas général. Il est des pays qui reposent sur les épaules de quelques personnes, parfois d'un seul homme. D'autres ont été judicieusement utilisés par les acteurs locaux pour dépasser des tensions apparues lors de la mise en place des intercommunalités. Les contenus portés par les pays sont très hétérogènes. J'espère que cette formule permettra aux territoires de trouver une meilleure organisation, et à des projets de remonter et d'être reconnus par l'Etat et les régions.

Le projet de loi envisage soit une structure légère, le syndicat mixte, soit une plus lourde, l'établissement public intercommunal à fiscalité propre. Mais l'essentiel est le projet, c'est-à-dire la charte de territoire, et non l'organisation. Certains ont suggéré d'autres structures : le débat parlementaire en décidera. Pour ma part, je ne suis pas hostile au syndicat d'intercommunalité, ou à d'autres formules répondant à la diversité des situations. Mais je reste prudente, pour ne pas donner prise à l'accusation de vouloir ajouter une nouvelle structure institutionnelle à toutes celles qui existent déjà... (Sourires)

M. Edouard Landrain - Je connais au moins un pays heureux : celui d'Ancenis, qui regroupe en un district vingt-neuf communes d'un même arrondissement. Mais s'il compte 50 000 habitants, sa ville principale n'en a que 7 000, ce qui posera sans doute problème au regard de votre projet de loi. La formule du district a d'autre part été choisie parce qu'elle permettait de conserver le SIVOM.

Je suis persuadé que la réussite d'un pays passe par son indépendance. Celle-ci met en jeu de nombreux aspects, et notamment la facilité des communications. Or on évoque toujours les modes classiques : route, autoroute, rail, TGV, mais il ne faut pas oublier l'aviation. La petite aviation commerciale et d'affaires sera déterminante demain. Or le fonds de péréquation des transports aériens est excédentaire depuis toujours. Ne peut-on aider à l'installation de petites pistes, qui assureraient aux pays non seulement leur indépendance, mais leur insertion européenne ?

Mme la Ministre - Oserai-je avouer ma perplexité ? Pour la masquer, je dirai d'abord quelques mots sur les pays. Le vôtre compte 50 000 habitants, mais ne pourra pas constituer une agglomération. Celle-ci doit être un espace urbain fortement intégré, avec ses problèmes spécifiques. Et le pays n'est pas le deuxième choix pour ceux qui ne peuvent pas constituer une agglomération : c'est un espace de projets qui a son intérêt propre.

Quant à l'aviation légère, je souhaite que nous puissions en faire une étude approfondie. Elle devra prendre en compte la lourdeur des investissements, et l'impact sur l'environnement, notamment le bruit. Celui-ci est la première nuisance dont se plaignent les Français, et fait l'objet de la moitié du courrier que reçoit mon ministère... D'autre part, nous ne sommes pas certains d'échapper encore longtemps, dans le cadre des programmes d'élimination des gaz à effet de serre, à une taxe sur le kérosène, qui remettrait en cause l'efficacité économique de ce secteur. Je doute donc de la possibilité de développer l'aviation légère sur un nombre significatif de sites, mais il faudra pour en décider une étude plus approfondie.

M. François Sauvadet - Puisque vous avez parlé d'un budget d'attente, je souhaite vous faire part de quelques-unes des nôtres. La première porte sur le développement de certaines infrastructures, indispensables au développement de l'activité. On abandonne les schémas nationaux au motif qu'ils n'ont jamais été appliqués. Mais beaucoup d'entre nous ont demandé, lors du débat sur la loi de 1995, que ces schémas fassent l'objet d'une véritable programmation. Leur abandon ne doit pas conduire au gel de projets réellement attendus. Je pense non seulement aux autoroutes, mais au reste du réseau routier ; la vocation des départements ne se limite pas à l'aide sociale. Je n'évoquerai pas devant vous le TGV Rhin-Rhône, bien qu'il soit cher à notre collègue de l'intérieur. Ces infrastructures exigent une politique volontariste, clé du développement.

En matière de services publics, nous avons des craintes quant au coût de l'eau et de l'assainissement pour les petites communes. Celles-ci ont besoin des agences de l'eau. Vous nourrissez le projet d'étendre la TGAP aux redevances des agences de l'eau. Outre le risque de recentralisation d'une politique décentralisée, vous créerez celui de soumettre aux aléas budgétaires les ressources des agences qui concourent à l'équipement de nos communes. Un exemple : le fonds de gestion de l'espace rural, que nous étions nombreux à souhaiter, est abondé de 0 franc...

J'aimerais avoir des précisions sur la façon dont vous allez aborder ces sujets, avant le grand débat que nous souhaitons.

Mme la Ministre - J'ai déjà abondamment répondu à la deuxième partie de votre question, à une heure plus décente, lors de l'examen du budget de l'environnement...

En ce qui concerne ce budget, je n'ai pas parlé de budget d'attente, mais de budget de transition et de consolidation, après la forte augmentation de l'année dernière. Il ne s'agit pas pour nous d'attendre : pendant que nous réfléchissons, la politique continue à être menée sur le terrain, les dispositifs financiers prévus antérieurement sont utilisés.

En ce qui concerne les grandes infrastructures, avec Jean-Claude Gayssot nous considérons, d'une part, qu'il est interdit à un ministre de faire rêver sur des équipements infinançables, d'autre part, que nous devons faire en sorte que ces investissements permettent d'améliorer de façon significative le service rendu et la qualité de vie. En ce qui concerne le TGV, ce ne sont pas les km de voies nouvelles qui comptent, mais les minutes gagnées sur les temps de transport. Chacun des équipements que nous avons retenu répond à un objectif de gestion responsable de l'argent public.

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions. J'appelle les crédits inscrits à la ligne "Aménagement du territoire et environnement : aménagement du territoire".

Les crédits inscrits au titre III de l'état B, mis aux voix, sont adoptés, de même que les crédits inscrits au titre IV de l'état B et aux titres V et VI de l'état C.

La suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1999 est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu aujourd'hui, jeudi 5 novembre, à 9 heures 45.

La séance est levée à 1 heure 35.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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