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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 24ème jour de séance, 62ème séance

2ème SÉANCE DU JEUDI 5 NOVEMBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. François d'AUBERT

vice-président

          SOMMAIRE :

LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- (suite) 1

La séance est ouverte à quinze heures.


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LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999.


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INTÉRIEUR

M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial de la commission des finances pour la sécurité - Le Premier ministre rappelait lors du colloque de Villepinte en octobre 1997 que "tout citoyen, toute personne vivant sur le territoire de la République a droit à la sécurité". Il réaffirmait ainsi le droit à la sûreté proclamé par la Déclaration de 1789.

Cette constatation, qui n'a pas toujours été évidente, fonde votre politique de sécurité, Monsieur le ministre, qui privilégie la proximité et la satisfaction des attentes de la population, en particulier dans les zones sensibles.

Votre budget dégage les moyens, essentiellement humains, nécessaires au rapprochement de la police et des citoyens. Il progresse globalement de 2,9 %, ce qui tranche avec les évolutions des années précédentes et montre que le ministère de l'intérieur n'a pas été trop maltraité.

Il n'est toutefois pas entièrement satisfaisant, faute de rompre avec la pratique ancienne de l'ajustement par les moyens de fonctionnement et d'anticiper la prochaine mutation démographique qu'imposera une pyramide des âges particulièrement défavorable.

Le budget de la police nationale progresse de 828,5 millions, les AP croissant de 10,3 %.

Ce budget se caractérise toutefois par la prédominance des dépenses de personnel qui fait que, trop souvent, les moyens de fonctionnement constituent la variable d'ajustement.

Ainsi, cette année, les crédits de personnel augmentent de 2,6 % soit 617,3 millions en grande partie du fait de la mise en oeuvre de l'accord salarial de la fonction publique du 10 février 1998. Les effectifs des personnels de police se sont accrus de 9 465 fonctionnaires au cours des dix dernières années. Les besoins seront considérables dans l'avenir et seul le quart des 5 000 fonctionnaires administratifs prévus par la loi d'orientation pour la sécurité de 1995 a été recruté.

Pour cette année, votre budget prévoit d'augmenter les effectifs globaux de la police nationale de 3 288 fonctionnaires, soit de 2,3%.

Les indemnités, qui représentent plus de 30 % des rémunérations principales versées dans la police, progressent de 3,6 %, essentiellement en application des mesures générales applicables à l'ensemble de la fonction publique, en particulier celles prévues par l'accord salarial de février 1998.

L'augmentation de 2,4 % des moyens de fonctionnement résulte de deux mouvements en sens contraire, l'économie liée à la suppression de 4 175 emplois de policiers auxiliaires et la dépense supplémentaire entraînée par le recrutement d'adjoints de sécurité.

La situation du parc automobile léger de la police suscite mon inquiétude. Des moyens sont prévus par la loi d'orientation. Compte tenu de l'importance des besoins, un effort important sera nécessaire dans la loi de finances rectificative.

L'essentiel de la progression des dépenses d'informatique et de télématique est consacré au fonctionnement du système informatique central Schengen.

Un effort a été consenti pour le parc immobilier mais le retard est tel que le ministère de l'intérieur envisage de louer des locaux -le ministère des finances n'a pas encore accepté une telle procédure.

4 000 logements ont été réalisés en cinq ans. Ce nombre est insuffisant, l'effort se poursuit donc.

En ce qui concerne les véhicules, les gros s'amortissent en douze ans et les petits en huit. La dotation d'équipement doit donc être reconsidérée.

Vous souhaitez mettre en oeuvre le droit à la sécurité pour chacun des citoyens. Il conditionne en effet la jouissance de toutes les libertés. La circulaire interministérielle du 28 octobre 1997 instituant le contrat local de sécurité, a précisé vos objectifs. Elu de Paris où il n'a pas encore été mis en place, je suis persuadé de l'utilité de ce nouveau dispositif, efficace car il repose sur une police de proximité. Celle-ci, au demeurant, ne peut être l'affaire des seuls gendarmes et policiers et doit associer les élus locaux et de nombreux autres acteurs tels les représentants des bailleurs sociaux, ceux des sociétés de transport ou les responsables associatifs.

Le contrat local de sécurité prévoit l'établissement d'un diagnostic puis la définition d'un plan d'action précisant des moyens. Quelques centaines ont déjà été conclus. Un plus large succès se heurte toutefois à la réticence de certains élus à élaborer, comme cela est souvent nécessaire, un CLS unique à l'échelle d'une agglomération. Ils souhaitent en effet souvent limiter les CLS à leur seule commune. Comme élu de Paris, je témoigne que nous ressentons fortement le besoin de ces contrats locaux de sécurité. Ce doit être des contrats de proximité, mieux connus de la population, afin de réduire son sentiment d'insécurité.

Parler de CLS et de police de proximité implique une certaine attention à la question des effectifs. Ici interviennent les adjoints de sécurité, recrutés comme contractuels afin de renforcer les services, et les agents locaux de médiation sociale. A noter que dans certaines régions, comme l'Ile-de-France, le recrutement des adjoints de sécurité se heurte à un manque de candidats. Quant aux agents locaux de médiation sociale, leur rôle est de créer un sentiment de sécurité, en se penchant notamment sur les incivilités. C'est un début de tentative -soyons modestes- pour restaurer un sentiment de sécurité. Il est vain en effet d'abreuver le citoyen de statistiques rassurantes : on ne fait ainsi que l'exaspérer, s'il a été victime ou témoin de la délinquance. Il y a donc un effort à faire pour que les citoyens comprennent que les CLS les concernent directement. Adjoints de sécurité et agents de médiation doivent avoir, par leur présence visible, un effet rassurant.

Quant à la réforme de la préfecture de police de Paris, dont le ministre de l'intérieur nous a communiqué le projet, elle s'apparente par son ampleur à celle qu'ont mise en oeuvre, au tournant du siècle, les préfets Lépine et Hennion. Nul n'ignore le renom et les compétences incontestables de la préfecture de police. Mais une réorganisation de ses services était nécessaire. La proposition de créer dans chaque arrondissement une circonscription unique de police de proximité est excellente ; cette mesure sera connue des citoyens et leur donnera le sentiment de vivre dans une petite commune qu'ils connaissent bien.

Je n'insiste pas sur la sécurité civile, dont les crédits de paiement progressent de 9,7 %. J'indique pour conclure que la préparation de ce budget a donné lieu à des échanges fructueux entre les parlementaires et le ministère. M. le ministre peut, je crois, nous donner acte que nous avons été dans son sens et que certains compléments d'information, qui nous étaient nécessaires, ont permis une actualisation, souhaitée par le ministre de l'intérieur et acceptée par le ministre des finances. C'est une bonne chose. Le Gouvernement a posé un objectif : la sécurité pour chaque citoyen. N'oublions pas que la sécurité et l'emploi sont les deux préoccupations essentielles des Français. Il aurait été aberrant de ne pas prendre en compte les besoins justifiés qu'a soulignés M. le ministre. Ce sera fait avec le vote de la loi de finances rectificative. La commission des finances souhaite donc l'adoption du budget de la sécurité pour 1999 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Louis Mermaz, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la police - La commission des lois a émis un avis favorable sur ce budget. Cela ne signifie pas qu'il nous satisfasse entièrement, même si les perspectives devraient s'éclairer sensiblement grâce aux engagements annoncés dans la loi de finances rectificative pour 1998. Je vous remercie pour les efforts que vous avez déployés, Monsieur le ministre, et je remercie M. Bonrepaux et M. Migaud pour leur diligence.

En matière de sécurité, l'argent et les effectifs ne font pas tout -le nombre de nos policiers et de nos gendarmes nous place au premier rang en Europe. Il faut aussi revoir l'organisation, la pratique, créer un état d'esprit. Il convient certes de veiller aux moyens et aux effectifs, mais aussi à l'efficacité et au moral du personnel. La situation est connue : une délinquance croissante, dont les auteurs sont de plus en plus jeunes, avec des bandes, qui commettent des actes plus graves que par le passé. Les causes ? Le terreau social, miné par la crise ; un chômage qui reste important ; une précarité croissante ; la formation de ghettos... M. Chevènement a initié une réflexion en profondeur, à la suite du colloque de Villepinte, pour mettre au point de nouvelles méthodes. Ce sont l'éducation à la citoyenneté, la police de proximité, le renforcement de la coopération entre police, éducation nationale, justice, et les collectivités locales -démarche qui débouche sur les contrats locaux de sécurité. C'est encore la prévention, la présence constante dans les quartiers difficiles, avec des rondes pédestres. Mais pour être efficaces, il faudra envisager une gestion déconcentrée des personnels, afin d'éviter que dans certaines régions les policiers, enfin revenus au pays, aient presque tous plus de quarante ans.

Le budget pour 1999 est-il à la hauteur de ces exigences ? M. le ministre indiquait dès le 17 juin à la commission des finances que la part de ses crédits dans le budget de l'Etat avait sensiblement régressé ces dernières années, passant de 4,07 % en 1993 à 3,72 % en 1998. Or, ajoutait-il, compte tenu de l'importance des dépenses de personnel, qu'ont encore accrues les accords salariaux de la fonction publique, cette évolution s'opère au détriment du parc automobile, dont l'état est déplorable, ainsi que de la rénovation des commissariats vétustes ou de l'implantation de nouveaux commissariats dans les zones sensibles. Et M. le ministre de conclure en soulignant le contraste entre l'attente de sécurité qui se manifeste dans l'opinion et au Parlement, et la pauvreté de ses moyens : 7,3 milliards de dépenses de fonctionnement hors personnel -sur un total de 51 milliards au titre du fonctionnement- et 1,7 milliard de dépenses d'investissement. Ces chiffres sont malheureusement éloquents.

Ce budget comporte cependant des points positifs : le recrutement pour la deuxième année des adjoints de sécurité, le déploiement du système ACROPOL pour la sûreté des transmissions, le recrutement de 1 400 policiers pour compenser par anticipation les départs à la retraite, qui seront de quelque 25 000 en cinq ans. Mais il comporte aussi des insuffisances, par exemple en ce qui concerne l'investissement immobilier : il manque 110 millions auxquels j'en ajouterai 120 pour le parc automobile. Le système d'interception des téléphones mobiles exigerait au moins 60 millions. Se pose également le problème du régime indemnitaire des personnels : une partie des officiers ne pourra être dotée et le gros des gardiens de la paix n'aura pas grand-chose ; le manque est de 100 millions. Je vous donne acte de votre volonté de veiller à une meilleure répartition des primes en tenant compte de l'engagement des fonctionnaires sur le terrain. Enfin, si le redéploiement police-gendarmerie a lieu, son coût ne sera pas nul : il faut prévoir 100 millions. Cette réforme est nécessaire, mais exige une large concertation, qui n'en est qu'à ses balbutiements.

Face à ces lacunes du budget s'annoncent les promesses de la loi de finances rectificative : 100 millions de plus pour le fonctionnement, 90 pour la dette envers France Télécom, 45 millions pour l'envoi des pastilles vertes -mais cela concerne-t-il la sécurité ?-, 85 pour l'immobilier, 90 pour ACROPOL. Soit un total de 410 millions, dont il faudrait à mon avis retirer les 45 millions des pastilles vertes, face aux 490 millions manquants que j'ai chiffrés. 70 millions sont gagés sur les réservations immobilières de logements sociaux destinés aux personnels de police. Malheureusement, il faut toujours compter avec les gels, annulations et reports ; 1997 en a connus, ainsi que 1998, même si c'est moins : 12,6 millions de CP et 32 millions d'AP. Il est temps que le budget de la police devienne prioritaire.

Un mot, enfin, sur les grévistes de la faim de Limeil-Brévannes et de quelques autres sites. Il y a là de lourds enjeux humains, et le président du Sénégal s'en est ému lors de son voyage. Aujourd'hui, 60 000 personnes ne sont pas encore régularisées. Le conseil des ministres a examiné un texte de Mme Aubry qui envisage des mesures d'aide au retour, de formation, de suivi, et des visas à multiples entrées. Dans le cadre d'une politique de codéveloppement, ce texte ouvre une piste intéressante, si du moins ses dispositions sont appliquées de manière loyale. Monsieur le ministre, il y va de l'intérêt de notre pays et de son rayonnement dans le monde. Je sollicite un geste d'humanité en faveur des grévistes de la faim et je vous demande de transmettre ce message au Premier ministre (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Antoine Leonetti, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la sécurité civile - Les missions de la sécurité civile sont devenues plus nombreuses, plus diverses et plus difficiles. La responsabilité en ayant été confiée aux communes, les disparités de moyens techniques et humains mais aussi de coûts sont grandes à travers le territoire.

La récente réforme, historique, des services d'incendie et de secours inquiète les communes. En effet, elles supportent la charge d'un service sur lequel elles ont un pouvoir de décision limité et dont elles assistent, impuissantes, à l'explosion des coûts.

Le budget de la sécurité civile occupe une place modeste au sein du budget du ministère de l'intérieur. Bien qu'en augmentation de 9,7 % en 1999 où il est doté de 1,22 milliard, il ne représente cependant que la reconduction des moyens indispensables pour maintenir une capacité opérationnelle minimale.

La progression des crédits de personnel comme de la participation de l'Etat aux dépenses de secours de la ville de Paris s'explique par le remplacement progressif des appelés du contingent par des professionnels.

Les crédits de fonctionnement, pour leur part, sont au minimum : en deçà, la capacité opérationnelle même serait remise en question.

Seuls 81 millions sont prévus pour le renouvellement des hélicoptères vétustes et la modernisation des trakers tandis que les crédits de maintenance pourraient une fois de plus se révéler insuffisants.

La flotte de Canadairs, dont le marché a suscité des observations de la part de la Cour des comptes, continue de poser des problèmes techniques majeurs.

Malgré la réorganisation enfin entreprise du service de déminage, le problème du stockage de matériels dangereux n'est pas totalement résolu.

Enfin, la subvention à l'Institut national de la sécurité civile diminue du fait de la non-reconduction des crédits d'origine parlementaire.

Toutes ces évolutions sont peu favorables alors même que les services d'incendie et de secours ont des missions à la fois plus étendues et plus diversifiées dans notre société industrielle où existent des risques nouveaux, chimiques, bactériologiques, nucléaires, sans que pour autant les risques d'incendie, notamment dans le sud de la France, en dépit des efforts de prévention, et les risques naturels aient été totalement maîtrisés.

Le risque terroriste ne peut non plus être ignoré. Dans le même temps, nos concitoyens exigent de plus en plus de sécurité, voire, encouragés par les médias, un risque zéro. Le recours de plus en plus fréquent aux procédures contentieuses rend aussi la tâche des services d'incendie et de secours de plus en plus délicate. L'élargissement de leur champ d'intervention exige une formation technique poussée des personnels, des moyens opérationnels adaptés et, donc, des efforts financiers substantiels. Courage et dévouement ne suffisent plus.

Tout cela a conduit à adapter les textes concernant les différentes catégories de sapeurs-pompiers. Leurs effectifs stagnaient alors même que le nombre d'interventions augmentait : une réforme était donc indispensable, nul ne le contesterait. On peut toutefois regretter que le coût pour les collectivités n'en ait pas été évalué.

La réforme des SDIS est allée de pair avec l'adaptation du statut des pompiers volontaires et professionnels. La loi du 3 mai 1996 a tiré les enseignements d'une crise qui aurait pu affecter l'organisation même de la sécurité civile. Elle règle les relations entre les volontaires, qui représentent 84 % des pompiers, et leurs employeurs, prévoit une formation spécifique à leur intention, définit les principes de leur indemnisation. Elle constitue une étape importante dans la reconnaissance du volontariat. Cela étant, elle devra sûrement être complétée. En effet, il serait logique qu'à missions identiques corresponde une formation identique.

S'agissant des professionnels, le décret du 5 juin 1998 a enfin proposé un régime indemnitaire, déterminant d'ailleurs seulement un cadre de référence à partir duquel les conseils d'administration des SDIS négocieront. Cette réforme devrait accroître d'environ 5 % la masse salariale. En revanche, le régime de travail est resté inchangé, l'Etat, faute d'être parvenu à négocier un statut uniforme, ayant laissé le soin aux collectivités de négocier la durée du travail. Cela induira sans nul doute un surcoût. A cela s'ajoutent le coût des formations et le poids de la retraite. La départementalisation devait avoir lieu à coût constant : nous en sommes loin ! Les communes, qui ne maîtrisent ni les risques, ni les demandes de la population ni l'organisation des secours et qui ne pourront pas refuser les demandes des directeurs techniques des SDIS, verront donc automatiquement leurs dépenses s'accroître. Une réflexion serait donc nécessaire dans les plus brefs délais.

La réorganisation qui a eu lieu ne doit être considérée que comme une étape vers une mutualisation des moyens et surtout une clarification des compétences entre l'Etat et les collectivités. Si un alourdissement de la fiscalité est exclu, l'Etat pourrait prendre en charge la formation des agents de la sécurité civile et le financement de moyens opérationnels interdépartementaux. Une participation des assurances privées qui bénéficient des efforts de prévention de la sécurité civile, notamment pour la mise aux normes de sécurité des bâtiments, pourrait également être envisagée.

La sécurité civile met de plus en plus souvent à la disposition des SAMU et des SMUR ses moyens techniques et humains dont ne disposent pas les centres hospitaliers. C'est un exemple type de transfert de charges de l'Etat vers les collectivités territoriales.

Il est urgent de préciser de manière conventionnelle les missions respectives et les moyens financiers. Enfin, comment envisager que l'Etat se désengage des missions de sécurité sur l'ensemble du territoire, alors qu'il s'agit de l'une de ses missions conjointe avec les collectivités locales ?

Le Président de la République déclarait le 27 juillet 1998 à Brignoles : "L'Etat doit naturellement prendre toute sa part dans ce combat commun... Ce sont les budgets décidés aujourd'hui qui permettront les succès de demain". Or ce budget de la sécurité civile ne prépare pas l'avenir, se contentant de gérer modestement les capacités d'intervention sans qu'une réflexion d'ensemble ait été engagée sur les conséquences matérielles et financières de la mutation profonde de ce service.

Pour toutes ces raisons, j'ai proposé à la commission de le rejeter. Elle ne m'a pas suivi, mais je suis sûr que beaucoup d'élus locaux de la majorité comme de l'opposition partagent mes inquiétudes (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial de la commission des finances pour les collectivités locales - Le budget collectivités locales du projet de loi de finances pour 1998 devait être un budget de transition en attendant que plusieurs concertations soient engagées, notamment sur la fiscalité locale et la sortie du pacte de stabilité. A ce dernier, le Gouvernement propose de substituer un contrat de croissance et de solidarité ; il envisage également une réforme de la taxe professionnelle ainsi qu'une révision des bases cadastrales qui devait être présentée dans le collectif budgétaire et qui a, semble-t-il, été reportée. Il ne faudrait néanmoins pas qu'elle le soit sine die, si l'on veut que les calculs faits en 1992 restent valables.

Le budget pour 1999 gouvernera encore une transition puisqu'en 1999, outre une réforme de la CNRACL, le Gouvernement proposera trois projets de loi concernant l'aménagement du territoire, l'intercommunalité et les interventions économiques des collectivités. Ces trois projets, dont il conviendra de s'assurer de la cohérence, auront des conséquences financières pour les collectivités. Ils seront appréciés en fonction des nouveaux rapports politiques qu'ils permettront d'instaurer entre l'Etat et les collectivités.

De la décentralisation, voulue par François Mitterrand et Gaston Defferre, tous les partis se réclament aujourd'hui. Mais le sens qu'ils lui donnent varie beaucoup. Pour les uns, il s'agit de réduire le pouvoir de l'Etat, jusqu'à parvenir à une Europe des régions. Pour les autres, dont je suis, il s'agit de rapprocher l'administration des citoyens et de renforcer la capacité d'action des collectivités locales sans pour autant mettre en cause la permanence du pouvoir de l'Etat, seul garant de l'unité de la République.

Tel est le filtre politique à travers lequel je vais examiner l'évolution des dotations de l'Etat et les réformes proposées en matière de fiscalité locale.

Le contrat de croissance et de solidarité fait bénéficier les collectivités locales de la reprise de la croissance. En portant à 20 % la fraction de PIB retenu pour le calcul normé en 1999, le Gouvernement a fait un effort qui doit être souligné. Cela représente un supplément de 970 millions par rapport à l'indexation sur l'inflation.

Par ailleurs, le contrat de croissance et de solidarité reconduit le choix de la dotation de compensation de la taxe professionnelle comme variable d'ajustement du périmètre normé. En modulant la baisse de la DCTP et en majorant la DSU de 500 millions pour chacune des trois années du contrat, le Gouvernement a amélioré le mécanisme mis en oeuvre de 1996 à 1998. Cet effort nous semble cependant encore insuffisant et devrait être accentué dans l'intérêt même du soutien à la croissance.

Avec 180 milliards, l'investissement des collectivités locales représente 75 % des investissements des administrations publiques et 13 % de ceux de la nation. C'est donc un levier très important, d'autant qu'après une légère baisse en 1995 et 1996, l'investissement local est reparti à la hausse pour répondre à des besoins de civilisation : gestion de l'eau, traitement des déchets, nouveaux investissements sociaux dans l'éducation, le sport, la culture... l'indexation de l'enveloppe normée devrait donc retenir une fraction plus importante de l'évolution du PIB, de l'ordre de 50 %.

La DCTP devait initialement régresser de 11,2 % à structure constante. Le relèvement de 15 % à 20 % de la fraction du PIB prise en compte pour l'indexation de l'enveloppe normée devrait permettre de ramener cette baisse à -9,3 %.

En ce qui concerne les concours hors enveloppe, l'assouplissement des conditions d'éligibilité des travaux au fonds de compensation pour la TVA entraînera un coût supplémentaire d'environ 500 millions pour l'Etat.

D'autre part, un nouveau prélèvement sur recettes de l'Etat est institué pour compenser la perte de recettes subies du fait de la suppression de la part salariale de l'assiette de la taxe professionnelle. En 1999, le dispositif permettra une compensation intégrale, évaluée à 11,8 milliards. Pour les années 2000 à 2003, le montant sera revalorisé en fonction du taux d'évolution de la DGF.

Si cette évolution se révélait beaucoup moins favorable dans les prochaines années, il serait indispensable de réexaminer les modalités de la compensation d'autant que ces modalités ne sont pas précisées au-delà de 2003. Il faut remédier à ce flou.

Au total, l'ensemble des dotations aux collectivités locales représente 321,968 milliards, soit 17 % des dépenses de l'Etat, en augmentation de 10 % par rapport à 1998.

Les dotations de fonctionnement s'élèvent, elles, à 116,2 milliards, dont 109,2 au titre de la DGF, en progression de 2,78 %.

J'en viens à la réforme de la fiscalité locale.

Le Gouvernement l'avait annoncée pour 1999. La promesse est tenue puisque le Parlement examinera prochainement des projets sur la révision générale des valeurs locatives, la modification de l'assiette de la taxe professionnelle et le développement de la taxe professionnelle à taux unique.

Une réforme de la taxe d'habitation apparaît également souhaitable. La proposition d'Edmond Hervé de constituer un groupe de travail pour étudier la possibilité d'asseoir la taxe d'habitation sur les revenus pris en compte pour le calcul de la CSG pourrait être retenue.

Nous sommes, là encore, dans une phase de transition.

La suppression progressive de la part salariale de l'assiette de la taxe professionnelle constitue une réforme intéressante, mais insuffisante car elle ne concerne que les bases d'imposition. D'ailleurs ne risque-t-elle pas de réduire sensiblement l'intérêt du projet de taxe professionnelle à taux unique comme ressource principale des futures communautés d'agglomération ou de communes ? Il me paraîtrait préférable d'aller au bout de la logique amorcée par la présente loi et de substituer à l'assiette actuelle une assiette valeur ajoutée établie au plan national. Ce ne serait jamais que l'application, vingt ans après, de l'article 14 de la loi du 10 janvier 1980 qui prévoyait "qu'à compter d'une date visée par une loi ultérieure, la taxe professionnelle aura pour base la valeur ajoutée". On suivrait alors la proposition du Conseil des impôts visant à transformer le système actuel d'impôt de répartition territorialisé en un impôt mutualisé au plan national et réservé aux collectivités locales sous forme de dotation.

Les objections que formulent certains élus locaux me paraissent manquer leur cible. Mais il est vrai que l'objectif, à savoir améliorer la capacité des collectivités locales à assurer leurs missions, serait d'autant mieux atteint si l'Etat remplissait pleinement les siennes, notamment la sécurité, l'enseignement, la justice sociale et se recentrait sur son rôle d'impulsion et de coordination, accompagnant l'action des collectivités décentralisées à travers le Plan, qui devrait éclairer l'avenir.

Comme la commission des finances, je vous invite, chers collègues, à adopter le budget des collectivités locales (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. Jacky Darne, suppléant M. René Dosière, rapporteur pour avis de la commission des lois pour les collectivités locales - M. Dosière est retenu dans sa circonscription, où il accueille le Premier ministre, mais son remarquable rapport écrit compensera les insuffisances de mon intervention.

Le budget des collectivités locales est marqué par la fin du pacte de stabilité, auquel succède un contrat de croissance et de solidarité.

Si le pacte de stabilité avait été signé en 1996 sans aucune concertation, le pacte de croissance l'a été après des discussions approfondies. L'enjeu, toutes dotations, subventions et compensations comprises, est de plus de 300 milliards. Cette contractualisation doit stabiliser les relations entre l'Etat et les collectivités locales de 1999 à 2001. En première partie de la loi de finances, le pourcentage de la croissance à prendre en compte dans les dotations aux collectivités a été porté à 20 % du PIB en 1999 et s'élèvera à 33 % en 2001. On aurait pu bien sûr envisager d'autres indexations, par exemple sur l'augmentation des recettes fiscales de l'Etat.

Pour 1999, les dotations sous enveloppe augmentent de 2,78 %, soit 109,29 milliards pour la DGF, et les crédits d'équipement progressent de 3,8 %.

La variable d'ajustement de l'enveloppe est la dotation de compensation de la taxe professionnelle. Elle régresse de 9,3 %. Mais la modulation permet de ne pas faire supporter cette baisse aux communes démunies, notamment si elles perçoivent la DSU. Celle-ci augmente de 500 millions cette année et augmentera de la même somme chaque année. Mais son montant global reste dérisoire -1 % du total des concours de l'Etat ! Ses critères ne sont pas assez sélectifs : les communes bénéficiaires regroupent 22 millions d'habitants. Pour que la politique de la ville soit plus efficace, il faut mieux la cibler et assurer des concours satisfaisants aux collectivités locales.

Par ailleurs la diminution du fonds de compensation s'applique aux groupements de communes à fiscalité propre comme aux communes elles-mêmes. Il serait normal que les groupements ne supportent la diminution qu'à proportion du nombre d'habitants des communes qui ne bénéficient pas de la DSU. Je souhaite que ce point soit revu en deuxième lecture de la première partie de la loi de finances.

La fiscalité locale doit être modernisée. La réforme de la TP est acquise. Le Gouvernement a choisi de supprimer la part salariale comme base, alors que le rapport Hervé proposait plutôt une taxe professionnelle unique. En tout cas, l'allégement décidé n'aura pas beaucoup d'effets sur la création d'emplois.

Depuis des années, on assiste à une substitution progressive de l'Etat aux collectivités locales pour la collecte. Ce glissement pose une question de fond. Fait-on confiance à l'Etat pour la redistribution ultérieure ? Et comment gère-t-on la péréquation ? A mes yeux, cette collecte centrale n'enlève rien à l'autonomie des collectivités. Des exemples étrangers le montrent, mais leurs traditions décentralisatrices ne sont pas les nôtres. Nous avons en tout cas besoin d'engagements plus forts de l'Etat.

La réforme institutionnelle va donner lieu à trois projets de loi. Il ne s'agit pas là d'une nouvelle remise à jour des lois de décentralisation de 1982, mais d'une modification par petits petits pas. Les questions concernant les compétences, le financement, l'organisation géographique ne sont donc pas à l'ordre du jour. On peut comprendre le choix d'une réforme progressive. Mais atteindra-t-on l'objectif et assurera-t-on la transparence nécessaire ? Ces projets m'inspirent quelques observations. D'abord, je souhaite qu'on limite les concurrences inadmissibles du point de vue économique pour l'implantation des entreprises. Cela doit être négocié au niveau européen pour éviter les concurrences avec les pays voisins cette fois. En second lieu il faut simplifier l'intercommunalité mais aussi abaisser le seuil de population des communes et veiller à ce que telle ou telle commune ne soit pas inclue ou exclue pour des considérations purement économiques.

Dans ces groupements, les communes sont souvent hétérogènes. Collectiviser les recettes par une TP unique c'est bien. Mais il faut prévoir que les dépenses assurent une certaine solidarité. Les projets de loi instituent un fonds de solidarité facultatif. Ne faudrait-il pas le rendre obligatoire, en laissant ensuite chaque groupement décider lui-même des modalités ?

Enfin, pour faciliter l'intercommunalité il faut qu'un groupement qui se forme ne perde pas de ressources par rapport à la situation antérieure des communes qui le composent.

Ces garanties permettront de moderniser l'organisation du territoire et d'instaurer de nouvelles relations entre l'Etat et les collectivités locales pour assurer stabilité et développement (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim - Il y a un an, Jean-Pierre Chevènement présentait son premier budget en tant que ministre de l'intérieur. Il souhaiterait être présent aujourd'hui. En attendant son retour, j'assume pleinement les responsabilités du ministère de l'intérieur et il me revient de vous exposer les grandes lignes du budget.

Lors de sa préparation, Jean-Pierre Chevènement a défendu ses priorités avec sa pugnacité coutumière. Ce sont la mise en oeuvre d'une police de proximité, la professionnalisation et la modernisation de la sécurité civile, la revalorisation du rôle des administrations centrale et territoriale, l'amélioration de la démocratie locale. Le triptyque, "citoyenneté, proximité, efficacité" défini au colloque de Villepinte régit toute l'action du ministère.

Les crédits du ministère de l'intérieur s'élèveront, en 1999, à 88,2 milliards. Ils se décomposent en deux parties : les dotations aux collectivités locales, qui augmenteront fortement l'an prochain, pour compenser la réduction des droits de mutation immobilière ; les services de l'Etat, dont les crédits, hors ceux relatifs aux élections, augmentent de 3 %.

Cette progression s'accompagnera de près de 500 millions de mesures nouvelles pour le budget de l'intérieur dans la loi de finances rectificative qui vous sera prochainement soumise. Cette somme servira essentiellement à renforcer les moyens consacrés à l'équipement et au fonctionnement de la police nationale. La sécurité civile et l'administration territoriale en bénéficieront également.

Je remercie le rapporteur général, mais aussi M. Dreyfus et M. Mermaz du soutien qu'ils nous ont apporté pour obtenir ces mesures complémentaires. Cet effort montre bien que le Gouvernement entend doter le ministère de l'intérieur des moyens nécessaires à l'accomplissement de ses missions.

La première d'entre elles est de garantir la sécurité qui est l'une des principales préoccupations des Français. Des orientations claires ont été fixées par le Premier ministre lors du colloque de Villepinte. Il s'agit d'assurer un droit à la sécurité égal pour tous sur tout le territoire. Le Gouvernement se dote pour cela des moyens nécessaires.

Ainsi, au 31 décembre 1998, 8 250 adjoints de sécurité auront été recrutés, en priorité dans les 26 départements très sensibles. Un an plus tard, ce nombre sera porté à près de 16 000. L'engagement d'effectuer les 20 000 recrutements sera tenu à l'été 2000. La montée en puissance du dispositif se fait donc à un rythme rapide, compatible avec la nécessité d'opérer une sélection rigoureuse des adjoints recrutés...

M. Thierry Mariani - Mais pas de les former !

M. le Secrétaire d'Etat - ...sous l'autorité directe des gradés et gardiens de la paix, ceux-ci concourent à des tâches difficiles qui requièrent des qualités de sang-froid et d'écoute, qu'il s'agisse de l'îlotage dans les quartiers sensibles, de l'accueil dans les commissariats, ou de la prise en charge des victimes.

15 000 agents locaux de médiation sociale doivent également être recrutés par les collectivités locales, par certaines associations et établissements publics au titre des emplois-jeunes, en particulier par les sociétés de transport et les bailleurs sociaux. Leur rôle en amont de la police est surtout préventif. Le processus de recrutement est en cours. Un peu plus de 1 500 emplois ont été créés au cours des trois derniers mois.

La professionnalisation des armées et la suppression du service national entraîneront, de fait, la disparition progressive des policiers auxiliaires qui ne seront plus que 4 150 en 1999. 4 175 emplois budgétaires sont supprimés au 1er janvier 1999.

D'autre part, les contrats locaux de sécurité constituent un instrument privilégié de la police de proximité. Ils portent sur la détermination des besoins de sécurité, sur l'affectation des moyens humains et matériels et sur l'organisation du partenariat entre les parties concernées. 137 de ces contrats ont déjà été signés et plus de 400 sont en préparation.

Leur qualité, après quelques premières réalisations parfois un peu rapides, est désormais satisfaisante. Jean-Pierre Chevènement et moi-même avons signé des contrats qui constituent de véritables plans d'action détaillés et concertés en matière de police de proximité, de prévention de la délinquance et de la récidive, d'aide aux victimes et de médiation pénale.

La police de proximité est aussi le principal objectif de la réforme en cours de la préfecture de police de Paris, sans, bien entendu, négliger les missions traditionnelles d'ordre public.

Cette réforme comportera deux innovations essentielles.

Tout d'abord, dans chaque arrondissement de Paris, une circonscription unique de police urbaine de proximité, placée sous l'autorité d'un commissaire central sera créée. Ce choix qui met fin à l'éclatement actuel entre commissariats de quartier de police judiciaire et commissariats de sécurité publique, rendra plus cohérente et plus efficace l'action de la police. La situation sera également plus claire pour le public.

Ensuite, trois filières seront distinguées à chacune desquelles correspondra une direction. C'est ainsi que seront créées une direction de l'ordre public et de la circulation et une direction de la police urbaine de proximité, tandis que la direction de la police judiciaire sera réorganisée notamment en faisant passer de six à trois le nombre de ses divisions. L'existence de ces trois directions témoigne de la priorité nouvelle donnée à la police de proximité.

Bien entendu, les trois autres directions actives de la préfecture de Police, -direction des renseignements généraux, direction de la logistique, inspection générale des services- subsistent.

La concertation qui a déjà été engagée se poursuivra durant les prochaines semaines pour que tous les personnels soient associés au succès de cette réforme. Nous attendons de M. le préfet de police que ce projet ambitieux voie le jour au tout début de l'année 1999.

Cette réforme est sans aucun doute la plus importante que la police parisienne ait connue depuis la Libération, ou même depuis la fin du XIXème siècle. M. Dreyfus a évoqué les figures des préfets Lépine et Hennion. En respectant le statut particulier de la préfecture de police, cette réforme montrera la capacité de la police nationale à s'adapter aux attentes d'aujourd'hui et à anticiper les réponses aux besoins du siècle prochain.

Pour ce qui est de la répartition territoriale des forces de police et de gendarmerie, les propositions que le Gouvernement avait demandé aux préfets d'expertiser au niveau local ont suscité de multiples réactions. Le Gouvernement a donc confié au conseiller d'Etat Guy Fougier, ancien préfet de police de Paris, le soin de dresser un état des lieux et de procéder à des consultations approfondies. Il remettra ses propositions avant la fin de l'année. En attendant, je confirme qu'aucune décision ne sera prise.

M. Fougier s'est déjà rendu dans cinq régions : Basse-Normandie, Nord-Pas-de-Calais, Pays de Loire, Champagne-Ardenne et Aquitaine. Il se rendra dans chacune des autres d'ici à la fin de l'année. Il se tient à la disposition des élus et des organisations syndicales.

Vous connaissez la position du premier ministre sur ce dossier. Il a assuré que "nous entrons dans une phase de véritable concertation et non de décision sur ce sujet. les décisions viendront ensuite". Le Gouvernement prolongera la concertation une fois le rapport de M. Fougier déposé, de sorte que les élus et les personnels intéressés soient pleinement associés à sa démarche.

S'agissant des armes, il faut se préoccuper de leur prolifération inquiétante et de leur usage à l'encontre des personnes, sans attenter aux droits de ceux qui souhaitent chasser, collectionner ou pratiquer le tir sportif.

Une mission, confiée à M. Claude Cancès, inspecteur général de la police nationale, a permis de définir plusieurs mesures d'urgence, qui font l'objet d'un décret sur le point d'être publié. Ce texte n'accorde de possibilités de détention qu'à ceux qui pratiquement effectivement le tir ou la chasse ; il restreint l'achat des "22 long rifle" ; il oblige les détenteurs d'armes à posséder un coffre ou une armoire forte.

En outre, après l'adoption de la proposition de loi de M. Le Roux, en mai dernier, au cours d'un débat où je représentais d'ailleurs le Gouvernement, des dispositions législatives sont en préparation pour la compléter et pour simplifier le décret-loi de 1939.

D'autre part, vous avez adopté en première lecture, au printemps dernier, le projet de loi relatif aux polices municipales. J'espère qu'il sera définitivement adopté d'ici à quelques semaines. Il tend à la fois à améliorer le recrutement des policiers municipaux, dépourvu jusqu'ici de statut et à mieux contrôler leur armement ; en même temps, il étend leurs prérogatives et les autorise à relever les identités. La confusion avec la police nationale sera évitée, mais la coopération intercommunale en la matière sera possible. Ces mesures attendues depuis longtemps seront rapidement appliquées.

Pour ce qui est des effectifs, les effets bénéfiques de la modernisation entreprise depuis 1985 s'estompent. Une relance s'impose. La réforme des corps et carrières sera poursuivie en 1999. Elle permet de revaloriser la situation des agents du corps de maîtrise et d'application et d'améliorer l'action de proximité en faveur des citoyens. Par ailleurs, 50 attachés de police contribueront à un meilleur encadrement administratif de la police nationale.

Vos rapporteurs ont relevé que la pyramide des âges dans la police impose plus de 25 000 recrutements d'ici à 2003. Dès lors, les effectifs en formation vont s'accroître, ce qui réduira momentanément le potentiel opérationnel. Pour parer à ce risque, j'ai donc demandé au Premier ministre d'autoriser des recrutements en surnombre dès 1999.

Trois dispositions indemnitaires principales sont prévues pour les agents du corps de maîtrise et d'application dont la situation a été évoquée par certains de vos collègues, notamment M. Brunhes. Les responsabilités d'encadrement des adjoints de sécurité seront compensées par une prime nouvelle. 1 000 échelons exceptionnels de gardiens de la paix seront également créés dans les 26 départements les plus sensibles. Enfin, une indemnité est créée pour les gradés et gardiens qui disposeront, après une formation d'au moins un an, de la qualification d'officier de police judiciaire. A cet égard, la proposition de loi de votre collègue François Huwarth vient d'être adoptée après un vote conforme du Sénat. 6 000 gradés et gardiens disposeront, à terme, de cette qualification.

Les officiers de police, les agents administratifs de catégorie B de la police nationale et les agents techniques de laboratoire bénéficieront également d'indemnités revalorisées.

En outre, après une discussion avec les organisations syndicales, le régime indemnitaire des agents du corps de maîtrise et d'application qui, exerçant sur la voie publique dans les circonscriptions les plus sensibles, bénéficient de ce fait d'une prime de fidélisation, sera revalorisé. Un barème progressif, dès la deuxième année d'exercice, sera mis en place pour tenir compte des responsabilités particulières de ces personnels.

Les crédits de fonctionnement de la police nationale progressent de 2,6 % à structure constante, soit 92 millions. 100 millions seront en outre alloués au fonctionnement de la police nationale dans la loi de finances rectificative, répondant aux voeux de vos rapporteurs. Cela permettra de financer l'équipement des adjoints de sécurité et de moderniser les moyens de fonctionnement de la police nationale et, notamment, le parc automobile dont la situation préoccupait vos rapporteurs.

En matière d'équipement, la loi de finances met en oeuvre la tranche 1999 du très important réseau de télécommunications numériques cryptées ACROPOL que le Gouvernement a décidé d'achever en 2007, et non en 2014, comme l'avaient prévu nos prédécesseurs.

Jusqu'à présent, le Rhône, l'Isère, la Loire, trois départements de la région Picardie et la Seine-Saint-Denis ont été équipés. Cette couverture s'étendra à la fin de l'année prochaine à Paris, à toute la petite couronne et à la Corse, grâce à un effort financier très important de 512 millions en autorisations de programme et 403 millions en crédits de paiement, complétés par la loi de finances rectificative à hauteur de 90 millions.

L'action de l'Etat en matière de sécurité civile vient en renfort de celle des services locaux. Les 240 000 sapeurs-pompiers, dont 85 % sont des volontaires, comme le rappelait M. Léonetti, constituent l'élément majeur du système de secours.

Les Français savent qu'ils peuvent compter sur eux, ils apprécient le courage et le dévouement de ceux qui paient chaque année un lourd tribut à leur mission. 17 d'entre eux ont trouvé la mort en service depuis le début de l'année.

La contribution des sapeurs-pompiers volontaires aux services de secours est irremplaçable. Ils doivent concilier leur mission de sapeur-pompier et les contraintes de leur emploi. Il faut soutenir leur engagement, que j'ai constaté lors de la journée nationale des sapeurs-pompiers, et promouvoir les valeurs de citoyenneté active qu'ils incarnent.

La mission de l'Etat en matière de sécurité civile est également de faire face à des risques particuliers, chimiques, nucléaires, bactériologiques, ou explosifs et de projeter des moyens outre-mer ou à l'étranger pour aider des populations en détresse.

Ainsi, lors du passage du cyclone Mitch en Amérique centrale, la France a envoyé en urgence dans les pays les plus touchés par cette catastrophe 23 spécialistes de l'action humanitaire dont 8 médecins. La situation dramatique observée sur place a conduit le Président de la République et le Premier ministre à décider la mise sur pied d'un dispositif plus lourd impliquant 125 hommes des unités d'intervention de la sécurité civile, 6 démineurs du génie militaire et 10 médecins supplémentaires qui sont partis hier soir.

Lors du passage du cyclone Georges aux Antilles, 240 personnes ont été engagées pour aider les populations locales. Ils sont intervenus dans les départements d'outre-mer touchés mais également en Haïti, à Saint-Domingue et dans les petites îles de la Caraïbe. Leur travail a été considérable. Qu'il soit rendu ici hommage à leur action.

Le dispositif pour remplir toutes ces missions ne doit pas être trop volumineux et doit surtout être professionnalisé et très rapidement disponible. Tel est le sens de la professionnalisation des unités de sécurité civile, qui sera engagée en 1999, avec la création de 367 emplois dans les unités d'intervention et d'instruction de la sécurité civile en contrepartie de la suppression d'emplois d'appelés. La nécessaire concentration des moyens de ces unités a imposé la fermeture de la trop petite unité de Rochefort.

Pour la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, au budget de laquelle l'Etat contribue à hauteur de 25 %, un mouvement parallèle est engagé, conduisant à la création de 442 emplois qui ne sont pas inscrits au budget de mon ministère. Un remplacement nombre pour nombre des appelés a été décidé, compte tenu de la progression rapide du nombre d'interventions.

Un important effort d'équipement de la sécurité civile est également mis en oeuvre. Un Hercules C 130 de grande capacité sera loué l'an prochain pendant la saison des feux, l'utilisation cette année d'un tel avion ayant démontré sa complémentarité avec les Canadair. Un Tracker sera remotorisé et le renouvellement de la flotte d'hélicoptères de secours sera engagée. En complément, en loi de finances rectificative la réparation d'un Tracker endommagé sera financée pour 10 millions. La loi de finances rectificative rééquibrera également le chapitre de la maintenance des avions et des hélicoptères, traditionnellement sous-doté, en lui consacrant plus de 100 millions en AP et 60 millions en CP.

Je tiens à rendre hommage au dévouement des pilotes de Canadairs. Un plan de revalorisation sera mis en oeuvre à partir de 1999 pour améliorer leurs rémunérations et garantir ainsi le recrutement des meilleurs pilotes.

Concernant, enfin, l'importante mission de déminage évoquée par M. Léonetti, M. Chevènement a engagé à son arrivée un plan de modernisation qui sera poursuivi l'année prochaine, avec l'acquisition de robots et de tenues lourdes.

Concernant l'administration centrale et l'administration territoriale, il convient tout d'abord de renforcer ses missions d'animation, de contrôle, d'évaluation et de conception. M. Chevènement a ainsi souhaité la création d'une délégation aux affaires internationales nécessaire compte tenu des progrès de la coopération européenne, notamment dans le cadre des accords de Schengen. De même, un centre d'études et de prospective sera mis en place. La publication du décret créant ces deux structures est imminente.

Le régime indemnitaire sera revalorisé et des transformations d'emplois seront réalisées. La création de 12 emplois d'ingénieurs renforcera les compétences du ministère en matière de systèmes d'informations.

Les crédits de fonctionnement de l'administration centrale s'établissent au même niveau qu'en 1998. La loi de finances rectificative prendra en charge le remboursement de la dette de 90 millions à France Télécom.

Pour l'administration territoriale, 1999 sera l'année du lancement de la réforme de l'Etat. Des travaux de concertation ont été conduits par le ministre de la fonction publique. La poursuite du mouvement de déconcentration permet à l'Etat d'être plus proche des citoyens. Elle implique une modernisation des services déconcentrés, et notamment des préfectures. Leurs agents ont été cette année fortement sollicités avec les missions d'urgence sociale, la régularisation des étrangers, la pastille verte, la distribution de la carte nationale d'identité dont la gratuité provoque un afflux de demandes.

M. Thierry Mariani - Ils ont même failli avoir à gérer le PACS 

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim - Demain, ce sera l'immatriculation des cyclomoteurs et l'application d'une nouvelle réglementation sur les armes. Il ne suffit pas de rendre hommage à ces fonctionnaires, il faut leur donner des moyens d'action adaptés à leurs missions nouvelles.

La réforme de l'Etat ne peut naturellement pas être conduite par l'administration centrale. Dès l'an prochain, chaque préfet élaborera le projet territorial de l'Etat.

Pour améliorer la qualification des personnels de préfecture et notamment leur efficacité dans le contrôle de la légalité, le budget prévoit des transformations d'emplois et une revalorisation indemnitaire. Les moyens de fonctionnement des préfectures seront maintenus au même niveau que ceux de 1998.

J'en viens aux actions communes du ministère de l'intérieur, qui concernent l'action sociale, l'informatique et l'immobilier. Sur l'action sociale, un rapport d'ensemble a été rédigé à la demande de M. Chevènement. En 1999, les montants consacrés à la médecine de prévention et à la restauration chaude dans les commissariats continueront de croître. La location aux fonctionnaires de logements à des conditions préférentielles a connu des résultats probants sous les différentes formes mises en oeuvre par le ministère : réservations immobilières, contractualisation avec des bailleurs privés, acquisition de logements donnés à bail. Le parc locatif du ministère dépasse désormais les dix mille logements, principalement en région parisienne. Les objectifs de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité, qui étaient de huit cents logements supplémentaires par an, ont été dépassés. Il faut désormais améliorer qualitativement l'offre en Ile-de-France et la développer dans les villes de province où la situation de l'immobilier est tendue, comme Lyon ou Nice.

Les moyens alloués à l'informatique permettront de poursuivre la mise en oeuvre des grandes applications : fichier automatisé des empreintes digitales, passeports infalsifiables, système central d'information Schengen. Surtout, un nouveau fichier d'empreintes génétiques verra le jour l'année prochaine. Des affaires récentes ont démontré la nécessité d'archiver les empreintes génétiques des personnes condamnées pour viol et agression sexuelle.

En matière immobilière, les autorisations de programme ont été maintenues à un niveau élevé : 938 millions contre 930 en 1998. Ces montants ont fortement progressé par rapport aux budgets précédents, ce qui n'a pas empêché d'accélérer la mise en oeuvre d'ACROPOL. Les besoins immobiliers du ministère sont importants. Il faudra continuer à moderniser les commissariats, dont certains appellent des travaux urgents. L'effort à cet égard est réorienté vers les départements sensibles, dont les commissariats seront prioritaires.

L'administration territoriale a un parc immobilier très vaste, qui exige des travaux nombreux, notamment en matière de sécurité et d'accueil du public. Le réseau des sous-préfectures d'Ile-de-France doit également être adapté aux évolutions démographiques. Enfin, la réforme de la préfecture de police, la professionnalisation de la sécurité civile et la mise en oeuvre d'un nouveau schéma par les centres de rétention auront des conséquences immobilières.

La dotation en crédits de paiement, qui mesure les travaux qui pourront être effectivement réalisés, atteint 619 millions pour 1999, en progression de 71 millions. En y ajoutant les reports et 100 millions complémentaires qu'apportera la loi de finances rectificative, les investissements prévus seront réalisés.

J'en viens aux relations avec les collectivités locales, que le Gouvernement souhaite fonder sur un véritable contrat. Conformément aux engagements pris, la sortie du "pacte de stabilité" a fait l'objet d'une large concertation de quatre mois avec les associations, mais aussi avec le président et le rapporteur de votre commission des finances. Le Gouvernement a pu ainsi tenir compte des attentes des élus, tout en leur expliquant ses préoccupations. Cela marque une rupture par rapport à la manière dont le pacte de stabilité avait été imposé en 1995.

Le Gouvernement souhaite conserver une approche globale des relations financières entre les collectivités et l'Etat, associant les dotations de l'Etat, la réforme fiscale et l'évolution des charges. Il a le souci de garantir une règle du jeu précise et stable.

Trois idées ressortent des discussions avec les élus locaux. La première est un attachement commun de l'Etat et des collectivités à la programmation pluriannuelle de l'évolution des dotations. Ensuite, il faut prendre en compte la situation financière respective de l'Etat et des collectivités locales. Or la situation de ces dernières s'est réellement améliorée. Les administrations publiques locales, grâce à de gros efforts de gestion, ont enregistré une capacité supplémentaire de financement d'un peu plus de 17 milliards en 1997, soit 0,2 point de PIB, situation qui devrait perdurer en 1998 et 1999. Il faut s'en féliciter, même si l'investissement public, que les collectivités portent pour plus des deux tiers, n'a pas retrouvé son dynamisme, il s'en faut de beaucoup, comme l'a rappelé M. Saumade. Enfin, si la situation financière des collectivités locales s'est globalement améliorée, les inégalités restent marquées.

Le Gouvernement a donc souhaité substituer au pacte de stabilité un contrat de croissance et de solidarité : deux éléments indissociables si l'on veut rénover les dotations de l'Etat en prenant mieux en compte les différences de situations entre collectivités.

Pour l'objectif de croissance, le Premier ministre a proposé le 9 juillet une démarche pluriannuelle qui doit permettre de tirer parti de la croissance pour renforcer la péréquation. La structure du périmètre normé ne sera pas modifiée, non plus que les règles de progression de chacune des dotations qui le constituent. Ainsi, la DGF augmentera de 2,78 % en 1999. Le principe d'un engagement triennal est également reconduit mais l'indexation des concours ne reposera plus seulement sur les prix : de façon croissante, elle intégrera l'indice prévisionnel du PIB, donc l'évolution de la richesse nationale, pour 15 % en 1999 -taux que votre assemblée a porté à 20 % en première lecture- 25 % en 2000 et 33 % en 2001.

Pour l'objectif de solidarité, le Premier ministre a proposé qu'un groupe de travail du comité des finances locales se penche en 1999 sur la péréquation, notamment dans la DGF. Dès maintenant, le Gouvernement propose de renforcer la péréquation de deux façons. La première concerne la dotation de compensation de la taxe professionnelle. Celle-ci évolue en sens inverse de l'enveloppe totale des dotations, et elle va donc connaître une baisse de 9 % plus importante que l'an passé, en raison même du retour de la croissance, sur laquelle la DGF est indexée. Mais le Gouvernement, conscient des problèmes qui en résultent, a décidé que cette réduction serait modulée en faveur des communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine, des bourg-centres éligibles à la dotation de solidarité rurale, des départements éligibles à la dotation de fonctionnement minimale et des régions bénéficiant du fonds de correction des déséquilibres régionaux. Ces collectivités seront exonérées de 50 % de la baisse de la dotation de compensation, suite à un amendement de votre commission des finances. En outre, les communes éligibles à la DSU et à la DSR bourg-centre ne connaîtront aucune perte sur cette dotation, grâce à un versement du fonds national de péréquation de la taxe professionnelle.

D'autre part, la DSU sera augmentée par un apport budgétaire de 500 millions. Il s'ajoutera à la croissance naturelle de la DGF, qui devrait apporter environ 500 millions à la DSU, en fonction des décisions que le comité des finances locales prendra au moment de la répartition. La DSU devrait donc augmenter d'environ 1 milliard. Ce dispositif sera reconduit en 2000 et en 2001. Au total, l'effort de l'Etat progressera de 4 % par rapport à 1998, soit un niveau de progression réel sans précédent depuis 1993.

Je ne m'étendrai pas sur l'évolution des dotations dont les règles ne sont pas modifiées, sauf en ce qui concerne le fonds de compensation de la TVA. Le Gouvernement a accepté un amendement de votre commission qui permet d'étendre le bénéfice de ce fonds aux travaux d'intérêt général ou d'urgence, réalisés sur le patrimoine de l'Etat ou des biens privés. Cette mesure était attendue.

Enfin, l'évolution des charges inquiète les élus, comme l'ont noté MM. Saumade et M. Darne au nom de M. Dosière. Un groupe de travail sur la CNRACL a été constitué au sein du comité des finances locales et s'est réuni hier. Il doit proposer une solution de long terme dans le cadre des travaux sur l'avenir des retraites que le Premier ministre a demandés au Commissariat général du Plan. Pour 1999, toute augmentation du taux de cotisation des collectivités employeurs à la CNRACL est écartée.

Quant aux normes, les élus s'inquiètent de leur coût croissant et non maîtrisé. Nous devons trouver une méthode pour mesurer et limiter les conséquences sur les budgets locaux des normes techniques, qu'elles soient d'origine européenne ou nationale. Le Gouvernement propose d'y travailler avec les élus locaux.

Je ne reviens pas sur la réforme de la fiscalité locale, examinée en première partie, ni sur les projets de loi relatifs à l'intercommunalité, à l'aménagement du territoire et aux interventions économiques des collectivités locales. Par toutes ces démarches, le Gouvernement entend approfondir le mouvement de décentralisation engagé en 1982, qui est une grande réforme pour l'organisation territoriale de notre pays et les relations des pouvoirs publics avec les citoyens.

J'ai apprécié la qualité des travaux et des exposés des rapporteurs. Leurs rapports présentent une vision équilibrée des perspectives budgétaires du ministère de l'intérieur. Ils appelaient de leurs voeux un complément de crédits en loi de finances rectificative. Je me suis employé personnellement à l'obtenir.

Ce budget est un bon budget. Il permettra de conduire une réforme et une modernisation à la hauteur des enjeux auxquels nous sommes confrontés en matière de sécurité et d'administration publiques (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pascal Clément - Dans le budget du ministère de l'intérieur, les crédits de la police sont d'ordinaire salués par les parlementaires qui, en revanche, jugent insuffisants les crédits destinés aux collectivités locales. Or, cette année, l'unanimité se fait jour, à droite comme à gauche, pour regretter que les crédits de la police ne répondent pas aux besoins.

M. Alain Clary - La nostalgie de l'ère Juppé ne suffit pas à régler les problèmes !

M. Pascal Clément - Je croyais que le groupe communiste était opposé à ce budget...

L'insécurité s'accroît avec le développement des violences à l'école, dans les transports collectifs, sur la voie publique et la montée de la délinquance juvénile. La délinquance a augmenté de 5,5 % durant les huit premiers mois de l'année. Face à ces évolutions, le Gouvernement se contente de grandes déclarations, annonce un plan antiviolence dans les lycées ainsi qu'un plan de lutte contre la délinquance juvénile. Au total, beaucoup de pétitions de principe et bien peu d'actes ! Nous attendons toujours la définition d'une politique de sécurité et d'une politique pénale claire, ferme et transparente.

Dans sa déclaration de politique générale le 19 juin dernier, le Premier ministre s'était engagé à rétablir l'égalité de tous les citoyens face à la sécurité, notamment par le biais d'une politique de proximité. Les faits ont démenti ses promesses : la violence s'est accrue partout. En outre, les outils de ladite politique de proximité sont contestés. Les emplois d'adjoints de sécurité et d'agents locaux de médiation posent des problèmes de formation, de définition de postes, d'évolution de carrières et le bilan des contrats locaux de sécurité est plus que mitigé. 116 contrats ont d'ores et déjà été signés, 456 sont en cours d'élaboration. L'objectif du Gouvernement était d'instaurer, surtout dans les quartiers sensibles, un partenariat entre les acteurs de la sécurité afin de poser un diagnostic et de formuler des propositions. Le rapport d'étape de la mission interministérielle d'évaluation de ces contrats, qui n'a pas été rendu public, relève de nombreux dysfonctionnements. 43 % des contrats ont été signés en dehors des départements jugés les plus sensibles. Les diagnostic locaux sont insuffisants, le sentiment d'insécurité des habitants étant trop souvent négligé. Ce sont en outre le plus souvent les préfets qui ont eu l'initiative des contrats, plus rarement les maires. Enfin, le manque de concertation et de coordination est patent, imputable aux lourdeurs inhérentes à la culture propre de chaque administration.

Le Gouvernement a dû battre en retraite devant l'opposition à son projet de redéploiement des forces de sécurité sur le territoire. Il envisagerait néanmoins, après avoir confié une mission au conseiller d'Etat Guy Fougier, de prendre des décisions dès le début de 1999. On parle de fermer 34 commissariats qui couvrent 193 communes rurales de moins de 20 000 habitants et de confier à la police la sécurité de 38 communes urbaines qui dépendent actuellement de la gendarmerie. Tous les élus concernés ont manifesté leur très vive opposition, d'autant qu'ils l'avaient, pour la plupart, appris par la presse. En effet, les métiers et les missions de la police et de la gendarmerie sont très différentes. La police présente l'avantage d'assurer une présence permanente jour et nuit, en semaine comme le week-end, dans les circonscriptions, tandis que la gendarmerie est une force de sécurité de proximité. Il n'est donc pas possible de substituer les uns aux autres.

Je souligne que l'opposition la plus vive à ce projet de redéploiement est venue des rangs mêmes de la majorité plurielle. Ainsi M. Jean-Pierre Michel a-t-il menacé de quitter le Mouvement des citoyens en cas de fermeture du commissariat de Lure. M. Quilès aussi a protesté. En un mot, cette réforme a été mal engagée. Certaines adaptations sont certes nécessaires mais n'oublions pas combien la province est aujourd'hui traumatisée par les fermetures de services publics. La sous-préfecture de Montbrison, après avoir vu disparaître sa recette des finances, verra-t-elle fermer son commissariat, puis son tribunal comme on l'en menace ? Monsieur le ministre, je vous demande de faire en sorte, avec votre collègue de l'aménagement du territoire, que les adaptations ne soient entreprises qu'après une analyse complète de la situation des services publics en milieu rural.

Pour en revenir à la délinquance, permettez-moi de rappeler que votre ami Tony Blair a présenté un programme de lutte d'une extrême sévérité, dont la lutte contre la délinquance juvénile constitue l'élément novateur avec un programme "zéro tolérance". Dorénavant, les mineurs de plus de douze ans ne bénéficieront plus de la présomption d'innocence. Un système de couvre-feu a été mis en place, imposant aux parents de prendre leurs responsabilités : ils pourront se voir contraindre par la justice de ne pas laisser leurs enfants sortir après 21 heures le soir et s'assurer qu'ils se rendent bien à l'école le matin. Par ailleurs, le Gouvernement britannique prévoit de privatiser et d'augmenter le nombre de prisons pour jeunes et de prendre des mesures afin d'éviter la récidive des jeunes délinquants. La ville de New York s'est également engagée dans la même voie, avec succès. Monsieur le ministre, le Gouvernement acceptera-t-il, au-delà des déclarations de principe du colloque de Villepinte, de s'inspirer, peu ou prou, de M. Blair ou du maire de New York ?

S'agissant des adjoints de sécurité, immanquablement des problèmes se poseront, liés notamment à leur recrutement sans condition de diplôme et à leur manque de formation. Aucune réflexion n'a été menée sur l'avenir de ces jeunes à l'issue de leur contrat de cinq ans. Il eût été plus cohérent de doter les polices municipales de ce type de postes.

Au total, ce budget de la police est médiocre. Les faibles marges de manoeuvre sont utilisées presque exclusivement pour les adjoints de sécurité et le service ACROPOL. Il ne permettra pas d'adapter nos forces de police aux besoins de sécurité des Français. Je souhaite que la représentation nationale vous aide à renégocier ce budget malingre. Le groupe Démocratie Libérale apprécierait que les moyens matériels et humains soient à la hauteur de vos ambitions (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Bernard Derosier - Je vous prie tout d'abord, Monsieur le ministre, d'adresser tous nos voeux de prompt rétablissement à M. Chevènement.

Le projet de budget 1999 relatif aux relations financières entre l'Etat et les collectivités locales est marqué par la sortie du pacte de stabilité, ce dont je me réjouis, et l'entrée en vigueur d'un contrat de croissance et de solidarité. Le principe d'une engagement triennal de l'Etat envers les collectivités locales a donc été reconduit. La structure du périmètre normé n'a pas été modifiée.

En revanche, et là on peut parler de rupture, ce nouveau contrat indexe les concours de l'Etat non plus seulement sur l'inflation, mais également sur une fraction de la croissance du PIB -15 % en 1999, 25 % en 2000 et 33 % en 2001. Alors que les trois années du pacte de stabilité s'étaient soldées par une perte de 10 milliards pour les collectivités locales par rapport au mode de calcul antérieur, l'application de ce nouveau type d'indexation leur aurait valu 7,5 milliards de plus. Voilà la différence entre un gouvernement de droite et un gouvernement de gauche !

Il convient donc de souligner la volonté du Gouvernement de faire participer les collectivités locales au partage des fruits de la croissance.

Cependant, trop souvent, les collectivités territoriales doivent faire face à des décisions prises par l'Etat qui ont des conséquences financières importantes pour elles : je citerai l'augmentation des salaires de la fonction publique, celle des cotisations employeur des différents régimes de la Sécurité sociale et de retraite, notamment la CNRACL, la perspective des 35 heures -la loi s'appliquera dans le secteur médico-social à but non lucratif-, enfin, la réforme de 1996 des Services d'incendie et de secours, dont le coût va être effarant pour les communes et les départements : j'aimerais que vous nous répondiez sur ce dernier point, Monsieur le ministre.

Il faut donc agir en plus grande concertation et donner aux collectivités locales les moyens de satisfaire à leurs missions.

Ce projet de budget qui intègre la réforme de la taxe professionnelle prévoit une dotation de l'Etat aux collectivités locales de 279,5 milliards.

La réforme de la taxe professionnelle obéit à un souci de plus grande justice fiscale et de priorité à l'emploi. Créée en 1975, la taxe professionnelle a toujours été critiquée, tant à droite qu'à gauche, en raison de son effet dissuasif sur les embauches. Je me félicite que ce Gouvernement ait engagé sa réforme.

La part de la taxe professionnelle assise sur les salaires sera supprimée en cinq ans. Mais il faudra aller plus loin et procéder à une révision d'ensemble de la fiscalité locale. A ce propos, la presse d'hier soir ayant annoncé le report de la réforme de la taxe d'habitation, je voudrais vous dire, Monsieur le ministre, l'attachement des députés socialistes à cette réforme et notre soutien en cas de divergences d'appréciation, sur ce point, entre vous et le ministre des finances : y aurait-il à Bercy, en 1998, le même conservatisme fiscal que le président de la commission des finances d'alors dénonçait en 1990 -je veux parler de M. Strauss-Kahn ?

Les pertes de recettes subies par les collectivités du fait de la réforme de la taxe professionnelle seront compensées par l'Etat sous la forme d'une dotation qui sera indexée sur la dotation globale de fonctionnement de 1999 à 2003. Elle atteindra 11,8 milliards en 1999, plus de 60 milliards en 2004 et sera ensuite intégrée à la DGF.

Une autre recette des collectivités locales, les droits de mutation sur les immeubles professionnels, se voit transformée en compensation. Je ne peux qu'exprimer mes réserves sur cette évolution : en effet, la part croissante des financements de l'Etat dans les finances locales semble contredire l'esprit de la décentralisation. Il ne faudrait pas déresponsabiliser les élus locaux.

Une autre réforme de la taxe professionnelle est prévue dans le cadre du futur projet de loi sur l'intercommunalité. Elle vise à mettre fin aux distorsions de concurrence et aux injustices qu'entraînent les écarts de taux de taxe professionnelle au sein d'une même agglomération, le plus souvent au détriment des communes qui assument l'essentiel de la charge des équipements collectifs. Un taux de taxe unique, décidé par les élus pour un ensemble de communes, éviterait cette situation anachronique.

Par ailleurs, le Gouvernement propose de prendre pour assiette des impôts locaux, principalement la taxe d'habitation, les évaluations cadastrales effectuées en 1990. En effet, cet impôt, le plus injuste de notre système fiscal, est encore calculé sur la base de valeurs établies en 1970 ! C'est pourquoi nous avions plaidé en 1990-1991 pour une taxe départementale sur les revenus. Ce projet a été malheureusement abandonné, sous je ne sais quelles pressions. Depuis, le législateur a multiplié les dégrèvements compensés pour tenter de limiter l'injustice de la taxe d'habitation. Résultat, la proportion de contribuables qui en sont exonérés, en totalité ou partiellement, n'a cessé de croître, atteignant près de 40 % dans le secteur locatif privé et jusqu'à 80 % dans les HLM. Une réforme de la taxe d'habitation prenant comme référence la capacité contributive des habitants doit être impérativement engagée. Il faut rendre cet impôt plus juste.

Ayant exprimé ces observations, je n'entends pas pour autant souscrire aux propos de la majorité sénatoriale, son nouveau président en tête, selon lesquels on assisterait à une recentralisation plus forte aujourd'hui -sachant que, depuis 1982, l'Etat a une tendance naturelle à vouloir récupérer un pouvoir qui relève des élus locaux. Monsieur le ministre, profitons de cette nouvelle ferveur de la droite pour la décentralisation, qui s'ajoute à celle de ses défenseurs historiques, les socialistes, pour passer à une nouvelle étape. Dans cet esprit, il convient de s'interroger quant aux incidences de l'évolution des dotations de l'Etat sur la décentralisation.

Néanmoins, force est de constater que ce projet de budget va dans le sens d'une plus juste prise en compte des besoins des collectivités locales. Le groupe socialiste le votera (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jacques Brunhes - Avant tout, je vous demande, Monsieur le ministre, de transmettre à nouveau à M. Chevènement nos voeux de prompt et total rétablissement, de lui dire que nous avons suivi l'évolution de son état avec une admirative sympathie et de l'assurer de notre fidèle amitié. Je veux vous dire aussi, Monsieur Queyranne, que nous avons apprécié votre efficace intérim d'autant que vous avez aussi en charge les lourds dossiers des DOM-TOM.

Ce qui fonde la qualité de nos relations, c'est la franchise. Vous me permettrez donc d'être franc, Monsieur le ministre.

Le Premier ministre, dès son discours d'investiture, a fait de la sûreté une priorité, le Gouvernement l'a confirmé les 24 et 25 octobre 1997 à Villepinte. Nous nous sommes félicités de cette prise de conscience. La sécurité des personnes et des biens est un droit fondamental, un élément essentiel de la liberté, de la fraternité et de la citoyenneté.

Les fonctions de sécurité relèvent des compétences régaliennes de l'Etat de droit, à travers les services de police, de gendarmerie et de justice.

Pour autant la définition des objectifs de la politique de sécurité et ses conditions de mise en oeuvre exigent de plus en plus un travail partenarial entre institutions publiques, associations, citoyens, dans le respect clair des responsabilités de chacun. En effet la sécurité étant inséparable d'une prévention menée largement en amont, il faut mobiliser l'ensemble des acteurs.

Or cette démarche partenariale, affirmée par le conseil de sécurité intérieure du 8 juin 1998 et le conseil interministériel du 30 juin 1998 comme dans les contrats locaux de sécurité, est fortement remise en cause par les faits eux-mêmes et surtout par la faiblesse de votre budget, un des plus mauvais de ces dernières années.

M. Rudy Salles - Très bien !

M. Jacques Brunhes - Les dernières statistiques le prouvent, la délinquance s'aggrave. Sur les sept premiers mois de l'année, la violence urbaine et la délinquance des mineurs sont en hausse de 6,32 %.

Comment ne pas être alerté par la gravité du problème ? Comment rester insensible à la demande sociale de sécurité qui s'amplifie ? Les mouvements de grève dans les transports suite à des agressions l'illustrent bien.

La seule politique sécuritaire ne résoudra pas le problème, on le voit aux Etats-Unis malgré un budget des prisons supérieur au budget social. Tant que les dysfonctionnements sociaux ne seront pas résolus, on verra des jeunes de banlieue se révolter et les facteurs traditionnels d'intégration resteront inopérants.

La politique sécuritaire doit être avant tout une politique de justice sociale. Elle doit aussi s'appuyer sur les conseils communaux de délinquance, sur les associations, et s'inscrive dans les contrats locaux de sécurité. Mais l'Etat doit l'impulser. Ce budget insuffisant risque de décourager.

M. Thierry Mariani - Absolument.

M. Jacques Brunhes - Certes, vous avez à rattraper les conséquences de la gestion désastreuse de la droite. Le budget voté en 1996 avait été amputé en cours d'année de 5,82 sur les crédits de fonctionnement, de 25 % sur les autorisations de programme. Ces suppressions avaient été pérennisées en 1997 et il avait fallu débloquer des crédits d'avance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste)

Le montant des crédits ne permet pas de financer les bonnes intentions affichées. Il y aura 59 postes de titulaires en moins dans la police. 25 000 fonctionnaires vont partir à la retraite dans les cinq ans et aucun plan de recrutement n'est prévu. La réforme des corps de commandement a été faite poste à poste. Le recrutement de 7 600 adjoints de sécurité compense la disparition des appelés du contingent. Mais ces jeunes n'ont que deux mois de formation contre deux ans pour un gardien de la paix et assument des missions qui ne sont pas de leur compétence. Le plan de redéploiement des effectifs du Gouvernement a fait l'unanimité contre lui. Il faut consulter les élus plutôt que se fier à la calculette. En particulier, il faut augmenter le nombre d'îlotiers, les former et leur donner un statut.

Les policiers craignent que demain la présence sur le terrain soit assurée par les adjoints et les policiers municipaux. Ne pas respecter la loi d'orientation et ne pas avoir de gestion prévisionnelle entraîne un malaise général dans la police.

Sur les 5 000 créations d'emplois administratifs prévus dans la loi d'orientation, 1 174 l'ont été depuis 1995. Seule la création d'un nombre suffisant de postes permettrait de libérer un nombre important de policiers.

Dans le domaine de l'action sociale, les efforts sont loin de combler les retards accumulés. Par exemple, les acquisitions de logements de fonctionnaires sont en deçà des autorisations de programme et surtout des besoins, en particulier dans les grandes agglomérations. Or ce n'est que s'ils y résident que les policiers peuvent nouer des liens avec la population de leurs quartiers.

Enfin, la rénovation de certains commissariats, dont la vétusté et l'insalubrité sont inacceptables, du parc automobile et des moyens techniques, est impérative pour revaloriser la police nationale.

Monsieur le ministre, soyons clairs, si votre budget devait rester en l'état, le groupe communiste ne pourrait pas le voter.

Or j'ai appris dans les couloirs, et parce que je vous ai interrogé, que devant l'inquiétude de tous, vous accorderiez une rallonge de "crédits". Votre directeur adjoint de cabinet a bien voulu m'en détailler les répartitions. Je le dis en toute sérénité, mais très franchement, si je ne vous avais pas interpellé, j'aurais appris par la presse cette nouvelle donne ou même en séance. Ce n'est pas ainsi que vous pouvez travailler utilement avec un des groupes de votre majorité (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). Je ne souhaite pas que de tels dysfonctionnements se reproduisent. Nous sommes dans la majorité. Nous entendons être des partenaires utiles. Nous souhaitons donc que vous teniez le plus grand compte de cette observation solennelle.

Nous voulons tout faire pour que le Gouvernement mette enfin en pratique ses bonnes intentions et réponde à l'exigence forte d'une police républicaine capable d'assurer pleinement ses missions de service public (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Thierry Mariani - Lors de sa dernière prestation télévisée, le Premier ministre a affirmé que la gauche se préoccupait de la sécurité, et ne laisserait plus se commettre impunément ce qu'elle appelle pudiquement "les actes d'incivilité", et que nous qualifions d'actes de délinquance. L'ordre devrait régner sur tout le territoire, les transports en commun devraient être sécurisés... Bref, l'Etat socialiste veillait.

Mais malgré les incantations d'une partie de la majorité "vert, rose, rouge", les faits sont têtus.

Malgré des propos rassurants et malgré les bonnes intentions affichées, la situation se dégrade. Après plusieurs années consécutives de baisse, le nombre de crimes et délits commis en France recommence à augmenter depuis janvier dernier. D'après des sources concordantes, et malgré le silence gardé par le ministère de l'intérieur, sur les huit premiers mois de l'année, le nombre de crimes et délits constatés a augmenté de 3 %.

Je vous demande avec insistance de bien vouloir nous confirmer ces chiffres et de nous donner les raisons de votre mutisme en la matière.

Dans la tradition républicaine, le ministère de l'intérieur adresse régulièrement à la Représentation nationale les chiffres de la délinquance. Jean-Louis Debré le faisait trois à quatre fois par an. Il est inacceptable que le Parlement soit ainsi tenu à l'écart des informations.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim - Vous auriez dû lire l'excellent rapport de M. Mermaz. Vous y auriez vu, page 38, que pour le premier semestre 1998, la criminalité globale augmente de 2,32 % par rapport au premier semestre 1997, la progression étant de 1,53 % pour les faits constatés par la police et de 5 % pour ceux constatés par la gendarmerie. Vous aurez communication à la fin de l'année des chiffres du second semestre. Nous respectons donc nos obligations.

M. Rudy Salles - Nous avons eu les chiffres hier, et même pas par le ministère de l'intérieur !

M. Guy Teissier - L'encre du rapport n'est pas encore sèche !

M. Jean-Louis Debré - Effectivement, ces chiffres nous les connaissons depuis hier. Les préfets les ont reçus pour leur département. La tradition est que le ministre de l'intérieur en fasse le total et le communique à la représentation nationale. Nous avons eu beau vous interroger à diverses reprises lors des questions d'actualité, nous n'avons les chiffres de délinquance que depuis hier (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Thierry Mariani - Et quelle que soit la date, la tendance est bien à la reprise de la délinquance. Grâce à MM. Pasqua et Debré, elle avait reculé régulièrement de 1994 à 1997, de 6,47 %, puis 2,88 %, puis 1,86 %.

Je comprends, dans ces conditions, que vous ayez peur d'assumer votre bilan pour 1998 et que vous préfériez le publier en catimini dans un rapport parlementaire.

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial - Les rapports, il y a ceux qui les lisent et ceux qui ne les lisent pas !

M. Thierry Mariani - Comment espérez-vous réduire la délinquance quand certains membres éminents de votre majorité s'affichent avec des sans-papiers qui bafouent les lois de la Républiques ? Ou quand des élus s'opposent, parfois même physiquement, à l'application des décisions de justice ? Je pense, bien entendu, aux expulsions d'étrangers en situation irrégulière. Alors que le comportement des élus devrait être exemplaire, certains d'entre eux contestent le bien-fondé des lois de la République.

Dans ces conditions, comment s'étonner de l'augmentation quasi exponentielle de la délinquance juvénile ? Pourriez-vous nous communiquer les chiffres pour 1998 ?

Mais il y a plus grave : les délinquants sont de plus en plus jeunes et les infractions dont ils se rendent coupables de plus en plus graves. Il n'est plus rare de voir des "chefs de bande" de 12, 13 ou 14 ans, semer le trouble dans un quartier ou des mineurs prendre part à des actes de viols, de vols avec violence, de coups et blessures volontaires, de destructions et de dégradations. Or, face à cette violence, la société est quelque peu désarmée. En votre qualité de ministre de l'intérieur, vous avez un véritable défi à relever. Quels crédits envisagez-vous de dégager en 1999 pour lutter contre la délinquance des mineurs ? Quelles mesures prendrez-vous pour endiguer ce phénomène inquiétant ? Rien ne transparaît dans votre budget !

Alors qu'il faudrait développer l'îlotage, affecter les effectifs les plus compétents dans les quartiers sensibles et augmenter les effectifs sur le terrain, vous ne faites rien de tout cela. Vous ne donnez pas les moyens aux forces de l'ordre de remplir convenablement leurs missions.

Les dépenses de fonctionnement par agent diminuent de 3,6 % si on ne tient pas compte des crédits d'investissement et de 1,3 % si l'on en tient compte. Ces crédits ne sont pas à la hauteur des différentes formes de délinquance -financière, internationale ou bien encore juvénile...- que notre société doit affronter.

Vous préférez recruter des adjoints de sécurité, plutôt que d'embaucher de véritables professionnels, quitte à transformer la Police nationale en entreprise de main-d'oeuvre temporaire et sous-qualifiée. En effet, les deux mois de formation dispensés à ces jeunes sont nettement insuffisants, puisqu'il faut quatorze mois pour former un agent titulaire. C'est d'autant plus grave que les agents de sécurité sont armés.

Vous amputez les crédits affectés à la formation de 4,68 % par rapport à 1998. Aucun crédit supplémentaire n'est prévu pour les reconduites à la frontière, alors que nous avons toujours sur notre sol 60 000 étrangers en situation irrégulière.

Votre budget stagne par rapport au budget général, alors qu'un effort supplémentaire était attendu tant il paraît nécessaire.

Tous ces faits contredisent vos discours sur votre volonté de maîtriser certains phénomènes délictueux.

Alors que la sécurité, dites-vous, fait partie des priorités du Gouvernement, comment ne serions-nous pas déçus par le projet de budget, qui ne donne pas aux personnels les moyens indispensables au bon accomplissement de leurs missions ?

Un plan a été appliqué dans le métro de New York, il a fait baisser de 75 % les délits en quatre ans. Ce plan comportait cinq phases. Dans un premier temps, il s'est agi d'éviter les graffiti et les dégradations de toutes natures, tout en durcissant les sanctions pénales encourues : les délinquants étaient condamnés dans 80 % des cas à l'exécution d'un travail d'intérêt général sur les lieux mêmes de l'infraction et sous 24 heures. L'application d'une sanction rapide, certaine et significative fut un élément clé de la diminution des saccages. Dans un second plan, le métro a été débarrassé des bandes de marginaux qui le peuplaient. Dans un troisième temps, des équipes spéciales ont été chargées de contrôler et de sanctionner les voyageurs sans billet, lesquels étaient systématiquement conduits au commissariat, ce qui a permis de confisquer au passage un nombre impressionnant d'armes ! Quel contraste avec la situation dans notre pays où l'on peut voir un jeune resquiller devant les caméras de France 2, en toute impunité, sans manifester la moindre gêne. Dans un quatrième temps, un responsable, chargé de satisfaire les attentes des usagers et de veiller à leur sécurité, a été désigné dans chaque station. Enfin, 1 000 policiers supplémentaires ont été affectés dans le métro, sans compter les recrutements de personnels effectués par l'entreprise qui le gère.

Voici l'exemple d'un véritable plan de lutte contre la délinquance qui a fait ses preuves. Bien entendu, il a fallu y consacrer des moyens à la hauteur de l'enjeu et faire preuve d'une réelle volonté.

C'est bien la volonté politique de s'attaquer enfin aux zones de non-droit dans lesquelles les délinquants font eux-même la "police" qui fait défaut à notre pays !

Ainsi, la violence urbaine, jusqu'à présent circonscrite aux banlieues des grandes villes, a tendance à gagner des villes de province d'importance moyenne, et même certains villages. Désormais, aucune région ni aucune commune n'est plus à l'abri de l'insécurité.

Pour remédier à cette situation, vous devez redonner confiance aux agents de police, leur assurer des conditions de travail décentes, promouvoir leurs actions et les soutenir. Malheureusement, votre budget ne comporte aucune mesure forte pour lutter contre l'insécurité.

Or on ne gouverne pas uniquement avec des symboles et des déclarations de bonnes intentions. Il ne suffit pas que le Premier ministre proclame à la télévision sa décision de faire respecter la loi partout pour que sa volonté soit exaucée comme par miracle. M. Jospin est, certes, un illusionniste de talent, mais certainement pas un magicien !

La lutte contre la délinquance et contre les "incivilités" -comme vous les nommez pudiquement- nécessite des moyens personnels et matériels. Elle requiert l'intervention de personnels qualifiés et convenablement équipés.

Mais vous ne prenez pas les moyens d'une politique réellement efficace pour endiguer l'insécurité en France. C'est un choix malheureux et irresponsable sur lequel vous devrez rendre des comptes à nos concitoyens.

Le groupe du Rassemblement pour la République ne vous suivra pas sur la voie du renoncement et votera contre ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

La séance, suspendue à 17 heures 55, est reprise à 18 heures 5.

M. Roland Carraz - J'adresse tout d'abord à M. Chevènement tous les voeux de mon groupe pour son prompt et complet rétablissement et je vous félicite, Monsieur le ministre, du tact, de la compétence et de l'intelligence avec lesquels vous assurez son intérim.

Le Gouvernement a décidé de faire de la lutte contre la délinquance, en forte augmentation depuis vingt-cinq ans notamment en raison de l'éclatement social parfois favorisé par des politiques brutales, une priorité de son action. La délinquance s'est développée particulièrement dans la périphérie des grandes villes, surtout de Paris, et sur le littoral méditerranéen. Elle a pris des formes nouvelles, avec la montée de la délinquance des mineurs et des violences urbaines, notamment dans les transports.

Cette orientation du Gouvernement, annoncée dès l'investiture du Premier ministre et confirmée l'an dernier à Villepinte, vise à garantir le droit à la sûreté, proclamé par l'article 2 de la Déclaration de 1789. La création du contrat local de sécurité, le développement d'une police de proximité et la généralisation d'une réponse judiciaire rapide sont au coeur de cette politique. Le conseil de sécurité intérieure, qui s'est réuni en avril, en juin et en octobre, constitue également un instrument important de la politique de sécurité. Celle-ci doit en effet être interministérielle et associer notamment le ministère de la ville.

Votre budget appelle toutefois deux observations.

M. Guy Teissier - Tout de même !

M. Roland Carraz - Sa croissance, de 2,92 %, est insuffisante, notamment au regard de la progression, certes légitime, du budget de la justice -5,6 %. Le retard pris dans l'exécution de la loi d'orientation sur la police, notamment pour le personnel administratif et pour les crédits immobiliers, n'est pas rattrapé.

La structure de votre budget est, d'autre part, insatisfaisante. Compte tenu de la prédominance des dépenses de personnel qui représentent 82 % du budget, les mesures acquises absorbent la quasi-totalité des moyens nouveaux. Les crédits d'investissement sont dramatiquement insuffisants et ne permettent pas la construction de nouveaux hôtels de police, le renouvellement des véhicules ni la réalisation rapide du réseau ACROPOL. Les crédits de fonctionnement qui représentent 15 % de votre budget constituent la variable d'ajustement. Leur niveau est, au mieux, strictement suffisant.

Vous avez entrepris la correction nécessaire par le biais de la loi de finances rectificative. Je me réjouis que vous nous ayez confirmé une enveloppe supplémentaire de 500 millions.

Nonobstant ces remarques, certaines évolutions sont très positives. C'est le cas du recrutement des adjoints de sécurité, mesure particulièrement utile qui nous fournira le vivier de recrutement nécessaire dans les cinq prochaines années. La modernisation de la sécurité civile est également opportune comme l'est l'accélération de la réalisation du réseau ACROPOL. Celle-ci se déroule toutefois à un rythme encore insuffisant : un achèvement en 2007, c'est mieux qu'en 2014 mais j'aurais préféré 2002 ou 2003.

Une restructuration budgétaire permettant un meilleur équilibre entre crédits d'équipement, de fonctionnement et de personnel s'impose.

Il faut, d'autre part, rechercher une meilleure répartition géographique des forces de sécurité. Je ne veux pas développer le contenu du rapport qu'avec le sénateur Hyest j'ai consacré à ce sujet. Mais la répartition des forces est beaucoup trop inégalitaire. Personne n'accepterait qu'il y ait un instituteur pour dix élèves dans une commune, un pour quatre-vingts dans une autre ! Il faut corriger cela. Des centaines de millions d'habitants des périphéries urbaines attendent des moyens. La correction devra être conduite en concertation avec les élus et les syndicats, et il faudra prévoir des avantages sociaux supplémentaires pour les personnels concernés.

Je souhaite aussi que vous réfléchissiez à une gestion plus moderne de la police. Il faut mettre en oeuvre un indicateur universel de sécurité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) permettant de mesurer la sécurité due à chaque citoyen, et de dire avec précision à un maire s'il a les forces nécessaires, s'il en a trop ou pas assez. Il faut aussi mettre en oeuvre dans la police nationale des effectifs de référence et des tableaux d'effectifs : il est anormal qu'on ne puisse pas expliquer rationnellement pourquoi il y a des policiers ici et non là. Il faudrait aussi une gestion prévisionnelle des effectifs, et une rénovation fonctionnelle. Il faudra s'attaquer aux charges indues de la police, pour avoir plus de policiers sur la voie publique. Je me réjouis des orientations confirmées par le Parlement en matière d'officiers de police judiciaire. Je souhaite également que puisse être retenue l'idée de référentiel-métier réclamée par certains syndicats de policiers, et que soit comblé le retard en personnel administratif.

Votre budget, Monsieur le ministre, est en quelque sorte sauvé par la loi de finances rectificative : si l'on pouvait globaliser les deux, il en résulterait une hausse de 3,8 %. On peut le considérer comme un budget d'étape. On ne peut d'ailleurs demander au ministère de l'intérieur d'assumer seul la totalité de l'effort de sécurité, et votre budget, s'il aurait pu être meilleur, doit être replacé au sein de l'effort gouvernemental, avec une hausse des crédits de 5 % pour la justice, 30 % pour la ville, 4 % pour l'éducation nationale, 4 % pour les collectivités locales. On ne peut pas dire que ce Gouvernement néglige l'effort pour la sécurité. Le groupe RCV vous renouvelle donc sa confiance, ainsi qu'aux policiers. Il sait pouvoir compter sur vous pour assurer la sûreté de tous grâce à l'action d'une police républicaine (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Rudy Salles - La politique est une chose, le respect des personnes humaines en est une autre : nous nous associons aux messages de sympathie adressés à M. Chevènement, et nous lui souhaitons un prompt et total rétablissement.

En matière de sécurité, il faut confronter l'action réelle de l'Etat et les ambitions virtuelles affichées dans les discours. Le moins qu'on puisse dire des crédits de la police pour 1999 est qu'ils ne répondent pas à l'attente de nos concitoyens. Ils ne répondent pas même, Monsieur le ministre, à celle de vos amis : une trentaine de députés socialistes, dont votre prédécesseur Paul Quilès, s'inquiètent des insuffisances de votre budget et demandent qu'il soit accru de quelque 500 millions. A en croire la presse, cette position est aussi celle des commissaires socialistes de la commission des lois, notamment Mme Neiertz, qui dénonce les carences de l'équipement de base. Enfin, le rapporteur de la commission des lois pour la police, M. Mermaz, a émis dans son rapport des remarques en forme de condamnation.

M. René Dosière, rapporteur pour avis - C'est très exagéré.

M. Rudy Salles - Il constate, d'abord, la montée de la délinquance. C'est constant : la délinquance augmente quand la gauche est au pouvoir, et diminue quand c'est la droite (M. Gérard Saumade, rapporteur spécial, rit). Vous riez ? Ecoutez plutôt les chiffres. En 1989, la délinquance augmente de 4,27 %. En 1990, de 6,93 %. En 1991, de 7,2 % -M. Saumade rit déjà moins. En 1992, de 2,32 % : M. Saumade ne rit plus du tout.

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial - La statistique, disait Disraeli, est la forme la plus raffinée du mensonge.

M. Rudy Salles - Ces chiffres proviennent pourtant des rapports les plus officiels. Pour 1998, il est, en revanche, difficile de connaître les chiffres officiels, car le ministère n'en a pas publié pour le premier semestre, et pas même pour le premier trimestre. Ces chiffres sont néanmoins connus des services de police et il convient de les révéler pour mesurer les premiers effets de votre politique. Il y aurait ainsi une augmentation de l'ordre de 2 % pour le premier semestre et de 3,3 % pour les huit premiers mois. C'est encore pire à Paris, où les analyses de la préfecture de police continuent, elles, à être publiées. Après plusieurs années de baisse de la délinquance, le premier trimestre 1998 est inquiétant à Paris, avec une hausse d'environ 7 %. Cette tendance préoccupante a fait l'objet d'articles de presse. Ils indiquent que le nombre des hold-up a doublé, que les vols à la roulotte ont augmenté de 30 %, les vols à la tire de 22 %, les destructions et dégradations de biens de 18 %, les vols avec violence de 14 % et les cambriolages de 5 %. La délinquance n'est d'ailleurs pas le monopole des quartiers dits sensibles puisqu'en janvier 1998 les faits constatés ont augmenté de 52 % par rapport à janvier 1997 dans le 1er arrondissement, de 44 % dans le 3ème, de 31 % dans le 8ème arrondissement et de 29 % dans le 19ème. Ces chiffres parlent d'eux-mêmes et illustrent les conséquences désastreuses de votre politique.

Abordant ensuite les effectifs, M. Mermaz se réjouit du recrutement de 7 600 adjoints de sécurité, mais observe qu'il est compensé par la baisse du nombre des appelés du contingent et que ces adjoints ne sauraient se substituer complètement à des policiers. Il aurait pu ajouter que les dépenses de fonctionnement par agent étaient en baisse de 3,6 % et les dépenses de formation de 4,68 %, alors que la formation des adjoints de sécurité est essentielle, dès lors qu'on leur confie des armes. Pour les effectifs, ce budget est donc négatif.

Sur cette question, ne cédons pas aux fantasmes : les effectifs de la sécurité publique en France sont comparables à ceux des autres grands pays européens, avec environ 62 000 policiers et 52 000 gendarmes. Ce qui pose problème, c'est leur répartition sur le territoire en fonction des besoins. C'est là où le bât blesse. Quelques exemples : le premier département criminogène en France, en terme de faits constatés par rapport à la population, est celui des Alpes-Maritimes. Mais pour les effectifs de police par rapport à la population, elles n'arrivent qu'à la vingt-huitième place. Les effectifs de la police nationale à Nice sont restés ce qu'ils étaient il y a cinquante ans alors que la population a doublé, que le nombre d'heures de travail a diminué et que les sources de délinquance ont considérablement augmenté.

Ces éléments ont été mis en évidence dans le rapport Hyest qui préconise de réviser la répartition des forces entre police et gendarmerie. Il démontre que la répartition géographique des forces de sécurité est inversement proportionnelle aux besoins. Plus les Français habitent en zone urbaine et plus ils sont en insécurité, mais ils ne disposent pas, proportionnellement à la population, de plus d'effectifs de police et de gendarmerie que dans les zones moins criminogènes. Il ne faut donc surtout pas opposer la police et la gendarmerie, indispensables toutes deux. Malheureusement, à partir d'un rapport parlementaire intéressant, vous avez réussi à développer une nouvelle guerre des forces de sécurité. Au lieu de proposer la nouvelle répartition que préconisait le rapport, dans une large concertation avec les élus locaux, vous avez lancé d'une façon autoritaire une réforme que personne ne comprenait sur le terrain. Ceci a provoqué de vives réactions dans la population. J'ai même vu, chose regrettable, des pétitions contre tout changement, ce qui semble suggérer que telle force de sécurité serait moins valable que telle autre. Voilà le résultat consternant de votre politique. Et, devant le tollé général, vous faites machine arrière.

Que dire, enfin, de votre conception de la concertation avec les élus locaux ? Pour nous, il s'agit d'un véritable partenariat où chacun assume ses responsabilités. Pour vous, il s'agit d'un partenariat où les collectivités locales doivent prendre en charge financièrement les responsabilités de l'Etat -sans, bien sûr, avoir son autorité ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) Les contrats locaux de sécurité devaient faire participer les collectivités locales à une oeuvre collective en faveur de la sécurité. Qui pourrait s'y opposer sur le principe ? Malheureusement, il s'est seulement agi pour l'Etat de se défausser de ses responsabilités.

Le premier rapport d'étape de la mission interministérielle d'évaluation des contrats locaux de sécurité, qui n'a pas été publié, regrette que les diagnostics locaux de sécurité soient en général insuffisants ou trop sommaires à l'exception -cela ne nous étonnera pas-, de la ville d'Issy-les-Moulineaux. Les contrats locaux de sécurité ne rencontrent pas le succès attendu par le Gouvernement qui en avait fait le fer de lance de sa politique de sécurité lors du colloque de Villepinte.

J'aborderai maintenant le sujet de l'immigration clandestine.

Mme Nicole Bricq - Il y a longtemps que vous n'en aviez pas parlé !

M. Rudy Salles - Nous en avons déjà beaucoup parlé ici et j'espère que nous aurons l'occasion d'y revenir.

Après la circulaire du 1er juillet 1997, 179 264 demandes de régularisation ont été déposées dans les préfectures. 67 702 seulement ont été satisfaites. Les étrangers déboutés sont-ils systématiquement reconduits à la frontière ? Non, votre gouvernement laisse perdurer des situations de non-droit inacceptables touchant près de 70 000 personnes. L'apparente fermeté du Gouvernement est battue en brèche par les faits. En effet, aucun dispositif pour l'éloignement des étrangers en situation irrégulière n'a été mis en place, alors que le recours à des vols spéciaux a été abandonné. Le nombre des départs effectifs serait d'environ 0,5 %, ce qui devrait vous inciter à plus de modestie. En fait, vous tenez un discours pour rassurer la majorité de l'opinion et vous agissez à l'inverse pour être agréable aux associations de défense des "sans-papiers" qui vous ont soutenu pendant la campagne électorale et où vous comptez les franges les plus extrêmes de vos amis.

Or la présence de ces personnes sur notre sol a un coût que la commission d'enquête du Sénat a estimé à environ 500 millions en année pleine. C'est exactement, ironie du sort, le montant des crédits qui manquent au budget de la police pour 1999 et que réclamaient MM. Mermaz, Quilès, Mme Neiertz et quelques autres de vos amis.

Je pourrais également critiquer le budget de la sécurité civile mais je me contenterai de me ranger aux arguments du rapporteur pour avis qui en a montré les carences. Je rappellerai seulement la situation difficile des pilotes de Canadair qui ont dû, en début d'été, se mettre en grève pour se faire entendre de votre Gouvernement. Ils ont attendu plusieurs semaines avant que le ministre de l'intérieur ne réagisse alors même que le risque d'incendies de forêt était maximal.

Je pourrais également critiquer votre attitude à l'égard des polices municipales...

M. Alain Clary - Polices ou milices ?

M. Rudy Salles - ...mais je me contenterai de vous renvoyer aux arguments que l'opposition a développés lors de la discussion du projet de loi sur le sujet.

J'ai sans doute été long mais c'était la seule occasion pour le groupe UDF d'exposer ses arguments puisque, pour la première fois, le ministre de l'intérieur n'est pas venu présenter son budget à la commission des lois (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Guy Teissier - L'ordre est, paraît-il, devenu une valeur de gauche. Il est vrai que dans un passé récent, certains pays l'avaient prouvé... Le Premier ministre, le Garde des Sceaux, le ministre de l'intérieur l'ont déclaré à plusieurs reprises, avec parfois une telle force de conviction, qu'un élu ou un Français mal averti aurait pu s'y laisser prendre. Mais l'ordre et la sécurité ne se décrètent pas sur décision ministérielle. Ils s'obtiennent par une volonté politique forte et des moyens financiers et humains suffisants.

Hélas, malgré l'engagement du Gouvernement et de sa majorité à rétablir l'égalité des citoyens devant la sécurité pris à Villepinte en octobre 1997, l'annonce d'un plan antiviolence dans les lycées ainsi que d'un plan de lutte contre la délinquance juvénile, les chiffres sont là, accablants. La délinquance a augmenté de 5,5 % durant les huit premiers mois de l'année. Il est d'ailleurs intéressant de noter que lorsque vous êtes au pouvoir elle augmente, alors que lorsque nous dirigeons le pays, l'insécurité diminue (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Face à ces évolutions, votre budget est très en deçà des attentes de nos concitoyens comme d'ailleurs des fonctionnaires du ministère de l'intérieur. La volonté de l'Etat d'assurer sa mission régalienne de sécurité n'y transparaît plus.

Les ressources stagnent. La part du PIB qui lui est consacrée régresse. Le programme de recrutement de 5 000 agents administratifs, que nous avions lancé, a été abandonné : il aurait pourtant permis d'améliorer l'accueil du public dans les commissariats et surtout de libérer les policiers de certaines tâches administratives afin qu'ils soient plus disponibles sur le terrain. Les dépenses de fonctionnement par agent diminuent -on peut d'ailleurs s'étonner qu'un fonctionnaire de préfecture ait besoin d'une dotation deux fois supérieure à celle d'un fonctionnaire de la police nationale. Je ne suis pas opposé à l'augmentation des ratios en faveur de l'administration territoriale mais nous aurions souhaité qu'elle soit la même pour la police nationale.

Les crédits de formation, pour leur part, diminuent par rapport à 1998... au moment même où l'on crée une direction de la formation. Quelle contradiction !

Enfin, alors que sept milliards étaient inscrits dans la loi d'orientation de janvier 1995, 130 millions seulement ont été consommés.

Au lieu d'engager une politique ambitieuse, vous avez préféré faire porter l'effort sur les adjoints de sécurité. 8 250 ont été recrutés dès 1998 et 7 600 devraient l'être en 1999. Cet effort substantiel répond-il pour autant aux besoins ? Ces adjoints, qui certes replaceront les policiers auxiliaires qui vont disparaître avec la suppression du service national, auront surtout le mérite de coûter beaucoup moins cher qu'un vrai policier. J'en ai vu dans les commissariats occuper le poste de fonctionnaires en titre en congé de récupération ! Voilà à quoi ils sont occupés ! Alors qu'ils n'ont aucune expérience et sont formés en huit semaines seulement, est-il opportun de les envoyer dans les quartiers sensibles où la délinquance devient de plus en plus dure ? Les 93,3 millions réservés à la création de ces postes auraient été utilisés à meilleur escient pour le recrutement de vrais policiers vraiment formés et le développement des moyens de communication. En outre, aucune réflexion n'a été engagée sur l'avenir de ces jeunes au terme de leur contrat de cinq ans, ce qui surprend de la part d'un gouvernement qui se dit généreux...

Mme Nicole Bricq - Il l'est !

M. Guy Teissier - En un mot, votre réponse, Monsieur le ministre, est inadaptée. Au contraire, vous persistez dans vos erreurs puisque vous confirmez la baisse du nombre des policiers en tenue et des inspecteurs.

Ce budget, qui a mécontenté vos propres amis, n'est pas bon. Dans ces conditions, le groupe Démocratie Libérale ne peut le cautionner (Applaudissements sur les bancs du groupe DL).

M. Jean-Pierre Blazy - Au nom du groupe socialiste, j'adresse un salut amical à Jean-Pierre Chevènement et je tiens à vous rendre hommage, Monsieur le ministre, pour votre travail dans ces conditions particulières.

N'en déplaise à l'opposition, la sécurité est une priorité pour le Gouvernement et pour la majorité. Le Premier ministre y a insisté lors de sa déclaration de politique générale et cette orientation a été réaffirmée lors du colloque de Villepinte. Une politique globale de sécurité a été progressivement mise en place depuis seize mois. Le conseil de sécurité intérieure a traduit la volonté d'organiser la complémentarité de cette politique au niveau national et au niveau local.

Les contrats locaux de sécurité, créés il y a un an, organisent un partenariat actif au niveau local. Tous, sur tous les bancs, nous sommes en train de les négocier. De tels contrats ont été conclus dans 116 communes ou agglomérations et 456 sont en cours d'élaboration. Cependant, un récent rapport d'évaluation réclame davantage de concertation, notamment entre les services de l'Etat.

Afin d'organiser la complémentarité entre les multiples acteurs publics et privés en matière de sécurité, il est également indispensable de clarifier leurs compétences respectives. C'est ce que nous sommes en train de faire pour les polices municipales, c'est ce que nous ferons pour les sociétés de gardiennage dans un prochain projet. Il est urgent que ces textes aboutissent, Monsieur le ministre.

J'ai apprécié votre annonce d'un prochain décret sur les armes à feu, ainsi que la poursuite du travail législatif engagé à l'initiative de notre collègue Bruno Le Roux.

Même si cette approche globale des problèmes de sécurité se heurte à certaines difficultés, il semble important de la poursuivre. L'augmentation du budget de la justice et de la ville est une réponse, mais cela ne suffit pas. La politique de sécurité ne peut réussir sans une bonne coopération entre les services de l'Etat et une concertation étroite avec les élus.

La police nationale a vécu depuis 1985 une mutation importante comportant une réforme du statut et du métier de policier. L'enjeu, aujourd'hui, est la mise en oeuvre progressive d'une véritable police de proximité.

Après des années de contraction, -nos prédécesseurs construisaient des commissariats, mais sans les doter de moyens humains et matériels suffisants- ce budget prévoit une hausse des moyens de fonctionnement. Au total, les crédits de la police nationale s'élèveront à 29,11 milliards, soit une hausse de 2,92 % supérieure à la moyenne des autres budgets.

Il est prévu de recruter 7 600 adjoints de sécurité supplémentaires, ce qui portera leur nombre à 15 860 fin 1999. Cette mesure permettra de renforcer les patrouilles d'îlotiers et d'améliorer les conditions d'accueil du public. Il est vrai que des retards ont été pris car certains départements, parmi les plus sensibles, ont des difficultés à recruter ces adjoints de sécurité. Ceux-ci doivent impérativement bénéficier d'une formation et d'un encadrement. Leur recrutement ne doit pas devenir la seule variable d'ajustement en matière de personnel, car un adjoint de sécurité n'est pas un gardien de la paix. Le recrutement par anticipation de 1 400 gardiens de la paix constitue une avancée.

Malgré ces efforts significatifs, la répartition des effectifs n'est pas homogène et certaines zones où l'insécurité va croissant ne disposent pas de moyens suffisants. Alors que la délinquance semblait en recul en 1997, les chiffres du premier semestre 1998 indiquent une tendance inverse, ce qui ne peut qu'alimenter le sentiment d'insécurité.

Les actes délictueux deviennent plus violents, plus précoces et affectent profondément la vie quotidienne de nos concitoyens.

Il est urgent de réorganiser l'offre de sécurité en fonction de la géographie réelle de l'insécurité. Ainsi, en Ile-de-France, le ratio des policiers par habitant varie de 1 pour 397 habitants dans les Hauts-de-Seine à 1 pour 526 habitants dans le Val-d'Oise, alors que ce département est en tête de la région pour les chiffres de la criminalité.

M. Jacques Brunhes - Il faudrait surtout que les policiers quittent Paris !

M. Jean-Pierre Blazy - Paris présente des caractères spécifiques du fait de son rôle de capitale, mais des redéploiements devraient être possibles.

Plus généralement, il a été prévu de redéployer des fonctionnaires de police en procédant à des transferts de compétence entre police et gendarmerie. De nombreux élus ont relayé les craintes de leurs administrés et la plupart des organisations syndicales ont émis les plus vives réserves.

Hier encore, mon groupe a interrogé le Gouvernement à ce sujet. Nous avons compris que le Gouvernement a décidé d'élargir le processus de consultation en cours et en a chargé M. Guy Fougier. S'il n'est pas question de remettre en cause le redéploiement, celui-ci doit se faire en étroite concertation avec les élus et les syndicats de personnels.

Par ailleurs, ce redéploiement prendra du temps : or les 26 départements urbains ne peuvent plus attendre ! Dans mon département, il manque 150 gardiens de la paix. S'y ajoute le problème des gradés qui refusent de rejoindre leur poste.

Une gestion prévisionnelle des effectifs, tant quantitative que qualitative, doit devenir la règle même s'il est difficile pour l'administration de maîtriser totalement les départs en retraite anticipée et les capacités de formation. La pyramide des âges des différents corps laisse prévoir des besoins en recrutement considérables à l'horizon 2002. C'est demain !

Parallèlement, la réaffectation sur la voie publique des policiers occupés à des tâches administratives, nécessaires par ailleurs, constitue un enjeu majeur. Or sur les 5 000 postes de fonctionnaires administratifs, techniques et scientifiques prévus par la loi d'orientation et de programmation, seulement 1 174 ont été créés, ce qui ne favorise pas le retour sur la voie publique des policiers.

M. Guy Teissier - Vous allez voter contre ce budget ?

M. Jean-Pierre Blazy - Vous n'avez pas procédé à cette réaffectation quand vous étiez aux affaires !

Il est vrai que la suppression prévue de 102 emplois administratifs est un signe paradoxal et inquiétant...

Il reste également des efforts à faire pour libérer la police nationale des "charges indues" évaluées en 1995 à l'équivalent de 7 400 fonctionnaires.

Enfin, il convient de doter les policiers de moyens qui leur permettent de remplir leurs tâches sans s'exposer inutilement -véhicules et moyens protégés de communication.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé une rallonge budgétaire de 500 millions, dont la moitié pour la police. C'est indispensable. L'année 1999 est le dernier exercice budgétaire de la loi d'orientation, qui n'a pas été mise en oeuvre par ceux qui l'ont votée et qui prétendent nous donner des leçons...

M. Guy Teissier - Cela fait deux ans que vous êtes au pouvoir !

M. Jean-Pierre Blazy - ...Il faut impérativement engager la réorganisation de la gestion des personnels et des moyens.

Le groupe socialiste vous soutient et votera ces crédits (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Alain Clary - Ce budget s'inscrit dans un contexte de crise économique et financière mondiale qui comporte des risques majeurs de récession.

Les effets de cette crise, le chômage, l'exclusion se répercutent directement sur les collectivités locales, qui doivent disposer de moyens accrus pour répondre aux besoins des populations. D'autant que les réformes ou les exigences légitimes en matière de sécurité ou de scolarité induisent des dépenses nouvelles. Ainsi les lois récentes contre l'exclusion, sur les emplois-jeunes ou sur les 35 heures impliquent aussi les communes.

C'est pourquoi nous jugeons insuffisante la progression de l'enveloppe globale pour 1999. Elle devrait augmenter dès 1999 dans les mêmes proportions que la DGF, c'est-à-dire du taux de l'inflation et de la moitié de la progression du PIB -20 % actuellement.

La réforme de la taxe professionnelle reste elle aussi insuffisante. Elle procure des avantages considérables aux entreprises, sans contrepartie en termes de création d'emplois. La réforme de cette taxe ne peut s'arrêter à la suppression de la part salariale. Cela revient à la faire prendre en charge par le budget de l'Etat, c'est-à-dire par les contribuables et risque de préluder à sa suppression pure et simple dans quelques années.

Contrairement à ce qui est dit quelquefois, la taxe professionnelle n'est pas un impôt obsolète, voire imbécile. Elle représente 50 % de la fiscalité locale et constitue la première ressource fiscale des collectivités. C'est pourquoi il conviendrait d'inclure les actifs financiers dans son assiette, ce qui contribuerait à réorienter les profits des entreprises vers l'investissement et l'emploi. Le produit de ce prélèvement national pourrait être redistribué à travers le fonds de péréquation de la taxe professionnelle. Avec un taux de 0,3 %, son rendement annuel serait de 78 milliards.

Il y a en effet une sous-fiscalisation évidente de la richesse financière. Frapper la spéculation rendrait à l'Etat des marges d'action. Faute d'un tel dispositif les communes perdront une part de leur autonomie fiscale. On peut même se demander si faute de pouvoir le faire de façon autoritaire, les priver de cette autonomie n'est pas un moyen de conduire les communes à fusionner, dans une Europe où l'on cherche à nier l'originalité française dont la diversité communale est un aspect.

Nous proposons aussi de prendre en compte les revenus dans le mode de calcul de la taxe d'habitation et de la taxe foncière sur le bâti de manière à ce que le produit n'excède pas 2 % des revenus imposables. Nous proposons encore de rembourser aux collectivités la TVA qu'elles acquittent au taux fort, sur toutes les dépenses de fonctionnement à objet social.

J'en viens à l'intercommunalité. Il ne faut pas en aborder la réforme à partir des inégalités de ressources mais de réel projets de développement. Les députés communistes qui ont combattu la loi Joxe-Baylet ne pourraient accepter une loi qui imposerait la supracommunalité. Il y a 36 000 communes et 18 000 établissements publics de coopération intercommunale. L'aménagement doit être au service de toute la population à partir de projets librement décidés sur un territoire qui peut varier selon le projet sans toujours coïncider avec la communauté d'agglomération envisagée par le projet du Gouvernement. Un partenariat effectif ne doit pas écraser l'identité de chaque commune...

En tout état de cause sans réforme de la taxe professionnelle, l'intercommunalité pourrait devenir une forme de partage de la pénurie. Réduire les disparités entre communes nécessite des moyens supplémentaires. La réduction des frais financiers ne suffit pas à assurer la relance des investissements par l'emprunt. Et les collectivités qui réalisent 72 % des investissements civils ne perçoivent que 10 % de l'impôt global.

La solidarité doit l'emporter sur la concurrence, et pour mieux participer aux choix qui les concernent les citoyens doivent disposer de nouveaux moyens de contrôle et d'intervention.

Enfin, nous souhaitons assurer la pérennité de la CNRACL, dont l'équilibre est grevé par la surcompensation. En outre, le rapport entre actifs et retraités se dégrade. Aussi les employeurs sont-ils menacés d'un nouveau relèvement de cotisations. Mais si l'on supprimait la surcompensation au profit des régimes spéciaux, le taux de cotisation global pourrait être ramené de 32,95 % actuellement à environ 23 %.

Ces remarques expriment le point de vue de mon groupe mais aussi de très nombreux élus locaux et de leurs associations.

1999 sera une année importante pour les structures communales. Nous participerons de façon constructive au débat pour faire entendre les aspirations de nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, de certains bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Christophe Caresche - Traditionnellement, on examine les moyens attribués à un budget. Mais la vraie question est de savoir si ces moyens sont adaptés aux missions. Les moyens du ministère de l'intérieur ne sont pas extensibles à l'infini. S'il en faut plus pour réformer, cela ne suffit pas à atteindre les objectifs.

Il faut aussi mieux les utiliser. C'est particulièrement vrai pour la police qui doit relever des défis nouveaux et même assumer une véritable mutation.

Le budget progresse sensiblement, la sécurité étant une priorité de l'action publique. Je me réjouis qu'à la demande de la majorité, 500 millions supplémentaires soient débloqués au collectif budgétaire. L'opposition a cru pouvoir ironiser. Mais la majorité est dans son rôle en proposant, en corrigeant.

Ces crédits ne seront cependant utiles que si l'institution policière se réforme, comme tous ceux qui concourent au maintien de la sécurité.

Nous avons fixé le cap au colloque de Villepinte. Il faut maintenant traduire ces objectifs dans la réalité. Ce sera long et difficile ; les acteurs sont multiples, les formes d'insécurité diverses.

Mais nous connaissons la volonté du Gouvernement et nous mesurons le chemin parcouru en quelques mois : mise en place du conseil de sécurité, mise en cohérence des acteurs, loi sur les polices municipales, projet sur les organismes privés de sécurité, contrats locaux de sécurité, recrutement d'adjoints de sécurité et bientôt d'adjoints de médiation sociale. C'est aussi la réorganisation de la police et de la gendarmerie. La délinquance a progressé dans les zones urbaines. C'est donc là qu'il faut concentrer les moyens. Sinon le Gouvernement manquerait à son premier devoir qui est d'assurer la sécurité de tous et partout.

La réorganisation des forces de l'ordre est la condition pour assurer l'égalité de tous devant la sécurité. Je comprends que certains élus aient eu le sentiment d'être un peu tenus à l'écart en raison de la méthode utilisée, mais les objectifs de cette réorganisation doivent être maintenus.

M. Bruno Le Roux - Très bien !

M. Christophe Caresche - Un mot sur Paris...

M. René Dosière, rapporteur pour avis - Où il y a beaucoup de policiers !

M. Jean-Antoine Leonetti, rapporteur pour avis - Trop !

M. Christophe Caresche - Mais non. Compte tenu de la place que Paris occupe en France, la réforme de la préfecture de police intéresse l'ensemble de la nation. Elle doit donc être exemplaire et je suis certain qu'elle contribuera à améliorer la sécurité de toute l'agglomération parisienne. Cette réforme nécessaire, longtemps différée, est enfin en passe d'aboutir. J'espère que tous ceux qui y participeront sauront en mesurer l'enjeu. Ce sera la meilleure réponse à ceux qui, sur les bancs de l'opposition, veulent démanteler la police parisienne. Je sais, Monsieur le ministre, que votre détermination est totale et je me réjouis que cette réforme soit en bonne voie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Alain Belviso - Si l'on peut légitimement se féliciter d'une augmentation des crédits affectés à la sécurité civile pour 1999, leur diminution en 1998 nous impose une vigilance certaine.

Les enjeux sans cesse nouveaux dans ce domaine de l'intervention publique exigent des moyens en progression constante.

Pour 1998, le bilan des feux de forêts est relativement satisfaisant, en particulier dans la région méditerranéenne. Ce résultat, obtenu grâce à une meilleure prévention, appelle deux remarques.

La première a trait au manque de moyens du conservatoire de la forêt méditerranéenne qui dépend du ministère de l'agriculture. C'est dire la fragilité d'un bilan, quand les moyens pour le consolider dépendent de ministères dont les priorités varient selon leurs logiques propres.

Améliorer encore ce bilan impose de maintenir le niveau de formation des hommes. A cet égard, les sapeurs-pompiers s'interrogent sur la non-parution des textes relatifs à la formation feux de forêts.

Ces mêmes sapeurs-pompiers subissent les conséquences de la départementalisation sous la forme d'une remise en cause de leurs acquis et d'une augmentation de leur temps de travail. En outre, nombre de titulaires des concours de sapeurs-pompiers ont beaucoup de mal à trouver un poste avant l'expiration du délai de validité de cet examen. Voilà bien une situation paradoxale à laquelle il est urgent de remédier, pour améliorer le service rendu à la population.

Dans cet esprit, renforcer les moyens humains et mieux les répartir assurerait l'égalité entre les citoyens quel que soit le lieu de l'intervention. Chaque citoyen a le droit d'être secouru avec la même efficacité en centre-ville, en rase campagne, en montagne ou en pleine mer.

C'est avec le double objectif de l'égalité territoriale et de la gratuité que doit s'approfondir la concertation entre pouvoirs publics, communes et personnel sur la rationalisation de la gestion des moyens de secours.

Bien évidemment, les hommes, pour être pleinement efficaces, doivent disposer de matériels performants et modernes. L'évolution des risques, en particulier ceux liés aux évolutions technologiques impose une évolution des matériels que le budget doit prendre en compte. Sans oublier la nécessité d'entretenir le potentiel existant. L'exemple du parc d'aéronefs est particulièrement éclairant : les bases devraient accueillir, en 1999, 25 bombardiers d'eau dont 11 Canadair. Mais la sécurité civile ne dispose pas d'autorisations de programme correspondant à cet objectif. L'enveloppe actuellement prévue est à peine suffisante pour maintenir sa capacité opérationnelle. Mais nous avons pris bonne note, Monsieur le ministre, des mesures qui figureront dans la loi de finances rectificative.

Cela dit, nos préoccupations nationales ne doivent pas occulter l'implication de notre pays sur le terrain international. Les incendies qui ont ravagé la Grèce cet été, les inondations catastrophiques qui viennent de se produire en Amérique centrale nous imposent de réfléchir à une coopération qui irait au-delà de l'envoi ponctuel de moyens humains et matériels. Par exemple, la création d'une école européenne de lutte contre les feux de forêts basée dans le sud de la France et associant les pays du pourtour méditerranéen, permettrait de formaliser des échanges transnationaux qui, pour l'instant, n'ont lieu que dans l'urgence des sinistres majeurs qui désolent l'Europe du Sud.

M. Alain Clary - C'est une bonne idée.

M. Alain Belviso - La multiplicité des dangers et des risques nouveaux dont la gestion est de plus en plus sophistiquée nous montre la nécessité d'anticiper grâce à une prévention à la hauteur des enjeux.

En conclusion, le droit de chacun à la sécurité civile implique d'accompagner la diversification des risques par une politique budgétaire plus volontariste.

Nous espérons que la timidité du budget pour 1999 cédera la place, dans l'avenir, à une plus grande ambition (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

Mme Nicole Bricq - Nous sommes à l'an I de la politique ambitieuse et moderne de sécurité définie par Jean-Pierre Chevènement. J'ai noté que M. Dreyfus avait cité, en exergue de son rapport, la phrase que Lionel Jospin a prononcée à Villepinte : "Toute personne vivant sur le territoire de la République a droit à la sécurité".

Mais notre conception de la sécurité diffère de celle de l'opposition, qui se montre incapable de dépasser l'alternative répression-prévention alors qu'il faut concilier les deux. Nous voulons une police de proximité avec laquelle nos concitoyens se sentent en confiance.

C'est précisément l'objet des contrats locaux de sécurité, du recrutement des adjoints de sécurité ainsi que des agents locaux de médiation sociale, enfin, de la redéfinition de l'îlotage, l'îlotier ne devant plus être seulement un "gardien de square amélioré", comme le dit M. Louis Mermaz dans son excellent rapport, mais un policier opérationnel.

Parallèlement, le ministère de la justice s'emploie à accélérer les procédures -notamment celles relatives à la délinquance des mineurs-, à développer les maisons de justice et la médiation. Il y a donc bien là une politique gouvernementale cohérente conforme à notre conception du droit à la sûreté pour tous et, d'abord, pour ceux dont la vie quotidienne est la plus difficile. Il convient de mieux répartir les moyens et les équipements et les mettre en adéquation avec les zones urbaines dans les départements prioritaires. C'est là que votre politique sera jugée, Monsieur le ministre.

L'Ile-de-France est encore trop défavorisée par rapport au reste de la France et, au sein même de l'Ile-de-France, les départements de la grande couronne sont les plus mal lotis. C'est particulièrement vrai de l'arrondissement de Meaux, qui est en pleine expansion démographique et qui accueille notamment de nombreuses populations venant de la petite couronne.

Mardi, nous avons débattu du budget de la ville et le problème des violences urbaines a été évoqué par notre collègue Laurent Cathala. Comment la politique de la ville peut-elle réussir si l'accent n'est pas mis sur la sûreté dans les zones où le lien social est le plus fragile ? L'Etat est prêt à consacrer beaucoup d'argent aux grands projets urbains. Il serait dommage que cette action ne soit pas étayée par un renforcement de la sécurité.

L'Etat ne doit pas se reposer sur le développement des polices municipales. Il doit avoir les moyens d'exercer ses prérogatives régaliennes. Alors que le département de la Seine-Saint-Denis fait partie des 26 départements prioritaires, dans le seul arrondissement de Meaux, le plan initial de redéploiement prévoit la fermeture de deux gendarmeries ! Je peux le comprendre dans la logique du rapport Carraz-Hyest que j'approuve, sous réserve d'une bonne répartition et d'une bonne utilisation des forces de sécurité.

Ainsi, par exemple, les adjoints de sécurité répondent à un réel besoin, notamment en Ile-de-France, cependant, dans la pratique, les candidatures font défaut. Vous nous annoncez des incitations financières et de carrière pour attirer les candidats dans les départements prioritaires. C'est une bonne mesure qui a prouvé son efficacité dans les ZEP.

Quant aux contrats locaux de sécurité, ils ont le mérite de faire travailler ensemble des personnes qui n'en ont pas forcément l'habitude, l'Education nationale, la Police et la Justice par exemple. Ils doivent, en outre, permettre d'établir un diagnostic efficace afin de définir les besoins et de trouver les meilleures solutions. Cette phase de diagnostic est trop souvent sous-estimée. Ces contrats locaux ne doivent pas être un simple mécanisme administratif de plus mais un moyen de recenser les besoins en concertation avec les associations de quartiers et les habitants.

Pour que la police soit plus proche et plus efficace, il faut davantage de personnel et des investissements immobiliers là où les besoins sont les plus forts. Une mission a été conduite par MM. Panquel et Vanier pour évaluer les besoins en équipement du nord de la Seine-et-Marne voilà plus d'un an mais nous n'en connaissons toujours pas les résultats.

La révision à la hausse de votre budget et la rationalisation de la politique de sécurité entreprise vont dans le bon sens mais votre budget doit mieux traduire les priorités définies l'année dernière. Comptez sur les députés socialistes pour vous y aider (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 30.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER

ERRATUM

au compte rendu analytique de la 2ème séance du mercredi 4 novembre 1998.

A la page 9, lire :

M. Léonce Deprez - Madame le ministre des affaires sociales... avez-vous pu répondre aux gestionnaires des établissements parapublics qui se préoccupent de savoir comment répercuter dans leur budget 1999 le coût des heures supplémentaires entre 35 et 39 heures ? Cela représente 7,6 % d'augmentation. (Et non : 16,6 %)


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