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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 26ème jour de séance, 69ème séance

3ème SÉANCE DU SAMEDI 7 NOVEMBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. Raymond FORNI

vice-président

          SOMMAIRE :

PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ (suite) 1

    MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 18

    FAIT PERSONNEL 33

La séance est ouverte à vingt et une heures


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PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité.

M. le Président - J'invite chacun à respecter son temps de parole.

M. Alain Tourret - Je suis donc le premier des barbares à s'exprimer ou, étant député normand, le premier des Vikings... Pourquoi les députés radicaux sont-ils favorables à cette proposition ? Tout d'abord, la société française n'est pas figée. Il appartient au Parlement de légiférer dès lors que les évolutions sociales se sont cristallisées. Cette notion de cristallisation est employée par certains juristes pour signifier que, dès lors que les faits s'accumulent, le législateur doit intervenir.

M. Jacques Myard - Il y a des zoophiles, aussi...

M. Alain Tourret - Stupidité ! Comment ne pas prendre en compte le fait que cinq millions de Français vivent en couple sans être mariés ; qu'un enfant sur trois naît hors du mariage ; que des couples homosexuels existent et revendiquent des droits ? Le Pacs n'est pas la réponse à tous les problèmes. C'est une mesure modeste, qui ne mérite pas les passions qu'elle déchaîne. Il apporte, comme l'a très bien souligné Mme la Garde des Sceaux, des solutions concrètes aux problèmes que rencontrent deux personnes non mariées mais ayant un projet de vie commune. Il a pour but d'assurer une stabilité à ceux qui le signeront. Il est donc utile, et comble un vide juridique souligné par toutes les juridictions françaises, que ce soit la Cour d'appel de Paris, en des arrêts célèbres relatifs au droit de bail, ou la Cour de cassation, qui a toujours écarté les couples homosexuels des droits reconnus aux concubins.

Le Pacs crée donc un espace de liberté, sur lequel nous aurions pu être nombreux à nous retrouver. Cela n'a pas été possible, car les passions s'en sont mêlées. Il y a pourtant eu un moment où certains grands responsables du parti conservateur ont admis que notre société devait évoluer sur ces questions. Cela n'a pas été possible, et c'est regrettable.

Nous sommes devant un texte de bon sens et de modération. Il ne concerne que certains droits. On objectera que quelques amendements à notre législation auraient suffi, mais les intéressés demandaient plus : un contrat solennel. J'espère qu'au cours de la réflexion nous pourrons avoir une réflexion commune. Concernant le lieu où le Pacs doit être déposé, je souhaite que nous nous accordions pour retenir le tribunal d'instance ; c'est la seule bonne solution. Concernant la rupture du Pacs, j'étais personnellement opposé à la lettre recommandée, car il faut une certaine solennité. Nous avons proposé un acte extra-judiciaire. Nous devrons réfléchir encore au régime des biens ; la commission a préféré l'indivision à la séparation.

Ce texte est le premier grand projet sociétal qui nous est soumis. Nous devrons aller plus loin pour faire évoluer le droit du divorce, le droit de l'adoption, celui des régimes matrimoniaux et pour renforcer la protection de la famille et de l'enfant, trop absent de nos débats (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe socialiste).

Mme Bernadette Isaac-Sibille - Les différents orateurs ont montré avec talent qu'on pouvait être contre le Pacs pour des raisons d'ordre divers, fiscales, juridiques, mais aussi philosophiques. Tout engagement politique correspond à une philosophie de la vie ; chacun de nous veut promouvoir un certain type de société. Nous sommes fiers de lire au fronton de nos édifices publics : liberté, égalité, fraternité. Hélas, le Pacs ne respecte pas cette devise. La liberté ne consiste pas à faire ce qu'on veut, en fonction de ses envies et de ses pulsions, mais à vouloir ce que l'on fait. L'exemple héroïque qu'offrent les victimes des dictatures de droite et de gauche en témoigne : ces gens ont voulu aller au bout de leur idéal.

Il n'y a donc pas de liberté sans volonté d'exercer sa responsabilité. Dans le mariage républicain, il y a prise de responsabilité de chacun envers l'autre : les mots "mutuellement", "ensemble", figurent à tous les articles du code civil. Mais est-ce prendre son conjoint en responsabilité que de pouvoir le ou la répudier du jour au lendemain par simple lettre ? Que deviendront les enfants d'une première union qui peuvent être confiés à l'un des pacsés, lors de cette nouvelle séparation ? Mesure-t-on les effets de cette succession de chocs psychologiques ?

Le mariage n'est pas un simple contrat, mais une alliance, scellée devant le maire. Quelle que soit la forme qu'il revêt dans chaque culture, la société a toujours pris en compte le mariage parce que c'est le rôle de la loi de servir de référence pour la conduite d'une société dont le mariage assure la pérennité.

Il est vrai qu'aujourd'hui, comme d'ailleurs autrefois, les moeurs ne sont pas ajustées aux lois. Le Haut commissariat à la santé tire la sonnette d'alarme en indiquant que 35 % des enfants violents et délinquants sont des enfants privés de références et de repères. Pour notre jeunesse le Pacs ne fera qu'ajouter un embrouillamini supplémentaire à cette confusion des relations affectives. Comme législateur, je souhaite que le mariage reste cette référence de liberté, de responsabilité, donc de bonheur pour toute cette jeunesse dont nous sommes responsables. Ce n'est pas le Pacs qui leur donnera les moyens de ce bonheur (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Jean-Marie Le Guen - Certains textes nous interpellent plus que d'autres : ceux qui qualifient ou modifient le statut des relations entre les individus en font partie car ils nous concernent tous et touchent au fondement de notre organisation. Il en va ainsi de la proposition qui nous est soumise aujourd'hui.

En 1992, nous avions été quelques députés à déposer une proposition de loi tendant à créer un contrat d'union civile. Je suis heureux que la longue démarche que nous avions amorcée alors aboutisse aujourd'hui.

Les adversaires du Pacs lui opposent le mariage. Or la finalité du mariage est évidemment d'ordre familial : il marque l'union de deux lignées, pose la solidarité entre ascendants et descendants, l'ensemble étant consacré symboliquement par la fusion patronymique. Rien de tel avec le Pacs, qui ne comporte aucune disposition en matière de filiation ou d'adoption : ni "sous-mariage", ni "mariage au rabais", il est d'une autre nature.

Je salue ceux qui refusent de se laisser enfermer dans une conception irréelle et surannée de la famille, ceux qui refusent la trop évidente homophobie qui anime un certain nombre d'entre vous ; ceux-là, qui refusent les attitudes sectaires et caricaturales (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) nous demandent pourtant de ne pas légiférer de manière globale.

Le Pacs, disent-ils, serait inutile car il suffirait de quelques ajustement pour affermir la situation des couples non mariés. Mais il y a quelque incohérence à défendre aujourd'hui ce qu'on a toujours combattu : votre position serait plus crédible, mes chers collègues, si vous ne vous étiez pas opposés ces dernières années à toute évolution de la situation des concubins ou des cohabitants. Quand, en 1992, j'ai défendu au nom du groupe socialiste le principe de l'extension de la Sécurité sociale au cohabitant qui en serait démuni, vous vous y êtes opposés ; lorsque j'ai proposé, dans un DMOS, un amendement permettant le maintien dans les lieux du cohabitant après le décès du titulaire du bail, vous l'avez refusé ! Vous avez la mémoire bien courte, ou très sélective !

Selon vous, le Pacs contribuerait à installer l'instabilité dans la société en dévalorisant le mariage. Cette argumentation inverse l'ordre des propositions : ce n'est pas le Pacs qui dévalorise le mariage, c'est le fait que de plus en plus de nos compatriotes font un autre choix que le mariage, que le Pacs est nécessaire pour recréer du lien social ! Créerait-on l'instabilité en accordant un statut à ceux qui n'en ont pas ? La précarité et le non-droit sont-ils garants de l'ordre ? Faut-il rappeler, en outre, que toutes les clauses du Pacs ne s'appliquent pas immédiatement ? De ce fait, le Pacs garantira la stabilité plus qu'il n'instaurera l'instabilité.

La liberté sexuelle est l'un des aspects de la liberté individuelle ; la sexualité relève strictement de la sphère privée ("Bravo !" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Pierre Lellouche - Nous sommes pour la privatisation du sexe !

M. Jean-Marie Le Guen - Notre proposition concerne de manière égale tous les couples, y compris les couples homosexuels.

Depuis les années 80 et l'arrivée de la gauche au pouvoir, l'homosexualité n'est plus discriminatoire, mais vivre son homosexualité au quotidien est toujours difficile. Quand dans un couple, l'un est fonctionnaire et ne peut invoquer le rapprochement de conjoint pour retrouver l'être aimé, est-ce juste ? Est-ce humain ? Quand l'un des deux part, quelquefois définitivement, et que l'autre est rejeté hors de l'appartement commun, est-ce juste ? Est-ce humain ?

Oui, cette loi est nécessaire puisque vous avez systématiquement rejeté toute avancée. C'est une loi d'égalité et de justice, j'oserais même dire de paix sociale : c'est notre honneur et notre fierté.

On brandit aussi l'atteinte portée à la famille : c'est un mauvais procès, je n'y reviens pas.

Votre argumentation est marquée par un pessimisme fondamental. Si vous aviez simplement confiance dans les valeurs que vous défendez, vous ne tiendriez pas ce discours ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV) Pour ma part, je conclurai sur un espoir : celui que, dans une société où l'isolement progresse, le Pacs contribue à retisser des liens.

J'aimerais vous faire part d'une expérience personnelle (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR, et du groupe DL ; "Pas ça !" sur les bancs du groupe du RPR). Je garde en mémoire l'une des lettres que j'avais reçues en 1992 d'habitants de ma circonscription, particulièrement émouvante. Son auteur m'expliquait qu'il formait avec un ami une association particulière : l'un était handicapé physique, l'autre un "handicapé de la vie". Séparément, aucun n'aurait pu vivre ; ils ne désiraient rien d'autre qu'un cadre stable pour leur projet de vie.

Je ne sais pas si le vote de cette proposition de loi verra s'affronter le parti des modernes et celui des anciens, ceux qui ont du coeur et ceux qui en ont moins.

M. Hervé Gaymard - Pas ça !

M. Jean-Marie Le Guen - Mais il fera assurément le partage entre ceux qui veulent plus de justice, d'égalité et de solidarité et ceux qui n'en veulent pas (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Philippe Houillon - Si j'ai bien compris, sur le fond tout le monde est d'accord. Je veux dire dans le pays, car ici, clairement, la majorité est en décalage avec lui ! ("Bravo !" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Oui, il existe des homosexuels. Et alors ? Personne ne leur conteste cette liberté.

Oui, le concubinage hétérosexuel constitue une réalité sociale reconnue et, lorsqu'il y a des enfants, une forme de famille. Oui, bien sûr, tout le monde est d'accord pour combler si nécessaire telle ou telle lacune juridique, fiscale ou sociale.

En revanche, presque personne n'est d'accord pour consacrer, institutionnaliser le couple homosexuel. Vous avez beau expliquer que le Pacs est aussi fait pour les vieilles dames, il reste dans l'opinion une forme de mariage pour les homosexuels, dont le lobby a porté ce texte alors que, paradoxalement, ils risquent de peu l'utiliser de peur d'être fichés. Contre l'intérêt général, vous avez cédé à la pression d'un groupuscule.

Madame le Garde des Sceaux, je veux vous croire sincère lorsque vous nous dite que vous refusez l'accueil et l'adoption d'enfants par les couples homosexuels. Sincère, mais peu lucide.

M. Jacques Myard - Bravo !

M. Philippe Houillon - Voyez ce qu'a dit notre rapporteur lui-même. Regardez ce qui se passe en Suède ; l'engrenage est irréversible et c'est celui de la décadence.

Mme Nicole Bricq - Les Suédois vont apprécier !

M. Jacques Myard - Il est normal que les socialistes se reconnaissent dans la décadence !

M. Philippe Houillon - Et puis, quel mépris, par la majorité, des règles du jeu démocratique, un style à la Robespierre ! Contre le Règlement de l'Assemblée qui imposait un délai d'un an, on a redéposé immédiatement un texte identique à celui qui avait été rejeté ; et tout le monde a dû signer : chacun se débrouillera dans sa circonscription pour aller expliquer qu'il n'était pas vraiment d'accord, et que d'ailleurs s'il l'avait été, il serait venu voter la première fois. Tout cela n'est pas très digne, et pour quoi ?

Si le texte passe ("Il passera !" sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV), on pourra toujours saisir le Conseil constitutionnel. Au vu de ce qu'on peut lire en ce moment, je me félicite d'au moins une chose, c'est que son président, issu de votre majorité, semble avoir une vision plus naturelle de la question (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Louis Mexandeau - Triste sire !

M. Philippe Houillon - Je voterai évidemment contre ce texte, rejoignant le message qui été donné tout à l'heure par des milliers de jeunes à Paris (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

Mme Nicole Bricq - La société a profondément évolué. Le nombre de divorces a fait dans les dernières années un bond important parmi les couples jeunes, et de nombreux couples hétérosexuels choisissent un mode de vie commune hors mariage.

Par ailleurs, si la vie sociale connaît les couples homosexuels, le droit ne les reconnaît pas. Ils se trouvent ainsi, avec les familles monoparentales, ceux qui sont les plus fragilisés face aux aléas les plus graves de la vie. Ce n'est pas un hasard si les femmes interrogées sur le Pacs s'y déclarent massivement favorables (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

Et si Mme Bachelot n'a pas hésité à se singulariser au sein de son groupe, c'est qu'elle a compris qu'il s'agissait aujourd'hui de la même lutte que celle qu'elle mène pour la reconnaissance des droits des femmes.

Parmi les arguments utilisés par les opposants, certains sont fortement teintés d'un "ordre moral". On a vu à quels excès cette "révolution conservatrice" conduit la vie publique aux Etats-Unis. Ce sont de tels arguments que nous avons entendus à propos de la loi Neuwirth et de la loi Veil.

On nous dit aussi que le Pacs saperait la famille et le mariage. Mais si, comme je le crois, c'est l'enfant qui fait la famille, alors le texte donne toutes les garanties à ce sujet.

Dès le XIXème siècle, les conservateurs ont toujours accusé le camp progressiste de ne pas aimer la famille. Ce camp de progrès a toujours défendu la liberté des choix d'organisation de la vie privée.

Cette aspiration ancienne bouscule sans doute le confort intellectuel, bourgeois...

M. Jean Yves Besselat - Et la gauche caviar, où est-elle ?

Mme Nicole Bricq - Mme Boutin nous a abreuvés d'une revue de presse abondante. Sans doute n'a-t-elle pas lu l'article de la philosophe Sabine Prokis dans Le Monde du 3 novembre. Il est vrai que cela requérait un effort intellectuel ! (vVves protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Mme Prokhis rappelait une évidence : il n'y a pas de famille idéale, et elle avançait que la société invente sans cesse de nouvelles façons de vie sans que cela implique la disparition de tout ordre ! (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. le Président - Je vous prie de laisser l'oratrice poursuivre. Personne ici n'a été cité, que je sache, et vous n'avez donc pas à vous sentir visés !

Mme Nicole Bricq - Quant à l'argument honteux qui voudrait que les homosexuels seraient incapables d'aller vers l'autre, il y a beau temps qu'on en a fait justice. Nous savons tous que chaque homme porte en lui une part de féminité et chaque femme sa part de masculinité (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF).

Le raisonnement simpliste selon lequel la droite défendrait les familles tandis que la gauche serait l'avocate des homosexuels ne correspond pas plus à la réalité. Il est simplement dommage que les esprits les plus éclairés de l'opposition se soient laissé emporter par la partialité des extrêmes : dommage pour le débat, dommage aussi pour le Parlement, quand nous avons pour une fois l'occasion de parler de la vraie vie ! Quelle contradiction d'ailleurs, chez les tenants du libéralisme, que de refuser de reconnaître l'autonomie de la société ! Je les invite à relire Tocqueville si cela est plus facile pour eux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

Il n'y aurait pas lieu de légiférer, il était possible de faire autrement dit-on aussi. Mais c'est nier que la jurisprudence bloque la reconnaissance du couple homosexuel, qui n'a pas les droits des concubins -à moins que là ne soit précisément la raison de votre résistance ! Ce serait alors un nouveau type de croisade et de croisade honteuse, car elle n'avoue pas clairement son objectif.

Eh bien, nous revendiquons, nous, cette reconnaissance car elle participe du long combat pour la liberté, la laïcité et la fraternité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. le Président - Les interruptions, qu'elles viennent d'un bord ou de l'autre, sont extrêmement désagréables pour l'orateur. Je vous invite à respecter vos collègues et leurs arguments : chacun, en définitive, se prononcera en conscience à la fin du débat.

M. Jacques Kossowski - Ne nous y trompons pas : la novation essentielle qu'apporte ce pacte civil de solidarité est une nouvelle définition juridique du couple. Celui-ci pourrait désormais être composé de deux hommes ou de deux femmes. Les couples homosexuels et les couples hétérosexuels seraient ainsi mis sur le même pied, les premiers ne représentant qu'une forme de ce qu'on appellerait en langage politiquement correcte la nouvelle conjugalité. Je conteste formellement cette vision, qui nie la place du principe biologique de reproduction et de la relation naturelle homme-femme, dans la définition juridique du couple. Cette définition résulte de la vocation essentielle de l'Etat : assurer la pérennité de la société en viellant notamment au bon renouvellement des générations.

L'hétérosexualité n'intéresse pas l'Etat en tant que pratique sexuelle. Elle est reconnue du seul fait qu'elle est susceptible d'engendrer la vie, ce qui n'est à l'évidence pas le cas de l'homosexualité. D'après l'historien Michel Rouche, il n'existe aucune société humaine qui ait reconnu dans son droit le modèle de l'homosexualité -même la très permissive Rome impériale ne l'a pas fait !

Il n'est donc pas dans la logique des pouvoirs publics d'accorder un statut à deux êtres de sexe identique, fussent-ils liés par une relation d'amour ou d'amitié. Celle-ci ne relève pas du code civil, mais de la sphère privée.

Nous devons privilégier le modèle marital et son corollaire, la famille.

Et s'il y a lieu d'aider fiscalement, certes dans une moindre mesure que pour les personnes mariées, les couples hétérosexuels vivant en union libre et qui ont un ou plusieurs enfants à charge, il n'est pas besoin de Pacs pour le faire. L'objectif essentiel de l'Etat est en effet de tout mettre en oeuvre pour favoriser l'accueil et le respect de l'enfant.

Cela étant, des aménagements législatifs étaient possibles pour les homosexuels, afin de faciliter la transmission de leur patrimoine ou la continuation de leur bail. Nous pouvions parfaitement régler des situations humainement pénibles par des mesures simples.

Mais ce texte pose en filigrane une autre question éthique importante : celle du droit qui pourrait être reconnu aux homosexuels d'adopter un enfant ou de recourir à la procréation médicalement assistée. Quoi qu'on en dise, elle se posera forcément à partir du moment où deux personnes de sexe identique formeront juridiquement un couple. Revendiquant une stricte égalité de droits, certains en viendront à terme à exiger la possibilité d'accéder au mariage. C'est bien ce risque de dérapage qui a amené quelque 750 maires socialistes ou apparentés à signer une pétition en faveur du mariage républicain.

D'ailleurs, de nombreux partisans du Pacs ne dissimulent pas leurs intentions : Mme Tasca déclarait le 28 mai que le Pacs "n'ouvrira pas le droit à l'adoption", mais qu'"il faudra qu'un jour on en vienne à parler de l'adoption homosexuelle. Nous préférons, dans un premier temps, ne pas essayer de soulever cette montagne, si nous voulons faire passer ce texte au plus vite", ajoutait-elle. Notre collègue Jean-Pierre Michel ne cesse de défendre un point de vue identique. La stratégie est donc claire même si, mardi dernier, Mme Guigou a tenu à affirmer qu'un "couple homosexuel n'a pas de droit à avoir un enfant en-dehors de la procréation naturelle". Ce raisonnement ne tiendra pas longtemps. En effet, comment refuserez-vous aux "couples" homosexuels masculins le droit d'avoir des enfants alors que vous le reconnaissez de facto aux "couples féminins" pouvant procréer avec l'aide d'un tiers ? Cette discrimination sexuelle fragilise votre position.

Le Pacs est donc bien une première étape vers un droit à la filiation pour tous les homosexuels. L'éducation des enfants concernés en souffrirait immanquablement : de nombreux spécialistes sont formels à cet égard. Ainsi, d'après le philosophe Luc Ferry, "les enfants ont besoin, très tôt dans leur vie, de ces deux grands repères que sont le masculin et le féminin" et pour le professeur de psychiatrie Serge Lebovici "la situation oedipienne reste un modèle essentiel au processus d'élaboration de l'individu".

En ce qui me concerne, je crois nécessaire qu'un enfant apprenne à être confronté à l'autre sexe pour se forger une identité et devenir un sujet. Il est donc essentiel de conserver, au sein d'une famille, les deux piliers ancestraux de l'humanité que sont la féminité et la masculinité. Dire cela n'est en rien "homophobe".

A une époque où la société devient fragile et s'atomise, où les actes de délinquance juvénile se multiplient, la famille était encore un point d'ancrage. Cette cellule de base, vous allez la "désacraliser" au nom d'une idéologie. Vous allez aussi rompre le plus sûr élément d'équilibre de la société française : la distinction de l'ordre public et de l'ordre privé.

Comme le faisait remarquer le professeur Jean Hauser, vous avez cédé "à des groupes de pressions qui n'ont ni la compétence ni la largeur de vues nécessaires pour fabriquer des lois dans des domaines compliqués", ce qu'il qualifiait d'amateurisme. C'est une grave faute politique, dont vous porterez la responsabilité devant l'histoire de notre civilisation et de notre nation (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Charles de Courson - Aux arguments philosophiques, éthiques et sociaux, qui conduisent à rejeter le Pacs, je voudrais ajouter un ensemble d'arguments d'ordre financier.

En premier lieu, ce pacte est injuste en ce qu'il profitera surtout aux riches. En effet, comme le note le rapporteur, il ne profitera pas, en matière d'impôt sur le revenu, d'impôt sur les successions et d'impôt de solidarité sur la fortune, aux gens modestes. Ainsi, un couple de "pacsistes" sans enfant dont l'un a 200 000 F de revenus et l'autre n'a aucun revenu verra le montant de son impôt sur le revenu réduit de 23 000 F, soit de 43 %, alors que deux "pacsistes" qui gagnent le SMIC subiront une augmentation de l'ordre de 2 400 F, soit de 130 %.

N'est-il pas paradoxal qu'une majorité de gauche propose un tel texte ?

En second lieu, le Pacs encourage la fraude fiscale. C'est en effet un contrat à géométrie variable. On peut distinguer un Pacs a minima, réduit à une aide mutuelle et matérielle, et une solidarité à l'égard des dettes contractées pour les besoins de la vie courante, et un Pacs a maxima qui peut être un quasi-mariage -il suffira d'inscrire dans le contrat toutes les obligations de celui-ci : fidélité, communauté de vie...

Or la proposition de loi accorde les mêmes avantages financiers à tous les "pacsistes", quel que soit le contenu de leur Pacs. Il les incitera donc à conclure des Pacs a minima, ce qui rendra quasiment impossible le contrôle des services fiscaux. Prenons un exemple. Un jeune député célibataire qui conclurait un Pacs a minima avec une étudiante sans revenus...

Un député socialiste - Fais pas ça, Amédée !

M. Charles de Courson - ...dans le seul but de partager moitié-moitié l'économie d'impôt, réduira son impôt sur le revenu de 24 000 F, soit de 40 %. Soit la différence entre l'imposition d'un député célibataire -60 000 F- et celle d'un député "pacsiste", dont la copacsiste est démunie de revenus -36 000 F.

Plus grave : le Pacs se substituera partiellement au mariage. En effet, les avantages en matière d'impôt sur le revenus en sont identiques à ceux du mariage et ceux en matière de succession très proches pour des successions petites et moyennes, alors que les devoirs peuvent être réduits à leur plus simple expression.

Le test grandeur nature a été réalisé : lorsque, à la fin de 1995, l'égalité fiscale entre les couples concubins et les couples mariés a été rétablie à mon initiative, le nombre de mariages s'est redressé, passant de 256 000 en 1995 à 280 000 en 1996, puis à 284 000 en 1997. Les quatre cinquièmes de ces 30 000 mariages supplémentaires s'accompagnaient de légitimation d'enfants (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Selon le 27ème rapport sur la démographie de la France, c'est le changement de législation fiscale qui explique cette hausse (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) -c'est Mme Aubry qui le dit. Ainsi, les avantages donnés aux pacsistes seront disproportionnés par rapport aux engagements qu'on leur demande.

Ensuite, le coût du Pacs sera bien plus important que l'on pourrait le croire, et contribuera à la dégradation des finances publiques. Le coût des deux avantages fiscaux principaux dont bénéficieront les pacsistes est évalué entre 6 et 7 milliards par la présidente de la commission des lois. En fait, cela dépendra de la proportion de couples non mariés qui auront recours à un Pacs, et le coût peut varier de 3 à 9 milliards. Mais il sera multiplié par trois lorsqu'on étendra, ce qui est inéluctable, le bénéfice des pensions de réversion à tous les copacsistes. On demandera alors 18 milliards aux régimes de retraite dont l'avenir est si incertain. Vous prenez là une énorme responsabilité.

Enfin, qui paiera le Pacs ? Il faudra majorer les impôts, car vous n'aurez pas le courage de réduire les dépenses publiques à due concurrence, et vous ne pourrez pas majorer les déficits publics. Ceux qui paieront, ce seront donc les autres, les couples mariés et les vrais célibataires -mais à partir de 2002-2003 : ce seront donc vos successeurs qui assumeront les conséquences de vos actes.

M. Jacques Myard - Toujours pareil avec la gauche !

M. Charles de Courson - Parce que le Pacs profitera aux riches et se substituera partiellement au mariage, tout en étant facteur de fraudes ; parce que le Pacs contribuera à la dégradation des finances publiques et sera supporté par les couples mariés et les vrais célibataires ; il faut voter contre le Pacs ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

M. Jean-Pierre Blazy - Ce matin, M. Lenoir a prétendu longuement, trop longuement, que les socialistes n'avaient pas pris d'engagement public sur le Pacs avant les élections. C'est inexact : nous avons voté ce principe en juin 1996, au cours de la convention nationale sur "les acteurs de la démocratie" (M. François Rochebloine proteste). C'est à la page 30 du compte rendu (Vives exclamations sur les bancs du groupe du RPR).

M. Robert Lamy - Personne ne l'a lu.

M. le Président - Je vous en prie, écoutez l'orateur dans le silence.

M. Jean-Pierre Blazy - Cet engagement, nous allons aujourd'hui le tenir.

M. Patrick Ollier - Hélas !

M. Jean-Pierre Blazy - Qu'on le déplore ou non, il existe aujourd'hui deux sortes de couples : les couples mariés et les couples hors mariage, qui sont deux millions et concernent avec les enfants, cinq millions de personnes. Certains vivent cette situation précaire de manière douloureuse, notamment les couples homosexuels. Dans de nombreux cas, la tragédie du sida a mis en évidence la vulnérabilité du partenaire survivant.

Ceux qui condamnent le Pacs redoutent que l'on institue un cadre légal pour le concubinage homosexuel, et ils continuent de partager un préjugé d'essence religieuse (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR). C'était l'argument qu'avançait Jean Foyer en 1982 lors du débat sur la dépénalisation de l'homosexualité. Quant à Mme Boutin, au chapitre 6 de son livre passionnel, elle affirme qu'avec le Pacs, c'est la civilisation européenne qui est menacée -propos à peine moins outrancier que ceux d'un Jean-Marie Le Pen en 1984 (Vives protestations sur les bancs du groupe DL et du groupe du RPR). Certains d'entre vous se font les porte-parole d'un courant intolérant de l'Eglise, mais ils n'ont pas le monopole du couple et de la famille.

J'ai relu le compte rendu des débats sur l'IVG en 1975 : vos prédécesseurs étaient à peu près aussi nuancés. Hector Rolland parlait de "génocide" et de "Saint Barthélémy". M. Médecin dénonçait "le meurtre" et "l'arrêt de mort", et Michel Debré était à peine moins résolu. Quant à notre collègue Loïc Bouvard, il s'exclamait : "C'est la famille que nous sommes en train de miner !". Bref, ce sont les mêmes arguments, les mêmes fantasmes.

M. Arthur Dehaine - Et vous faites les mêmes erreurs.

M. Jean-Pierre Blazy - L'IVG n'a remis en cause ni la famille ni la société.

Des millions de citoyens désirent avant tout bâtir en commun un projet de vie. Ne pensez-vous pas que notre devoir est de faire la loi sans fermer les yeux sur les attentes d'une société laïque respectueuse des libertés individuelles ? Ce n'est pas à nous d'imposer une règle morale ou philosophique, déclarait Bernard Pons en 1974.

La reconnaissance d'une réalité quotidienne désormais banale est indispensable, et le PACS sera un progrès social, apportant la stabilité juridique nécessaire à un engagement durable entre deux personnes. Cette avancée repose sur la solidarité, le respect de la liberté personnelle et la neutralité de l'Etat à l'égard de la nature des relations sexuelles.

Le Pacs n'est pas un mariage, il ne change pas la situation juridique des personnes en ce qui concerne des points essentiels tels que la procréation médicalement assistée ou l'adoption. Quant à la famille, qui relève d'un tout autre débat, la Garde des Sceaux a confié à Mme Dekeuweer-Defossez, expert en droit familial le soin de lui faire des propositions pour juillet 1999.

On le voit bien, ce type de dispositif juridique concerne tout le monde. Il est indispensable que le Pacs ait une large portée, conformément à la tradition républicaine qui refuse d'appréhender l'individu à travers une communauté. Il est donc exclu de se doter d'une législation spécifique, comme dans certains pays scandinaves, pour l'enregistrement des couples homosexuels.

Dans une société qui exclut trop encore, où le lien social se délite, où la famille éclate, où ce qui nous est étranger est souvent méprisé, il m'apparaît indispensable que les législateurs favorisent l'essentiel : la liberté pour l'individu d'assumer ses choix de vie, et notamment de vie amoureuse. Notre société y aspire. Un Etat démocratique, laïque et républicain doit pourvoir y répondre.

M. Marc Laffineur - Ce texte est inopportun, inutile, inéquitable, dangereux. L'union libre ne soulève pas de difficulté qui ne puisse être réglée par un acte notarié et par quelques modifications fiscales.

Vous nous proposez un ersatz de mariage homosexuel que vous avez essayé de travestir. Vivre en concubinage est un choix personnel que je respecte. Mais ce choix a un prix, et il n'est pas raisonnable de vouloir donner les mêmes avantages qu'aux couples mariés alors que les engagements sont différents, tout comme les devoirs envers les enfants et le partenaire. Le Pacs peut être en effet résilié du jour au lendemain par simple déclaration.

Ce texte est, enfin, dangereux, d'abord parce que vous voulez monter les Français les uns contre les autres, mais surtout parce qu'il va entraîner des fraudes fiscales et des "Pacs blancs" pour le droit de séjour.

Mais ce qui me fait le plus peur, c'est que vous n'échapperez pas à l'adoption, quoi que vous en disiez -le rapporteur a levé un coin du voile ! Pour toutes ces raisons, je voterai moi aussi contre ces propositions (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

Mme Yvette Benayoun-Nakache - Nous voici enfin arrivés au vrai débat, après l'accident de procédure qui, contrairement aux fausses espérances de certains, nous fait revenir plus forts d'avoir eu, depuis ce fameux vendredi, un vrai échange dans nos circonscriptions : que l'opposition en soit remerciée... (Sourires)

Celles et ceux qui ont un peu de mémoire se souviennent des débats sur le droit de vote des femmes, l'avortement ou la peine de mort. Tout ce qui touche aux moeurs, aux valeurs, à une certaine vision du monde et de l'homme suscite maintes polémiques : lorsque, comme disait Gramsci, "le vieux meurt et le neuf hésite à naître", les différentes conceptions du monde en présence ne peuvent que s'affronter.

Le Pacs n'échappe pas à la règle, et le débat est très révélateur. Le réduire à sa portée sexuelle est évidemment aberrant, et il n'y est question, en outre, ni d'adoption, ni de mariage, ni de rien qui touche à l'ordre symbolique des représentations sexuelles. L'objectif est tout autre, et part du constat que cinq millions de personnes vivent sous le même toit sans la garantie juridique élémentaire à laquelle elles ont droit, tant en matière de logement que de sécurité sociale ou de droits de succession.

Que certains se fassent les gardiens des valeurs qui sont les leurs est naturel et même sain : en affirmant leur opposition, ils contribuent au débat démocratique, c'est-à-dire contradictoire. Je crois en revanche que leur point de vue est faussé par une vision dépassée. Crier à la fin du mariage et de la famille, ou à la décadence homosexuelle ne fait que tromper la population sur les vrais enjeux du débat.

Je soutiens de toutes mes forces cet extraordinaire projet de loi...

Plusieurs députés RPR - Proposition !

Mme Yvette Benayoun-Nakache - Quant à vous, mesdames et messieurs de la droite, si vous nous avez fait "épingler" par toutes celles et ceux qui attendent le Pacs, cela aura au moins eu le mérite de stimuler la force citoyenne qui nous pousse, celle des femmes et des femmes qui font évoluer la société et ses lois et qui vont vous juger ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - C'est l'honneur d'un parlementaire que de voter selon sa conscience, et c'est l'honneur d'un groupe parlementaire que d'accepter les différences en son sein. Seule, au groupe RPR, à m'apprêter à voter pour le Pacs, je veux dire ma fierté d'y appartenir (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR) et remercier Philippe Séguin et Jean-Louis Debré de m'avoir laissé m'exprimer en toute liberté. Je ne sais s'il est beaucoup de formations qui en auraient fait autant (Mêmes mouvements).

Oui, il est utile qu'existe dans notre droit une structure de compagnonnage, entraînant une solidarité globale entre deux personnes qui ont choisi de vivre ensemble. Eclatement et rétrécissement des familles, affaiblissement des solidarités de voisinage, refus du mariage par certains jeunes parents, désir d'homosexuels d'inscrire leur relation dans un cadre stable, qui d'entre nous ne connaît de telles situations et repéré ce besoin d'un cadre protecteur que ressentent deux personnes qui vivent ensemble ? C'est le sens de la réflexion que j'ai menée ces dernières années et du cadre normatif que je souhaite voir revêtir à ce nouveau statut.

Le contrat doit être clairement distinct du mariage. Il est d'ailleurs paradoxal d'entendre certains craindre qu'il soit une parodie de mariage et déplorer ensuite qu'il ne comporte pas les mêmes contraintes.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles - Très juste !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Le mariage est à respecter et à protéger dans sa dimension symbolique unique. Il est, je le réaffirme avec force, la structure la mieux adaptée à l'accueil des enfants, car il inscrit le couple parental dans la durée et établit la filiation, non seulement avec le père et la mère, mais aussi avec la famille de l'un et de l'autre.

M. François Goulard - Très bien !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Le moindre mérite de notre débat n'aura pas été de nous faire réfléchir sur le sens du mariage républicain, qui ne saurait se résumer à la procréation, ni même à faire de l'individu un sujet de droit dans un couple, puisque nous n'utilisons plus nos enfants - et c'est heureux - comme objet de troc ou objet de pouvoir quand ils se marient. Nous serions plus sereins pour discuter si nous n'avions pas, collectivement, laissé le mariage républicain perdre sa substance.

M. Alain Néri - Très bien !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Il nous faut, comme le proposait Georges Duby, retrouver dans le mariage l'image de notre perfection.

La nouvelle structure qui va être créée n'est pas, en tant que telle, un lieu d'accueil de l'enfant. Il est, une nouvelle fois, paradoxal d'entendre dénoncer une éventuelle dérive ultérieure vers le droit à l'adoption ou à la PMA et regretter que le statut de l'enfant ne soit pas évoqué. Pourquoi le serait-il ? Les enfants qui naîtront de parents compagnons -entre eux ou avec d'autres- auront les droits inaliénables qui leur sont reconnus comme à tout enfant, qu'il soit né de parents mariés ou non ("Très bien !" sur les bancs du groupe socialiste), et que les parents qui les auront conçus auront à leur égard les mêmes devoirs, ni moins ni plus.

Pour autant, ce statut du compagnonnage ne peut être, comme je l'entends avancer parfois, la simple addition de mesures éparses, mais refléter une solidarité globale. On peut partager un appartement avec un mai ou souhaiter faire hériter un proche sans prendre un engagement d'entraide vis-à-vis de lui. Une autre question se pose alors : est-il légitime de donner aux contractants des droits fiscaux, sociaux et successoraux qui seraient le corollaire de services rendus à la société ? Oui, car l'engagement d'entraide supplée ou complète, pendant la durée du pacte, les dispositifs sophistiqués de notre protection sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

Le texte qui nous est proposé est certes perfectible, il mérite d'être éclairé, approfondi et prolongé, mais il correspond aux critères que j'avais, pour ma part, définis : une entité nouvelle de solidarité large, nettement différente du mariage et ne constituant pas une structure d'accueil de l'enfant.

Enfin, et pour lever toute ambiguïté, je réponds à la question : le pacte de solidarité a-t-il pour origine une revendication des associations homosexuelles ? Oui, bien sûr, mais qui, mieux que des homosexuels, pouvaient, à partir de leur propre expérience de solitude, de rejet, de mépris, faire le diagnostic des difficultés qui rongent notre société ? ("Très bien !" sur les bancs du groupe socialiste)

M. Yann Galut - Quel courage !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Ils ne veulent, elles ne veulent ni du dégoût des saintes nitouches ni de la commisération des dames patronnesses.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois - Très bien !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Ce fut l'honneur de ces associations que de refuser les solutions communautaristes, forcément stigmatisantes, pour bâtir un projet où chacune et chacun d'entre nous peut se retrouver à un moment ou à un autre de sa vie, car nous ne reconnaissons ici qu'une seule communauté : la République (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; M. Goulard applaudit également).

Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, ministre de la Justice - Bravo !

M. Philippe Séguin - Très bien !

M. le Président - Il n'est pas dans la tradition de la Présidence de sortir de sa neutralité, mais je me réjouis d'être aujourd'hui à la place où je suis (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Christophe Caresche - Je suis heureux d'intervenir après Mme Bachelot, dont le discours montre qu'un débat sérieux et serein est possible, et je salue sa prise de position courageuse qui fait honneur à notre Assemblée.

Je voudrais revenir sur la question de la reconnaissance de l'homosexualité. On ne peut nier que le Pacs marque une avancée symbolique sur ce point : s'il ne le faisait pas, pourquoi cette proposition soulèverait-elle tant de passion ? Il est né, au demeurant, d'une revendication de la communauté homosexuelle. S'agit-il, de sa part, d'une volonté de se différencier, ou d'être mieux comprise et acceptée par la société française ? L'évolution récente des homosexuels et des mouvements qui les représentent plaide, me semble-t-il, pour la seconde interprétation, et il suffit de lire l'article publié cet été par Dominique Fernandez dans Le Monde pour comprendre qu'on est à mille lieues du discours sur le désordre amoureux et social qui prévaut sur certains bancs. Sans doute les homosexuels ne se seraient-ils pas mobilisés de la même façon il y a vingt ans : leur évolution est liée, certes, aux épreuves qu'ils ont connues, mais aussi à un mouvement qui vaut pour l'ensemble des communautés, désireuses de vivre leur particularisme en harmonie et non en contradiction avec la communauté nationale. Fallait-il rejeter leur revendication au risque d'affaiblir le modèle républicain d'intégration en les incitant au repli communautariste ?

Certains nous disent : vous auriez pu procéder autrement. Non, justement ! Cela aurait été refuser d'assumer la dimension symbolique de la réforme. Nous le faisons dans un cadre universel incluant les hétérosexuels comme les homosexuels. Nous le faisons en respectant la famille et les liens essentiels unissant l'enfant et ses parents. Loin de déstructurer la société, le Pacs renforcera donc sa cohésion (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

M. Jacques Myard - Madame le ministre, vos laborieuses et vaines explications pour faire croire que ce projet constituait une avancée sociale n'ont convaincu personne et ne vous ont sans doute pas convaincue vous-même. Vous auriez d'ailleurs sans doute pu dire, comme Edouard Herriot, "il faut bien que je les suive puisque je suis leur chef".

L'objectif de votre projet a été avoué avec franchise par M. Michel : c'est la reconnaissance par la société de l'union des homosexuels. C'est cela que nous combattons.

Bien sûr, chacun est libre de ses choix sexuels qui relèvent de la vie privée et d'elle seule. Que la société reconnaisse ces pratiques, c'est toutefois prendre un risque très grave : celui de l'immixtion de l'Etat dans la sphère privée.

La différence des sexes et celle des générations constituent les fondements anthropologiques de notre société. Tous les ethnologues, tous les anthropologues admettent le rôle social fondamental de la famille que Claude Lévi-Strauss a défini dans un article célèbre comme l'union plus ou moins durable et socialement approuvée d'un homme et d'une femme en vue de la procréation et de l'éducation des enfants.

Le mariage est en effet une institution qui ne concerne pas que le couple. Il assure surtout la protection des enfants. La famille est irremplaçable. Elle contribue au lien social et constitue l'entité stable grâce à laquelle la nation peut perdurer. Les avantages liés au mariage sont la contrepartie des services rendus à la société par la famille.

Le Pacs participe d'une autre logique, qui consiste à retirer le maximum de droits sans être soumis à l'obligation de la solidarité sociale. Comme le dit Evelyne Sullerot, il s'agit de s'unir pour le meilleur et sans le pire et les socialistes de surcroît.

Le Pacs est la manifestation extrême de cette société que l'on qualifie de post-moderne et qui repose sur le primat de l'individu, au détriment du plus faible et de la collectivité toute entière.

La société se construit sur l'altérité immuable de la nature. Les relations entre deux êtres ne justifient pas tout et ne sont pas en elles-mêmes sujets de droit. L'Etat n'a pas à reconnaître les liens affectifs de deux individus. Il doit même s'en désintéresser.

Le Pacs est le produit du discours pseudo-libérateur de l'individu contre la société. Il est poussé en avant par une génération révolue, celle de 1968 qui, après avoir revendiqué une sexualité libérée, réclame aujourd'hui une sexualité subventionnée (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). La jeunesse aspire à davantage de repères que vous ne lui en donnez. Elle attend du législateur des choix clairs pour son avenir et non ce message de désenchantement qui traduit la défaite de la pensée.

Le Pacs porte un coup bas à la famille et manifeste une rare confusion mentale. Madame le ministre, vous lisez, je crois, un livre intitulé Avec le temps, eh bien, prenez un peu de temps et retirez votre projet, sinon vous rentrerez dans l'histoire comme le ministre de l'anti-social et de l'anti-justice (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Yann Galut - Il me faut dire, tout d'abord, l'émotion que j'éprouve, jeune parlementaire, après la leçon que vient de nous donner une de nos collègues. Il y a eu dans ce débat beaucoup de caricatures et d'interventions politiciennes. Vous venez, Madame Bachelot, de nous donner une leçon de démocratie...

M. Patrick Devedjian - Inspirez-vous en au PS !

M. Yann Galut - ...et d'écrire une belle page de l'histoire de notre Parlement. Je vous en remercie. Intervention après intervention, la droite ne nous donne qu'une raison de refuser ce projet : le Pacs serait un mariage pour les homosexuels ("Eh oui !" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Le Pacs n'étant plus conclu à la mairie, vous avez perdu l'un de vos arguments principaux. Alors vous nous parlez de choses qui ne sont pas dans le Pacs parce que vous n'avez pas lu ce projet (Vives protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Où avez-vous vu qu'il est question d'adoption ou de procréation médicalement assistée dans ce texte ? Vous êtes en plein fantasme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme la Garde des Sceaux vous l'a pourtant dit : dans notre société, il n'y a pas de droit à l'enfant, il n'y a qu'un droit de l'enfant. Pourquoi alors êtes-vous opposés au Pacs ? C'est parce que vous êtes contre le pacte qui pourrait lier des homosexuels ("Tout à fait" et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DL). Madame Boutin, vous le dites très bien, et l'on peut vous reconnaître pour cela un certain courage politique : vous êtes homophobe (Protestations et rires sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Patrick Ollier - Et vous, ridicule.

M. Yann Galut - Nous ne pensons pas que l'homosexualité soit une tare congénitale. Vous avez un discours moralisateur et l'on a bien vu cet après-midi encore comment vous traitez ces concitoyens.

M. Jacques Myard - Nous, justement, nous ne les traitons pas.

M. le Président - Monsieur Myard, vous vous êtes exprimé dans un silence relatif. Je souhaiterais qu'il en soit de même pour M. Galut (Protestations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR - "il nous insulte").

M. Yann Galut - Je m'inquiète de cette dérive moralisatrice. Les valeurs religieuses, pour respectables qu'elles soient, ne peuvent organiser notre société. Depuis 1905, elles ne sont que d'ordre privé et il est heureux qu'il en soit ainsi.

Le Pacs est un nouvel acte juridique pour permettre à deux personnes d'organiser leur vie commune indépendamment de leur sexe. Ce projet n'aurait pas vu le jour sans la détermination de quelques militants et élus. Il faut en particulier rendre hommage à notre collègue sénateur Jean-Luc Mélenchon qui a déposé le premier, une proposition de loi en ce sens en 1990 (Exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR). Et comme l'a rappelé mon collègue Blazy, ce projet est dans notre programme depuis 1996.

Ce projet est bon mais il faut le renforcer. Il faut notamment accorder un titre de séjour à un étranger partenaire d'un Français. Il faut en outre rester dans les limites de la proposition initiale et ne pas ouvrir le Pacs aux fratries. Leurs difficultés peuvent être réelles, nous devrons les régler dans le cadre de la réforme du droit de la famille que vous nous proposerez dans quelques mois, Madame la ministre. Mais ouvrir le Pacs aux fratries risque de brouiller notre message (Exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

Ce projet est fondamental. Il crée de nouvelles solidarités. Il est la première reconnaissance du couple homosexuel et il participe au progrès social. Ce projet renforce donc la République et c'est pour cela que je suis fier de le défendre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Eric Doligé - Je voudrais, tout d'abord, dire au rapporteur Jean-Pierre Michel et à ses collègues, qui en appellent régulièrement à la tolérance, que ceux qui expriment sur le terrain leur attachement au mariage sont régulièrement agressés.

M. Yann Galut distribuant les bons points à la tribune donne un exemple frappant. Est-ce de la tolérance quand le président du collectif pour le CUCS demande la tête d'une journaliste du Monde qui a fait référence dans un de ses articles aux signatures des maires contre le Pacs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)

Quand elle écrit, à propos de la mobilisation des familles opposées au Pacs, que les mêmes conduisent les enfants à la mort sous prétexte d'éducation virile, Mme Tasca est-elle tolérante ?

Une fois de plus nous découvrons que l'intolérance est de votre côté (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR). Pour être moderne, il faudrait penser comme vous ! Le déroulement des débats a d'ailleurs montré que vous refusiez la contradiction.

Votre projet doit, selon vous, définir un nouveau modèle de société pour le XXIème siècle. Après les enfants nés hors mariage de la génération Mitterrand (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), vous nous proposez pour l'avenir les enfants ayant soit deux mères soit deux pères : la génération Jospin ! (Mêmes mouvements)

Vous voulez faire croire que votre proposition n'est pas un sous-mariage homosexuel et qu'elle s'adresse à tous. Vous voudriez faire croire à l'opinion que le Parlement a à se prononcer sur un projet asexué alors que vous cherchez à faire passer en force un projet porté par la minorité d'une minorité !

Soucieux de l'intérêt général, nous entendons exposer aux Français les vrais enjeux du débat. Faut-il oui ou non légitimer l'homosexualité comme modèle social ? Faut-il ranger l'intérêt de l'enfant au rang des accessoires ? Ma réponse est non. Reconnaître qu'un couple se compose d'un homme et d'une femme n'implique aucune discrimination envers quiconque. Mais le législateur n'a pas à inscrire dans la loi la confusion des relations et des sexes. Quel intérêt a-t-il à affaiblir la relation entre homme et femme, origine de la société et de son renouvellement ? Peut-on imaginer une société composée de couples d'hommes et de couples de femmes ? Qu'on m'explique alors comment seront conçus les enfants ! (Rires et interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Poursuivez, Monsieur Doligé. La réponse à cette question vous sera donnée ultérieurement (Sourires).

M. Eric Doligé - Mais je l'ai, cette réponse : ce sera la procréation médicalement assistée. Qu'on me dise alors comment ces enfants pourront s'épanouir, et quel sera l'avenir de ces enfants de deux pères ou de deux mères.

Vous justifiez le texte, Monsieur le rapporteur, par la nécessité de prendre en compte un fait de société. Pourquoi ne pas alors encadrer juridiquement d'autres faits de société, comme la polygamie officielle ou officieuse ? Une femme qui a un mari et un amant n'a-t-elle pas droit à quelques avantages fiscaux ? Cet exemple montre par l'absurde où conduit l'idée de M. le rapporteur selon laquelle il faut adapter le droit au fait.

Je ne me reconnais pas dans votre vision de la société. Comme l'écrit un auteur homosexuel sous le pseudonyme de Sébastien, dans son livre Ne deviens pas gay, tu finiras triste : "L'homosexualité est un fait, qui n'est pas à combattre, mais sa propagation et sa publicité le sont". Depuis quelques jours la majorité adopte un profil bas, et tente de camoufler les déclarations malheureuses mais sincères du rapporteur sur l'adoption et la procréation médicalement assistée pour les couples homosexuels.

Je garde cependant un faible espoir, Madame le Garde des Sceaux, que vous prendrez en compte certains amendements limitant ces risques. Sur leur sort nous jugerons de votre bonne ou de votre mauvaise foi. Je n'ose pas croire que vous voulez réellement nous faire vivre dans une telle société. J'espère que vous prendrez conscience que vous mettez en cause l'avenir de vos enfants. Ressaisissez-vous ! Demain il sera trop tard (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Alain Vidalies - Les Français se sentent concernés par ce débat car, au-delà des bénéficiaires futurs du Pacs, il y a leurs familles, qui sont attentives au statut de leurs proches et souhaitent qu'ils puissent connaître plus de sécurité et de solidarité.

Si nous n'y prenons garde, écrit Irène Théry, nous resterons pris dans l'opposition anachronique entre défenseurs de la famille et défenseurs de l'individu. Or la vraie question est de savoir si entre l'individu et la famille, il faut reconnaître une existence juridique au couple. Nous le pensons, et c'est l'objet de notre proposition. Fidèle à la posture dénoncée par Irène Théry, la droite s'arqueboute sur la défense de la famille pour diaboliser un texte dont l'unique objet est de créer de la solidarité entre des individus qui vivent en couple et que la loi ignore. Il ne s'agit pas de proposer un modèle mais de répondre à une attente.

Qui peut se sentir agressé par une proposition qui tend à créer un lien social, à affirmer une solidarité, à stabiliser un lien affectif ? Nul ne sera obligé de signer un Pacs, ceux qui refusent tout engagement pourront continuer à vivre en union libre. Ceux qui choisiront de fonder une famille choisiront comme aujourd'hui le mariage. Mais avec le Pacs, plusieurs millions de nos concitoyens qui vivent aujourd'hui en couple disposeront d'un cadre juridique nouveau.

Ce texte ne traite pas de la question de la filiation, tout simplement parce que les difficultés qu'il aurait pu soulever ont été réglées depuis longtemps par le statut de l'enfant naturel. Il est paradoxal que ceux qui ont avec nous contribué à élaborer ce statut et à l'aligner sur celui de l'enfant légitime, réaniment un débat qui semblait dépassé dans un large consensus républicain.

Plus étonnant encore est l'argument dit de la répudiation. C'est la fin du concubinage qui est aujourd'hui une zone de non-droit, sans responsabilité ni solidarité. Demain, les partenaires d'un Pacs pourront régler le sort des biens par convention particulière. A défaut, ils seront soumis par la loi au régime légal de l'indivision. La rupture résultera d'un acte de volonté, mais ses conséquences pourront être arbitrées par le juge, voire sanctionnés sur le fondement de la faute prévue à l'article 1382 du code civil. C'est aujourd'hui qu'il existe des répudiations, mais elles concernent la rupture du concubinage que vous voulez voir subsister.

En dehors de cet argument, et d'une polémique sur la filiation parfaitement étrangère au texte, vous devez admettre votre accord de principe sur les droits et les devoirs ouverts par le Pacs. Mais vous ne voulez pas d'un statut prévu par le code civil. Vous préféreriez l'hypocrisie de droits éparpillés dans la législation sociale et fiscale, ou la discrétion d'une convention de droit privé. Chacun a le droit de choisir librement son mode de vie pour autant qu'il n'attente pas à la liberté d'autrui, rappelait opportunément M. Mattei le 7 octobre. Qui pourra se sentir agressé parce que demain les quatre millions de Français qui vivent en couple auront un statut leur assurant plus de sécurité, plus de solidarité, une reconnaissance de leur engagement affectif ?

Les Français n'ont aucune intolérance face à l'union libre. Pourquoi faudrait-il que nos débats suscitent un affrontement, une division de la société, alors qu'il s'agit de reconnaissance, de solidarité et de respect du mode de vie de chacun ?

Nous avons choisi une réponse universaliste conforme aux principes de notre République. J'ai entendu avec stupeur certains nous accuser de ne pas avoir le courage d'une législation spécifique pour les homosexuels. Il convient de rendre hommage aux associations d'homosexuels qui ont porté cette revendication. Mais personne ne peut songer à un statut qui enfermerait l'individu dans l'étroitesse d'un état civil d'homosexuel. Un homme ou une femme ne se résume pas à sa sexualité ; la réponse communautariste n'est pas celle de notre modèle républicain.

Demain, notre législation permettra à chacun dans la liberté, de mieux vivre ses engagements affectifs, et à la société de bénéficier des effets de nouveaux liens de solidarité et de responsabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jacques Masdeu-Arus - Les dangers du Pacs sont innombrables. Tout d'abord, il attaque gravement l'institution du mariage et les bases traditionnelles de la famille. Il donnera des droits quasi équivalents à ceux du mariage civil, sans contrepartie, sans les devoirs. Ainsi les signataires jouiront d'avantages fiscaux sans vérification de vie commune, et d'un abattement de 250 000 francs en cas de succession contre 330 000 francs seulement pour un couple marié. Ils auront l'imposition commune, le transfert de bail en cas de décès ou de séparation, les mêmes droits que les gens mariés au regard du droit du travail, pour ce qui est des mutations ou des congés. Le coût de l'imposition commune est évalué à 6 ou 7 milliards ; en même temps vous prélevez 5 milliards sur les familles en abaissant le plafond du quotient familial.

Si les contractants d'un Pacs déclarent vivre ensemble, s'engagent à se soutenir moralement et matériellement et deviennent solidaires pour les dettes, les points communs avec le mariage s'arrêtent là. Ils ne sont pas tenus à la fidélité, ne se jurent pas secours et assistance, et le Pacs peut être rompu par la seule volonté de l'une des parties, sans intervention d'un juge, donc sans sécurité juridique.

Les principales associations familiales, les grands mouvements religieux de notre pays ont unanimement demandé le retrait du Pacs. Vous les avez ignorés, tout comme vous ignorez que la famille est la forme universelle de l'organisation humaine et que le mariage a pour fonction d'en assurer le renouvellement. Vous ignorez l'un des devoirs premiers de l'Etat, inscrit dans le Préambule de 1946 : favoriser la stabilité et la cohésion de la famille pour assurer la pérennité de la société. Le Pacs déstructurera celle-ci en accélérant sa fragmentation et en accroissant les phénomènes communautaires, contraires à l'intérêt général du corps social. Il aura aussi pour effet la modification anthropologique de l'union d'un homme et d'une femme : à l'union sérieuse et réfléchie du mariage, il substituera une union hédoniste régie par le caprice. En attaquant la famille, vous attaquez notre équilibre social et la sécurité même des citoyens.

Il aurait été plus sage de prévoir simplement dans la loi de finances des mesures spécifiques adaptées aux problèmes fiscaux des couples vivant en union libre, ou même de faciliter la signature devant notaire d'un pacte d'intérêt commun organisant une solidarité matérielle. C'est pourquoi le précédent gouvernement avait abandonné le contrat d'union sociale. Vous n'avez pas la même sagesse. Vous préférez soutenir un texte parcellaire et opaque, au lieu d'engager un débat national sur cette question qui divise les Français. La grande réforme de la famille que vous annoncez en aurait offert l'occasion.

Votre proposition est en outre un texte discriminatoire qui ne mérite pas le terme de solidarité qu'il affiche. En effet, l'impossibilité de conclure un Pacs entre membres d'une même famille prouve qu'il s'agit avant tout d'un "mariage bis" pour les homosexuels, non d'un instrument juridique destiné à faire naître une solidarité entre deux personnes. Certes, l'article 10 de votre nouvelle version donne aux fratries quelques avantages fiscaux mais de manière limitée, et sans les autoriser à conclure un Pacs. Il s'agit seulement d'un trompe-l'oeil destiné à faire croire que le Pacs ne se réduit pas à la consécration des unions homosexuelles.

Alors que la loi vise à défendre l'intérêt général, ce texte inscrit dans notre législation une discrimination positive contraire à tous nos principes juridiques. Il défend les intérêts d'une minorité, au risque de provoquer un déséquilibre de la société tout entière.

D'ailleurs, la majorité des homosexuels ne souhaitent que le respect de leur vie privée, sans reconnaissance officielle de la loi ; le Pacs répond imparfaitement à la demande et va bouleverser l'horizon de 5 millions de concubins hétérosexuels. Que se passera-t-il, en effet, pour ceux qui ne souhaiteront pas contracter de Pacs ? Seront-ils des "mauvais concubins" ?

Autre aspect du Pacs : il est une étape vers l'adoption d'enfants et la procréation médicalement assistée pour les couples homosexuels. Catherine Tasca n'a-t-elle pas déclaré : "Il faudra qu'un jour on en vienne à parler de l'adoption homosexuelle". Et Jean-Pierre Michel : "A partir du moment où le Pacs sera voté, je pense que l'Etat devra ouvrir l'adoption à ces couples-là".

M. le Président - Je vous prie de conclure.

M. Jacques Masdeu-Arus - La sociologue Irène Théry a pris conscience de ce danger puisqu'elle déclare : "Le Pacs, c'est la porte ouverte à l'adoption pour les homosexuels. On voit mal comment les concubins hétérosexuels "pacsés" se verraient refuser le droit d'adopter accordé aux gens mariés. Et s'ils l'obtiennent, les homosexuels "pacsés" le réclameront à leur tour : on ne va pas créer de discriminations".

Par ailleurs, le Pacs inscrit la répudiation et la loi du plus fort dans notre législation. Comme l'a souligné Philippe Malaurie, le Pacs n'est pas seulement un "sous-mariage", mais aussi un "sous-divorce". Ce professeur de droit écrit : "Vive la répudiation unilatérale ! Malheur aux faibles et aux aimants ! Le précédent coranique est connu : la résiliation unilatérale de l'union conjugale est une épée de Damoclès qui pèse surtout sur la femme, la réduisant à un état de subordination".

Enfin, le Pacs représente une nouvelle atteinte à la maîtrise des flux migratoires.

M. le Président - Je vous demande instamment de conclure !

M. Jacques Masdeu-Arus - Le Pacs va faciliter la régularisation de couples étrangers en situation irrégulière.

Je conclus ("Ah !" sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Vous direz sans doute qu'il faut adapter le droit à l'évolution des moeurs et des usages. Je crois au contraire que les règles juridiques ont pour fonction de préciser les limites à ne pas franchir, de fixer des repères et d'assurer la préservation de nos valeurs. Je ne cesserai jamais de défendre les valeurs morales et les intérêts des familles. C'est pourquoi, en mon âme et conscience, je voterai contre ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Gérard Lindeperg - Le débat qui nous occupe n'est pas un débat sur la famille puisque c'est la présence de l'enfant qui fonde l'existence de celle-ci. Foin des fantasmes ! Ce texte vise deux personnes qui font le choix d'un projet de vie commune. C'est donc le couple qui est concerné, le fait qu'il soit hétérosexuel ou homosexuel étant très secondaire.

L'idée selon laquelle l'extension de la notion juridique de couple détruirait le mariage ne tient pas, comme le montrent les mariages qui prolongent plusieurs années de concubinage. Mais force est de constater que le mariage a cessé d'être la norme : il est devenu un choix parmi d'autres. La loi n'est pas faite pour brider les libertés, mais pour leur permettre de s'épanouir.

M. Georges Hage - Bravo !

M. Gérard Lindeperg - A entendre certains discours, l'homosexualité serait une maladie qu'il faut soigner, une perversion qu'il convient de condamner, ou pour le moins un sujet à laisser dans l'ombre... Les homosexuels n'ont pas besoin de commisération ! Ils sont capables de trouver leur équilibre et leur bonheur par eux-mêmes sans avoir besoin de la compassion attristée de bonne âmes qui parlent davantage en dames patronnesses qu'en législateurs conséquents ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Le moment est venu de dire clairement que le couple ne peut plus être défini comme l'union exclusive de deux personnes de sexe opposé.

Il nous appartient, en tant que législateurs, de fixer les conditions dans lesquelles le couple doit être juridiquement reconnu, afin qu'un régime spécifique puisse être établi tant en termes de fiscalité, de succession ou de droit au bail. Tel n'est pas le cas aujourd'hui et la jurisprudence de la Cour de cassation montre que les homosexuels ne sont pas reconnus au même titre que les concubins.

Après avoir entendu certains de nos collègues, je ne peux m'empêcher de penser aux débats des années 60 sur la contraception et des années 70 sur l'interruption volontaire de grossesse.

M. Richard Cazenave - C'est nous qui avons fait ces lois !

M. Gérard Lindeperg - Je vous invite à relire les discours tenus par les orateurs de la droite bien pensante ; vous constaterez qu'ils ont été démentis par les faits. Non seulement la contraception n'a pas détruit la famille, mais elle a permis au couple de mieux s'épanouir et de créer les conditions d'un meilleur accueil des enfants.

M. Jacques Myard - Hors sujet !

M. Gérard Lindeperg - Quant à l'IVG, ultime recours, elle a permis de lutter contre le fléau de l'avortement clandestin (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

Parmi les contempteurs du Pacs, le primat des Gaules n'a pas hésité à nous reprocher de vouloir "légaliser" l'homosexualité. C'est un lapsus sans doute, mais révélateur d'une volonté d'assimiler à un délit un choix de vie qui, faut-il le rappeler, n'a rien d'illégal dans notre pays depuis que la législation discriminatoire réintroduite par Vichy a été abolie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

De même, ce n'est pas sans malaise que j'ai lu les déclarations de Guy Teissier, membre de Démocratie Libérale, jugeant que le Pacs "a été inventé par un député gay pour satisfaire les revendications du lobby homosexuel et honorer une promesse électorale prise devant la communauté gay".

M. Jacques Myard - C'est la vérité !

M. Gérard Lindeperg - S'agissant du terme "communauté", un homme d'église, l'abbé Sieyes, avait parfaitement exprimé les idéaux défendus par les révolutionnaires de 1789 en déclarant : "Les juifs ne sont rien en tant que communauté, ils sont tout en tant que citoyen". Cette formule pourrait parfaitement s'appliquer aujourd'hui aux homosexuels.

Le progressisme, c'est, aujourd'hui comme hier, étendre sans cesse le champ des libertés et de la responsabilité, reconnaître et faire respecter la dignité des personnes. La reconnaissance de la diversité des couples fait partie du grand mouvement de libération de l'humanité et je suis fier de voter un texte qui garantira pour tous le droit d'aimer, de vivre et de vieillir à deux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Jean-Jacques Guillet - Ce débat aura été marqué par une très grande intolérance. Je le regrette car le sujet aurait mérité plus de dialogue et de compréhension entre nous. Le résultat de cet affrontement, que le Gouvernement et la majorité ont délibérément provoqué, sera sans nul doute un nouvel abaissement du Parlement dans l'opinion.

Après le vote du 9 octobre, n'eût-il pas été préférable de prendre le temps de la réflexion ? Le Gouvernement ne l'a pas voulu, soucieux de démontrer la cohésion de sa majorité sur un sujet de société et aiguillonné par des lobbies qui, semble-t-il, ont plus de poids que près de la moitié de la Représentation nationale. Il a préféré recréer une artificielle confrontation droite-gauche.

Etes-vous si éclairés que vous ne supportiez pas le dialogue ? Etes-vous si éclairés que les étapes du Conseil d'Etat et du Conseil économique et social vous semblent sans intérêt ? Etes-vous si éclairés qu'il vous paraisse inutile d'entendre les représentants des grandes confessions religieuses, des associations philosophiques, des sociologues ? Vous appliquez le théorème de Laignel : "Vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaires". Qu'en sera-t-il si le Conseil constitutionnel est amené à censurer la loi ? Le Pacs justifiera-t-il alors que vous proposiez une révision de la Constitution ? On peut le craindre tant votre logique apparaît incompréhensible et tant votre hâte est grande.

Jusqu'où n'irez-vous pas dans le déchaînement des passions ? Il eût pourtant été facile de l'éviter car les problèmes qui se posaient à nous pouvaient être résolus sans passer par ce substitut de mariage civil. Pourquoi n'avoir pas cherché un rapprochement des points de vue, qui pouvait facilement être obtenu ? Je suis convaincu qu'en leur âme et conscience, beaucoup de nos collègues de la majorité se posent la question et regrettent d'avoir été entraînés dans cette machine infernale...

Au bout du compte, à supposer que l'obstacle du Conseil constitutionnel soit levé, cette législation bâtarde et confuse ne pourra qu'échouer. Il faudra la remettre sur le métier, à moins de s'en remettre à la jurisprudence. Ce texte ne fera en effet que des mécontents : les célibataires et les veufs, les couples en union libre, les couples mariés, les familles et les homosexuels eux-mêmes, lorsqu'ils mesureront le risque qu'ils courent d'être fichés et lorsqu'ils constateront le rejet de leur revendication -au demeurant minoritaire- relative à l'adoption ou à la procréation médicalement assistée !

Cet échec programmé ne peut guère satisfaire le législateur mais un aspect du texte demeurera : l'introduction dans notre loi d'une forme de discrimination positive qui est étrangère à notre tradition et qui ne pourrait qu'aggraver le risque de communautarisation. C'est sans doute ce qui explique votre hâte à voir ce débat se refermer : vous avez mauvaise conscience, car vous sentez bien que vous vous attaquez à des symboles puissants, fondateurs de notre République -la liberté de la personne, l'égalité de tous devant la loi.

Pour ma part, je suis confiant dans la pérennité de ces valeurs mais je suis persuadé aussi que la Nation doit les transmettre aux générations futures. C'est en effet à l'avenir que nous devons sacrifier, non à la mode ! M. le Guen qui a parlé de querelle des anciens et des modernes devrait bien se souvenir que ce sont les premiers, Racine et Boileau, qui l'ont emporté sur Fontenelle et Perrault, au bout du compte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme Marie-Françoise Clergeau - Cette proposition est attendue par plus de cinq millions de Français qui ont un projet de vie en commun et qui aspirent à sortir de la non-existence juridique pour organiser leur vie de couple et leur solidarité réciproque. Où sont là l'insulte à la nature, le mauvais coup porté à la famille, le crime contre la société ?

Je tenais à intervenir dans ce débat pour plusieurs raisons. En premier lieu, les valeurs qui inspirent ma réflexion et mon action politique me conduisent à respecter mes engagements, à faire évoluer note société vers plus de solidarité, à reconnaître les aspirations de nos concitoyens -surtout lorsqu'ils sont victimes de discriminations. En second lieu, comme l'a expliqué notre collègue Dominique Gillot dans son rapport sur la famille -je signale que, si elle n'est pas avec nous ce soir, c'est qu'elle assiste au mariage de sa fille... (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Pierre Lellouche - Nous sommes contents de le savoir !

M. le Président - Je résume ces interventions diverses : félicitations ! (Sourires)

Mme Marie-Françoise Clergeau - Mme Gillot a donc expliqué que nous souhaitions une politique familiale rénovée, tenant compte de l'évolution des comportements et des conditions de vie. Le mariage n'est plus le seul recours pour ceux qui ont un projet de vie commune. Quant à ceux qui sont horrifiés qu'on reconnaisse droit de cité aux homosexuels, je leur répondrai que beaucoup de familles sont concernées : les homosexuels ne naissent pas dans les choux et ne se reproduisent pas (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Beaucoup de ces couples non labellisés se signalent par la qualité de leur relation, par leur dévouement et leur fidélité. Je rappelle, enfin, que depuis vingt ans, l'homosexualité a été rayée de la liste des désordres mentaux et qu'elle n'est plus un délit lorsqu'il s'agit d'adultes majeurs consentants, et que depuis 1985, toute discrimination professionnelle fondée sur les moeurs est interdite ! Il n'y a aucun danger d'épidémie et le fait d'accorder des droits à ces couples n'aboutira pas à contaminer toute notre jeunesse !

Si le Pacs trouve son origine dans les revendications de la communauté homosexuelle décimée par le sida, il n'en a pas moins une portée universelle. S'appuyant sur un engagement de solidarité durable, offrant une alternative au mariage sans concurrencer celui-ci, il permettra d'organiser une relation entre deux personnes adultes sans remettre en cause la famille. Bien mieux, il pourrait se révéler favorable à celle-ci.

Nous en sommes tous d'accord : ce qui fait la famille, c'est l'enfant. Mais la filiation n'a pas pour seule origine la relation conjugale. Les modes d'organisation familiale sont marqués par la plus grande diversité. Patriarcale ou nucléaire, recomposée ou monoparentale, la famille reste malgré tout un espace de solidarité et le maillon central de la cohésion sociale. On ne saurait idéaliser une de ces formes, non plus que le contrat qui unit un homme et une femme désireux de fonder une famille. Admettons donc que cette famille peut prendre plusieurs formes sans perdre pour autant sa fonction fondamentale !

Et si elle n'est plus l'instrument de transmission des valeurs patrimoniales, elle est le lieu où se construit l'individu, un lieu d'amour et de solidarité. Quant au Pacs, il est totalement neutre au regard des droits de l'enfant. Cessons donc d'épouvanter les populations : cette proposition n'autorise ni l'adoption ni la procréation médicalement assistée pour les homosexuels (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Dans une société marquée par la précarité et par l'individualisme, tout ce qui peut contribuer à la douceur de vivre, à la sécurité et à un lien durable n'est-il pas à encourager ? Et si cette stabilité offerte dans un cadre moins contraignant peut inciter certains à renouveler le contrat, qui y perdra ? Certainement pas la société et encore moins les enfants ! Rien n'empêchera non plus les adultes de choisir l'institution du mariage, ils peuvent même y être encouragés.

Chercher l'affrontement sur ces questions en s'arcboutant pour un modèle unique, c'est refuser de voir que la famille évolue. On ne saurait utiliser ce sujet pour accentuer les clivages entre droite et gauche, ou pour reconstruire l'unité de l'opposition. Elue depuis 1997, j'avoue que je suis choquée par le comportement de certains collègues de l'opposition, comportement qui ne peut que nourrir l'antiparlementarisme ! (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF, et du groupe DL ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jacques Pélissard - Chacun a le droit de choisir librement son mode de vie et nul ne peut prétendre s'immiscer dans des choix affectifs ou sexuels : ceux-ci relèvent de la sphère privée. Dès lors, une société laïque, un Etat républicain peuvent-ils prendre le risque de régresser vers l'inquisition en s'intéressant à ce qui se passe entre les couples ? Leur rôle n'est que de donner un cadre légal à ce lien interpersonnel qui garantit le renouvellement des générations.

De ce point de vue, cette proposition de loi est-elle socialement souhaitable ? Est-elle souhaitable pour le couple même ?

Contrat sans devoirs et sans droits, le Pacs est un simple arrangement. Sa rupture aboutira à un délaissement pur et simple. Le droit républicain du mariage soumet la rupture du lien conjugal à une procédure judiciaire qui prohibe la répudiation unilatérale : aux termes de l'article 237 du code civil, le divorce pour rupture de la vie commune n'est possible qu'à l'issue d'un délai de six ans. Au contraire, on pourra mettre fin au Pacs sans motif et sans que soient appréhendées les conséquences de cette rupture pour chacun des membres du couple.

Deuxième question : le Pacs est-il favorable pour les enfants. Ceux-ci sont les grands absents de ce texte, où il n'y a rien sur la présomption de paternité. On nous dit pour l'instant qu'il n'est pas question de permettre aux pacsistes d'adopter ou de recourir à la PMA -mais le rapporteur ne cache pas que ce sera l'étape suivante. Quel sera l'équilibre d'enfants élevés par deux pères ou deux mères ? Quels repères auront des jeunes à qui la société proposera comme modèles le mariage homo ou le mariage dégriffé ? C'est l'enfant qui devrait justifier l'intervention de la société -ainsi que l'a dit l'UNAF lors de son dernier congrès présidé par Jacques Chirac.

Troisième question. Le Pacs sera-t-il un élément d'équité fiscale ? Son coût, de 3 à 6 milliards, sera supporté par les familles et les célibataires. Il va favoriser l'opportunisme fiscal et successoral et inciter à la fraude en l'absence de tout contrôle. Un célibataire aisé pourra diminuer son impôt en toute légalité, en concluant un Pacs fictif avec une personne disposant de faibles ressources.

D'autres effets pervers peuvent apparaître dans le domaine de l'immigration, s'il se confirme que le fait de contracter un Pacs donne droit à un titre de séjour. Le rapporteur a de quoi nous inquiéter à ce sujet quand il écrit que la conclusion d'un Pacs "rendra recevables, sans contestation possible, les demandes présentées par des étrangers faisant état d'une relation homosexuelle". Les Pacs blancs seront d'autant plus nombreux que les obligations seront faibles.

Ainsi, le Pacs n'est pas un progrès mais une régression, il n'apporte pas de solution mais de nouvelles difficultés. Certes notre droit de la cohabitation a besoin d'ajustements, qu'il s'agisse du logement, des successions : mais ce sont des problèmes de nature privée auxquels il faut des solutions de même nature.

Nous ne voterons pas ce texte mal préparé, inopportun, injuste pour les enfants qui sont l'avenir de l'homme (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

La discussion générale est close.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et du groupe RPR une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du Règlement.

M. Patrick Devedjian - Avant de m'engager dans mon propos, je voudrais faire part d'une inquiétude : la feuille de séance d'hier indiquait deux heures pour mon temps de parole, mais celle d'aujourd'hui ne comporte aucune indication (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR). La présidence pourrait-elle me dire ce que cela signifie ? Il était entendu que je parlerais beaucoup moins que deux heures, mais j'aimerais savoir si j'encours nonobstant le risque d'être interrompu, soit que le président trouve mon propos trop long, soit qu'il ait l'heur de déplaire à la moitié de l'Assemblée (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF).

M. le Président - C'était sans doute par erreur qu'on avait indiqué cette durée de deux heures (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). De toute façon, ces données sont toujours indicatives, et le fait de ne pas mentionner de temps de parole signifie que vous retrouvez la liberté ! (Sourires)

M. Patrick Devedjian - J'avais moi-même indiqué deux heures, puis j'ai souhaité réduire cette durée pour épargner une Assemblée dont je perçois la lassitude. Mais je ne voudrais pas être interrompu -et si je devais l'être, je préfère renoncer tout de suite à la parole, car ce serait alors une parodie de démocratie, et je n'entends pas servir ici d'alibi (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. le Président - Vous ne serez pas interrompu, étant donné la bonne volonté que vous manifestez, et l'impatience de nos collègues de vous entendre.

M. Patrick Devedjian - Mon inquiétude vient de ce que nous avons connu déjà des moments difficiles au cours de ce débat, en particulier la folle journée du 9 octobre.

Tout avait commencé la veille par un appel vibrant du Premier ministre à ses députés pour soutenir un projet que le Gouvernement n'a pas encore eu le courage de prendre à son compte. Le résultat est qu'il s'est trouvé le lendemain tel le général de Soubise cherchant avec une lanterne son armée évanouie (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Le résultat, c'est 750 maires socialistes signant la pétition contre le Pacs. C'est le feuilleton quotidien d'un texte dépourvu de la moindre fiabilité juridique.

On aura vu le président du groupe socialiste recevoir vertement à la tribune un camouflet du président de l'Assemblée qui lui refusait le privilège de parler très au-delà du temps imparti, et remiser honteusement son discours dilatoire dans sa poche (Plusieurs députés socialistes se lèvent et quittent l'hémicycle, suscitant des exclamations moqueuses des députés RPR, DL et UDF).

On l'entendra, peu après, accuser tout le monde de son échec et expliquer l'opposition par le souhait de "donner des gages à l'extrême droite". La gauche pharisienne ne connaît pas l'autocritique, ni même la critique, elle ne connaît que M. Le Pen, sans lequel elle perdrait toute légitimité à ses propres yeux (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). On lira le même expliquer laborieusement, dans un journal du matin, qu'il faut modifier le Règlement de l'Assemblée nationale, qui serait, à ses yeux, l'unique cause d'un échec dont tout un chacun a compris qu'il était d'abord personnel. On le verra ultérieurement, enfin, s'en prendre physiquement au président de séance.

On avait vu un autre président de séance retarder le vote, compter et recompter le résultat, annoncer son contraire et attendre l'indignation pour se corriger : on a appelé cela un lapsus. On aura entendu la Garde des Sceaux relire deux fois son discours, pour essayer, en vain, de donner à ses camarades de parti le temps d'assurer leur devoir de majorité. Un ministre faisant de l'obstruction à la tribune de l'Assemblée, a-t-on souvent vu un tel abaissement de la fonction ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Puis-je vous rappeller, Madame, que vos fonctions dépassent vos intérêts de parti ? Il est vrai que vous n'avez jamais été parlementaire ; le respect de notre institution a seulement été appris dans les livres -comme ceux, peut-être que vous lisez en séance pour afficher votre mépris pour un orateur de l'opposition. Quel crédit apporter à vos protestations devant la longueur des débats, quand vous avez vous-même donné un si mauvais exemple ?

Tous les parlementaires chevronnés vous le diront : le Gouvernement et sa majorité sont toujours responsables du climat qui règne à l'Assemblée nationale (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Et ils en ont fait beaucoup. Tandis que la gauche refusait d'assumer son devoir de majorité, la même ministre reprochait à la droite d'être ferme dans son opposition, l'insulte à la bouche. Lisons-la dans le Journal du dimanche du 11 octobre 1998 : "Moi je ne "mégote" jamais. Quand j'ai quelque chose à défendre, je le défends. Je ne supporte pas la lâcheté de ceux qui, à droite, ont peur de passer pour des ringards et font dire au texte ce qu'il ne dit pas".

La lâcheté, Madame, est du côté de ceux qui ne viennent pas défendre leur conviction. Quant à la "ringardise", dois-je rappeler que, depuis cinquante ans, c'est la droite qui a réalisé les plus grandes modernisations de la société ? ("C'est vrai !" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; "C'est faux !" sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) Le vote des femmes, c'est nous, avec le général de Gaulle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) La Sécurité sociale, c'est nous ! (Mêmes mouvements) La décolonisation, c'est nous ! (Mêmes mouvements) La libéralisation du divorce, c'est nous ! (Mêmes mouvements) Le droit à la contraception et à l'IVG, c'est nous ! (Mêmes mouvements) Le vote à 18 ans, c'est nous ! (Mêmes mouvements) Les lois sur la bioéthique, c'est nous ! (Mêmes mouvements) Vous n'avez pas fait le quart de cela ! (Mêmes mouvements)

M. Didier Boulaud - La dissolution, c'est vous !

M. Patrick Devedjian - Certes, des hommes et des femmes de gauche ont aussi voté ces lois, mais c'est l'honneur de la droite que d'avoir compris que les grandes lois de société doivent rassembler au-delà des clivages partisans, des intérêts électoraux, des passions idéologiques, et c'est ce que vous ne faites pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Vous n'êtes même pas d'accord entre vous pour déposer une seule proposition, il vous en faut cinq ! (Mêmes mouvements) Comment pourriez-vous engager un dialogue avec l'opposition sur des sujets de société ?

Vous avez félicité Roselyne Bachelot de son opinion dissidente...

Mme Nicole Bricq - Oui !

M. Patrick Devedjian - Mais cela ne demande, chez nous, aucun héroïsme : nous lui avons accordé un temps de parole sur les 50 minutes qui nous étaient réservées. Nous pratiquons la liberté de conscience là où vous imposez la discipline de vote (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste), et quand je dis discipline, je devrais dire obéissance !

Nous n'imposons pas à nos députés de venir en rangs serrés apposer leur signature sous un texte flou et durablement variable, mais qu'ils ne pourront plus désavouer - alors même que certains, tel M. Desallangre, proclament dans la presse locale leur opposition au texte...

Mme Christine Boutin - Absolument !

M. Patrick Devedjian - Vous mettez en oeuvre le mandat impératif, et continuez néanmoins à donner des leçons à la terre entière (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Ce sont ces procédés politiciens qui rendent les réformes de plus en plus difficiles et entretiennent l'archaïsme de la société française (Mêmes mouvements). Malgré votre prétention et votre morgue, nous sommes plus modernes que vous dans notre manière de légiférer (Mêmes mouvements).

Si vous en aviez le talent et que votre cause était juste, je pourrais être convaincu dans la seconde même. tel est l'esprit du mandat représentatif. Mais hélas ! votre texte n'a cessé de varier, parfois plusieurs fois dans la même semaine, pour tenter de satisfaire les différents et contradictoires groupes de pression, à tel point que le premier secrétaire du parti socialiste leur a présenté, chose inouïe, ses excuses, oubliant que le Parlement légifère pour tous.

M. Jean-Louis Debré - Très bien !

M. Patrick Devedjian - En défendant cette motion, je n'utilise pas un moyen de procédure, j'exprime la position de fond du RPR : le texte doit être retravaillé en commission, car il n'atteint pas les buts qu'il proclame et aggravera même les réels problèmes qui ont été soulevés.

Mme Christine Boutin - C'est vrai !

M. Alain Clary - Tartuffe ! (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Patrick Devedjian - L'injure est votre seule réponse. Cela en dit long sur votre pensée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Avant même le 9 octobre, la gauche avait déjà subi une première défaite : l'élimination du front national d'un débat qui avait pour objet de le mettre en valeur et de dénoncer dans toute opposition la "lepénisation des esprits", épouvantail nécessaire au rassemblement du "peuple de gauche". Le Front national est l'ennemi préféré de la gauche, car il est le plus facile à battre (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

M. Didier Boulaud - A Dreux !

M. Patrick Devedjian - Mais elle s'apprête à subir un nouveau revers : le texte ne divise pas l'opposition, qui va, à quelques rares exceptions près, voter massivement contre. Il faut dire que votre discours a de quoi mobiliser jusqu'à ceux à qui les incohérences du dispositif auraient pu échapper.

Le dépôt de la proposition de loi a été entouré d'un délire idéologique à la Bourdieu, où les mariés étaient les dominants, et les concubins les dominés. Le snobisme le plus sot s'en est mêlé, invoquant l'évolution des moeurs et le caractère démodé du mariage. C'est une cuistrerie, car il n'y a rien de nouveau sous le soleil : l'homosexualité est une donnée permanente de toutes les sociétés. Socrate proclamait sa passion pour Alcibiade, que Platon narre sans complexe.

M. Michel Péricard - Ils ne savent même pas qui c'est !

M. Patrick Devedjian - On ignore peu de chose des amours de l'empereur Hadrien et d'Antinoüs, Michel-Ange découvrait dans son lit, chère Christine Boutin (Rires), les corps musclés qu'il peignait au plafond de la Sixtine, Frédéric II couchait avec ses grenadiers sans que Voltaire en soit étonné, Verlaine a écrit ses plus beaux poèmes pour Arthur Rimbaud et nous n'aurions pas la sublime Recherche du Temps perdu sans l'homosexualité de Marcel Proust.

Mme Nicole Bricq - Ça, c'est vrai !

M. Patrick Devedjian - Les homosexuels ont apporté de tout temps assez de richesses à la culture et à la civilisation pour n'avoir besoin ni de réhabilitation, ni d'un statut social particulier, encore moins d'une commisération hypocrite (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Quant au concubinage, faut-il rappeler qu'il est une institution romaine, juridiquement définie, et que c'est le concile de Trente qui y a mis fin en 1563 ? Il était fatal qu'il reprît ses droits avec l'affaiblissement du poids de l'Eglise. C'était d'autant plus inévitable qu'on a refusé de moderniser le mariage, en particulier au regard du conjoint survivant, et que trop rares sont les mairies qui accordent au mariage républicain le décorum qu'il mérite (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme Christine Boutin - Très bien !

M. Patrick Devedjian - Le droit a d'ailleurs bâti, au fil du temps, un véritable statut du concubinage. Les concubins ne le savent pas toujours, mais ils prennent de vrais engagements. Le concubinage n'est pas plus une facilité que le mariage : il requiert un renouvellement quotidien de l'engagement et un grand respect de la liberté de l'autre. Notre opposition au Pacs n'est pas une condamnation du concubinage : elle est motivée, au contraire, par la volonté de ne pas perturber les acquis du droit dans ce domaine.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles - Lesquels ?

M. Patrick Devedjian - Le Pacs déstabilisera le concubinage autant que le mariage, mais ses promoteurs ne s'en rendent même pas compte ! A partir d'un vrai problème, douloureux et injuste mais simple à résoudre, la gauche se trouve entraînée, presque malgré elle et sans y avoir réfléchi, à réformer profondément le code civil.

M. Jacques Myard - Ils ne réfléchissent jamais !

M. Patrick Devedjian - Le sida nous a révélé des problèmes douloureux. A la mort d'un homosexuel, en effet, son compagnon peut être privé du droit au maintien dans les lieux, du fruit du travail commun et même d'une simple libéralité successorale. La première question avait été pratiquement résolue par un amendement à la loi du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d'ordre social, mais le Conseil constitutionnel l'a annulé au motif qu'il s'agissait d'un "cavalier".

M. le Rapporteur pour avis - Ce sont vos amis du Sénat qui l'ont saisi !

M. Patrick Devedjian - L'important n'est pas l'identité du requérant, mais le respect de la règle de droit (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Rien n'était plus facile, au demeurant, que de représenter la mesure dans le cadre d'une procédure régulière. Madame le Garde des Sceaux, lire ostensiblement un livre pendant qu'un orateur de l'opposition s'exprime n'est pas faire preuve d'un état d'esprit démocratique.

De nombreux députés RPR, UDF et DL - Scandaleux !

M. Patrick Devedjian - Je suis même jaloux de voir que vous me préférez la lecture de Jean Daniel, qui a bien plus de talent que moi... (Sourires)

Mme Nicole Bricq - Ça, c'est vrai !

M. Patrick Devedjian - Il est simple de modifier le taux d'imposition actuellement confiscatoire pour toute libéralité à l'égard d'un tiers. C'est tout de même le droit de celui qui n'a pas d'enfant de disposer d'au moins une partie de son bien sans subir la fiscalité pénalisante et moralisatrice constituée par la gauche en 1984 (Approbations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mais en réalité, comme le proclame Jean-Pierre Michel, à partir "des revendications de la communauté homosexuelle, une portée universelle est visée". On n'en est plus au droit au bail ! Or les homosexuels n'ont jamais constitué une communauté, qui ne peut s'établir sur une pratique sexuelle relevant de la vie privée. D'autre part, il s'agit, pour une petite minorité parmi les homosexuels, d'obtenir une reconnaissance sociale par l'obtentin d'un statut comparable au mariage. Pour cela on met en avant l'évolution des moeurs et la situation des concubins hétérosexuels, qui pourtant ne demandaient rien.

L'idée de départ est de prévoir un même statut pour tous les concubins. Au prétexte d'accorder des droits nouveaux à l'union libre des hétérosexuels, les mêmes droits seront accordés aux homosexuels, en affectant le tout d'un peu de symbolisme afin de compenser l'absence de mariage.

On n'en est pas à un paradoxe près dans la définition de ce statut commun : tandis que les hétérosexuels veulent s'éloigner du mariage, les homosexuels veulent s'en rapprocher. On est toujours le ringard de quelqu'un ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

CUC, CUS, CUCS, PIC, Pacs I, Pacs II, bientôt peut-être, Pacs III... La gauche est atteinte d'une logorrhée législative et elle ne sait plus comment sortir de l'aventure dans laquelle elle s'est engagée.

Tout a commencé au Sénat, en 1990, par une proposition de M. Mélenchon tendant à accorder aux concubins les mêmes droits, qu'ils soient hétérosexuels ou homosexuels : les activistes homosexuels ne s'en contentent pas et veulent obtenir les mêmes droits que les gens mariés. On continue donc par une proposition de loi déposée par M. Autexier en 1992 sous l'appellation de contrat d'union sociale. Cette fois il s'agissait depermettre un quasi-mariage avec inscription à l'état-civil et un quasi-divorce avec recours au juge. Cette proposition est reprise en 1993 par le Mouvement des Citoyens et en 1997 par le groupe socialiste. Cette même année, les communistes proposent d'aligner les droits de tous les concubins sur ceux du mariage et donc de rendre ce dernier inutile. Le temps pas si lointain où L'Humanité de Roland Leroy voyait dans l'homosexualité "une manifestation de la pourriture capitaliste" n'est plus dans la ligne (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mais M. Jean-Pierre Michel dépose en 1997 une proposition de loi en faveur du contrat d'union civile et sociale. La novation est dans l'institution de la communauté réduite aux acquêts qui accentue la similitude avec le mariage.

En 1998, le rapport Hauser, établi à la demande des deux derniers gardes des Sceaux, propose le pacte d'intérêt commun qui a pour caractéristique de pouvoir être conclu avec n'importe qui. En revanche, il n'affecte plus l'état civil mais paradoxalement exige, lui, "une communauté de vie", que le CUS ne prévoyait pas.

Le rapport Théry, lui aussi commandé par le Garde des Sceaux, exclut pour sa part un même statut juridique pour les homosexuels et les hétérosexuels.

C'est dans cette confusion intelletuelle que nos commissions des lois et des affaires sociales examinent la première proposition de pacte civil et solidarité. Elles n'étaient pas d'accord entre elles. On a même vu une proposition de Pacs entre ascendants, entre parents et certains enfants qu'il auraient pu choisi en niant le principe de l'égalité des enfants devant l'héritage (Approbations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Belle avancée sociale de la gauche que celle qui aurait permis... le rétablissement du droit d'aînesse ! (Mêmes mouvements). Et voilà, maintenant le Pacs des fratries.

La majorité a déploré que le texte du 9 octobre ait été repoussé par un "raport numérique momentanément favorable" suivant l'euphémisme de M. Jean-Pierre Michel, à qui je rappelle qu'en démocratie. une majorité est toujours "momentanée". Il n'existe pas de majorité métaphysique (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mais la majorité momentanée d'aujourd'hui ne peut pas avoir de regret puisque M. Michel nous a assuré que le texte avait depuis été "enrichi". Et Mme Tasca nous a assuré que cette seconde proposition avait été "améliorée". Nous vous proposons de poursuivre cet intéressant travail d'enrichissement (Mêmes mouvements). Après trois ou quatre allers-retours, on pourra enfin en parler un peu plus sérieusement (Mêmes mouvements).

Pour saisir tout l'intérêt d'un nouveau renvoi en commission, essayons de mesurer ce que le dernier a apporté en comparant les rapports. L'indivision est réduite, l'attribution préférentielle est simplifiée, la dénonciation du Pacs fait désormais l'objet d'un préavis de trois mois, la résidence commune est renforcée, les abattements sont relevés... M. Bloche a d'ailleurs concédé que le préavis de trois mois était une obligation constitutionnelle issue du Préambule de la Constitution de 1946. Notre motion d'irrecevabilité était donc fondée et vous le reconnaissez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

En revanche, des dispositions nouvelles viennent compliquer davantage encore le dispositif : le concept de fratrie et le lieu d'enregistrement du Pacs.

Les fratries peuvent bénéficier d'un demi-Pacs mais sont exclues des dispositions successorales. Je vois que nos avertissements sur le rétablissement du droit d'aînesse ont été en parti entendus. Mais pourquoi limiter la fratrie à deux ? Il y a là une rupture de l'égalité parmi les fratries et aucun intérêt général ne le justifie. Il y a un désaccord sur ce point avec le Gouvernement qui a déclaré : "Deux personnes qui, sans enfreindre la loi, ne peuvent partager le même lit, ne doivent pas pouvoir conclure un pacte de solidarité".

Le changement de lieu pour l'enregistrement du Pacs ressemble au jeu du mistigri : chacun se le repasse car personne n'en veut. Les greffes du tribunal d'instance déjà très encombrés ont une fausse bonne idée. On leur avait destiné les procédures du surendettement et on a dû y renoncer. Ils sont en particulier submergés par la gestion de la tutelle qui doit elle aussi être réformée. Les tribunaux d'instance sont, en outre, loin d'être une priorité dans l'affectation de nouveaux crédits.

Sur le fond le changement de lieu ne modifie rien à un enregistrement public et perpétuel que je continue à considérer comme très dangereux pour les intéressés.

Le texte n'a cessé de varier et je ne doute pas qu'il se transforme encore au point que plus personne ne sait vers quoi nous évoluons. On est en présence d'un OJNI, d'un objet juridique non identifié (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Ses promoteurs défendent, avec la même assurance, des modifications qui se contredisent et donnent le sentiment de ne plus savoir comment sortir du marécage juridique où ils pataugent et où l'intention initiale se perd chaque jour un peu plus.

On a connu le Pacs sans obligation de vie commune, puis avec ; on a connu le Pacs impliquant de fait une relation sexuelle, excluant donc les frères et soeurs, puis les réintégrant ; on a connu le Pacs avec délai d'un an, puis sans, le Pacs du week-end puis, maintenant, le Pacs à trois mois ; on a connu le Pacs avec rupture conjointe et recours au juge, puis la rupture unilatérale, le Pacs répudiation ; on a connu le Pacs à la mairie, au tribunal de grande instance, à la préfecture, le Pacs-police, et maintenant au tribunal d'instance. Tout cela démontre l'insuffisance de la réflexion d'une si vaste ambition (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Le Pacs nuira au concubinage, d'ores et déjà reconnu juridiquement comme une "possession d'Etat". Les concubins hétérosexuels ne demandaient pourtant rien. Pourtant, il faudrait améliorer leur situation au regard du droit à la pension de réversion ou de la fiscalité successorale (Approbations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

On s'est emparé de la situation des concubins pour d'autres fins qu'eux-mêmes. Ils ont servi, comme d'autres situations ajoutées au fil du débat, à dissimuler un peu plus que l'on légifère d'abord pour les homosexuels.

Ceux qui invoquent l'air du temps ont oublié ce qu'est réellement l'union libre. Georges Brassens chantait déjà : "J'ai l'honneur de ne pas te demander ta main, ne gravons pas nos noms au bas d'un parchemin. Laissons le champ libre à l'oiseau, nous serons tous les deux prisonniers sur parole" (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Telle est l'essence du concubinage.

On ne peut et on ne doit réglementer tous les rapports sociaux. La vie deviendrait un enfer. Mais, direz-vous, personne n'oblige tous les concubins à passer un Pacs. Mais alors les droits affirmés pour les concubins sous régime du Pacs risquent d'être remis en cause pour les autres.

Car les tribunaux considéreront que les droits que le législateur accorde au Pacs doivent lui être réservés, sous peine de rendre la loi inutile. Jusque là, la plupart de ces droits résultaient d'une appréciation jurisprudentielle à partir d'un constat de fait. Dans la mesure où vous définissez le concubinage par un constat de droit, vous affaiblissez la situation des autres.

A moins que vous ne vouliez les contraindre à entrer dans votre cadre, pour conserver des droits qu'il sont déjà. Mais c'est alors une grave atteinte que vous portez à la liberté. Votre passion du contrôle de la vie sociale vous conduit à soumettre à l'Etat toute vie privée. Entre vos mains, la liberté dépérit inéluctablement, comme ces fleurs chez ceux dont on dit qu'ils n'ont pas la main verte,... même avec des écologistes à vos côtés (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Le Pacs nuira en outre aux homosexuels eux-mêmes car c'est un droit élémentaire pour eux que de vivre discrètement sans être fichés à vie. Ils pourront donc ne pas souscrire de Pacs et je pense même, compte tenu de l'expérience des autres pays, qu'ils seront une majorité à ne pas le faire (Approbations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Vous n'aurez donc pas même réglé les drames révélés par le sida qui sont à l'origine de votre projet. Singulier aboutissement que celui qui consiste à bouleverser le code civil pour ne pas régler le problème de la majorité de ceux pour lesquels on prétend agir ! (Mêmes mouvements)

La finalité, certes involontaire, de votre texte est de ficher les homosexuels et par un inconscient freudien, pour tenir le registre, vous aviez choisi la préfecture, c'est-à-dire le siège de la police. Pour sauver l'humanité vous finissez toujours par lui passer les menottes (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Le Pacs étant opposable aux tiers, les registres seront consultables par n'importe qui, comme l'état civil, et la vie durant. Celui qui aura changé de vie pourra se voir opposer très longtemps après l'état de ses moeurs anciennes.

Si l'on suit le principe énoncé par le Gouvernement suivant lequel il faut "partager le même lit" pour pouvoir conclure un Pacs, la consultation du registre public n'exigera pas beaucoup de sagacité, cher Jean-Pierre Michel, pour distinguer les couples homosexuels des couples hétérosexuels (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Il n'est pas besoin d'être dans l'opposition pour penser cela. M. Badinter écrit : "Une chose est de proclamer le principe de non-discrimination entre homosexuels et hétérosexuels, autre chose est de les inscrire à la faveur d'un Pacs dans un ensemble hétéroclite de "partenaires" aux situations diverses dont aucune, contrairement à l'homosexualité, n'a jamais fait l'objet d'hostilité, voire de persécution". C'est dans Le Nouvel Observateur du 8 octobre. Il faut se souvenir en effet que les homosexuels ont été déportés sous l'Occupation, avec un triangle rose. J'appartiens moi-même à une minorité ethnique, et je n'ai aucune envie, même dans ce pays paisible qu'est la France, d'être fiché comme tel (Mêmes mouvements).

La vérité est qu'il fallait avoir le courage politique de légiférer pour les seuls homosexuels, contre les discriminations dont ils font l'objet, et non pas les dissimuler honteusement derrière des paravents qui, devenant de plus en plus nombreux, créent un labyrinthe d'incohérence. Il eût suffit de dire que, contrairement à la jurisprudence de la Cour de cassation, le concubinage n'était pas réservé à des sexes opposés. Vous n'avez su avoir ni cette simplicité, ni ce courage ! Plus grave : M. Tourret avait déposé en commission des lois, le 29 octobre, un amendement 813 en ce sens. Mme Neiertz lui a fait observer "que l'adoption de cet amendement vidait le Pacs de sa raison d'être et donnait des arguments aux opposants" (Rires sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), et ce brave M. Tourret a obtempéré en retirant son amendement. On ne pouvait mieux faire comprendre qu'on ne légifère que pour les homosexuels, et même pour une partie d'entre eux, ceux qui acceptent de se déclarer comme tels. En définitive, la situation des homosexuels et le drame du sida vous importent moins que votre opération politicienne.

Le Pacs nuira également au mariage. Celui-ci n'est pas seulement un choix de vie : c'est l'institution qui protège le mieux les plus faibles, le conjoint sans ressource et l'enfant. En cas de divorce et en cas de décès, c'est encore le mariage qui protège le mieux le conjoint sans ressource. Quand un enfant naît d'un mariage, son père est présumé automatiquement être le mari. Hors mariage, il lui faut un acte de reconnaissance, qui hélas n'a pas toujours lieu. Un enfant a intérêt à naître de parents mariés (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Tout ce qui affaiblit le mariage aggrave donc la situation des plus faibles. La famille éclatée est la première cause de l'affaiblissement du lien social, de l'absence d'éducation des enfants. Il y a un rapport inverse entre la stabilité de la famille et la délinquance, tous les avocats le savent. Ce qui est une fatalité sociale ne doit pas être encouragé. Craignons même, à l'instar de la loi de Gresham selon laquelle la mauvaise monnaie chasse la bonne, que le mauvais mariage chasse le bon.

Le Gouvernement a commandé à Mme Irène Théry, qui se réclame de la gauche, un rapport intitulé "Couple, filiation et parenté aujourd'hui. Le droit face aux mutations de la vie privée". La Conférence de la famille l'a pratiquement entériné. Analysant son propre rapport dans la revue Commentaire, Mme Théry réitère son refus de tout statut du concubinage, et cite ce passage du professeur Carbonnier : "Le concubinage qui, réclamant un statut, se donne pour idéal d'imiter le mariage ne saurait cacher, se cacher, que ce qu'il repousse n'est pas en réalité le mariage, mais le mariage civil. La question est alors celle-ci : y a-t-il place, en France, pour deux mariages à égalité d'effets de droit ? C'est une question politique et même, pour une large part -le pouvoir laïque s'étant attribué depuis 1792 le monopole des effets civils du mariage-, une question de politique religieuse. Les spectateurs ne peuvent se tenir de rire en voyant les partis qui se veulent les héritiers des Lumières s'évertuer à détruire une institution que les Lumières leur ont léguée et à préparer à plus long terme -certes plus loin que le bout de leur nez- le lit du droit canonique". Eh oui ! La prochaine étape pourrait être de permettre le mariage religieux sans obligation de mariage civil ; il suffirait d'un amendement à cette loi sur le Pacs...

La bonne direction serait au contraire de moderniser le mariage et le divorce, pour que la famille ne devienne pas non plus une contrainte insupportable. Le droit de la famille a parfois un siècle de retard. Les dispositions successorales du code civil datent de 1804. Le droit fiscal et le droit social sont souvent dissuasifs du mariage. Combien de retraités doivent vivre en concubinage pour ne pas perdre leur pension de réversion ? Combien de conjoints survivants sont dépouillés parce que faute de disposition testamentaire, ils ne bénéficient que d'un usufruit sur le quart de la succession ?

Les gens se marient d'abord par amour, et non pas à cause du statut du mariage, mais malgré lui, puisqu'il est de plus en plus désavantageux par rapport à l'union libre. Qu'il me pardonne, mais je suis en désaccord avec Charles de Courson lorsqu'il préconise de rapprocher la fiscalité des concubins de celle des gens mariés. Au contraire, il faut rapprocher la fiscalité du mariage de celle du concubinage (De nombreux députés socialistes pénètrent dans l'hémicycle. "Silence !" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. le Président - Il y a malheureusement eu plusieurs moments aujourd'hui où les orateurs n'ont pu se faire entendre dans de bonnes conditions. Je souhaite que chacun regagne sa place et que M. Devedjian puisse poursuivre.

M. Patrick Devedjian - Il y a des retours de buvette qui sont un peu bruyants...

Pourquoi faut-il rapprocher la fiscalité du mariage de celle des concubins ? Un couple d'employés payés au SMIC ne paie pas d'impôt s'il vit en concubinage et 4 000 F s'il est marié. Je souhaite que, comme en Autriche, au Danemark, en Finlande, en Belgique, en Grèce, aux Pays-Bas, l'on permette au couple marié d'opter pour une imposition séparée. Ce n'est pas la voie que vous avez choisie.

Avec le Pacs, on pourra établir un véritable guide fiscalo-social de la vie commune. Il pourrait être le suivant : concubinage simple au début de la vie commune pour avoir les impositions séparées ; Pacs avec l'arrivée des enfants si la femme arrête de travailler ; retour au concubinage simple quand les enfants grandissent, permettant le retour à l'emploi des deux parents ; deux ans de mariage pour obtenir la pension de réversion et favoriser la donation entre époux ; retour au concubinage pendant la retraite si les pensions sont équivalentes, mais Pacs si elles sont disparates... (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Ma conviction est que la fiscalité ne doit pas avoir pour objet de déterminer la conduite des couples. Une vraie modernisation, une vraie laïcité consiste à ce qu'elle soit neutre à cet égard. Le Pacs aggrave les disparités et s'éloigne encore plus de l'égalité fiscale des couples devant l'impôt. Comment ne pas lier l'affaiblissement du mariage avec le Pacs, la précarisation de la famille par son refus d'en faire évoluer le droit, et les dispositions fiscales que vous prenez contre elle : réduction de la déduction pour garde d'enfants, plafonnement du quotient familial qui rapportera 4 milliards à l'Etat l'année prochaine tandis que le Pacs lui en coûtera au moins six ? Comment ne pas s'effrayer de ces concomitances ?

En réalité, le Pacs est dangereux parce qu'incohérent. J'ai beaucoup d'estime pour Jean-Pierre Michel. C'est un bon spécialiste du Code de procédure pénale et nous sommes souvent d'accord sur ses perspectives d'évolution. Mais je lui demande d'ouvrir de temps à autre le Code civil ! Ce sont deux mille ans de réflexions subtiles sur l'organisation de la vie privée. C'est un magasin de porcelaine où il faut bien sûr faire quelques réparations, un peu de ménage, mais ne prenons pas une pelle mécanique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Le malheur du texte vient de ce qu'on veut à toute force traiter dans un même statut juridique des situations de plus en plus disparates, à la fois des unions à fondement prioritairement sexuel et des unions à fondement prioritairement financier. Il en résulte de nombreuses inégalités et contradictions. Ainsi, des gens vivant en union libre peuvent pacser avec des tiers, des gens mariés ne le peuvent pas. Un femme pacsée avec un homme peut faire reconnaître son enfant par un tiers. Tout cela est possible ! On nous dit bien sûr que c'est volontairement qu'on n'a pas parlé des enfants. On nous explique hypocritement que cette proposition de loi est faite principalement dans l'intérêt des couples vivant en union libre et qui regroupent quatre à cinq millions de personnes. Mais c'est en vain que, soudainement, le Gouvernement allègue que la situation des enfants n'est volontairement pas traitée, parce qu'elle viendrait plus tard. Il ne peut y avoir une cloison étanche entre un couple et ses enfants.

Or le mot "enfant" ne figure même pas dans la proposition. Il y en a pourtant deux millions issus de l'union libre. Si l'intention est véritablement d'agir dans l'intérêt de tous les concubins, le plus important dans l'union libre n'est-il pas la situation des enfants ? Or on a manifesté plus de souci pour les impôts, auxquels sont consacrés cinq articles détaillés, que pour les enfants.

Que peut-on stipuler dans un Pacs à propos des enfants ? Aucun interdit n'est posé. Est-il licite de prévoir qu'on les abandonnera, comme Jean-Jacques Rousseau, à l'Assistance publique ou à la DDASS ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Quel sera le régime juridique des enfants issus d'un Pacs ? Auront-ils davantage de garanties de bénéficier d'une pension alimentaire en cas de rupture ? Le Pacs s'impose-t-il aux enfants mineurs au moment de sa conclusion ? En cas de conflit à leur propos, quel sera le juge compétent, le juge aux affaires familiales ou le juge du contrat ? Aucune de ces questions, pourtant capitales, n'est effleurée.

Parlons de l'adoption.

Curieusement, dans le débat, on s'est davantage préoccupé des enfants à adopter dans le futur que des enfants existant déjà dans l'union libre. Le texte ne contient, il est vrai, aucune disposition sur l'adoption, ni pour la permettre, ni pour l'interdire. Mais, malgré les déclarations du Gouvernement, le rapporteur a la franchise de déclarer que "ce texte ouvrira l'adoption plénière à tous les couples ayant choisi un tel statut".

Dès lors, en effet, que dans le cadre du même statut juridique, les uns -les hétérosexuels- ont droit à l'adoption, comment refuser ce même droit aux autres, au seul prétexte de l'homosexualité ? C'est une discrimination ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Par ailleurs, l'article 343-1 du code civil autorise l'adoption par un célibataire de 28 ans. Dès lors, comment pourrait-on lui refuser ce droit au motif qu'il bénéficie d'un Pacs ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) Vous ne comprenez pas tout, je le sais bien... (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) Laissez-moi au moins essayer de vous expliquer !

Un célibataire qui "pacse" ne se transforme pas en homme marié : il reste donc célibataire, n'est-ce pas...

M. le Rapporteur pour avis - Non, il est "pacsé".

M. Patrick Devedjian - Tiens ! Une nouvelle catégorie juridique... Alors, précisez dans la loi que les "pacsés" homosexuels n'ont pas droit à l'adoption ! Mais à mon avis, un "pacsé" reste célibataire car rien ne précise le contraire dans votre texte. Dès lors, il peut bénéficier de l'article 343-1, qu'il soit hétérosexuel ou qu'il soit homosexuel. Refuser l'adoption à un célibataire parce qu'il est homosexuel, ce serait une discrimination illicite !

Autrement dit, par la combinaison de ces dispositions, la bataille de l'adoption est déjà terminée (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Je comprends que cela trouble, mais il faut répondre ! Je suis sûr que Jean-Pierre Michel, qui a l'habitude du raisonnement juridique, saura m'expliquer en vertu de quelle disposition un pacsé n'est plus un célibataire.

En tout cas, il a déclaré à la tribune, non sans naïveté : "Pour ma part, je n'ai jamais entendu un seul argument convaincant selon lequel l'intérêt de l'enfant serait, dans tous les cas, d'être élevé par un homme et une femme." Cette affirmation a indigné le Parti communiste : même les révolutionnaires sont devenus des petits bourgeois ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) J'ai bien entendu, Madame le Garde des Sceaux, que vous avez condamné sévèrement ces propos de vos amis politiques en déclarant : "ce vocabulaire de contrebande, qui fait croire que ce texte cacherait autre chose et que vos rapporteurs et le Gouvernement exerceraient une fraude à la loi, est inacceptable". Au cas où Jean-Pierre Michel n'aurait pas bien entendu, vous avez pris le soin de préciser : "Mon refus de l'adoption pour les couples homosexuels est fondé sur l'intérêt de l'enfant". Je conviens que c'est clair, mais le texte ne l'est pas. Si vous voulez-vous qu'il le soit, il suffit d'écrire que les couples homosexuels ne pourront pas adopter d'enfant. Si vous ne le faites pas, c'est bien que vous considérez que le flou du texte vous profite ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

J'en viens à la rupture.

Le Pacs est un sous-mariage, sa fin par une rupture unilatérale est un sous-divorce, proche de la répudiation. Je sais que la gauche est choquée de l'emploi de ce terme.

M. le Rapporteur pour avis - Il est faux !

M. Patrick Devedjian - Mais dans notre droit, ni le mariage, ni aucun contrat ne peuvent être dénoncés par la seule volonté d'une des parties : il faut recourir au juge. Avec le Pacs on ne s'adresse au juge qu'après la rupture, si on est en désaccord sur les modalités ; et il n'est même pas précisé auquel on doit s'adresser. Cette procédure de rupture, à peine améliorée par le préavis de trois mois, est même pire que la répudiation car en droit islamique, celle-ci oblige à une réparation, que vous ne prévoyez même pas !

La brutalité de la rupture n'est pas, comme dans le concubinage, susceptible de donner lieu à réparation devant les tribunaux.

M. le Rapporteur pour avis - Mais si !

M. Patrick Devedjian -  En effet, dans le cas du Pacs, la rupture à court délai devient un droit organisé : c'est prévu par le contrat, donc la rupture n'est pas fautive ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Le régime de l'indivision est le cauchemar des praticiens : le prévoir n'est pas un service que vous rendez aux plus modestes qui n'auront pas eu les moyens de consulter un professionnel pour établir leur Pacs...

Un homme qui a signé un Pacs avec une femme peut, si celle-ci se trouve enceinte, rompre le Pacs en trois mois désormais. C'est profondément immoral ! Evelyne Sullerot a dit que le Pacs n'était pas un contrat de solidarité mais de "bon plaisir".

De plus, l'introduction nouvelle d'un délai de trois mois pour dénoncer le Pacs vient limiter la liberté à se marier. En effet, pour publier les bancs du mariage, un délai d'un mois suffit, mais il faudra attendre les trois mois pour se marier ! Le fait d'avoir signé un Pacs est donc une limitation inconstitutionnelle au droit de se marier (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Je vous épargne l'évocation des possibilités de fraude, dont on a déjà beaucoup parlé, pour parler de la fiscalité.

L'imposition commune que va permettre le Pacs fait l'économie de la nécessaire remise à plat des conditions de fiscalisation. Le résultat est qu'en raison de la progressivité de l'impôt, le Pacs ne favorise que les plus aisés, comme Charles de Courson l'a expliqué. Les revenus modestes perdent la décote ou perdent la demi-part supplémentaire. Le système favorise essentiellement les unions dans lesquelles un seul a des revenus. On se garde bien d'annoncer le coût fiscal des nouvelles dispositions ; M. Strauss-Kahn, tout à l'heure, est parti sans avoir répondu ; pourtant, il sait répondre quand on lui pose des questions...

Il semble presque incongru de poser la question de l'opposabilité du Pacs au droit international. En droit interne, il sera opposable aux tiers. En droit international, le mariage l'est ; mais qu'en sera-t-il du Pacs, sachant que nous serons les seuls à "bénéficier" de cette particularité ? Quelle cohérence y aura-t-il entre le national et l'international, notamment en ce qui concerne les régimes sociaux ?

J'aborde ma conclusion.

Le Pacs est un monstre juridique, à géométrie variable, qui dissimule ses véritables intentions derrière certains archaïsmes du droit français en matière de mariage, de divorce, de succession, de fiscalité. Le Pacs ne résout aucun de ces problèmes : il dissuade même de réformer, en voulant faire croire que tout ira mieux après.

M. Jean-Jacques Dupeyroux, qui est de gauche, a écrit dans Libération : "Alors, le Pacs dans tout ça ? Je ne sais ce qui sortira du bricolage hasardeux auquel il donne lieu. Si des solutions moins aberrantes au plan successoral sont adoptées en faveur des "pacsés", tant mieux pour eux ! Mais le problème restera entier pour les autres...". Eh oui ! Le vrai problème, c'est l'archaïsme en matière de droit successoral...

En 1995, le gouvernement Balladur avait déposé sur le bureau de l'Assemblée un projet qui tendait à refondre totalement le droit des successions, dont certaines dispositions n'ont pas changé depuis 1804. Cette réforme était le fruit, non d'un travail partisan, mais d'une importante étude de la commission de travail animée par les professeurs Carbonnier et Catala. Que n'avez-vous repris ce projet à votre compte ? C'est de cela que nous avions besoin, non d'une charlatanerie ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

En proposant le Pacs, vous prétendez légiférer sur la protection sociale alors même que vous avez annoncé la couverture médicale universelle, qui règlerait toutes les difficultés -le Gouvernement a même eu le cynisme d'en comptabiliser le coût, pour 5 milliards, dans la loi sur l'exclusion, mais sans aller jusqu'à l'inscrire à notre ordre du jour !

Le Garde des Sceaux a, d'autre part, annoncé pour l'an prochain une réforme du droit de la famille : quelle en sera l'incidence pour les enfants de concubins ? Sera-t-elle compatible avec le Pacs ?

A l'évidence, la proposition dont nous débattons ne s'inscrit pas dans une vision d'ensemble ! Nous sommes devant une pure gesticulation, destinée à connaître le sort de la plupart des propositions parlementaires -sous cette onzième législature, moins du tiers d'entre elles ont été définitivement adoptées. Elles se sont perdues dans le triangle compris entre le boulevard Saint-Germain, le Sénat et l'Assemblée. Personnellement, je me souviendrai longtemps de la proposition sur le génocide arménien, votée ici à l'unanimité, mais oubliée depuis ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Christian Bataille - Imposteur !

Un autre député socialiste - Scandaleux !

M. Patrick Devedjian - Il est effectivement scandaleux d'avoir fait croire aux enfants du génocide arménien qu'on légiférait pour eux, puis d'avoir enterré le texte ! (Mêmes mouvements)

Toute cette gesticulation est destinée à alimenter un débat irréel pour détourner l'attention de problèmes plus graves, comme celui des hypothèses sur lesquelles est bâtie la loi de finances !

Dans le meilleur des cas, vous n'avez pas réfléchi à ce que vous faites et il est vrai qu'on ne peut réformer un des fondements du code civil en si peu de temps. La loi ne peut exorciser les problèmes de la société. Vous craignez de perdre la face devant l'opinion, mais vous la perdrez de toute façon, et d'abord devant le Conseil constitutionnel !

Le président de cette assemblée et la gauche ont cru pouvoir soutenir que les textes déposés après le 9 octobre 1998 n'étaient pas littéralement identiques à celui auquel a été opposée l'irrecevabilité et qu'ils ne tombaient donc pas sous le couperet de l'article 84, alinéa 3, du Règlement. Ainsi, il suffirait de changer quelques mots pour éviter l'application de celui-ci ? Cela voudrait dire que seule la lettre du texte doit être examinée, ce serait nier la philosophie de notre droit pour lequel la signification de l'échange des volontés l'emporte sur le formalisme abêtissant. C'est choisir la lettre qui tue contre l'esprit qui vivifie (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

L'esprit de l'article 84, alinéa 3, consiste en ce que l'Assemblée s'interdit les revirements brutaux qui conduiraient à la déconsidérer. Le peuple souverain ne change pas d'avis à quelques semaines d'intervalles sans abaisser la démocratie elle-même ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Le sens de la règle étant clair, la question est simple : les cinq propositions déposées ont-elles le même objet que celle qui a été repoussée ? la réponse est oui, quels que soient les détails. Et c'est si vrai que le Gouvernement et tous les représentants de la gauche l'ont dit et répété et que, surtout, les exposés des motifs des nouvelles propositions font référence à l'adoption de l'irrecevabilité comme motif de leur dépôt : après l'avoir rappelée et commentée, ils écrivent tous : "C'est pourquoi nous déposons une nouvelle proposition de loi" ! L'article 84, alinéa 3, s'applique donc nécessairement.

Mieux encore, l'exception d'irrecevabilité a été adoptée parce que l'Assemblée, à tort ou à raison, a considéré que les motifs d'inconstitutionnalité soulevés par M. Mattei, étaient pertinents. Qu'elles le soient ou non -et elles le sont, à mon sens- importe peu ici : ce qui compte, c'est que l'Assemblée les a faites siennes pour un an (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Les cinq nouvelles propositions visant le même objet étaient-elles modifiées au point de ne pouvoir encourir les mêmes objections ? la réponse est à l'évidence non !

Avec un peu de cynisme, mais avec exactitude, M. Michel a rappelé que notre Règlement n'appartenait pas par lui-même au bloc de constitutionnalité et a conclu implicitement qu'on pouvait le violer impunément. Seule la majorité peut décider qu'il y a eu violation, or elle ne saurait se condamner elle-même ! C'est une nouvelle variation sur l'aphorisme de M. Laignel : "Vous avez juridiquement tort, parce que vous êtes politiquement minoritaires" (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Cela aussi est un archaïsme ! Le droit est d'abord destiné à protéger les minorités.

Cependant, notre Règlement, Monsieur Michel, est une loi, même si c'est une "petite loi". Or la loi s'impose à tous. Si sa violation ne pouvait être sanctionnée, il y aurait rupture du principe d'égalité devant la loi, en violation de l'article VI de la Déclaration des droits de l'homme selon lequel "la loi... doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse". La violation de l'article VI est d'ordre constitutionnel -on y revient, serait-ce par un détour ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

L'opposition a proposé de mettre fin par voie d'amendements à la loi de finances ou par une proposition de loi, aux archaïsmes de notre fiscalité successorale ou du droit au bail. La gauche, elle, a choisi d'introduire une discrimination positive en faveur des homosexuels qui acceptent de se déclarer. Comme elle en avait honte, elle a progressivement étendu cette disposition à d'autres. Comme lui aussi avait honte, malgré tout, le Gouvernement a laissé la responsabilité politique du texte aux parlementaires. Comme les députés socialistes avaient honte devant leurs électeurs, ils se sont tenus à l'écart du débat. Il a fallu des contraintes exceptionnelles pour qu'ils soient là aujourd'hui. Le résultat de cette triple honte est un texte difforme et qui n'a juridiquement aucun sens. Privé de l'examen préalable du Conseil d'Etat et de la CNIL, il encourt les plus grands risques devant le Conseil constitutionnel.

C'est un grand malheur que les propositions des Assemblées ne puissent bénéficier de l'examen du Conseil d'Etat (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Après tout, l'Etat, ce n'est pas que l'exécutif.

Le groupe RPR vous a proposé de régler d'une manière générale et conforme à l'état de droit les problèmes réels qui sont posés. Vous le refusez pour des raisons politiciennes dont vous serez finalement victimes. C'est pourquoi nous vous invitons à reprendre la question à la base, en vous entourant de conseils juridiques et en recherchant un accord avec l'opposition, comme nous-mêmes l'avons fait pour les grandes lois de modernisation de la société ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. Christian Bataille - Quel culot !

M. Patrick Devedjian - Oui, dans ces occurrences, nous avons agi en sorte que vous puissiez voter ces textes avec nous, parce que nous entendions légiférer durablement et utilement !

Nous espérons que vous prendrez les choses au sérieux, que vous ne vous moquerez pas du monde en essayant de le distraire de soucis plus graves. En l'état, cette proposition ne mérite même pas d'être examinée : "sur le métier, remettez votre ouvrage". Le RPR et l'opposition voteront la motion de renvoi pour nous permettre de rendre le texte tout simplement viable (Les députés des groupes RPR-UDF-DL se lèvent pour applaudir longuement l'orateur).

M. Jacques Myard - Quelle leçon !

M. le Rapporteur - Je conviens, Monsieur Devedjian, qu'il serait souhaitable que le dialogue se noue entre la majorité et l'opposition. Encore faut-il que nous ayons un interlocuteur. Or si, lors de la première réunion de la commission, l'opposition s'est exprimée et a participé à la discussion des amendements, elle s'est abstenue de venir aux réunions suivantes, déclarant vouloir réserver ses arguments pour la séance publique. Au cours de cette séance, le dialogue a été noué, et il le sera plus encore à propos des articles -les rapporteurs sont, en tout cas, à votre disposition.

Le texte, quoi qu'en disent certains, n'a pas tellement varié par rapport à la première version déposée en 1992 (Exclamations et applaudissements ironiques sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Celle-là comprenait déjà les fratries, elle faisait appel au juge à propos des conditions de la rupture, elle prévoyait les mêmes empêchements. Certes, il y a eu des améliorations ultérieures à propos de l'indivision, du régime successoral, de la rupture. Mais le fond n'a pas varié, et je retrouve tout à fait mon enfant.

Depuis dix ans, le débat existe dans la société, il vient aujourd'hui seulement devant l'Assemblée : mais vous participez comme moi à des colloques, vous lisez la presse et vous savez ce qu'il en est. On ne peut donc pas dire que la discussion n'ait pas eu lieu.

J'ai bien entendu les arguments des différents orateurs et il me semble qu'à part quelques extrémistes, vous êtes tous d'accord sur l'essentiel : il faut faire quelque chose pour les homosexuels et les concubins, mais soit il fallait attendre, soit il fallait se contenter de mesures ponctuelles. Mais la loi DDOS de 1993 incluait de telles mesures -sur l'affiliation à la Sécurité sociale, sur le droit au bail- et vous l'avez déférée au Conseil constitutionnel ! Celui-ci, pour des raisons de forme, a déclaré ces dispositions contraires à la Constitution, parce que formant un "cavalier législatif". Puis il y a eu les élections de 1993, et vous avez eu la majorité jusqu'en 1997. Si vous aviez pris alors les mesures que vous réclamez aujourd'hui, nous ne serions pas ici (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). A vrai dire, je le regretterais, car nous n'aurions traité que la moitié du sujet, et nous n'aurions pas modifié la notion de couple.

Cette proposition est bien une loi nouvelle, il faut se mettre ça dans la tête (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR). Elle entraînera une modification de la jurisprudence de la Cour de cassation quant au concubinage. Jusqu'ici, la Cour dit en effet qu'il n'y a de couple que dans le mariage...

M. Jacques Myard - C'est le bon sens !

M. le Rapporteur - Désormais, le couple sera aussi dans le Pacs, il sera donc ouvert aux homosexuels. Non que le mariage ne demeure pas -le Gouvernement l'encouragera même et lui donnera plus de tonus. Vous l'avez dit avec raison, Monsieur Devedjian, je ne suis pas un spécialiste du droit civil. Mais j'aime bien arriver comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Il faut bien comprendre que le pacsé n'est pas un célibataire. Or tout votre raisonnement fait référence au mariage -mais le concubin reste un célibataire, il n'a aucun devoir, on peut être concubin plusieurs fois, d'un père, d'une mère, d'un frère (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), sauf interdiction apportée par le code pénal. Mais le pacsé ne sera plus célibataire, on ne peut être pacsé deux fois, on ne peut être pacsé et marié. Alors, quand vous dites que la rupture du Pacs est immorale, c'est vrai par rapport au mariage, qui donne plus de protection, mais non par rapport au concubinage puisque la rupture est organisée et que les droits des enfants sont mieux affirmés (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR).

M. Patrick Ollier - Les enfants, il n'en est question nulle part !

M. le Rapporteur - Le Pacs sera une nouvelle institution qui générera sa logique propre.

Notre Règlement est bien fait : il prévoit trois motions de procédure et, comme il y a trois groupes de l'opposition, chacun a pu s'exprimer -et l'on a pu vérifier qu'entre Mme Boutin, M. Lenoir et M. Devedjian, il n'y avait plus qu'un fossé : un abîme ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF) L'opposition est très divisée. Au nom de la commission, je vous demande de repousser la motion de renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Jacques Floch - Le groupe socialiste considère que la commission des lois a bien fait son travail et il ne votera pas le renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Pierre Lellouche - Il est difficile d'ajouter quoi que ce soit à cette leçon magistrale de droit civil qu'un brillant avocat vient de faire au Garde des Sceaux et à un rapporteur qui est plus expert en syndicat de la magistrature qu'en droit civil (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Nous voterons donc le renvoi en commission. D'abord, parce que ce texte est fondamental et que les conditions du débat n'étaient pas à la hauteur de l'enjeu. On a d'abord essayé de le faire voter en catimini un vendredi après-midi. Puis, la manoeuvre ayant raté, on a redéposé un texte quasi identique au mépris du Règlement et on l'a examiné dans des conditions scandaleuses.

On commence le mardi, on s'interrompt pour reprendre l'examen du budget, on recommence le samedi et le dimanche, on s'interrompt à nouveau, on annonce pour le mardi suivant un vote qui n'aura pas lieu et on continuera en saucissonnant l'examen des articles, si bien que le texte, déjà incohérent, deviendra complètement inintelligible ! Ces conditions sont d'autant plus indignes que la garde des Sceaux a ouvertement bafoué les orateurs de l'opposition en lisant son livre sous leur nez tandis qu'ils s'exprimaient ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Que l'on soit d'accord ou non, la sérénité est toujours préférable à l'injure (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Or nous n'avons cessé, depuis neuf heures trente ce matin, et comme mardi toute la journée, de nous entendre traiter de "ringards", de "lepénistes", de "défenseurs de l'ordre moral", de "tartuffes" et de "passéistes" ! ("Oui !" sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Je demande à chacun de conserver son calme et à M. Lellouche de conclure son propos.

M. Pierre Lellouche - La façon dont l'opposition a été traitée est inacceptable. Ce n'est pas parce que nous ne sommes pas d'accord avec vous que nous sommes des lepénistes, des ringards ou des passéistes !

Ce texte est parfaitement inutile : nous avons déposé des amendements à la loi de 1986 pour ce qui est des baux et à la loi de finances pour ce qui est des successions, qui règlent tous les problèmes sans casser le code civil.

M. le Rapporteur - Où sont-ils, ces amendements ?

M. Pierre Lellouche - Enfin, le renvoi en commission s'impose parce que tout le texte est fondé sur une formidable confusion. Au nom de la liberté individuelle, que nous reconnaissons naturellement à chacun, de vivre sa sexualité comme il l'entend, on nous demande de mettre sur le même plan l'égalité de droits des individus et l'égalité de droits des couples (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste), tant en matière de droit du travail que de sécurité sociale et d'accès à la nationalité. Nous ne pouvons l'accepter. Vous êtes en train de privatiser la famille tout en nationalisant le sexe et la vie privée ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) Pour toutes ces raisons, le groupe RPR votera la motion de renvoi (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Bernard Perrut - Le Pacs est un objet mal identifié, qui confond solidarité et sexualité, et doit plus à l'opportunisme qu'à la réflexion de fond. Aucun travail sérieux n'a été entrepris par les commissions compétentes, et l'opinion publique a été mal informée, les auteurs du texte maniant l'art de la dissimulation comme s'ils n'avaient pas le courage de dire leurs vraies intentions (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Comment parler d'un débat loyal et démocratique lorsqu'un texte de cette importance nous est soumis sans avoir été approfondi ni sans qu'aucune audition ait eu lieu, pas même celle de représentants d'associations homosexuelles qui auraient peut-être pu nous convaincre ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) Pourquoi confisquer ainsi le débat et vouloir traiter en un week-end de questions fondamentales ? Les Français s'interrogent. Peut-être le travail législatif consiste-t-il, dans votre esprit, à enregistrer l'état des moeurs, conformément à la formule du rapporteur : "Le fait crée le droit" ? C'est une conception dangereuse, car le droit est fait pour hiérarchiser les valeurs - mais sans doute n'avons-nous pas les mêmes valeurs...

Des droits auraient pu être reconnus aux couples non mariés sans qu'il soit besoin d'ériger en institution ce qui relève du droit privé. Quant aux enfants, le Pacs les ignore complètement ; comment le président de l'Assemblée nationale, qui a présidé la commission d'enquête sur les droits de l'enfant, peut-il accepter une chose pareille ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Les enfants seront les victimes de ces unions précaires sans obligations ; quelle étrange morale de la responsabilité !

Pour toutes ces raisons, le groupe DL votera le renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe RPR et du groupe UDF).

M. Alain Clary - Après deux journées de débats au cours desquels toutes les sensibilités ont pu s'exprimer, le renvoi du texte en commission ne se justifie absolument pas ("Si !" sur les bancs du groupe RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Il est urgent, au contraire, d'engager au fond un débat qui intéresse les Français, et point n'est besoin d'ajouter un chapitre supplémentaire à un texte qui a la cohérence de ses ambitions, même s'il peut être encore amélioré (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Les députés communistes aborderont l'examen des articles dans un esprit constructif, sans polémiques inutiles, afin que le Pacs soit pleinement l'avancée législative que les intéressés attendent. Il y a place pour de vrais débats : sur son lieu d'enregistrement, sur le délai imposé pour qu'il produise ses effets, sur ses dispositions à l'égard des contractants étrangers. Nous sommes naturellement attachés à la famille, même s'il n'en existe pas de modèle unique, et nous sommes convaincus que la loi, telle qu'elle résultera de nos travaux, ne comportera aucune mesure qui lui porte atteinte. Bien au contraire, la solidarité des liens affectifs ne peut qu'enrichir la liberté effective de chaque individu. Dire le contraire reviendrait à accuser la loi sur le divorce par consentement mutuel d'être responsable de l'éclatement de la cellule familiale ! Ne soyons pas intolérants ! Bannissons l'ostracisme envers les individus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV)

Mme Bernadette Isaac-Sibille - Le discours de M. Devedjian fut si riche et profond que tous ceux qui ont eu l'intelligence et la bonne éducation de l'écouter ne peuvent que voter le renvoi en commission. La première raison de le faire, c'est que la Garde des Sceaux n'a fait, depuis mardi, que lire son livre lorsqu'un orateur de l'opposition intervenait. C'est une attitude indigne ! Elle ferait bien de prendre connaissance de ce qu'a dit chacun d'eux : il représente tout de même 100 000 Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe RPR et du groupe DL ;protestations sur les bancs du groupe socialiste)

La seconde raison, c'est que les nombreuses incohérences, insuffisances et injustices du texte sont si nombreuses qu'il faudra beaucoup de temps à la commission pour le rendre acceptable. Comme la gauche, le Pacs est vraiment pluriel ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Enfin, l'ignorance totale du sort qui sera réservé aux enfants est la troisième raison pour laquelle le groupe UDF votera, de tout son coeur, la motion de renvoi (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe RPR et du groupe DL).

M. le Président - Le groupe RPR a demandé un scrutin public.

M. Guy Hascoët - Comme le dit une grande actrice dans un film que j'adore : que tout cela fut bon.

Monsieur Devedjian que vous fûtes bon orateur, que vous fûtes remarquable dans le rôle de celui chargé de planter, tel un entomologiste, l'insecte vivant sur la planche de liège.

Vous avez énuméré tous les textes progressistes depuis 1945. Vous reconnaîtrez que, si l'on en excepte deux, élaborés par le premier gouvernement d'union nationale de l'après-guerre, tous les autres ont été adoptés grâce à l'attitude intelligente de la gauche. Elle a en effet soutenu des propositions venues de la droite mais que celle-ci ne soutenait pas toute entière (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

Vous avez décrit la succession de textes, d'affinages, d'hésitations, qui ont conduit au Pacs. Vous avez oublié de dire que contrairement à ce qu'a su si souvent faire la gauche, les vôtres ont travaillé à déstabiliser ce projet.

Reconnaissez que lorsque vous êtes l'opposition, vous n'êtes pas capables de la même attitude que celle qu'a eue la gauche à l'égard de textes proposés par la droite dans le passé (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Nous voterons donc contre votre motion de renvoi (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

A la majorité de 291 voix contre 198 sur 489 votants et 489 suffrages exprimés, la motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

FAIT PERSONNEL

M. Jean-Claude Lenoir - J'ai ce matin fait part de l'étonnement de l'opposition devant l'empressement de la majorité à voter ce texte qui n'était annoncé nulle part, ni dans les professions de foi de ses candidats, ni dans le discours de politique générale du Premier ministre, ni dans le programme du parti socialiste.

Un membre de la majorité M. Jean-Pierre Blazy a brandi tout à l'heure un magazine confidentiel intitulé Vendredi qui faisait état de cette proposition.

Je dispose de toutes les professions de foi de la majorité. Personne, pas même M. Bloche, pas même M. Michel, n'évoquait cette proposition.

Celle de M. Blazy que voilà (M. Lenoir brandit un document) n'en dit pas un mot non plus. En revanche, notre collègue s'engageait à arrêter immédiatement l'extension de l'aéroport de Roissy (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

La prochaine séance aura lieu ce matin, dimanche 8 novembre, à 9 heures 15.

La séance est levée à 1 heure 20.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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