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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 28ème jour de séance, 74ème séance

2ème SÉANCE DU LUNDI 9 NOVEMBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. Yves COCHET

vice-président

          SOMMAIRE :

LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- (suite) 1

La séance est ouverte à quinze heures.


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LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999.


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SANTÉ ET SOLIDARITÉ

M. Pierre Forgues, rapporteur spécial de la commission des finances pour les affaires sociales - Le budget de la santé et de la solidarité progresse de 4,3 % en 1999 pour s'établir à 71 milliards. Comme l'an passé, il croît davantage que le budget général de l'Etat.

L'évolution des crédits de la solidarité tient à celle des trois allocations désormais financées sur ce budget, le RMI, l'allocation adulte handicapé et l'allocation parent isolé, qui, avec 55 milliards, en représentent 80 %. Le budget du RMI progresse de 4,2 %, celui de l'AAH de 5 %. Quant à l'API, elle est pour la première fois financée sur ce budget et représente 4,2 milliards.

Second facteur d'évolution du budget de la solidarité : l'entrée en vigueur de la loi contre les exclusions. Après l'effort d'un milliard consenti en faveur des fonds d'urgence sociale cette année, après le versement d'une provision de 225 millions, plus de 400 millions de mesures nouvelles sont inscrites pour 1999, ainsi réparties : 120 millions pour les fonds d'aide aux jeunes dans le cadre du programme Trace, 100 millions pour l'accompagnement social individualisé, effort qui sera doublé par le fonds social européen, 80 millions pour l'hébergement en résidences sociales, 52 millions pour la formation des travailleurs sociaux, 40 millions pour les dispositifs d'urgence sociale, 22 millions de crédits de paiement pour l'équipement des centres d'hébergement et de réinsertion sociale, assortis de 75 millions en autorisations de programme.

Un autre motif de satisfaction dans ce budget est qu'il comporte des avancées significatives en faveur des handicapés, des retraités agricoles et des aides à domicile.

J'avais appelé de mes voeux, l'an passé, un plan pluriannuel de création de places en établissements d'accueil pour handicapés. C'est chose faite : le Gouvernement a décidé de créer de 1999 à 2003 5 500 places de MAS-FDT, 8 500 places de CAT et 2 500 places d'ateliers protégés.

Deuxième avancée : les retraites agricoles. Elles relèvent certes en principe du BAPSA mais nombre de retraités agricoles, compte tenu du montant dérisoire de leur pension, souvent inférieur au minimum vieillesse, voire au RMI, relèveraient davantage de la solidarité.

Sans revenir en détail sur les mesures prévues dans le BAPSA et la loi d'orientation agricole, je constate avec satisfaction que l'effort entamé en 1998 sera accentué en 1999, avec des mesures nouvelles représentant 1,6 milliard en année pleine. Plus aucune retraite ne sera inférieure à 2 200 F par mois -ce seul chiffre montre tout le chemin qui reste à parcourir. Il faudrait par ailleurs revoir le principe de proportionnalité au montant de la pension des majorations pour enfants. Un système forfaitaire serait plus juste.

Troisième avancée : les aides à domicile. Dans mon précédent rapport spécial, j'avais souhaité que les associations prestataires de ce secteur soient placées sur un pied d'égalité avec le système mandataire et les employeurs individuels. Grâce aux articles 3 bis et 3 ter du projet de financement de la Sécurité sociale pour 1999, le Gouvernement, faisant siennes les conclusions du rapport Hespel-Thierry, a accepté d'exonérer totalement de cotisations sociales patronales ces associations, tout en plafonnant à quinze heures par semaine et par foyer l'exonération accordée aux particuliers de plus de soixante-dix ans, fondée sur l'âge et non sur des critères de ressources.

Cependant, je déplore une fois de plus la conception étrange que l'on se fait des droits du Parlement dans les administrations centrales. Je n'ignore pas la charge de travail que représentent pour elles les questionnaires écrits que le rapporteur spécial leur adresse chaque année afin de disposer des informations indispensables à son travail et à une information minimale de l'Assemblée. Laissez-moi pourtant regretter de n'avoir pas disposé des éléments d'information nécessaires (Approbations sur les bancs du groupe UDF). Est-il normal que des questions adressées début juillet n'aient pas encore trouvé réponde début novembre ? Est-il normal que des questions aussi fondamentales que celle qui porte sur le service des droits des femmes trouvent, in extremis, leur réponse il y a seulement quelques heures ? J'y insiste d'autant plus que la finalité des questionnaires parlementaires n'est nullement de nuire au Gouvernement ou de surcharger les administrations. Au contraire, outre la légitime fonction de contrôle du Parlement, ces questions offrent aux administrations l'occasion de faire le point, chaque année, sur les différentes actions que retrace leur budget.

Second sujet de préoccupation : les trop nombreux retards de paiement accumulés par l'Etat à l'égard de diverses personnes publiques ou privées. Quatre chapitres, insuffisamment dotés ces dernières années, devraient bénéficier de dotations renforcées afin d'apurer progressivement le passif.

Il s'agit d'abord de l'aide médicale. L'Etat contribue aux dépenses de soins, de forfait journalier et de cotisations à l'assurance personnelle des personnes dépourvues de résidence stable. Cette aide est gérée par les organismes d'assurance maladie : les services déconcentrés ne paient pas directement les soins, mais les crédits d'aide médicale sont répartis sous forme d'acomptes annuels aux caisses, qui assurent le règlement. Les crédits resteront fixés à 807 millions en 1999. Certes, les besoins annuels seraient de 650 à 700 millions, de sorte que 100 à 150 millions resteraient disponibles pour résorber les retards. Mais au 1er janvier 1997, 808 millions de charges avaient été reportés au cours des années précédentes. Il faudrait donc, à ce rythme, plusieurs années pour rattraper le retard.

Le même problème se pose pour l'aide sociale de l'Etat, c'est-à-dire l'hébergement et les allocations des personnes âgées et handicapées sans domicile fixe, les aides aux familles, ainsi que les remboursements d'aide à l'enfance aux départements. Même problème encore pour le chapitre 46-23, article 60, qui rémunère les personnes physiques ou morales qualifiées pour exercer la tutelle d'Etat. L'ampleur des dépenses financées à ce titre dépend des décisions des juges des tutelles. Les estimations pour 1998 et pour 1999 sont, respectivement, de 100 000 et de 113 000 mesures en cours. Le nombre brut des nouvelles mesures a dépassé 21 000 en 1997, contre 17 000 en 1996. Les dépenses à la charge de l'Etat ont donc continué de croître. Certes, l'écart entre les dépenses constatées et la dotation votée en loi de finances a commencé à se réduire depuis 1997 et l'année 1999 permettra de poursuivre ce mouvement : les montants inscrits en loi de finances initiale passeront en effet de 515 à 571,5 millions. Il faut se féliciter que le présent projet continue de prendre toute la mesure du problème. Cependant, je crois urgent de réfléchir à un dispositif, éventuellement de nature législative, qui permettrait de contenir en amont la progression des dépenses par un recours plus rigoureux aux mesures de tutelle. Les départements ministériels concernés -solidarité, justice, budget- devraient donc engager une réflexion commune, en concertation avec les associations tutélaires, sur le coût et le devenir de ce dispositif.

Les plus grandes difficultés -je l'ai souligné l'an dernier, et je dois malheureusement y revenir cette année- concernant, à mon sens, le service national des objecteurs de conscience. Celui-ci est, qu'on le veuille ou non, l'une des formes du service national obligatoire, qui ne prendra fin qu'en 2002. Or, ce sont souvent de petites associations, et non des collectivités publiques ou des caisses de sécurité sociale, qui sont ici victimes des retards de paiement de l'Etat, qui ont parfois pour elles des conséquences irréparables.

L'entretien des objecteurs de conscience était intégralement assuré par l'Etat jusqu'en 1996. Pour les contingents affectés postérieurement au 15 janvier 1997, il a été décidé que les structures d'accueil pourvoiraient à cet entretien. Mais elles avancent en outre les sommes prises en charge par l'Etat, y compris la solde, pourtant due à tout appelé. Cela constitue une charge moyenne de 3 000 francs par mois et par objecteur.

L'objection de conscience est une des modalités du service national obligatoire pour tous les jeunes nés avant 1979. Il serait donc juste que l'Etat la finance entièrement. Depuis 1993, les associations souffrent de l'insuffisance de la dotation inscrite en loi de finances initiale. En 1996 et en 1997, les lois de finances rectificatives ont ajusté une dotation largement sous-évaluée. Il n'est pas de bonne politique d'inscrire en loi de finances initiale des dotations dont on sait d'avance qu'elles seront largement insuffisantes et devront être complétées par un collectif. Aujourd'hui les montants versés aux structures d'accueil servent à payer des frais parfois engagés depuis près de deux ans. Ainsi, chose absurde, une association ne reçoit les premiers remboursements concernant un jeune que lorsque celui-ci vient de quitter son poste ! Les objecteurs éprouvent même des difficultés à trouver une affectation. Cette situation n'est pas acceptable.

Enfin, il est regrettable, alors même que cette forme du service national connaît de graves difficultés, que la commission de gestion des objecteurs de conscience, prévue à l'article R. 227-18 du code du service national, ne se soit pas réunie avec une régularité suffisante. On m'avait dit l'an dernier qu'elle serait appelés à se réunir "dans le courant de l'année 1998". A ce jour, aucune réunion n'a eu lieu. Le service national des objecteurs de conscience sera suspendu en même temps que la conscription, c'est-à-dire 2002. D'ici là, je souhaite que cette forme de service national obligatoire soit maintenue, avec des moyens suffisants.

Au-delà de ces quelques inquiétudes, le budget présenté n'en est pas moins globalement satisfaisant, et la commission des finances recommande son adoption.

MM. Jean-Luc Préel et Jean-Pierre Foucher - Ce n'est pas la conclusion que nous attendions !

M. Serge Janquin, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour l'action sociale et la lutte contre l'exclusion - J'indique à mon collègue Forgues, concernant les objecteurs de conscience et les associations qui les accueillent, que le manque de crédits est ancien, et qu'il commence à se résorber. En outre il y a des difficultés techniques. Il ne s'agit pas de grosses dépenses, mais d'innombrables petites factures qui tombent généralement en fin d'année, et qui demandent vérification. Il n'est donc peut-être pas nécessaire d'inscrire au budget de l'année N des crédits qui ne pourront être liquidés que l'année suivante.

L'an dernier, Monsieur le ministre, j'avais dit combien, à travers votre budget, mais aussi par l'engagement que vous aviez pris de nous proposer une loi ambitieuse et de lutte contre les exclusions, vous donniez à espérer. Cette année nous pouvons commencer à mesurer les effets de la politique du Gouvernement. Mieux, son action s'amplifie et s'attaque par des moyens nouveaux aux racines du mal. Soutien aux populations les plus fragiles, lutte contre les exclusions, la priorité est claire : avec un montant total de 66,6 milliards à structure constante, c'est-à-dire hors allocation de parent isolé, votre budget progresse de 4,4 %, près de deux fois plus vite que le budget de l'Etat. Ce sont 1,8 milliard de mesures nouvelles, 1 milliard pour ajuster les moyens du RMI, et 742 millions pour les interventions à caractère social.

Bien sûr, au coeur de la lutte contre l'exclusion, il y a l'emploi, et la mobilisation de tout le Gouvernement contre le chômage. L'impulsion donnée à la consommation des ménages, surtout des plus faibles, a soutenu la reprise ; les emplois-jeunes et les 35 heures commencent aussi à porter leurs fruits, comme l'atteste la baisse du chômage constatée depuis un an.

Cette amélioration concerne-t-elle les exclus ? Oui, dans une certaine mesure, je le montrerai à propos du RMI et des emplois-jeunes. Mais de l'exclusion à l'emploi il y a souvent bien des étapes. C'est l'objectif que poursuivent le recentrage et l'exigence de qualité de formation appliqués à certains dispositifs comme les CES, de même que les Fonds d'aide aux jeunes, désormais intégrés dans le programme TRACE doté de 120 millions, et l'accompagnement social individualisé, doté de 120 millions. Les exclus ont subi une violence sociale inouïe, et durable pour beaucoup ; le retour à l'emploi suppose un accompagnement. Vous avez voulu, par la loi du 29 juillet 1998 et par le Plan français d'action pour l'emploi présenté à Cardiff, donner à tous le droit à un nouveau départ. La mobilisation des acteurs sur la construction de parcours individualisés doit donner des résultats significatifs.

Mais l'urgence sociale comporte d'autres exigences que l'emploi. Outre les mesures prises par M. Besson pour le logement social, vous poursuivez à bon rythme la création de places de CHRS : cinq cents pour un coût de 42 millions. S'y ajoutent 15,5 millions de revalorisation des subventions de leurs crédits de fonctionnement. A ce sujet, plusieurs de nos collègues et certaines associations, ont souhaité une amplification : dès lors que les CHRS accueillent de plus en plus des familles entières, il convient sans doute de proposer à celles-ci des solutions mieux adaptées. C'est ce que vous faites avec les résidences sociales, dotées de 80 millions supplémentaires.

La veille sociale disposera d'un abondement de 40 millions, et vous renforcerez les moyens en personnel de la coordination des commissions d'action sociale d'urgence. Reste à rendre plus homogènes les critères de recevabilité et le montant des aides.

Ces fonds d'urgence sociale complètent les minima sociaux qui représentent un effort budgétaire de 55 milliards.

Les crédits du RMI augmentent de plus d'un milliard versés à plus d'un million d'allocataires, dont 50 % sont entrés dans le dispositif depuis moins de deux ans. Les flux d'entrée et de sortie s'accélèrent, les sorties annuelles représentant 35 % de l'effectif. Depuis mars 1998, la tendance à la décrue laisse espérer une stabilisation en fin d'année. 52 % des érémistes perçoivent désormais une aide au logement, ce qui traduit une meilleure insertion.

Non, vraiment on ne s'installe pas délibérément et définitivement dans le RMI.

Donnant suite à des priorités que nous approuvons, vous consacrez plus de 8 millions aux Droits des femmes, et une enveloppe de 20 millions pour une campagne sur la contraception. Une somme de 571 millions en hausse de 11 % est destinée à prendre en charge des mesures de tutelle et de curatelle. Vous mobilisez 359 millions de crédits d'aide sociale, 807 millions d'aide médicale pour les personnes sans domicile fixe, sachant que la solution complète viendra de la couverture maladie universelle.

En ce qui concerne les personnes âgées, outre la revalorisation des retraites à compter du 1er janvier 1999, l'élu d'un bassin minier se réjouit du passage de 52 % à 54 % du taux de pension de réversion des veuves de mineurs. Il y a longtemps qu'elles n'avaient pas été traitées avec considération. Enfin, la croissance de l'allocation adulte handicapé amène le Gouvernement à augmenter les crédits de 5 % pour atteindre 1,180 milliard, avec une revalorisation de 1,2 % au 1er janvier 1999. 500 places supplémentaires seront créées en Ateliers protégés, 2 000 en CAT.

Par ailleurs, le programme 1999-2003 va se poursuivre normalement pour régler la situation des jeunes adultes maintenus en établissements d'éducation spéciale, qui étaient encore 4 200 au 31 décembre 1997.

Dans le domaine de l'action sociale et de la lutte contre l'exclusion, quel rapporteur pourra-t-il dire un jour -et à quel ministre- tout va bien ? Certes, il y a encore beaucoup à faire, mais vous avez obtenu les moyens pour que les choses aillent mieux.

Cependant, sur la question de l'intégration des handicapés, je dois dire que ça ne va pas.

Au plan budgétaire, s'il est difficile de bénéficier de l'accès au CAT ou à l'Atelier protégé, il est encore plus difficile d'en sortir. Vous travaillez à améliorer le fonctionnement des COTOREP et des CDES mais seulement 7 % à 8 % des jeunes parviennent à sortir d'un IMPRO pour trouver un emploi en milieu ordinaire et le taux de sortie du CAT vers le milieu ordinaire du travail n'atteint pas 1 %, ce qui est dramatique. Ainsi le dispositif d'aide au travail pour les handicapés devient-il chausse-trape pour eux !

Au plan des valeurs, la loi de 1975 n'a pas arbitré entre une logique d'approche globale, comme si les handicapés constituaient un tout indifférencié, et une démarche intégratrice prenant en compte le désir des handicapés d'exister pleinement.

Minorité à faire exister ou personnes à intégrer ? Il faut, je crois, faire mouvement pour développer une dynamique intégrative, l'intégration non comme un remède mais comme un élément constitutif de la société à construire. De fait, 3 500 000 personnes subissent un handicap majeur ou grave et 5 130 000 déclarent éprouver une gêne.

C'est un univers que je connais personnellement. La société se mutilerait si elle se privait des richesses intellectuelles et morales qui s'y trouvent.

Sans entrer dans le détail des problèmes, je suis convaincu qu'il faut actualiser la loi de 1975 sur le handicap.

Favoriser l'autonomie, reconnaître que la déficience ne gomme pas la qualité de l'être, voilà qui ne doit pas être oublié.

Rappelant que la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à votre projet de budget, citons Marguerite Yourcenar dans l'Oeuvre au noir : "Qui serait assez fou pour ne pas vouloir faire le tour de sa prison ?" et prolongeons sa question à propos des handicapés : "Qui serait assez criminel pour ne pas leur permettre de sortir de leur prison ?" (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Gilbert Mitterrand, rapporteur spécial de la commission des finances pour la santé - La politique de santé publique donne priorité à la sécurité sanitaire, garantit l'égal accès aux soins, met l'accent sur la prévention des risques. Tels sont bien, exprimés sous une autre forme, les objectifs validés par la conférence nationale de santé en 1996, et retenus par le Haut comité de la santé publique.

L'Etat leur a donné suite par l'adoption de la loi contre les exclusions du 29 juillet 1998 et de la loi du 1er juillet 1998 sur la veille sanitaire que le budget pour 1999 intègre parfaitement.

La question rituelle "y a-t-il une politique de santé publique en France ?" devrait être reformulée, soit qu'elle désoblige soit qu'elle inquiète.

Ce projet de budget tient compte des dix grandes priorités définies par la Conférence de la santé publique : prévention, promotion de la santé des enfants et des jeunes, dépistage et prise en charge des cancers, traitement des affections iatrogènes et nosocomiales, travail en réseaux, information et élaboration d'indicateurs, lutte contre les inégalités dans et entre les régions. Cependant, les présents crédits ne sont pas, loin de là, la seule ressource dédiée à ces objectifs et cette diversité des financements oblige plus que jamais l'Etat à veiller à la cohérence de l'action menée -en ce domaine, il semble qu'on demande plus d'Etat ! Personnellement, j'y souscris d'autant plus facilement que je n'ai jamais été partisan d'un repli, au profit des assurances privées par exemple ! Il n'en demeure pas moins qu'une définition régionale de la politique de santé serait souhaitable.

Les objectifs ayant été rappelés, en quoi le budget y concourt-il ?

S'agissant d'abord de la prévention, 16 millions de moyens nouveaux, dont trois allant aux centres de dépistage, seront consacrés à un plan de lutte contre l'hépatite C tandis que l'assurance maladie prendra intégralement en charge un programme de dépistage des cancers ; le dépistage des cancers féminins sera généralisé dans les trois ans et celui du colon sera étendu. Les subventions à l'office de protection contre les rayonnements ionisants progressera de près de 10 %, ce qui lui permettra d'être plus présent sur le terrain et de renforcer ses moyens de communication. Celles de l'établissement français des greffes croissent, elles, de 14,7 %. Les actions traditionnelles de lutte contre l'alcoolisme, la toxicomanie et le sida seront poursuivies au même niveau.

Ces crédits tirent aussi la conséquence de l'adoption de la loi du 1er juillet 1998, relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité des produits destinés à l'homme.

Les trois agences issues de ce texte pourront fonctionner dès l'an prochain. Disposant des compétences de l'Agence du médicament, mais élargies à l'ensemble des produits de santé, l'Agence de sécurité sanitaire des produits de santé recevra près de 120 millions, dont 35 de moyens nouveaux. L'Agence de sécurité sanitaire des aliments en recevra 8, dont 3,1 de moyens nouveaux et l'Institut de veille sanitaire 62,6, dont 24,6 de moyens nouveaux. Au total, ces organismes bénéficieront donc de 190,5 millions, dont 62,7 de moyens nouveaux.

Le vote de la loi d'orientation contre les exclusions se traduit par des dotations de 36,5 millions pour le développement de l'accès aux soins et des lieux d'écoute, de 25 millions pour les consultations d'alcoologie, de 21,5 millions pour les ateliers d'éducation à la santé, de 20,2 millions pour la formation pluridisciplinaire des acteurs des "réseaux santé-social", de 18,5 millions pour la création de 25 points-écoute destinés aux toxicomanes, de 18,3 millions pour la prise en charge psychiatrique de la précarité... Au total, ce sont 160,5 millions de mesures nouvelles qui figureront au titre IV, à quoi il faut ajouter les 55,3 millions qui sont inscrits au titre III : 23,5 millions pour financer l'activité des "réseaux santé social" placés sous l'égide des DDASS et 10 millions pour leur animation. 16,8 millions pour la coordination des aides d'urgence et 5 millions pour l'observatoire national de la pauvreté et de l'exlusion. Le budget de la santé et des services communs comporte ainsi 215,8 millions de mesures nouvelles !

Les crédits de l'ANAES stagneront l'an prochain...

M. Jean-Luc Préel - Hélas !

M. Gilbert Mitterrand, rapporteur spécial - Mais il faut replacer cette évolution dans son contexte : la précédente majorité n'avait publié le décret constitutif qu'en avril 1997, soit un an après la création de l'agence. Par conséquent, la part des dotations pour 1997 et en 1998 qui n'aura pas été consommée viendra s'ajouter à celle de 1999, de sorte que le processus d'accréditation pourra atteindre son plein régime l'année prochaine.

L'évolution de la dotation aux observatoires régionaux de la santé, en baisse de 3 millions, appelle une explication similaire. Cependant le financement de ces organismes pose la question des compétences en matière de santé publique. Certes, les lois de décentralisation ont posé les principes, mais certaines collectivités vont parfois au-delà de leurs obligations, de telle sorte qu'il devient difficile de mesurer avec précision la participation des différents intervenants. L'évolution n'est pas condamnable en soi, pourvu qu'elle s'inscrive dans le cadre des contrats de plan. En revanche, il ne faudrait pas que l'Etat renonce à sa fonction de redistribution : il doit assurer à chacun de ces observatoires, et plus particulièrement à ceux qui dépendent quasi exclusivement de ses subventions, le minimum nécessaire à son fonctionnement.

Ces considérations ne sont pas sans incidence sur l'appréciation que l'on peut porter sur l'évolution des crédits inscrits à ce titre pour 1999 : faut-il préférer une hausse de la subvention globale ou une meilleure répartition de l'enveloppe entre les régions ? Il me semble que c'est aux observatoires de réfléchir à la réponse à donner.

Au demeurant, la baisse de 3 millions ne résulte que d'un simple transfert au nouvel Institut de veille sanitaire, qui redistribuera ces crédits en cours d'année, sous la forme de commandes d'études.

S'agissant enfin de l'adaptation de l'offre de soins, le fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux a pour vocation d'attribuer des subventions d'investissement aux établissements sous dotation globale qui présenteront des projets visant à adapter l'offre de soins hospitaliers à l'échelon régional. Dès le 28 janvier, une circulaire a posé les critères d'éligibilité à ce fonds et 91 dossiers ont déjà été soumis, pour un montant total de 4,2 milliards. Les demandes de subvention correspondantes s'élèvent à 1,5 milliard. Ce fonds connaît donc un succès.

Pour 1998 et 1999, 700 millions d'autorisations de programme et 300 millions de crédits de paiement seront disponibles pour ces opérations. Bien entendu, l'Etat n'aspire en rien à être l'unique financier de l'investissement hospitalier, à supposer qu'il puisse trouver chaque année les 17 milliards nécessaires, mais il est parfaitement dans son rôle lorsqu'il soutient des opérations d'investissement conformes à sa politique de régulation de l'offre de soins.

Le remboursement de la dette contractée à l'égard des caisses de sécurité sociale au titre de la prise en charge des dépenses d'IVG laisse encore beaucoup à désirer. Certes, la dotation est maintenue à 162 millions alors que les dépenses se montent chaque année à quelque 157 millions mais, comme la dette atteint environ 75 millions, on voit bien qu'il faudrait, à ce rythme, une quinzaine d'années pour que l'Etat rattrape son retard ! Il ne faudrait pas que cette situation perdure !

Quelles que soit les orientations de la politique de santé, encore faut-il qu'elles soient respectées ! Tel sera le cas en 1999. Par ailleurs, ce budget permettra de mettre en oeuvre des lois relatives à la lutte contre les exclusions et à la veille sanitaire, et il croît à structure constante de 4,5 %. Enfin, les effectifs des administrations sanitaires et sociales seront accrus pour la seconde année consécutive, confirmant ainsi la rupture opérée avec les exercices précédents que souhaitait mon prédécesseur Jérôme Cahuzac.

Pour toutes ces raisons, la commission des finances vous recommande d'adopter les crédits de la santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Bernard Accoyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour la santé - Ces 3,8 milliards sont bien peu en rapport des 700 milliards de dépenses de l'assurance maladie : à peine 0,6 %. Il est vrai que la situation n'est pas nouvelle, car elle résulte d'une double défaillance : celle de l'Etat qui a transféré à d'autres -assurance maladie, collectivités territoriales, associations même- la responsabilité de la politique de santé ; celle de la politique d'éducation sanitaire et de prévention enfin.

Comme il est difficile de faire le partage entre les crédits consacrés à la santé et ceux qui relèvent de la solidarité, je consacrerai mon rapport à l'examen des deux nouveaux agrégats "politique de santé publique" et "offre de soins". Ils regroupent l'un 2 200 millions, l'autre 1 560 de sorte que ce budget s'élèvera à 3 792 millions, en progression de 2 % -ce qui est bien modeste.

Les crédits sont en progression de 2 % par rapport à l'année dernière et la principale nouveauté est la priorité donnée à la lutte contre l'exclusion, conformément à l'article 67 de la loi d'orientation du même nom. Dans ce cadre 250 millions sont consacrés aux programmes régionaux pour l'accès à la prévention et aux soins -les PRAPS- dont 194 millions de mesures nouvelles, ce qui est modeste.

La lutte contre le saturnisme mobilise 4,5 millions . Au total, en dépit de la priorité affichée, les moyens nouveaux contre l'exclusion ne représentent que 0,5 % du budget de la santé. L'essentiel des mesures nouvelles consacrées au PRAPS provient d'ailleurs des dépenses déconcentrées d'intervention sanitaire, dont les crédits avaient baissé de 32 % l'an dernier. Cela relativise l'importance de la hausse.

Les centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie disparaissent du budget de la santé et seront désormais financés par l'assurance maladie.

Autre nouveauté, la mise en oeuvre de la loi du 1er juillet 1998 sur la veille sanitaire et le financement des trois agences qu'elle a créées.

L'Agence française de sécurité sanitaire des produit de santé qui reprend les compétences de l'Agence du médicament est dotée de 119 millions et percevra aussi des redevances.

L'agence de sécurité sanitaire des aliments aura 8 millions, dont 3 millions de moyens nouveaux.

L'Institut de veille sanitaire, chargé d'organiser la détection et la surveillance de tout événement susceptible d'affecter la santé humaine est doté de 62,6 millions grâce à des redéploiements : les observatoires régionaux de santé voient leur subvention diminuer de 15 %.

Les trois établissements bénéficieront au total d'environ 60 millions de moyens nouveaux, montant inférieur aux 80 millions provisionnés pour 1998.

Parmi les autres organismes financés par ce budget, figurent l'Agence française du sang, dotée de 29,69 millions et l'Office de protection contre les rayonnements ionisants, doté de 55 millions -les crédits augmentent, mais on attend la réforme profonde demandée par le rapport Le Déaut.

Pour la lutte contre les fléaux sanitaires, les crédits baissent de 1,736 milliard à 1,665 milliard.

M. Pierre Forgues, rapporteur spécial - C'est faux ! Les CHAA sont transférés à l'assurance maladie !

M. Bernard Accoyer, rapporteur pour avis - Il ne faut pas confondre les deux budgets !

La toxicomanie absorbe un tiers du budget de la santé : 1,052 milliard, contre 1,074 milliard en 1998. L'action de la mission interministérielle contre la toxicomanie a été très critiquée par la Cour des comptes et une réorganisation est urgente.

Le budget de l'Etat ne consacre que 90 millions à l'alcoolisme et au tabagisme. Certes la baisse des 53 % des crédits contre l'alcoolisme s'explique par le transfert des CHAA. Mais comme 40 à 50 000 décès sont dus chaque année à l'alcoolisme, c'est une défaillance grave de la part de l'Etat que de se reposer sur un système d'assurance pour assurer la prévention. L'alcoolisme coûte 80 milliards par an à l'assurance maladie.

Quant au tabagisme seulement 1,5 million lui sont affectés alors qu'il s'agit de l'une des principales causes d'affections cardio-vasculaires et de cancers, les deux premières causes de mortalité en France. La seule action du Gouvernement contre le tabagisme consiste à augmenter le coût du tabac. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Pour la lutte contre le sida et les autres maladies transmissibles, les crédits progressent de 10,7 % atteignant 525 millions, mais cette augmentation s'explique en partie par l'inclusion du plan national de lutte contre l'hépatite C, qui fait l'objet d'une mesure nouvelle de 16 millions.

Les crédits de l'aide médicale urgente passent de 16 à 10,5 millions, soit une baisse de 36 % ! Or ces crédits servent à couvrir une partie des dépenses de fonctionnement des SAMU Centres 15.

Le ministre donne pour toute explication son intention de reconsidérer le principe d'une subvention forfaitaire à chaque centre, ces crédits devant être redéployés au profit d'actions plus ciblées correspondant aux priorités de la politique de santé publique.

En ce qui concerne l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation de santé (ANAES), le rapporteur a expliqué que le maintien des crédits à 37 millions s'expliquait par un report de l'an dernier. Or il est évident que cet organisme va connaître une montée en charge rapide car il doit suppléer à une cruelle défaillance -aujourd'hui c'est la presse qui fait l'évaluation des établissements !

Les crédits d'équipement sanitaires se répartissent entre les subventions d'équipement sanitaire et le fonds d'aide à l'adaptation des établissements hospitaliers, le second devant progressivement se substituer au premier. Il n'y a plus cette année d'AP et les CP s'élèvent à 108,5 millions.

Ces dotations apparaissent très insuffisantes par rapport à l'ampleur des besoins.

L'état de santé des 15-24 ans est préoccupant : chez les jeunes garçons, les accidents provoquent 70 % des décès, les suicides 15 % et les maladies 12 %. La mortalité due aux accidents et suicides additionnés est la plus élevée de l'Union européenne, ce qui témoigne d'un mal-être dont la gravité est sous-estimée.

Les signes de mal-être sont identifiés : l'augmentation de la consommation d'alcool et de drogues.

Bien que le secrétaire d'Etat à la santé ait décidé de mettre en oeuvre un programme de prévention du suicide chez les jeunes, les sommes consacrées par le fonds national de prévention, d'éducation et d'information sanitaire aux campagnes nationales de lutte contre le suicide ont chuté de 4,5 millions en 1995 à 2 millions en 1998.

Malgré mes analyses, la commission des affaires sociales a donné un avis favorable à l'adoption de ces crédits (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Francis Delattre, rapporteur spécial de la commission des finances pour les rapatriés - Comme l'an dernier, les crédits relatifs aux rapatriés sont discutés avec ceux de la solidarité, symbole de l'effort qu'il nous faut faire pour achever l'intégration dans la communauté nationale de nos compatriotes rapatriés, qui se heurtent encore à des difficultés importantes.

Si les trois lois d'indemnisation ont réglé la plupart des problèmes, il subsiste des situations personnelles anormales, en raison notamment du casse-tête qu'est la reconstitution des retraites.

L'ensemble des crédits affectés aux rapatriés est réparti sur 8 fascicules budgétaires. Ceux de votre ministère se chiffrent à 135 millions, comme l'an dernier. En y joignant ceux des autres ministères, on arrive à 1,657 milliard, soit une diminution de près de 20 %.

Elle s'explique, il est vrai, par des raisons techniques.

Les versements des allocations forfaitaires aux harkis prévues par les lois de 1987 et 1994 sont achevés. C'est cependant dans cette catégorie que se rencontrent les situations les plus inadmissibles.

L'essentiel des dépenses, 1,3 milliard, correspond à des charges de retraites et il est en diminution pour des raisons démographiques.

Si les opérations lourdes sont achevées, 36 ans après les événements, quelques injustices subsistent.

D'abord, divers organismes de Sécurité sociale, comme la MSA, n'examinent pas avec bienveillance, ou même refusent les déclarations sur l'honneur pourtant prévues par la loi, alors qu'il est difficile de retrouver les documents. Il est souhaitable que le ministre de la santé leur donne des instructions à ce sujet.

Ensuite, les médecins en Algérie étaient bien conventionnés depuis 1952. L'administration, très habile, accepte la prise en compte de la période 1952 à 1962 mais leur demande de racheter les points au tarif actuel et non au tarif de l'époque où ils ont demandé la liquidation. Sur ce point aussi des instructions seraient nécessaires. Les rapatriés souhaitent aussi connaître les modalités de levée de forclusion pour l'adhésion à un régime complémentaire -les SORAVIE-. 1 500 dossiers n'avaient pas été traités et 2 000 autres ont été déposés ensuite. Les fonds sont disponibles. Il faudrait discuter avec les responsables de Groupama responsables de ce régime pour aboutir à une solution équitable.

Des problèmes subsistent également en ce qui concerne les hypothèques sur les biens. Dans certains cas l'Etat s'est substitué aux débiteurs mais certains établissements financiers refusent de lever des hypothèques qui ne s'appliquent plus.

Les commissions départementales d'aide aux rapatriés réinstallés -les CODAIR- ont presque terminé leur travail. Il reste quelques dizaines ou quelques centaines de dossiers qui n'ont pas été traités convenablement. Une commission nationale est prévue. Quand sera-t-elle mise en place et comment les rapatriés y seront-ils représentés ?

Un problème de procédure revêt une grande importance pour les rapatriés. Ceux qui ont bénéficié de la première loi d'indemnisation ont subi, sur ce qui leur était versé, des prélèvements fiscaux allant de un tiers à 100 %. Ce ne fut pas le cas pour ceux qui ont bénéficié de la loi d'indemnisation de 1987. Sur les 30 milliards prévus dans ce dernier cas, 27 milliards ont été utilisés. On pourrait, avec la différence, prendre en charge les 1,8 ou 1,9 milliard prélevés à la première génération.

Il faudrait aussi construire enfin le Memorial de la France d'outre mer auquel les rapatriés sont très attachés. On sait que ce sera à Marseille et l'Etat y consacrera 50 millions. Il faut désormais régler les problèmes de gestion.

J'en viens au problème des harkis. Le plan Balladur de 1994 s'achève. Mais un peu moins des trois quarts des harkis âgés disposent d'un revenu qui est du niveau du minimum vieillesse. Il faudrait instituer un système de rente viagère pour compléter cette retraite. D'autre part, un tiers des 100 000 harkis de deuxième ou troisième génération sont au chômage. Des efforts importants ont été réalisés en leur faveur. Mais il faudrait de nouveaux crédits. Ils ne seront vraiment intégrés que lorsque leur taux de chômage ne sera plus différent de la moyenne nationale.

Malgré ces remarques, je souhaite à titre personnel que le vote de ces crédits se fasse dans l'unanimité. Ce dossier mérite d'être bouclé une fois pour toutes. Ce sera le cas lorsqu'il n'y aura plus de rapport budgétaire... Les rapatriés demandent que les textes existants soient appliqués. La commission des finances vous demande de voter ce budget (Applaudissements sur divers bancs).

M. Jean Bardet - Alain Juppé fut l'initiateur de cette réforme de structure capitale qui a été le vote par le Parlement de la loi de financement de la Sécurité sociale, grâce au soutien sans faille de la majorité de l'époque. Dans l'opposition à l'époque, vous vous êtes opposés par tous les moyens que permet notre Règlement à cette réforme essentielle. Maintenant vous en renforcez même certaines dispositions.

La loi de décentralisation de 1983 avait défini clairement les responsabilités des uns et des autres dans le domaine sanitaire et social. Au département, le volet insertion du RMI, et à l'Etat le versement du revenu minimum. Au département la lutte contre les fléaux sociaux et en particulier le cancer, l'Etat se chargeant de la lutte contre le sida et la toxicomanie, le tabagisme et l'alcoolisme.

Mais l'Etat a transféré à la Sécurité sociale les centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie ce qui grève le budget de celle-ci de 120 millions.

Ce désengagement devient habituel. Ainsi, M. Allègre s'est défaussé sur les régions du problème des lycées avec son prêt de 4 milliards qu'il faudra néanmoins rembourser.

Alors que le haut comité à la santé publique appelle l'attention des autorités sur l'état sanitaire de notre pays, il est important que l'Etat prenne ses responsabilités. En effet, si l'espérance de vie moyenne est la deuxième du monde pour la femme et un peu moins pour l'homme, il existe de grandes lacunes dans nos résultats en matière de santé.

Ainsi, la mortalité périnatale reste l'une des plus fortes des pays développés en raison de la dispersion des maternités qui ne font pas assez d'accouchements et du trop petit nombre de services de réanimation périnatale, souvent éloignés de ces maternités.

De un à quatorze ans la mortalité est voisine de celle des autres pays développés. Mais la mortalité des adolescents et adultes jeunes est le double de celle de bien d'autres pays.

Cette surmortalité très préoccupante des 15-24 ans exigerait un effort particulier du Gouvernement qui, hélas, ne figure pas dans ce budget. Les accidents de la circulation en sont la première cause. Souvent liés à des excès de vitesse et à l'alcoolisme, ces "accidents" n'ont rien de fatal et pourraient être évités. Le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les adolescents et les adultes jeunes : quelle tragédie et quel échec pour la société !

La lutte contre la mortalité périnatale et les morts évitables chez les 15-24 ans devrait être un objectif prioritaire du Gouvernement.

De même, la surmortalité constatée dans la tranche d'âge atteignant la cinquantaine, en particulier chez les hommes, serait évitable. Certes, les Français sont moins sujets aux maladies cardio-vasculaires que les Anglo-Saxons, notamment, pense-t-on, grâce à la consommation d'huile d'olive et à celle de vin, à condition qu'elle soit modérée. Ils sont en revanche plus exposés que d'autres aux conséquences de l'alcoolisme : accidents de la route, cirrhoses du foie, maladies psychiatriques.

Le désengagement de l'Etat au profit de la CNAM ne rendra ni plus lisible ni plus efficace la lutte contre ce fléau. Les crédits du chapitre 47-17 sont nettement insuffisants, même si l'on tient compte du transfert de 12 millions non compensés sur le budget de la sécurité sociale.

Le tabagisme est un autre fléau. Il est à l'origine, on le sait, de nombreux cancers du poumon mais aussi de broncho-pneumopathies qui, bien que moins redoutées du public, sont graves et coûteuses pour la société. Sa responsabilité est également avérée dans les maladies cardio-vasculaires -infarctus du myocarde ou troubles circulatoires périphériques fréquemment à l'origine d'accidents vasculaires cérébraux invalidants et eux aussi fort coûteux pour la société. Il est également responsable des cancers des voies aériennes supérieures et cofacteur de risque pour les cancers de l'estomac et de la vessie.

Les crédits consacrés à la lutte contre le tabagisme, soit seulement 1,5 million à l'article 47-17, sont nettement insuffisants et ce ne sont pas les taxes supplémentaires votées dans la loi de financement de la sécurité sociale qui feront reculer ce fléau. Les fabricants ont d'ailleurs déjà annoncé qu'ils diminueraient leurs prix en proportion des augmentations décidées.

Les campagnes d'information doivent s'adresser en priorité aux jeunes, toutes les études démontrant que le risque ultérieur de toxicomanie est d'autant plus grand que la consommation de tabac a commencé jeune. A cet égard, les déclarations irresponsables de certains membres du Gouvernement qui se vantent d'avoir consommé des drogues douces et souhaitent leur dépénalisation sont regrettables.

Les crédits consacrés à la lutte contre la toxicomanie figurent aux chapitres 47-15 et 47-16. Leur évolution inverse traduit un certain flottement de l'action du Gouvernement dans ce domaine. Le chapitre 47-15 augmente de 815,7 millions tandis que le chapitre 47-16, qui regroupe les crédits de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, diminue de 57,6 millions alors qu'il avait augmenté entre 1997 et 1998. Certes, tous les crédits n'avaient pas été consommés, ce qui traduit un dysfonctionnement. Cette institution a d'ailleurs fait l'objet d'un rapport très sévère de la Cour des comptes. Le projet d'étendre ses missions à la lutte contre l'alcool et le tabac ne clarifiera pas son action.

Les crédits consacrés à la lutte contre le sida, augmentent de 50,7 millions mais ils serviront également désormais à la lutte contre les maladies transmissibles, en particulier l'hépatite C. L'épidémiologie de cette dernière est voisine de celle du sida. Cette affection insidieuse évolue dans 80 % des cas vers une cirrhose et un cancer du foie. On estime à près de 500 000 le nombre de personnes atteintes d'hépatite chronique. L'extension au dépistage de l'hépatite C des centres de dépistage gratuit et anonyme du sida est donc nécessaire.

J'aborderai maintenant quelques autres chapitres. L'article 46-21 regroupe les crédits du revenu minimum d'insertion. Ils augmentent de 4,2 %, soit de plus d'un milliard.

Cela s'explique par l'augmentation du taux du RMI, mais aussi celle du nombre des allocataires. Alors que le Gouvernement a fait de la lutte contre le chômage sa priorité, c'est un cruel aveu d'échec ; malgré divers moyens plus ou moins artificiels pour gonfler les chiffres de l'emploi, les pauvres apparaissent toujours plus pauvres.

Au chapitre 36-81, un mot de l'article 70 portant sur l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation de la santé. Créé par les ordonnances de 1996, elle voit ses compétences sans cesse élargies alors que sa dotation de fonctionnement stagne.

Les autres articles de ce chapitre doivent permettre l'application de la loi du 2 juillet 1998 sur la sécurité sanitaire. Les trois établissements créés, l'agence française de sécurité des produits de santé, l'agence française de sécurité sanitaire des aliments et l'institut de veille sanitaire, bénéficieront de 60 millions de moyens nouveaux, soit 20 millions de moins que ce qui avait été provisionné en 1998.

Le budget de la santé ne représente que 3,8 milliards soit une infime partie des dépenses de santé votées dans la loi de financement de la Sécurité sociale -700 milliards- et seulement 4 % du budget santé et solidarité.

Ses objectifs sont imprécis, les financements croisés source de confusion et les frontières entre ce qui relève de la santé et de la solidarité mal définies. C'est pourquoi le groupe RPR votera contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Denis Jacquat - Ce rendez-vous budgétaire annuel a cette année une importance particulière puisque va être mise en oeuvre la loi contre les exclusions. Pauvreté et précarité n'ont pas régressé et l'exclusion continue de hanter la conscience nationale : 57 % de nos concitoyens redoutent d'en être un jour elles-mêmes victimes.

Les places d'accueil en CHRS sont toujours insuffisantes, bien que leur nombre ait augmenté. Il faut continuer de travailler en étroite concertation avec les acteurs de terrain.

La veille sociale est particulièrement importante pour prévenir l'exclusion. Nous devons donc former encore davantage de travailleurs sociaux. Les instituts de formation doivent accueillir encore plus d'élèves en formation continue ou initiale, et être dotés des moyens d'investissement et de fonctionnement indispensables à un enseignement de qualité.

Les crédits du RMI augmentent de 1,1 milliard pour atteindre 26,4 milliards, somme substantielle, mais nécessaire.

Je tiens à redire l'importance que nous attachons au volet insertion du RMI. Nous nous sommes battus pour cela.

M. Pierre Forgues, rapporteur - Pas tant que cela !

M. Denis Jacquat - Nous étions attachés à ce I de RMI.

M. Serge Janquin, rapporteur - Dont acte.

M. Denis Jacquat - Ce doit être le marchepied pour le retour vers un emploi stable et un logement décent.

S'agissant de l'API, il importe de veiller à ce que les mères ne se retrouvent pas du jour au lendemain sans ressources quand son versement cesse. Une transition professionnelle doit être proposée au moins pendant les six derniers mois.

Dans les moyens de lutte contre l'exclusion, le volet emploi est essentiel. Il faut, en effet, préférer l'activité à l'assistance et activer au maximum les dépenses passives. Il convient de renforcer les moyens d'insertion afin que les personnes les plus éloignées du marché du travail bénéficient aussi de l'amélioration de la situation économique.

S'agissant des handicapés, le manque chronique de places en CAT persiste, malgré les habituelles dotations annuelles. Nous devons nous préoccuper aussi des handicapés vieillissants (Approbation de M. François Goulard).

M. Pierre Forgues, rapporteur - Un plan pluriannuel a été prévu.

M. Denis Jacquat - Oui, mais le nombre de places reste insuffisant. Et, dans les départements frontaliers, les familles de handicapés sont parfois obligées de recourir aux établissements étrangers. C'est le cas dans le Nord avec la Belgique.

M. Serge Janquin, rapporteur - Les familles préféreraient trouver des établissement français.

M. Denis Jacquat - En matière de santé, nos efforts doivent porter prioritairement dans deux directions : l'éducation sanitaire et la santé des jeunes.

Dans le domaine de l'éducation sanitaire, où beaucoup reste à faire dans notre pays, on ne peut que déplorer la multiplicité des acteurs. Une rationalisation s'impose afin d'aboutir à une réelle efficacité. L'éducation sanitaire doit commencer en amont, c'est-à-dire à l'école.

La santé des jeunes est une réelle préoccupation. Le nombre de suicides parmi eux est inquiétant de même que celui des accidents de la route. Si dans le premier cas, on peut évoquer "un mal-vivre", dans le deuxième cas, on note la polytoxicomanie responsable.

Sida, drogue, hépatite C, Alzheimer sont d'autres maladies qui appellent un effort particulier.

Solidarité et santé sont indissociables dans la vie de l'homme.

Le groupe Démocratie libérale qui s'est abstenu lors du vote de la loi contre l'exclusion s'abstiendra sur les crédits de la solidarité. Il votera en revanche contre les crédits de la santé qu'il juge insuffisants.

Mme Yvette Benayoun-Nakache - Les moyens de ce budget connaissent une progression de 10,5 % pour s'établir à 70,8 milliards, ce qui ne peut que nous satisfaire : le Gouvernement veut donner à la lutte contre les exclusions les moyens de son ambition. Je ne citerai que pour rappel l'augmentation des crédits d'urgence sociale, la création de 800 emplois de niveau A, l'amélioration de la qualité des filières de formation. Nous nous félicitons de voir que ce budget met en oeuvre la loi de lutte contre les exclusions. Nous attendons toutefois la parution de l'ensemble des décrets d'application. Pouvez-vous, Monsieur le ministre, nous en indiquer le délai ?

Autre motif de satisfaction, l'effort de création de places dans les établissements sociaux est poursuivi. En témoignent 2 000 places nouvelles dans les CAT et cent places supplémentaires dans les CADA. Mais l'effort consenti pour les CHRS n'est pas à la hauteur des besoins. Certes, 500 places nouvelles sont inscrites, ainsi qu'une revalorisation des subventions de fonctionnement. Mais les missions nouvelles que confie aux CHRS la loi contre les exclusions imposent de plus amples moyens. Il faut porter de 500 à 1 000 le nombre des créations de places, retrouvant ainsi le niveau de 1997. Pour cela, je vous propose d'amender le budget et de transférer 42 millions du chapitre 47-21 vers le chapitre 46-23, article 22. Le premier concerne les crédits relatifs aux dépenses déconcentrées de l'intégration et de la lutte contre les exclusions, le second les CHRS : leur objet est similaire, mais le second a l'avantage de financer des actions moins précaires et plus précises, car encadrées par ces centres.

L'intégration de l'API dans ce budget, qui lui assure un financement plus stable, les actions en faveur du droit des femmes, l'augmentation de l'enveloppe de prise en charge des mesures de tutelle et de curatelle ne peuvent que nous satisfaire. L'effort soutenu de ce budget en faveur des minima sociaux ne saurait occulter la réalité quotidienne de ceux qui survivent avec moins de 3 000 F par mois, ce qui les exclut de fait du droit à la santé, à l'éducation, à la culture, au sport. C'est vers ces personnes que doit se porter toute notre énergie, notamment pour l'amélioration de leur niveau de vie, comme cela fut fait pour les personnes âgées. J'aurais souhaité un geste plus fort envers elles. En effet, si la participation de l'Etat au programme de rénovation et d'humanisation des hospices n'est pas négligeable, il faut souhaiter un véritable engagement de l'Etat en faveur des établissements d'accueil pour les personnes âgées dépendantes, notamment dans le cadre des futurs contrats de plan. Sur ce point il faut souligner l'effort déjà consenti par certains conseils généraux. Ne laissons donc pas s'installer un décalage entre l'engagement de l'Etat et la réalité des financements. Il faudrait sans doute augmenter les enveloppes en direction de ceux qui se sont engagés dans cette voie.

Le financement de 2 000 nouvelles places en CAT est une mesure importante, mais qui ne règle pas le problème global des handicapés. Il faut aller plus loin. Quant à l'AAH, un relèvement significatif est nécessaire, dans le cadre d'une politique globale d'accueil et de participation de ces personnes à la vie de notre pays.

Ces quelques remarques ne visent qu'à parfaire ce budget, dont les orientations générales et les moyens nous satisfont (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Luc Préel - Nous venons d'adopter, après une semaine de discussion, la loi de financement de la Sécurité sociale, et de voter pour la politique de la santé, de la famille, des retraites, près de 2 000 milliards. En regard, le budget du ministère de la santé est modeste, avec à peine 3,8 milliards. Certes, il progresse de 4,5 %, plus que l'inflation, plus que la moyenne des autres ministères. Est-ce pour autant un bon budget ? Non, car un budget ne se juge pas à son augmentation mais à l'utilisation des crédits. Or comme le remarque le rapporteur Gilbert Mitterrand, les dépenses de fonctionnement augmentent et les dépenses d'investissement diminuent de moitié, ce qui est rarement le signe d'un bon budget.

Ce budget permet-il de répondre aux questions majeures qui se posent aujourd'hui au pays ? La première concerne la santé publique. Ce budget représente-t-il un progrès pour la prise en compte de la mortalité prématurée évitable, la prévention et l'éducation à la santé ? Non. En France, si nous sommes bons pour le curatif, nous sommes médiocres pour la prévention et l'éducation à la santé. Contrairement à d'autres pays, nous n'avons pas de politique coordonnée, pluriannuelle et nous n'y consacrons que des sommes dérisoires : 17 F par an et par habitant pour la prévention, 250 F pour la médecine préventive, contre 12 500 F pour les soins.

En outre, une grande disparité des intervenants conduit à l'absence de cohérence. Plusieurs ministères sont concernés, chacun a sa propre politique. Les missions, directions ou délégations interministérielles sont multiples. Sans oublier les caisses, CNAM, MSA, etc, les sociétés mutualistes, les associations, le CFES et les collectivités locales. Cette disparité ne permet aucune action coordonnée. Le ministère devrait avoir la volonté d'y remédier. Que proposez-vous cette année ?

Les observatoires régionaux de la santé, dont la mission est essentielle, manquent cruellement de moyens, et doivent s'autofinancer par des travaux souvent éloignés de leurs missions d'observation. Contrairement à un amendement au rapport annexé voté à la demande de l'UDF, leurs crédits n'augmenteront pas cette année. Ils n'auront toujours pas les moyens de leurs missions.

Les Conférences Régionales de Santé devraient aussi jouer un rôle majeur, en réunissant toutes les personnes intéressées pour étudier l'offre et les besoins au niveau de la région et préparer les travaux de la Conférence nationale. Or elles n'auront toujours pas le temps et les moyens de fonctionner. Est-ce volontaire ?

Le CFES, dont le budget dit régulier atteint 35 millions, est alimenté par une subvention d'Etat de 23,3 millions, qui demeure stable : pas d'amélioration pour 1999 !

Prenez-vous en compte dans ce budget les vraies priorités de santé publique ? Ainsi de l'alcool : cinq millions de personnes ont un problème médical lié à l'alcool, deux millions sont dépendantes, 190 000 séjours hospitaliers sont dus à l'alcool, ainsi que 40 à 50 000 décès, sans compter le coût social considérable. Que proposez-vous cette année ? La prise en charge des CHAA par l'assurance maladie. Mais le ministère ne consacre que 90 millions, alors que les taxes rapportent 95 milliards. Quant au tabac, il cause 60 000 morts par an, avec une progression préoccupante chez les femmes. Certes, vous proposez d'augmenter le prix, mais la politique des prix ne constitue pas une politique de prévention et d'éducation.

Il est plus que temps de se préoccuper de la prévention et de l'éducation et de bâtir une politique coordonnée, pluriannuelle, prenant en compte la mortalité prématurée évitable. Il faut réunir tous les intervenants dans une Agence nationale de prévention et d'éducation et la décliner au niveau régional, en créant des agences régionales. Le Parlement devrait voter, en même temps que l'ONDAM, une enveloppe dédiée à la prévention. N'attendez pas davantage ! Que de temps perdu déjà, que de morts !

D'autres questions se posent. Que proposez-vous pour les médecins de santé publique ? Ils sont en crise, et doivent faire grève ces prochains jours. Ils attendent une reconnaissance de leur rôle et de leur mission. D'autre part les crédits des IFSI et des écoles de puériculture sont stables. Et pourtant ils manquent de moyens et certains sont en situation précaire. L'Etat, renonçant à son rôle, fait supporter la charge de l'enseignement aux hôpitaux, donc à l'assurance maladie. Les IFSI adossés à des établissements hospitaliers peuvent s'en sortir mais quel est l'avenir des autres ?

Les subventions d'équipement sanitaires diminuent chaque année et atteignent un niveau ridiculement bas.

L'Etat ne participe donc quasiment plus à l'indispensable adaptation de l'offre de soins. Lorsqu'on sait qu'il perçoit par ailleurs la TVA, on pourrait espérer un effort plus conséquent. Quant à l'ANAES, sa subvention demeure inchangée alors que son rôle est essentiel pour les références médicales, l'évaluation, l'accréditation des établissements. Pourquoi ne pas l'avoir renforcée ?

Je n'évoquerai pas ici les problèmes majeurs de la formation initiale et continue des médecins. Elle doit prendre en compte les capacités d'écoute, d'analyse, de synthèse, favoriser le contact précoce de l'étudiant avec le malade, plutôt que la mémorisation de formules chimiques. Je n'évoquerai que d'un mot le statut du praticien hospitalier, qui devrait prendre en compte la pénibilité du travail pour remédier au drame des spécialités sinistrées.

Je souhaite évoquer deux problèmes concernant la dépendance : la réforme de la tarification et les aides ménagères. Si vous poursuivez la transformation des hospices, vous ne rattrapez pas le retard pris par l'Etat dans la mise en oeuvre des contrats de plan. Les décrets concernant la réforme de la tarification doivent en principe être publiés prochainement. Chacun souhaite une simplification et la prise en compte de l'état réel des personnes, plutôt que du statut juridique des établissements. Il semble que les décrets soient d'une rare complexité. Quoi d'étonnant ? Nous ne savons pas faire simple. Mais surtout la mise en oeuvre se fera à enveloppe constante. Or, aujourd'hui, 19 000 lits de cure médicale ont été autorisés par les CROSS et ne sont pas financés. Vous en prévoyez 7 000 : que deviendront les 12 000 autres ? Comment sera prise en charge la médicalisation des établissements, qui n'avaient pas déposé de dossier ou qui n'avaient pas reçu d'autorisation parce que dans leur région les autorisations sans financement étaient refusées ?

Les besoins réels de place avoisinent les 40 000. Les infirmières libérales pourront-elles intervenir dans les établissements en étant rémunérées à l'acte ?

Que prévoyez-vous pour l'application des 35 heures ? Le surcoût devra-t-il être payé par le forfait hébergement ?

Les aides ménagères sont le pivot du maintien à domicile. Or, les disparités de prise en charge demeurent fortes. Deux solutions sont possibles : transformer l'aide ménagère en prestation légale obligatoire ou étendre la PSD au GIR 4. Pensez-vous corriger cette injustice ?

Notre médecine curative est performante, mais nous péchons cruellement au niveau de la prévention et de l'éducation de la santé. Plus que le saturnisme ou l'amiante, la vraie priorité est de prendre à bras le corps la prévention et l'éducation de la santé.

Votre budget ne prend en compte aucune des priorités essentielles de santé publique, il ne donne même pas de moyens réels à l'ANAES, pivot de la politique d'évaluation et d'accréditation.

C'est pourquoi le groupe UDF votera contre ce budget.

M. Jean Vila - Nous apprécions que votre budget augmente de 4,5 %.

De fait la France doit avoir une politique de santé moderne et ouverte. Même si nous nous étonnons de certains transferts de charges entre l'Etat et la sécurité sociale, nous jugeons indispensable de mener des actions fortes de prévention et d'éducation à la santé.

La revalorisation de 1,2 % de l'allocation adulte handicapé n'est pas négligeable mais demeure insuffisante, puisque, hors inflation, elle s'élève à 0,2 %. Aux personnes handicapées, il faut reconnaître un véritable statut d'usager.

Nous apprécions l'augmentation du financement des centres d'hébergement et de réadaptation sociale de 3,2 %, qui permettra de créer 500 places, et des centres d'accueil pour les demandeurs d'asile avec la création de 100 places. Ce premier pas en appelle d'autres.

Les crédits de l'Etat pour l'aide sociale destinés aux personnes âgées et handicapées s'élèvera à 350 millions, ce qui permettra de soulager quelques-uns mais restera globalement insuffisant.

Nous notons avec satisfaction les efforts pour lutter contre la toxicomanie et le sida. Cependant les transferts importants de charges ne doivent pas conduire l'Etat à se désengager de ses missions de prévention et de dépistage, en particulier du virus HIV et de l'hépatite C.

Enfin, la lutte contre les exclusions bénéficie pour son volet santé de près de 650 millions dont 157 au titre du volet sanitaire et 434 millions au titre des interventions sociales. La couverture maladie universelle, que nous attendons, complétera ces dispositifs.

Revaloriser le RMI de 1,2 % c'est insuffisant. Augmenter de façon significative le RMI et les minima sociaux redonnerait espoir à des millions de Français. Il ne s'agit pas de développer l'assistanat mais d'être solidaire de ces personnes précaires.

Les Etats généraux de la santé devaient être l'espace où chacun pourrait donner son avis sur la politique de santé de notre pays, et avoir lieu avant la discussion du financement de la Sécurité sociale et du budget de la santé. Regrettons qu'il n'en ait pas été ainsi. Nous nous interrogeons sur le décalage entre les mots et les faits. Il serait bon que vous aidiez les quartiers, les villes et les départements à mettre en place ces lieux de discussion.

La situation des hôpitaux est préoccupante. Le personnel vit de plus en plus mal la gestion quotidienne de la pénurie. Ce n'est pas en fermant des établissements ou des services que les problèmes seront résolus. A Perpignan va être créé le dernier hôpital public de France, mais les moyens seront très en retrait par rapport aux besoins. Les 673 lits actuels sont un minimum. Or c'est une capacité inférieure de 20 % qui est prévue. Nous avons donc toutes les raisons d'être inquiets.

Comment comptez-vous renforcer le personnel, et appliquer la réduction du temps de travail, pour moderniser les centres hospitaliers, et assurer une formation continue du personnel, qu'il s'agisse des écoles d'infirmières ou de la formation des médecins ?

Votre décision de fermer certaines maternités pose problème dans mon département. La maternité de Céret effectue 280 accouchements, celle de Prades 220. Si elles étaient fermées, seule restera-t-il celle de Perpignan, à 2 heures de route des villages les plus éloignés. Or la nature humaine est très contrariante, et le risque zéro n'existe pas. En fermant les petites maternités, vous encombrez celles qui doivent traiter des cas difficiles. Il en va de même pour les urgences.

La santé doit être considérée comme un enjeu de civilisation, et non comme un coût. Telle est la condition pour que notre pays dispense des soins de qualité.

M. François Goulard - Les propos de notre collègue Vila relativisent la discussion budgétaire. En effet, face à une autre majorité, il aurait tenu le même discours tout en votant contre, alors qu'ici il va voter pour. Voilà qui nous incite à la modestie. Je salue l'excellent travail des rapporteurs, en particulier de MM. Accoyer et Delattre...

M. Pierre Forgues, rapporteur - Voilà qui n'est pas partisan...!

M. François Goulard - Je m'en tiendrai ici à quelques points. Il apparaît indispensable de réformer les grandes lois de 1975 pour donner un nouvel élan à la politique en faveur des handicapés. Or, si j'admire beaucoup Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, je note chez elle une inclination à la centralisation : elle me paraît parfois persuadée que, de son esprit fécond, peuvent naître des idées applicables en tout point du territoire et susceptibles de régler tous les problèmes. Je crois au contraire qu'en raison de la complexité de la situation et de la difficulté de passer de l'idée à la pratique, doit prévaloir une conception décentralisatrice : il faut miser avant tout sur les acteurs locaux : ou, pour reprendre la formule du président d'une association de mon département, passer d'une logique de tutelle à une logique du contrat.

Nous devrions bien, à cet égard, tirer les leçons de l'application -à peine entamée, il est vrai, de la loi contre les exclusions. Il est peut-être trop tôt pour le dire, mais il semble que cette loi n'ait guère amélioré la situation des plus démunis...

M. Serge Janquin, rapporteur pour avis - Ce gouvernement n'a pas mis, comme le précédent, quatre ans pour élaborer cette loi et la faire voter !

M. François Goulard - Il faudrait en tout cas s'appuyer beaucoup plus sur les acteurs locaux.

Nos concitoyens comprennent de moins en moins qu'ils aient à s'en remettre aux journaux pour l'évaluation des hôpitaux et de la politique de santé. L'ANAES doit donc absolument travailler à une plus grande transparence, d'autant que les inégalités sont considérables d'une région à l'autre.

M. Serge Janquin, rapporteur pour avis - Très bien !

M. François Goulard - Ceux qui ont la chance de relever d'un CHU parisien ne sont pas soignés comme ceux qui relèvent d'un hôpital rural. L'évaluation serait le premier pas pour une réduction de ces inégalités devant l'hôpital.

Enfin, je suis du petit nombre de ceux qui pensent que la tutelle des hôpitaux et, en tout cas, la régulation financière des dépenses hospitalières, devraient être confiées, non à l'Etat, mais à l'assurance maladie. Les ARH sont donc, à mon avis, une assez mauvaise solution. Je souhaiterais aussi que, lors des inévitables restructurations, on ne regroupe on ne supprime des services qu'en fonction des critères strictement médicaux. Evitons toute interférence politique et limitons le recours à des règles trop mécaniques : il faut, là encore, travailler au plus près de la réalité (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

Mme Catherine Génisson - A structure constante, ce budget croît de 3,6 % pour s'établir à 3 792 millions. A ceux qui soulignent que cette augmentation n'est dans l'absolu que de 0,3 %, je rappellerai que le Gouvernement avait déjà consenti l'an dernier un effort très important, relevant les crédits de plus de 10 % pour remédier aux carences des années précédentes.

Nécessairement appuyé sur la loi de financement de la sécurité sociale, ce budget est marqué par quatre priorités. En premier lieu, la lutte contre l'exclusion. La loi que nous avons adoptée cette année sur ce sujet consacre à la santé une place essentielle qui est ici consacrée par les 250 millions alloués aux programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins. Mais l'essentiel n'est pas dans le montant des crédits : il est dans la volonté de prendre en charge de façon globale la lutte contre les exclusions. Cette démarche trouve ici sa traduction avec la mise en réseaux ou la valorisation des initiatives en faveur de l'éducation à la santé, de l'accompagnement et de la prévention. La prochaine loi relative à la couverture maladie universelle eomplètera ce dispositif, mais il faut insister sur la nécessité de coordonner les efforts à l'échelon local.

Deuxième priorité : le combat contre les maladies infectieuses et contre les toxicomanies. Un milliard sera consacré à ce dernier point, ce qui devrait permettre une prise en charge globale de toutes les dépendances -les compétences de la mission interministérielle ont d'ailleurs été élargies à l'alcool et au tabac.

Ce sont 523,5 millions qui iront à la lutte contre les maladies infectieuses. Nous ne pouvons que nous réjouir de la progression des crédits alloués à la lutte contre le Sida, ainsi que de l'extension de l'effort à la lutte contre l'hépatite C qui touche quatre à cinq cent mille personnes dont 80 % évolueront vers des maladies chroniques : hépatite chronique, cirrhose, cancer du foie ; 16 millions serviront à pallier l'absence de vaccin par une meilleure prévention et par un dépistage anonyme et gratuit.

Troisième priorité : l'organisation du système de soins, dotée de 1,56 milliard.

Pour la mise en réseaux des acteurs de santé, et pour la modernisation des hôpitaux, l'action de l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, l'ANAES sera essentielle. La première version du manuel d'accréditation a été mise au point et la procédure commence d'être testée dans une cinquantaine d'établissements de santé, en vue de lancer l'accréditation au début de l'an prochain. Lors de leur audition, les représentants de l'ANAES nous ont indiqué pouvoir conduire leurs travaux avec une certaine avance sur la date prévue par les ordonnances de M. Juppé.

L'ANAES offre les outils de la réorganisation et de la modernisation de notre système de santé : là est tout son rôle, rien que son rôle ! Il revient aux acteurs de santé d'effectuer les mutations nécessaires pour adapter l'offre de soins aux besoins des bassins de vie. La requalification de notre système de soins est l'affaire de tous !

Enfin, les crédits de la veille et du contrôle de la sécurité sanitaire coûteront 42 millions pour atteindre 338 millions partagés entre les trois nouvelles agences. Cette détermination à assurer nos concitoyens de la qualité des services offerts nous paraît essentiel si l'on veut rapprocher le système de soins et de santé des usagers.

Malgré le caractère cohérent de cette démarche, des attentes et des interrogations légitimes persistent -mais je ne doute pas que le Gouvernement nous apportera les réponses les plus propres à nous rassurer. Une première préoccupation a trait aux crédits des services d'aide médicale d'urgence. N'y a-t-il pas remise en cause de la subvention forfaitaire versée aux centres 15 ? La lutte contre la douleur et le cancer sont pourtant indispensables.

J'aimerais d'autre part connaître plus précisément les objectifs du Gouvernement en matière de réorganisation interne des hôpitaux. Quid de la mise en place des centres de responsabilité, de la prise en compte de la pénibilité, du maintien de services de médecine générale à l'hôpital et, même si ce point semble d'un intérêt plus circonscrit, de l'accueil des sourds ?

Enfin, la simple reconduction des crédits alloués à la formation des personnels médicaux et para-médicaux suscite l'inquiétude des infirmières.

La solidarité nationale doit aussi s'exprimer clairement vis-à-vis des départements et territoires d'outre-mer. La progression de plus de 12 % des crédits destinés aux TOM porte ce chapitre à 197 millions. En outre, l'apurement de la dette du service de santé de Wallis-et-Futuna sera poursuivi, tandis que les crédits de fonctionnement seront maintenus à 16 millions. Je ne doute pas que votre rapporteur ait informé le députés de Wallis-et-Futuna de l'importance de l'effort poursuivi par le Gouvernement pour apurer la dette du service de santé de ce territoire, tout en lui donnant les moyens de fonctionner correctement : 16 millions de dotation supplémentaire en 1999, après 18 millions en 1998, pour une dette constatée de 56 millions en 1997.

Je terminerai en insistant sur la nécessité d'une politique de prévention des risques qui menacent notre jeunesse, en particulier les suicides et les accidents. Le suicide est ainsi la deuxième cause de décès en France pour les jeunes de 15 à 24 ans et la première pour les 25-34 ans : on décompte chaque année au total 160 000 tentatives de suicide et plus de 11 000 décès. Ce problème est donc un enjeu de société.

Le Gouvernement met en oeuvre, de 1998 à 2000, un programme national de prévention du suicide, en s'appuyant sur les expériences menées dans neuf régions. Nous souhaiterions quelques précisions sur ce programme et son déroulement.

Par ailleurs, comme l'an dernier, 2 millions sont affectés à la lutte contre le suicide dans le cadre du Fonds national de prévention, d'éducation et d'information sanitaire. On peut trouver ce montant insuffisant mais on ne peut, comme certains le font, dénoncer la baisse des crédits de 1995 à 1998, alors que les mêmes n'ont affecté qu'un milliard en 1996 et 0,1 milliard en 1997 à la lutte contre le suicide ! ("Très bien !" sur les bancs du groupe socialiste) Oui les efforts doivent être poursuivis, dans ce domaine comme dans d'autres.

Compte tenu des avancées conséquentes que comporte ce budget, le groupe socialiste lui apportera son soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - A la demande du Gouvernement, la séance est suspendue pour une dizaine de minutes.

La séance, suspendue à 17 heures 30, est reprise à 17 heures 45.

M. Jean-Pierre Foucher - Les priorités annoncées nécessitent des crédits importants.

Aussi, avec son augmentation de 2 % seulement et ses 3 milliards 790 millions, le budget de la santé semble-t-il bien modeste. Il donne l'impression de viser uniquement à la mise en place du programme prévu par la loi de juillet dernier relative à la veille sanitaire et au contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme. Il est vrai qu'il ne représente que 0,35 % de l'ensemble des dépenses de santé !

Pour les trois cinquièmes il est consacré à la politique de santé publique ; l'offre de soins bénéficie donc d'une part réduite. Je le regrette, les quatre priorités que vous avez annoncées me paraissent mériter mieux.

Avec les 250 millions alloués à la lutte contre l'exclusion par la mise en oeuvre de programmes d'accès à la prévention et aux soins sont largement insuffisants et en outre dispersés. Les moyens nouveaux consacrés à cette première priorité ne représentent que 0,5 % des crédits de la santé. Peut-on dire que les PRAPS sont une priorité ?

Les maladies infectieuses et les toxicomanies sont considérées comme votre deuxième priorité. En ce qui concerne la toxicomanie, je note comme l'an dernier un manque très net d'ambition. En effet les crédits affectés à la mission interministérielle baissent de 20 %, ce qui est particulièrement inquiétant puisque ces crédits déconcentrés dans les DDASS avaient permis en 1998 de développer des dispositifs spécialisés de soins, et de soutenir financièrement des centres de soins en ambulatoire. La Cour des comptes a relevé comme nous qu'il n'y avait pas d'évaluation de la consommation des crédits. Ne serait-il pas grand temps d'y procéder ? Car enfin, la réduction des crédits est-elle due à l'inefficacité des réseaux -dans ce cas il faudrait d'urgence les réorganiser- ou à une mauvaise évaluation des besoins -ce qui conduirait à mener avec diligence une enquête ciblée. Une nouvelle fois nous réclamons donc une évaluation sérieuse et la publication de ses résultats.

Le tabagisme et l'alcoolisme grandissant qui lui sont souvent liés, sévissent aussi parmi les jeunes et les femmes. Alors que plus de 5 millions de personnes sont atteintes de troubles liés à l'alcoolisme qui reste la troisième cause de décès en France, les crédits restent faibles. Il est nécessaire de réactualiser les campagnes de prévention, particulièrement en direction des jeunes et de créer des consultations d'alcoologie dans les centres de réadaptation sociale. En ce qui concerne le tabagisme, des campagnes nationales sont également nécessaires. Mais augmenter le prix du tabac ne suffit pas puisque le tabagisme commence de plus en plus tôt chez les jeunes qui n'ont pas des moyens illimités et que les fabricants ne répercutent pas la hausse sur le prix de vente.

Pour le Sida, de gros efforts de prévention restent à faire car 41 % des malades ne sont pas détectés avant la phase clinique. Les nouvelles thérapeutiques, la prise de conscience dans certains milieux particulièrement touchés sont des éléments positifs. Mais les jeunes, notamment en raison de la drogue, sont des victimes potentielles. C'est pourquoi il serait certainement utile de mener de grandes actions contre l'ensemble de ces fléaux. Vous le faites en abondant les crédits alloués aux centres de dépistage anonymes pour le Sida afin de dépister également l'hépatite C.

D'autres fléaux comme la tuberculose ou la consommation de psychotropes ne semblent plus retenir votre intérêt. Où en sont les actions qui devaient être mises en place par la loi contre l'exclusion de 1996 ? On sait que les exclus sont les plus menacés dans leur santé. Il faut engager la prévention sur la consommation des psychotropes avant la loi sur le dopage, d'autant plus qu'elle est une cause importante d'accidents de la route.

Bizarrement notre pays détient le triste record en Europe pour le suicide des jeunes. Sans doute, face à la démission des familles, à l'angoisse de l'avenir, aux facilités que procure la drogue ou l'alcool, est-il difficile de proposer une solution. Mais il faut que nous y réfléchissions tous ensemble, en attendant que les pouvoirs publics, notamment grâce aux centres de dépistage et de prévention, proposent une écoute plus attentive et des explications plus nettes sur les conséquences de certains comportements. Le mal-être des jeunes ne peut qu'empirer avec la toxicomanie, l'alcoolisme, l'agressivité et une politique ferme et ambitieuse sur la conduite trop rapide ou en état d'ébriété ne pourrait que recueillir notre accord.

Comme l'a rappelé Jean-Luc Préel la politique de prévention et d'éducation sanitaire manque très nettement de moyens financiers et souffre d'une absence de coordination. Je suis tout à fait favorable à la création de l'Agence nationale d'éducation et de prévention à la santé pour mener une action cohérente.

Enfin, la mortalité infantile reste un problème majeur. Après un effort louable dans certains domaines comme celui de la mort subite du nourrisson, la France est retombée à un niveau inadmissible. Des campagnes nationales de prévention devraient être rapidement organisées et relayées par les centres de PMI.

La médecine scolaire qui me tient à coeur ne paraît pas être soutenue comme elle le mérite. Vous aviez reconnu en 1997 qu'elle était desservie par le faible niveau des vacations. Mais de nombreux enfants ne sont suivis que par la médecine scolaire. Elle devrait donc être une de nos actions prioritaires et coordonnées. Je pense que vous y serez sensible.

Les crédits alloués à l'ANAES sont très insuffisants : ils sont simplement maintenus alors que les missions d'intervention de cet organisme sont étendues. Le retard pris dans l'évaluation des établissements a conduit certains magazines à proposer un classement selon des critères arbitraires. Mise en place en avril 1996, l'ANAES n'a pas encore terminé l'étude des 32 programmes en cours. Plus ou moins embourbée, elle ne procède que trop lentement aux accréditations, à l'évaluation et à la mise en place de référentiels. La qualité des soins à l'hôpital doit être la même sur l'ensemble du territoire. Or actuellement -et l'UDF ne peut l'accepter- les inégalités régionales entraînent de graves inégalités dans l'accès aux soins.

Les investissements d'équipement sanitaire me paraissent également trop modestes. Le taux moyen de subventions reste faible alors que les critères de sélection des programmes sont restrictifs. Pourtant, il y a matière à opérer des restructurations de grande ampleur. Je souhaite que l'accord entre le Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière et les organisations syndicales, concernant le fonds d'accompagnement social pour la modernisation des hôpitaux, recueille rapidement l'acceptation de la caisse nationale d'assurance maladie. La mise en oeuvre de ce fonds complétera utilement l'action de l'ANAES.

Les crédits consacrés à la mise en place de la loi de juillet 1998 sur la veille sanitaire ne correspondent déjà plus aux engagements pris alors. Seuls 60 millions sont consacrés aux missions nouvelles de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, de l'Institut de veille sanitaire et de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, alors que 80 millions avaient été provisionnés. Ces organismes devaient pourtant jouer un rôle d'experts auprès des pouvoirs publics. Je crains donc un mauvais démarrage faute de moyens.

Il est dommage que ce budget ne corresponde pas aux besoins et à vos ambitions affichées. Surtout, nous n'entrevoyons pas la direction générale que prend votre politique de santé publique. Mais en avez-vous défini une ? D'énormes progrès sont à faire rapidement, et nous attendons impatiemment des résultats (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

Mme Béatrice Marre - Le taux de féminisation dans la vie publique et professionnelle s'améliore. Mais il faut maintenir un effort spécifique pour assurer le respect du droit des femmes dans une société encore trop encline à les bafouer. Trop de violence, de difficultés d'intégration, d'inégalités subsistent.

Or les crédits d'intervention du service des droits des femmes ont diminué constamment, passant de 106,4 millions en 1991 à 72 millions en 1998. En 1999, ils seront de 80,47 millions. Je me félicite de cette progression, mais ce n'est qu'un premier rattrapage.

Il convient de renforcer les moyens du réseau associatif qui joue un rôle irremplaçable. Les associations hélas, manquent cruellement de moyens : leurs missions sont de plus en plus larges alors même que les dotations que leur octroie l'Etat restent insuffisantes. Ainsi le centre national d'information et de documentation des femmes et des familles a été obligé de contracter un prêt bancaire pour réaliser des travaux urgents dans ses locaux vétustes. Ses antennes locales connaissent des difficultés semblables. Quant à l'association européenne contre les violences faites aux femmes au travail, elle se trouve en faillite, l'Etat ne lui ayant pas versé sa subvention annuelle. Il serait profondément regrettable que le réseau associatif soit contraint de réduire ses activités à cause du non-respect de ses engagements par l'Etat.

Les crédits de la Délégation interministérielle aux droits des femmes augmentent faiblement en 1999. Seront-ils suffisants pour renforcer ses moyens comme le Premier ministre l'avait annoncé lors des journées parlementaires du groupe socialiste le 29 septembre dernier ? Tous les postes des délégations départementales et régionales ne sont pas non plus pourvus.

Le Gouvernement a la volonté d'améliorer la situation des femmes dans la sphère publique comme dans la sphère privée, le Premier ministre y a insisté le 29 septembre alors qu'il annonçait l'examen par l'Assemblée nationale avant la fin de l'année du projet de révision constitutionnelle destinée à assurer la parité hommes-femmes dans les fonctions électives. La cohérence aurait exigé que les services des droits des femmes bénéficient de crédits plus substantiels en 1999. Pouvez-vous, Monsieur le ministre, à ce qu'ils se trouvent en 2000 leur niveau de 1991, soit 106 millions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Dominique Gillot - Le budget de la solidarité revêt cette année une importance particulière puisqu'il s'agit de la première année d'application de la loi contre les exclusions.

L'exclusion naît d'une accumulation de handicaps divers et de l'isolement qui aggrave la précarité. Une personne qui a besoin momentanément ou plus durablement de l'aide publique, quelles qu'en soient les raisons, ne doit pas pour autant être exclue : elle a droit à sa place dans la société et doit pouvoir, comme chacun, exercer ses responsabilités familiales, associatives, politiques, culturelles, autant de responsabilités citoyennes qui lui garantissent le respect de ses semblables et la considération de soi-même.

Avec 493 millions de francs, le budget que nous examinons permettra de répondre à l'urgence sociale, d'autant que la loi contre les exclusions permettra d'aller plus loin.

Une catégorie de personnes appelle une solidarité active et respectueuse : les handicapés. Les crédits qui leur sont consacrés augmentent de 5 %. Leurs droits fondamentaux sont clairement affirmés dans le projet politique du Gouvernement. Donner à chacun la possibilité d'y accéder est le défi à relever.

Si la loi du 10 juillet 1987 facilite leur accès à l'emploi, elle ne fonde pas pour autant une politique cohérente que seule garantiraient d'une part une action interministérielle, d'autre part des moyens financiers suffisants.

L'augmentation du nombre d'allocataires de l'AAH tient à une meilleure connaissance de leurs droits par les intéressés. Du fait de la faiblesse des ressources de ceux-ci, 60 % d'entre eux perçoivent une allocation à taux plein.

Trop de handicapés ne peuvent encore accéder, malgré la reconnaissance de travailleur handicapé par la COTOREP, à un emploi adapté en milieu ordinaire. Mauvaise information ; absence de mobilisation du milieu professionnel ; difficultés trop lourdes à surmonter pour la personne handicapée ; inadaptation du milieu ordinaire ; mauvaise appréciation des COTOREP, absence de motivation au-delà des quotas obligatoires et des bonnes intentions. Voilà qui justifie une implication plus forte des pouvoirs publics.

Une réforme des COTOREP pour obtenir une plus grande rapidité, une égalité de traitement d'un département à l'autre, d'une année à l'autre, une meilleure connaissance de chaque handicap et des moyens de les surmonter est urgente.

Comme le rapporteur, je souhaite que les interventions des institutions publiques qui ont la charge de la solidarité envers les handicapés soient plus lisibles et plus transparentes. Il faut les réexaminer globalement, en concertation avec l'ensemble des intéressés.

Il faut dépasser les rigidités administratives et les logiques sectorielles. Dans les premières étapes de la vie, il faut favoriser le dépistage des handicaps et la sensibilisation précoce des parents.

Les aptitudes de l'enfant, le choix des parents doivent être respectés et guidés en matière d'éducation et d'enseignement.

Un enseignement spécialisé de qualité et ouvert, comme l'intégration scolaire en milieu ordinaire justifient le rapprochement des ministères de la solidarité et de l'éducation nationale.

Il faut prévoir à chaque étape, un accompagnement, un soutien éducatif et sanitaire adaptés au projet individuel de l'enfant handicapé et au choix de sa famille. L'enseignement supérieur doit aussi s'ouvrir aux étudiants handicapés, dont l'expérience est toujours utile à leurs camarades et à leurs professeurs. La formation professionnelle, elle aussi, doit s'adapter aux besoins et aux attentes des handicapés. Incohérences et inadaptations aboutissent encore trop souvent à un gâchis financier, qui profite aux organismes de formation et à la frustration des intéressés qui n'accèdent pas à l'emploi, comme ils le souhaiteraient.

La création de 2 000 places supplémentaires de CAT et de 500 places d'ateliers protégés doit s'accompagner d'une meilleure ouverture du milieu ordinaire, d'une plus grande sensibilisation du milieu professionnel et d'un partenariat plus étroit avec l'AGEFIPH. Ce recentrage est en marche, une volonté politique claire devrait l'accélérer.

Pour conclure, j'évoquerai la situation des sourds et déficients auditifs, de naissance ou non. J'ai remis un rapport sur le sujet au Premier ministre.

Des mesures de bon sens sont attendues avec impatience, notamment pour leur garantir un accueil adapté dans tous les services publics.

L'Assistance publique a mis en place un service d'accueil pour eux à la Salpêtrière, qui devrait être expérimenté dans une douzaine de sites en France. Ils pourront y rencontrer des équipes médicales averties, sensibilisées à leurs problèmes, capables de poser un diagnostic et d'établir un protocole de soins, de les rendre responsables de leur santé.

D'autres mesures de ce type sont nécessaires pour leur faciliter la vie quotidienne et éviter la dépendance. Nous construirons ainsi une société plus généreuse, plus attentive à ceux qui présentent une différence qui devient trop souvent invalidante si elle n'est pas identifiée et facteur d'exclusion quand, négligée, elle empêche l'intéressé d'exercer sa responsabilité individuelle et sa citoyenneté.

Un plan national sur le handicap serait nécessaire qui mobiliserait toutes les compétences au-delà du cercle familial qui ne doit pas, comme c'est encore trop souvent le cas, être le seul lien d'intégration sociale. Nous sommes prêts à assumer cette responsabilité nationale d'envergure. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Philippe Nauche - Deux motifs de satisfaction dans ce budget : son augmentation de 3,4 % à structure constante et la priorité à la lutte contre les grands fléaux sanitaires. Un motif d'inquiétude : les moyens consacrés à la santé publique et à la prévention : dix francs par habitant consacrés à l'éducation à la santé, 250 francs à la prévention, et 11 000 francs aux soins !

Il n'existe pas en France de véritable culture de la prévention en matière de santé. Les actions en ce domaine restent cloisonnées. Une rationalisation serait nécessaire et votre ministère devrait développer des programmes.

Les débats sur la santé dans notre pays se focalisent trop sur l'offre de soins. Quant aux médias, ils insistent seulement sur les enjeux financiers ou vantent des prouesses techniques dont seuls quelques services sont capables. On est loin des objectifs d'une politique de santé publique ! Espérons que les états généraux de la santé permettront de dépasser l'approche strictement administrative et médicale des besoins en ce domaine, et notamment de mesurer les inégalités dans l'accès aux soins. Il convient aussi d'anticiper alors que jusqu'à présent on s'est souvent contenté de se fonder sur les pratiques passées.

Il appartient aux politiques de formuler des propositions. Cela implique de développer la notion de territoire de santé, dans lequel seraient mises en cohérence les différentes actions. Dans cet espace à dimension humaine, ce "pays" au sens de l'aménagement du territoire, certaines fonctions doivent être assurées au plus près de la population : prévention, éducation à la santé, mais aussi offre curative organisée en réseau. L'évaluation des différents acteurs est nécessaire, et l'ANAES est un maillon essentiel du droit du malade. L'enjeu majeur est en effet l'égalité des chances, et le débat parlementaire peut être l'occasion de préciser les enjeux du futur à cet égard.

Il faut aussi poser les problèmes de notre organisation sanitaire. Le rôle respectif des différents acteurs doit-il évoluer ? Faut-il aller vers plus de régionalisation ? Les agences régionales de l'hospitalisation doivent-elles aller vers une extension de leur champ de compétences, et devenir des agences régionales de santé ? Les établissements doivent-ils aller vers plus d'autonomie ? La démarche d'accréditation ne devrait-elle pas dépasser le cadre des établissements et concerner toutes les professions de santé ? L'objectif est de rapprocher l'action publique de la population et d'assurer la transparence du système de santé. La volonté politique que traduit ce budget conduira le groupe socialiste à le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. André Aschieri - La France consacre près de 10 % de sa richesse à la santé, mais il existe encore de graves inégalités sociales et régionales. Comme le souligne un rapport récent du Conseil économique et social, le système français donne la priorité à la médecine curative, d'où ses performances médiocres dans la prévention.

Les maladies liées directement à notre environnement, les risques iatrogènes, la mortalité en couches, nous poussent à reconsidérer notre système de soins : il n'est que l'un des facteurs dont dépend l'état de santé d'une population. Nous devons passer d'une société d'assurance à une société de responsabilité, anticiper le risque afin de le réduire, en un mot, prévenir.

Prévenir, c'est garantir l'accès à la santé pour tous. La restructuration du système hospitalier doit être concertée avec tous les acteurs, au regard des besoins de la population. Il faut maintenir des services de soins accessibles à tous. Les structures d'accueil pour les personnes en difficulté sont un élément majeur de la lutte contre les exclusions. Pour les plus démunis, le seul lieu d'écoute et de soins est souvent le service des urgences. La misère n'est pas rentable ! La médecine privée ne jouera jamais le rôle social de ces structures publiques. Vous devez, Monsieur le ministre, sauver cet accueil de proximité.

Prévenir, c'est aussi informer. Les moyens de la lutte contre le tabagisme sont encore insuffisants. Développer la prévention, c'est sensibiliser les jeunes au risque. Arrêter de fumer pour soi, pour autrui, c'est une prise de conscience à faire le plus tôt possible. Les prévisions de mortalité liées au tabagisme, à l'horizon 2025, sont alarmantes. Les estimations ne sont guère plus rassurantes concernant l'alcoolisme. Le rapport Roques mettait en évidence la dangerosité du tabac et de l'alcool, bien avant celle du cannabis, qu'il est pourtant plus facile de dénoncer.

Prévenir, c'est donner la priorité à la santé de nos enfants et de nos jeunes, dont le Haut comité de la santé publique a montré l'état préoccupant. L'augmentation de l'espérance de vie de la population résulte désormais du prolongement de la vie des personnes âgées, et non plus de celle des jeunes. Les données statistiques ne sont pas rassurantes pour les 15-24 ans et témoignent d'un mal-être dont la gravité ne doit pas être sous-estimée : troubles du sommeil, anxiété, désespoir face à l'avenir. L'Etat se doit d'apporter des réponses concrètes. Le suicide représente pour ces jeunes la deuxième cause de mortalité après les accidents.

Parce que les comportements sanitaires de l'enfance induisent les maladies de l'adulte, c'est aujourd'hui qu'il faut prévenir les pathologies du XXIème siècle. Nous souhaitons voir mis en place les comités d'éducation à la santé dans le plus grand nombre d'établissements scolaires. Nous rappelons qu'en 1997 le Parlement des enfants avait réclamé une infirmière par école. Seulement 18 % des écoles en sont aujourd'hui dotées. L'école doit redevenir un lieu d'éducation sanitaire. Nutrition, hygiène de vie, lutte contre l'enfance maltraitée et information sexuelle permettront de former demain des citoyens en bonne santé et épanouis. L'Etat ne doit plus se contenter d'éteindre les incendies, mais mener une véritable politique de prévention.

Prévenir, c'est aussi permettre l'accès aux médecines alternatives (Murmures sur les bancs du groupe UDF). La médecine ne doit plus seulement être allopathique. Il existe des alternatives, de l'ostéopathie à l'acupuncture, de la diététique à l'homéopathie, qui gagnent les faveurs de la population. Elles ne considèrent pas seulement la maladie à éliminer mais la santé à développer. Elles replacent l'élément pathologique dans l'histoire de la vie du patient. Ces approches moins coûteuses que les médecines traditionnelles doivent être accessibles à tous. Non remboursées, elles restent une médecine de confort, alors qu'elles ont leur place dans une politique globale de santé publique.

Informer la population sur les risques encourus est un devoir de l'Etat. L'Office de protection contre les rayonnements ionisants est financé pour une part importante par le budget de la santé. Les députés Verts rappellent qu'ils attendent la création d'un grand organisme indépendant de radioprotection et de sûreté. Notre collègue Le Déaut avait dénoncé l'insuffisance des moyens consacrés à la radioprotection. Au regard des risques avérés du nucléaire, les citoyens sont en droit d'être informés. Tirons les leçons de la Hague ! Il faut plus de transparence pour rétablir la confiance.

Les députés Verts attachent une attention toute particulière à la politique de prévention. Même si votre budget n'est pas encore celui que nous aurions souhaité, nous savons que vous vous efforcerez de le développer. Votre conception de la santé publique rencontre la nôtre. Aussi nous vous ferons confiance et nous associerons par notre vote aux réformes que vous engagez aujourd'hui (Applaudissements sur quelques les bancs du groupe socialiste).

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé - Ce budget est généralement critiqué pour sa faiblesse, si on le compare à certains mastodontes budgétaires qui traitent également de la santé. Chaque année on déplore son insuffisance, et je la déplore aussi ! Mais à travers lui nous essayons d'indiquer et d'engager des lignes d'action qui sont celles mêmes de la prévention et de la santé publique que vous appelez tous de vos voeux. Par ailleurs, il y a en France une Caisse nationale d'assurance maladie qui pèse très lourd, pour le bien de la santé. Le budget du ministère de la santé n'est pas là pour suppléer ou renforcer celui de la CNAM : il est là pour indiquer. Et certes, dans notre système -dont pourtant les avantages l'emportent sur les inconvénients- on est parfois dans l'embarras. On indique des directions, notamment pour la prévention, ou la prise en charge de solidarités nouvelles. Et il y a une pesanteur -pour parler pudiquement- qui fait qu'il faut quelques années pour que ces efforts, ces indications portent des fruits. Je parle ici de la santé, non de la solidarité, dont les crédits sont plus conséquents.

Ce budget rend compte des responsabilités de l'Etat envers les personnes les plus fragiles de notre société. Il témoigne de notre attention envers ceux qui sont exclus partiellement, voire totalement des bénéfices du progrès économique, et subissent trop souvent les inégalités, l'isolement et la violence des rapports sociaux.

La loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions donne de cet immense champ d'action une vision nouvelle, dont ce budget porte témoignage. Je remercie vos rapporteurs de l'avoir compris et souligné. Je ne nie pas, Monsieur Forgues, le problème des retards de réponse aux questionnaires budgétaires, et je vous adresse nos excuses. A la décharge de nos services, outre le fait que les conseillers de Mme Aubry et les miens se sont toujours tenus à la disposition des commissions, je rappellerai la charge de travail que représentent l'élaboration des textes d'application de la loi contre les exclusions et la préparation de la loi de financement. Mais je suis préoccupé comme vous par la nécessité d'ajuster les moyens de l'administration sanitaire et sociale à l'ampleur toujours croissante de ses missions. M. Gilbert Mitterrand a souligné les acquis de ce budget sur ce point. Et je m'engage à tenir pour prioritaire l'amélioration du dialogue entre nos services et la Représentation nationale.

La croissance quantitative d'un budget n'est pas une fin en soi. Si le budget de la santé et de la solidarité progresse de 4,5 %, deux fois plus vite que le budget de l'Etat, voyons-y le signe tangible de l'engagement du Gouvernement sur les priorités de l'action sanitaire et sociale. Comme l'a dit Gilbert Mitterrand, ce n'est pas l'augmentation en soi qui est significative : c'est l'indication.

Ce projet de budget s'élève, hors crédits de la ville, à 79,921 milliards contre 72,436 en 1998. Cette progression brute de 7 milliards et demi comprend la prise en charge par l'Etat, pour 4,233 milliards, de l'allocation de parent isolé, en contrepartie de la révision du quotient familial qui permet de rétablir les allocations familiales pour tous sans condition de ressources.

Hors allocation de parent isolé, ce budget s'élève à 75,687 milliards, dont 66,66 milliards pour la solidarité, 3,792 milliards pour la santé et 5,274 milliards pour les services. La progression réelle est ainsi de 3,250 milliards, dont 70 % sont imputables à la hausse de l'AAH et du RMI, même si les effectifs de ce dernier marquent une lente décrue.

Toutes les priorités de notre action sont ainsi financées, et nos concitoyens pourront bénéficier dans leur vie quotidienne de l'application de deux grandes lois relatives à la lutte contre les exclusions et au renforcement de la sécurité sanitaire. 725 millions de mesures nouvelles, 1,8 milliard avec l'ajustement de la dotation du RMI, alimentent la lutte contre les exclusions.

La réinsertion par l'emploi ne va pas de soi : elle mérite tout un parcours, avec un appui individualisé. Le budget de la solidarité contribue à cette démarche par l'abondement de 120 millions aux fonds d'aide aux jeunes dans le cadre du programme TRACE, et par la hausse de 100 millions des crédits d'accompagnement social individuel. Les plus démunis des 10 000 jeunes inscrits dans le programme TRACE en 1999 recevront ainsi une aide matérielle particulière. Cet effort sera relayé par les conseils généraux et les 2 000 communes qui, a rappelé M. Janquin, contribuent aux fonds d'aide aux jeunes.

Nous doublons les crédits de l'accompagnement social individualisé, qui permet de débloquer des situations sociales difficiles. Le Fonds social européen multiplie par deux cet effort de l'Etat. Le dispositif de veille et d'urgence sociale trouve dans l'article 157 de la loi contre les exclusions une assise législative. Ce dispositif compte 30 000 places de centres d'hébergement régional spécialisé, 15 000 places d'hébergement d'urgence et 28 000 places bénéficiant de l'allocation de logement temporaire. Il s'appuie aussi sur des lieux d'accueil de jour et sur des équipes mobiles formées pour aller au devant des personnes les plus désocialisées, en particulier les jeunes en errance. Il s'agit chaque fois de traiter des cas particuliers.

Les mesures consacrées à l'urgence sociale, financées sur le seul chapitre 47-21, s'élèvent à 120 millions, ce qui porte ce chapitre à 1,4 milliard.

Cet effort financier ne laisse nullement de côté les CHRS, élément essentiel, Monsieur Jacquat, de réinsertion sociale des plus démunis. Mme Benayoun-Nakache propose d'élargir encore le champ d'action des CHRS, dont les missions dépassent déjà le simple hébergement.

Un certain nombre des 30 000 places de CHRS étant encore vétustes, 500 d'entre elles seront transformées, pour un coût de 42 millions. M. Janquin a souligné combien il importait de mieux gérer les aides sociales d'urgence. Dans ce domaine, la coordination est l'impératif absolu. Je compte beaucoup à cet effet, sur la dynamique des commission de l'action sociale d'urgence. Nous renforçons les moyens humains des DDASS, très impliquées dans l'appui aux CASU, par la création de 80 emplois budgétaires. Sous le titre "mieux agir contre la formation des exclusions", M. Janquin a évoqué les 52 millions de mesures nouvelles consacrés à la formation des travailleurs sociaux et à la création de l'observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion.

La loi contre les exclusions érige en droit fondamental l'accès aux soins pour tous, dont la clé de voûte sera la couverture maladie universelle à laquelle nous travaillons à partir du rapport de Jean-Claude Boulard. Les programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins en constituent une pièce maîtresse. Ils bénéficieront de 250 millions de crédits dès 1999.

Quant à l'allégation de M. Accoyer selon laquelle la dispersion des crédits procéderait d'un artifice de présentation, l'ampleur des mesures nouvelles -194 millions, soit 5 % du budget de la santé, et non 0,5 % comme il l'a dit !- suffit à en faire justice.

La concentration des moyens alloués aux PRAPS sur une ligne unique ne traduit pas davantage je ne sais quelle tentation d'isoler une population "à part". C'est tout le contraire que nous voulons.

Nous ne ferions pas assez pour la prévention, selon le même M. Accoyer. Mais nous faisons beaucoup mieux que vous : je suis prêt à le démontrer ! Cela dit, il est vrai que la prévention a été et reste le parent pauvre d'une politique de santé qui est trop tournée vers le soin. Modifier cet état de fait suppose d'ouvrir un énorme chantier ! En effet, un système construit comme l'est le nôtre ne peut que privilégier le curatif. Cependant, le propre de la politique de santé et de ce budget est d'indiquer les directions qu'il serait souhaitable de prendre et je remercie M. Mitterrand d'avoir dit que cette année, nous y avions veillé.

Pour substantielles qu'elles soient, les mesures qui se rattachent à la loi et au programme de lutte contre les exclusions ne doivent pas faire perdre de vue que le RMI reste le dispositif central, s'agissant de protéger contre le dénuement et l'exclusion et de restaurer l'autonomie sociale et personnelle.

A M. Jacquat, qui a critiqué la façon dont le "I" du RMI était pris en charge, je rappelle que cette tâche est de la responsabilité des départements. Il est certain qu'elle est accomplie dans des conditions très variables mais il n'en reste pas moins qu'il y a là progrès par rapport aux modèles antérieurs.

L'évolution du RMI, excellemment analysée par M. Janquin, traduit à la fois le poids persistant du chômage et de la précarité, et l'effort fait pour mobiliser les dispositifs d'insertion. Cet effort est en train de porter ses fruits et, Monsieur Bardet, la conjoncture économique aidant, l'on devrait constater pour la première fois une stabilisation du nombre des bénéficiaires à la fin de cette année, la progression encore soutenue au premier trimestre ayant fait place à une décrue régulière.

Mais l'évolution de la dépense est décalée dans le temps par rapport à celle des effectifs, et c'est pourquoi la dotation de 26,4 milliards, en hausse de 1,7 milliard, a été construite sur l'hypothèse d'une progression de la dépense de 3 % en volume -à quoi s'ajoute une revalorisation de 1,2 %.

Nous devons tenir compte également de plusieurs éléments qui agissent sur les effectifs ou sur la dépense, dans un sens ou dans l'autre : à côté des effets positifs qu'a eus sur les effectifs le recentrage des dispositifs emploi sur les publics prioritaires, il faut ainsi prendre acte de ceux de la loi du 11 mai 1998, qui a ouvert aux étrangers résidant en France l'accès à l'allocation aux adultes handicapés et au minimum vieillesse. A l'inverse, les acquis de la loi contre les exclusions et de la conférence de la famille tendent à accroître la dépense.

Monsieur Jacquat, jamais le nombre de sorties du RMI n'avait été aussi élevé : 350 000 ! En outre, dans la plupart des cas, ces sorties s'expliquent par une insertion professionnelle. Vous voyez donc que le "i" de RMI prend une certaine consistance !

J'en viens à la politique en faveur des personnes handicapées, qui mobilise les deux budgets du ministère de l'emploi et de la solidarité. Dans le budget de la solidarité, il s'agit pour l'essentiel, des crédits de l'allocation aux adultes handicapés -24 569 millions- et de ceux des CAT -6 263 millions.

Notre politique se veut globale et cohérente, attentive à tous les aspects de la vie des personnes. Elle vise prioritairement à favoriser leur intégration dans les dispositifs de droit commun, en milieu de vie ordinaire, ce qui est d'ailleurs conforme à la loi d'orientation du 30 juin 1975. Celle-ci bénéficie d'un consensus jamais démenti depuis plus de vingt ans mais il est vrai que le contexte démographique, économique et social a profondément changé, que les attentes se sont modifiées et l'aspiration à une vie plus autonome s'est affirmée. Or, la discrimination positive instituée par la loi d'orientation a pu contribuer, dans une certaine mesure, à dédouaner la société, en lui donnant à penser que la solution passerait d'abord par des dispositifs spécialisés. Cette opinion se trouvait d'ailleurs confortée par l'adoption de la loi "jumelle" du 30 juin 1975, relative aux institutions sociales et médico-sociales.

C'est ainsi que je comprends l'appel de M. Janquin à réfléchir à une réforme de cette loi de 1975. Cependant, la priorité est moins de la réformer ou de la toiletter, que d'en faire passer les principes dans les faits -ce qui suppose une volonté politique et des instruments adaptés.

Le Gouvernement a cette volonté, comme en témoignent les déclarations de Mme Aubry, notamment devant le Conseil national consultatif des personnes handicapées.

Une politique spécifique reste légitime, mais elle ne doit pas être déconnectée des autres politiques publiques, dans lesquelles les préoccupations des personnes handicapées doivent trouver leur place, en vue de l'objectif clé qu'est l'intégration. Pas de mise à l'écart ! Il faut certes accroître la capacité des CT, par exemple, mais il serait extrêmement dommageable que ce soit pour y enfermer définitivement.

Plus concrètement, nous visons trois priorités. La première : la socialisation et l'intégration des jeunes handicapés, seront à l'ordre du jour d'un prochain Comité national consultatif des personnes handicapées auquel sera associé le ministère de l'éducation nationale. Comme vous l'avez relevé, M. Forgues, l'organisation d'un débat annuel, en commission d'éducation spéciale, sur la politique d'intégration scolaire, l'élaboration de schémas d'équipement et d'accompagnement pour l'enfance et l'adolescence handicapées, et l'ouverture des CDES aux collectivités territoriales ouvrent des pistes intéressantes pour une action conjointe des deux départements.

Madame Gillot, le programme des emplois-jeunes est bien entendu ouvert aux personnes handicapées. Des crédits sont prévus et la loi dispose en outre que la condition générale de non-indemnisation du chômage, exigée pour les 26-30 ans, ne le sera pas pour les personnes handicapées.

A ce jour, deux accords cadres ont été signés pour renforcer les moyens des structures d'accueil. Le premier a été signé le 27 mai avec le comité d'entente des associations représentatives, lesquelles associations se donnent pour objectif de créer 2 000 emplois dans les trois prochaines années, le second a été conclu le 13 octobre avec la fédération APAJH -Association pour adultes et jeunes handicapés-, qui s'engage à inciter à créer 500 autres emplois sur la même durée.

Quant au taux d'emploi des personnes handicapées dans les collectivités locales, il s'établissait à 5 % en 1995, avec 28 439 bénéficiaires recensés. La même année, il n'était que de 4 % dans le secteur privé -où sont comprises les entreprises publiques, soumises aux mêmes obligations. Toutefois, la SNCF, la RATP et EDF-GDF ont signé des accords sur ce point.

J'ai bien entendu votre appel à suivre l'exemple donné par l'hôpital de la Salpétrière, pour créer des services d'accueil des sourds et des malentendants, mais cela suppose de trouver des personnes dévouées et compétentes. Je m'étonne par ailleurs que vous n'ayez pas repris l'idée lancée par une association : celle d'une chaîne de télévision dédiée à ce public. La représentation nationale s'honorerait de promouvoir ce projet et de permettre ainsi aux sourds d'accéder à une information dont ils sont trop habituellement privés.

Le deuxième objectif est l'accompagnement des handicapés dans leur vie quotidienne, en milieu ordinaire et dans les institutions spécialisées. M. Jacquat a évoqué les problèmes liés au vieillissement des travailleurs handicapés : où doivent-ils aller à l'âge de la retraite ? Il faut leur laisser le choix.

M. Denis Jacquat - Justement, il n'y a pas de choix !

M. le Secrétaire d'Etat - De quelle prise en charge doivent-ils bénéficier ? Estime-t-on que le handicap ne prend pas de retraite -c'est la solution qui a été retenue pour l'allocation aux adultes handicapés- ou bien leur applique-t-on les règles, moins favorables, de l'action sociale en faveur des personnes âgées ? Ne conviendrait-il pas alors de faire évoluer les règles pour tenir compte du handicap ?

M. Forgues a évoqué la question des loisirs et des vacances. La réglementation des établissements spécialisés prévoit qu'un arrêté doit organiser les transferts des enfants lors des périodes scolaires.

Pour les adultes, mon ministère s'est associé à la campagne nationale menée par le secrétariat au tourisme pour les vacances des handicapés. Celles-ci sont un facteur essentiel d'épanouissement et d'intégration. Les emplois-jeunes constituent un atout exceptionnel pour cette action.

Le troisième objectif est la formation et l'accompagnement des travailleurs handicapés. Les lignes directrices de la relance de la politique gouvernementale en matière d'insertion professionnelle seront prochainement présentées devant le Conseil supérieur pour le reclassement professionnel et social des personnes handicapées.

Mais l'intégration des personnes handicapées dans le milieu de vie ordinaire ne se gagne pas contre l'institution. Les institutions restent indispensable pour les personnes les plus lourdement handicapées. Il faut penser en termes de complémentarité et de réseaux.

C'est l'un des objectifs majeurs de la réforme engagée concernant l'autre loi de 1975, celle sur les institutions sociales et médico-sociales : il s'agit de doter les usagers, leurs associations, les professionnels et les pouvoirs publics d'instruments rénovés en élargissant les missions de l'action sociale et médico-sociale en diversifiant les modes d'intervention, en coordonnant ces interventions, en décloisonnant les institutions.

Plus que l'affectation d'enveloppes financières spécifiques, la réforme du cadre juridique doit nous permettre de mieux répondre à l'évolution des besoins des usagers.

Le projet de budget traduit l'engagement fort de l'Etat en faveur des personnes handicapées : les crédits augmentent de près de 5 % pour s'établir à 37,43 milliards.

Votre rapporteur a rappelé les objectifs du programme pluriannuel adopté par le Gouvernement pour 1999-2003 : 5 500 places de maisons d'accueil spécialisées et de foyers à double tarification, 8 500 places de centres d'aide par le travail et 2 500 places d'ateliers protégés. Pour 1999, le budget santé prévoit la création de 2 000 places d'ateliers protégés. Pour 1999, le budget santé prévoit la création de 2 000 places nouvelles de CAT et 500 places d'ateliers protégés sont financées sur le budget de l'emploi. Ainsi les crédits des CAT sont-ils portés à 6,263 milliards soit une hausse de 224 millions, dont 131 millions au titre des places nouvelles et 93 millions pour revaloriser les dotations de fonctionnement.

Ce dernier chiffre démontre que l'opposabilité des enveloppes introduite dans la loi de financement de la Sécurité sociale n'exclut ni le débat contradictoire sous le contrôle du juge, ni l'augmentation des moyens dans un secteur en expansion. Cet article 27 de la loi sur la Sécurité sociale doit trouver son pendant dans un article de la loi de finances.

Monsieur Forgues, vous avez évoqué la réduction du temps de travail. La loi du 13 juin 1998 s'applique à l'ensemble du secteur privé, y compris les établissements sociaux et médico-sociaux à caractère associatif, même quand leur mode de financement est principalement public.

Cette loi est une chance pour un secteur qui a su parfois anticiper une organisation du travail souple. Il faut maintenir un lien entre la réduction du temps de travail, la création d'emplois et la qualité de la prise en charge. La réduction du temps de travail ne doit pas être l'occasion de dégager dans le secteur privé non lucratif une "plus-value sociale".

Cette orientation doit être présente à tous les niveaux de la négociation. Un appui méthodologique spécifique sera fourni par l'IGAS, aidée de cabinets-conseil et des services du ministère.

L'allocation aux adultes handicapés bénéficiera à 631 000 personnes, soit une augmentation de 3,75 %. Compte tenu de cette progression, la dotation pour 1999 s'établit à 24,569 milliards, soit une hausse de 1,180 milliard, qui comprend une provision pour revalorisation.

Je mentionne dès maintenant que l'article 83 de cette loi étend la présomption d'inaptitude au travail à tous les bénéficiaires de l'AAH atteignant l'âge de soixante ans, ce qui leur permet d'accéder à une pension de vieillesse.

Monsieur Forgues, la réflexion sur l'évolution des tutelles et curatelles d'Etat est engagée. Il faut revoir le mode de financement et de contrôle du dispositif de protection juridique à la lumière des rapports demandés par Mme Aubry. En attendant, la dotation de 571 millions, en hausse de 11 %, permettra de financer l'ensemble des mesures prévues pour 1999.

M. Forgues a soulevé la question des arriérés de paiement pour le remboursement de l'IVG. Pour 1999, cette ligne est dotée de 162 millions, dont 5 millions pour poursuivre le remboursement de la dette.

En ce qui concerne les personnes âgées, la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale a mis en évidence les éléments les plus stratégiques de notre politique, qu'il s'agisse des retraites -relèvement du minimum vieillesse, constitution d'un fonds de réserve, la réflexion sur un mécanisme d'épargne ouvert à tous-, de la rationalisation des aides à domicile, ou des mesures relatives aux pensions de réversion et à l'allocation de veuvage.

Je rappellerai également le souci du Gouvernement d'apporter une réponse satisfaisante à une question qui préoccupe beaucoup de personnes âgées et leurs familles, celle de l'aide financière et matérielle à apporter à celles qui deviennent dépendantes.

Le bilan d'une année effective de versement de la PSD, qui vient d'être présenté devant le Comité national de la coordination gérontologique, a montré des résultats encourageants. Néanmoins des améliorations devront être apportées au dispositif et à son articulation avec l'aide ménagère.

M. Préel a demandé de corriger les faiblesses de la PSD. Je rappelle que, lors de sa création, M. Janquin en avait dénoncé les insuffisances et le Gouvernement avait voté contre ! Quoi qu'il en soit, une large concertation va s'ouvrir sur ces questions, notamment pour mieux répondre aux besoins des personnes en perte d'autonomie, mais qui ne remplissent pas les conditions pour bénéficier de la PSD.

Vos rapporteurs ont souligné les difficultés de la gestion des subventions d'équipement social, principalement pour le programme de rénovation des hospices, suite à des annulations irrationnelles de crédits de paiement. Nous avons fait cesser la cause du problème, il reste à réparer ses effets : des crédits de rattrapage sont inscrits sur le chapitre 66-20 dans le budget 1999, et seront également ouverts dans le prochain collectif. Il est évidemment essentiel que l'Etat honore ses engagements, surtout s'agissant de crédits contractualisés.

Monsieur Forgues, vous évoquez, en termes assez durs, les retards de règlement des frais exposés par les structures d'accueil des objecteurs.

Je précise que les contingents actuels -14 247 objecteurs en poste en 1997, 9 500 en 1998- sont pris en charge totalement par l'Etat pour les dépenses concernant le solde, l'indemnité d'habillement, les frais de santé et les transport.

La participation financière des structures d'accueil couvre essentiellement les dépenses d'hébergement et d'alimentation et rapproche ainsi le service des objecteurs de conscience des formes civiles du service national. Je signale, à ce propos, que les jeunes gens en attente d'affectation ne sont pas dépourvus de couverture sociale.

La commission de gestion, qui regroupe les administrations concernées, va se réunir avant la fin de l'année pour examiner les difficultés que vous signalez. De fait, les sous-dotations des années passées, ont engendré de façon cumulative des dettes difficiles à résorber et dangereuses pour la trésorerie des associations.

M. le Rapporteur - Depuis 1993.

M. le Secrétaire d'Etat - Un nouvel apport en collectif budgétaire pour 1998 contribuera à apurer la situation, et la baisse très sensible des effectifs devrait dégager des marges supplémentaires pour 1999.

L'Etat mène une action multiforme en faveur du développement social.

S'agissant d'abord de l'intégration, les étrangers résidant régulièrement en France ont accès aux droits sociaux et dispositifs de droit commun -aides à l'emploi et à la formation, RMI selon des critères de résidence. En mai dernier par la "loi Chevènement" a étendu ce droit à l'AAH et aux pensions du régime de solidarité vieillesse. Cependant les demandeurs d'asile, n'en disposent pas. Nous créons 100 nouvelles places d'accueil à leur intention. 91 millions seront consacrés en 1999 aux actions d'intégration soit 14 millions de plus qu'en 1998.

L'intégration est l'un des piliers du contrat républicain. Tous les citoyens doivent y être associés et le Gouvernement veut agir à la fois pour l'accueil, la lutte contre les discriminations et l'acquisition de la nationalité française.

Outre les crédits d'intervention inscrits sur le budget de la solidarité, y contribuent les crédits de fonctionnement au profit du service des naturalisations, et d'autres imputés sur le budget de l'Emploi par exemple en faveur des actions de parrainage.

S'agissant de l'action en faveur des rapatriés, le rapporteur a souligné la dispersion des crédits et la diminution de presque 20 % de ce budget d'un montant total de 1 milliard 650 dont 135 millions inscrits au budget de la solidarité. C'est que l'indemnisation issue de la loi du 16 juillet 1987 s'achève et que depuis 1993 les demandes des rapatriés concernant l'aide publique au rachat des cotisations de retraite diminuent.

A ce propos, les médecins rapatriés ont encore des difficultés. La caisse autonome de retraite des médecins a nié, à tort, qu'ils avaient exercé dès 1962 en Algérie dans le cadre du conventionnement. Un arrêt de la Cour d'appel d'Aix du 13 janvier 1997 a établi le bien fondé de leur demande, mais fixé le rachat des cotisations au niveau atteint à la date de leur retraite. Or, s'ils avaient été informés, ils auraient cotisé de 1962 à 1972 -date de la cotisation obligatoire- et racheté les années d'exercice en Algérie. Il est donc normal de leur proposer des conditions de retraite tenant compte de ces éléments. Nous allons travailler à un arrêté interministériel modifiant le statut de la caisse autonome des médecins afin qu'elle puisse y procéder.

Désormais il nous faut régler les situations douloureuses qui demeurent trop nombreuses en particulier chez les rapatriés réinstallés encore endettés surtout chez les harkis et leurs enfants, dont le taux de chômage oscille autour de 30 %.

Les rapatriés endettés ont été aidés par les commissions départementales -les CODAIR- mais traités de façon variable selon les départements. Le Gouvernement a décidé d'assainir le dispositif en instituant une procédure nationale par décret, d'étendre le champ de l'aide à certains mineurs orphelins lors du rapatriement et d'inscrire des crédits au prochain collectif. Les réinstallés sont protégés des poursuites provisoires par l'article 100 de la loi de finances de 1998. Les dossiers en instance ont été examinés et 214 aides accordées en un an et demi pour un montant de 77 millions.

Enfin je confirme l'édification du mémorial de la France d'outre-mer à Marseille. Des études complémentaires sont nécessaires, j'y reviendrai en réponse à une question.

Je souligne la place faite dans ce budget à l'action en faveur du droit des femmes. Les crédits d'intervention passent de 72 à 80,5 millions.

Cet effort tout particulier témoigne de la volonté gouvernementale de faire des droits des femmes un objectif essentiel de sa politique. Aussi le Premier ministre a-t-il présenté au Conseil des ministres un projet de loi portant sur l'égalité entre les femmes et les hommes. Cette disposition constitutionnelle permettra d'adopter des dispositifs assurant une meilleure représentation des femmes dans les institutions politiques et la vie sociale et professionnelle.

Je tiens à rassurer Mme Marre. Le financement des réseaux de centres d'information sur les droits des femmes est assuré. Nous veillons à ce que les versements soient faits à bonne date. D'autre part, nous avons inscrit une bonne partie des mesures nouvelles dans le plan national d'emploi issu du sommet de Luxembourg, pour assurer une meilleure égalité entre les hommes et les femmes.

Je remercie Mme Génisson pour sa présentation claire et loyale du budget de la santé. Il s'établit à 3 milliards 792, en hausse de 0,3 %. Toutefois, il faut prendre en compte le transfert à la sécurité sociale à hauteur de 120 millions, du financement des centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie, conformément au statut qui leur est conféré par l'article 72 de la loi contre les exclusions et en cohérence avec l'article adopté par votre assemblée le 30 octobre dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

A structure constante, ce budget augmente donc de 3,6 %, une nouvelle fois plus rapidement que le budget de l'Etat, et je m'en réjouis.

La politique de la santé s'inscrit principalement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. L'administration de la santé et les agences de sécurité sanitaire jouent leur rôle d'orientation, de réglementation et de contrôle.

Dans cette perspective, l'action de promotion et de protection de la santé publique financée sur le budget de l'Etat, a, comme l'a souligné M. Mitterrand, une portée bien plus grande que ne le laisse supposer l'enveloppe financière. Cette action poursuit quatre priorités. La première est de contribuer à la lutte contre les exclusions. Les praticiens et les acteurs de terrain le savent, la santé en est un aspect essentiel.

J'ai développé les objectifs et les moyens des programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins. Dans les réseaux médico-sociaux, vont collaborer, se coordonner, se former mutuellement les différents acteurs chargés de l'accueil, de la prévention, de la dispensation des soins, de la restauration des droits.

Il s'agit en ce domaine de renouveler la prise en charge des maladies comme le sida, le diabète, l'hépatite C, les cancers, notamment féminins, chez les personnes en situation de précarité sans jamais verser dans l'écueil de l'ostracisme ni de la stigmatisation.

De même, sans psychiatriser la misère, il convient de trouver des réponses adaptées à la souffrance psychique liée à la précarité et de créer des lieux d'écoute, de prévention et de soins adaptés. La mise en place de consultations d'alcoologie au sein des structures d'hébergement d'urgence répond à la même préoccupation.

Mme Génisson, MM. Accoyer, Foucher et Jacquat ont soulevé le grave problème posé par le suicide des jeunes, qui certes ne tient pas seulement à la précarité et l'exclusion, mais dont l'approche peut se renouveler à la lumière des méthodes développées dans le cadre que je viens de décrire. Nous préparons actuellement un programme national de prévention qui mobilisera notamment les crédits du fonds de prévention et s'appuiera sur les programmes régionaux de santé qui ont fait de ce thème un de leurs objectifs. J'insiste sur ce dernier point à l'intention de ceux qui nous reprochent notre centralisme. Dans ce cadre, l'ANAES est chargée d'élaborer un protocole d'accueil et de prise en charge des suicidants à l'hôpital et à leur sortie. Un groupe de travail a modélisé un parcours du suicidant qui doit permettre de mieux prévenir les suicides. Il sera testé au niveau régional et ses résultats seront évalués dans des délais brefs. Je me suis engagé à faire passer en trois ans le nombre des suicides en dessous de la barre symbolique des 10 000 morts par an.

Deuxième priorité : la prévention et la prise en charge des maladies infectieuses et des dépendances à l'égard des drogues de toute nature. MM. Aschieri et Nauche ont raison : il convient bien sûr de mettre l'accent sur la prévention.

Les crédits de lutte contre la toxicomanie se répartissent en 815,7 millions sur le chapitre 47-15 et 236,4 millions sur le chapitre 47-16. L'Etat consacre donc plus d'un milliard à cette action.

M. Accoyer a déploré la baisse de certains crédits mais la mission interministérielle a reçu 236,3 millions de crédits dans le projet de loi de finances pour 1999, dont 220 millions au titre de son budget ordinaire et 15 millions au titre des mesures nouvelles.

Le Premier ministre a demandé à la présidente de la mission, Mme Maestracci, de lui faire des propositions avant la fin de l'année sur l'organisation de l'institution en lui demandant d'élargir son champ d'action à l'ensemble des toxiques, légaux ou illégaux, y compris les psychotropes.

Nous entendons réduire la consommation de ces derniers de 10 %. Cela passe par un encadrement plus strict de leur prescription, en limitant sa durée et en exigeant un avis médical circonstancié pour tout renouvellement.

L'essentiel des crédits du chapitre 47-15 servira à financer les 380 structures de soins spécialisés, les 1 400 places d'hébergement thérapeutique ainsi que les structures de prévention comme les points d'écoute -que nous avons l'intention de multiplier.

Je souhaite vivement que puisse se tenir dans cette Assemblée un large débat sur la toxicomanie, à l'instar de celui, exemplaire, qui a été organisé au Sénat (Approbation sur tous les bancs).

Les outils de lutte contre le sida sont étendus à d'autres maladies transmissibles relevant d'une approche globale et de problématiques comparables, principalement l'hépatite C dont l'épidémie touche plus de 600 000 personnes en France. Nous avons défini un plan national de lutte sur quatre ans qui sera mis en oeuvre dès 1999. 16 millions de francs de mesures nouvelles y seront également affectés. Avec les moyens complémentaires équivalents prévus dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous entendons organiser le dépistage, le diagnostic et le traitement de ces patients, soutenir la surveillance épidémiologique, renforcer les programmes de prévention et la formation des personnels sanitaires et sociaux. Notre action dans tous ces domaines sera, comme l'a souhaité M. Mitterrand, largement déconcentrée.

La lutte contre l'alcoolisme bénéficie d'une mesure nouvelle de 25 millions qui s'intègre dans les mesures du programme de prévention et de lutte contre les exclusions. C'est certes insuffisant, Monsieur Aschieri et Monsieur Préel. Ce n'est néanmoins pas négligeable. S'agissant de la prévention, je suis d'accord avec vous : elle reste le parent pauvre. Faut-il créer une agence ad hoc ou non ? Je ne sais. Quoi qu'il en soit, nous pourrions réfléchir ensemble à votre proposition.

Le relèvement des taxes sur le tabac voté dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale est un progrès. En effet, le prix moyen du paquet de cigarettes en Angleterre est deux fois et demi supérieur à son prix en France. Or le renchérissement du tabac entraîne automatiquement une diminution de la consommation, notamment chez les jeunes. Nous l'avons constaté l'an dernier avec le tabac à rouler. Le prix des cigarettes, lui, hélas, n'a pas suivi à la baisse et, pour la première fois depuis dix ans, la consommation est repartie à la hausse.

Madame Génisson, le dépistage des cancers sera mieux organisé sur l'ensemble du territoire : le dépistage des cancers féminins et du cancer colon-rectal sera désormais pris en charge à 100 % par l'assurance maladie, mesure symbolique s'il en est, qu'a d'ailleurs saluée M. Mitterrand.

Monsieur Aschieri, sur la médecine scolaire, nous travaillons avec Mme Royal et j'espère que nous progresserons sur ce sujet essentiel.

Pour ce qui est des médecines alternatives, un programme d'évaluation de l'homéopathie a été mis en place en concertation avec des médecins homéopathes exerçant dans des hôpitaux renommés. Mené à bien, ce programme permettra de mesurer l'efficacité de traitements qui n'a jamais pu l'être selon les critères habituels.

Troisième priorité : l'organisation du système de soins. Elle nécessite des moyens et des outils que le budget 1999 conforte.

Ce domaine d'intervention est désormais regroupé dans un "agrégat" de 1,564 milliard.

L'accent sera mis sur la formation des professions médicales et para-médicales. La dotation aux écoles de formation des sages-femmes et des professionnels para-médicaux est reconduite en 1999, confirmant l'arrêt des baisses de crédit sur cette ligne, ce qui devrait rassurer M. Préel et M. Vila.

La subvention à l'ANAES s'élève à 37,33 millions. Aux crédits 1998, reconduits, s'ajoute la dotation globale versée par les caisses d'assurance maladie de 74,66 millions.

Plusieurs d'entre vous ont critiqué le budget de l'ANAES. Permettez-moi de vous faire observer que c'est nous qui l'avons mis en route alors que nous l'avons trouvée dans un état que je n'oserais qualifier.

M. Jean-Luc Préel - C'étaient ses débuts !

M. le Secrétaire d'Etat - Non, elle avait déjà un an et demi ! Nous avons publié les textes nécessaires à sa mise en place et organisé ses structures. Pour l'instant, 73 personnes ont été recrutées mais le financement existe pour 128 personnes. Et les quarante expérimentations prévues seront bien engagées.

Comme l'a souligné M. Mitterrand, l'ANAES est en état de marche et les tests d'accréditation ont débuté.

La subvention aux ARH s'élève à 107,7 millions. Leur budget est également abondé par la contribution des régimes d'assurance maladie. Actuellement 222 personnes y travaillent, dont 26 directeurs et 46 agents mis à disposition par l'assurance maladie. Une mesure nouvelle de 3 millions couvrira les frais d'études nécessaires à la définition, déjà largement avancée, des nouveaux schémas directeurs d'organisation sanitaire.

En ce qui concerne la rémunération des directeurs, nous souhaitons plus de transparence et notamment une harmonisation avec les emplois de direction de l'administration. Le projet est au point.

Le Fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux, créé l'an dernier, sera doté en 1999 de 250 millions d'autorisations de programme et de 150 millions de crédits de paiement. Il permet de compléter le financement d'opérations choisies pour leur effet structurant.

Je le précise pour MM. Foucher et Accoyer, le soin apporté à la sélection des projets en fonction de critères connus et mesurables explique que nous n'ayons pas précipité l'affectation des crédits du FIMHO ; mais c'est fait. On n'avait pas toujours été aussi attentif pour les opérations financées sur le chapitre 66-11 de subventions d'équipement sanitaires, auquel le FIMHO se substitue progressivement. Le moins que puisse faire le Gouvernement est d'expertiser au mieux les dossiers présentés et de rechercher une utilisation optimale des crédits.

Je le confirme à Mme Génisson, nous prendrons en compte la pénibilité de certaines spécialités médicales. Nous sommes en négociation avec les urgentistes, mais je n'oublie pas les anesthésistes, obstétriciens, chirurgiens, personnels paramédicaux. Il y a une réflexion à mener sur l'évolution des services d'urgence, mais aussi sur les spécialités : transformation de l'internat, réflexion sur les études médicales et sur la nécessité de faire face, à l'horizon 2003-2005, à une possible pénurie de certains spécialistes, sans lesquels nos hôpitaux ne pourraient plus fonctionner.

Le financement des services de santé dans les territoires d'outre-mer et à Mayotte est porté à 179 millions. Cela permettra de redresser la situation financière du service de santé de Wallis-et-Futuna, comme l'a souligné Catherine Génisson. La réduction de 6 millions des crédits de fonctionnement des services d'urgence pré-hospitaliers est destinée à consolider le financement de ce service. Comme M. Mitterrand l'a souligné, en cette matière aussi nous respectons nos engagements.

Enfin, quand on parle de l'offre de soins, comment ne pas évoquer les malades et leurs droits ? Soulager la douleur et aider à la fin de vie sont pour moi des priorités. J'ai donc décidé de mettre en place deux plans de lutte, l'un contre la douleur, l'autre sur l'accompagnement en fin de vie, qui devraient permettre de faire évoluer les mentalités de tous. La démocratie sanitaire, Monsieur Nauche, est une belle expression, que nous essayons de faire vivre. Quant à celle de "territoire de santé", je ne la connaissais pas, mais je l'adopte, ne vous étonnez pas si vous m'entendez l'employer, en vous créditant bien sûr (Sourires).

Quatrième priorité : le dispositif de veille et de contrôle de la sécurité sanitaire. La loi du 1er juillet 1998 est encore présente à tous vos esprits. Mis en place initialement dans un contexte de crise, les premiers établissements de veille et de contrôle sanitaire -Agence française du sang, Agence du médicament, puis Etablissement français des greffes et Office de protection contre les rayonnement ionisants -ont montré la pertinence du schéma d'organisation sur lequel reste fondée la loi du 1er juillet. M. Aschieri a bien parlé de la radio protection, et nous connaissons le projet de M. Le Déaut. Le dispositif est désormais complété par la création de trois nouveaux établissements publics : l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, et l'Institut de veille sanitaire, qui fait suite au GIP-Réseau national de santé publique pour développer la veille épidémiologique. J'ai bien noté, Monsieur Mitterrand, vos interrogations sur la situation financière des observatoires régionaux de santé. Je sais bien que les crédits sont à peine reconduits. L'instauration de liens financiers particuliers entre l'Institut de veille sanitaire et ces observatoires est une bonne chose mais il faudra prendre garde, effectivement, à ce que cette nouvelle collaboration ne les pénalise pas.

La loi prévoit également, à terme rapproché, l'intégration des centres de transfusion sanguine dans un établissement français du sang constitué en opérateur unique et public de la transfusion sanguine. Cette transformation profonde du paysage institutionnel se traduit dans le budget, sans que les chiffres expriment à eux seuls la portée des changements. Les subventions de fonctionnement versées par l'Etat à ces établissements représentent 338,7 millions contre 296 en 1998, Monsieur Foucher, ces derniers incluant une provision de 80 millions qui préfigurait le futur dispositif.

En ce qui concerne les moyens de l'administration sanitaire et sociale, cette année encore, la nécessité d'un renforcement a été reconnue, malgré la norme de stabilité imposée globalement aux effectifs de la fonction et l'extrême difficulté à plaider des mesures "catégorielles". J'ai déjà évoqué la création de quatre-vingts emplois dans les services déconcentrés au service de la prévention et de la lutte contre les exclusions. Les services centraux seront eux aussi renforcés de vingt emplois d'encadrement axés sur les capacités d'expertise, de pilotage et d'évaluation ; les agents de catégorie C bénéficient des mêmes mesures d'amélioration des promotions et des primes que du côté emploi, et 155 emplois sont ouverts pour poursuivre l'intégration des agents à statut précaire : ainsi les deux tiers des emplois précaires seront résorbés à la fin de 1999. D'autres questions restent posées : j'y répondrai tout à l'heure. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 22 heures.

La séance est levée à 19 heures 50.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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