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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 29ème jour de séance, 77ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 10 NOVEMBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. Laurent FABIUS

          SOMMAIRE :

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 1

    DETTES DES PAYS FRAPPÉS PAR L'OURAGAN MITCH 1

    PROGRAMME D'AIDE AUX PAYS FRAPPÉS PAR L'OURAGAN MITCH 2

    FNDS 2

    SECOURS D'URGENCE AUX PAYS D'AMÉRIQUE CENTRALE 3

    URBANISME COMMERCIAL 3

    NOUVELLE-CALÉDONIE 4

    EGLISE DE SCIENTOLOGIE 5

    RETRAITES AGRICOLES 5

    MINES ANTIPERSONNEL 6

    COUR CRIMINELLE INTERNATIONALE 6

    PROJET DE LOI SUR L'AUDIOVISUEL 7

    VIADUC DE MILLAU 8

    REMBOURSEMENT DES SOINS 8

LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- (suite) 9

La séance est ouverte à quinze heures.


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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

DETTES DES PAYS FRAPPÉS PAR L'OURAGAN MITCH

M. François Asensi - L'ouragan Mitch a déchaîné des catastrophes naturelles à El Salvador, au Nicaragua, au Honduras et au Guatemala. On compte 3 millions de sans-abris, 30 000 morts ou disparus, des centaines de milliers d'hectares de culture et de très nombreuses infrastructures détruits. Ce drame anéantit tous les efforts entrepris par ces pays pour se relever des guerres civiles au prix d'un effort exigé par le FMI. La situation de ces pays justifiait déjà des mesures de soutien au développement. Au Nicaragua, la moitié du revenu des exportations servait à rembourser la dette.

La France s'était engagée à soutenir les démarches de Managua pour une adhésion au programme d'allégement de la dette des pays pauvres. Aujourd'hui tous les critères que continuent d'exiger le FMI et la Banque mondiale sont totalement caducs, sauf à se rendre coupable de non-assistance à citoyens du monde en danger.

Le Gouvernement a déjà pris des mesures de secours d'urgence. Comptez-vous coordonner avec vos partenaires européens un vaste programme international d'aide à la reconstruction, au développement et à la solidarité ? Le Premier ministre vient d'annoncer sa volonté d'un nouveau partenariat avec les pays les plus pauvres. La France préside actuellement le club de Paris. Quelle initiative compte-t-elle prendre pour effacer la dette de ces pays d'Amérique centrale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV)

M. le Président - Je suis sûr de représenter l'ensemble de l'Assemblée en associant tous nos collègues aux actions destinées à venir en aide aux populations très durement touchées.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - L'Amérique centrale a été frappée par une catastrophe de très grande ampleur. La France est aux côtés de ces pays dans l'épreuve, par les mesures techniques et sanitaires de première urgence déjà prises. Il faut aller plus loin. S'agissant de la dette, la France a une responsabilité particulière, puisqu'elle préside le club de Paris qui regroupe les créanciers de ces pays. J'ai donc écrit à mes collègues pour voir comment mettre en oeuvre un programme qui à tout le moins reporterait à plus tard les échéances de dettes dues par ces pays en 1999, 2000 et 2001.

Les dettes envers le FMI et la Banque mondiale ne peuvent pas être directement annulées. Ce matin, avec le chancelier de l'Echiquier Gordon Brown, nous avons prévu de constituer un fonds que nous alimenterons pour nous substituer aux remboursements de ces pays vis-à-vis du FMI. Il faut aller plus loin encore, car la vocation de la France est d'être aux côtés de ces pays avant les autres.

C'est pourquoi, à la demande du Premier ministre, j'annule aujourd'hui unilatéralement l'ensemble des dettes que la France détient sur ces pays, en particulier le Nicaragua et le Honduras (Applaudissements sur tous les bancs). Au-delà nous travaillons avec les gouvernements à la reconstruction. Mais l'urgence était de redonner l'espoir, à notre échelle, nous essayons de le faire (Mêmes mouvements).

PROGRAMME D'AIDE AUX PAYS FRAPPÉS PAR L'OURAGAN MITCH

M. Dominique Paillé - L'événement qu'a décrit M. Asensi a provoqué l'émoi et la consternation dans toute l'Assemblée. La réponse du ministre de l'économie nous a éclairés et rassurés. Les Français ont besoin d'en savoir plus sur la pérennité de cette aide. Nous devrions agir en concertation étroite avec nos partenaires de l'Union européenne, car les peuples dans l'épreuve sont presque des peuples frères.

Le Président de la République se rend sur place la semaine prochaine pour témoigner de la solidarité de la France. Le Gouvernement compte-t-il agir avec ses partenaires européens de façon efficace et durable, et de quelle manière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - L'aide immédiate, indispensable, ne suffit pas. On ne peut pas laisser ces pays seuls face à leur reconstruction. Ils auront besoin de l'aide internationale, qui ne doit pas être dispersée. Il appartient à l'Europe de s'affirmer en tant que telle dans un programme de développement qu'elle aura élaboré elle-même. Au-delà il est possible de travailler avec d'autres pays. Des programmes sont déjà à l'étude. Encore faut-il en coordonner l'application, car trop souvent dans le passé des actions ont manqué d'efficacité parce qu'elles étaient isolées. Toute la communauté internationale doit se mobiliser. Toute l'Assemblée s'associe au Gouvernement dans ce sens. Nous montrerons que la solidarité internationale n'est pas un vain mot. On parle bien souvent de la globalisation et de la mondialisation de l'économie. La solidarité, elle aussi, doit devenir internationale (Applaudissements sur tous les bancs).

FNDS

M. Edouard Landrain - Le FNDS, toujours insuffisant aux yeux du monde sportif, serait, dit-on, plus riche qu'on le suppose. Il aurait accumulé des excédents et disposerait au 31 décembre 1997 d'une trésorerie de 364 millions. Une explication officielle figurant dans le rapport de gestion du FNDS n'est guère convaincante.

Si cagnotte il y a, quel est son montant ? Que comptez-vous faire ? Les besoins du monde sportif sont grands.

Les petits clubs attendent avec intérêt votre réponse (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget - Je vous prie d'excuser Mme Buffet, retenue à Bruxelles.

Monsieur le député, cette cagnotte n'existe pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR) L'idée même qu'une cagnotte appartiendrait à un fonds géré par le mouvement sportif au côté de l'Etat signifierait que le mouvement sportif aurait des pratiques de gestion douteuses (Interruptions sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). Des informations erronées ont été rapportées par la presse spécialisée.

L'existence à la fin de 1997 d'un excédent de trésorerie de 364 millions est dû, d'une part, au fait que le prélèvement sur les jeux de novembre et de décembre n'est pas consommé immédiatement, d'autre part, par la mise en réserve de crédits de paiement pour financer les investissements engagés.

Quand Mme Buffet est entrée en fonction, elle a découvert que le FNDS avait souscrit des engagements dépassant largement ses moyens financiers propres. Ma collègue s'est employée à résorber ces promesses sans provisions sur trois ans. Elle y a quelque mérite, car il lui faut financer aussi de grands équipements comme le Stade de France, les actions de sport de haut niveau, des équipements de proximité, ainsi qu'une politique ambitieuse de soutien à la pratique populaire du sport (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste). Elle solde donc des engagements un peu irresponsables pris antérieurement (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR ; applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

SECOURS D'URGENCE AUX PAYS D'AMÉRIQUE CENTRALE

M. Damien Alary - M. Asensi a évoqué le lourd bilan du cyclone Mitch. Les coulées de boue, les glissements de terrain, les inondations, les tremblements de terre, en Amérique centrale les éléments se déchaînent, empêchant les sinistrés d'enterrer leurs morts. Dans de nombreuses régions, les récoltes sont ravagées, le bétail est perdu, les routes sont coupées, trois millions de personnes sinistrées sont menacées d'épidémies et de famine.

Des milliers de mines ont refait surface, menaçant les survivants.

Nous savons que la France a commencé d'aider les pays les plus touchés. A quelques jours du voyage que vous allez effectuer avec le Président de la République, Monsieur le ministre des affaires étrangères, pouvez-vous nous indiquer quels moyens logistiques et humains seront mis à la disposition des pays touchés au titre de l'aide d'urgence ? Que pensez-vous de la proposition formulée par l'Espagne dans le cadre de l'Union européenne d'aider à la reconstruction des pays affectés par le cyclone ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - La France s'est immédiatement mobilisée pour aider les pays victimes du cyclone. On recense déjà plus de 11 000 morts et 13 000 disparus. Nous avons envoyé sur place des spécialistes des catastrophes naturelles et du déblayage, ainsi que des médicaments et des équipements sanitaires.

Le Président de la République se rendra là-bas au début de la semaine prochaine. La France a déjà consenti un effort de 24 millions. Celui de l'Union européenne représente environ 7 millions d'écus auxquels pourraient s'ajouter 10 millions d'écus supplémentaires, comme cela a été envisagé hier au cours de la réunion qui s'est tenue à Bruxelles.

D'autre part, 75 000 mines antipersonnel ont été recensées dans les régions touchées et nos spécialistes du déminage sont déjà à l'oeuvre. Cette situation renforce la nécessité d'appliquer la convention sur les mines antipersonnel qui a été promulguée le 8 juillet dernier.

Les efforts nationaux, européens et internationaux convergent pour sortir le plus vite possible les populations de la détresse aiguë où elles sont encore plongées (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

URBANISME COMMERCIAL

M. Roland Garrigues - La loi de juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat a réformé la loi dite Royer dans le but de rééquilibrer l'implantation des communes. Elle a abaissé à 300 mètres carrés le seuil d'autorisation des surfaces de vente.

Quelle est votre position, Madame la secrétaire d'Etat, en matière d'implantations nouvelles de surfaces commerciales ? Envisagez-vous de réformer la loi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat - A chacun de mes déplacements, on me fait observer que le nombre d'autorisations augmente. Sur les demandes d'autorisation qui ont été déposées pour un million de mètres carrés, plus de 47 % concernent le jardinage, le bricolage et l'équipement personnel.

Bien entendu, l'abaissement du seuil d'autorisation a provoqué une augmentation du nombre des demandes.

Notre objectif est d'assurer un équilibre entre les différentes formes de commerce, et le rôle des commissions départementales est fondamental pour l'atteindre. Au sein de celles-ci, quatre voix sont nécessaires pour que l'autorisation soit donnée. Par respect des élus locaux et consulaires, le Gouvernement a décidé de ne pas demander aux préfets d'attaquer les décisions de ces commissions lorsque quatre de leurs membres se sont prononcés pour.

Pour les aider à prendre leurs décisions en toute connaissance de cause, des schémas d'équipements commerciaux ont été élaborés. Ils doivent permettre aux acteurs économiques et aux élus de se mettre d'accord sur le diagnostic. D'autre part, le décret relatif à l'Observatoire national du commerce sera publié prochainement. Enfin, les moyens du FISAC ont été portés à 400 millions pour soutenir les projets d'implantation commerciale en centre-ville, dans les quartiers et en zone rurale.

Cette politique devrait aider les petits commerces, les commerces de proximité et les franchisés à passer le "bug" du commerce électronique. Nous avons un rôle régulateur à jouer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

NOUVELLE-CALÉDONIE

Mme Catherine Tasca - Une fois retombés l'émotion et l'élan de confiance suscités par les accords de Nouméa, certaines inquiétudes et interrogations se sont manifestées sur la voie choisie en mai dernier par la Nouvelle-Calédonie.

Les résultats du référendum du 8 novembre sont la confirmation éclatante de l'adhésion de la très grande majorité des Néo-Calédoniens à ces accords. Si le choix effectué en mai dernier a été possible et renouvelé avant-hier, nous le devons d'abord à la volonté et à l'intelligence d'hommes remarquables tels M. Tjibaou et M. Lafleur, mais aussi au fait que la République ne les a pas laissés seuls dans un face à face difficile. Deux chefs de gouvernement, M. Rocard puis M. Jospin, ont su les écouter, comprendre la situation et garantir leurs engagements réciproques.

Dans la nouvelle phase qu'ouvre le vote du 8 novembre, le rôle de l'Etat restera essentiel. Il devra notamment accompagner les solutions qui seront à inventer à chaque étape puisque la situation est sans précédent.

Comment les prochaines étapes se préparent-elles, Monsieur le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, en particulier la loi organique fixant les nouvelles institutions du territoire que notre assemblée devra prochainement examiner ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer - Plus de 74 % des électeurs néo-calédoniens ont participé au référendum du 8 novembre, contre 63 % de participation à la consultation sur les accords de Matignon il y a dix ans. Le "oui" l'a emporté à 72%, et dans les 33 communes de Nouvelle-Calédonie. 55 000 électeurs sur 106 000 inscrits se sont prononcés pour. Ce résultat marque la forte adhésion des Néo-Calédoniens à la démarche engagée avec les accords de Matignon, qui ouvraient la voie à des relations renouvelées avec la République française. Le Gouvernement, les forces politiques sur place et métropolitaines, ainsi que le Président de la République, ont contribué à ce résultat.

Nous avons élaboré un avant-projet de loi organique. Il sera examiné par le congrès de Nouvelle-Calédonie d'ici à la fin de la semaine. Il devrait être soumis au conseil des ministres à la fin du mois et, je l'espère, à notre assemblée avant la fin de l'année, afin que la loi puisse être définitivement adoptée à la fin de l'hiver et que les institutions nouvelles se mettent en place à partir du mois de juin. Les Néo-Calédoniens, au cours des 20 prochaines années, auront à construire leur pays dans un esprit de dialogue.

Je m'associe aux remerciements que vous avez adressés aux hommes qui ont su faire preuve de clairvoyance : Jacques Lafleur, Roch Wamytan et Jean-Marie Tjibaou, assassiné pour avoir voulu la paix et la réconciliation entre les communautés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

EGLISE DE SCIENTOLOGIE

Mme Yvette Roudy - Ma question a trait à l'instruction en cours à l'encontre de l'Eglise de scientologie. Il semble que d'incompréhensibles anomalies, qui risquent d'entraîner l'annulation de 15 ans de procédure, ont été constatées. Des dossiers disparaîtraient du Palais de justice. Des liquidations prononcées resteraient sans effet.

Or notre assemblée répertorie cette organisation en tant que secte. Plusieurs de nos collègues, en particulier M. Alain Vivien, M. Guyard et M. Brard ont souligné le danger et la perversité, mais aussi l'extrême habileté de telles organisations. Elles seraient capables d'infiltrer l'appareil d'Etat, l'administration, la justice et de déstabiliser la société. Elles s'emparent des esprits, des biens ou même des vies. On se souvient des suicides du Temple du peuple et du Temple solaire. Nous connaissons l'ampleur des dégâts sur les familles et l'emprise insidieuse sur des jeunes. Elles portent atteinte à l'ordre privé mais aussi à l'ordre public. Comment comptez-vous exercer votre vigilance à l'encontre de ce type d'organisation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et sur certains bancs du groupe UDF)

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Le 13 octobre, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris constatait que le dossier pénal concernant l'Eglise de scientologie n'était pas complet. Il manquait le neuvième tome et des pièces du huitième. Dès le lendemain, j'ai saisi les chefs de la cour d'appel d'une enquête administrative. Elle a été menée avec détermination mais n'a pas permis de déterminer l'origine de cette disparition. J'ai donc ordonné le 6 novembre qu'une enquête soit confiée à l'inspection générale des services judiciaires sur ce fait particulièrement grave. La chambre d'accusation, réunie hier, s'est donné jusqu'au 14 décembre pour décider ce qu'il y a lieu de faire afin que ce dossier soit effectivement jugé.

Le Gouvernement a déjà pris un certain nombre de mesures pour lutter contre les sectes. Une cellule spécialisée a été créée au sein de la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère afin de sensibiliser magistrats et fonctionnaires. L'Ecole nationale de la magistrature a organisé une session de formation cette année et fera de même en 1999. Le Premier ministre a décidé, par décret du 7 octobre 1998, de créer une mission interministérielle de lutte contre les sectes, qui se substitue à l'observatoire. Son secrétariat général est confié à un magistrat ; elle diffusera l'information et coordonnera l'action contre les sectes.

Au 1er mai 1998, 153 procédures pénales avaient été établies, donnant lieu à 73 enquêtes préliminaires et 80 informations judiciaires dont 17 sont achevées. Les poursuites se heurtent cependant à un signalement insuffisant des faits. Je prépare donc à l'intention des Parquets une circulaire qui prévoit qu'un magistrat par cour d'appel sera spécialisé et chargé de coordonner la lutte contre les sectes ("Très bien !" sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste, et Mme Boutin) ; que les associations de lutte contre les sectes seront plus consultées par les tribunaux. J'ai décidé de leur accorder la possibilité de se porter partie civile (Mêmes mouvements). Les modalités de cette innovation dans le code de procédure pénale sont actuellement mises au point avec Mme Picard, qui préside le travail du groupe parlementaire de lutte contre les sectes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe RCV et sur certains bancs du groupe UDF).

RETRAITES AGRICOLES

M. Michel Suchod - Monsieur le ministre de l'agriculture, vous prenez la mesure de vos responsabilités à l'extérieur. En France, le budget de votre ministère va nous être présenté après-demain.

Il s'agit des retraites agricoles qui concernent deux millions de personnes. Des avancées substantielles ont eu lieu dès le budget 1998 et on nous a annoncé cette année 1,6 milliard en plus pour 600 000 bénéficiaires. Les retraites progressent un peu, mais leur niveau reste faible. Sur 900 000 allocataires du fonds social vieillesse, 600 000 sont des agriculteurs. La loi d'orientation agricole pose le principe de la revalorisation des retraites.

Cependant 1,5 million d'agriculteurs qui n'ont pas 32 années et demi de cotisations ne profitent pas de ce programme. Nous avions donc proposé une revalorisation du fonds national vieillesse. Nous l'avions dit, avec François Hollande et Germinal Peiro, à la délégation que nous avons reçue lors de la manifestation de Tulle. Nous souhaiterions qu'au cours de la législature le revenu vieillesse d'une personne seule soit porté à 4 050 F par mois, soit une augmentation de 500 F sur trois budgets.

Au budget 1999, recettes nouvelles et économies sur le BAPSA représentent 2,6 milliards. Deux milliard ont été attribués au fonds de réserve des retraites. Ne pourrait-on utiliser tout ou partie des 500 millions qui restent pour améliorer les retraites agricoles afin qu'elles atteignent un jour 75 % du SMIC ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Ce gouvernement a déjà beaucoup fait pour les retraités agricoles en augmentant le crédit de un milliard au budget 1998 et de 1,2 milliard pour 1999, soit 1,6 milliard en année pleine. C'est un système de revalorisation deux fois plus rapide qu'entre 1993 et 1997 et il porte cette fois sur les petites retraites.

Il faut poursuivre cet effort, et dans la loi d'orientation agricole, le Gouvernement s'est engagé à revaloriser les retraites d'ici 2002. Ces réflexions sont en cours.

En outre, nous examinons la possibilité de porter de 250 000 à 300 000 F le seuil d'exonération sur l'actif successoral. Nous envisageons aussi l'harmonisation avec le FSV. Enfin, nous avons commencé des négociations avec les organisations. Le Gouvernement reçoit avec beaucoup de bienveillance les propositions du groupe de travail parlementaire animé par Germinal Peiro (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

MINES ANTIPERSONNEL

M. Noël Mamère - Les mines antipersonnel tuent une personne toutes les vingt minutes ; elles ont fait plus d'un million de victimes en vingt ans. Au Nicaragua, 75 000 mines sont dispersées dans la nature. Le traité d'Ottawa de décembre 1997, signé par 133 nations mais auquel 48 Etats seulement, dont la France, ont adhéré, ne résoud pas les problèmes de déminage. Selon le général Jean-Pierre Kelche, le déminage humanitaire relève des autorités civiles. La Norvège, le Canada et l'Allemagne ont consenti des moyens importants. Quelle sera la contribution de la France à l'action internationale ? Le ministère de la coopération est-il prêt à mettre sur pied une structure interministérielle pour traiter de cette question ? Sera-t-elle à l'ordre du jour de la prochaine réunion du comité interministériel de coopération internationale et de développement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste)

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Au Nicaragua, pays déjà ravagé par la guerre civile, le cyclone a disséminé dans tout le pays 75 000 mines antipersonnel.

La France a joué un grand rôle pour la signature de la convention d'Ottawa interdisant les mines antipersonnel et a été le premier pays membre du conseil de sécurité à l'adopter. Cette convention va entrer en vigueur le 1er mars 1999. Se pose donc le problème de déminage au Nicaragua, mais aussi en Afghanistan, au Cambodge, en Angola, au Mozambique et ailleurs en Afrique. La France s'est spécialisée dans le déminage et a apporté une contribution exceptionnelle grâce à son armée et à des structures civiles spécialisées. Nous allons continuer. Nous réfléchissons à l'inscription de cette question à l'ordre du jour du comité interministériel de la coopération de janvier.

Mais sans attendre, dans tous les pays qui comptent sur elle et où la guerre est terminée, la France intervient activement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

COUR CRIMINELLE INTERNATIONALE

M. Alain Madelin - Le 17 juillet 1998, 120 pays, dont la France, qui a joué un rôle important, ont décidé de créer une Cour criminelle internationale appelée à juger les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et les génocides. Quelles que soient les imperfections de cette instance, sa création représente une avancée considérable pour les droits de l'homme et la justice. Les atrocités, où qu'elles soient commises, n'échapperont plus au châtiment ; la loi du plus fort ne pourra plus les effacer ni la raison d'Etat les couvrir ; l'impunité ne pourra plus non plus en estamper le souvenir. Mais encore faut-il pour cela que soixante pays la ratifient.

La France, devant les autres et avant les autres, donnera-t-elle l'exemple ? Incitera-t-elle par une action diplomatique internationale soixante pays à ratifier au plus tôt cette convention internationale ? Pouvons-nous espérer que la Cour criminelle internationale soit effectivement créée en l'an 2000 ? Ce serait un bel objectif pour que plus jamais les barbaries qui ont ensanglanté le XXème siècle, d'Auschwitz au goulag, de Santiago-de-Chili à la Place Tien-An-Men, des charniers de Pol Pot à la Bosnie ou au Kosovo ne puissent se perpétuer en toute impunité (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Vos propositions rejoignent nos préoccupations. Dès les négociations de Rome, la France a joué un rôle actif et constructif qui a permis d'aboutir à des conclusions conciliant les souhaits de pays initialement antagonistes. Le texte final est à la fois crédible et compatible avec les prérogatives du conseil de sécurité, notamment pour le maintien de la paix et l'application des dispositions du chapitre VII dans certains cas.

Sur les trente-deux pays qui ont signé cette convention, aucun ne l'a encore ratifié. Ce n'est pas faute d'une volonté politique. La traduction de la version définitive du texte dans les différentes langues est encore en cours à New York.

Je ne me hasarderai pas à fixer de date. Mais soyez assurés que sur ce sujet qui recueille un large assentiment,...

M. Pierre Lellouche - Pas celui des Etats-Unis !

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - ...nous avons l'intention d'aller le plus vite possible et d'entraîner le plus grand nombre possible de pays (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe communiste).

PROJET DE LOI SUR L'AUDIOVISUEL

M. Michel Pericard - Je devrais en toute logique poser ma question à Mme la ministre de la communication. Mais chacun sait que c'est vous, Monsieur le Premier ministre, qui avez personnellement surveillé et corrigé le futur projet de loi sur l'audiovisuel, manifestant un intérêt inattendu pour un texte de cette nature.

Ce projet de loi a été fortement remanié après les critiques sévères dont il a fait l'objet de la part du Conseil d'Etat -trente voix sur quarante-, ce qui atteste au passage de l'intérêt de l'examen des textes par cette institution, délibérément écarté pour un autre texte en cours de discussion (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Il a été habillé d'oripeaux alléchants pour dissimuler sa véritable nature. Diminution des ressources publicitaires, maintien de la redevance à son niveau actuel, et, partant, mise à contribution du budget de l'Etat -les contribuables apprécieront !-, et, tant qu'à faire, octroi de trois milliards supplémentaires, comme l'a demandé ce matin même M. Lang. De tout cela, nous aurons l'occasion de rediscuter.

Mais du vrai motif de ce projet de réforme, à savoir la remise en cause des règles de nomination des responsables des chaînes publiques, il est peu question. Vous nourrissez l'arrière-pensée, d'ailleurs assez naïve, de les verrouiller dans la perspective de l'élection présidentielle devenue votre obsession (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Le Conseil d'Etat sur ce point vous a admonestés. Tiendrez-vous compte de son avis ? Le CSA conservera-t-il son rôle ou le Gouvernement reprendra-t-il le droit de nommer qui lui plaît là où il lui plaît, procédé que vous avez violemment critiqué en d'autres temps ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication - Je pensais que M. Pericard remonterait à 1974, où il s'opposait au démantèlement de l'ORTF et rappellerait qu'il a voté la privatisation de TF1 qui a considérablement fragilisé l'audiovisuel public... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) Il ne l'a pas fait. Je pensais également qu'il rappellerait qu'il souhaitait, du temps de M. Carignon, diminuer la publicité sur les chaînes publiques. Or il n'a dit mot de ce choix, pourtant essentiel pour préserver l'identité de ces chaînes (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Je pensais également qu'il saluerait l'action des gouvernements de gauche qui ont créé la Haute Autorité, garante de l'indépendance de l'information, libéré les fréquences et renforcé le service public de l'audiovisuel français (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Monsieur Pericard, reportez-vous à la loi de finances pour 1997 qui prévoyait une diminution de crédits de 250 millions pour France 2 et 300 millions pour France 3 (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Au contraire, le gouvernement de Lionel Jospin redonne à ces chaînes les moyens nécessaires, confirme leurs missions de service public -le Conseil d'Etat s'en est félicité- et crée un holding qui seul peut donner la puissance nécessaire pour répondre aux attentes des téléspectateurs et renforcer la place de l'audiovisuel français sur le plan international.

S'agissant des nominations, le président du groupe France Télévision est nommé par le CSA, comme prévu dans la loi de 1989, et les directeurs généraux des chaînes-filiales par un conseil d'administration, comme c'est déjà le cas aujourd'hui (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

VIADUC DE MILLAU

M. Alain Marleix - La réponse faite tout à l'heure à notre collègue Landrain par M. Sautter sur la "cagnotte" du FNDS contredit les informations émanant du ministère de la jeunesse et des sports.

Ma question, à laquelle s'associe M. Godfrain, maire de Millau, s'adresse au ministre de l'équipement et des transports. Le désenclavement Nord-Sud par l'A75 Clermont-Millau-Béziers-Espagne est vital pour le Massif central. Or fait toujours défaut un maillon essentiel : le contournement de Millau. Cette absence provoque non seulement chaque année des embouteillages record mais handicape le développement économique du sud du Massif central.

Certes, le viaduc de Millau, d'une hauteur et d'une longueur exceptionnelles, représente une véritable prouesse technique. Son coût est en outre estimé à près de deux milliards de francs. Il est pourtant impératif que l'Etat respecte ses engagements et que le centre de la France soit enfin désenclavé grâce à cet axe Paris-Barcelone. Quels sont le calendrier et les modifications financières retenus. Bref, quand et comment ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - Le désenclavement passe aussi par la revitalisation de la ligne SNCF Paris-Neussargues-Béziers dont vous êtes un ardent défenseur...

S'agissant de l'A75, il faut en effet réaliser sans retard le chaînon manquant de l'autoroute. Pour aller vite, il convient de concéder le viaduc de Millau sur cette autoroute, par ailleurs gratuite entre Clermont-Ferrand et Béziers. La concession permettra que l'itinéraire soit ouvert en totalité dès 2003, soit quatre ans plus tôt. Toutefois, le contournement de Millau n'a pas donné lieu à consultation publique depuis 1993. Le dossier qui sera présenté à enquête publique comportera des états généraux sur le choix retenu pour le viaduc, conformément au concours qui a réuni architectes et bureaux d'études entre 1994 et 1996. L'ouvrage n'est toutefois pas défini en détail, car il sera réalisé sous la maîtrise d'ouvrage du concessionnaire.

Une enquête publique aura lieu du 16 décembre 1998 au 26 janvier 1999. Elle ne portera que sur les conséquences de la mise en concession (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

REMBOURSEMENT DES SOINS

M. Eric Doligé - Régulièrement, le Gouvernement nous annonce par des relais les mesures qu'il entend prendre à brève échéance. Au détour d'un colloque, nous avons ainsi appris par Jean-Louis Guigou, directeur général de la DATAR, l'arrêt du programme SuperLure ou SOLEIl -ce que Claude Allègre n'a pu ensuite que confirmer.

Dans un autre domaine qui fait l'objet de ma question, Gilles Johannet, directeur de la CNAM, a récemment déclaré qu'il était favorable à une diminution des remboursements effectués aux malades qui ne s'inscriraient pas dans le système du généraliste dit "référent". Le Gouvernement va-t-il vraiment imposer un système qui pénalisera les malades changeant de généraliste ? Cela remettrait en cause la liberté de choisir son médecin et nous rapprocherait du système anglais pourtant maintes fois critiqué (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - J'ai moi aussi entendu les propos de Gilles Johannet. Ils n'engagent que lui, car le Gouvernement n'a pas l'intention de diminuer les remboursements. Par contre, nous sommes tous d'accord pour qu'un malade qui accepte de rentrer dans un réseau où il sera suivi par un médecin référent connaissant bien son passé et son environnement bénéficie d'un avantage particulier tel que le tiers payant. Outre qu'il n'aura pas à faire l'avance des frais, il y gagnera en sécurité psychologique. Mais rien ne l'empêchera d'aller consulter, s'il le souhaite, un autre médecin et d'être remboursé. La liberté de choisir son médecin n'est donc pas remise en cause, non plus que le niveau des remboursements (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.


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DÉCLARATION DU PRÉSIDENT

M. le Président - Les incidents qui se sont produits mardi 3 novembre ont été évoqués lors de la réunion du Bureau ce matin. A l'issue de cette réunion, je tiens à souligner trois choses.

En premier lieu, il est impossible d'accepter la violence ou les débordements dans notre assemblée (Applaudissements sur tous les bancs). La violence des gestes ou des mots contredit ce à quoi nous croyons : la démocratie et la République. Et songeons à l'image que nous donnons de nos travaux ! Il ne faut donc pas que ce qui s'est produit mardi dernier puisse se reproduire (Applaudissements sur tous les bancs).

Deuxièmement, M. le vice-président Paecht sait l'estime que nous lui portons en vertu de ce qu'il est et de ce qu'il a vécu, mais aussi en fonction de ce que nous, élus par les citoyens au suffrage universel pour les représenter, devons incarner (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF, du groupe DL et sur quelques bancs du groupe socialiste). Pour les incidents qui se sont produits et la façon dont ils ont été reçus, des regrets ont été exprimés. Ils étaient nécessaires.

Enfin, la présidence, garante du bon fonctionnement de cette maison, doit être neutre. La présidence de séance n'est pas facile à exercer, elle n'est pas infaillible (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste) mais elle ne doit pas et ne peut pas être prise à partie. Dans le respect du Règlement, elle protège, écoute et fait observer à la fois les orientations de la majorité et les droits de l'opposition. Si on ne respecte pas cette règle commune, on ne se respecte pas soi-même. Telle est la tradition de notre Assemblée nationale. Il est important qu'elle soit préservée (Applaudissements sur tous les bancs).

La séance, suspendue à 16 heures 5, est reprise à 16 heures 15 sous la présidence de M. d'Aubert.

PRÉSIDENCE DE M. François d'AUBERT

vice-président


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CONVOCATION D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le Président - M. le Premier ministre m'informe qu'il a décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux.


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LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999.


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TRAVAIL ET EMPLOI (suite)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - La priorité de ce budget, c'est l'emploi. Faire un budget, c'est fixer des priorités, en prenant en compte les contraintes : aussi bien les contraintes héritées des choix passés, y compris les nôtres, que celles que l'on se donne, comme l'impératif de maîtriser les déficits publics. Faire un budget, c'est faire des choix, savoir dégager des marges de manoeuvre pour les financer, et donner aux services qui les mettront en oeuvre les moyens de les assumer. M. Bapt l'a dit, nous sommes à un tournant, car ce budget est marqué par l'application de textes importants, et nous avons une approche offensive et active du problème de l'emploi. La croissance s'améliore. Mais, chacun le sait, elle ne suffit pas à faire reculer durablement le chômage. Et elle enclenche un processus inégalitaire, qui laisse certains sur le bord de la route. Il faut donc une politique active de l'emploi, accompagnée de mesures structurelles pour enrichir son contenu en emplois. Il en résulte deux objectifs : le développement de l'emploi, grâce à des politiques structurelles, et l'insertion de ceux qui ont le plus de difficultés pour y accéder.

Telle est la logique du budget de l'emploi pour 1999, qui connaît une progression importante de 4 %. Mais il a donné lieu à des arbitrages internes, puisque pour 6 milliards de hausse il comporte 17 milliards de mesures nouvelles. Il est guidé par trois objectifs majeurs. Le premier est de respecter nos engagements sur des politiques propres à enrichir la croissance en emplois ; ce sont les emplois-jeunes et la réduction du temps de travail. Le deuxième est l'intégration de ceux qui sont les plus éloignés de l'emploi : jeunes, chômeurs de longue durée, érémistes, grâce à la loi de lutte contre les exclusions et au recentrage de certains dispositifs. Le troisième est de donner les moyens de remplir toutes ses missions à un ministère qui n'est pas des plus privilégiés, et qui est très sollicité dans la période actuelle.

Ce budget doit donc avant tout assurer les moyens nécessaires aux politiques engagées. Pour la durée du travail, en 1999 comme en 1998, c'est une provision qui est inscrite au budget, car la négociation est lancée, et il est difficile de prévoir le nombre d'accords qui seront conclus. Comme l'a dit M. Boulard, en citant un journal, la marmite bouillonne, et je crois que la sauce est bonne. J'indique, à ceux qui ont soutenu que ces accords ne créaient pas d'emplois, que 550 environ avaient été signés fin octobre, qui se sont traduits par des créations d'emplois équivalant à 8 % des effectifs des entreprises, ce qui dépasse les 6 % prévus par la loi. Plus que ces résultats -déjà intéressants quelques mois seulement après le vote de la loi, surtout si l'on songe à la complexité de la négociation- ce qui est intéressant, c'est la dynamique de cette négociation : 20 % des entreprises sont déjà en train de négocier, et encore 20 % s'apprêtent à le faire. J'indique gentiment à Mme Bachelot-Narquin, car elle est de bonne foi, que le Wall Street Journal a titré "Et si les 35 heures créaient vraiment des emplois ?" un article assez élogieux.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin - Mme la ministre cite le Wall Street Journal : où va-t-on ? (Sourires)

Mme la Ministre - J'ai pris une référence dont je pensais qu'elle vous toucherait...

On a posé la question des accords de branche. Nous le savons tous, notamment dans les grandes et moyennes entreprises, c'est d'abord au niveau de l'entreprise que sera négociée la réduction de la durée du travail. C'est là en effet que peuvent être traités les problèmes d'organisation du travail, de réponse aux besoins de la clientèle, d'articulation entre le travail et les équipements, et qu'on peut voir les potentialités de créations d'emplois. Pour l'essentiel, les accords de branche seront donc de nature incitative. Ils peuvent indiquer des pistes, et, comme dans l'artisanat, aider les petites entreprises à choisir entre différentes formules possibles de réduction du temps de travail.

J'indique à M. Goulard et Mme Bachelot-Narquin que, pour voir la différence entre les deux accords qu'ils ont cités, il suffit de les lire. Je n'ai pas porté d'appréciation, Monsieur Goulard, sur tous les accords signés, mais sur l'un d'eux, parce qu'il ne se situe ni dans l'esprit ni dans la lettre de la loi. Un député ne saurait d'étonner qu'un ministre veuille faire respecter la loi votée par le Parlement. L'accord UIMM fait sortir de son champ les cadres et les agents de maîtrise, accroît le contingent d'heures supplémentaires, et vous vous étonnez que je rappelle qu'il y a une loi, et qu'elle doit être appliquée ? Quand en outre il est prévu que cet accord s'appliquera au 1er janvier 2000, et à condition que les partenaires estiment que la loi leur permet de l'appliquer, comment s'étonner que je le qualifie de virtuel ?

L'accord textile est d'une toute autre nature. Qu'il s'agisse des heures supplémentaires, des cadres, de la non-prise en compte des jours fériés, de l'objectif emploi, on est dans une tout autre logique, et les organisations ne s'y sont pas trompées. Loin de moi donc l'idée de porter une appréciation sur tel ou tel accord ; mais j'ai voulu rappeler que la loi est la loi, que nul ne peut s'y soustraire, et je continuerai de le faire chaque fois que nécessaire.

La provision inscrite pour l'aide à la réduction du temps de travail s'élève à 3,5 milliards. Elle sera complétée par les reports de crédits de la provision inscrite en 1998, et, si nécessaire, par d'autres moyens en collectif de fin d'année. MM. Bapt, Cochet et Gengenwin ont posé le problème du recyclage de ces fonds. Dans la logique de la réduction du temps de travail, nous sommes capables à tout moment de vérifier quelles rentrées de cotisations en auront résulté pour la Sécurité sociale et l'UNEDIC. Nous ne sommes pas dans le cadre d'une mesure générale comme la ristourne dégressive dont il était très difficile de mesurer les effets sur l'emploi. Nous avons donc décidé de faire avec les partenaires sociaux un bilan à mi-année, et voir quel recyclage peut alors être envisagé.

Il y a donc en France un vaste mouvement de négociations, peut-être un des plus complets que notre pays ait connu, puisqu'elles prennent en compte à la fois les besoins des entreprises, les aspirations des salariés, et les espoirs de ceux qui attendent à la porte.

Le deuxième élément clé de la politique de développement de l'emploi est le programme "emplois-jeunes", qui est en train d'atteindre ses objectifs. La création des nouveaux services se développe à un rythme soutenu, qui montre que les objectifs de 150 000 emplois créés à la fin de cette année et de 250 000 à la fin de 1999 seront atteints. M. Hoarau a évoqué le succès du dispositif à la Réunion, où 1 250 emplois-jeunes ont été créés. Il existe en effet des besoins, concernant le tourisme et l'environnement, et nous continuerons d'être attentifs à l'évolution de ce département.

Certains, comme M. Perrut, ont pu craindre que les recrutements privilégient les jeunes surqualifiés. Or ce n'est pas le cas : 30 % des jeunes embauchés n'ont pas de qualification ou au plus un CAP, les deux tiers ont une formation de niveau égal ou inférieur au bac (M. Michel Hunault proteste). Je tiens à votre disposition les chiffres, qui sont ceux du CNASEA. En revanche, un effort est encore nécessaire pour rendre prioritaires les jeunes des quartiers difficiles, comme ceux des zones rurales défavorisées. Sans vouloir donner en exemple la ville de Lille, j'indique que 81 % de ses deux cents emplois-jeunes sont occupés par des jeunes des quartiers difficiles. Ils ne doivent pas rester à l'écart des bénéfices de la croissance.

Le coût budgétaire du dispositif devrait être en 1999 de 17 milliards, ramenés grâce aux reports de crédits à 14,3 milliards, dont 380 millions sont transférés au FEDOM. Enfin, si Mme Bachelot a rencontré des jeunes qui s'ennuyaient dans les emplois-jeunes, j'en ai vu beaucoup pour ma part qui se déclaraient fiers de leur emploi et heureux d'être utiles. Une enquête d'opinion montre que plus de 90 % de ces jeunes sont satisfaits de travailler à améliorer la vie de leurs concitoyens.

Le secteur privé, quant à lui, a embauché 750 000 jeunes et en a pris 400 000 en formation en alternance.

M. Michel Hunault - Ce n'est pas grâce au Gouvernement !

Mme la Ministre - C'est difficile à mesurer. En tout cas, je vois les résultats.

MM. Bapt, Le Garrec, Gremetz sont revenus sur l'allégement des charges patronales sur les bas salaires.

Le Gouvernement souhaite engager cette réforme, afin de rendre plus juste le financement de la Sécurité sociale et de favoriser l'emploi. Le Gouvernement a accepté, dans le projet de financement de la Sécurité sociale, un amendement qui l'engage à déposer un texte avant la fin du premier semestre de 1999. Puisque l'objectif paraît largement partagé, je pense que nous parviendrons à nous mettre d'accord sur les modalités de cette réforme.

Le budget de 1999 tend également à concentrer les dispositifs sur les publics qui sont le plus éloignés de l'emploi, conformément au plan national pour l'emploi adopté à Luxembourg. Nous avons tenu à ce que la loi contre les exclusions soit mise en oeuvre au plus vite. Alors qu'elle a été promulguée le 29 juillet, tous les textes d'application seront publiés avant la fin de ce mois-ci, sauf ceux relatifs à l'insertion par l'économique, qui doivent entrer en vigueur au 1er janvier prochain. Les parcours TRACE sont déjà en place, le programme "Nouveau départ" accueille déjà 25 000 chômeurs de longue durée, et l'accès aux contrats d'emploi consolidé sera ouvert dès décembre prochain.

Tous les crédits annoncés en mars se trouvent dans le projet de budget. 3,2 milliards de mesures nouvelles sont ainsi consacrés aux dispositifs nouveaux de retour à l'emploi pour les personnes qui en sont le plus éloignées. Le nombre de CEC passe à 60 000, le double de ce qu'il était en 1998, et le taux d'aide est porté à 80 % sur les cinq ans du contrat. Au total, l'enveloppe atteindra 5,25 milliards en 1999.

L'élargissement du contrat de qualification aux adultes sans qualification commence à s'appliquer. Le secteur du bâtiment, déjà, a signé un accord dans ce sens. Enfin, le programme TRACE permettra d'accueillir 40 000 jeunes l'an prochain, leur offrant pendant 18 mois un suivi individualisé pour aboutir à une qualification ou à un emploi. L'Etat, en accord avec les régions, cherche à mieux coordonner les actions entreprises vers les publics les plus fragiles. M. Perrut a dénoncé la bureaucratisation à l'oeuvre dans le programme TRACE. Qu'il veuille bien en apporter la preuve ! S'il est un dispositif que nous avons voulu particulièrement simple, c'est bien celui-là ! Au reste, comment, autrement, aurions-nous pu le mettre en place entre juillet et octobre ?

Parmi les outils majeurs de retour à l'emploi figure l'insertion par l'économique. Dans ce secteur, les années passées ont été difficiles et, faute de financements, le nombre d'entreprises d'insertion et d'associations intermédiaires a diminué entre 1995 et 1997. Il nous fallait donc, pour relancer le mouvement, clarifier le rôle de l'insertion par l'économique, créer de nouveaux outils et renforcer les moyens financiers. Avec l'extension des PLIE, les dispositifs d'insertion par l'économique bénéficieront de plus de 3 milliards en 1999-2000.

Les aides sont harmonisées, renforcées et simplifiées. Ainsi les structures du secteur marchand bénéficieront d'une exonération totale de cotisations patronales de sécurité sociale, les aides aux postes d'insertion sont unifiées, à raison de 50 000 F par poste, enfin sont créés et dotés à hauteur de 75 millions des fonds départementaux d'insertion par l'économique.

Les élus participant hier au Conseil national de l'insertion par l'économique ont demandé, avec raison, l'intégration de ces dispositifs dans les contrats de plan.

Les outils traditionnels sont recentrés vers ceux qui en ont le plus besoin. En effet, pour beaucoup de Français, l'emploi aidé est la seule réponse à leurs difficultés. Aussi voulons-nous augmenter le nombre des contrats pour l'accès à l'emploi -120 000 places supplémentaires seront ainsi offertes. Déjà en 1998, sur les 450 000 CES mis en place, 67 % sont réservés aux chômeurs de longue durée. Nous comptons faire passer cette proportion des 2/3 aux 3/4 en 1999. La même démarche prévaut pour les CIE.

Dans le domaine de la formation, nous avons reciblé les SIFE et les stages d'accès à l'entreprise sur les publics prioritaires. Au total, entre fin 1997 et fin 1999, le nombre des contrats pour les personnes qui n'ont pas accès à l'emploi classique augmentera de 120 000, dont 70 000 CES et CEC et 40 000 contrats de qualification.

Notre stratégie consiste aussi à faciliter les transitions des minima sociaux vers l'emploi. Je rappelle que, dans la loi contre les exclusions, nous avons amélioré l'intéressement à la reprise d'une activité. Il a fallu prendre en compte la grande diversité des situations, ainsi que des modes de gestion, différents selon qu'il s'agit du RMI, de l'API ou de l'ASS. Le texte est à présent soumis à l'examen du Conseil d'Etat. Les mécanismes propres au RMI et à l'ASS sont renforcés, avec 3 mois de cumul intégral sous certaines conditions, puis 50 % sur les 9 mois suivants.

MM. Gremetz et Gorce ont parlé du licenciement. J'estime que la collectivité n'a pas à se substituer aux entreprises, et je partage la philosophie de M. Gorce sur ce sujet. Oui, il faut encourager la gestion prévisionnelle de l'emploi et pénaliser le recours à la flexibilité externe si la situation ne l'impose pas. C'est pourquoi j'ai freiné le recours aux préretraites pour les entreprises qui réalisent des bénéfices, et je leur ai demandé une contribution plus élevée. C'est pourquoi les crédits relatifs aux préretraites diminuent de 4,5 milliards. Je rassure M. Gremetz. Il n'est pas question d'abandonner les préretraites, mais de les réserver davantage aux salariés travaillant dans des secteurs et des entreprises en difficulté, ou dans des zones d'activité fragiles.

La diminution des fonds destinés aux préretraites dans ce budget est le résultat de plusieurs facteurs. D'abord, de nombreux salariés licenciés entre 1992 et 1994 sortent aujourd'hui du système parce qu'ils atteignent l'âge de la retraite. Quant à ceux qui y entrent, ils sont désormais moins nombreux grâce à la limitation du nombre des licenciements rendue possible par la croissance. Enfin, nous avons décidé de ne pas financer les préretraites lorsque les entreprises sont en mesure de le faire et d'accroître leur participation au financement dans les autres cas. Bref, nous avons fait en sorte que l'argent public soit mieux utilisé.

J'en viens à la contribution "Delalande" que les entreprises doivent verser aux ASSEDIC en cas de licenciement de salariés de plus de 50 ans.

Actuellement, une préretraite à 57 ans est deux fois plus coûteuse qu'un départ de l'entreprise à 56 ans, ce qui accélère les licenciements entre 50 et 56 ans. Ce phénomène a été aggravé par la mise en place de l'ACA en 1997. Alors que j'avais augmenté le coût de la contribution Delalande dès 1992 et fait diminuer le nombre des salariés de plus de 55 ans mis au chômage, ce chiffre a de nouveau crû, passant de 55 000 en 1994 à 71 000 en 1997, malgré l'institution de l'ARPE.

Voilà pourquoi j'ai décidé de doubler le taux de la contribution Delalande sans en modifier les modalités. Les entreprises de moins de 20 salariés en restent exonérées. J'indique à ceux qui craignent que cette mesure ne freine l'embauche des salariés ayant atteint l'âge de 50 ans, que la contribution Delalande ne s'applique pas à ces embauches.

J'ai également décidé d'appliquer cette contribution aux conventions de conversion, dont le nombre a beaucoup augmenté.

Bref, nous devons faire en sorte que l'argent public soit utilisé par ceux qui en ont le plus besoin, non pour se débarrasser au moindre coût de personnes qui auront les plus grandes difficultés à retrouver un emploi.

M. Jean-Pierre Delalande - S'agissant de la contribution qui porte mon nom, j'ai appris votre décision par la presse comme tout le monde.

Sur la forme, je suis surpris que vous proposiez aux partenaires sociaux de négocier après avoir fixé le terme de la négociation !

Sur le fond, demandons-nous pourquoi les entreprises agissent comme elles le font. Je partage assez largement votre diagnostic, mais je m'étonne que vous n'ayez pas affiné votre réflexion depuis onze ans que ce dispositif existe.

Confrontées à des mutations, les entreprises cherchent d'abord à licencier économiquement les salariés les plus âgés, car ce sont ceux qui coûtent le plus cher et qui sont les moins à même de s'adapter aux évolutions technologiques. Ces licenciements économiques ont un coût considérable pour la nation et pour les entreprises. Certaines d'entre elles ont d'ailleurs ensuite regretté d'avoir procédé ainsi car il devenait extrêmement difficile de "gérer" la pyramide des âges.

Je voudrais donc vous faire plusieurs propositions. D'abord, pourquoi ne pas lier le paiement de la contribution à une convention directe avec une autre entreprise pour le reclassement du salarié ? N'oublions pas que certains salariés préfèrent toucher la prime que d'accepter un autre emploi dont le salaire ou la localisation ne leur conviendrait pas (Murmures sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Ce dialogue sympathique ne peut pas se prolonger trop longtemps, Monsieur Delalande.

M. Jean-Pierre Delalande - Je conclus.

Mes autres suggestions concernent la signature d'une convention avec l'éducation nationale et la mise en place d'un système de départ en sifflet.

Je propose, Madame la ministre, que nous nous rencontrions pour examiner ces différents points.

Mme la Ministre - Je ne sais quelle presse vous avez lue...

M. Jean-Pierre Delalande - La Tribune...

Mme la Ministre - ...mais il n'a jamais été question de lancer une négociation en ce domaine, car cela fait partie des prérogatives de l'Etat. Toutefois, nous avons consulté les organisations patronales et syndicales.

D'autre part, vous dites bien que certains salariés veulent partir parce qu'ils ne sont pas préparés aux évolutions technologiques. C'est ce qui justifie l'accent que nous voulons mettre sur la formation professionnelle. Ce n'est pas à 50 ans, quand le salarié est dos au mur, qu'on peut éviter le licenciement. Or le licenciement d'un salarié de 50 ans quand l'espérance de vie approche les 80 ans n'a rien pour réjouir. Il faut donc que les entreprises gèrent leurs salariés de manière qu'ils soient en permanence adaptés. A ce propos, je m'étonne que vous acceptiez les retraites à 50 ans alors que vous dites, par ailleurs, qu'il faut repousser l'âge de la retraite à 65 ans. Bref, il faut que l'entreprise soit capable d'anticiper la pyramide des âges et de bien "gérer" le capital humain (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Par ailleurs, je me réjouis que les partenaires sociaux aient décidé de discuter d'une extension de l'ARPE. L'Etat propose d'en financer une partie notamment pour ceux qui ont commencé à travailler très jeunes.

J'en viens aux moyens humains et opérationnels de mon ministère. Je salue l'effort de mobilisation que l'administration centrale et les services déconcentrés ont accompli depuis un an et demi.

L'ANPE a besoin d'un personnel qualifié capable d'accueillir les demandeurs mais aussi de les accompagner dans la durée. 1 000 agents supplémentaires lui ont donc été affectés en deux ans.

S'agissant de l'AFPA, elle doit se consacrer en priorité à la formation des demandeurs d'emploi. Les contrats de progrès de l'ANPE et de l'AFPA sont étroitement articulés.

En ce qui concerne les missions locales et les PAIO, je me félicite de bénéficier de leur appui pour faire en sorte que le programme TRACE redonne une chance à des jeunes aujourd'hui très éloignés du marché du travail. L'Etat est prêt à cofinancer 450 postes d'agents avec les collectivités locales disposées à accompagner cet effort.

Enfin, j'ai souhaité renforcer les moyens de mes services. Nous créons 140 emplois de contrôleurs du travail et dix d'inspecteurs du travail. Nous résorbons complètement l'emploi précaire. Nous améliorons de façon sensible la situation des agents de catégorie C qui font souvent le travail de la catégorie B, de même que les attachés font souvent le travail des administrateurs civils (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

QUESTIONS

M. Germain Gengenwin - Les ressources de l'AGEFAL -association de gestion des fonds de l'alternance- sont régulièrement amputés. C'est, nous assure-t-on, pour financer d'autres dispositifs de formation. Il n'en est rien. A quoi sont affectés ces prélèvements ?

On nous dit aussi que les ponctions opérées sur les "excédents" de l'AGEFAL n'affectent pas le financement des contrats jeunes.

C'est faux. En effet, la collecte est réalisée avant le 1er mars, tandis que les contrats peuvent s'étendre sur plus ou moins d'une année. L'AGEFAL fonctionne sur 2 exercices. De ce fait, les ponctions opérées au profit de l'Etat n'affectent pas la trésorerie de l'AGEFAL, mais bien ses possibilités l'année suivante.

L'augmentation du nombre de contrats conjuguée à la stagnation de la collecte et à ces ponctions laisse craindre un effet de ciseaux. Si c'est le cas, qui va assurer le financement des contrats de qualification ?

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat à la formation professionnelle - Je découvre votre question. Les rapporteurs n'ont pas fait de commentaire sur l'AGEFAL et je n'aurais donc pas évoqué ce point. Les commissions d'enquête avaient émis des conclusions assez sévères sur cet organisme. En fait, il se pose plutôt un problème de trésorerie que d'excédent. Il est certain qu'avec 1,3 milliard disponible, il est difficile de se prémunir contre toutes les tentations. Je souhaite donc que les partenaires sociaux pratiquent une gestion plus dynamique et moins la thésaurisation.

D'autre part, il y a effectivement des transferts de financement des contrats de qualification vers l'apprentissage. Sur 6 milliards de fonds de l'alternance, un milliard a été utilisé pour les CFA. En outre, depuis un an, une taxe de péréquation corrige les inégalités entre régions et entre CFA d'une même région.

Il nous faut réfléchir ensemble sur le moyen de financer à la fois les deux formes de l'alternance, chacune y conservant sa fonction propre. Je souhaiterais personnellement parvenir à un dispositif plus transparent et moins inégalitaire entre régions sans perdre de vue l'efficacité d'un partenariat de proximité.

M. Germain Gengenwin - Certes, il suffit de mettre tout le monde d'accord, et ça marchera...

Pouvez-vous me dire si vous avez arrêté les critères de répartition de la taxe d'apprentissage ?

De même, comment allez-vous répartir entre les régions les 110 millions prévus par les ateliers pédagogiques personnalisés ?

Enfin, l'Agence nationale d'aide aux centres de travail, l'ANACT, est peu présente sur le terrain. Elle dispose de 69,5 millions. Quel est son bilan, et quelles sont ses missions ? Sur ce point je comprendrais que vous me répondiez ultérieurement.

Mme la Secrétaire d'Etat - Je découvre, également, avec non moins de plaisir, votre deuxième question. Le produit de la taxe de péréquation créée récemment a été en 1997 de 631,5 millions répartis entre les régions et les CFA. En 1998, le montant serait de 650 millions. Le décret était valable pour un an. Il faut donc en prendre un nouveau avant la fin de l'année pour fixer les critères de répartition. J'ai saisi la présidente du comité de coordination qui m'a indiqué qu'un groupe de travail associant les partenaires se réunirait le 25 novembre... On prendra évidemment en compte le nombre d'apprentis et le niveau des ressources des régions. Personnellement, j'aimerais que l'on tienne compte de l'effort fait par les régions pour l'apprentissage et que l'on fasse aussi un effort particulier pour les jeunes sans qualification.

M. Patrick Delnatte - Les associations intermédiaires ont montré qu'elles prenaient une part considérable dans l'insertion des chômeurs de longue durée -pour peu qu'on leur en donne les moyens. C'est là que le bât blesse. La loi d'orientation de lutte contre les exclusions leur a imposé des contraintes, notamment pour ce qui est de la durée de mise à disposition des entreprises, ce qui risque de limiter leur rôle. Leur équilibre financier est donc menacé. Cependant les associations se disent prêtes à assumer ces contraintes si on leur donne un réel accès au marché, en leur reconnaissant un rôle à part entière en complément du service public de l'emploi et des autres opérateurs. Elles craignent qu'en raison de blocages administratifs, l'octroi de moyens soit retardé et se demandent si les crédits seront suffisants pour 1999. Elles attendent des assurances de votre part.

Mme la Ministre - Vous vous étiez déjà fait le porte-parole des associations intermédiaires et j'avais remarqué des différences entre vos propos et ceux de leurs responsables. Hier s'est réuni le Conseil national de l'insertion par l'activité économique. La présidente du CORAS, qui regroupe ces associations intermédiaires, s'est dite très heureuse de la loi contre l'exclusion et de ses modalités. Elle a reconnu que nous accordons une large place à l'insertion par l'économique. Après une discussion qui fut âpre, nous avons trouvé une solution permettant aux associations intermédiaires de redevenir ce que la majorité d'entre elles n'ont jamais cessé d'être, à savoir un outil d'insertion pour les personnes les plus en difficulté.

Ces associations bénéficient aujourd'hui d'une aide de 50 000 à 100 000 F selon l'étendue de leur aire de recrutement et leurs objectifs d'emplois, et d'une exonération des charges sociales patronales, dans la limite de 750 heures sur une période continue de douze mois.

Des conditions précises ont été fixées : les associations devront solliciter un accord pour toute mise à disposition de plus de seize heures ; elles pourront mettre des personnes à disposition durant un mois, renouvelable une fois, dans une même entreprise ; enfin, la durée de mise à disposition sera limitée à 240 heures par an -elle est aujourd'hui en moyenne de 171 heures par an.

Par ailleurs, ces associations pourront avoir recours à l'appui social individualisé que l'ANPE offre aux chômeurs en grande difficulté. Les crédits consacrés à cette action, qui n'étaient que de 30 millions en 1998, passent à 100 millions en 1999 et à 200 millions en 2000.

Comme vous le voyez, les associations intermédiaires, qui vous sont chères, me le sont aussi.

M. Michel Hunault - 600 000 jeunes de moins de 25 ans sont au chômage dans notre pays -c'est l'une des particularités françaises. Les recettes, nous les connaissons tous : apprentissage, formation en alternance, temps partiel, tutorat... Le Gouvernement a-t-il l'intention de mettre en place un dispositif particulier pour l'insertion des jeunes dans le secteur privé, à l'instar de celui des emplois-jeunes dans les collectivités et les associations ? Un gisement d'emplois existe dans les PME, les entreprises artisanales et les cabinets des professions libérales qui, tous, se sentent une responsabilité dans l'insertion des jeunes.

Mme la Ministre - Le chômage des jeunes, même s'il reste important, a tout de même diminué de 12 % en un an. Faut-il, aux côtés des emplois-jeunes, instituer un dispositif spécifique pour le secteur privé ? Rappelons qu'il existe déjà les formations en alternance -contrat de qualification et apprentissage-, réponse la mieux adaptée pour les jeunes non qualifiés. Le programme TRACE permet également aux jeunes les plus en difficulté de retrouver le chemin de la qualification et de l'emploi. Si leurs difficultés sont moins importantes, c'est le programme "Nouveau départ" de l'ANPE qui peut leur convenir. Enfin, le dispositif préretraite contre embauche a permis 35 000 embauches de jeunes chaque année depuis sa mise en place. Les avances remboursables, les aides au conseil pour la création d'entreprise, les contrat initiative-emploi sont d'autres instruments qui servent le même objectif.

Je pense qu'étant donné la conjoncture, l'octroi d'une aide spécifique aux entreprises qui embauchent des jeunes n'aurait qu'un effet d'aubaine. En effet, 775 000 embauches ont de toute façon lieu spontanément. En revanche, nous poursuivons notre réflexion avec le secteur privé pour vérifier si, parmi les besoins nouveaux, il n'en est pas de solvables qui pourraient être mieux satisfaits, notamment par la création d'emplois que pourraient occuper des jeunes.

M. Jean Ueberschlag - Une étude récente de la DARES révèle que les dépenses globales de formation professionnelle augmentent, essentiellement du fait des régions, car la part de l'Etat régresse. L'article 80 du projet de loi de finances pour 1999 risque d'accentuer cette évolution regrettable. Vous avez en effet décidé, sans concertation aucune, de supprimer la prime à l'embauche de 6 000 F pour tous les contrats d'apprentissage supérieurs au niveau V. Un décret l'avait déjà supprimé pour les contrats de qualification dont le titulaire a un niveau supérieur au CAP. Ce n'est pas ainsi que vous revaloriserez l'apprentissage ni les formations en alternance, non plus que vous aiderez les jeunes à la recherche d'un emploi durable. En outre, cette absence totale de concertation augure mal de la future loi sur la formation professionnelle.

Certes, le financement des emplois-jeunes et des 35 heures exige des moyens. Mais pourquoi ponctionner ceux de la formation en alternance ? Ce serait porter un mauvais coup aux jeunes et aux formateurs qui ont cru en la parole de l'Etat. Quelles sont vos intentions en la matière ?

Mme la Secrétaire d'Etat - Les crédits de la formation professionnelle augmentent de 5,3 % en 1999. Si l'effort substantiel des régions doit être reconnu, gardons tout de même certains chiffres présents à l'esprit : l'Etat y consacre 56 milliards, les entreprises 55 milliards, les organismes au premier rang desquels l'UNEDIC 14 milliards et les régions 13 milliards.

L'article 80 du projet de loi de finances pour 1999 restreint en effet l'octroi des primes à la signature des contrats d'apprentissage et de qualification. Mais toutes les autres primes et les exonérations de charges sociales sont maintenues, quel que soit le niveau de qualification du jeune embauché.

Le Gouvernement soutient donc sans réserve l'apprentissage qui, loin d'être une filière passéiste, répond à des besoins réels et convient parfaitement à certains jeunes. Il entend bien le promouvoir au même titre que toutes les formations en alternance.

M. Jean Ueberschlag - Mais vous avez pourtant fait un pas en arrière !

Mme Odette Turpin - La formation continue est un enjeu majeur dans une économie en perpétuelle mutation où la concurrence se fait toujours plus rude. il importe que les salariés comme les entreprises investissent dans ce champ, l'employabilité et les compétences constituant aujourd'hui la meilleure protection sociale. Pourtant, la formation n'est pas facile à promouvoir dans les entreprises de proximité qui ont des vues à plus court terme et recherchent surtout des retours sur investissement rapides. En outre, leurs salariés restent trop souvent passifs par rapport à leur formation, se contentent de l'offre existante alors qu'ils devraient être demandeurs.

Le budget de la formation professionnelle augmente de 3,5 % en 1999. Quels moyens l'Etat entend-il mettre en oeuvre pour développer la formation dans les PME-PMI, et surtout inciter employeurs et salariés à co-investir dans ce domaine porteur de progrès pour l'avenir ?

Mme la Secrétaire d'Etat - Ce matin, j'ai fait, certes à grands traits, plusieurs constats.

Premier constat : 40 % de la population active française a un niveau de formation initiale inférieur au CAP.

Deuxième constat : l'inégalité d'accès à la formation professionnelle. Les femmes et les salariés de petites entreprises, par exemple, ont moins de chance de bénéficier d'une formation continue. Troisième constat : un salarié sur trois a changé d'entreprise dans les cinq ans, un actif sur trois de catégorie professionnelle ou de métier. Nous devons prendre en compte cette discontinuité des parcours professionnels -sans parler des ruptures que constituent les périodes de chômage.

Il nous faut donc construire un droit individuel à la formation qui soit transférable d'une situation sur l'autre et qui soit conforté par un effort de mutualisation. Nous pourrons ainsi combattre les inégalités et permettre aux salariés de mieux s'adapter.

Mme Odile Saugues - Le 17 avril 1998, l'Assemblée a adopté une loi créant l'allocation spécifique d'attente pour les chômeurs âgés de moins de 60 ans, mais comptant 40 annuités de cotisation vieillesse. Son article unique dispose que le total de ressources des bénéficiaires de l'ASA ne peut être inférieur à un montant fixé par décret. Ce décret, paru le 12 juin 1998, fixe le plancher à 5 000 F, conformément à l'intention du législateur. Mais sur le terrain, il en va autrement. En effet, seuls les bénéficiaires de l'ASS majorée parviennent à ce seuil. Or le passage à cette majoration, qui devrait se faire dès lors que les intéressés justifient de 160 trimestres de cotisation d'assurance vieillesse semble se faire difficilement. Quelles instructions comptez-vous donc donner aux ASSEDIC, Madame le ministre, pour que la loi soit appliquée dans sa lettre et dans son esprit ?

Mme la Ministre - Je vous confirme que les textes d'application sont conformes à l'intention du législateur et à l'engagement du Gouvernement. Le décret du 12 juin 1998 précise ainsi que le total des ressources des bénéficiaires de l'ASA ne peut être inférieur à 5 000 F. Le passage du taux simple au taux majoré se fait automatiquement dès lors que l'intéressé justifie de 160 trimestres au titre de l'assurance vieillesse : l'ASA est alors de 1 750 F. De la même manière, un érémiste isolé va percevoir 2 570 F d'ASA de façon à dépasser ce plancher de 5 000 F.

Il semblerait cependant qu'il y ait eu quelques difficultés d'application à Clermont-Ferrand et à Rouen en raison d'un dysfonctionnement informatique -un problème de fichier. Mais tout est maintenant rentré dans l'ordre et les quelques cas concernés retrouvent le montant auquel ils ont droit.

M. Jean-Marie Bockel - La ville de Mulhouse s'est engagée fortement dans le dispositif "nouveaux métiers, nouveaux services", notre objectif étant de créer 500 postes d'ici décembre 1998. Notre objectif est aussi qualitatif : pas de surqualification, puisque environ un tiers des postes sont occupés par des jeunes de niveau V bis ou VI ; mise en place d'une formation et d'un projet professionnel ; pérennisation au bout de cinq ans de l'emploi occupé par le jeune, grâce à notre réseau d'entreprises, au plan local d'insertion par l'économique et à la mission locale.

Mais vos services, Madame la ministre, ne nous ont pas autorisés à cofinancer par le PLIE l'accompagnement des jeunes en difficulté embauchés sur des emplois-jeunes. Pourtant, le programme "nouveaux services-nouveaux emplois" constitue bien une action en faveur de l'insertion. Pouvez-vous nous aider à surmonter cet obstacle, Madame la ministre ?

Mme la Ministre - Je salue l'engagement de Mulhouse, tant quantitatif que qualitatif, dans le dispositif emplois-jeunes. Mais pour moi, les emplois-jeunes constituent de vrais emplois, destinés donc à des jeunes aptes au travail plutôt qu'à des jeunes qui ont des problèmes d'insertion sociale -que je ne confonds d'ailleurs pas avec les jeunes sans qualification- tandis que le PLIE est, lui, réservé aux jeunes en grande difficulté. L'accompagnement dont vous me parlez relève davantage de la mission locale. Cela étant, nous pourrons regarder de plus près ce problème.

Mme Marie-Françoise Clergeau - La loi du 13 juin 1998 sur la réduction du temps de travail a amené une redéfinition du temps de travail effectif en cohérence avec la jurisprudence et les directives européennes. Le respect de cette nouvelle définition appelle un renforcement du contrôle exercé par les inspecteurs du travail.

Compte tenu par ailleurs de la place centrale faite à la négociation dans ce processus de réduction du temps de travail et de l'insuffisance, dans les faits, de ces négociations, ne faudrait-il pas mettre en place dans les entreprises un dispositif de soutien et de conseil ? Enfin, sachant que la loi devra complètement s'appliquer en l'an 2000 pour les entreprises de plus de vingt salariés et à partir de 2002 pour les autres, ne faut-il pas recruter dès maintenant le personnel capable de veiller à cette application à l'issue de sa formation ?

En tout état de cause, la loi sur les 35 heures appelle un renforcement des effectifs de contrôle et d'inspection, que ce soit dans les directions départementales ou dans les sections d'inspection du travail. Après les 15 postes créés en 1998, 10 emplois d'inspecteurs du travail sont encore prévus en 1999, auxquels s'ajoutent 140 postes de contrôleurs. Il faut prolonger cet effort en créant de nouvelles sections d'inspection. Quelles sont les perspectives en ce domaine ?

Mme la Ministre - Je partage votre point de vue, car il ne sert à rien de voter des lois si nous ne sommes pas capables de les faire respecter. J'ai donc demandé aux directeurs départementaux du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle d'inscrire parmi les priorités de l'inspection du travail le contrôle de la durée du travail, car le non-respect de la durée maximale, qu'elle soit journalière ou hebdomadaire, et le recours à trop d'heures supplémentaires sont particulièrement inacceptables quand par ailleurs se négocie le passage aux 35 heures.

Nous aurons en 1999 dix postes supplémentaires d'inspecteurs du travail -qui s'ajoutent aux 15 créés en 1998- et 140 postes supplémentaires de contrôleurs, dont 135 sur le terrain.

J'avais entamé cet effort en 1992-1993 et je regrette qu'il n'y ait eu aucun moyen complémentaire pour l'inspection du travail entre 1994 et 1997.

Mais il faut aussi faire évoluer les implantations. Entre 1991 et 1998, 23 sections complémentaires ont été créées. Nous devons continuer à en créer ou à en détacher de la direction départementale, de façon à coller à l'évolution des bassins d'emploi.

Je crois en tout cas que ce budget illustre l'importance que nous accordons à l'inspection du travail.

M. Gérard Voisin - Les emplois-jeunes font recette et bientôt devrait être dressé un premier bilan de la loi du 16 octobre 1997. Il devra évaluer les effets de cette loi sur l'emploi et sa contribution à la satisfaction des besoins couverts. Il devra aussi prendre en compte le poids des initiatives locales : nous n'avons pas ménagé nos efforts, comme élus locaux, pour faire entrer dans les faits une loi dont pourtant nous ne partagions pas totalement la philosophie. Mais notre inquiétude principale est la pérennisation de ces emplois : à l'expiration des cinq ans, l'état des finances locales ne nous permettra pas de maintenir tous les emplois créés. Je crains qu'on ait alors le sentiment d'un immense gâchis. Le candidat Jospin avait promis 700 000 emplois-jeunes, car l'effort public devait être doublé par un effort égal du secteur marchand. Ce point a depuis lors été oublié, et je le regrette : une incitation significative auprès des entreprises privées, notamment petites, à hauteur de l'effort public, aurait été plus favorable à l'emploi. En effet, les activités ainsi encouragées, étant créatrices de richesse, auraient trouvé leur utilité économique, donc les conditions de leur pérennisation. Comment entendez-vous agir en faveur de l'emploi des jeunes dans le système marchand ? Vos réponses à la tribune, puis à MM. Hunault et Bockel, ne sont pas satisfaisantes, car vous êtes loin des promesses alléchantes auxquelles vous devez votre succès électoral. Le sujet est enterré : exhumez-le, en donnant aux entreprises les moyens d'entrer dans le cadre prévu.

Mme la Ministre - Je comprends assez mal votre intervention. Ou bien, en effet, les besoins nouveaux sont solvables, et je veux espérer que le marché y répond ; et c'est pourquoi beaucoup dans vos rangs disent que l'aide de l'Etat doit continuer à diminuer. Ou bien certains besoins ne sont pas encore solvables, et c'est pourquoi nous avons fait les emplois-jeunes dans le secteur public. Je suis ravie d'entendre que, malgré votre scepticisme sur la loi, vous avez participé à la création des 143 000 emplois-jeunes déjà existants, dont 101 000 pour lesquels les jeunes sont déjà en place. Je pense que votre scepticisme a diminué depuis un an, et j'espère qu'il aura entièrement disparu dans deux ou trois ans quand nous aurons trouvé les moyens de les pérenniser. S'il y avait une recette miracle pour l'emploi, cela se saurait ! Si vous proposez une aide pour toute embauche de jeune, comment financerez-vous les 750 000 embauches qui se font spontanément ? Si vous pensez qu'il faut un type de formation particulier, proposez-le. Mais on ne peut pas à la fois réclamer la baisse des charges et des impôts, et dire qu'il faut aider toutes les créations d'emplois dues à la croissance, que nous avons aidée par la relance de la consommation. Je suis prête à reprendre la discussion si vous pensez qu'il manque une incitation pour le secteur privé, mais je n'en ai rien entendu dans votre question : elle était plus polémique que pratique, et je le regrette.

M. Patrick Delnatte - Dans le cadre de la loi sur les emplois-jeunes, l'Assemblée a voté le principe d'une avance remboursable pour aider les jeunes créateurs d'entreprise, mais il ne semble pas s'appliquer, les décrets n'étant pas publiés. Qu'en est-il ?

Plus généralement, quelle est la position du Gouvernement sur un tel système d'avance pour tous les créateurs d'entreprise, quel que soit leur âge ? Quel soutien envisage-t-il d'apporter aux associations qui font un travail remarquable sur le terrain ? J'associe à ma question mon collègue Warsmann, très engagé dans l'association Ardennes Initiative : il y a sur le terrain un dense réseau de soutien à la création d'entreprises, qui ne demande qu'à réussir.

Mme la Ministre - Le dispositif EDEN d'aide aux jeunes créateurs d'entreprise est en place. Il revêt la forme novatrice d'une avance remboursable -de 40 000 F pour un créateur, 60 000 pour deux- avec un suivi et un accompagnement sur plusieurs années. Les spécialistes estiment que cette méthode est la plus appropriée. La gestion en est déléguée à des organismes spécialisés, l'Etat assurant le pilotage et le contrôle. Les mêmes dispositions existent pour les jeunes, pour les bénéficiaires des minima sociaux et pour les salariés repreneurs de leur entreprise en faillite.

Je suis convaincue comme vous qu'il faut aider les associations qui aident sur le terrain les créations d'entreprises. Nous avons des crédits d'ingénierie pour les nouveaux bassins emplois-jeunes qui sont peu utilisés : si ces jeunes se placent sur de nouveaux créneaux, ces fonds peuvent être utilisés pour les accompagner dans l'exploration de nouveaux marchés.

Mme Odette Trupin - Ma question est redondante avec celle de M. Gengenwin sur le financement de l'apprentissage, le fonds national de péréquation de la taxe et les critères de répartition entre les fonds régionaux à compter de 1998. J'y insiste, car les régions, conformément à la loi de décentralisation du 7 janvier 1983, apportent une contribution importante au financement des CFA. Et le développement de ces établissements a des effets croissants sur les finances régionales, que la répartition du fonds de péréquation doit compenser partiellement. Quelles mesures peuvent être envisagées pour permettre le versement de ce fonds vers les fonds régionaux de l'apprentissage et de la formation continue ? J'y insiste malgré votre précédente réponse, car la question se pose avec acuité dans certaines régions, notamment en Aquitaine.

Mme la Secrétaire d'Etat - Je reviens volontiers sur le sujet, pour souligner l'intérêt que nous portons à cette péréquation qui permet de réduire un peu les inégalités entre régions et entre CFA d'une même région. La somme transférée à ce titre était de 631 millions en 1997. Pour 1998, nous pouvons compter sur une collecte de 650 millions. Pour en organiser la répartition, nous devons réunir très rapidement le groupe de travail du comité de coordination, afin de définir des critères pérennes de répartition. Cette réunion, qui regroupera les trois collèges, régions, partenaires sociaux et Etat, aura lieu le 25 novembre. Outre les critères déjà retenus, comme le nombre d'apprentis et les ressources de formation de chaque région, je trouverais normal -mais j'attends l'avis du comité de coordination- de prendre en compte l'effort fait par chaque région pour l'apprentissage, et son effort envers les publics en manque de qualification et de professionnalisation.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler - L'article 5 de la loi d'orientation sur la réduction du temps de travail définit comme travail effectif le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. Dans le secteur social et médico-social, les personnels sont conduits à passer des nuits en chambre de veille dans les établissements associatifs. La plupart des conventions collectives qui ont reçu l'agrément du ministère admettent qu'une telle nuit équivaut à trois heures de travail. Les responsables associatifs craignent que la nouvelle loi les place dans une situation difficile dans la négociation et sur le plan financier. Est-il prévu de prendre en compte les particularités liées à ce type d'activités ? Entendez-vous, Madame la ministre, donner une suite favorable à la demande d'élaboration d'un décret validant le principe actuel d'équivalence ?

Mme la Ministre - C'est au regard des réponses conventionnelles existantes que le problème devra être traité. Il fait partie de la négociation en cours entre le ministère et les syndicats. Faudra-t-il maintenir l'équivalence existante ou en créer une autre, je ne le sais pas encore. Mais c'est un vrai problème, dont il faudra tirer toutes les conséquences au plan réglementaire, pour que la réduction du temps de travail s'opère sans difficultés, notamment financières, pour les organismes concernés.

Mme Conchita Lacuey - Je souhaite attirer votre attention, Madame la ministre, sur la situation des jeunes mères de famille au regard de leur activité professionnelle, et particulièrement pour celles qui bénéficient de l'allocation parentale d'éducation. On note depuis 1994 une diminution significative du taux d'activité des mères de deux enfants âgées de 25 à 34 ans. Quand on sait que les femmes sont les plus touchées par le chômage et la précarité de l'emploi, notamment le temps partiel, et qu'au 31 décembre 1997, 530 000 mères de famille avaient demandé l'APE, dont 80 % avaient cessé toute activité, on peut légitimement s'inquiéter sur les conséquences de ce phénomène sur l'activité des femmes en général. Pour elles, la reprise d'un travail n'est pas automatique, surtout pour celles qui ont un niveau d'études relativement faible au départ et des emplois précaires et peu qualifiés. Pour qu'elles ne soient pas pénalisées, ne faudrait-il pas permettre à ces jeunes mères ainsi qu'à celles qui sont bénéficiaires de l'allocation parent isolé, surtout si elles sont en difficulté, de continuer leur évolution professionnelle avec un accès aux formations qualifiantes, par étapes successives et adaptées aux contraintes familiales ?

Le travail des femmes est devenu un fait de société qui a contribué largement à leur émancipation. Je sais, Mesdames les ministres, que vous êtes très sensibles à cette question et que, comme nous, vous ne souhaitez pas que cette légitimité soit remise en cause. Qu'envisagez-vous pour que ces jeunes mères puissent mettre à profit une réorientation professionnelle afin d'échapper à des conditions de vie trop précaires ?

Mme la Ministre - Nous possédons peu d'informations sur les femmes bénéficiant de l'allocation parentale d'éducation, en particulier quand elles ont plus de deux enfants. L'élargissement, en 1994, de l'aide aux femmes ayant deux enfants dont l'un a moins de trois ans a conduit à un retrait de 100 000 femmes du marché du travail. Trois ans plus tard, nous avons constaté que certaines de ces femmes y étaient revenues, et c'est pourquoi les sommes dépensées au titre de l'APE diminuent. Il faut s'en féliciter.

Cependant, j'ai demandé à mes services d'effectuer une enquête sur douze caisses d'allocations familiales pour apprécier les problèmes de réinsertion que ces femmes peuvent rencontrer. Nous devrions ainsi en savoir plus au début de 1999.

Nous devrons aussi réfléchir à des mécanismes de formation permettant à ces femmes de renouer avec l'emploi. Le contrat de qualification, auquel elles ont accès, peut y contribuer.

Mme Martine Lignières-Cassou - Les CIE, créés par la loi du 4 août 1995, sont ouverts aux demandeurs d'emploi de longue durée, aux bénéficiaires de l'allocation spécifique de solidarité, aux femmes isolées assumant ou ayant assumé des charges de famille, aux personnes de plus de 50 ans privées d'emploi.

Or, dans les imprimés distribués par l'ANPE, la phrase "les personnes de plus de 50 ans inscrites comme demandeurs d'emploi pendant 12 mois" a été remplacée par "une durée de 12 mois consécutifs au moment de l'embauche". Cette modification exclut une catégorie de demandeurs d'emploi particulièrement sensibles et porte atteinte aux femmes isolées assumant des charges de famille, puisque les CIE semblent réservés aux personnes au chômage depuis plus de deux ans.

Or cette modification ne figure ni dans la loi ni dans les décrets, et semble du seul fait de l'ANPE. De plus, elle contredit la volonté du Gouvernement de prévenir les exclusions.

Existe-t-il une corrélation entre la réduction de 20 000 du nombre de CIE cette année et la baisse de 50 % de la dotation des primes inscrites dans le budget de 1999 ? Les personnes les plus en difficulté ne risquent-elles pas d'en souffrir ?

Mme la Ministre - La baisse des crédits destinés aux CIE est due à la réduction du nombre des entrées, liée à notre volonté d'éviter les effets d'aubaine. Nous avons obtenu des résultats, modestes, puisque la part des chômeurs de longue durée est passée de 30 % à 33 % à la fin du premier semestre de 1998, et si on y rajoute les érémistes et les travailleurs handicapés, le taux atteint 70 %. Nous tenons à aider principalement les entreprises qui accueillent des personnes au chômage depuis plus de deux ans. De plus, le taux de rupture en cours de contrat est passé de 20 % à 30 %, si bien que les crédits concernés diminuent mécaniquement. Ce mouvement est dû à l'amélioration de la situation de l'emploi.

Nous avons conservé l'obligation d'être inscrit depuis 12 mois consécutifs au chômage afin d'éviter les effets d'aubaine. Les personnes qui ont eu des CDD durant les 12 derniers mois ne doivent pas pouvoir bénéficier des CIE.

M. Philippe Vuilque - Les emplois-jeunes sont un vrai succès. On en comptera 140 000 à la fin de cette année. Cependant certaines communes hésitent à signer des contrats emplois-jeunes, parce qu'elles ne sont pas adhérentes à l'assurance chômage pour l'ensemble de leurs personnels non titulaires. Assurer elles-mêmes la couverture chômage de ces jeunes peut représenter pour elles une lourde charge. En effet, seuls les CES et les contrats d'apprentissage ouvrent droit à des régimes d'indemnisation particuliers. Les partenaires sociaux, saisis de ce problème, n'ont pour le moment pas abouti.

Ne serait-il pas judicieux d'envisager la création d'un régime dérogatoire permettant aux collectivités locales en assurance propre d'adhérer à l'UNEDIC pour leurs seuls emplois-jeunes ?

Mme la Ministre - Nous souhaitons en effet que l'UNEDIC accepte cette adhésion. J'avais saisi en septembre 1997 les partenaires sociaux, mais l'UNEDIC n'a pas encore répondu positivement. Nous recommençons nos discussions avec elle et j'espère que nous trouverons alors une solution. Il n'y aurait pas de sens à ce que les emplois-jeunes n'aient pas accès à une assurance chômage au titre de l'UNEDIC.

M. Francis Hammel - Les lois de décentralisation ont donné aux régions compétence pour la formation professionnelle. Celles-ci se sont dotées de services spécifiques, et votent des crédits destinés à faciliter l'insertion des chômeurs, l'Etat complétant les dispositifs régionaux. Le montage des parcours de formation cofinancés ne va pas sans difficultés, surtout si les ASSEDIC s'y associent. Les difficultés que rencontrent certains stagiaires pour élaborer leurs projets révèlent des lacunes et des dysfonctionnements dans les relations entre les différents partenaires de la formation professionnelle. Ils s'ensuit, chez les stagiaires, un découragement, et parfois un abandon pur et simple.

Pour faciliter l'insertion, comment comptez-vous favoriser la synergie des compétences et des actions des partenaires de la formation dans l'accueil, le financement et le suivi des demandeurs d'emploi stagiaires de la formation professionnelle ?

Mme la Secrétaire d'Etat - Les régions sont, en effet, des partenaires essentiels du service public de l'emploi dans le domaine de l'orientation des demandeurs d'emploi. Elles sont appelées, dans le cadre des contrats de plan, à s'associer à la définition et à la mise en oeuvre de ce service public. Les projets de contrats de progrès entre l'Etat et l'ANPE et l'Etat et l'AFPA, pour la période 1999-2003, disposent que les deux établissements devront établir au plan local des relations facilitant l'accueil et le suivi des demandeurs d'emploi qui ont besoin de formation. Pour cela l'ANPE et l'AFPA mettront en place un service intégré d'appui aux projets professionnels.

M. Francis Hammel - Intervenant devant le Comité national consultatif des personnes handicapées, Madame la ministre, vous avez dit votre volonté de donner à celles-ci une formation professionnelle initiale et d'encourager les IMPRO à les préparer au travail en milieu ordinaire ou fermé.

Il est urgent d'agir. Le niveau de qualification des personnes handicapées reste très faible. 53 % de celles qui sont à la recherche d'un emploi n'ont aucune qualification. En moyenne nationale, à la sortie d'un IMPRO, 7 à 8 % seulement des jeunes trouvent un emploi en milieu ordinaire. L'AFPA, quant à elle, n'offre qu'un nombre limité de place à des stagiaires handicapés. Le constat est le même pour la formation en alternance et pour les autres formations spécialisées.

Quelles mesures envisagez-vous de prendre, Madame la ministre, pour concrétiser nos aspirations ?

Mme la Ministre - L'emploi et la formation des handicapés constituent un problème majeur. La France est un des rares pays où les entreprises préfèrent cotiser à l'AGEFIPH que d'embaucher des travailleurs handicapés.

Aussi avons-nous décidé de "prendre le taureau par les cornes" en agissant dès le plus jeune âge. Dans quelques jours, Ségolène Royal présentera au conseil supérieur des handicapés des mesures d'accompagnement dans l'éducation. Nous nous efforçons aussi d'améliorer l'orientation et la formation des personnes handicapées, par exemple en développant l'apprentissage dans les IMPRO et autres établissements d'éducation spécialisés ; en améliorant la complémentarité entre formations de droit commun et formations spécialisées ; en déclinant l'offre de formation auprès des COTOREP, dont le fonctionnement fait actuellement l'objet d'une enquête de l'IGAS ; en renforçant les centres de rééducation professionnelle.

Notre action se fonde sur deux outils principaux. Tout d'abord, une convention d'objectifs sera signée dans quelques jours entre l'Etat et l'AGEFIPH pour la période 1999-2003. Elle mobilisera 2,5 milliards. Ensuite, les contrats de progrès que j'ai l'intention de signer avec l'AFPA et la commande publique devront tenir compte des besoins d'appui technique des centres de formation accueillant les personnes handicapées.

En 1997, l'AFPA a accueilli 3 745 stagiaires handicapés -au lieu de 2 000 quelques années auparavant- et assuré près de 42 000 prestations d'orientation.

Toutes ces mesures, après consultation du conseil supérieur de reclassement social et professionnel des travailleurs handicapés feront l'objet d'une application concertation au plan départemental, afin de ne laisser personne de côté.

M. le Président - Nous avons terminé les questions. J'appelle les crédits inscrits à la ligne emploi et solidarité, concernant l'emploi.

Les crédits inscrits aux titres III et IV de l'état B ainsi que les crédits inscrits aux titres V et VI de l'état C, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président - J'appelle l'article 80 rattaché à ce budget.

ART. 80

M. Serge Poignant - Mon amendement 32 tend à supprimer cet article, car la surpression de la prime à l'embauche au-delà du niveau V serait une erreur. Les entreprises ont grand besoin d'ouvriers qualifiés.

M. Germain Gengenwin - Notre amendement 72 et le 50 de M. Weber ont le même objet. Limiter la prime au niveau V nuirait à l'image de marque que nous avons réussi à donner à l'apprentissage. Nous devons continuer d'encourager l'embauche d'apprentis.

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial de la commission des finances pour la formation professionnelle - Je ne comprends pas, Madame le ministre, que vous supprimiez la prime à l'embauche des apprentis au-dessus d'un certain niveau de qualification. Si cette disposition traduit une volonté de recentrage, créez des incitations qui amèneront les employeurs à prendre des apprentis moins bien formés.

Mais je crains que cette mesure n'ait d'autre but que de réaliser des économies et j'ai quelques raisons de me méfier du ministère du budget.

Selon certains -mais je ne fais pas mienne leur interprétation-, c'est la crainte des lycées de perdre une partie de leurs effectifs qui justifierait qu'on pénalise ainsi l'apprentissage. Mieux vaudrait, comme je l'ai fait avec succès dans ma circonscription, créer une section d'apprentissage pour la préparation au BTS dans les lycées.

Bref, alors que nous avons tout fait pour revaloriser l'apprentissage, la mesure proposée me paraît incompréhensible et dangereuse. Au contraire, il faut développer l'apprentissage dans l'industrie et dans le secteur des services d'avenir.

Vous dites que les grandes entreprises, dans certains cas, ne réclament pas cette prime mais elles prennent très peu d'apprentis de ce niveau. Ce sont les PME qui sont concernées au premier chef. Pourquoi ne pas attendre le livre blanc pour décider, comme vous l'avez vous-même suggéré, Madame le ministre ?

Tout cela justifie l'amendement 40 de la commission, qui maintient ces primes en gageant sa proposition sur un prélèvement modeste sur l'AGEFAL.

M. Patrick Malevieille, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles pour la formation professionnelle - La commission n'a pas examiné cet amendement.

Mme la Secrétaire d'Etat - Je me suis déjà longuement expliquée sur ce sujet. Comment vous convaincre, Monsieur Barrot, de retirer votre amendement ?

La mesure proposée tend à recentrer les primes pour accentuer l'effort en faveur des jeunes de niveau CAP ou BEP, autrement dit ceux qui n'ont aucune qualification réelle. C'est dans la logique de la loi contre les exclusions.

Nous avons tenu à maintenir les deux formes d'alternance, contrat de qualification et apprentissage, et à les traiter de la même façon. Mais au début des années 1990, les jeunes de niveau inférieur au bac bénéficiaient de 67 % des contrats de qualification, et en 1997 ils n'étaient plus que 43 %. C'est pour lutter contre cette dérive que nous proposons un recentrage. En 1997, 84 % des contrats d'apprentissage concernent bien ces jeunes que nous voulons aider. Je comprends bien sûr la volonté d'améliorer l'image de l'apprentissage et d'en faire une filière à part entière. De toute façon, l'exonération de charges sociales est maintenue pour l'ensemble des dispositifs quel que soit le niveau des jeunes concernés. Pour 1999, l'Etat a inscrit 2,9 milliards pour les contrats de qualification et 9,25 milliards pour les contrats d'apprentissage. Quant à l'AGEFAL, elle financera l'alternance à hauteur de 500 millions grâce à un fonds de concours. Je souhaite que ces amendements soient retirés.

M. Maxime Gremetz - Il est vraiment dommage que la commission des affaires sociales n'ait pu examiner ces amendements. Je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 18 heures 35, est reprise à 18 heures 40.

M. Denis Jacquat - Nous avons amélioré le niveau de qualification à l'entrée dans l'apprentissage et augmenté le nombre d'apprentis quel que soit leur niveau. Pourquoi modifier un système qui fonctionne ?

M. Gérard Lindeperg - On ne peut dissocier contrat de qualification et apprentissage. Modifier un dispositif et pas l'autre serait source de déséquilibre. La solution choisie est donc cohérente.

Pour ce qui est de l'AGEFAL, il n'est guère orthodoxe d'inscrire en loi de finances des crédits gérés par les partenaires sociaux. J'ai rencontré les représentants salariés. Ils ne sont pas opposés au principe. Je demande au Gouvernement de vérifier dans un an que les objectifs soient atteints.

Le groupe socialiste votera contre ces amendements.

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial - Non, il existe une différence. Le contrat d'apprentissage est plus lourd, l'apprenti étant un salarié de l'entreprise.

Nous avons voulu revaloriser l'artisanat. Je ne dis pas que les dispositifs doivent être immuables, mais à trop changer on va donner un prétexte pour ne rien faire à ceux-là même qu'on veut motiver. Si j'ai critiqué les emplois-jeunes, je dois reconnaître qu'ils ouvrent les portes de l'administration à un certain nombre de jeunes à bac plus deux. Mais vous allez maintenant prendre le risque de refermer devant eux les portes de l'entreprise.

Tenu par le vote de la commission, je ne peux retirer son amendement.

Les amendements 32, 72 et 50, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jacques Barrot, rapporteur spécial - Sur l'amendement 40 voté par la commission des finances, l'Assemblée est éclairée.

Mme la Secrétaire d'Etat - Mon avis défavorable portait sur les cinq amendements.

L'amendement 40, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 20 est retiré.

L'article 80, mis aux voix, est adopté.

ART. 81

M. Germain Gengenwin - Je défendrai en même temps les amendements 71 et 75 qui proposent tous deux de supprimer l'article 81. En effet, cet article remet en question à compter du 1er janvier 1999 l'exonération des cotisations d'allocations familiales dont bénéficient notamment les entreprises situées dans les zones de revitalisation rurale. Cette mesure desservirait à la fois l'aménagement du territoire et l'emploi.

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial - La commission n'a pas examiné cet amendement, mais elle ne l'aurait pas voté puisqu'elle propose elle-même un amendement de suppression partielle.

Mme la Ministre - Avis négatif sur les amendements de suppression totale de l'article.

L'amendement 71, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 75.

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial - Je défendrai en même temps les amendements 36, 37 et 38 rectifié. Leur objet est de maintenir le bénéfice de l'abattement de cotisations familiales pour les salariés des entreprises privées et de certaines entreprises publiques situées dans les zones de revitalisation rurale.

L'article 81 dans sa rédaction initiale aurait d'ailleurs été en contradiction avec l'article 115 du projet de loi de finances qui prévoit le maintien de ces exonérations. Mieux vaut attendre la réforme d'ensemble des cotisations patronales. En outre, la suppression immédiate de cet avantage, qui devait certes n'être que temporaire, ne permettrait pas d'évaluer correctement les aides aux territoires ruraux défavorisés. Enfin, la commission a considéré que cette mesure pénaliserait les entreprises qui en bénéficient actuellement, au détriment donc de la situation économique des zones de revitalisation rurale.

S'agissant des entreprises publiques, la suppression de l'abattement risquerait de ruiner les efforts qu'elles ont consentis jusqu'à présent dans ces zones. La SNCF, qui serait la plus pénalisée, ne pourrait peut-être plus poursuivre sa stratégie d'adaptation en zone rurale alors même que sa situation financière s'est redressée. Pour toutes ces raisons, la commission vous propose d'adopter l'amendement 38 rectifié.

Mme la Ministre - Mieux vaut en effet réexaminer ces mesures de simplification dans le cadre de la réforme globale des cotisations patronales que le Gouvernement engagera d'ici la fin du premier semestre 1999.

Je suis donc favorable aux trois amendements présentés par M. Bapt. Je souhaiterais toutefois que d'ici à la seconde lecture, on vérifie que la rédaction proposée n'autorise pas le cumul de ces abattements avec la ristourne dégressive.

M. Jean Proriol - J'avais moi-même déposé un amendement 21 qui tombera si celui de la commission est adopté. La suppression de la mesure, la plus efficace selon la DATAR, du dispositif des ZRR aurait été particulièrement fâcheuse.

Je prends donc acte avec satisfaction de la position de Mme la ministre. Le souci de l'aménagement du territoire va de pair avec la lutte contre les exclusions et pour l'emploi.

L'amendement 36, mis aux voix, est adopté.

Les amendements 21, 68 et 67 tombent.

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial - L'amendement 57 vise à maintenir l'abattement de cotisations familiales aux exploitations agricoles pour leurs salariés, occasionnels ou non. Il n'a pas été soumis à la commission et je le présente seulement en séance publique pour que le Gouvernement confirme que cet abattement sera bien maintenu.

Mme la Ministre - Je le confirme.

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial - Je retire donc mon amendement.

L'amendement 57 est retiré.

L'amendement 37, mis aux voix, est adopté, de même que l'amendement 38 rectifié.

L'amendement 58 est retiré.

L'amendement 69 est retiré.

M. Germain Gengenwin - L'amendement 23 est défendu. Il a pour objet d'exclure le secteur agricole des mesures de suppression de l'exonération de cotisations d'allocations familiales.

M. Gérard Bapt, rapporteur spécial - Cet amendement est satisfait. Il me paraît inutile.

Mme la Ministre - Avis défavorable.

L'amendement 23, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 81 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion du projet de loi de finances pour 1999 est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu jeudi 12 novembre, à 9 heures 30.

La séance est levée à 18 heures 55.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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