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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 30ème jour de séance, 80ème séance

3ème SÉANCE DU JEUDI 12 NOVEMBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. François d'AUBERT

vice-président

          SOMMAIRE :

LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- (suite) 1

    QUESTIONS 1

    AGRICULTURE ET PÊCHE 11

    État B 11

    AVANT L'ART. 75 13

    BAPSA 16

    ART. 50 16

La séance est ouverte à vingt et une heures.


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LOI DE FINANCES POUR 1999 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999.


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AGRICULTURE ET PÊCHE
BAPSA
(suite)

M. le Président - Nous poursuivons l'examen des crédits de l'agriculture et de la pêche et du BAPSA.

QUESTIONS

M. Dominique Caillaud - Devenir agriculteur, c'est faire un choix risqué, qui implique la mise en place d'un système de formation ambitieux. Les établissements d'enseignement agricole comptent 180 000 élèves, dont les trois cinquièmes dans l'enseignement privé, secteur qui connaît un déficit en enseignants.

Ainsi, la dotation théorique pour le privé, calculée par vos services à l'aide du logiciel Geode, est-elle pour 1998-1999 de 4 806 postes, alors que le budget n'en prévoit que 4 556 ! En outre, si l'on tient compte des heures d'enseignement nécessaires pour réaliser la totalité des programmes, on constate un déficit supplémentaire de 200 postes, soit un déficit total de 450 postes.

Me référant aux objectifs de la loi du 31 décembre 1984, j'aimerais connaître les mesures que vous comptez prendre, dans le respect de votre enveloppe budgétaire, pour combler ce déficit en personnel enseignant. Il y va de l'avenir et de la pérennité de l'agriculture française, à travers l'installation de jeunes agriculteurs performants.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Les besoins sont en effet calculés grâce à un logiciel dénommé Geode, pour gestion optimisée des emplois, et ce pour le secteur privé comme pour le secteur public. Cet outil prend en compte aussi bien les moyens pédagogiques que le nombre d'élèves. Or les moyens affectés à l'enseignement privé permettent de faire face aux besoins, en termes tant de postes que de crédits.

Par ailleurs, s'agissant de l'enseignement agricole public, sur lequel, il est vrai, vous ne m'avez peut-être pas interrogé, sachez que le projet de budget prévoit pour 1998-1999 la création de 308 emplois, chiffre jamais atteint depuis dix ans.

M. Jean-François Chossy - Ma question porte sur l'installation des jeunes agriculteurs, qui me semble menacée par l'arrivée à échéance, en octobre 1997, du précédent dispositif de préretraite, résultant de la loi de modernisation de 1995.

Je rappelle que ce dispositif prévoyait des aides différenciées selon la destination des terres libérées. Ainsi, dans le département de la Loire, ce sont 55 % des surfaces libérées qui ont été orientées vers les jeunes agriculteurs, soit près de 100 dossiers en deux ans. Ce chiffre doit être comparé aux 12 dossiers qui ont pu être instruits depuis avril 1998, date à laquelle est entré en vigueur le nouveau dispositif de préretraite, réservé aux seuls agriculteurs en difficulté.

J'aimerais connaître, Monsieur le ministre, les mesures que vous comptez prendre, au-delà des textes, pour favoriser et faciliter l'installation des jeunes agriculteurs. Vous répondrez ainsi à l'attente légitime de l'ensemble de la profession agricole mais aussi à celle de nombreux jeunes désireux de s'installer.

M. le Ministre - La loi du 31 décembre 1991, présentée par mon prédécesseur M. Louis Mermaz, avait en effet pour objectif de favoriser l'installation de jeunes agriculteurs. Mais contrairement à ce qui s'est passé dans votre département de la Loire, 84 % des 1,5 million d'hectares qu'elle a permis de libérer ont été consacrés à l'agrandissement d'exploitations existantes.

Ce dispositif arrivant à échéance en 1997, le Gouvernement a souhaité mettre en place une nouvelle mesure pour les agriculteurs de 55 à 60 ans connaissant des difficultés économiques ou des problèmes de santé tels qu'un plan de redressement n'est pas envisageable.

Ce faisant, il a choisi de découpler le dispositif de préretraite et l'aide à l'installation des jeunes agriculteurs. S'agissant de cette dernière, je rappelle que le projet de budget, outre les crédits FIA, prévoit diverses autres mesures, dont les prêts spéciaux de modernisation.

Comme vous, je constate le tassement du nombre d'installations de jeunes agriculteurs. Mais je suis persuadé qu'il est dû avant tout aux incertitudes concernant les règles du jeu qui vont prévaloir dans les années à venir. J'en veux pour preuve le fait que dans mon département, le dispositif a été abondé et complété sans qu'il en résulte de résultats tangibles.

M. François Sauvadet - C'est désespérant !

M. le Ministre - Je ne puis que vous assurer de l'intention du Gouvernement de renforcer le dispositif dès que toutes les leçons en auront été tirées et lorsque les incertitudes seront levées.

M. Roger Lestas - Ma question concerne la prime à l'herbe, que vous proposez de maintenir à 300 F l'hectare, montant inchangé depuis 1995. C'est d'autant plus regrettable que le seuil d'accès à cette prime -1,4 UGB l'hectare- est relativement bas, ce qui menace la subsistance des éleveurs de certaines régions aux structures encore faibles.

Dans mon département, le cheptel compte plus de 698 000 bovins, soit 520 000 UGB, alors que les surfaces utilisées pour les nourrir sont évaluées à 306 000 hectares, soit en moyenne 1,7 unité par bétail à l'hectare. Ce chiffre est porté à 2 UGB et plus sur 50 % des exploitations, dont la surface est inférieure à 30 hectares.

Pour lutter contre la surproduction et la pollution, il faut accélérer l'extensification de l'élevage. Dans ce but, je vous soumets deux propositions : augmenter le montant de la prime à l'herbe ; relever le seuil d'accessibilité.

M. le Ministre - Le fin connaisseur de ce dossier que vous êtes sait bien que la prime à l'herbe fait l'objet de très vives critiques de la Commission européenne qui considère -à tort selon moi- qu'elle ne répond pas à des objectifs agri-environnementaux.

Le Gouvernement français est très attaché à la prime à l'herbe, qui a fortement contribué à stabiliser les surfaces en péril. Je me réjouis donc que la France ait obtenu sa reconduction en 1998. Il faut maintenant faire en sorte qu'elle soit intégrée dans la PAC. Ne brusquons donc pas les choses en réclamant, trop vite, sa revalorisation. Laissez-nous un peu de temps.

M. Claude Desbons - La crise du porc a été longuement évoquée cet après-midi et vous avez indiqué les mesures que vous comptez prendre.

Les élevage porcins du Sud-Ouest -Hautes-Pyrénées et Gers- ne sont pas responsables des excès de production. Les élevages de qualité, de taille souvent modeste, font vivre de nombreuses familles et fournissent petits industriels et artisans qui font le renom de nos produits agroalimentaires.

Peut-on envisager des mesures spécifiques pour que cette production ne bascule pas vers une production intégrée, aggravant ainsi la crise et accélérant la désertification de nos campagnes ?

Il en va d'ailleurs de même du foie gras. Le Gers produit 3 millions de canards, 130 000 oies et cet élevage y fait vivre 6 000 agriculteurs. La filière se structure. Producteurs et transformateurs se sont engagés dans une démarche de qualité, que vous soutenez, Monsieur le ministre, ainsi que les organisations agricoles. Mais une crise est annoncée : hausse des importations et production de masse dans d'autres régions utilisant notre image provoquent des déséquilibres.

Quelle est votre politique dans ces deux secteurs ?

M. le Ministre - Elus de deux circonscriptions voisines, nous sommes confrontés aux mêmes problèmes.

Il y a dans notre pays une production de masse dont on ne peut nier l'utilité pour l'alimentation et les exportations, gérée essentiellement par les mécanismes communautaires. Mais il y a aussi des productions spécifiques que nous devons soutenir en augmentant la transparence des signes de qualité.

L'exemple du jambon de Bayonne prouve qu'il est possible d'ajouter une exigence de qualité à l'indication d'origine géographique.

MM. François Sauvadet et Jean Auclair - Très bien !

M. le Ministre - Les foies gras du Sud-Ouest doivent aussi se différencier des produits élaborés à partir de matières premières importées. Car si nous sommes pour la liberté des échanges, nous n'apprécions guère qu'une production dite du Sud-Ouest soit faite à partir de foies importés de Hongrie, dans des conditions contestables. Les producteurs commettraient une erreur s'ils s'engageaient dans une production de masse sans impératif de qualité et dans des mécanismes commerciaux qui n'ont rien à voir avec la protection d'un label.

Tel est le seul sujet sur lequel j'étais intervenu lors du débat sur la loi d'orientation agricole : il faut développer les AOC, les IGP, les produits fermiers et veiller farouchement aux labels de qualité. A défaut, on ferait prendre les plus grands risques aux agriculteurs concernés.

M. Paul Patriarche - Les contrats territoriaux d'exploitation, si leur financement était assuré, seraient une solution intéressante pour la petite agriculture de montagne et des zones défavorisées. J'avais, lors du débat sur la loi d'orientation, déposé un amendement en faveur d'une aide spécifique en leur faveur, mais il a malheureusement été repoussé.

Les élus des 191 communes de ma circonscription de Haute-Corse ont comme problème essentiel la divagation des bovins et parfois des porcins, qui occasionne des dégâts irréparables pour la flore et provoquent de graves accidents de la route dont les maires sont jugés responsables.

Les obligations uniquement déclaratives et les conditions d'éligibilité peu contraignantes pour l'attribution de la prime au maintien des troupeaux de vaches allaitantes ont conduit à cette situation, à laquelle il faut aujourd'hui mettre un terme. Loin de moi l'idée de pénaliser les éleveurs, dont la grande majorité est respectable et qui contribuent à la survie des zones en voie de désertification. Je souhaite plutôt qu'on les incite à se faire les protecteurs de l'espace, avec le souci de rechercher une qualité labellisée.

Les CTE seraient un bon moyen pour cela, sous réserve de l'obligation d'entretenir des espaces clôturés et de surveiller l'évolution des troupeaux. La reproduction s'en trouverait en outre améliorée.

Comment le Gouvernement entend-il rendre plus efficace la PMTVA ?

M. le Ministre - La divagation des bovins a pour cause première une maîtrise insuffisante du foncier. Il existe des éleveurs sans foncier, ce qui empêche d'identifier les surfaces fourragères, et plus encore de les clôturer...

Cette situation est largement liée aux conditions d'attribution de la PMTVA, fondée sur un système purement déclaratif et qui n'oblige même pas à être agriculteur à titre principal. On ne peut donc se servir de l'immatriculation à la MSA comme repère. En outre, le récent rapport d'inspection de la MSA nous a appris que l'immatriculation était souvent sujette à caution. M. de Courson a fait à ce propos un remarquable travail d'investigation. Même si les contrôles et les sanctions ont été considérablement renforcés, il existe toujours des éleveurs sans foncier qui laissent les bovins divaguer sans surveillance sur des terres non clôturées, au prix de dommages importants.

Le Gouvernement a décidé de se donner les moyens de redresser cette situation. Les contrôles sont accrus. Une nouvelle équipe dirige la MSA, qui a engagé la nécessaire remise en ordre. Le directeur régional de l'agriculture et de la forêt et les services du ministère étudient des mesures propres à régler ce problème d'identification du foncier, en responsabilisant les acteurs locaux : agriculteurs, élus, propriétaires qui doivent d'abord se mettre en conformité avec les règles existantes. Une fois le préalable de l'identification des surfaces fourragères satisfait, il deviendra possible de réfléchir, comme vous le proposez, au contenu des CTE et d'aider les éleveurs à clore les pâtures. Ayons toutefois à l'esprit que dans un passé récent beaucoup d'argent a été investi à cet effet sans résultat. Il conviendrait donc que les éleveurs prennent des engagements précis et qu'une évaluation régulière soit menée. Je compte sur les élus pour contribuer au règlement de ce problème, qui relève du rétablissement de l'État de droit dans l'île.

M. Antoine Carré - Je souhaite appeler votre attention sur le problème, pour de nombreuses exploitations agricoles innovantes, de la faiblesse des moyens destinés à l'agriculture biologique. Le plan de développement de l'agriculture présenté par votre prédécesseur en décembre 1997 prévoyait un rythme de croissance soutenu des productions concernées, grâce à l'intervention d'aides publiques aux exploitants. En 1998, pour la conversion à l'agriculture biologique, 30 millions ont été inscrits au budget du ministère de l'agriculture, 30 millions étant en outre apportés par l'Union européenne.

Cet effort n'est pas négligeable, mais il est en deçà des besoins de financement réels estimés à 85 millions par an. Cet écart sera comblé cette année par l'utilisation du reliquat des années précédentes. Qu'en sera-t-il l'année prochaine, par exemple dans la région Centre, où l'agriculture biologique connaît un essor conforme aux prévisions et où le mouvement est accompagné par les organisations professionnelles ? Je ne vous cache pas nos inquiétudes. Il faut faire un effort supplémentaire, fût-ce par redéploiement, en faveur de la conversion à l'agriculture biologique. Comptez-vous faire pression sur la Commission européenne pour qu'elle augmente sa contribution ?

M. le Ministre - Au premier rang dans les années 70, la France n'occupe plus qu'une place anecdotique dans l'agriculture biologique, alors même que la demande s'envole. C'est pourquoi un plan de relance a été élaboré. A cet égard, je salue l'engagement des différentes familles professionnelles de l'agriculture et de l'agroalimentaire. Notre présence sur ce marché porteur doit être durable.

La formation des jeunes, la structuration de la filière, l'encadrement réglementaire et la recherche sont autant de dossiers qui ont été trop longtemps délaissés.

Je suis optimiste : moins d'un an après la mise en oeuvre de ce plan, les conversions se sont multipliées. Des événements comme la crise porcine ont montré l'importance de l'enjeu. Alors que le cours du porc ordinaire est de 5,17 F le kilo, celui du porc biologique s'établit autour de 15 F.

La loi d'orientation agricole nous permettra d'améliorer l'organisation de la filière. Au plan européen, la France doit demeurer vigilante sur la question des normes applicables aux produits animaux. Les consommateurs comprendraient mal un relâchement dans le contrôle.

L'agriculture biologique nous offre des opportunités en matière d'emploi et de préservation de l'environnement. Nous devons chercher à faire de l'agriculture biologique une activité durable. C'est tout le sens du plan de relance, auquel le ministère prend sa part, de même que les offices.

M. Paul Patriarche - La petite pêche côtière en Méditerranée n'est pas une activité folklorique. Elle fait vivre de nombreuses familles puisqu'elle est pratiquée par 1 700 navires, répartis entre les régions du Languedoc-Roussillon, de Provence-Alpes-Côte d'Azur et de la Corse.

Comme 95 % des bateaux mesurent moins de douze mètres, cette flotte ne bénéficie d'aucune aide publique. Or l'âge moyen de ces navires, dont les propriétaires pratiquent une pêche traditionnelle au filet et à la ligne, est de quarante-deux ans. Cette flotte doit être renouvelée.

Le nombre des navires a diminué de 43 % depuis 1988 et 3 000 emplois directs ont ainsi été perdus.

Monsieur le ministre, la diminution de la flotte de pêche a dégagé des kilowatts qui devraient logiquement bénéficier aux pêcheurs de Méditerranée. Sur les 1 700 navires de pêche concernés, 1 500 ne sont ni des thoniers, ni des chalutiers et ne sont donc pas soumis aux objectifs de réduction imposés par le POP IV, dont l'objectif est certes de pêcher moins, mais aussi de pêcher mieux. La flotte méditerranéenne répond tout à fait à cet objectif.

Malgré cela, le Gouvernement n'accorde aucune aide au renouvellement de cette flotte. Que comptez-vous faire pour aider ces pêcheurs ?

M. le Ministre - L'aide aux pêcheurs corses décidée en 1996 revêt un caractère d'aide sociale à la personne. La procédure d'attribution doit être simplifiée et rendue plus équitable. Le ministère de l'équipement, chargé de cette aide, s'y emploie.

Pour ce qui concerne l'encadrement de la flotte, les modalités de gestion doivent être conformes aux règles communautaires et nationales et, en particulier, au quatrième programme d'orientation de la pêche. Cela n'est pas le cas en Corse.

M. Paul Patriarche - Ma question porte sur l'ensemble de la pêche en Méditerranée.

M. le Ministre - La suite de ma réponse est valable pour toutes nos côtes méditerranéennes.

Le Gouvernement compte sur le soutien de la collectivité territoriale pour gérer au mieux le plan de sortie de flotte.

Il convient de fixer un nombre de licences qui prenne en compte la réalité de la flotte et de fixer un chiffre de référence pour l'avenir. Alors, progressivement, sera mis en oeuvre, comme dans toutes les régions, le permis de mise en exploitation des navires.

Par ailleurs, je tiens à préciser que, depuis l'adoption des lois de décentralisation, les aides aux bateaux de moins de 16 mètres relèvent de la compétence des collectivités territoriales.

M. Philippe Martin - Je vous interrogerai au nom de M. Inchauspé. La création des contrats territoriaux d'exploitation va se heurter à des problèmes de financement (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) .

Les réponses de votre prédécesseur manquaient de précision.

Les éleveurs de montagne, que vous connaissez bien, Monsieur le ministre, seront très déçus si l'indemnité spéciale montagne et l'indemnité compensatoire ovine devaient être intégrées dans le dispositif du CTE. Pouvez-vous certifier qu'il n'en sera rien ?

M. le Ministre - Dites bien à M. Inchauspé qu'il n'est pas question d'intégrer ces deux indemnités dans les CTE, d'autant qu'elles reposent en partie sur des financements communautaires.

Dans le budget pour 1999, les aides en faveur de l'agriculture de montagne seront reconduites. Je pense aux 7,5 milliards de l'indemnité compensatoire de handicap naturel et aux 50 millions d'aide à la construction des bâtiments d'élevage. Je vous rappelle qu'il existe en outre des primes qui bénéficient largement aux zones de montagne, comme la prime à l'herbe -680 millions- ou la prime à la vache allaitante -650 millions. Je suis déterminé à défendre le dispositif d'aide à l'agriculture de montagne.

M. André Angot - En 1997, M. Le Pensec a capitulé devant la Commission européenne en acceptant un nouveau plan de sortie de flotte, le POP IV, alors que son prédécesseur, Philippe Vasseur, l'avait refusé. Ainsi, pour la quatrième fois, la France a accepté de détruire sa flotte de pêche. L'objectif du plan est de sortir de la flotte 29 000 kw dans une première tranche et 59 000 kw à terme.

Pour les régions où la pêche représente une activité économique dominante, c'est un véritable plan de bradage. Pour le Finistère, il s'agit d'une politique de "déménagement du territoire", l'Etat et l'Europe n'apportant rien en contrepartie. Ainsi, en un an, trente-sept navires vont sortir de la flotte de pêche finistérienne, soit 22,6 % de la casse nationale. Les primes à la casse font monter les prix des bateaux d'occasion, ce qui rend plus difficile l'installation des jeunes pêcheurs. M. Le Pensec a même fait en sorte que les régions et les conseils généraux participent financièrement à la destruction des bateaux, ce qui a coûté en un an 1,2 million au département du Finistère. Ainsi donc, ce sont les contribuables des zones concernées qui financent la destruction de leur économie et de leurs emplois !

Bien sûr, on nous a expliqué que la destruction des navires était un préalable à un plan de reconstruction de bateaux neufs, avec subventions de l'Europe, de l'Etat, des régions et des départements. Mais aucun dossier de construction neuve n'a été accepté, alors que la liste d'attente est déjà longue et que les chantiers ont besoin de ces commandes pour maintenir l'emploi.

Monsieur le ministre, quand l'Etat va-t-il enfin examiner ces dossiers ?

Ferez-vous en sorte que les autorisations de construction accordées tiennent compte de l'effort que chaque quartier maritime a fait pour le plan de sortie de flotte ? Il serait juste que chaque zone retrouve une contrepartie proportionnelle à l'effort qu'elle a supporté.

M. le Ministre - Compte tenu du retard subsistant au titre du troisième programme d'orientation pluriannuel, la France a mis en place, en mars 1998, un plan de sortie de flotte d'envergure. Il avait pour objectif de résorber le retard au titre du POP III et d'atteindre les objectifs du POP IV. J'ai dit au cours de la discussion générale que ce plan avait été un succès.

Ces résultats enregistrés m'ont permis d'obtenir de la Commission européenne le rétablissement des autorisations de construction de navires ainsi que les aides correspondantes, suspendues en 1997 en raison du non-respect par la France des objectifs communautaires de réduction des capacités de sa flotte. Les premières réunions des commissions régionales de modernisation de la flotte se tiendront dès ce mois afin de recenser les projets.

La priorité sera donnée au remplacement des bateaux, sans augmentation de leur jauge ni de leur puissance, et à la première installation des jeunes.

Les possibilités de construction seront modérées, pour respecter les objectifs du POP IV. L'attribution de kilowatts supplémentaires sera fonction de l'effort consenti par les régions dans le cadre du plan de sortie de flotte. La Bretagne sera à ce titre bien traitée.

S'agissant de l'aide à la pêche artisanale, les régions sont compétentes depuis les lois de décentralisation.

M. Louis Guédon - Le littoral vendéen va connaître des difficultés à cause du non-renouvellement de sa flotte de pêche, qui menace notre économie portuaire. La haute technologie des chantiers navals vendéens risque d'être perdue, faute de commandes. En outre, nos ports n'ont plus les moyens de satisfaire certaines exigences de la Commission européenne, comme la mise aux normes de nos criées.

Il faut réagir rapidement. Il manque quatre navires de vingt mètres au port des Sables-d'Olonne. Nous voulons une politique maritime nationale, qui défende le pavillon français. Peut-on connaître avec précision les dates et programmes de constructions nouvelles, attendus par une population qui doute.

M. le Ministre - J'ai déjà répondu à cette question.

M. Louis Guédon - Non !

M. le Ministre - Les constructions nouvelles ne sont pas de la compétence du ministre de l'agriculture.

M. Louis Guédon - C'est trop facile, alors que le Gouvernement ne nous a pas défendus au niveau européen.

M. le Ministre - Nous discutons ici des crédits de l'agriculture et de la pêche. S'il s'agit de constructions nouvelles, je veux bien transmettre votre question au ministre compétent. S'il s'agit de la reprise de l'investissement, je vous fais la même réponse qu'à M. Angot. Nous avons obtenu l'autorisation de la Communauté de reprendre cet investissement, et j'ai publié la circulaire. Les COREMODE enregistrent les demandes. Si celle dont vous parlez est modérée, il n'y a pas de raison qu'elle ne soit pas inscrite dans le programme. Ce n'est pas à moi d'en décider. Les COREMODE font leur travail.

M. Pierre Forgues - La compagnie d'aménagement des côteaux de Gascogne met en oeuvre des aménagements hydrauliques et assure une bonne gestion de l'eau par l'Etat et la région.

L'originalité de sa mission est de réaliser une synergie entre gestion de l'eau et développement économique. Nous craignons que l'Etat ne respecte pas en 1999 les clauses du contrat de plan conclu avec la région Midi-Pyrénées en ce qui concerne les missions de la CACG. En effet, les crédits de votre budget inscrits à cet effet diminuent de 42 %. L'Etat se désintéresse-t-il de la gestion de l'eau ? Le CIAT du 15 décembre 1997 a lancé une réflexion sur les sociétés d'aménagement régional. L'Etat envisage-t-il de mettre fin à leur mission ? Si la baisse des crédits n'est pas corrigée, comment entend-il conduire une politique active des ressources en eau ?

M. le Ministre - Nul ne connaît mieux que moi la CACG, présidée par le président de mon conseil général et qui a réalisé des aménagements hydrauliques dans ma circonscription. La diminution des crédits de l'Etat correspond à la fin des grands programmes d'équipements hydrauliques régionaux. Elle a d'ailleurs commencé il y a dix ans. Mais pour la répartition des crédits, nous privilégierons les sociétés d'aménagement régional qui ont passé contrat avec l'Etat. La CACG est dans ce cas, et se trouve donc à l'aise.

Je serais d'accord pour que l'Etat demande à la CACG et aux autres sociétés d'aménagement non seulement de créer des ressources en eau, mais d'en assurer un usage rationnel, notamment en matière d'irrigation. Je suis tout prêt à faire des propositions concrètes à la CACG à ce propos.

M. Pierre Forgues - L'agriculture de montagne joue un rôle essentiel notamment pour la protection de l'environnement. Les subventions du chapitre 61-40 -qui sont de 49 millions, Monsieur le ministre, et non de 50 millions- servent à la remise aux normes environnementales des bâtiments d'élevage ovin, bovin et caprin. Il est regrettable qu'elles baissent depuis plusieurs années et stagnent en 1999. En outre, les propositions de la commission laissent craindre une diminution de l'effort communautaire en faveur de ces zones défavorisées. Nous avons apprécié votre action dans la crise porcine, nous vous savons favorable à une occupation équilibrée du territoire. Pouvez-vous donc affirmer que le développement spécifique de l'agriculture de montagne reste prioritaire et qu'à Paris comme à Bruxelles, vous agirez en ce sens ? Mon collègue de l'Ariège, M. Nayrou, et d'autres élus de montagne auraient pu poser cette question.

M. le Ministre - Votre analyse des bleus budgétaires fait mon admiration. Vous me remettez à juste titre dans le droit chemin : ces crédits sont de 49,5 millions et non de 50 millions.

Effectivement, il existe une forte demande sur le terrain pour obtenir l'aide aux bâtiments d'élevage en zone de montagne. M. Nayrou m'a d'ailleurs interrogé plus souvent que vous à ce sujet (Sourires). Grâce à des mesures de bonne gestion des crédits qui m'ont été ouverts à ce titre, les dossiers actuellement en attente de financement dans les départements pourront être débloqués courant 1999.

En ce qui concerne la réforme de la PAC, je déploierai tous mes efforts pour que les propositions de la Commission soient modifiées afin de mieux prendre en compte les besoins de la montagne, notamment pour l'indemnité spéciale montagne et pour le développement rural, dans le cadre de la réforme des fonds structurels.

C'est aussi le sens des propositions françaises sur les organisations de marché, plus particulièrement celles de la viande bovine et du lait.

Enfin, la montagne sera une des principales bénéficiaires de l'objectif de rééquilibrage du territoire qui anime la LOA.

M. Georges Colombier - Les crédits inscrits au BAPSA pour l'étalement des charges des agriculteurs en difficulté diminuent de 9 %. Pourtant le report des charges sociales au profit des éleveurs de porcs va coûter environ huit millions. Quels critères vous ont déterminé à revoir à la baisse cette ligne budgétaire ?

Ne faudrait-il pas aussi revoir le système d'appel des cotisations du régime agricole ? En 1993, le Gouvernement avait permis aux agriculteurs d'opter pour l'assiette annuelle au lieu de la moyenne triennale des revenus professionnels. Les agriculteurs confrontés à une importante diminution de revenus d'un exercice sur l'autre auraient eu à payer des cotisations tenant compte de ces fluctuations. Mais il faut opter pour l'assiette annuelle avant le 31 mars, ce qui cadre mal avec le caractère saisonnier de certaines productions. En outre, cette option ne dispense pas du premier appel provisionnel qui représente 50 % et même plus des cotisations de l'année précédente. Pouvez-vous donner quelques indications sur vos intentions en ce qui concerne l'accompagnement des agriculteurs en difficulté ?

M. le Ministre - Les crédits pour l'étalement et la prise en charge de cotisations sociales passent de 110 à 100 millions. Je rappelle que cette mesure n'avait pas pour but d'accompagner des crises conjoncturelles mais tenait à la réforme de l'assiette des cotisations menée de 1990 à 1996. Le Gouvernement a maintenu cette ligne en 1997 pour faire face aux difficultés des producteurs de fruits et légumes, des viticulteurs cognaçais et des éleveurs porcins. Pour ces deux dernières catégories, la dotation de 100 millions permettra de poursuivre l'effort en 1999.

Quant au choix d'assiette de cotisation, il est difficile de le modifier à nouveau. La MSA ne serait pas en état de gérer des changements permanents. Néanmoins, je fais mener une expertise sur le cas des éleveurs pour lesquels le choix de l'assiette triennale sera plus défavorable que celui de l'assiette annuelle, compte tenu de l'évolution de leurs revenus. Je vous informerai des résultats.

M. André Angot - Il y a trois semaines, plusieurs milliers de retraités manifestaient pour défendre leur pouvoir d'achat. Parmi eux, les agriculteurs étaient peu nombreux. Pourtant, ils ne perçoivent que 4,9 % du total des pensions versées, alors qu'ils représentent 16 % des retraités !

Avant 1993, rien n'avait été fait pour améliorer leurs retraites. En 1994, une loi a augmenté les retraites des chefs d'exploitation, anciens aides familiaux. En 1995, le cumul des droits propres et d'une pension de réversion a été autorisé pour les veufs et veuves. En 1996-1997, les pensions des aides familiaux, des chefs d'exploitation et de leurs conjoints ont été revalorisées. L'effort sera poursuivi en 1998 et 1999 : 1,2 milliard est inscrit à ce titre en 1999, la dépense correspondante s'élevant à 1,6 milliard en année pleine.

Les retraites agricoles restent cependant très inférieures au minimum vieillesse : 3 000 F par mois en moyenne pour un ancien chef d'exploitation ; 2 000 F pour son conjoint ; 2 500 F pour son veuf ou sa veuve. Bref, la plupart des retraités agricoles ne pourraient pas vivre sans le recours de leurs économies, dans lesquelles le Gouvernement a largement puisé en doublant ou même en triplant la CSG.

La loi d'orientation agricole que M. Le Pensec vient de faire voter aurait dû être l'occasion pour lui de traduire ses promesses en actes. Or il a refusé d'inscrire dans cette loi l'objectif de porter les retraites agricoles à 75 % du SMIC net à la fin de la législature. Envisagez-vous, Monsieur le ministre, de revenir sur ce refus en deuxième lecture de ce texte ? Le coût de cette mesure serait réduit grâce au fait que de nombreux agriculteurs retraités, qui bénéficient du FSV y recourraient moins.

M. le Ministre - Je ne peux vous laisser dire qu'il ne s'est rien passé avant 1993 ! A vous entendre, tout a commencé -une nouvelle fois l'ombre et la lumière ! (Sourires sur plusieurs bancs du groupe socialiste)- cette année-là ! Mais qui a voté les préretraites en 1992 ? Une majorité à laquelle vous n'apparteniez pas. D'autre part, ce que vous avez dit de mon prédécesseur était à la limite de la correction.

M. Jean Auclair - Il a dit la vérité.

M. le Ministre - Sans doute sait-il mettre ses actes en accord avec ses paroles puisque, à l'occasion des élections tant cantonales que sénatoriales, ses électeurs lui ont renouvelé leur confiance.

Des engagements très précis ont été pris dans la loi d'orientation agricole sur la revalorisation des retraites. Pour la deuxième année consécutive, le Gouvernement revalorise les petites retraites agricoles : cette mesure coûtera 1,6 milliard en année pleine.

D'autres améliorations sont souhaitables : le Gouvernement s'y emploie et le Parlement l'y encourage. Mais porter toutes les retraites à 75 % du SMIC n'est possible ni systématiquement ni instantanément. Cela coûterait 8,7 milliards. En outre, une telle mesure reviendrait à verser aux retraités agricoles qui ont cotisé sur un revenu équivalent au SMIC, des pensions de retraite qui seraient supérieures de plus de 50 % à celles des salariés ayant cotisé sur le même revenu et très supérieures aussi à leurs revenus d'activité, ce qui n'entre ni dans la vocation ni dans les possibilités financières d'un régime de retraite.

Enfin, la détermination d'un minimum de retraite fixé par rapport au SMIC soulève un problème qui concerne l'ensemble des régimes sociaux. La référence au minimum vieillesse serait plus juste et plus efficace. C'est une des propositions que nous étudions. Nous en débattrons au plus tard dans la loi de finances pour 2000.

M. Jean Auclair - Pour bénéficier de l'ICHN zone de montagne, l'exploitant doit résider de façon permanente dans la zone de montagne.

Deux jeunes agriculteurs creusois sont ainsi privés du bénéfice de cette aide parce qu'ils n'habitent pas sur leur exploitation alors que celle-ci se trouve bien en zone de montagne ; l'un habite avec son amie, l'autre chez ses parents, mais tous deux en zone de Piémont.

M. Joseph Parrenin - C'est un Pacs.

M. Jean Auclair - En revanche, un agriculteur qui habite en zone de montagne et dont l'exploitation est en zone de Piémont ne touche pas l'ICHN zone de montagne mais celle de Piémont.

Pourriez-vous modifier la réglementation afin que les jeunes agriculteurs ne soient pas injustement pénalisés ?

M. le Ministre - L'indemnité spéciale de montagne a pour finalité, aux termes de la législation communautaire, d'assurer, grâce à une compensation, des handicaps climatiques et topographiques, l'entretien de l'espace naturel et le maintien d'un minimum de peuplement dans la zone de montagne. Ainsi, l'obligation pour le chef d'exploitation de résider en permanence dans la zone de montagne en constitue l'une des justifications fondamentales. Lorsque l'agriculteur réside dans une autre zone défavorisée -Piémont par exemple-, l'indemnité lui est néanmoins attribuée mais au taux correspondant à sa zone de résidence. S'il veut percevoir l'indemnité montagne, il doit habiter à la montagne. Je n'ai pas le pouvoir, Monsieur Auclair, de déménager les montagnes, mais je suis prêt à examiner les cas particuliers que vous avez évoqués pour voir s'ils ont fait l'objet d'un traitement anormal.

M. Jean Auclair - En l'occurrence, il s'agit de communes voisines !

M. le Ministre - Mais les effets de seuil ou de frontière existent toujours lorsque vous êtes à la limite d'un canton ou d'une commune, que ce soit en zone de montagne ou en zone de plaine.

M. Philippe Martin - Dans ce budget, les crédits consacrés aux industries agroalimentaires et à la qualité stagnent par rapport à 1998 et diminuent par rapport à 1996. Or ils sont destinés à valoriser les produits sous garantie officielle de qualité, à les promouvoir, à assurer le fonctionnement de l'INAO, ainsi que les interventions de l'Etat au profit des investissements des entreprises.

La France est le deuxième exportateur mondial de produits agricoles et alimentaires, et l'exportation est le moteur de la croissance de ce secteur.

Alors que les marchés internationaux s'ouvrent, que la concurrence est de plus en plus vive et que les grands pays exportateurs renforcent les moyens publics consacrés à la promotion des produits, il est paradoxal et dangereux que notre pays ne fasse aucun effort en ce domaine. La dotation allouée à la SOPEXA est une des clés du renforcement de la capacité exportatrice de notre pays.

Si les dépenses destinées à valoriser et à promouvoir nos produits ne sont jamais augmentées, comment voulez-vous faciliter et encourager l'accès aux marchés extérieurs eu égard à la taille relativement petite des entreprises exportatrices ? Comment voulez-vous stimuler le partenariat entre le secteur public, les organismes interprofessionnels et les entreprises d'une même filière sur la base de stratégies communes ?

Comment, enfin, faire jouer l'effet de levier entre le préinvestissement des pouvoirs publics et l'effort de financement des opérateurs privés ?

M. le Ministre - Le secteur des industries agroalimentaires, très prospère, est le plus souvent capable de réaliser ses investissements sans aide extérieure. Seuls les produits de première transformation ont besoin des concours publics. C'est pourquoi ils bénéficient presque exclusivement, en pratique, des POA dont les crédits pour 1999 sont maintenus à 150 millions. En ce domaine, un franc d'aide nationale ouvre droit à un franc de crédits européens. Les 150 millions inscrits au budget permettront donc de mobiliser des aides européennes d'un même montant. Vous n'avez donc pas lieu de vous inquiéter.

Quant à la SOPEXA, ses crédits sont portés à 138 millions, soit une augmentation de 10 millions qui devrait lui permettre de remplir ses missions.

M. Christian Jacob - Les actions coordonnées de développement régional bénéficient de 46 millions seulement, au lieu de 80 l'an dernier, et la société du canal de Provence aura même vu ses dotations réduites des deux tiers en quatre ans. Ce désengagement de l'Etat aura de funestes effets sur la participation des autres bailleurs de fonds  -départements, régions, Union européenne- et donc sur les investissements des sociétés d'aménagement régional. Allez-vous réexaminer cette mesure, comme vous y invitent de nombreux élus de la région PACA, et notamment mon collègue Jean-Bernard Raimond ?

M. le Ministre - J'ai répondu tout à l'heure à une question sur les SAR. La baisse de leurs dotations ne remonte pas à deux ans, mais à dix ans, et a pour cause l'achèvement de leurs programmes d'aménagement hydraulique. La répartition des crédits privilégie celles des SAR qui ont passé contrat avec l'Etat.

M. François Guillaume - On ne change pas de cheval au milieu du gué, et je déplore que votre prédécesseur ait déserté ses fonctions pour convenance personnelle, témoignant d'un curieux sens des responsabilités et de l'intérêt national (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Louis Mexandeau - C'est scandaleux ! Louis Le Pensec honore le Parlement !

M. François Guillaume - Ses qualités personnelles ne sont pas en cause, mais c'est un handicap, pour un nouveau ministre, que d'entrer dans des négociations largement entamées.

Quel est, dans le nouveau cycle qui va s'engager en 1999, l'objectif du Gouvernement ? Pourquoi accepte-t-il l'idée d'un libre échange transatlantique après avoir tancé sir Leon Brittan de l'avoir proposé ? Pourquoi n'a-t-il pas protesté contre la décision du Congrès des Etats-Unis d'accorder aux agriculteurs américains des aides substantielles en violation des règles de l'OMC ?

M. le Ministre - Vos propos sur mon prédécesseur et ami Louis Le Pensec sont choquants et déplacés. Vous vous rendriez service à vous-même en faisant preuve de modération ("Très bien !" sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe du RPR).

M. François Guillaume - Pas de leçons !

M. le Ministre - Parce que vous n'en donnez jamais ? Le handicap que représente le fait, dans une négociation, d'être un nouveau ministre est très relatif en l'espèce, puisque huit ministres de l'agriculture sur quinze ont changé au cours des six derniers mois. Je me permets de vous l'apprendre, car vous ne semblez pas très au fait des questions européennes... (Protestations sur les bancs du groupe du RPR)

Quant au libre échange transatlantique, c'est bien ce gouvernement, et non celui que vous souteniez, qui a quitté la négociation de l'AMI. Enfin, nous avons non seulement protesté avec véhémence contre la décision du Congrès des Etats-Unis, mais encore pris des dispositions, avec nos partenaires de l'Union européenne, pour que ce pays ne recoure plus à des mesures unilatérales de ce type (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean Auclair - En 1996, le ministre de l'agriculture avait accordé aux éleveurs frappés par la crise de l'ESB le report de la moitié de leurs cotisations sociales jusqu'en 1999 et s'était engagé à réexaminer l'incidence de la crise à cette échéance. Prévoyez-vous, compte tenu de la situation financière difficile de nombreux éleveurs et de la chute des cours observée depuis un mois, d'annuler ces créances ? La solution consistant à négocier un rééchelonnement auprès des caisses de MSA ne ferait qu'aggraver les charges.

M. le Ministre - 396 millions de cotisations alimentant le BAPSA et 80 millions finançant la gestion de la MSA ont été reportés, la MSA souscrivant à cet effet un emprunt dont les intérêts et frais divers, soit 15 millions par an pendant trois ans, sont pris en charge pour le BAPSA. L'emprunt arrive à échéance le 1er décembre 1999. Si l'on veut qu'une mesure semblable puisse être prise à nouveau si la nécessité s'en fait sentir, il faut éviter de considérer dès le départ que les cotisations dues ne seront pas payées à échéance. Au demeurant, la situation économique des éleveurs de bovins s'est suffisamment améliorée (Protestations sur les bancs du groupe du RPR) pour que l'on puisse penser que la crise de la vache folle a été surmontée.

M. Jean Auclair - Les éleveurs jugeront !

M. François Guillaume - Le ministre des affaires européennes a déclaré devant le groupe socialiste que la France ne pouvait "espérer continuer à faire supporter le développement de son agriculture par ses partenaires européens". Quant à votre prédécesseur, il avait d'abord souhaité la renationalisation partielle de la PAC, avant de se rétracter. Le moins que l'on puisse dire est que l'un et l'autre ont été entendus : la Commission propose de renationaliser 25 à 30 % des dépenses agricoles, et nos amis allemands y voient une bonne occasion de réduire leur contribution budgétaire. Ma question est simple : comment comptez-vous sortir du piège que vous vous êtes tendu à vous-même ?

M. le Ministre - Pour incertaine que soit, si j'en crois M. Séguin, votre appartenance au RPR, votre non-appartenance au groupe socialiste est, elle, avérée. Vous n'êtes donc pas le mieux placé pour savoir ce que mon prédécesseur a dit au cours d'une réunion dudit groupe, réunion à laquelle, pour ma part, j'étais présent -et je puis témoigner que ce n'est pas cela qu'il a dit.

M. François Guillaume - J'ai des preuves écrites ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre - La seule personne, à vrai dire, à avoir prôné la renationalisation des aides, c'est M. Jacob quand il présidait aux destinées du CNJA (M. Christian Jacob proteste), mais il a bien le droit, après tout, de changer d'avis !

La position de la France est claire. C'est la position du Gouvernement, de la majorité, et c'est aussi celle du Président de la République, qui présidera, comme vous le savez, la délégation française au Conseil européen.

M. François Guillaume - Il n'a jamais dit qu'il fallait renationaliser la PAC !

M. le Ministre - La position de la France, donc, est : non au cofinancement, qui porte en germe le démantèlement de la PAC, non à l'écrêtement des soldes nets, qui pénaliserait notre pays, mais oui à une PAC rénovée, assortie d'une maîtrise des dépenses, car il y a une contrainte budgétaire, liée au pacte de croissance et de stabilité, au mouvement de réduction des déficits dicté par le souci de bonne gestion et à la réflexion commune sur les dépenses publiques imposée, ou plutôt proposée, par l'Allemagne...

M. François Guillaume - Vous avez bien dit "imposée"...

M. le Ministre - Si vous considérez qu'il faut faire plus de déficit, il vous reste à en convaincre vos amis ! Pour notre part, nous sommes pour la maîtrise des dépenses, qui sera d'autant plus facile à réaliser que nous éviterons les réformes inutiles et coûteuses, comme celle des quotas laitiers. Voilà comment nous allons sortir de ce "piège" qui n'en est pas un ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Nous avons terminé l'examen des questions.

AGRICULTURE ET PÊCHE

M. le Président - J'appelle maintenant les crédits de l'agriculture et de la pêche.

État B

Les crédits du titre III, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président - Sur le titre IV, je suis saisi de 21 amendements de M. Christian Jacob.

Ces amendements portent tous sur les crédits de l'article 10 du chapitre 44-84 relatif aux contrats territoriaux d'exploitation agricoles.

M. Christian Jacob - Au préalable, je souhaite répondre sur le thème de la renationalisation. Je vous conseille, à cet égard, de relire l'ouvrage que j'ai écrit en 1993, intitulé La clé des champs dont tous les droits sont d'ailleurs reversés au CNJA et, ce faisant, bénéficient aux jeunes agriculteurs. J'y écrivais notamment que "en aucun cas on ne doit toucher aux organisations de marché"...

J'en viens maintenant à mes amendements. Je précise que j'ai été obligé d'user de quelques artifices, dans la mesure où la Constitution laisse peu de latitude aux parlementaires en matière budgétaire.

L'amendement 105 vise en réalité à compléter les retraites des agriculteurs, dans la droite ligne d'un autre amendement déposé par le Gouvernement. Il s'agit de prélever 300 millions de francs sur le budget de l'agriculture, au profit de la subvention versée par le ministère de l'agriculture au BAPSA, au sein duquel serait augmentée la dotation aux retraités du régime agricole. De ce fait, les versements aux chefs d'exploitation augmenteraient de 250 F, les versements aux veuves de 320 F. Les aides familiaux percevraient quant à eux 490 F supplémentaires, les conjoints 190 F. Il ne s'agit donc bien que de conforter davantage le niveau des retraites, en complément d'un amendement du Gouvernement.

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial de la commission des finances pour l'agriculture - Cet amendement n'ayant pas été déposé en commission, il n'a pas pu être examiné. Je note simplement que ces 300 millions de francs sont destinés à financer les contrats territoriaux d'exploitation, auxquels M. Jacob est opposé. A titre personnel, je propose le rejet de cet amendement.

M. le Ministre - Tout à l'heure, alors que je présentais un budget en augmentation de 3 %, M.  Jacob affirmait qu'il subissait en réalité une diminution de 6 %, ce qui lui semblait inacceptable. Et voilà qu'il propose, par voie d'amendements, de supprimer 1 milliard de francs de crédits supplémentaires ! C'est pour le moins étonnant.

En réalité, M. Jacob est contre les contrats territoriaux d'exploitation, alors qu'ils sont soutenus non seulement par le Gouvernement et la majorité, mais aussi par les organisations professionnelles sur le terrain (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Je reconnais volontiers à M. Jacob et ses amis le droit d'être contre ces contrats territoriaux. Mais pour ma part, j'y suis favorable et je souhaite que cet amendement soit repoussé.

L'amendement 105, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Jacob - Passons maintenant à l'amendement 77.

M. le Président - M. Jacob, vos 21 amendements expriment tous la même philosophie : réduction des crédits des contrats territoriaux d'exploitation.

Puis-je vous suggérer d'en regrouper l'exposé ?

M. Christian Jacob - Je suis sensible à votre appel. Mais convenez que l'article 40 me laisse peu de latitude...

L'amendement 77 concerne le fonds pour les calamités agricoles, dont vous supprimez l'essentiel de la dotation, ce qui me semble particulièrement choquant. Ce faisant, n'êtes-vous pas en train d'anticiper sur la mise en place d'une assurance récolte, à laquelle nous sommes par ailleurs plutôt favorable ? M. François Guillaume avait pourtant insisté sur le fait qu'une telle assurance ne devait en rien remettre en cause le fonds des calamités.

L'amendement 78 propose une diminution de 100 millions de francs sur les offices. Mais quelles sont, précisément, les actions concernées par ces crédits ? S'agit-il des crédits qualité, ce qui serait inquiétant ? Cela concerne-t-il les visées conjoncturelles ? J'attends vos réponses.

Passons maintenant à l'examen de l'amendement 106...

M. Pierre Forgues - Ce qu'il faudrait, c'est un fonds parlementaire contre les calamités !

M. Christian Jacob - Si vous le prenez ainsi, je peux aussi bien défendre mes amendements un par un jusqu'à une heure avancée.

L'amendement 106, donc, vise à offrir un nouveau système de transmission progressive. La chute du nombre d'installations de jeunes agriculteurs, que nous évoquions tout à l'heure, est également liée, en effet, à l'absence de mesures incitatives, au profit des seules mesures de contrôle. Le dispositif consisterait à proposer aux agriculteurs de plus de 65 ans et sans successeur d'embaucher un jeune salarié, en franchise totale de cotisations salariales et patronales, pendant une durée maximale de cinq ans. Au total, pour 1 000 installations, cette mesure coûterait 65 millions de francs. J'ajoute que le dispositif incitera de jeunes agriculteurs à s'installer en bénéficiant, les premières années, d'une relation directe avec un chef d'exploitation expérimenté, et qu'il favorisera la transmission à l'issue de la période grâce à un dispositif fiscal adapté.

Cela ne vaut bien sûr que pour une première installation.

M. Jean Auclair - Très bonne proposition.

M. Christian Jacob - Quant à l'amendement 79, il est destiné à permettre de doubler les crédits destinés à l'apprentissage.

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial - La commission n'a pas examiné ces amendements. M. Jacob veut reprendre le débat d'orientation agricole. Tel n'est pas notre propos. A titre personnel, rejet.

M. François Patriat, rapporteur pour avis de la commission de la production pour l'agriculture - L'idée de tutorat n'est pas mauvaise. Quant à l'installation progressive, elle n'est pas inenvisageable, mais il y a quelque contradiction à déposer des amendements amputant les crédits des CTE quand on critique sans cesse leur manque de moyens...

La force de ce budget est de ne pas dépenser plus mais de dépenser mieux, en recentrant les aides sur des objectifs qui répondent à l'attente de la société et des consommateurs et qui favorisent une installation sur tout le territoire.

En fait, vous voudriez revenir au budget 1997, avec les mêmes crédits pour les mêmes actions, qui ont montré leur inefficacité.

Enfin, vous nous faites un mauvais procès sur les offices. Dans le cadre des CTE, les crédits seront affectés à des productions à meilleure valeur ajoutée. Même si la commission de la production n'a pas été saisie de ces amendements, à titre personnel, son rapporteur y est opposé.

M. le Ministre - Je refuse d'entrer dans ce débat, car on est très près du détournement de procédure. Je suis contre ces amendements de suppression de crédits.

L'amendement 77, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les amendements 78, 106 et 79 ne sont pas adoptés.

M. Christian Jacob - Je regrette que vous n'apportiez aucune réponse technique à mes questions, qui traduisent l'inquiétude des agriculteurs, par exemple quant aux actions concrètes des offices qui seront visées par les réductions de crédits.

M. le Ministre - J'ai répondu !

M. Christian Jacob - Non ! Pas plus que sur le système d'installation progressive.

Vais-je faire durer un peu les choses ? ("Non !" sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Certes, vos amendements ont été déclarés recevables au titre de l'article 119, mais à vous entendre, ils ressemblent quand même un peu à des amendements indicatifs... Je souhaite donc que vous les défendiez rapidement.

M. Christian Jacob - J'ai veillé à ce qu'ils soient recevables...

Je défends à la suite tous mes amendements.

L'amendement 80 a trait aux réductions des crédits en faveur de la production agri-environnementale.

Je retire l'amendement 81 relatif à l'identification permanente généralisée.

Le 82 porte sur l'OGAF et concerne la période de latence avant la mise en place des CTE. Je retire l'amendement 83, ainsi que l'amendement 84 relatif à la montagne -quid toutefois des actions transférées aux CTE mais qui ne relèvent pas de leurs compétences comme le contrôle laitier ou l'insémination artificielle ? Je retire aussi l'amendement 85 relatif au FIA. Le 86 a trait à la POA : comment seront compensés les 18 millions de crédits supprimés ? J'ai déjà défendu l'amendement 87 relatif à la préparation à l'installation. Je retire le 88 qui avait trait à l'apprentissage ainsi que le 89 relatif à l'IPG, le 90 -même s'il faut bien voir que chaque suppression est doublée, car elle entraîne celle du cofinancement communautaire-, le 91 et le 92. Le 93 porte sur l'environnement. Ce n'était pas très long...

M. le Ministre - Ni très efficace...

M. Christian Jacob - Parce que vous refusez de répondre à nos questions !

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial - La commission n'a pas examiné ces amendements. A titre personnel, j'y suis opposée. Je m'étonne que M. Jacob ne sache pas que le FIA est largement sous-consommé... Doter les CTE permettra précisément d'aller vers une meilleure consommation (Rires sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. le Ministre - Le Gouvernement vous présente un bon budget, il ne souhaite donc pas voir des crédits supprimés. Avis défavorable.

M. Christian Jacob - Merci pour vos réponses...

L'amendement 80, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les amendements 82, 86, 87, 93, 94 et 95 ne sont pas adoptés.

Les crédits inscrits à l'état B, titre IV, mis aux voix, sont adoptés.

Les crédits inscrits à l'état C, titre V, mis aux voix, sont adoptés, de même que les crédits inscrits à l'état C, titre VI.

AVANT L'ART. 75

M. le Président - En accord avec la commission des finances, j'appelle maintenant 4 amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l'article 75.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial de la commission des finances pour le BAPSA - L'amendement 34 de la commission vise à tirer les conséquences de la réintégration dans le budget général des dépenses de fonctionnement du BAPSA. Il faut en effet supprimer certaines dispositions du code rural, ce que le Gouvernement avait oublié de faire.

M. le Président - Je suis très heureux d'être d'accord avec M. de Courson -mais surtout avec la commission des finances (Sourires).

L'amendement 34, mis aux voix, est adopté.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial - Cela fait quatre ans que je défends le dispositif de mon amendement 102.

Il existe aujourd'hui, dans le monde agricole, des entreprises individuelles et des sociétés relevant du droit commun. Or la taxation des revenus du capital est beaucoup plus forte pour les entreprises individuelles que pour les entreprises sociétaires. Mon amendement vise à corriger cette inégalité en créant une réserve spéciale d'autofinancement en sortie de la déduction pour investissement, laquelle est plafonnée, comme vous le savez.

Selon la taille de l'exploitation et l'âge de l'exploitant, on peut préférer l'une ou l'autre formule juridique. Mais il est anormal que les revenus du capital réinvestis dans l'exploitation soient surtaxés dans le cas des entreprises individuelles.

Mon amendement coûterait entre un et deux milliards.

Tout le monde reconnaît que notre système fiscal pose deux problèmes en matière agricole : la transmission et la distinction entre revenus du travail et du capital. Seul un dispositif comme celui que je vous propose permettrait d'améliorer le système de la déduction pour investissement.

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial - La commission n'a pas examiné cet amendement auquel je suis personnellement défavorable. Il créerait trop de différences entre les exploitants.

M. le Ministre - Cet amendement est la manifestation d'une persévérance qui frise l'obstination. Il montre aussi l'incapacité de M. de Courson à convaincre les différents gouvernements, quels qu'ils soient. Présenté en 1996 au cours de la conférence agricole, ce dispositif a été écarté par M. Juppé, qui lui a préféré un relèvement du taux de la DPI.

Le Gouvernement ne peut accepter un amendement qui remet en cause le principe de la parité des efforts contributifs entre les différentes catégories socioprofessionnelles. Il créerait en effet des différences d'assiette entre salariés du régime général et non-salariés agricoles.

Ce dispositif accorderait en outre un avantage nouveau sans aucune contrepartie en termes d'emploi.

En outre, il s'adresse aux exploitants les plus riches. Je comprends que la situation particulière de votre département vous inspire, mais seulement 50 000 exploitants sur 750 000 en France bénéficieraient d'une telle mesure.

Enfin, la perte de cotisations serait d'environ 1,5 milliard.

M. Christian Jacob - Il est vrai que le précédent gouvernement n'a pas retenu ce dispositif, mais il s'est inspiré de la même logique en relevant le taux de la DPI.

Il s'agit de faire en sorte que les agriculteurs, comme les autres, ne paient de cotisations sociales que sur la part de leurs revenus réellement disponible. Cet amendement vise en effet à déduire de l'assiette des cotisations la partie du résultat qui est réinvestie dans l'exploitation. Il y aura donc bien une contrepartie économique : quand on investit, on fait travailler des entreprises. Je soutiens cet amendement.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial - Vous ne pouvez pas dire que mon amendement porte atteinte au principe de la parité. Actuellement, une entreprise industrielle ou commerciale ne paie de cotisations sociales que sur les salaires. Mon amendement aura donc plutôt pour effet de rétablir la parité. Vous prétendez qu'il va accorder un avantage sans contrepartie. Or il encourage l'autofinancement. Actuellement, les prélèvements sont tels que les exploitants ont plutôt intérêt à s'endetter pour investir. Si une société dégage 100 F de résultat, elle pourra en réinvestir 80, alors qu'une entreprise individuelle ne disposera que de 40 F.

Enfin, la DPI étant plafonnée, on ne peut dire que cet amendement ne profitera qu'aux plus riches. D'ailleurs, pour ceux-là, le problème ne se pose pas. Il y a bien longtemps que les grands viticulteurs de mon département ont constitué des sociétés : une SCI qui gère le foncier, une SCEA pour l'exploitation et même une société de commercialisation. Mon amendement concerne les petits exploitants, qui ne peuvent ou ne veulent adopter le statut sociétaire. Le seul véritable argument contre ce dispositif, c'est son coût, qui devrait être en effet de 1,5 milliard. Mais avez-vous songé à la création de richesse induite par ce système ?

Mon bon ami M. Patriat, qui est un garçon honnête, a reconnu lui-même qu'il manquait, dans la loi d'orientation agricole, une approche économique et fiscale des problèmes.

Je propose donc ici de parcourir une première étape en faveur des petits et moyens agriculteurs. J'espère que vous soutiendrez cet amendement réaliste. D'ailleurs, je vois les députés de la majorité opiner du chef (Rires). Monsieur le ministre, ne le combattez pas avec de mauvais arguments. Le seul vrai problème, c'est le coût de 1,5 milliard. Mais voyez aussi ce que la mesure rapporte (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR du groupe UDF et du groupe DL).

M. le Ministre - 1,5 milliard, cela ne se trouve pas sous le sabot d'un cheval, et si je les avais ce n'est pas forcément à cela que je les utiliserais. En effet, quoi que vous disiez, avec 250 000 F de revenus nets, on n'est pas un petit ou moyen agriculteur. Le Gouvernement et la majorité ont eu une démarche cohérente : la loi d'orientation agricole a fixé un cadre et c'est ensuite que l'on abordera le dossier fiscal et social. Mais votre méthode est toujours confuse et désordonnée. Ce n'est pas comme cela qu'on traite du problème corse, ce n'est pas comme cela non plus qu'on réforme la fiscalité agricole par petit morceaux...

L'amendement 102, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Ministre - L'amendement 104 inscrit dans le code rural les mesures de revalorisation des petites retraites.

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial - Favorable.

M. François Sauvadet - Nous sommes attachés depuis 1993 à cette revalorisation et l'UDF votera l'amendement. Mais il n'est pas vrai que vous ayez revalorisé deux fois plus vite que la majorité précédente. De 1993 à 1997, la revalorisation des petites retraites agricoles a coûté 3,9 milliards. Après le vote de cet amendement, vous y aurez consacré 2,2 milliards sur 1998 et 1999. D'une moyenne de un milliard, on passe à 1,1 milliard. Où est le doublement ? Vous avez poursuivi notre effort. L'objectif est de parvenir à 75 % du SMIC net.

M. Georges Colombier - Le groupe DL est tout à fait d'accord pour aller dans ce sens.

M. André Angot - Le RPR a toujours été favorable à la revalorisation des petites retraites agricoles. En 1994, nous avons relevé la retraite des chefs d'exploitation qui avaient été aides familiaux auparavant. En 1995, elle a autorisé le cumul droits propres et pensions de réversion en faveur des veuves et veufs. En 1996 et 1997, les aides familiaux, les chefs d'exploitation ainsi que leurs conjoints ont obtenu une revalorisation de leurs pensions.

Vous poursuivez dans le même sens. L'objectif reste 75 % du SMIC.

M. Charles de Courson - Nous sommes favorables à l'amendement, mais nous ne pouvons laisser dire que vous revalorisez les retraites à un rythme deux fois plus rapide que la précédente majorité. Je vous renvoie aux pages 27 et 28 de mon rapport. De 1993 à 1997, les mesures prises ont coûté 3,893 milliards, soit un milliard par an. Sur 1998 et 1999, vous inscrivez 2,222 milliards, soit 1,1 milliard par an.

De même, le coût d'une revalorisation à 75 % du SMIC net pour les anciens exploitants et du minimum vieillesse pour les autres ne coûterait pas 8,5 milliards. Pour le minimum vieillesse -voyez mon rapport page 32-, c'est 3,5 milliards, pour les 75 % du SMIC 2 milliards. Mais de ce montant brut de 5,5 milliards, il faut ôter l'économie de 2,3 milliards sur les dépenses du FSV. Il reste en fait 3,2 milliards. Comme 40 % des retraités agricoles sont en fait polypensionnés, c'est encore un milliard de gagné, ce qui nous laisse un coût -consolidé certes, pas pour votre seul ministère- de 2,2 milliards. Au rythme de un milliard par an, on peut y arriver en deux ou trois ans.

La commission est favorable à votre amendement.

M. le Ministre - Je me réjouis de cette unanimité, mais puisque M. Sauvadet et M. de Courson me provoquent... (Protestations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF) Je maintiens ce que j'ai dit, et j'ai été rapporteur du BAPSA pendant six ans. Un collègue qui est maintenant sénateur du Gers se plaignait autant que moi de l'augmentation insuffisante des retraites, bien qu'appartenant à votre majorité. Vous triturez les chiffres. D'abord, 3,8 milliards en quatre ans, cela fait moins de un milliard par an, tandis que ce ne sont pas 2,2 milliards mais 2,6 milliards -1,2 milliard au budget 1999 fait 1,6 milliard en année pleine- qu'il faut prendre en compte sur deux ans. Surtout, j'ai parlé des petites retraites, vous parlez des retraites en général.

Cela dit, ne polémiquons pas puisque vous êtes d'accord. J'apprécie que vous rejoigniez la position du Gouvernement : j'espère que vous nous soutiendrez encore (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

L'amendement 104, mis aux voix, est adopté.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial - J'ai redéposé l'amendement 27 rectifié en mon nom personnel, après qu'il eut été repoussé lors de l'examen de la loi de financement de la Sécurité sociale.

Vous devriez soutenir cet amendement, Monsieur le ministre, car il vous protégerait. En effet, vous avez abondé le BAPSA cette année, grâce à un prélèvement de 3 milliards sur le produit de la C3S, mais vous ne disposerez plus, à l'avenir de cette ressource.

D'autre part, je considère qu'il ne faut pas priver la MSA du produit de la C3S, dans la mesure où les agriculteurs y contribuent pour plus d'un demi milliard, soit 300 millions au titre du crédit agricole et 250 millions environ pour les coopératives. Je propose donc que la MSA et le BAPSA continuent de bénéficier de ce prélèvement pour un montant équivalent à celui prélevé sur les organismes dont la majorité du personnel relève du secteur agricole.

Enfin, si vous n'adoptez pas cet amendement, vous devrez trouver l'an prochain un milliard supplémentaire pour augmenter la subvention d'équilibre et la direction du budget vous imposera des redéploiements. Vous serez alors dans de beaux draps, Monsieur le ministre, et vous regretterez de n'avoir pas accepté mon amendement.

Mme Béatrice Marre, rapporteur spécial - Cet amendement a déjà été repoussé par la commission des finances, puis en séance publique lors de l'examen de la loi de financement de la Sécurité sociale, où il aurait eu sa place puisque la C3S est partagée entre plusieurs régimes. Si le Gouvernement a alors repoussé cet amendement, c'est parce qu'il a fait le choix politique d'affecter la C3S à un fonds de retraite général destiné à conforter les retraites par répartition.

M. le Ministre - Cet amendement a déjà fait l'objet d'un débat lors de l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. La ministre des affaires sociales avait alors longuement expliqué pourquoi elle s'y opposait. Je n'ai aucune raison de tenir un discours différent.

M. Charles de Courson, rapporteur spécial - Pourquoi pas ?

M. le Ministre - Parce qu'il existe une cohérence dans l'action gouvernementale. Je suis donc défavorable à cet amendement.

L'amendement 27 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

BAPSA

M. le Président - J'appelle les crédits du BAPSA.

Les crédits ouverts à l'article 49 au titre des services votés, mis aux voix, sont adoptés.

ART. 50

M. le Ministre - L'amendement 103 correspond aux 400 millions annoncés pour financer la revalorisation des petites retraites agricoles.

L'amendement 103, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

Les crédits ouverts à l'article 50, au titre des mesures nouvelles, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président - Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de l'agriculture et de la pêche et du BAPSA.

La suite du débat sur la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1999 est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu demain matin, vendredi 13 novembre, à 9 heures.

La séance est levée à 23 heures 40.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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