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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 34ème jour de séance, 89ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 18 NOVEMBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. Laurent FABIUS

          SOMMAIRE :

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 1

    DÉVELOPPEMENT DU TRAVAIL PRÉCAIRE 1

    POLITIQUE FRANÇAISE VIS-À-VIS DU SOUDAN 2

    SOCIALISATION ET SCOLARISATION DES ENFANTS HANDICAPÉS 3

    PARTICIPATION DES RESSORTISSANTS DE L'UNION EUROPÉENNE AUX ÉLECTIONS EUROPÉENNES 3

    RYTHMES SCOLAIRES 4

    BANANE 5

    SITUATION DU PERSONNEL HOSPITALIER 5

    ACCESSION A LA PROPRIÉTÉ 5

    MATERNITÉ DE BRIOUDE 6

    EMPLOIS-JEUNES DANS L'ÉDUCATION NATIONALE 7

    IRAK 7

    DROITS DES FEMMES 8

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1999 (suite) 9

LUTTE CONTRE LE DOPAGE 17

La séance est ouverte à quinze heures.


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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

DÉVELOPPEMENT DU TRAVAIL PRÉCAIRE

M. Didier Boulaud - Nous assistons depuis plusieurs années à une montée de la précarité se traduisant par une véritable explosion du travail intérimaire et des contrats à durée déterminée. Ainsi, le chiffre d'affaires des entreprises de travail temporaire a augmenté de 31 % entre mars 1997 et mars 1998.

Les salariés sous contrat précaire rencontrent des difficultés pour être indemnisés lorsqu'ils sont au chômage, pour obtenir un crédit afin d'acquérir un logement ou pour suivre une formation.

Cela est d'autant plus choquant que certaines entreprises abusent de ces contrats précaires pour pourvoir des postes correspondant à leur activité normale. Il n'est ainsi pas exceptionnel de constater qu'un salarié a travaillé plusieurs années comme intérimaire dans la même entreprise sans pouvoir bénéficier de la moindre action de formation ni des dispositions d'un plan social. Alors même qu'ils sont les plus exposés, les salariés précaires sont les moins bien protégés.

Comment entendez-vous, madame la ministre de l'emploi, mettre un terme aux dérives actuelles et garantir aux salariés précaires des droits effectifs en particulier en matière d'indemnisation du chômage et d'accès à la formation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et sur certains bancs du groupe communiste)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - L'emploi précaire se développe en effet de manière très importante puisque 90 % des embauches se font sur un contrat précaire. Le travail temporaire a progressé de 24 % l'année dernière et le nombre de contrats à durée déterminée de 9 %. Ces formes d'emploi concernent environ 1 400 000 personnes.

Certes, l'entreprise peut avoir de tels contrats lorsque le retour de la croissance reste incertain -ce qui n'est plus le cas aujourd'hui-, lorsqu'il y a un surcroît occasionnel d'activité ou lorsqu'il faut remplacer un absent. Mais certaines entreprises les utilisent comme un mode de gestion des emplois permanents, et cela n'est pas normal.

Le Gouvernement va donc contrôler davantage la légitimité du recours à ces contrats. J'ai demandé aux inspecteurs du travail d'y veiller et Mme Guigou va envoyer aux procureurs une circulaire leur recommandant d'examiner avec la plus grande attention les procès-verbaux constatant des abus.

Il faut également modifier la loi sur quelques points, en particulier pour le calcul des délais de prévenance ou entre plusieurs contrats.

Aujourd'hui un travailleur temporaire a deux fois plus de risques d'avoir un accident du travail et avec des conséquences plus graves. D'autre part, ces salariés ont effectivement moins accès à la formation. Nous devons prendre des dispositions à ce sujet dans les jours qui viennent, d'autant que ce sont les mieux formés d'entre eux qui obtiennent des contrats à durée indéterminée.

Il faut également empêcher le recours systématique au travail précaire. En concertation avec les organisations syndicales et patronales, nous allons réfléchir à la mise en place d'une contribution pour les entreprises utilisant de manière permanente des salariés précaires. On pourrait prévoir, si l'UNEDIC l'accepte, de financer une meilleure prise en charge de leurs périodes de chômage. En effet, depuis quatre ans, le nombre de chômeurs indemnisés est passé de 52 % à 42 % du fait de l'augmentation du nombre de salariés précaires et de jeunes sans emploi.

Nous souhaitons donc un meilleur contrôle de l'utilisation de ces contrats et l'attribution de droits plus étendus aux salariés précaires. Nous voulons aussi inciter les entreprises à utiliser d'autres formules, comme les contrats à durée indéterminée à temps partiel et les groupements d'employeurs que nous allons améliorer, afin qu'elles puissent répondre à leurs besoins sans précariser l'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste).

POLITIQUE FRANÇAISE VIS-À-VIS DU SOUDAN

M. Louis Mermaz - Le Soudan, où le ministre délégué à la coopération s'est récemment rendu, connaît une des catastrophes humanitaires les plus graves de ces dernières années. Celle-ci résulte de la division du pays et de la guerre civile entre le Nord musulman et le Sud aministe et chrétien, de l'incapacité des Etats voisins de conduire une médiation et de l'interférence des intérêts internationaux avec notamment l'embargo décidé par les Etats-Unis. Les positions économiques et culturelles de la France dans ce pays lui permettent de participer à la recherche d'une solution, alors que le sous-secrétaire général des Nations Unies, précédant probablement le secrétaire général, va bientôt se rendre à Khartoum.

Quelle sera la politique française, dans le cadre de celle de l'Union européenne, pour éviter que les souffrances extraordinaires du peuple soudanais ne se perpétuent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie - La situation humanitaire du Soudan déjà difficile à la fin de 1997 s'est depuis détériorée sous l'effet de conditions climatiques défavorables et de la guerre civile.

Sous la pression de la communauté internationale et en particulier de l'Union européenne et de la France, les autorités soudanaises ont accepté de reprendre leur coopération avec les organisations non gouvernementales à la disposition desquelles elles ont mis à disposition une base à El Obeïd pour acheminer l'aide alimentaire et médicale. Parallèlement, un cessez-le-feu a été négocié et je me suis personnellement impliqué dans son prolongement afin de permettre, en principe jusqu'en janvier prochain, la distribution des secours.

La France, au travers d'organismes comme le Secours catholique et l'organisation humanitaire de la Commission européenne ECHO, a consacré 113 millions à l'aide au Soudan.

La vraie question reste cependant le rétablissement de la paix. Une réunion organisée demain à Rome par l'autorité intergouvernementale devrait permettre de convaincre les participants au conflit de prolonger le cessez-le-feu.

Plus généralement, la poursuite du dialogue avec les autorités de Khartoum devrait favoriser la détente dans la région. On peut toutefois se demander jusqu'à quel point il est légitime que certains aident des rebellions qui n'ont d'autre effet que de prolonger la souffrance des populations (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

SOCIALISATION ET SCOLARISATION DES ENFANTS HANDICAPÉS

M. Francis Hammel - Le 4 novembre dernier, des responsables de l'UNAPI et des parents d'enfants handicapés ont conduit une action de sensibilisation de l'opinion aux difficultés rencontrées par ces jeunes pour lesquels il n'existe souvent pas de solution d'accueil adapté.

Pourtant, l'instruction est vitale pour tous les enfants et particulièrement pour les enfants handicapés qui doivent être des élèves comme les autres.

Un sondage récent montre que l'Etat ne remplit pas pleinement son rôle vis-à-vis des personnes handicapées notamment en matière scolaire.

Vous avez rappelé, Madame la ministre de la solidarité, en avril dernier, devant le comité consultatif des personnes handicapées, que le Gouvernement souhaite garantir une socialisation aussi précoce que possible des jeunes handicapés grâce à la mise en place d'équipements adaptés et à l'amélioration de leur niveau de formation générale et professionnelle.

En ce qui concerne l'intégration scolaire, pouvez-vous nous indiquer quelles initiatives vous entendez prendre conjointement avec Mme Royal ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé - Les enfants handicapés doivent, comme tous les enfants, être socialisés et éduqués. Cet objectif est affirmé en particulier par les lois d'orientation de 1975 et 1980.

La situation a évolué depuis 1990 et notamment parce que le handicap s'est alourdi pour certains de ces enfants.

Leur socialisation peut être réalisée à l'école "ordinaire" notamment grâce aux emplois-jeunes. Il existe également 1 800 établissements spécialisés d'éducation et Mme Aubry a lancé un programme "nouveaux emplois, nouveaux services" qui offre des possibilités de recrutement aux responsables de ces établissements.

Nous souhaitons que ces établissements coopèrent plus étroitement avec le service public de l'emploi pour faciliter l'insertion professionnelle des personnes handicapées.

Nous souhaitons également développer de nouveaux partenariats entre les ministères de la solidarité et de l'éducation nationale. L'IGAS et l'inspection de l'éducation nationale évaluent actuellement conjointement l'ensemble du dispositif destiné aux enfants handicapés.

Nous annoncerons les mesures pertinentes compte tenu de ce bilan lors du prochain comité consultatif des personnes handicapées (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

PARTICIPATION DES RESSORTISSANTS DE L'UNION EUROPÉENNE AUX ÉLECTIONS EUROPÉENNES

M. André Vallini - Monsieur le ministre chargé des affaires européennes, les prochaines élections européennes seront l'occasion de faire vivre concrètement la citoyenneté européenne et notamment la disposition du traité de Maastricht relative au droit de vote des ressortissants des autres Etats membres.

Lors des dernières élections européennes, cette disposition n'avait pas suscité l'enthousiasme du gouvernement de M. Balladur dont le ministre de l'intérieur Charles Pasqua en avait assuré la publicité -minimale- et une application restrictive (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

La France est le pays d'Europe comptant le plus de ressortissants d'autres Etats membres sur son sol, mais seuls 4 % d'entre eux s'étaient inscrits sur les listes électorales.

Ce manque d'enthousiasme européen du gouvernement Balladur (Mêmes mouvements) s'était confirmé avec le refus de transposer en droit français la directive relative au droit de vote des ressortissants européens aux élections municipales.

Nous voici à un mois de la clôture des listes électorales : quelles dispositions seront prises pour inciter les ressortissants européens résidant en France à s'inscrire sur ces listes et à accomplir leur devoir en juin 1999 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes - Le traité de Maastricht a en effet institué une citoyenneté européenne, accordant notamment aux ressortissants de la Communauté vivant dans un autre Etat membre l'éligibilité et le droit de vote aux élections municipales et européennes. Sont concernées dans toute l'Union plus de 4,5 millions de personnes, dont 1,3 million en France : 600 000 Portugais, plus de 200 000 Italiens, 200 000 Espagnols.

Ces citoyens peuvent voter par correspondance, par procuration, dans leur ambassade ou dans leur mairie, dès lors qu'âgés de plus de 18 ans, ils résident depuis plus de six mois en France et ne sont pas privés, cela va de soi, du droit de vote.

Peut-être faute de temps -la directive est parue tardivement, le précédent gouvernement a en effet donné peu de publicité à cette disposition, en 1994, de sorte que seulement 44 000 ressortissants de l'Union -moins de 3 %- se sont alors inscrits sur les listes électorales françaises. Ne souffrant pas du même handicap, ce gouvernement sera plus offensif : lundi dernier, j'ai lancé une campagne de communication sur le sujet. Un million de dépliants vont être distribués ; un numéro de téléphone "Azur" sera mis en place : 01.801.13.06.99 (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR), et les serveurs internet des ministères des affaires étrangères et de l'intérieur seront mobilisés ; des "spots" radio seront diffusés quotidiennement.

La citoyenneté européenne est le sujet de bien des colloques, mais il faut l'exercer concrètement : pendant les 45 jours qui nous restent, nous ferons en sorte qu'aucun Européen ne puisse être privé de cette faculté, faute d'information ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

RYTHMES SCOLAIRES

M. Guy Drut - Monsieur le ministre de l'éducation nationale, en 1995, M. Juppé et moi avons lancé une opération de réaménagement des rythmes scolaires qui a concerné près de 400 communes, 900 écoles et plus de 110 000 enfants. Les collectivités locales ont participé à cette expérience sur la base du volontariat et les projets, mobilisant parents, enfants, médecins scolaires et élus, ne devaient rien coûter aux familles. Notre objectif était que les élèves travaillent différemment pour apprendre mieux, grâce à l'appel fait aux disciplines de la sensibilité, culturelles et sportives -pour autant, jamais je n'ai voulu opposer les disciplines fondamentales, étudiées le matin, et les disciplines dites d'éveil, pratiquées l'après-midi.

Un rapport d'évaluation vous a été remis. Il dresse un bilan très positif et propose donc de généraliser l'expérience à tous les niveaux d'enseignement. Où en êtes-vous, pour votre part, de vos idées successives de réforme ? Allez-vous tenir compte de ce succès ? Puis-je vous suggérer de mettre à profit les journées d'études organisées pour la parution officielle du rapport, afin d'organiser un débat public sur le sujet ? Il ne faudrait pas qu'avant d'être dégraissé, le mammouth s'assoie sur cette réforme, au risque de l'étouffer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF)

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - L'expérience m'est d'autant moins antipathique ("Ah" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) qu'elle tranchait avec l'inactivité qui caractérise, pour le reste, l'Education nationale de l'époque (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Cela étant, le rapport dont vous parlez ne m'a pas été remis, non plus qu'à Mme Buffet : j'ai dû en prendre connaissance, partielle d'ailleurs, par voie de presse ! Et j'ai alors constaté que l'évaluation ne prenait pas en compte les effets de l'expérience sur la réussite scolaire... Considérant quant à moi que l'école était avant tout faite pour apprendre, j'ai demandé à l'inspection générale un rapport comblant cette lacune.

Mais vous avez raison : le sujet mérite débat. On peut en effet redouter que de telles expériences, coûteuses, ne soient réservées aux communes riches (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR) ou qu'elles ne négligent l'aide à l'étude.

J'ai noté que, comme moi, vous ne vouliez pas distinguer entre les disciplines. Notre projet pour l'Ecole du XXIème siècle visera précisément à prendre en compte toutes les expériences déjà menées en garantissant partout le respect de l'égalité républicaine, cependant que les contrats locaux éducatifs, associant la Jeunesse et les sports, la Culture, l'Education nationale et la ville, tendront à assurer la continuité des rythmes, pendant et après les périodes scolaires. Mais le Gouvernement est bien sûr prêt à débattre à tout moment de l'intérêt de l'enfant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

BANANE

M. Anicet Turinay - L'inquiétude gagne à nouveau les producteurs antillais : les Etats-Unis viennent de déclarer à l'Union européenne la guerre de la banane, menaçant d'imposer des droits de douane allant jusqu'à 100 % si le système d'importation de bananes, pourtant conforme aux règles de l'OMC, n'était modifié.

Le nouveau règlement entrera en vigueur en janvier prochain. L'utilisation par les Etats-Unis de la section 301 du Trade Act de 1974 s'apparente à une rétorsion unilatérale : est-elle compatible avec le mécanisme genevois de règlement des différends ? Si elle ne l'est pas, que fera la France pour mettre fin à ces intimidations qui mettent en cause la crédibilité même de l'OMC ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Vous avez raison : cette décision unilatérale des Américains, prise pour protéger la "banane dollar", est inacceptable et contraire à toutes les règles de l'OMC. Notre position est simple : pour nous, ne sont valables que les accords conclus dans le cadre de l'OMC. Nous avons donc fait appel à la solidarité européenne et nous ne pouvons que nous réjouir des réactions récentes de MM. Santer et Fischler sur le sujet. M. Queyranne et moi-même travaillons en liaison pour appuyer les interventions de la Commission et pour hâter les mesures de soutien aux producteurs décidées il y a quelques mois (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

SITUATION DU PERSONNEL HOSPITALIER

M. Jean-Michel Dubernard - Monsieur le secrétaire d'Etat à la santé, ne voyez-vous pas que la démotivation des personnels hospitaliers tourne à la mobilisation ? Après d'autres, ils ont décidé de se mettre en grève le 2 décembre et je les comprends d'autant mieux que la loi de financement de la Sécurité sociale ne contient aucune disposition en leur faveur ! Quelles sont vos propositions ? Pourquoi ne faites-vous pas appliquer l'ordonnance d'avril 1996 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé - Notre effort s'est d'abord exercé en faveur des aides-soignantes qui ont bénéficié d'augmentations de salaires, et en faveur des internes. Il a aussi porté sur les gardes. Maintenant, nous allons traiter le problème de la pénibilité de certaines spécialités.

Nous n'avons pas oublié les praticiens hospitaliers : pendant que nous négociions avec les internes sur les conditions de leur concours, nous discutions avec eux aussi. Je sais qu'une grève a été annoncée, mais nous avons également pris rendez-vous pour leur annoncer les mesures que nous proposons. Elles portent sur les rémunérations, sur la pénibilité et sur le statut, et j'espère qu'elles ne décevront pas. Nous n'oublions pas non plus le problème du recrutement, dans les spécialités : un tarissement est à attendre vers 2003-2005. Le débat a été ouvert avec les praticiens et avec la CNAM. Ce problème est lié bien entendu à beaucoup d'autres : fonctionnement des services, schéma de révision de l'organisation sanitaire... C'est de tout cela que nous discuterons quand nous les recevrons, dans les premiers jours de décembre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

ACCESSION A LA PROPRIÉTÉ

M. Germain Gengenwin - Avec de nombreux candidats à l'accession à la propriété, nous nous étions réjouis de l'adoption d'un amendement à la loi de finances exonérant de la TVA les achats de terrains réalisés par les particuliers pour faire construire leur maison. Nous espérions que cette mesure allait faire baisser de 15 % le prix des terrains. Or, si cela vaut pour les terrains hors lotissement, il n'en va pas de même pour ceux situés en lotissement, qui sont la très grande majorité. En effet, la circulaire du 30 octobre dernier va renchérir leur prix.

Cet incroyable résultat s'explique par le fait que ces terrains supporteront de manière cumulative une TVA de 20,6 % sur les frais de viabilisation et le droit de mutation. Par exemple, sur un prix de vente de 500 F le mètre carré, le terrain représente 50 F et la viabilisation 150 F. Nos concitoyens auront le sentiment d'une tromperie. Je suis persuadé que telle n'était pas votre intention. Mais enfin une mesure présentée comme généreuse aboutit à augmenter les prix des terrains.

Que comptez-vous faire pour que l'amendement entraîne réellement une baisse de 15 % sur les terrains à bâtir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget - Cet amendement, d'origine communiste et largement approuvé par l'Assemblée, tendait, pour soutenir l'activité du bâtiment et favoriser l'accession à la propriété des jeunes ménages, à supprimer la TVA sur les terrains à bâtir et à la remplacer par des droits très modestes de 4,8 %.

Cet amendement, excellent, était, il est vrai, quelque peu inopiné (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). Nous travaillons avec les professionnels pour faire paraître, dans le Bulletin officiel des impôts, des dispositions destinées à régler les problèmes que vous soulevez. Nous ferons en sorte que les opérateurs ne soient pas pénalisés et que les acheteurs profitent entièrement de la baisse de la TVA (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

MATERNITÉ DE BRIOUDE

M. Jean Proriol - Monsieur le secrétaire d'Etat à la santé, vous avez signé le 9 octobre dernier un décret disposant que les maternités qui ne réalisent pas 300 accouchements par an, n'auraient plus d'autorisation d'obstétrique. Une carte comportant plus de 50 établissements dans ce cas a alerté nombre d'élus et troublé nos populations. Je vous ai saisi du cas de la maternité de Brioude, inaugurée il y a un peu plus de dix ans, qui réalise 200 accouchements par an avec un personnel qualifié, un bon équipement et qui n'a pas connu d'incidents.

Le directeur de l'agence régionale hospitalière d'Auvergne a pris début novembre un arrêté de fermeture provisoire, parce que le centre hospitalier ne dispose pour le moment que d'un seul gynécologue. Les gynécologues candidats sont plutôt découragés de venir renforcer ce pôle hospitalier. Dans notre département de montagne, les trajets sont longs et difficiles l'hiver.

Le décret du 9 octobre autorise des dérogations lorsque l'éloignement des établissements impose des trajets excessifs à une partie significative de la population. Saurez-vous reconnaître que le caractère géographiquement très particulier de Brioude constitue une dérogation au sens de votre décret ?

Déjà plusieurs ministres prennent au coup par coup des décisions de fermeture d'écoles, de collèges, de gendarmeries, de tribunaux de commerce, de perceptions, de bureaux de poste. Cette avalanche de suppression tombe en forme de déménagement durable. Que restera-t-il à Mme Voynet à mettre dans sa future loi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

Je reviens du congrès des maires, nombreux autour de cette enceinte. L'un d'eux m'a dit, je vous livre sa réflexion tout de go : "Jadis, il y avait des tombeurs du ministère, aujourd'hui nous avons le ministère des tombeurs de services publics !" (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé - Tout de go, je vous réponds non (Exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR). La maternité de Brioude a procédé à 199 accouchements en 1996, soit un tous les deux jours. Ce n'est pas beaucoup.

Un député RPR - Et alors ?

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé - Alors, c'est dangereux, quand le personnel n'est pas habitué, pour la femme et pour l'enfant ! Vous n'avez pas dit que le seul gynéco-obstétricien en poste à Brioude s'en va et le temps d'en trouver un autre, comment accoucher à Brioude ? Il fallait donc fermer le service (Interruptions sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR). De plus, l'anesthésiste venait du secteur privé et donc occasionnellement.

Mais il existe, à Issoire, une équipe prête à prendre en charge les accouchements et le réseau existant au CHU de Clermont-Ferrand devrait permettre au service de Brioude de renaître et de constituer ce cercle péri-natal de proximité qui a si bien marché dans d'autres villes, à Bitche par exemple. Les enfants et les mères seront mieux pris en charge. Enfin, 500 personnes dans cette circonscription sont à plus de 45 minutes d'une maternité. Pour celles-ci, il faut organiser des transports (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

EMPLOIS-JEUNES DANS L'ÉDUCATION NATIONALE

M. Bernard Birsinger - Le premier acte fort de la majorité plurielle a consisté à mettre en oeuvre le plan emplois-jeunes qui, avec 150 000 jeunes recrutés d'ici la fin de l'année, est un succès (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste). Les élus communistes ont bien contribué à cette réussite. L'Éducation nationale, en démarrant la première, a certainement joué un rôle d'entraînement.

Cependant la grogne monte chez les aides-éducateurs parce que les seules formations proposées aux jeunes sont des préparations aux concours de l'Éducation nationale, qui préparent à des métiers déjà existants. Pourtant la loi sur les emplois-jeunes devait favoriser l'émergence de nouveaux métiers, au lieu de substituer ces emplois à ceux qui existent déjà. Les jeunes, qui ne manquent pas de projets, ont souvent l'impression de pallier la manque de personnels ATOS ou de surveillants. Certaines universités préparent des modules de formation. Comment y accédera-t-on et dans quels délais ? Pourquoi ne pas offrir à ces jeunes des possibilités de formation en rapport avec leurs propres projets ?

Ces emplois-jeunes, pour être pérennisés, doivent devenir de vrais métiers, avec des formations correspondantes. Quelles formations comptez-vous mettre en oeuvre en dehors des préparations aux concours déjà proposées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - La situation n'est pas tout à fait celle que vous décrivez. 63 % des jeunes en moyenne reçoivent une formation de 200 heures par an, gratuite, avec une grande diversité selon les académies en fonction de l'environnement universitaire. Un tiers des jeunes souhaitent devenir enseignants, un tiers fonctionnaires en dehors de l'enseignement, un tiers ont un projet extérieur au service public.

Nous dispensons des informations dans les IUFM, dans les universités, dans les GRETA, aussi dans des établissements dépendant de la Jeunesse et des sports ou de la Culture.

La rotation des emplois-jeunes est d'environ 25 % par an. Ils trouvent du travail qualifié hors de l'école lorsqu'ils la quittent.

Le système a donc fonctionné. Mais il faut faire un effort supplémentaire pour que 100 % de ces jeunes aient une formation. Nous y travaillons (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste).

IRAK

M. Michel Suchod - L'affaire irakienne paraît terminée. Nous nous félicitons du rôle qu'a joué notre diplomatie, comme en février dernier. Mais, sur le long terme, l'Irak est légitimement exaspéré par le maintien de l'embargo. Un organisme de l'ONU, inspiré par les Etats-Unis, fait rechercher des armements atomiques jusque dans les sous-sols des palais présidentiels. Il n'en trouve pas. Des armements biologiques, il n'y en a pas non plus. Des armements balistiques, pas plus. Il est un peu ridicule de continuer à chercher ce que sept ans de recherches n'ont pas permis de trouver, y compris avec des contrôles par satellites de grande ampleur.

En revanche, la réalité c'est 500 000 enfants morts en sept ans et des populations affamées. La réalité, c'est qu'on veut empêcher l'Irak de vendre son pétrole pour ne pas faire baisser le prix du baril qui est tombé à son niveau de 1973.

Comment la France peut-elle contribuer à sortir de la politique de l'embargo ? Comment pouvons-nous agir au conseil de sécurité pour faire adopter un calendrier ? Sinon nous allons vers dix ans d'embargo, ce qui est intolérable (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RCV, certains bancs du groupe socialiste, quelques bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) .

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - La France prouve dans cette question son sens des responsabilités en proposant constamment -c'est le cas dans cette crise- une interprétation légaliste des résolutions du conseil de sécurité notamment de la résolution 687 qui subordonne la levée de l'embargo non pas à toutes sortes de conditions inventées en cours de route mais à la réalisation des contrôles décidés à la fin de la guerre sur l'ensemble des programmes d'armements de destruction massive. La France a fait beaucoup de propositions pour qu'ils puissent s'achever. Nous estimons que la situation est claire pour les armements nucléaires et balistiques, mais qu'elle ne l'est pas tout à fait pour les armements chimiques et bactériologiques. C'est aussi le point de vue des inspecteurs de la commission, et pas seulement des inspecteurs américains.

M. Pierre Lellouche - Très bien !

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - Nous sommes particulièrement sensibles à la situation du peuple irakien. La France a donc contribué à l'adoption de deux résolutions "pétrole contre nourriture". Aujourd'hui, l'Irak peut exporter autant de pétrole qu'avant la guerre du Golfe. Si le gouvernement irakien utilisait cette ressource autrement qu'il ne le fait, il pourrait très bien faire face aux problèmes de famine, de malnutrition et de santé publique (Plusieurs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe UDF et du groupe DL).

N'empêche qu'il faut sortir de cette situation. Ces dernières semaines, nous avons obtenu, y compris des Anglo-saxons qui étaient particulièrement réticents, que le conseil de sécurité puisse procéder à un examen d'ensemble et donc dire aux Irakiens -une bonne fois pour toutes, j'espère- ce qui n'a pas été contrôlé et doit l'être. Nous pourrons alors passer au contrôle continu, ce qui devrait permettre de lever l'embargo pétrolier qui, je le répète, est lié uniquement au contrôle des armes de destruction massive et non à une série d'autres conditions que les Américains mettent en avant, mais pas nous. En effet, pour que les résolutions du conseil de sécurité restent crédibles, il faut les respecter scrupuleusement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

DROITS DES FEMMES

Mme Marie-Hélène Aubert - Il y a un an jour pour jour était créée la délégation interministérielle aux droits des femmes. Aujourd'hui, elle se transforme en secrétariat d'Etat. Nous nous en réjouissons. Malgré l'énergie de Mme Geneviève Fraisse pour faire reconnaître la transversalité de la question des femmes, la politique tendant à assurer l'égalité entre hommes et femmes n'est pas clairement définie à l'exception notable de la parité. Ainsi il nous a été impossible de faire adopter des amendements spécifiques dans les lois sur la réduction du temps de travail, l'entrée et le séjour des étrangers, l'exclusion et le cumul des mandats.

Comme sur d'autres sujets encore plus brûlants d'actualité, nous attendons de la majorité plurielle qu'elle porte haut les engagements qui font sa force, et notamment la cause des femmes pour laquelle toutes ses composantes luttent depuis des années. Egalité professionnelle, droit à la contraception et à l'IVG, lutte contre les violences envers les femmes, orientation scolaire des filles, parité, nous savons combien il reste à faire dans ces domaines, en particulier 10 % des députées en savent quelque chose.

Quelles sont les missions confiées à Nicole Péry ? De quels moyens le secrétariat d'Etat sera-t-il doté pour les accomplir en préservant la transversalité et en soutenant les associations ?

Le projet de révision constitutionnelle sur la parité sera-t-il suivi rapidement de lois permettant sa mise en oeuvre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et sur certains bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle - Le sujet est tout à fait d'actualité puisque j'ai été nommée hier soir... Mme Fraisse avec son énergie et sa conviction a déjà mené un excellent travail que je tiens à saluer.

Parmi les questions que vous avez évoquées, je retiens l'égalité professionnelle, la contraception, la parité.

Sur le premier point, la loi Roudy de 1983 n'a pas été suffisamment suivie d'effets. Ainsi l'écart de salaires entre hommes et femmes reste de 27 % et chez les ouvriers qualifiés les femmes accèdent deux fois moins que les hommes à la formation professionnelle. Il y a donc beaucoup à faire. Le Gouvernement s'est engagé, dans le plan d'action pour l'emploi décidé à la suite du sommet de Luxembourg, à aller de l'avant grâce à des contrats de mixité et de plans d'égalité, déjà inscrits d'ailleurs dans la loi de 1983. Nous allons concrétiser cet engagement européen. Martine Aubry a aussi demandé aux déléguées régionales une étude sur la place des femmes dans l'emploi.

La contraception est un droit majeur qu'il nous faut défendre constamment. Je suivrai de près la campagne d'information pour laquelle 20 millions sont inscrits au budget 1999. Nous avons à coeur qu'elle soit la plus réussie possible.

M. Pierre Lellouche - C'est révolutionnaire...

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle - Ce serait déjà bien d'appliquer ce qui est voté et j'y suis déterminée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Le projet de loi constitutionnelle sur la parité, adopté au conseil des ministres de juin 1998, doit être examiné par la commission des lois la semaine prochaine. Il est inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée début décembre.

Vous vous souciez enfin des moyens du secrétariat d'Etat. Les décrets d'attribution ne sont pas encore parus. Mais nous avons un budget de 100 millions pour 1999 et un service des droits des femmes bien structuré. Surtout comptez sur ma détermination pour aller de l'avant (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. le Président - Tous nos souhaits vous accompagnent, Madame.

Nous avons terminé les questions.

M. Forni remplace M. Fabius au fauteuil présidentiel

PRÉSIDENCE DE M. Raymond FORNI

vice-président


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PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1999 (suite)

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 1999.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Au terme de cette première lecture, je souhaite faire quelques rappels. Lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 1999 qui a déjà fait l'objet d'un vote solennel, quelque 5 milliards ont été réaffectés à la demande des parlementaires. L'examen de la deuxième partie a aussi été l'occasion de modifications importantes, puisque plus de 430 millions ont été réaffectés au profit des lycées -accompagnés de 14 000 postes dans les lycées et dans les ZEP. Somme qui sera complétée par 360 millions inscrits dans la loi de finances rectificative. D'autre part, aux 800 millions initialement prévus pour les retraites agricoles, l'Assemblée a ajouté 400 millions en faveur des petites retraites.

Ce projet de loi de finances vise à soutenir la croissance et à favoriser autant que possible les créations d'emplois. En 1998, le Gouvernement attendait 280 000 créations d'emplois ; l'INSEE vient de faire état de 300 000. De même, nous arriverons sans doute à 3,1 % de croissance au lieu des 3 % prévus, ce qui permettra de ramener le déficit à 2,9 % au lieu des 3 % votés. Le projet de budget pour 1998 a donc atteint ses objectifs, la croissance et l'emploi, en même temps que la réduction du déficit. Le projet de budget pour 1999 s'inscrit dans la même logique : soutenir la croissance, qui sera sans doute un peu moins forte qu'en 1998, créer des emplois et poursuivre l'assainissement de nos finances publiques. L'Assemblée l'a bien compris, si j'en juge par la qualité des débats.

Je remercie tous les parlementaires qui y ont participé, de la majorité comme de l'opposition. Je remercie en particulier le président de la commission des finances, M. Augustin Bonrepaux, et le rapporteur général, M. Didier Migaud, qui ont permis à la discussion de se dérouler, en présence de Christian Sautter et moi-même, dans des conditions que j'ai jugées particulièrement agréables.

Nous allons entendre les explications de vote, puis procéder au vote. Christian Sautter et moi-même serons dans quelques jours au Sénat, puis nous reviendrons devant votre assemblée en seconde lecture, où d'autres modifications pourront avoir lieu (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances - Nous voici au terme de notre marathon budgétaire annuel. Je voudrais d'abord souligner la qualité et la sérénité de nos débats, qui ont conforté les orientations du Gouvernement et amélioré sur de nombreux points le projet initial.

M. Michel Bouvard - Il en avait besoin !

M. le Rapporteur général - A quoi sert le Parlement ? Cette question a été posée hier soir dans cet hémicycle par quelques-uns de nos collègues de l'opposition et, ici ou là dans la presse, elle revient tous les ans à la même époque. Il est vrai que la pratique de la deuxième délibération, a un côté quelque peu choquant si l'on s'en tient à une analyse primaire.

M. Patrick Ollier - Tout à fait choquant, même !

M. le Rapporteur général - Mais, si l'on y regarde de plus près, cette deuxième délibération ne mérite ni plus ni moins que le commentaire que faisait, dans les mêmes circonstances, le 20 novembre 1996, mon prédécesseur, M. Philippe Auberger : "dans la deuxième délibération, on trouve la remise en cause de quelques amendements adoptés par l'Assemblée, qui supposaient un travail d'approfondissement complémentaire afin de pouvoir les transposer définitivement dans notre droit".

M. Jean-Pierre Brard - Les bonnes pages d'Auberger !

M. le Rapporteur général - De fait, si tous nos souhaits ne se sont pas matérialisés dans le projet de loi de finances, les dossiers auxquels nous tenions ont tout de même bien avancé. Des engagements fermes ont été pris à leur sujet par M. le secrétaire d'Etat au budget. Comme jusqu'à maintenant le Gouvernement a toujours respecté ses engagements, nous lui faisons confiance pour la suite.

M. Philippe Auberger - Les retraités jugeront !

M. le Rapporteur général - Maintenir à 20 000 F, s'agissant des revenus de 1999, le plafond de l'abattement de 10 % sur les retraites et pensions est une mesure que la commission des finances entend considérer comme acquise ("Très bien" sur les bancs du groupe socialiste).

En ce qui concerne la défiscalisation outre-mer, le Gouvernement a retenu l'essentiel des trois amendements adoptés par l'Assemblée ; ils confortent le dispositif adopté l'an dernier et s'efforcent d'accroître son efficacité économique.

S'agissant des résidences de tourisme, pour lesquelles l'Assemblée avait souhaité, dans certaines zones défavorisées, un dispositif incitatif calqué sur l'amortissement Besson, nous avons bien noté que le Gouvernement nous fera des propositions dès la loi de finances rectificative pour 1998.

M. Michel Bouvard et M. Patrick Ollier - Elles en ont bien besoin !

M. le Rapporteur général - Concernant la taxe professionnelle unique, nous avons obtenu les précisions que nous souhaitions sur les conditions d'examen du projet Chevènement : rendez-vous a été pris dans cet hémicycle pour le tout début du mois de février prochain en vue d'une adoption définitive en cours d'année 1999 et d'une application au moins partielle de cette loi dès le 1er janvier 2000.

S'agissant du crédit d'impôt pour l'achat de véhicules propres, la suppression de l'article adopté par l'Assemblée ne doit pas faire oublier tous les progrès qui ont été accomplis en matière de fiscalité écologique, notamment par la voie d'amendements parlementaires : l'abaissement du taux de la TIPP sur le gaz de pétrole liquéfié, le gaz naturel véhicule et l'aquazole, ainsi que l'accroissement sensible du volume de carburant propre donnant droit à un remboursement de taxe pour les transports publics en commun de voyageurs et les taxis, sans oublier la possibilité pour les conseils régionaux d'exonérer les véhicules propres de la taxe régionale sur la carte grise.

L'an I de la fiscalité écologique est bel et bien une réalité, que l'an II devra amplifier.

M. Yves Cochet - Oui.

M. le Rapporteur général - Ce projet de loi de finances a été l'occasion d'appliquer une méthode nouvelle qui donne un autre élément de réponse à la question du rôle du Parlement.

Le Gouvernement avait en effet annoncé, dès l'automne dernier, les principaux axes de ses réformes fiscales. La commission des finances a ainsi pu, dès le début de 1998, engager une réflexion parallèle à celle menée par le Gouvernement et l'administration. Ce fut le cas pour la fiscalité écologique, avec le rapport de Mme Nicole Bricq. Ce fut le cas aussi pour la fiscalité locale, avec le rapport de M. Edmond Hervé, dont les réflexions sur la taxe professionnelle unique devraient déboucher sur des avancées substantielles dès l'année prochaine. Pour ce qui est de la taxe d'habitation et la révision des bases, le Gouvernement a donné satisfaction aux parlementaires qui souhaitaient disposer de simulations exhaustives et d'un délai suffisant pour examiner cette réforme d'importance. S'agissant de la fiscalité du patrimoine, nombre de mesures avancées dans le rapport d'information que j'ai eu l'honneur de présenter en juillet dernier sont inscrites dans le projet aujourd'hui soumis à notre vote.

Il n'est pas, je crois, d'autres exemplaires d'une telle concertation préalable et d'une telle association de notre assemblée, par l'intermédiaire de sa commission des finances, à l'élaboration des réformes fiscales.

D'autres travaux, que la commission des finances a entrepris de sa propre initiative, trouvent leur aboutissement dans le présent projet. Ainsi en est-il de plusieurs propositions de Jean-Pierre Brard, auteur d'un rapport sur la fraude et l'évasion fiscales.

M. Alain Barrau et Mme Catherine Picard - Très bien !

M. le Rapporteur général - Par ailleurs, plusieurs aménagements du régime de défiscalisation outre-mer font suite à une mission effectuée au premier semestre de cette année.

Quatre-vingts amendements avaient été adoptés en première partie ; soixante-deux l'ont été au cours de l'examen de la deuxième partie, soit 142 au total, auxquels s'ajoutent les amendements proposés par le Gouvernement sur les crédits.

Reconnaissons-le, cet examen n'a pas dérogé à la léthargie habituelle. Il nous faut penser à un renouvellement, tout en sachant que chaque année quelque 300 de nos collègues présentent au moins une intervention dans cette phase du débat. Le groupe constitué par M. le Président Laurent Fabius fera dès janvier prochain des propositions à ce sujet.

Les hypothèses économiques qui fondent ce budget restent en phase avec ce que l'on peut raisonnablement prévoir. Le pire est certes toujours à craindre, mais évitons, Mesdames et Messieurs de l'opposition, de le tenir en permanence pour une certitude. D'ailleurs, il reste des marges pour la politique monétaire car les taux réels restent très élevés. Le mouvement de baisse des taux d'intérêt en Europe peut et doit donc être prolongé pour soutenir les perspectives de croissance.

S'agissant des dépenses, j'ai souligné, à l'occasion du vote solennel de la première partie, que ce budget marquait une "augmentation contenue des charges de l'Etat". Cette appréciation se trouve confirmée une fois achevé l'examen des crédits, malgré le léger accroissement du plafond des charges et du déficit.

Les engagements pris par le Gouvernement se traduisent par des majorations de crédits de 601 millions sur le budget général, notamment pour renforcer l'animation et la surveillance dans les lycées et financer des mesures en faveur des anciens combattants et du logement, majorations auxquelles il convient d'ajouter 400 millions sur le BAPSA au titre de la revalorisation des retraites agricoles les plus modestes.

Au total, la masse des crédits déplacés au cours de la discussion s'élève à 2,8 milliards, soit 2,3 % des crédits "mesures nouvelles" pour les dépenses civiles.

Les votes de l'Assemblée intervenus en première partie avaient conduit à déplacer un volume de recettes de 6 milliards dont 3,3 d'accroissement et 2,7 milliards de réduction.

Pour les recettes, je me bornerai à rappeler les deux lignes directrices de ce projet : plus de justice, notamment avec un effort de solidarité demandé aux détenteurs de gros patrimoines et la décrue des prélèvements obligatoires, qui rompt heureusement avec la tendance continue à l'augmentation observée depuis 1994.

Le projet de budget pour 1999 est marqué par trois priorités : la maîtrise des dépenses dans le respect de nos priorités, l'emploi et la solidarité ; la réduction des déficits ; la diminution des prélèvements obligatoires. J'invite l'Assemblée à l'adopter. Je ne conclurai pas sans renouveler à tous les acteurs de la discussion budgétaire les remerciements que je leur ai adressés hier soir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Fabius remplace M. Forni au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE DE M. Laurent FABIUS

M. le Président - Les services de l'Assemblée ont joué aussi leur rôle dans cette discussion. En votre nom à tous, mes chers collègues, je les remercie très chaleureusement (Applaudissements sur tous les bancs).

M. Philippe Auberger - Jamais l'examen de la deuxième partie de la loi de finances n'aura été aussi décevant. La Constitution a prévu des délais très stricts. Une seule coupure est prévue pour l'examen de la loi de financement de la Sécurité sociale, qui doit être mise en cohérence avec la loi de finances. Or, cette année, le Gouvernement a voulu insérer dans cette période l'examen d'un texte jugé important et dont l'adoption devait être rapide. Le résultat a été désastreux : cette conjonction a nui à l'examen des deux textes. Il faut donc à l'avenir proscrire absolument de tels bouleversements de l'ordre du jour qui portent atteinte à la sérénité et à la qualité de nos travaux (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Les dépenses publiques augmenteront de 2,2 % en 1999. Comme l'inflation sera très inférieure au 1,2 % escompté, la progression en francs constants sera deux à trois fois supérieure à celle observée au cours des quatre dernières années. Dès que la conjoncture s'améliore, l'Etat socialiste retrouve son vieux travers : il est dépensier, ultra-dépensier (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Avec une telle progression des dépenses publiques, on aurait pu penser que les problèmes les plus urgents allaient trouver une solution. Il n'en est rien. Aucune mesure concrète n'est prévue pour les lycées, dont on connaît le profond malaise, hormis un saupoudrage de surveillants, d'emplois-jeunes et d'appelés du contingent. De même, l'augmentation indispensable des moyens de la police est renvoyée au collectif de fin d'année, comme si de telles dépenses relevaient d'une loi de finances rectificative. Le fonds de réserve des retraites est doté de façon si dérisoire que l'avenir des retraites par répartition n'est pas assuré. Même l'augmentation de l'allocation de rentrée scolaire, si souvent encensée, ne fait l'objet d'aucune dotation au mépris des dispositions de l'ordonnance de 1959, puisqu'il s'agit d'une dépense prévisible dès le début de l'année.

M. Jean-Pierre Brard - Vous, vous l'aviez réduite !

M. Philippe Auberger - Enfin, le compte d'affectation spéciale des privatisations sera doté de la cession d'une nouvelle fraction importante du capital de France Télécom. Mais le Gouvernement n'a même pas jugé utile de présenter cette opération dans la loi de finances.

Alors même que le Parlement est chargé d'autoriser la dépense publique et d'en contrôler l'exécution, force est de constater que l'on se rapproche du degré zéro. Comment se contenter de discuter pour savoir si l'ENA doit avoir une ou plusieurs implantations et s'il ne conviendrait pas de réduire son budget ?

M. Jean-Pierre Brard - Enarque !

M. Philippe Auberger - Vraiment, il y a plus urgent et plus important ! Oui, Monsieur le Président de l'Assemblée nationale, il faut engager une réflexion sur l'exercice du contrôle parlementaire, et elle devra aboutir rapidement.

En France, la dépense publique représente une part exceptionnellement importante du PIB. Il faut engager une réduction programmée et envisager une programmation triennale de l'évolution de nos finances publiques. Tous les pays de la zone euro vont devoir se plier à cet exercice. Alors que vont être renouvelés les contrats de plan Etat-régions, il faut réfléchir à la place occupée par les investissements, notamment les grands équipements publics, vecteurs de la modernisation de notre pays. La discussion de la loi de finances devrait être l'occasion d'une large discussion sur l'évolution du secteur public, ses moyens et la poursuite de la cession des participations publiques qui ne devraient pas être décidées en fonction des seuls soubresauts du marché.

Bref, le débat auquel nous avons consacré un mois est passée à côté de l'essentiel. Les véritables problèmes n'ont pas été traités. Il est temps d'en finir avec la vision conservatrice, passéiste de la dépense publique qui est celle du Gouvernement. On évite toute remise en question ; on prolonge les tendances du passé ; on reconduit systématiquement les services votés ; on élude les problèmes ; on veut ne faire de peine à personne, en particulier aux différentes composantes de la majorité plurielle et surtout on souhaite ne rien faire qui puisse compromettre l'avenir présidentiel espéré du Premier ministre (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Brard - Jaloux !

M. Philippe Auberger - Une telle attitude est contraire aux intérêts de notre pays et compromet l'efficacité de l'Etat. Nous prenons du retard par rapport à d'autres pays qui comme l'Allemagne, la Grande-Bretagne et aussi l'Italie ont engagé des réformes courageuses. Nous voudrions un budget plus ambitieux pour une France qui aurait plus d'ambitions. C'est pourquoi le groupe RPR confirmera son vote du 20 octobre dernier et refusera l'ensemble du budget (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jacques Brunhes - La crise financière qui frappe l'Asie, les pays émergents et en voie de développement, aura inévitablement des répercussions sur les économies des pays développés. Quand la moitié de la planète connaît la récession, la pérennité de la croissance devient des plus incertaines.

Tout donne donc à penser que notre économie reposera largement sur le soutien de la demande intérieure. Dans ce contexte, la loi de finances pour 1999 aurait dû être plus ambitieuse, stimuler davantage le développement, et donc l'emploi.

La droite française a conduit et propose encore des politiques monétaristes inspirées par le credo libéral selon lequel les profits d'aujourd'hui font les investissements de demain et les emplois d'après-demain. Les conséquences en sont bien connues ; augmentation du chômage, coût exorbitant pour les finances publiques, réduction des budgets sociaux, austérité sélective.

Il faut rompre avec ce libéralisme. C'est cette volonté qui nous a animé durant la discussion budgétaire et fait rechercher un budget plus efficace encore pour l'emploi et la justice sociale.

Nous avons proposé de manière responsable des recettes nouvelles pour contribuer à tarir la spéculation à la source. Le Gouvernement a pris en compte plusieurs de nos propositions sur le rétablissement de l'universalité des allocations familiales, le plafonnement du quotient familial, la réduction de la TVA sur les abonnements de gaz et d'électricité. Sur les moyens d'enrayer la "financiarisation" de l'économie, des tabous ont commencé de tomber avec la réduction de l'avoir fiscal des entreprises, le relèvement de l'impôt sur la fortune et la taxation des bons anonymes. Mais l'effort demandé reste encore symbolique, alors que les entreprises empochent immédiatement 13 milliards d'allégements sans contrepartie en matière d'emploi.

L'inquiétante réforme de la taxe professionnelle témoigne des pesanteurs de la culture néo-libérale. Une réforme démocratique de la fiscalité exige d'introduire les actifs financiers dans l'assiette de cette taxe pour financer un fonds de péréquation, comme les revenus financiers des particuliers doivent l'être dans celle de la taxe d'habitation, comme les revenus financiers des entreprises dans l'assiette de leurs cotisations sociales.

Voilà la grande réforme de gauche, cohérente et efficace, que le Gouvernement se doit de réaliser en 1999.

M. Sautter affirmait en novembre dernier que le Gouvernement entendait rééquilibrer la fiscalité du travail et celle du capital, la fiscalité directe et indirecte. C'est pour que la loi de finances aille ainsi vers plus de justice sociale que nous avons formulé des propositions tant en matière de recettes que de dépenses.

Certains secteurs sont préservés : justice, ville, environnement, tourisme, jeunesse et sports, outre-mer et, dans une moindre mesure, la culture. Je serai, hélas, beaucoup plus réservé sur l'éducation nationale, vu l'ampleur des besoins.

Mais dans d'autres cas, les crédits initiaux n'ont pu être abondés, en dépit des revendications relayées par les élus. C'est pourquoi nous avons dû nous abstenir sur certains budgets et nous opposer à celui de la défense à cause de leur insuffisance et de leur manque de lisibilité en matière d'emplois. Nous souhaitons, qu'avant la lecture définitive, ils soient abondés de façon que nous puissions les adopter.

Il serait possible, en taxant les profits financiers, de trouver plusieurs milliards pour relever les minima sociaux, doter plus largement l'éducation, le logement social, la recherche, la retraite anticipée attendue par les anciens combattants d'Afrique du Nord, ou encore réduire la TVA dans certains secteurs.

Comment le budget sera-t-il mis en oeuvre ? Tout gel de crédits sur injonction de la Banque centrale, tout recul face au chantage permanent de l'ex-CNPF qui cherche à dénaturer les 35 heures, compromettraient la politique de l'emploi qui reste la priorité. Comment cacher notre inquiétude quand le gouverneur de la Banque de France qui possède désormais des pouvoirs exorbitants, prétend s'opposer au pouvoir politique sur la baisse des taux ?

Il faut, par ailleurs, renégocier le pacte de stabilité qui ne constitue pas un engagement international de la France. Il a été décidé par le seul Conseil européen au nom d'une logique purement monétaire et financière.

La France peut jouer un rôle décisif pour que ses partenaires conduisent des politiques budgétaires visant une croissance soutenue, fondée sur le pouvoir d'achat et l'emploi.

Après plus d'un mois de débats de jour, de nuit, lundis et samedis inclus, l'Assemblée nationale a modifié à peine un millième du budget initial, c'est dérisoire. Une réflexion est urgente sur la préparation, la discussion du budget et le contrôle de son exécution si nous souhaitons vraiment revaloriser le Parlement.

Nous ferons à nouveau des propositions en ce sens pour renforcer la transparence et la démocratie.

Nous sommes dans la majorité et nous entendons y rester, avec notre énergie, notre capacité de réflexion, nos propositions, nos remarques et aussi nos critiques.

La loi de finances est la seule dont le vote conditionne l'appartenance à la majorité. Aussi, avec la volonté d'être efficace et utile, le groupe communiste la votera-t-il (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Pierre Méhaignerie - La critique majeure faite à ce budget, tant d'ailleurs par certains responsables de la majorité que par l'opposition, c'est qu'il traduit une forte progression des dépenses publiques.

C'est là une utilisation bien contestable des 75 milliards -somme impressionnante- de recettes supplémentaires perçues en 1999. Cette somme impressionnante aurait pu permettre au Gouvernement d'accroître le pouvoir d'achat des salariés du secteur privé grâce à une baisse des charges sociales sur les salaires bas et moyens (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). Les chiffres donnés hier par Le Monde sur le fossé qui se creuse entre les salariés du secteur privé et ceux du secteur public justifient une telle politique. Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls à la souhaiter.

Ainsi, le président de notre commission des affaires étrangères déclarait récemment que "la France aurait dû viser plus haut en matière de réduction des dépenses publiques". Le président Delors recommandait pour sa part d'être "beaucoup plus ambitieux dans la réduction des dépenses publiques non indispensables". Enfin, notre Président (Murmures approbateurs sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR) a suggéré à plusieurs reprises "qu'il fallait réduire plus fortement les dépenses publiques et les impôts" (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

En augmentant les dépenses et les impôts, vous prolongez une exception française, l'amour de la dépense publique, renonçant par là à réformer l'Etat et à préparer l'avenir des régimes de retraite.

Espérons que la seconde lecture de la loi de finances, à partir du texte du Sénat, permettra à des esprits lucides de nous rejoindre.

Le fond de votre budget est donc critiquable. La manière dont sa discussion a été conduite l'est également.

Est-il normal que le Parlement n'ait pas disposé de la moindre simulation sur les effets de la réforme de la TP ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR) A-t-on voulu en cacher les conséquences... (Mêmes mouvements) qui réservent à n'en pas douter des surprises aux entreprises et aux collectivités locales ? (Approbations sur les mêmes bancs)

Est-il normal que cette réforme entraîne un allégement cinq à dix fois plus important pour un salarié rémunéré 20 000 F par mois par une entreprise de service que pour celui qui en gagne 6 000 dans une entreprise industrielle affrontant la concurrence internationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)

Est-il normal de réduire encore davantage l'autonomie des collectivités locales, déresponsabilisant ainsi les élus au détriment de ceux d'entre eux qui ont réalisé le plus d'efforts pour maîtriser la fiscalité ? (Mêmes mouvements)

Voyant les limites du débat budgétaire, vous avez, Monsieur le Président, engagé une réflexion pour que notre discussion échappe au triptyque énoncé par le Président Edgar Faure : "Litanie, liturgie, léthargie". Mais à quoi servirait une réforme si par un vote bloqué lors d'une deuxième délibération, 8 amendements importants adoptés la veille sont réduits à néant, les parlementaires étant contraints d'inverser leur vote précédent ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR) surtout quand parmi ces amendements en figure un sur lequel nous nous étions tous unis et relatif à l'allégement des impositions des pensions de retraite ?

En définitive, le seul vrai changement dans ce budget résulte des manifestations des lycéens et non du travail des parlementaires (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). Pour toutes ces raisons, le groupe UDF-Alliance votera contre ce budget (Mêmes mouvements).

M. Yves Cochet - Dans tout projet de loi de finances, il y a du bon et du moins bon.

L'opposition est libre d'argumenter comme elle l'a fait. Je lui rappelle toutefois que la moitié du budget du ministère de la solidarité est tout de même consacré aux exonérations de charges que vous réclamez. Vous êtes donc déjà très bien servis (Protestations sur les bancs du groupe du RPR).

Nous les Verts avons voté les crédits de tous les ministères à l'exception de ceux qui impliquaient le nucléaire.

Certaines dépenses nous ont notamment paru excessives en matière de défense. Je pense au Laser méga-joule destiné à simuler les essais nucléaires dont le financement mobilisera près de deux milliards par an. On sait pourtant combien l'argent public est rare, et au point que nous ne savons pas comment financer la budgétisation des dépenses de l'audiovisuel public.

En ce qui concerne le ministère de l'industrie, nous estimons que les crédits consacrés au CEA et donc à la recherche nucléaire ne sont pas clairement affectés et qu'en outre ils obèrent d'autres recherches, notamment en matière de nouvelles technologies de l'information et de la communication. Un choix politique s'impose pour ne plus consacrer trop au nucléaire et pas assez à l'ensemble des autres technologies.

M. Christophe Caresche - Vous êtes en plein fantasme !

M. Yves Cochet - Car il faut développer les recherches tendant à la nécessaire conversion écologique de nos industries. Cela relève du ministère de l'environnement dont les missions sont extrêmement importantes. Il demeure pourtant un nain budgétaire.

Nous souhaitons que le débat relatif à la diversification énergétique continue. C'est d'ailleurs une demande régulièrement formulée par l'ensemble des groupes lors de la Conférence des présidents. Peut-être pourrions-nous l'avoir au printemps.

En ce qui concerne les dispositions très positives de ce projet, j'insisterai sur la création de la taxe générale sur les activités polluantes qui a vocation à se substituer à des prélèvements existants et, je l'espère, à devenir la future pollu-taxe européenne.

Cette taxe permettrait de bénéficier d'un double dividende, d'une part, en réduisant la pollution dont le rapport de l'IFEN nous apprend qu'elle s'est accrue et, d'autre part, en dégageant des ressources nouvelles, qui auront des retombées sociales.

Cette mesure marque l'an I de la fiscalité écologique. Nous espérons bien entendu qu'un an II lui succédera. Les avancées sont néanmoins déjà importantes, car ce qui importe c'est aussi de récompenser la vertu comme c'est le cas avec la baisse de la fiscalité sur le GPL et sur les voitures électriques et avec la possibilité donnée aux collectivités locales de diminuer la taxe sur la carte grise pour les véhicules les moins polluants.

Il faut aussi mettre en oeuvre le principe pollueur-payeur. Le Gouvernement a commencé à le faire en augmentant légèrement la TIPP sur le gazole.

Cette fiscalité écologique devrait permettre un déplacement de l'assiette de la fiscalité qui pèse trop sur le travail, en taxant davantage les comportements pollueurs et la valeur ajoutée.

C'est pourquoi comme nos amis du MRG et du MDC les députés verts voteront ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV).

M. Marc Laffineur - Ce budget n'est pas un bon budget pour la France. J'en veux pour preuve les recommandations exprimées par le FMI à notre pays, qui viennent confirmer nos craintes.

Un député communiste - C'est la voix de l'étranger !

M. Marc Laffineur - Le Fonds monétaire international juge en effet que le programme de réduction des déficits n'est pas assez ambitieux, d'autant que les prévisions de déficit de la Sécurité sociale lui semblent irréalistes, en particulier dans le domaine de l'assurance maladie. C'est notre avis depuis le début de la discussion budgétaire.

Les déficits restent effectivement beaucoup trop élevés, car on ne peut les accepter que s'ils visent à relancer la consommation par la baisse des prélèvements obligatoires, ou à financer des réformes structurelles. Or la facture fiscale s'alourdit. En 1999, l'Etat percevra 75 milliards supplémentaires. Les perspectives internationales exigeaient pourtant de soutenir la consommation intérieure en favorisant les entreprises et les ménages.

De même aucune réforme ne vient justifier ce déficit. Vous ne faites rien pour résoudre le problème des retraites alors que les échéances se rapprochent, vous n'engagez pas de réforme fiscale d'envergure ; vous ne vous préoccupez pas davantage de la nécessaire rationalisation de la fonction publique, appelée de ses voeux par le FMI et vous ne diminuez pas la TVA comme vous l'aviez pourtant promis...

Dans ces conditions votre budget présente un déficit que rien ne peut légitimer. Les dépenses publiques croîtront trois, voire quatre fois plus vite que l'inflation -mais le socialisme, n'est-ce pas la dépense ? En tout cas, en imposant ce fardeau accru aux Français, vous allez à contre-courant de ce que font tous nos partenaires européens et ce n'est certainement pas travailler pour l'avenir !

Ce déficit sera d'ailleurs plus élevé que vous ne l'annoncez, tant vos hypothèses -une croissance de 2,7 % et un dollar à 6 F- sont optimistes !

Quant aux innovations dont vous vous flattez, elles ne sont que fard : votre prétendue fiscalité écologique se résume à une compilation de taxes existantes, alourdies au passage et détournées vers le budget général au détriment de la politique de l'environnement, tandis que votre réforme de la taxe professionnelle sera en partie payée par les communes.

Le groupe Démocratie Libérale ne peut que voter contre un budget qui tourne ainsi le dos à l'avenir et au bon sens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

M. Jean-Louis Idiart - Conformément à la volonté exprimée par M. Jospin, le Parlement a été associé très en amont à la préparation de cette loi de finances. La discussion elle-même s'est déroulée avec beaucoup de sérieux et de sérénité ; grâce à tous, et nous avons ainsi donné de l'Assemblée une image conforme aux souhaits de nos concitoyens, cela sans préjudice pour le débat.

Les votes de la majorité ont corroboré les priorités choisies par le Gouvernement : réduction des déficits, réduction des prélèvements et soutien à la consommation. Quitte à accentuer ici, à aménager là, nous avons ainsi confirmé la baisse de la TVA et de la taxe professionnelle, la suppression de certains droits ou taxes, et la simplification de formalités administratives, montrant notre volonté de moderniser le pays. Donnant corps aux conclusions du rapport Brard, de nombreux amendements ont contribué à enrayer la fraude et à rendre la vie des affaires plus transparente. Les propositions en vue d'une fiscalité écologique ont témoigné de notre souci de la qualité de vie et de la santé de nos concitoyens.

Pour les collectivités locales, nous avons oeuvré à améliorer ce que proposait le Gouvernement : la sortie du pacte de stabilité et son remplacement par un pacte de croissance et de solidarité. Le 2 février, la discussion d'une grande loi sur l'intercommunalité répondra à notre préoccupation de moderniser les institutions locales et de donner une nouvelle impulsion à cette décentralisation dont nous avons été les initiateurs, toujours vigilants. L'Etat a besoin de partenaires territoriaux forts et organisés pour développer notre pays et assurer la cohésion de notre société.

En attendant ce débat, l'adoption de nos amendements rendant éligibles aux FCTVA les travaux d'aménagement des rivières ou de la montagne, est des plus positives. Messieurs les ex-ministres de droite, nous avons fait ce que vous nous aviez toujours refusé ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Nous avons manifesté notre solidarité envers les personnes âgées, les malades et les handicapés en exonérant de charges sociales les associations de service à domicile. Quant à l'effort fait en faveur des retraités de l'agriculture, il faudra le poursuivre dans les prochaines lois de finances.

Les députés socialistes veilleront à ce que le Gouvernement tienne son engagement d'examiner dès l'an prochain la question de l'abattement de 10 % sur les retraites, dont la commission a demandé le gel pour le 1er janvier 2000.

La progression des crédits du logement et la récupération de la TVA sur travaux ouvrent des espoirs pour ce secteur d'autant que, d'ici au collectif, nous aurons mis en place un dispositif efficace pour les résidences de tourisme classées.

Ce budget témoigne aussi de l'attention accordée à la modernisation de l'outil éducatif, cependant que le ministre des anciens combattants y trouvera les crédits nécessaires au financement de la carte du combattant et de l'allocation de préparation à la retraite.

Dans ses orientations comme dans sa méthode d'élaboration, cette loi de finances répond à nos voeux. Il engage ce pays sur la voie de la modernisation, du développement et de la solidarité, dans un esprit de responsabilité. Quant à l'opposition qui critique comme insuffisante la baisse des prélèvements, combien de budgets n'a-t-elle pas refusés au prétexte de dépenses insuffisantes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Lorsqu'elle était la majorité, elle relevait la TVA, mais aujourd'hui, elle n'a de cesse de réclamer des dépenses nouvelles !

Nous voterons ce budget ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

A la majorité de 308 voix contre 247 sur 555 votants et 555 suffrages exprimés, l'ensemble du projet de loi de finances pour 1999 est adopté.

La séance, suspendue à 16 heures 55, est reprise à 17 heures 5, sous la présidence de M. Paecht.

PRÉSIDENCE DE M. Arthur PAECHT

vice-président


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LUTTE CONTRE LE DOPAGE

L'ordre du jour appelle la discussion du projet, adopté par le Sénat, relatif à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage.

Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports - En présentant ce projet, je pense d'abord aux milliers de personnes pour qui le sport est un moment de plaisir. Je pense au sport du dimanche après-midi, aux retrouvailles autour du terrain, à des visages d'enfants, de parents, d'éducateurs. Je pense aux champions de la piste et du stade, auxquels s'identifient des millions de jeunes. Je pense au sport du village et de la banlieue, au sport qui rassemble. Nous devons penser au sport tel qu'il est aujourd'hui, en ne cédant ni à la tentation de l'angélisme ni à celle du catastrophisme. Autant l'attitude qui a trop longtemps consisté à minimiser le dopage s'est révélée désastreuse, autant celle qui consisterait à en rajouter dans le sens du "tous dopés" conduirait elle aussi à banaliser le dopage et à s'y résigner.

Ma démarche, depuis 16 mois, vise à ne rien cacher de la gravité de la situation, à alerter l'opinion, et à mener le combat avec détermination en y associant constamment le mouvement sportif. Après s'être fourvoyé dans l'idée que le problème du dopage pourrait se régler au sein de la famille, ce serait une grave erreur d'agir sans le mouvement sportif.

Certes l'existence du dopage dans le sport n'est pas une découverte récente. La France peut même se féliciter d'avoir été l'un des premiers pays à se doter d'une législation spécifique, avec Maurice Herzog en 1965 et Roger Bambuck en 1989. Je leur rends hommage à tous deux. Déjà Pierre de Coubertin soulevait le problème en 1923. Mais ce dernier s'est considérablement transformé au cours des dix dernières années. Depuis 1988, le nombre des disciplines concernées par des cas de dopage a été multiplié par 4.

Le fléau, loin de se limiter à la haute compétition, touche de jeunes pratiquants. Il sévit dans le sport de loisir, dans les compétitions départementales et régionales, où des drames ont déjà eu lieu.

De nouveaux produits redoutables, donnant lieu à un marché organisé lucratif, sont apparus. Face à cela, il était urgent de se doter d'un nouvel outil législatif.

L'enjeu n'est pas mince : il faut s'attaquer à un fléau social qui pose un véritable problème de santé publique et qui menace l'éthique du sport.

Le Sénat, en mai dernier, a adopté le projet à l'unanimité. Depuis lors, les événements ont confirmé la justesse de ce travail. Les affaires de dopage liées au Tour de France, puis au championnat de football d'un pays voisin ont confirmé l'existence d'une véritable organisation de la tricherie et d'une chaîne de responsabilités portant atteinte à la liberté et à la dignité des sportifs. Nous avons tous en mémoire le témoignage bouleversant et courageux de sportifs racontant leur rendez-vous quotidien avec la piqûre interdite pendant une compétition, celui d'une trentaine de jeunes sportifs faisant état de l'absorption régulière d'un mélange d'amphétamines, de cocaïne, d'héroïne, de caféine, de morphine et d'antalgiques. Oui, le dopage est la mise d'êtres humains en état de dépendance.

Lutter contre cette dérive, c'est rendre au sport toute sa dimension humaine.

Tous ces événements ont provoqué beaucoup d'émotion et de questions. En effet, le sport est aussi un rêve, une fête. Quelques voix ont avancé l'idée d'organiser un dopage médicalement assisté, comme un moindre mal. Je vous invite à refuser cette capitulation de l'éthique et de la citoyenneté dont le sport est porteur (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). Il faut au contraire chercher les causes profondes du mal et nous y attaquer sans faiblesse. La cause principale, c'est la surenchère permanente d'intérêts commerciaux dans les sports les plus médiatiques, surenchère qui fonctionne comme un modèle au niveau de la pratique. C'est la course infernale aux résultats et à l'argent qui aboutit à des calendriers démentiels. Selon un rapport du CNRS qui vient de m'être remis, le dopage met en cause les valeurs morales du sport et augmente les risques que courent les athlètes. Tel international de football assure avoir rejoué trop tôt après une blessure au genou, sous la pression de son club. "J'en ai souffert", dit-il "et c'est là que peut intervenir la tentation". Il ne s'agit pas d'excuser quiconque. Le sport, école de conduite humaine, est source de maîtrise et d'émancipation, et aujourd'hui une majorité des sportifs qui sont au plus haut niveau international le doivent uniquement à leur talent et à leur investissement personnel.

Non, le dopage n'est pas une fatalité. La volonté d'y résister est très forte comme l'atteste la mobilisation de nombreux acteurs du sport et celle de l'opinion.

Une nouvelle loi est nécessaire. Le Sénat l'a affirmé en mai dernier, les auditions de votre commission l'ont prouvé. Nous rendons aussi un hommage particulier au travail du groupe de réflexion coprésidé par Jean-Claude Escande et Olivier Roussel, dont le rapport constitue une approche rigoureuse du rôle des médecins dans la lutte contre le dopage. Leurs propositions qu'a retenues le Gouvernement enrichiront le texte.

Ce projet comporte trois dispositions essentielles. La priorité absolue est la prévention. Elle ne peut se réduire à une distribution de dépliants. Il faut former et informer tous ceux qui encadrent le mouvement sportif et revaloriser la place de la santé dans le sport. En conséquence, l'examen médical sera obligatoire avant délivrance de la première licence sportive, y compris pour ceux qui ne participent pas aux compétitions. Les fédérations seront responsables des actions de prévention auprès des licenciés et de la surveillance médicale des sportifs de haut niveau, le rythme des examens étant arrêté conjointement par les ministères du sport et de la santé. Leur suivi médical régulier fera l'objet d'un livret spécifique. Les possibilités de contrôle seront étendues aux lieux d'entraînement et aux établissements sportifs à caractère commercial. Les médecins agréés pourront les effectuer en convoquant les sportifs.

En deuxième lieu, la loi vise à renforcer la lutte contre les pourvoyeurs de produits dopants qui n'étaient jamais inquiétés jusqu'à présent. Les sanctions pénales seront aggravées en particulier quand l'incitation au dopage concernera des mineurs et les moyens d'investigation seront accrus. La lutte contre le dopage sera d'autant plus efficace qu'elle respectera les droits du citoyen qu'est le sportif, à commencer par le respect du secret de l'instruction et le droit à la présomption d'innocence. Plus généralement, nous tenons à bien distinguer les responsabilités des agents de la jeunesse et des sports et du Conseil national de lutte et de prévention du dopage de celles de la police et de la justice.

La troisième disposition marquante est la création d'une autorité administrative dotée de réels pouvoirs de sanction.

Nous voulons aussi écarter toute tentation de pression politique, sportive ou commerciale.

Les modes de désignation des neufs membres de ce conseil, ainsi que l'attribution d'un budget de fonctionnement seront une garantie de son indépendance.

En outre, le Gouvernement propose d'introduire dans le projet un dispositif d'alerte médicale.

M. Alain Néri, rapporteur de la commission des affaires culturelles - Très bonne chose !

Mme la Ministre - Cette mesure est nécessaire parce que de nouvelles molécules mettent gravement en danger la santé des sportifs et que les contrôles actuels sont trop limités. Ainsi les médecins seront mieux associés à notre lutte.

Nous voulons également renforcer l'efficacité de la lutte contre les pourvoyeurs par un travail plus collectif des différentes administrations concernées.

Cette loi, j'en suis pleinement consciente, aura besoin de moyens à la hauteur de ses ambitions. Ils ont été doublés en 1998, et vous les avez de nouveau augmentés de 58 % dans le budget 1999.

C'est une avancée appréciable mais, il faudra aller beaucoup plus loin. Comment accepter que la passion du sport, puisse aboutir à quelque chose de totalement inhumain ?

Ne l'acceptons pas ! Ce qui paraissait insurmontable il y a peu de temps, l'est déjà moins aujourd'hui. Des sports, des entraîneurs, des dirigeants, des éducateurs, ont eu le courage de ne pas tout accepter, de commencer à parler.

La lutte contre le dopage demande mobilisation quotidienne et persévérance sur le long terme. Je crois le mouvement sportif et la représentation politique capable de courage pour le sport et les sportifs. ("Très bien !" sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste)

La loi est indispensable. Elle ne suffira pas. Il faut donc encourager les fédérations sportives qui ont déjà adopté des mesures nouvelles et saluer la campagne de prévention menée par le Comité national olympique et sportif français, en partenariat avec le ministère ; saluer et encourager les licenciés, les bénévoles, les clubs, les associations, les collectivités qui adoptent des chartes, organisent des semaines de prévention, sollicitent des sportifs et des médecins.

Mais la France ne risque-t-elle pas l'isolement ? Bien évidemment, il n'est pas question de se livrer à une sorte de désarmement unilatéral. Mais la France joue un rôle de premier plan en montrant l'exemple au niveau national, et en faisant des propositions au niveau international. Il y a environ un an, au cours d'un déplacement à Bruxelles, ma proposition de tenir une réunion européenne sur ce sujet, a été accueillie avec beaucoup de...politesse. Aujourd'hui, le climat a changé. Tous les contacts pris ces derniers jours encore, avec mes homologues de l'Union européenne, montrent que la volonté de débattre et de dégager des possibilités d'action commune est largement partagée.

C'est pourquoi, je souhaite qu'une réunion des ministres chargés des sports de l'Union européenne se tienne avant la conférence mondiale organisée par le Comité international olympique où je prendrai la parole au nom du Gouvernement.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles - Très bien, Madame !

Mme la Ministre - Des pistes d'actions existent en particulier, la lutte contre les filières du dopage, une coopération sur la recherche médicale, une harmonisation de certains dispositifs de contrôle et de procédures.

Ce projet est très attendu, en France, et bien au-delà de nos frontières.

Et puisque ces derniers jours ont vu resurgir le visage et les textes de Cocteau, permettez-moi de lui emprunter ces mots : "Il n'y a pas de précurseurs, il n'y a que des retardataires" (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste, du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe UDF et du groupe DL).

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé - Marie-George Buffet a souligné en des termes parfois lyriques et toujours profondément humains l'importance de ce projet.

En charge de la santé, je souligne à mon tour le rôle des médecins, biologistes et pharmaciens dans cette mobilisation, qui a donné lieu à un travail commun entre nos deux ministères.

Le dopage est devenu un véritable enjeu de santé publique. Il met directement en danger la vie de ceux qui y ont recours et contribue au développement d'une pharmaco-assistance et même d'une pharmaco-dépendance dans la vie quotidienne de nos sociétés d'abondance, sans d'ailleurs épargner des pays moins fortunés. L'ensemble des professions de santé ont donc une responsabilité majeure envers les sportifs de haut niveau certes, mais aussi envers des millions d'amateurs.

On se préoccupe beaucoup dans les familles, avec raison, de l'usage de drogues illicites par les adolescents, mais nous devons aussi affronter la réalité de ces jeunes de seize ans qui s'injectent clandestinement une dose de produit avant une petite course amateur ou qui avalent quotidiennement des pilules de hasard, à la recherche de la force et de la performance.

Mme Marie-George Buffet et moi-même avions demandé à un groupe de travail, coprésidé par Jean-Paul Escande et Olivier Roussel, de réfléchir aux moyens de renforcer le rôle de la médecine dans la lutte contre le dopage. Leur rapport, rendu public au début de la semaine, a apporté deux contributions majeures.

La première consiste à recommander de passer de la biologie à la médecine, de la technique à l'humain, ou, si vous me permettez cette formule, de l'examen d'urine à la condition de l'homme. Il faut certes continuer les dépistages biologiques et améliorer leur efficacité mais en sachant qu'il y aura toujours une course entre les nouveaux produits et les nouvelles capacités de détection -et que ces dernières ne la gagneront pas toujours.

M. Guy Drut - C'est vrai.

M. le Secrétaire d'Etat - D'ailleurs, l'actualité récente l'a montré : on a vu des morphologies se modifier spectaculairement en quelques mois sans que les tests de dépistage révèlent quoi que ce soit d'illicite. Ne nous faisons donc pas d'illusions, les tests ne suffisent pas. Il faut aussi faire appel à la médecine, c'est-à-dire à l'évaluation clinique, en fait au dialogue.

La deuxième consiste à suggérer la mise en place, à côté des sanctions fondées sur les contrôles, d'un système d'alerte reposant sur les professionnels de la santé. Les médecins seront au coeur de ce système de santé publique, non de délation ("Très bien !" sur les bancs de la commission). Car il importe de respecter le secret médical et de préserver la confiance entre le patient et son médecin. Dans l'intérêt de la santé du patient, les médecins seront désormais astreints à informer leurs confrères de la cellule médicale des situations qui feraient penser à une possible utilisation de produits dopants. Ils pourront décider d'interrompre, pour raisons médicales, l'activité sportive de leur patient. Ce sera une sorte d'arrêt de travail, en aucun cas une sanction mais une décision visant à protéger la santé du sportif. Si les sportifs savent qu'une décision de ce type peut être prise à quelques jours d'une compétition importante, l'effet sera dissuasif.

Au-delà de la cellule médicale de la commission indépendante, seules des informations non nominatives pourront être transmises dans le but de contribuer à des enquêtes sur les trafics.

Nous voulons qu'ainsi se constitue une culture de l'alerte médicale et que se nouent des rapports entre la commission indépendante et l'institut de veille sanitaire.

Le dispositif proposé est à la fois volontariste et équilibré. Le but est que les formes pharmaceutiques et les laboratoires clandestins ne montent pas à la place des sportifs sur les podiums ("Très bien" sur divers bancs) et aussi que la pratique sportive apporte à tous épanouissement et santé (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

M. Alain Néri, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Je commence, une fois n'est pas coutume, et puisqu'il est en vogue, en citant Saint-Augustin : "On n'éteint pas le soleil parce qu'on se bande les yeux". De fait, l'hypocrisie n'a que trop duré.

Depuis de longues années, nombreux étaient ceux qui savaient et qui se taisaient. Le dopage devenait une habitude. Pour certains, il était même devenu partie intégrante d'une certaine culture ambiante. Il était plus que temps de rompre cette conspiration du silence.

Si l'on a pu regretter dans un premier temps que le Tour de France soit éclaboussé sans ménagement, je crois qu'on doit aujourd'hui le remercier (Murmures sur plusieurs bancs du groupe socialiste) d'avoir permis à l'opinion publique de prendre conscience de la gravité du problème.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Les contrôles diminuent -7 535 en 1994, 5 228 en 1997- mais le nombre de contrôles positifs reste le même, soit 221, ce qui signifie déjà que la proportion augmente. Et ce chiffre ne reflète pas complètement la réalité car combien de sportifs avouent a posteriori alors qu'un contrôle s'était avéré négatif du fait de la prise de produits masquants ou parce que le produit n'était pas décelable ? Combien de sportifs connaissent à l'avance la date d'un contrôle supposé être "inopiné" ? Combien de fédérations n'appliquent pas de sanction ?

Les disciplines touchées ? On compte officiellement 42 fédérations concernées, mais j'aurais tendance à penser que toutes le sont.

On montre du doigt le cyclisme à cause du dernier Tour de France, mais en vérité la fédération française de cyclisme a été exemplaire, la première à accepter les contrôles et aussi la première où se sont pratiqués les contrôles sanguins. Quelle discipline peut aujourd'hui se vanter d'un "zéro dopage" ? Aucune. Pas même le billard, le bowwling ou le tir à l'arc.

A côté du dopage reposant sur des produits très sophistiqués, comme l'EPO ou les perfluorocarbures, il y a un "tout venant" du dopage qui, d'hormones de croissance en vitamines, utilise des produits nocifs parce que mal dosés. Beaucoup de produits ne sont même pas agréés par les agences du médicament. C'est l'escalade fatale.

Le dopage ne fait plus gagner quelques-uns, il fait perdre tout le monde. Il donne une mauvaise image du sport -trucage, tricherie- alors que celui-ci devrait au contraire porter des valeurs de citoyenneté et de loyauté. Le sportif n'est plus un héros mais un suspect perpétuel.

Le dopage est avant tout un problème de santé publique. Des études récentes du CNRS montrent en ce domaine une sorte de musée des horreurs. Aujourd'hui, les dopeurs se servent des sportifs comme de cobayes. Peut-on tolérer plus longtemps ces pratiques déshonorantes pour l'humanité ?

Revenir à un sport propre est un impératif de santé publique autant qu'un combat politique, au sens noble du terme. Chacun connaît en effet le rôle "intégrateur" du sport, l'identification des jeunes à certains sportifs, la mission du sport dans les banlieues défavorisées. Le dopage y fait obstacle. Il doit être mis hors la loi !

Fort heureusement, tous les sportifs ne sont pas dopés et l'on peut réaliser de grandes performances et même battre des records grâce à ses qualités naturelles, son courage, sa volonté et un bon entraînement.

Comment combattre le dopage ?

Avant tout, je crois qu'il ne faut pas trop incriminer les sportifs eux-mêmes. Les causes du dopage sont multiples : la "surcompétition", le rôle de l'événement, la surenchère des médias, les sommes en jeu, la brièveté des carrières et l'absence de débouchés ensuite, le poids des entourages, voire des équipes médicales... Elles dépassent le sportif lui-même.

Il est d'autre part intolérable que le sportif dopé, ou supposé l'être, fasse l'objet, avant toute décision disciplinaire, d'un "lynchage" médiatique. Il doit bénéficier comme tout citoyen de la présomption d'innocence et a droit, comme tout un chacun, à un jugement équitable. Pour cela, la contre-expertise doit être pratiquée dans un laboratoire agréé différent du premier et la commission sportive qui juge en appel ne peut être celle qui a jugé en première instance. Le sportif, comme tout citoyen, a droit au respect de ces règles élémentaires de notre droit.

Le projet de loi ne revient pas sur la distinction faite dès la loi Bambuck de 1989 entre les sanctions administratives à l'encontre des utilisateurs et les sanctions pénales à l'encontre des pourvoyeurs. La commission partage la philosophie de ses articles 17, 18 et 19. S'il est malsain d'en fournir ou de les administrer, leur fourniture, ô combien lucrative, est hélas facilitée du fait que certains de ces produits sont en vente libre à l'étranger ou peuvent être commandés sur Internet. Des filières organisées d'approvisionnement se sont créées, en tous points comparables au trafic de drogue. Il convient donc de poursuivre implacablement les pourvoyeurs. A cet égard, l'interdiction d'activité est une sanction légitime.

S'agissant des sanctions administratives, il convient de renforcer le caractère contradictoire de la procédure de prononcé des sanctions et d'en réduire les délais. Des amendements seront présentés en ce sens. Il est en effet inadmissible que des sportifs déclarés positifs lors d'un contrôle continuent de pratiquer la compétition, y compris au niveau international.

Le comité de lutte contre le dopage institué par la loi de 1989 n'a pu être efficace faute de moyens. Le conseil de prévention et de lutte contre le dopage prévu dans ce projet, qui sera à la fois indépendant et dès le départ doté d'un budget de quatre millions de francs, devrait connaître de ce point de vue un meilleur succès. Quoi qu'il en soit, ne lui intentons pas de procès d'intention. Attendons de juger sur pièces.

Il faut renforcer ses moyens en matière de prévention car, pour l'heure, il serait impuissant vis-à-vis des fédérations. Il ne suffit pas de proposer à celles-ci de pratiquer des contrôles : il faut le leur imposer. La commission a adopté des amendements visant à donner au conseil un pouvoir d'injonction en cas de mauvaise volonté, voire de laxisme des fédérations, et à assortir ce pouvoir de moyens réels allant jusqu'à des peines d'amende et au retrait d'agrément. Aucune complicité ne doit pouvoir s'établir entre le ministère et les fédérations. Je le souligne d'autant plus volontiers, Madame la ministre, que vous, vous avez eu le courage de retirer son agrément à une fédération. De ce point de vue, le conseil manque de moyens d'action indépendants. Il devrait de même pouvoir donner son avis sur tous les textes relatifs au sport.

J'en viens aux fédérations : c'est là que tous se joue. Donnons-leur les moyens juridiques et financiers de se mobiliser contre le dopage. Le conseil les conseillera et les assistera, la loi de finances pourvoira aux crédits. Il convient d'abord qu'elles fassent bien leur police interne. L'exigence d'un certificat médical préalablement à la première délivrance d'une licence va dans ce sens, tout comme les dispositions de l'article 3, même si la notion d'épreuves sportives doit être précisée. Le renforcement des pouvoirs disciplinaires et la saisine d'office du conseil en cas de carence d'une fédération au-delà d'un délai de cinq mois -que la commission juge d'ailleurs trop long- sont également positifs. Les fédérations doivent demander systématiquement des contrôles. Pour que ceux-ci soient plus efficaces, des amendements aux articles 15 et 16 proposeront un meilleur cadrage juridique du droit de visite, qu'il faut étendre aux véhicules utilisés par les sportifs et leur encadrement sous le contrôle strict du procureur de la République, et une simplification du droit de saisie.

J'ai cité Saint-Augustin au début de mon propos, je citerai Sartre en conclusion. Un personnage des Mains sales dit : "Tous les moyens sont bons quand ils sont efficaces". Voilà qui est faux en matière de dopage (Mme la ministre exprime son soulagement). Ce dernier est peut-être efficace à court terme, mais il détruit la santé des sportifs, pouvant même provoquer la mort, rend la compétition artificielle, érige la tricherie en principe, fait planer le doute sur les performances. En revanche, cette maxime trouve toute sa pertinence en matière de lutte contre le dopage. Il ne faut pas négliger, dans le strict respect des libertés publiques, aucun moyen juridique pour gagner de vitesse les techniques du dopage et éliminer les pourvoyeurs, ces négriers des temps modernes. C'est ce que la commission vous propose.

Le sport ayant acquis une dimension universelle, les mesures prises dans le cadre de cette loi doivent être étendues aux niveaux européen et mondial, dans un souci de protection de la santé de tous les sportifs, mais aussi d'équité, tous les concurrents d'une compétition devant se battre avec les mêmes armes. Vous avez raison, Madame la ministre, de lancer une croisade contre le dopage en rencontrant vos homologues européens et en saisissant le CIO de propositions précises.

Pour ma part, je suis déterminé à saisir nos collègues des parlements nationaux d'Europe et la Commission européenne. Si elle prenait une directive, celle-ci s'imposerait à tous les pays européens.

Combattre le dopage, c'est combattre pour libérer le sport et les sportifs d'un carcan qui à terme, pourrait les étouffer. La France a toujours été à l'avant-garde des combats pour la liberté. Dans la lutte contre le dopage, ce véritable fléau social destructeur de l'homme et de l'éthique sportive, elle est aussi à l'avant-garde. C'est son honneur (Applaudissements sur tous les bancs).

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles - Votre texte, Madame la ministre, est courageux, intelligent. Il était nécessaire. Depuis son adoption à l'unanimité par le Sénat au printemps dernier, les événements que l'on sait ont eu lieu, des voiles se sont déchirés, des bouches se sont entrouvertes et jour ne se passe sans que de nouvelles informations apparaissent, sans que des hommes et des femmes meurtris ne fassent de nouvelles déclarations, effrayantes, déchirantes.

Nous abordons un sujet difficile, à la croisée de l'éthique sportive, de la santé publique, du mythe, du rêve que suscite le sport mais aussi de l'argent qu'il met en jeu. Il s'agit d'éviter que le soupçon ne gagne partout : nous savons quel en serait le danger. C'est dans cet esprit que la commission a travaillé et je félicite M. Néri d'avoir su traduire dans son rapport notre volonté à tous.

De nombreux amendements ont été adoptés visant non pas à durcir le texte, comme il a été dit, mais à le préciser, pour le rendre plus efficace. C'est par respect même pour les champions qui nous ont fait rêver -deux champions olympiques interviendront ce soir !- que nous avons choisi d'aborder avec courage les problèmes.

Ce texte serait le plus dur en Europe, nous dit-on, et la France risque de se trouver isolée. Fallait-il préférer un texte en demi-teinte au risque que rien ne bouge ou affirmer avec courage des positions fortes en essayant d'entraîner les autres ? Vous avez choisi la seconde option, Madame la ministre, et vous avez eu raison. La réunion du CIO en février prochain est capitale à cet égard, de même que l'interpellation du Parlement européen et les contacts pris avec vos homologues européens. Soyez assurée que nous serons à vos côtés.

Cette loi était nécessaire, elle ne suffira pas si tous les acteurs ne se mobilisent pas à tous les niveaux. Et tout d'abord, à celui des fédérations, dont les présidents ont le souci d'agir avec efficacité. Nous l'avons constaté au cours de nos auditions, en particulier des présidents des fédérations d'athlétisme et de cyclisme.

Il faut mobiliser les médecins, dont M. Kouchner a parlé avec son intelligence habituelle. Leur situation est en effet ambiguë puisqu'ils sont pris entre un secret médical qu'il faut bien surprotéger et une capacité à constater ce qui se passe. Que pouvaient-ils donc faire ? Comme vous l'avez dit, la loi du silence régnait en matière de médecine sportive. C'est pourquoi le droit et la procédure d'alerte que vous établissez sont essentiels et devraient rassurer les médecins.

Je vous félicite également d'avoir mis en place un groupe de travail comprenant M. Roussel et le professeur Escande.

Il faut également mobiliser les directeurs sportifs, les éducateurs et les sponsors qui n'ont d'ailleurs pas intérêt à ce qu'on associe leur image à celle d'un sportif soupçonné.

Il conviendrait aussi d'impliquer dans cette lutte les laboratoires pharmaceutiques. On sait en effet que le dopage repose sur le détournement de médicaments. Or de nouvelles molécules sont notamment développées. Il faudrait donc mettre en place, en concertation avec les laboratoires, une charte déontologique dénonçant le détournement des médicaments et les risques qu'il peut entraîner.

Il faut davantage prévenir, informer et éduquer. La question de la première visite est à cet égard très importante. Plusieurs amendements à ce sujet n'ont pu être retenus du fait de l'article 40. Il faudra approfondir la réflexion à ce sujet.

Il est surtout essentiel de poser le problème du dopage en termes de santé publique. Il faut combattre l'hypocrisie pour sauver le sport. Le dopage n'est somme toute que le point ultime de la surexploitation du geste sportif. Le sport est devenu un enjeu financier considérable qu'il s'agisse du marché des équipements, du spectacle de masse ou de jeux sportifs -l'attitude de l'Etat à cet égard est moralement discutable. Il prend même parfois une dimension politico-économique ainsi que le révèlent les échanges entre le Portugal et l'Espagne dans la perspective de l'organisation commune d'une coupe du monde de football.

Le sportif de haut niveau peut être broyé par ces enjeux. Ainsi, je lisais dans un excellent dossier du supplément de L'Equipe cette réflexion frappante de troisième ligne Crouste au soir d'un matin homérique "nous ferons de vilains vieux". Or s'il jouait 34 matches par an et s'entraînait 2 fois par semaine, aujourd'hui un international comme Califano joue 55 matches et s'entraîne chaque semaine.

M. le Rapporteur - Chaque jour !

M. le Président de la commission - Chaque jour, en effet, je suis heureux de constater que vous m'écoutez (Sourires).

Califano pratique en plus des entraînements de sports de combat et le troisième ligne que j'ai été à un modeste niveau sait ce que peut être le choc d'un pilier pesant 110 kilos et courant le 100 mètres en moins de 13 secondes.

M. Denis Jacquat - Ça marque !

M. le Président de la commission - Il y a donc une capacité à broyer littéralement les corps. Le professeur Seillant...

M. Guy Drut - Saillant !

M. le Président de la commission - Le professeur Saillant, en effet -je suis heureux de voir que vous aussi, Monsieur Drut, m'écoutez- déclare d'ailleurs que l'on "poussait" de plus en plus les sportifs comme si leur corps était devenu une machine et l'hôpital un garage. Les carrières commencent tôt. Elles durent de moins en moins longtemps et sont souvent traumatisantes.

Cette loi est donc indispensable. Vous prolongez ainsi l'action de mon ami Roger Bambuck à qui vous avez rendu hommage. C'est absolument nécessaire car sans cela la stratégie du soupçon, dont nous, responsables politiques savons bien le danger, empoisonnera le monde sportif. Il faut l'éviter au nom d'une éthique sportive et d'une éthique républicaine qui d'ailleurs se rejoignent.

Les historiens nous racontent la dérive des jeux antiques au IVème siècle avant notre ère. Callipsos l'Athénien aurait ainsi acheté ses adversaires pour gagner le pentathlon en 322 avant JC. "Peu à peu, l'opinion se détourne, la religion athlétique perd ses fidèles, elle n'a plus que des clients", écrivait Pierre de Coubertin.

Parce que nous refusons d'être de simples clients, parce que nous souhaitons que le sport soit un facteur de santé publique et d'équilibre audiovisuel, parce que nous voulons un spectacle sportif respecté, nous soutenons fermement votre projet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe RCV et du groupe DL).

M. André Aschieri - Ce projet de loi est d'une actualité brûlante. L'opinion publique manifeste en effet un intérêt très vif pour les affaires de dopage. Cela traduit sans doute une évolution sociale profonde avec la montée de l'exigence de transparence et l'aspiration à une vie meilleure préférée au culte de la performance.

Il est heureux que ce débat trouve une traduction parlementaire. Il est en effet rare que les aspirations sociales et le renouvellement de notre droit soient à ce point synchronisés.

Votre projet répond donc à une véritable attente de la société d'un assainissement des pratiques sportives, mais aussi politiques ou économiques, au profit de davantage de sincérité.

La condamnation du dopage ne va pourtant pas de soi, tant sa pratique est répandue de l'étudiant anxieux à l'employé qui prend des médicaments pour tenir le coup.

Les sportifs se trouvent aujourd'hui parfois otages d'un système pervers dans lequel il devient inévitable de se doper. Il est de notre devoir de dénoncer ce système qui met les sportifs en danger et qui repose sur une tricherie, abusant ceux qui les admirent.

Ceux-là mêmes qui incarnent la beauté de la maîtrise du corps, la vertu de l'effort et le respect des règles se trouvent entraînés dans une parodie de compétition où personne ne gagne, ni les sportifs dont la santé est ruinée, ni les sponsors discrédités, ni le public trompé.

Le sport joue un rôle irremplaçable dans notre tissu social, en particulier pour apprendre aux jeunes à respecter des règles. Le club sportif est parfois leur seul lieu de socialisation. On ne peut pas y apprendre à tricher et le dopage met à mal cette école de citoyenneté.

La santé des sportifs est également au coeur de nos préoccupations. La politique en faveur du sport peut d'ailleurs être considérée comme une politique sanitaire. Aussi quand le sport rend malade, ce sont ses propres fondements qu'il détruit.

Il y a plus grave car dans le sport de haut niveau que j'ai côtoyé en tant que dirigeant, des sportifs dopés perdent parfois le contrôle de leur vie. Certains médecins les droguent, d'autres les contrôlent, aucun ne les soigne. Il faudrait en effet pour cela qu'ils avouent leur faute, qu'ils renient leurs performances, qu'ils dénoncent leurs dirigeants...

Il est donc souvent plus efficace de les contraindre à s'informer, en particulier sur les possibilités de désintoxication et sur la nocivité des produits, que de les sanctionner. Il faut dire la vérité sur les dangers et la place prise par le dopage dans le sport de haut niveau. Cela permettra de distinguer les vrais passionnés des charlatans et de lever le soupçon qui peut peser sur une discipline toute entière.

Vous félicitant d'avoir posé le problème à l'échelle internationale et vous remerciant d'avoir constamment eu le souci d'associer les parlementaires à votre projet, les députés verts voteront cette loi, Madame la ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Denis Jacquat - Depuis toujours et partout, le sport obéit au mot d'ordre "Plus haut, plus fort, plus loin !", mais, depuis que le sport-spectacle, sponsors et médias aidant, a pris de l'ampleur, certains ont recouru à la pharmacopée pour devenir, ou pour rester, les meilleurs. De plus en plus nombreux, ils ont donné le sentiment qu'ils s'estimaient au-dessus des lois...

La "dope" est de la drogue, il ne faut pas l'oublier, et on ne peut qu'être scandalisé d'entendre parler de dopage médicalement assisté.

M. le Rapporteur - Certes !

M. Denis Jacquat - Le sport doit rester porteur de valeurs, d'une éthique, et fournir un exemple dans une société en quête de repères. On ne peut par conséquent que se féliciter de ce projet.

Cependant, le dopage est moins lié à la pratique du sport qu'à l'excès de compétitions. Il n'en reste pas moins que tous les sportifs de tous niveaux sont touchés. En 1997, sur 221 contrôles positifs, près de 200 concernaient des compétitions au niveau régional ou départemental. Sur 2000 sportifs amateurs interrogés par Patrick Laure, 186 avouèrent user de produits prohibés : si l'on extrapole, ce sont un million de licenciés qui seraient ou pourraient être touchés et l'on comprend mieux dès lors que le professeur Escande parle de problème de santé publique !

Enfin, il faut le répéter obstinément, on peut soigner sans doper.

Partant de ces constats, je voudrais suggérer quelques pistes. En premier lieu, il me paraît souhaitable de limiter le nombre de compétitions officielles, surtout pour les sportifs de haut niveau. Des calendriers surchargés incitent au dopage.

M. Edouard Landrain - Très bien !

M. Denis Jacquat - Deuxièmement, il convient d'harmoniser les contrôles et les sanctions : les disparités actuelles affaiblissent l'action commune et des règles identiques doivent donc prévaloir dans toutes les fédérations et tous les pays et pour toutes les compétitions. Il ne faut plus qu'on puisse dire, comme à l'occasion de telle épreuve sportive récente : le remède à la même efficacité que le mercurochrome sur le rhume des foins ! Pour l'instant, la France apparaît relativement isolée mais j'espère que des projets concrets seront arrêtés par le Comité olympique international, lorsqu'il se réunira à Lausanne en février.

Il est par ailleurs préoccupant que, de plus en plus souvent, les contrôles pratiqués sur des sportifs qui ont pris des produits illicites restent négatifs. A l'évidence, la chimie et la pharmacie devancent nos bonnes intentions. Il nous faut donc augmenter considérablement les dotations des laboratoires agréés, afin qu'ils puissent améliorer leurs techniques de recherche. Il est urgent de mettre fin au bras de fer qui les oppose aux médecins véreux ou au pseudo-soigneurs. Souvenons-nous : chaque fois qu'un de ces laboratoires a pu affiner ses techniques, il y a eu une vague de contrôles positifs. Il faut "fatiguer" les médecins véreux et les pseudo-soigneurs !

Il faut par ailleurs bannir les instructions trop longue, motivées par une recherche maladive du vice de forme.

Enfin, la place de la médecine du sport dans la lutte contre le dopage doit être redéfinie. En particulier, la production d'un certificat médical d'aptitude doit être exigée pour toute délivrance d'une licence sportive, et non pas seulement pour la délivrance de la première. En outre, ce certificat devra être délivré par un médecin diplômé de médecine sportive, vous voyez que je ne suis pas corporatiste ! Il faut éradiquer le mal le plus en amont possible.

Après la prévention et le contrôle, la sanction : il faut avoir le courage de briser la "loi du silence" et de déférer devant l'ordre des médecins et la justice, les médecins fautifs. Nous ne pouvons plus admettre que certains praticiens déshonorent leur profession. Plus généralement, il faut isoler complètement les médecins, soigneurs, organisateurs et autres conseillers techniques ayant fourni des produits dopants en leur interdisant l'accès à toutes les compétitions.

Nous devons oeuvrer pour une loi claire dans un cadre de solidarité internationale.

M. Guy Drut - Très bien !

M. Denis Jacquat - Cette loi doit viser en toute priorité à préserver la santé de l'athlète. Le sportif de haut niveau n'appartient ni à son club ni à sa fédération mais, malheureusement à son agent. Il faut donc le protéger.

M. le Président de la commission - Très juste !

M. Denis Jacquat - Dans les sports collectifs, "Unis, on gagne ; désunis, on perd", dit-on. Il en est de même ici. Aussi, avec tous mes collègues de Démocratie Libérale, nous nous battrons à vos côtés, pour que voie le jour une nouvelle politique pour la santé dans le sport et contre le dopage. Pour nous en effet, il ne peut y avoir de nouvel élan sans cette nouvelle politique (Applaudissements sur tous les bancs).

M. Jean-Claude Beauchaud - Si la première lecture de ce projet au Sénat n'a pas été très médiatisée, les événements qui se sont produits depuis ont fait sauter l'hermétique bouchon d'une hypocrisie parfaitement admise. Il ne passe pas de jour que ne soit cité un fait de dopage. Trop longtemps observé, le silence est rompu et les abcès se vident, libérant parfois des plaies qui seront longues à cicatriser.

Le sport lui-même est affecté par ce phénomène et c'est donc courageusement, sans esprit partisan que nous devons légiférer pour éviter la contagion du doute, préjudiciable à l'éthique du sport.

J'ai passé trop d'heures de ma vie sur les stades, au bord des piscines et dans les salles de sports pour aujourd'hui laisser se ternir ce formidable moyen de contrôle de soi, cet exemple de la règle acceptée et du goût de l'effort dans le respect de l'autre. Faisons en sorte que le sport reste un outil d'intégration, un instrument au service de la citoyenneté.

Pour y parvenir, il était indispensable d'analyser les effets de la loi de juin 1989 et d'en mesurer les limites. C'est ce que vous nous proposez, en même temps que cette loi. Mais si le dopage ne concernait que les quelque 2 000 athlètes de haut niveau que compte ce pays, la tâche du législateur serait assez simple et les présentes dispositions auraient pu y suffire jointes à celles de la loi sur le sport qui doit bientôt modifier celle de 1984. Nous aurions pu nous contenter de donner autorité au conseil de prévention et de lutte contre le dopage, de renforcer la surveillance médicale de ces athlètes, de mieux faire connaître les actions des fédérations, de régler le problème des calendriers d'entraînement et de compétition, de prévoir la conclusion de chartes entre sportifs, fédérations et sponsors. D'ailleurs, s'il a pour corollaire le contact avec l'argent, voire avec la politique, le sport-spectacle expose ses acteurs à de plus grands risques de dénonciation, et j'ai la faiblesse de croire que l'évaluation du dommage n'est pas étrangère à de récentes prises de conscience !

En revanche, je suis beaucoup plus inquiet pour la masse des 13 millions de sportifs amateurs dont l'entourage, beaucoup plus mal connu que celui des athlètes, pourrait être aussi plus perméable à des pratiques contestables. Il est intolérable, par exemple, de savoir que des parents peuvent mettre en danger la santé de leurs enfants, par vanité d'avoir engendré un petit prodige. J'attache par conséquent la plus grande importance à l'information et à la prévention. Si nous voulons des fédérations, des dirigeants, des médecins, des pratiquants et des sponsors propres, il nous faut aussi des spectateurs propres, c'est-à-dire une société prête à déceler le vrai du faux champion.

C'est une grande ambition à laquelle il faut travailler dès l'école, à l'âge où les enfants peuvent encore confondre Barthez ou Zidane avec Zorro et Batman. Il faudra bien répondre avec eux à la question : qu'est-ce qu'un champion ?

Les campagnes d'information qui viennent de commencer timidement rappellent celles de la lutte contre le sida, à la fois fait de société et problème de santé publique. Le travail sera long, car nous vivons dans un monde de moins en moins solidaire. Faisons en sorte que ce projet soit applicable sans ambiguïté. Que tous les acteurs du monde sportif comprennent qu'il s'agit de rendre au sport un nouveau visage.

Voilà quelques mois, on pouvait craindre que votre texte place la France très en avance. Aujourd'hui, l'environnement international montre qu'il faut lutter d'urgence contre ce fléau. Pourquoi ne pas demander au CIO d'entrer dans le troisième millénaire avec des tables de record vierges ? C'est un match qu'il faut gagner pour que la tricherie ne vienne pas ternir l'éthique du sport, et que nos enfants aient pour modèles de véritables champions.

Car le champion, s'il se définit comme le vainqueur d'une compétition, doit être aussi une personne de grande valeur intellectuelle et morale.

Ce projet est un grand pas au service de ces valeurs et le groupe socialiste se réjouit de participer à sa discussion (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Christian Estrosi - Ce débat était souhaitable et souhaité. Le groupe RPR s'y associe avec enthousiasme. Chacun ici souhaite avancer sur la voie ouverte par les lois de 1965 et de 1989. Le dopage est la négation même des valeurs sportives, l'abolition des repères nécessaires à notre jeunesse pour trouver un juste équilibre physique et psychique. Puisque le Gouvernement considère qu'il est temps pour le Parlement de contribuer efficacement à la lutte contre le dopage, je souhaite que le débat d'aujourd'hui en ouvre beaucoup d'autres dans des domaines voisins.

Que dire en effet de l'oeuvre d'un artiste qui l'a réalisée sous l'emprise de certaines substances, que dire de certains intellectuels moralisateurs qui s'entretiennent à la cocaïne ?

Je ne voudrais pas que le mouvement sportif fasse seul fonction de bouc émissaire. Je m'interroge sur la date fixée pour ce débat. Il est provoqué par les événements de juillet dernier.

M. le Rapporteur - Il avait commencé avant !

M. Christian Estrosi - Il a été accéléré ! Quand toutes les polices et toutes les instances judiciaires de France se sont lancées sur la route du Tour, certains décideurs politiques se sont précipités à la télévision pour récupérer cette affaire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). C'est donc l'actualité qui conduit à placer le mouvement sportif sur le devant de la scène.

Nous avons comme vous, Madame la ministre, un cas de conscience. En allant dans un sens, je fais du bien, mais est-ce que je ne fais pas aussi un peu de mal à ces milliers de champions et de dirigeants honnêtes, qui sentent peser sur eux une suspicion permanente ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Alain Clary - Justement, c'est l'occasion de lever tout soupçon !

M. Christian Estrosi - Nous devons donc aborder ce débat avec beaucoup de précaution. La France a toujours été exemplaire, à l'avant-garde de la recherche, de l'encadrement, de l'organisation. L'an dernier, au cours de la discussion budgétaire, je vous avais demandé d'ouvrir au plus vite des discussions avec vos collègues des pays de l'Union européenne pour que la France ne se trouve pas à la veille de grandes épreuves internationales, en situation de faiblesse par rapport à d'autres nations, car la France a elle aussi envie de conquérir des titres et de susciter la fierté de toute la population.

M. le Rapporteur - Avec des athlètes et pas avec des monstres !

M. Christian Estrosi - Vous ne m'aviez pas répondu à l'époque. Aujourd'hui, vous enfourchez ce cheval, et je vous en félicite. Les 2 et 3 février prochains, une réunion importante à Lausanne traitera du problème de dopage au niveau international. N'eût-il pas mieux valu inscrire juste à la suite le projet d'aujourd'hui, afin de tirer toutes les conséquences de ce rapprochement entre les comités olympiques nationaux ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

Mme Martine David - C'est de la polémique inutile !

M. Christian Estrosi - J'y insiste, 95 % de nos sportifs sont honnêtes et dignes de leurs performances. Vous avez évoqué ceux qui viennent vous raconter que la piqûre est leur lot quotidien. Cette méthode n'émane pas de notre pays, elle a été à la une de toutes les nations de l'Est pendant des décennies.

M. le Rapporteur - Pas là seulement !

M. Christian Estrosi - Nous nous en sommes toujours abstenus, ce qui nous a valu quelques contre-performances.

Je tiens également à rendre hommage aux fédérations délégataires pour la qualité de leur travail. Leurs animateurs sont les mieux placés pour préserver nos jeunes. Nous aurions dû parfois les écouter davantage. Il faut les laisser résoudre en toute autonomie les problèmes de dopage avec les moyens que nous mettons à leur disposition. Votre ministère n'a de raison d'être que parce qu'il existe un mouvement sportif qui a suscité près de 16 millions de licenciés.

M. Bernard Charles - Qu'est-ce que çà veut dire ?

M. Christian Estrosi - Je rappelle cette vérité parce que, dans votre budget pour 1999 qui augmente de plus de 3 %, vous ne consacrez que 2,4 % de cette augmentation aux fédérations délégataires, contre 5,7 % aux fédérations affinitaires...

M. le Rapporteur - C'est de la mauvaise polémique !

M. Christian Estrosi - ...qui sont beaucoup plus mal placées pour encadrer nos jeunes. Ainsi, alors que la fédération française de judo n'autorise pas les jeunes à s'engager sur un tatami pour participer à une compétition avant 12 ou 13 ans, certaines associations affinitaires le font à partir de 7 ou 8 ans.

Alors évitons de taper sur le mouvement sportif... (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Alain Calmat - C'est ahurissant ! Vous faites de la provocation !

Mme Yvette Benayoun-Nakache - C'est nul !

M. le Président - Laissez poursuivre l'orateur !

M. Christian Estrosi - Il réclame depuis des années, lui, des examens cliniques, capillaires, sanguins, et il n'a pas reçu les moyens de contrôle nécessaires. Il demande simplement qu'on lui facilite la tâche. S'il est en mesure de dire à l'entrée des stades qui peut participer ou non aux compétitions, tout deviendra plus simple, comme c'est le cas sur la route avec l'alcotest (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Vous proposez de créer, et c'est important, une autorité administrative indépendante. C'est un progrès par rapport à la commission nationale de lutte contre le dopage créé en 1989. Mais je souhaite aussi que l'on donne plus d'indépendance aux fédérations. A elle d'exercer leurs responsabilités de prévention et de dopage. S'il fallait voir dans le nouvel organisme une volonté d'étatisation du sport, ce serait dramatique pour sa liberté. J'ai donc déposé un amendement pour supprimer le quatrième alinéa de l'article 9 qui donne au conseil de prévention des pouvoirs de sanction.

Le conseil ne doit pas être conçu comme une super-fédération. Son indépendance doit être totale. Seule l'autonomie de ceux qui y siégeront garantit que certaines affaires ne seront pas étouffées.

Le volet consacré à la lutte contre les pourvoyeurs de produits dopants est le meilleur élément de ce texte. Je le salue. Nous devons lutter sans merci contre tous ceux qui contribuent au dopage. Elargir les sanctions contre ceux qui prescrivent et commercialisent les produits va dans la bonne direction et les peines prévues sont à la hauteur de l'enjeu.

L'article 3 exige un certificat médical des licenciés mais aussi des non-licenciés lorsqu'ils participent à des épreuves agréées par les fédérations. Pour un comité des fêtes locales, ces épreuves sont importantes. Les parents qui envoient leurs enfants au ski où ils passent leur étoile penseront-ils à les munir d'un certificat médical ? Mieux vaudrait ne le demander que pour les compétitions d'un certain niveau auxquelles participent des licenciés présentés par leur club.

Il faut aussi réfléchir à améliorer les dispositions sur la fiabilité des contrôles, la définition des produits dopants, ce qui les distingue du vrai médicament.

Nous devons avant tout préserver l'image du sport. Plus nous mettons de moyens pour prévenir certaines dérives, plus nous faisons faire des économies à la Sécurité sociale et plus nous faisons oeuvre d'éducation et de civisme. Je vous demande aussi de vous engager totalement sur le plan international.

Je voudrais aussi qu'on réfléchisse à la mise en place d'un statut pour le sportif de haut niveau.

M. le Rapporteur - Ce sera le rôle de la loi d'orientation du sport de l'an prochain.

M. Christian Estrosi - La carrière d'un sportif est très courte. Prendre des dispositions sociales et fiscales permettrait d'éviter certaines dérives.

Madame la ministre, vous l'avouez vous-même, vous n'avez pas assez de moyens. Les crédits inscrits pour 1999 ne vous permettront de prendre en compte que les objectifs de haut niveau. C'est très insuffisant. Je souhaite que nous donnions au mouvement sportif suffisamment de moyens, car c'est eux qui assurent l'efficacité de ce dispositif sur le terrain. (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Patrick Leroy - Le groupe communiste a la ferme volonté de voir régler le grave problème du dopage, fléau qui touche à la fois la santé publique, l'éthique, les droits fondamentaux. Le monde sportif l'attend.

Les sportifs de haut niveau, selon un entraîneur cycliste, prennent tous "quelque chose pour être plus forts". Pourquoi cette extension du dopage ? Le sport, de plus en plus mercantile, est désormais un enjeu économique, une source de profit. Le sportif est sans cesse sollicité par les médias et par les sponsors. Le système vise à obtenir coûte que coûte une performance, même artificielle.

Dans un amendement à l'article 11, que la commission n'a pas retenu, j'évoquais les spécificités de l'entraînement. Ses cadences ne sont pas naturelles et il peut -comme le dopage- représenter un danger. Je regrette qu'il n'en soit pas tenu compte dans le projet au titre du suivi médical. Les dosages biologiques et les seuils sont aussi fonction de l'intensité de cet entraînement.

Le sportif est désormais un salarié qui doit remplir le tiroir caisse de l'employeur. Ainsi le budget du Tour de France est fourni à 60 % par les sponsors. Ils exigent un retour sur investissement. C'est la marque qui doit gagner et la santé financière des entreprises passe avant la santé des sportifs. Ceux-ci ont droit à des conditions de travail normales, à la protection de leur santé, au droit à la parole. Le sport s'apparente parfois au spectacle. Mais les artistes ont une convention collective. L'époque des jeux du cirque est révolue.

Mais en l'absence d'une politique d'éducation, d'information, de prévention dès le plus jeune âge, d'une autre conception du sport libéré des pressions, que va choisir l'athlète entre le risque pour sa santé -que l'on minimise- et l'assurance d'augmenter ses performances ? La réponse se devine aisément. Il faut donc affirmer avec force que l'on peut obtenir des performances avec une bonne préparation, sans recours au dopage.

S'opposer au dopage n'empêche pas d'apprécier l'exploit sportif ! Le dopage est la négation de toute morale sportive et médicale.

Il faut redéfinir la mission de service public du sport. Ce projet associe prévention, contrôle et répression. A nos yeux, le volet prévention est prioritaire, car il évitera de recourir aux sanctions.

Mais la loi ne règlera pas le problème. Il faut informer, sensibiliser à l'école, dans les centres de loisirs, dans les clubs.

Il faudrait former de façon spécifique les entraîneurs, les sportifs, les médecins du sport et du travail à la psychologie du sportif. En accord avec le ministère de l'éducation nationale, des actions en ce sens devraient être entreprises rapidement.

Un contrôle efficace contre le dopage doit aussi mobiliser la recherche. Des produits ne sont pas décelables, pendant peu de temps ; des produits nouveaux sont utilisés. La recherche devra déterminer quel est le taux moyen de production naturelle de certaines hormones et la compatibilité entre les obligations professionnelles des sportifs et leurs possibilités physiques. Elle doit s'étendre à la médecine du sport pour mieux connaître les mécanismes de récupération et ceux de la "méforme" physique.

La recherche devrait définir plus précisément le dopage et certaines entités pathologiques, qui, comme l'asthme d'effort, autorisent l'utilisation d'anesthésiques locaux ou de broncho-dilatateurs. C'est une question importante : où s'arrêtent les soins de santé et où commence le dopage ? L'actuelle liste des produits dopants nécessite une révision en profondeur. L'évolution de la recherche devrait aussi rendre les contrôles de dépistage tout à fait incontestables.

Avec le présent projet, il s'agit de mettre la sanction hors de toute pression tout en faisant respecter les droits de la défense -celui d'être entendu et de présenter des preuves- et la présomption d'innocence.

Le doute doit toujours profiter à l'accusé. Ce principe est d'autant plus essentiel en sport que la sanction est lourde de conséquences pour la courte carrière du sportif. La défense devrait pouvoir demander une expertise auprès d'un autre laboratoire que celui qui a procédé à la première. La confidentialité devrait être attachée au résultat du contrôle tant que la preuve de la positivité n'est pas établie de façon irréfutable. La saisine du conseil de prévention et de lutte contre le dopage devrait être suspensive. Sur tous ces points, nous avons donc déposé des amendements.

Il nous semble par ailleurs nécessaire d'élargir les missions du conseil de prévention et de lutte contre le dopage. Il devrait être destinataire des procès-verbaux d'analyse et disposer d'un pouvoir d'injonction pour les procédures disciplinaires mises en oeuvre par les fédérations sportives. Il devrait aussi pouvoir vérifier que l'application des textes est bien conforme aux objectifs visés.

Autre impératif : harmoniser la législation européenne et internationale. Actuellement, seuls quelques pays de l'Union, dont la France et l'Espagne ont pris des dispositions législatives contre le dopage. Or il est clair qu'en l'absence d'une norme européenne ou internationale, beaucoup de pays se refuseront à pénaliser leurs sportifs ou leur économie sportive. De plus, la fixation du calendrier sportif ne peut dépendre des seules fédérations nationales ; elle exige une coordination internationale. Il conviendrait aussi de réglementer Internet et le commerce électronique, qui sont de plus en plus utilisés pour le trafic de drogues et produits dopants.

Dans le domaine médical, le présent texte peut être amélioré sur plusieurs points. Une série de paramètres mesurés à échéances régulières remplacerait avantageusement, me semble-t-il, les contrôles ponctuels.

Et je pense que la définition des modalités de la surveillance médicale devrait être de la seule compétence du ministère de la jeunesse et des sports.

Les 4,5 millions prévus au budget pour 1999 ne permettront le suivi médical et biologique que de 600 sportifs de haut niveau sur les 3 000 existants. Pour les suivre tous, il aurait fallu 60 millions. Sans parler de ce qui aurait été nécessaire pour assurer le suivi médical de tous les sportifs.

La délivrance de licence sportive devrait être subordonnée à la production d'un certificat médical annuel, étant entendu que les frais du suivi et de la prévention devraient être pris en charge par la Sécurité sociale. C'est indispensable si l'on veut démocratiser davantage la pratique sportive, et ça l'est d'autant plus que la santé scolaire a les limites que l'on sait et que l'examen de santé publique auquel il est procédé lors de la conscription va disparaître.

La lutte contre le dopage ne saurait être victorieuse sans une véritable médecine du sport. Or celle-ci fait toujours figure de parent pauvre. Faute de structures spécifiques pour les soins aux sportifs -il n'y a que trois centres de santé agréés par la DRASS-, elle se limite à la prévention dispensée dans des centres médico-sportifs mal équipés en personnel et en matériel et pour certains menacés de fermeture. Le budget pour 1999 ne prévoit aucun crédit pour la création ou la rénovation des centres de santé des sportifs.

Il serait opportun de redéfinir les responsabilités financières que doivent assumer dans ce domaine les divers acteurs : collectivités locales, Etat, milieu sportif, assurance maladie.

Il faudrait aussi former les médecins, enfin, à cette véritable spécialité qu'est la médecine sportive, par exemple en instituant une spécialisation de trois ans, en option, au cours du troisième cycle des études médicales, comme cela existe dans d'autres pays européens. Il est urgent que le ministère de la jeunesse et des sports entame des pourparlers sur ce sujet avec le ministre de l'éducation nationale qui envisage actuellement de réformer les études médicales et de créer de nouvelles filières spécifiques -parmi lesquelles ne figure pas la médecine sportive.

Malgré les imperfections, qui seront certainement corrigées par des amendements, ce projet de loi constitue une avancée et contient d'excellentes mesures. Nous vous félicitons, Madame la ministre, de votre détermination à rendre au sport sa pureté et à en faire de nouveau un modèle pour les jeunes et moins jeunes. Les députés communistes voteront donc ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Edouard Landrain - En 1989, déjà, nous débattions d'une loi sur la prévention et la répression du dopage. Nous avions alors le sentiment du travail bien fait, mais quelques doutes demeuraient. Hélas, nos craintes étaient justifiées. Vous me pardonnerez de vous relire ce que je disais alors : "Cette loi est bonne, mais on cherchera à la contourner ; les "sorciers du sport" la guettent et trouveront la faille ! (...) L'espoir des jeunes ne peut, ne doit pas reposer sur les recherches pharmaceutiques ou pire, bientôt génétiques ! On doit punir les vrais coupables, tous ceux qui, délibérément, intoxiquent et assassinent notre jeunesse ! Il convient sans doute aussi d'apprendre à pardonner aux athlètes, souvent davantage victimes que coupables".

Dix ans bientôt et les choses ont continué comme nous l'avions prévu : la pharmacie, la chimie sont allés plus vite que les décrets d'application et les bonnes intentions. Nous voici donc encore face au même terrible problème.

A l'évidence, nous sommes tous coupables : politiques, parents, éducateurs, médias, journalistes, professionnels du sport. Vaincre, triompher, être le premier, réussir, dominer, dépasser l'autre sont les slogans à la mode. Nos enfants sont élevés dans le mythe du plus fort. "Seule la victoire est belle", leur dit-on : odieuse formule !

Pour l'oublier, nous avons besoin de la loi. Encore faut-il que la loi soit suffisamment intelligente et contraignante et qu'elle soit appliquée dans toute sa rigueur. Encore faut-il qu'elle soit accompagnée d'éducation morale et citoyenne.

Tout le monde semble d'accord pour ne pas se doper mais à condition que le voisin fasse de même ! Prendre des herbes, des plantes, de l'alcool, des recettes miraculeuses, cela se fait depuis l'Antiquité. Mais depuis trente ans, le dopage systématisé s'est mis en place. On en est à la troisième loi et rien n'a changé sauf les produits utilisés.

On frissonne de terreur quand on entend Gérard Dine, président de l'institut de biologie de Troyes, dire : "Avec les thérapies cellulaires et génétiques, nous pourrions aboutir, dans 10 ou 15 ans à la modification totale de la physiologie des sportifs de haut niveau. Ils ne ressembleront plus alors aux gens qui les regardent à la télévision !" Et il s'interroge : "Est-ce cela que nous voulons ?"

Alexandre de Mérode rappelle que le CIO a construit le système sur trois principes fondamentaux : la protection de la santé de l'athlète ; la défense de l'éthique médicale et de l'éthique sportive ; le maintien des chances égales dans la compétition. C'est à partir de ces trois principes que la fameuse liste des produits interdits a été mise en place : tous les produits qui y figurent sont dopants dès lors qu'ils vont à l'encontre de l'un des trois.

Le Comité international olympique et les grandes fédérations internationales doivent cependant exprimer clairement leur volonté d'harmonisation dans le domaine de lutte contre le dopage. Leur détermination à éradiquer le mal sera décisive.

De même, les recommandations du Conseil de l'Europe, calquées sur celles du CIO, pourraient très vite être transformées en directives européennes (Approbation sur tous les bancs). Car si la France est seule à prendre des décisions, il est à craindre qu'elle ne pénalise que ses propres sportifs et son économie sportive, au bénéfice des pays voisins.

Depuis l'adoption de ce texte par le Sénat, bien des choses se sont passées, notamment cet été. Et nous devons presque réécrire totalement le texte du Sénat.

Cette loi ne sera efficace que si nous savons informer, éduquer, punir. Il faut informer le monde sportif et les jeunes en particulier, à l'école, dans les clubs. Il faut aussi responsabiliser les parents qui fournissent parfois eux-mêmes des produits dopants à leurs enfants, et mieux former les professionnels de santé intervenant dans le sport. Ne nous leurrons pas cependant : seule une répression sévère pourra être dissuasive. Soyons sans pitié pour les fabricants qui assassinent notre jeunesse quand ils permettent que des médicaments puissent être délivrés dans un autre but que celui pour lequel ils ont été créés.

Les fournisseurs, ces dealers, ces gourous, tout ce monde interlope, doivent être impitoyablement poursuivis (Approbation sur tous les bancs).

Ne ménageons pas non plus les sponsors, dont l'argent est fondamental pour le sport. Ils se rendent compte aujourd'hui que le dopage ternit leur image. S'ils veulent vraiment que le sport soit exempt de toute déviance, ils doivent adopter une charte de bonne conduite. Ils ont les moyens, s'ils le veulent, de combattre le dopage et ce dans leur intérêt. S'ils ferment les yeux et laissent faire, qu'ils soient, eux aussi, poursuivis !

Il faut aussi montrer à nos jeunes de quoi nous les protégeons. A cet égard, le budget de la jeunesse et des sports est ridiculement bas et les sommes destinées à la lutte contre le dopage insuffisantes. L'Etat doit jouer son rôle de protecteur de la jeunesse et de sa santé.

Des moyens puissants sont nécessaires, comme dans la lutte contre le cancer, car le dopage est un cancer.

Montrons à notre jeunesse, qui est en danger, la vérité. N'hésitons pas à lui montrer la déchéance physique des plus grands champions ! N'hésitons pas à dévoiler le taux anormal de décès prématurés chez les sportifs de haut niveau qui se sont dopés ! N'hésitons pas à montrer pour faire peur !

Tous les médias, notamment la télévision et les chaînes publiques en particulier, devront se mobiliser. Nous avons déposé un amendement en ce sens. Les médecins du sport et les médecins scolaires devront également être sensibilisés. La lutte contre le dopage doit devenir cause nationale, à l'instar de la lutte contre l'alcoolisme ou le tabagisme. Pour qu'elle soit vraiment efficace, une harmonisation sera nécessaire sur le plan européen d'abord, puis mondial.

Il faudra aussi réduire le nombre de compétitions sportives qui contraint les sportifs à naviguer entre l'extrême et l'excès. En 1905, Petit-Breton courait 25 jours par an, en 1946 Robic 65, en 1980, Hinault 250 et aujourd'hui ?

Le héros sportif attesterait par ses performances de la possibilité de devenir surhomme. Mais dès lors qu'il est adulé par des millions de fidèles, ignorants des risques qu'il court, ne peut-on parler de dopage des masses ? C'est ce que se demande Henri Batevin, rédacteur en chef de la revue Etudes. Oui, nous sommes tous des dopés en puissance, nous sommes tous coupables. Le culte de la performance se généralise : tentatives de procréation chez des femmes ménopausées, clonage, Viagra ... Le monde est devenu fou !

Mais bien souvent les sportifs ne font qu'utiliser des produits présentés comme indispensables, spécialement concoctés par des laboratoires qui poussent à la consommation, ou détournés de leur fonction première comme l'interleukine, médicament rare, réservée au traitement de certaines maladies sévères, aujourd'hui volée à fin de dopage.

Ayons le courage de compter les morts et protégeons les sportifs, y compris d'eux-mêmes. Une veille médicale constante s'impose pour les sportifs de haut niveau : elle permettra de noter toute modification physiologique brutale laissant à penser que le sportif a pu se doper. Le carnet de santé et demain la carte Sesam Vitale devront être utilisés plus régulièrement. S'ils ne comportent pas les indications nécessaires, l'athlète ne devra pas être admis à concourir. Nous devrons aussi nous interroger sur les conditions d'entraînement de demain : la stimulation électrique pour développer les muscles et les caissons hypobares pour accroître la quantité de globules rouges, ne constituent-ils pas du dopage ?

Contrairement à ce que prétendent certains, doper n'est pas guérir. Non, le dopage n'est pas le moyen de lutter contre les effets nocifs de la suractivité physique. Limitons plutôt le nombre des compétitions.

Sauvons notre jeunesse ! Dût-on pour cela tuer le champion à ses yeux, lui interdire l'émerveillement. Fondons les bases d'un véritable "autre sport" ! Démythifions le sport actuel pour protéger nos jeunes.

C'est pourquoi le groupe UDF, qui dès le mois de juillet demandait la création d'une commission d'enquête sur le sujet participera, de son mieux, au débat.

Sportifs de base ou de haut niveau, parents, médecins, éducateurs et dirigeants doivent se mobiliser.

Nous autres, politiques, devons tout faire pour que nous puissions gagner, ensemble, dans l'intérêt de notre jeunesse. Donnons-nous des règles mais faisons en sorte qu'elles soient adaptables afin de n'avoir pas en changer trop tôt. Cette loi n'est pas faite seulement pour résoudre les problèmes actuels. C'est une loi pour l'avenir. Réussissons-la tous ensemble (Applaudissements sur tous les bancs).

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 25.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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