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Assemblée nationale COMPTE RENDU ANALYTIQUE OFFICIEL Session ordinaire de 1998-1999 - 41ème jour de séance, 106ème séance 1ère SÉANCE DU MERCREDI 2 DÉCEMBRE 1998 PRÉSIDENCE DE M. Laurent FABIUS SOMMAIRE : QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 1 FUSIONS DANS LE SECTEUR PHARMACEUTIQUE 1 RÉFORME DE L'AUDIOVISUEL 2 ÉCRIT ANTISÉMITE D'UN HAUT MAGISTRAT 3 PRESTATIONS SOCIALES 4 RÉFORME DE LA JUSTICE 4 SOMMET FRANCO-ALLEMAND 5 POLITIQUE DE LA VILLE ET SÉCURITÉ 5 SITUATION AUX COMORES 6 CONJONCTURE ÉCONOMIQUE 6 RÉFORME DE L'AUDIOVISUEL 7 DISCIPLINE À L'ÉCOLE 8 BOGUE DE L'AN 2000 8 PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ (suite) 11 La séance est ouverte à quinze heures. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement. FUSIONS DANS LE SECTEUR PHARMACEUTIQUE M. André Gerin - Le rapprochement de Rhône-Poulenc et de Hoescht est lourd de menaces pour notre industrie et notre politique du médicament. D'autres fusions vont encore avoir lieu. La France et l'Europe en paieront les conséquences : la chimie risque d'être abandonnée, des sites et des activités vont être sacrifiés. Les actionnaires, et particulièrement les fonds de pension américains, attendent des taux de rentabilité de 12, 15, voire 20 % (Exclamations sur les bancs du groupe DL). De telles exigences financières sont incompatibles avec toute ambition industrielle et empêchent le développement des métiers et des savoir-faire. Nous disons "non" à ces fusions. Déjà, la fabrication de certains médicaments de base est abandonnée parce qu'ils ne sont pas assez rentables. Les députés communistes condamnent ces fusions de multinationales, leur préférant la coopération et la mutualisation des moyens dont disposent la France, l'Allemagne et les autres pays européens. Quelle est la position du Gouvernement ? Va-t-il, avec le Parlement, donner des droits nouveaux aux salariés pour leur permettre d'intervenir dans la définition de la stratégie industrielle et financière ? Allez-vous organiser une consultation nationale des salariés et des PME concernées pour s'opposer à cette fusion, qui donnera naissance à un Titanic industriel ? Il en va de l'avenir de notre système de santé. Le Gouvernement devrait examiner les conséquences de telles décisions au plan sanitaire et défendre, avec les droits de la personne et la notion de bien commun, une certaine idée de la France (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste). M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Il faut garder la tête froide. De tels mouvements de concentration affectent de nombreux secteurs, à l'échelle internationale. Vous avez mille fois raison d'affirmer que la logique industrielle ne doit pas disparaître au profit de la seule logique financière. Les deux groupes doivent travailler en synergie. Il ne faut pas que leurs faiblesses s'additionnent, mais qu'ils multiplient les opportunités de développement. On sait l'importance de la recherche dans le secteur pharmaceutique. Le nouveau groupe y consacrera 19 milliards, ce qui va offrir des opportunités formidables à l'industrie pharmaceutique française et européenne. Chaque molécule, en effet, représente des années de recherche et des milliards d'investissements. Le nouveau groupe, qui devra s'efforcer de conquérir de nouveaux marchés, occupera le premier rang mondial pour les vaccins, le deuxième pour les produits biologiques, le troisième pour la cardiologie et le diabète, le quatrième pour les anti-infectieux et les antiallergiques. Le dialogue avec les travailleurs des deux entreprises est nécessaire pour que soit saisie cette opportunité. Le Gouvernement veillera à ce que la recherche demeure intense et à ce que l'emploi soit maintenu. Nous devons avoir une véritable ambition industrielle. Cette fusion profitera à Strasbourg, où sera installé un siège social commun, ainsi qu'à la région lyonnaise, qui vous est légitimement chère et où l'agrochimie doit se développer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). M. Christian Kert - Madame le ministre de la culture et de la communication... Plusieurs députés RPR - Laquelle ? M. Christian Kert - ...le groupe UDF m'a chargé de vous assurer de sa compassion (Rires sur les bancs du groupe socialiste ; approbation sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). En effet, votre situation n'est pas facile. On vous a d'abord imposé un ministre virtuel de la communication, Mme Bredin, pour revoir votre projet. Comme c'était impossible, le projet auquel vous vous consacrez depuis dix-huit mois a été retiré hier par le Premier ministre, dans des conditions sans précédent (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste), et au mépris du travail accompli par notre Assemblée ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) Pourtant, le contenu de ce projet nous avait été présenté ici-même par le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale. Mon groupe trouve un peu facile qu'on vous fasse porter seule la responsabilité des hésitations et des reniements du Gouvernement. Puisque ce matin, vous avez déclaré que vous étiez toujours en charge du dossier, le Gouvernement compte-t-il déposer un projet pour financer nos chaînes publiques sans taxer le téléspectateur, pour suivre les évolutions technologiques et garantir l'impartialité politique de l'audiovisuel public ? Et trouverez-vous une majorité pour voter un tel projet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR) M. le Président - La parole est à Mme Trautmann, ministre de la culture et de la communication (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication - N'ayez pas de doutes sur la motivation de la majorité à adopter un projet qui, centré sur les programmes, renforce notre audiovisuel public et lui garantisse ses ressources. Vous ne l'aviez jamais fait ! En 1997, il manquait 150 millions à France 2 et à France 3, et 140 millions à Arte et à la Cinquième. La France ne respectait plus ses engagements à propos de la chaîne culturelle franco-allemande. Les téléspectateurs approuvent la réforme en cours. Il nous faut réussir la révolution technologique et satisfaire davantage les téléspectateurs en leur proposant plus de programmes pour les familles, pour la jeunesse, et des programmes de qualité. Ce n'est pas votre groupe, mais ceux de la majorité qui ont contribué à enrichir le projet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Ce texte est maintenu. Il est complété par l'engagement pris par le Gouvernement de compenser à hauteur de 2,6 milliards les exonérations de redevance. C'est une première. De la compassion, j'en ai surtout pour la manière dont, par le passé, vous avez songé à financer l'audiovisuel public. Je me réjouis de pouvoir compter sur les défenseurs, et non les casseurs de l'audiovisuel public ! (Mmes et MM. les députés socialistes se lèvent et applaudissent) ÉCRIT ANTISÉMITE D'UN HAUT MAGISTRAT M. Bernard Grasset - Madame le Garde des Sceaux, c'est avec consternation, colère et dégoût que j'ai appris la publication, dans la revue d'un syndicat jadis bien représenté dans les cabinets ministériels, d'un article nauséeux signé d'un haut magistrat et dirigé contre un de ses collègues, déjà attaqué par l'extrême-droite. Des jeux de mots tels que celui qui conclut l'article en question ont déjà été condamnés. Ils sont indignes d'un citoyen. Ils le sont encore plus venant d'un magistrat chargé de dire le droit (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV, et sur plusieurs bancs du groupe du RPR). Jadis, dans mon école, j'avais deux amis de mon âge qui ne s'appelaient pas Levy mais Mossé : ils sont partis en empruntant le chemin évoqué par ces ignobles propos. Ne serait-ce que pour eux, je souhaite que de tels écrits ne restent pas impunis et vous demande, Madame le Garde des Sceaux, d'en saisir le Conseil supérieur de la magistrature (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe RCV et sur plusieurs bancs du groupe du RPR). Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Un haut magistrat, avocat général à la Cour de cassation, a en effet tenu des propos scandaleux dans la revue de l'association professionnelle des magistrats. En conclusion d'un article désobligeant pour M. Albert Levy, récemment encore substitut à Toulon, il a écrit : "Tant va Levy au four... qu'à la fin il se brûle" (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Dès que j'ai eu connaissance de ce texte, j'ai été comme vous saisie d'indignation. Mon premier mouvement a été de prononcer la suspension immédiate de M. Terrail (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe RCV et sur plusieurs bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF). Mais la procédure exige pour cela l'avis préalable du chef de Cour, en l'occurrence le procureur général près la Cour de cassation, et du Conseil supérieur de la magistrature. J'ai donc jugé plus rapide de saisir directement ce dernier -ce que j'ai fait hier après-midi- afin d'avoir son avis sur les sanctions disciplinaires qu'il estime le plus appropriées, dans le respect, bien entendu, des droits de la défense. Le fait que M. Terrail soit un haut magistrat, avocat général à la Cour de cassation, c'est-à-dire la cour chargée de dire le droit, constitue à mes yeux une circonstance aggravante. De son côté, le Parquet de Paris a ouvert hier après-midi une enquête préliminaire afin de voir si des poursuites pénales au chef d'injures raciales sont juridiquement possibles à l'encontre du rédacteur de l'article et du directeur de la publication. Le Parquet appréciera ensuite l'opportunité d'engager des poursuites. Cette enquête préliminaire ne fait pas obstacle à ce que M. Albert Levy se constitue partie civile. S'il le souhaite, sa protection juridique pourra être, comme il est d'usage en pareil cas, assurée par le Garde des Sceaux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe RCV et sur de nombreux bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF). Le 16 juillet dernier, dans une circulaire au Parquet, je rappelais combien il est important de réprimer ce type d'infractions, qui a tendance à augmenter. J'ai confiance en notre système judiciaire pour cela et les nombreux témoignages que j'ai reçus montrent que la quasi-totalité de nos magistrats sont aussi indignés que je le suis et que l'est, je pense, l'ensemble de la représentation nationale (Applaudissements sur tous les bancs). M. Robert Gaïa - Je me réjouis que l'ensemble de la représentation nationale se montre solidaire de M. Albert Levy. De nombreuses personnes viennent se plaindre dans nos permanences des pratiques de certaines caisses d'allocations familiales qui, après avoir poursuivi des versements à des allocataires dont la situation s'était modifiée, récupèrent les trop-perçus de façon aveugle et abrupte, allant parfois jusqu'à saisir la totalité du revenu de ces personnes, ce qui peut en plonger certaines dans des difficultés inextricables. Ces caisses devraient pourtant se montrer indulgentes parce que la réglementation des prestations familiales peut être complexe et que les intéressés sont souvent en grande difficulté. Elles ne sauraient en tout cas ajouter de l'exclusion à la précarité, elles n'ont vraiment pas vocation à créer elles-mêmes de l'exclusion ! Nous avons voté une loi pour prévenir ce type de situations. Quelles mesures peut-on donc prendre rapidement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville - L'article 129 du projet de loi contre l'exclusion empêche les saisies que vous dénoncez. Les décrets nécessaires à son application sont sur le point d'être signés : ils seront soumis à la Caisse nationale des allocations familiales et soulageront ensuite bien des souffrances sociales. En ce qui concerne les indus, des mesures avaient bien été votées en 1994 par la précédente majorité. Malheureusement, les décrets d'application n'ont pas suivi. Le Gouvernement s'engage lui, à les publier en même temps que ceux cités plus haut. Vous avez raison de souligner la complexité de certaines règles d'attribution des prestations sociales. Mme Aubry fera des propositions à ce sujet lors de la prochaine conférence familiale et j'espère que l'Assemblée nationale en tirera des conclusions positives (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. André Vallini - L'Elysée a fait savoir ce matin par un communiqué de presse que le Président de la République souhaite que les projets de loi sur la présomption d'innocence et l'action publique en matière pénale soient votés par le Parlement "le plus vite possible afin de débloquer la révision constitutionnelle nécessaire à la réforme du Conseil supérieur de la magistrature". Cette prise de position est pour le moins surprenante (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR). En effet, la révision constitutionnelle est prête puisque le texte a été voté en termes identiques -ce ne fut pas facile- par l'Assemblée nationale et le Sénat : il suffit donc aujourd'hui au Président de la République de convoquer le Parlement en Congrès à Versailles. La démarche n'est donc en rien tributaire de l'adoption des deux projets que j'ai cités, lesquels n'ont d'ailleurs pris aucun retard puisqu'ils ont été adoptés par le conseil des ministres, approuvés par le Président de la République et déposés sur le bureau de l'Assemblée nationale. Leur adoption est prévue courant 1999. Ces textes importants et complexes nécessitent un examen approfondi par les deux assemblées. On ne saurait le bâcler, comme semble le souhaiter le Président de la République (Protestations sur les bancs du groupe du RPR). Dans ces conditions, on comprend mal la position du Président de la République ; pourquoi freiner une réforme qu'il a appelée de ses voeux ? (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Il faut que le Président de la République se décide à être clair dans sa volonté et cohérent dans sa démarche (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Plusieurs députés RPR - Le Règlement ! M. André Vallini - Car de deux choses l'une : soit le Président de la République souhaite sincèrement la réforme de la justice et il doit résister aux pressions de ses amis politiques, soit il ne s'agit pour lui que d'une posture qui ne pourra cacher longtemps son soutien implicite aux conservateurs (Vives protestations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). Quelle est la position du Gouvernement à ce sujet ? Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - La réforme de la justice comporte trois volets indissociables : rapprocher la justice des citoyens, augmenter les protections en matière de libertés individuelles et accroître les garanties relatives à l'indépendance des magistrats du Parquet. Cette réforme avance. Sur cinq textes, trois sont aujourd'hui achevés -c'est le cas du projet de loi constitutionnelle qui a été voté le 18 novembre dans les mêmes termes par les deux assemblées-, soit très avancés -c'est le cas du projet de loi sur l'accès au droit et de celui sur la simplification des procédures pénales. Deux restent à examiner mais ont été approuvés en conseil des ministres : celui sur la présomption d'innocence et celui sur les rapports entre chancellerie et parquet qui ne pourra être débattu qu'après la révision constitutionnelle. Plusieurs députés RPR et UDF - Mais non ! Mme la Garde des Sceaux - J'ai souhaité que le Président de la République clarifie sa position (Vives protestations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). Ce matin, il a réaffirmé au Premier ministre qu'il était d'accord non seulement avec la réforme globale mais aussi avec chacun des textes la composant. Et il a souhaité que cette réforme aille à son terme dans les meilleurs délais. Alors, Messieurs de l'opposition, je me tourne vers vous : oserez-vous vous opposer plus longtemps à une réforme voulue par le Président de la République et par le Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV ; "Hou !" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) M. Jean Espilondo - Le 72ème sommet franco-allemand s'est achevé hier à Postdam dans une ambiance très chaleureuse et amicale. Nos deux pays souhaitaient que ce sommet soit celui de la relance du couple franco-allemand, dont les initiatives ont souvent été, dans le passé, au coeur des avancées européennes. Les sujets ne manquaient pas : négociation de l'Agenda 2000, défense européenne, industrie aéronautique, réforme du système monétaire international, Europe sociale et de l'emploi. Avec l'arrivée au pouvoir de M. Schröder, le couple franco-allemand pourra-t-il retrouver son rôle moteur malgré certains sujets de divergence, tels que la répartition des charges financières entre les Etats membres ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Lionel Jospin, Premier ministre - A Potsdam, où la culture française rayonna au XVIIIème siècle, et où se solda une partie des comptes tragiques de la seconde guerre mondiale, nous avons tenu un très bon sommet franco-allemand. Cela est dû à la force des relations entre nos deux pays, à la capacité du Président de la République, du Premier ministre et des membres du Gouvernement de travailler avec nos partenaires, quelle que soit la configuration politique -hier avec M. Kohl, aujourd'hui avec M. Schröder-, et aussi au fait que les contacts sont aisés quand les convictions sont communes et la volonté de relance partagée. Il a donc été possible d'avancer. D'abord, nous allons relancer la dynamique sur les grands objectifs communs : priorité à la croissance économique, volonté de coordonner les politiques économiques, importance donnée aux questions sociales, volonté d'harmonisation sociale et fiscale. Mais la relance concernera aussi les relations bilatérales et les ministres des affaires étrangères ont été chargés de proposer des réformes structurelles. En outre, s'est manifestée une capacité nouvelle de recherche de compromis sur des questions où les intérêts ne s'accorderaient pas spontanément. Nous avons répété à M. Schröder que nous souhaitions voir l'Agenda 2000 aboutir sous la présidence allemande et que cela suppose qu'on mette tous les problèmes sur la table et que l'on arrive à un compromis : cette démarche réaliste a été comprise. J'en ai profité pour poser, avec le Président de la République, certaines questions importantes, notamment celle du nucléaire civil à l'heure où l'Allemagne vient de décider une inflexion importante de sa politique, ainsi que celle de l'aéronautique et de l'espace. Ce fut donc un bon sommet, constructif et dynamique : sans que nous voulions nous enfermer dans la relation franco-allemande, nous pouvons affirmer que le "moteur" dont vous parliez, Monsieur le député, a bien été remis en route (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). POLITIQUE DE LA VILLE ET SÉCURITÉ Mme Chantal Rodrigo - Le budget de 1999 atteste la volonté du Gouvernement de donner un souffle nouveau à la politique de la ville et de se mobiliser pour combattre l'exclusion et assurer l'égalité devant l'accès au service public. L'Etat doit assumer ses missions de service public, d'éducation, de justice et de sécurité. A Tarbes existe une petite et moyenne délinquance bien réelle : or la sécurité est le socle nécessaire à l'exercice des libertés, c'est un droit fondamental pour chaque citoyen et une dimension essentielle de la politique de la ville. Vous avez déclaré, Monsieur le ministre de l'intérieur par intérim, qu'il fallait renforcer et adapter les conseils de prévention de la délinquance et un contrat local de sécurité est en cours d'élaboration pour la ville de Tarbes. Mais il ne concerne pas le reste du département. Or le conseil départemental de la prévention de la délinquance dispose de moyens réduits et il se réunit seulement une fois par an. Pouvez-vous rappeler dans quels cadres s'élaborent les contrats locaux de sécurité ? Que ferez-vous pour renforcer les moyens des acteurs de la prévention dans le cadre de la politique de la ville ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim - La politique de sécurité fait partie intégrante de la politique de la ville et c'est à ce titre que nous avons engagé la réalisation des contrats locaux de sécurité -140 ont déjà été signés avec des communes ou des ensembles de communes. Ces contrats répondent à quatre objectifs : prévenir la délinquance ; dissuader grâce à la présence de forces de police ; réprimer -ce qui est le rôle de la justice ; enfin, réparer ce que les victimes ont subi. Un tel contrat devrait être bientôt signé à Tarbes. Par ailleurs, je compte bien relancer, avec mon collègue Bartolone, les conseils de prévention de la délinquance -il ne s'agit pas d'opposer prévention et répression, mais de mener une politique d'ensemble avec tous les acteurs. Et je rappelle qu'entrera bientôt en application ce que M. Gayssot et moi-même avions annoncé, l'aggravation des sanctions pour les actes de délinquance commis contre les agents de transports en mission de service public : cela devrait être un élément important de la sécurité de nos villes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Elie Hoarau - Chaque semaine, de nouveaux drames se jouent dans l'archipel des Comores : des centaines d'habitants d'Anjouan partent pour Mayotte sur de frêles embarcations. Certains y parviennent -et leur accueil pose bien des problèmes- mais beaucoup périssent en mer. La loi des passeurs est cruelle : la gendarmerie a repéré par exemple un bateau grâce aux cris d'une femme dont les enfants avaient été jetés à l'eau parce qu'ils étaient trop bruyants. La situation des Comores est délicate, mais le Gouvernement français ne peut s'en désintéresser, car la France a des responsabilités. L'heure n'est-elle pas venue de prendre une initiative humanitaire pour mettre fin à cette situation dramatique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie - Le Gouvernement suit avec attention l'évolution de la situation, en particulier depuis que, l'été dernier, s'est produite l'explosion sécessionniste d'Anjouan. Lors du sommet franco-africain, je m'en suis entretenu avec le président comorien par intérim, qui a déjà pris certaines mesures positives, désignant comme Premier ministre le chef de l'opposition et levant l'embargo sur les personnes et les biens à destination d'Anjouan. Cette île, s'étant sentie oubliée de Moroni, était tentée de se rapprocher de Mayotte, mais la France n'est évidemment pas impliquée dans le mouvement sécessionniste. Elle tient à l'intégrité du territoire comorien et j'appuie l'offre de médiation de l'OUA et de la Conférence inter-îles qui va se tenir prochainement. Elle est prête à aider le président comorien à explorer les voies constitutionnelles permettant de résoudre la crise. Elle est prête, enfin, à soutenir un plan de reconstruction et de développement qui apporterait une solution durable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Georges Colombier - Vous allez répétant, Monsieur le ministre de l'économie et des finances, que tout va bien, qu'il faut seulement passer un trou d'air. Pourtant, les indicateurs passent au rouge : la production industrielle a reculé d'un point en septembre et la consommation a baissé de 0,7 %. L'investissement, selon une étude récente de l'INSEE, ne progressera pas de 8 % l'an prochain, mais stagnera, car les entreprises, dont les carnets de commandes se dégarnissent, réduiront leurs dépenses d'équipement. La croissance du PIB lui-même s'affaiblit : d'un rythme trimestriel de 0,8 % en début d'année, nous sommes passés à moins de 0,5. Tous les instituts de conjoncture ont revu leurs prévisions à la baisse pour l'an prochain, et le maintien, par le Gouvernement, de sa prévision de 2,7 % confine à l'obstination. Cet optimisme berce les Français d'illusions, mais le réveil sera douloureux. Le Gouvernement est-il disposé, pour éviter la réédition du scénario-catastrophe de 1993, à refaire sa copie budgétaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et sur plusieurs bancs du groupe RPR et du groupe UDF) M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Sachons d'abord d'où nous partons. L'année 1998 aura été la meilleure, sans doute, de la décennie, avec une croissance supérieure à 3 %, supérieure à la moyenne européenne, et un déficit inférieur, de ce fait, à ce que nous avions prévu, ainsi que le fera apparaître le collectif de fin d'année. Il y a eu, cependant, une grave crise financière en septembre-octobre, la plus grave depuis des décennies selon certains observateurs, et ses conséquences sur le moral des chefs d'entreprise ont été plus fortes, sans doute, que l'on ne pouvait s'y attendre. Doit-on s'en inquiéter ? S'en soucier, assurément, mais il convient, avant de se prononcer, d'en savoir un peu plus. Les enquêtes dont vous parliez ont été réalisées, en effet, au creux de la crise financière. En outre, le déstockage du troisième trimestre explique sans doute en partie l'atonie relative des commandes, laissant espérer un rebond l'an prochain. Quant à l'environnement international, il est moins mauvais qu'il n'a été : l'Asie se redresse, le dollar remonte, mais les prévisions, c'est vrai, ne sont pas excellentes en Allemagne et en Grande-Bretagne. Enfin, le principal moteur de notre croissance, à savoir la consommation intérieure, suit un rythme annuel de 3,7 %, notamment grâce aux créations d'emplois et au surcroît de revenu qu'elles entraînent. Le devoir de vérité s'impose à chacun, et celui du Gouvernement est de ne pas se laisser aller au catastrophisme. Nous ne sommes pas entièrement sortis de la crise, mais nous devons conserver l'objectif que nous nous sommes fixé. Il appartient au Gouvernement, aux entreprises qui veulent continuer d'investir, aux ménages dont la consommation traduit le sentiment de confiance, d'y contribuer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Renaud Muselier - La tradition de notre Assemblée est de ne pas mettre en cause le Président de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL, exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Mme Nicole Bricq - Vous avez la mémoire courte ! M. Renaud Muselier - Un député et un membre du Gouvernement ont dérogé à cette tradition, et je le regrette (Mêmes mouvements). Ma question porte sur la réforme de l'audiovisuel public. Présentée une première fois par Mme Trautmann l'an dernier, elle a fait l'objet d'une nouvelle mouture en janvier, puis à nouveau en septembre, avant que le Conseil d'Etat ne souligne, en novembre, que le projet du Gouvernement portait atteinte aux libertés publiques et présentait un risque d'inconstitutionnalité (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Mme Odette Grzegrzulka - Faux ! M. Renaud Muselier - A la suite de cela, une mission a été confiée à Mme Bredin pour "épauler" Mme Trautmann, et le résultat ne s'est pas fait attendre : l'examen du projet a été reporté. C'est le résultat de la méthode Jospin : pas de financement, pas d'ambition, pas de réforme de fond (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Nous attendons avec impatience le prochain épisode de ce feuilleton qui dure depuis dix-huit mois. Le Gouvernement est-il en mesure de fixer un calendrier précis ? Le prochain texte se limitera-t-il toujours au financement de l'audiovisuel public, oubliant de traiter des questions cruciales comme celle du satellite ? Pourquoi avoir retiré un projet qui, selon Mme Trautmann, était parfaitement au point ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) M. Lionel Jospin, Premier ministre (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) - Mme Trautmann aurait pu répondre elle-même à votre question, mais vous avez choisi de l'élargir à la méthode même du Gouvernement, et c'est pourquoi je vous réponds en personne. Quant à la tradition que vous avez cru devoir invoquer, il me semble que nombre de vos amis, sous de précédentes législatures et vis-à-vis d'un autre président de la République, s'étaient livrés à des mises en cause autrement plus violentes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV ; interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) De nombreux députés RPR, UDF et DL - Rocard ! Rocard ! M. le Premier ministre - Mme Guigou a mis en lumière une contradiction un peu cruelle, et ce que nous regrettons, ce n'est pas l'opposition d'une certaine personne qu'il ne conviendrait pas de mentionner ici, mais l'hostilité de l'opposition parlementaire à un projet auquel le président de la République a dit apporter son soutien (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Il y a, dans la vie politique et parlementaire, des moments plus ou moins faciles. Pour prendre quelques exemples, le retard du Pacs s'explique essentiellement par l'obstination dans l'obstruction et par le choix de l'opposition de confier son discours, sur les problèmes de société, à une députée marginale par ses positions et outrancière dans son expression (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; vives protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; Mme Christine Boutin se lève de son banc). S'agissant de la réforme de la justice, c'est vous-mêmes qui vous opposez à un projet qu'approuve le Président de la République. Quant à la réforme de l'audiovisuel (Interruptions et claquements de pupitres sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), notre objectif est clair : créer un grand pôle public, assuré de financements pérennes. Nous voulons nous donner le temps de le faire, car il y a deux façons d'agir : il y a ceux qui disent "je suis droit dans mes bottes" et ceux qui préfèrent, pour avancer, être souples dans leur action (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; la plupart des députés du groupe UDF et du groupe DL et plusieurs députés du groupe RPR quittent l'hémicycle en protestant avec véhémence). M. Lionnel Luca - Le groupe RPR est choqué par les attaques systématiques contre le chef de l'Etat (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV) et par la volonté du Premier ministre de se poser en s'opposant à un président de la République élu au suffrage universel (Mêmes mouvements). Nous attendons une réforme globale de la justice et ne sommes nullement en contradiction avec le chef de l'Etat. Ma question porte sur un tout autre sujet. Le 5 octobre, un instituteur de Rouen, tentant de neutraliser un élève qui en agressait un autre, lui a donné trois coups de pied aux fesses. La mère ayant porté plainte, il se trouve traduit en conseil de discipline et risque la révocation. En d'autres temps, c'est l'élève qui serait passé en conseil de discipline. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, qui n'avez eu de cesse d'adresser aux enseignants des critiques aussi désobligeantes qu'injustes, allez-vous enfin leur apporter le soutien qu'ils méritent dans leur mission éprouvante face à des enfants qui n'ont plus les repères que donnait autrefois la famille ? Saurez-vous leur rendre l'hommage que leur doit la nation ? Votre ministère va-t-il soutenir cet instituteur digne d'éloge qui n'est coupable que d'avoir protégé un enfant en danger ? Allez-vous encore longtemps désespérer le monde enseignant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - Ségolène Royal et moi-même nous sommes préoccupés de la violence dans les écoles. Nous avons pris des mesures précises pour protéger les enfants victimes ; le silence n'est plus de mise. Nous avons également lancé un plan de lutte contre la violence, pour assurer le calme indispensable au bon déroulement du travail. Je ne veux pas parler du cas précis de la Seine-Maritime -il doit être traité localement par les instances compétentes. Mais il faut rappeler que les enseignants sont de plus en plus confrontés à des difficultés multiples. Leur métier consiste à transmettre leurs connaissances, et faire partager des valeurs. Mais la société demande toujours plus à l'école, rendant encore plus difficile leur tâche. Les problèmes d'indiscipline sont croissants (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR). Je ne veux pas trancher d'en haut, en tant que ministre, mais rappeler à la communauté éducative, en l'occurrence aux instituteurs, que je comprends la complexité, la difficulté de l'exercice de leur métier. Le respect des enseignants est une nécessité absolue pour le fonctionnement de l'école. Nous avons exercé des poursuites dans chaque cas de violence envers des enseignants. La violence doit disparaître de l'école et nous nous y employons (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). M. Pierre Lellouche - Monsieur le Premier ministre, je vous rassure, ma question ne porte ni sur vos dérapages, ni sur les clandestins que vous régularisez, ni sur le Pacs, ni sur vos cafouillages dans l'audiovisuel. Vous êtes au pouvoir depuis dix-huit mois, nous sommes à douze mois de l'an 2000. L'article 21 de la Constitution vous donne une responsabilité exécutive en ce qui concerne la défense nationale. Que faites-vous donc pour que notre électronique de défense résiste au bogue de l'an 2000 ? 80 % des systèmes d'armes modernes dépendent de l'électronique. Selon un rapport de l'UEO, la France a du retard dans sa préparation à l'événement et il y a quelques jours, M. Stauss-Kahn a dit que les avions français ne voleraient pas le 31 décembre 1999. Qu'en sera-t-il des avions militaires et de la situation de notre défense ? (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe du RPR) M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Après que vous avez dit longuement sur quoi elle ne portait pas j'ai compris votre question : les avions militaires voleront-ils après l'an 2000 ? Oui, ils voleront (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe du RPR). La télévision n'est plus là, vous pouvez vous calmer (Nouvelles protestations). J'ai tenu un point de presse sur l'action que nous menons en prévision du bogue de l'an 2000. Bien entendu, ce que nous faisons n'est que la suite de ce que les gouvernements que vous souteniez ont dû commencer bien avant : l'an 2000 était prévisible (Sourires). On agit aujourd'hui pour que ce fameux bogue de l'an 2000 ne cause de dommages ni dans la défense ni ailleurs. Sont en cause tous les éléments dans lesquels une puce électronique joue un rôle, climatisation, ascenseur, digicodes. Beaucoup de compagnies d'aviation comme KLM avaient annoncé que, sans doute, leurs avions ne voleraient pas le jour de l'an 2000. Depuis les services de l'aéronautique civile font savoir qu'il est probable qu'ils seront à jour et que, partout dans le monde, les avions pourront voler. L'important c'est que l'ensemble du pays se prépare, les militaires, l'administration et aussi les entreprises. Les grandes sont prêtes. Je lance un appel à tous les chefs de PME qui n'ont pas encore entrepris l'effort d'adaptation. Il reste un an pour le faire. Le Gouvernement se mobilise massivement sur cette question. M. Pierre Lellouche - Vous ne me répondez pas. M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Je vous réponds. Oui, les efforts nécessaires ont été accomplis et le seront en 1999 pour que l'ensemble des systèmes militaires soient opérationnels en l'an 2000. Il n'y a pas de crainte à avoir. M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement. La séance, suspendue à 16 heures 5, est reprise à 16 heures 25 sous la présidence de M. Cochet. PRÉSIDENCE DE M. Yves COCHET vice-président RAPPELS AU RÈGLEMENT M. Philippe Douste-Blazy - Le Premier ministre vient d'insulter une femme (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). En même temps qu'il insultait l'opposition toute entière et au-delà la représentation nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL ; protestations sur les bancs du groupe socialiste). Manifestement, comme nous l'expliquons depuis le début de sa discussion, le texte que vous nous présentez est mauvais. En outre, nos conditions de travail ne sont pas bonnes et l'on nous refuse la sérénité qui conviendrait à nos travaux. Le résultat est là : un texte qui patine et des mots qui dérapent... Je demande, Monsieur le Président, que l'on rende au Parlement sa dignité et au travail parlementaire sa sérénité. Que le Premier ministre présente ses excuses à l'opposition (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Au moment où le Gouvernement tente de s'approprier le débat sur la parité homme-femme, son chef s'attaque à une femme député (Mêmes mouvements). Que reste-t-il donc de la "méthode Jospin" ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL) Mme la Garde des Sceaux - Je ne peux laisser passer ces propos sans réagir. Le Premier ministre n'a insulté personne (Vives protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). Il a simplement constaté un état de fait : seule une poignée de députés, dont Mme Boutin et MM. Plagnol, Mariani et Accoyer, s'acharne à conduire des manoeuvres d'obstruction sur ce texte... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; vives protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL) et vous, les chefs de groupes et de partis de l'opposition, vous gardez bien de prendre vos responsabilités. Voilà la réalité, Monsieur Douste-Blazy (Mêmes mouvements). M. José Rossi - Je voudrais exprimer l'entière solidarité du groupe DL avec les propos de M. Douste-Blazy et avec Mme Boutin (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR). Son propos a dérangé. Elle n'a pas à s'en excuser car s'il a dérangé c'est qu'il a été entendu. Mme Boutin, comme l'ensemble des députés des groupes UDF, DL et RPR, n'a fait qu'exprimer ses convictions, qui sont différentes des vôtres. Le Gouvernement doit apprendre à entendre ce qui est dit dans cette enceinte. Il doit s'habituer à voir l'opposition jouer son rôle. Depuis quelques semaines, le Gouvernement et sa majorité n'acceptent plus que l'opposition s'exprime (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Le mot "marginal" est insultant. Le Premier ministre doit le retirer. Je demande une suspension de séance (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR). Mme la Garde des Sceaux - Je répondrai à M. Rossi que Mme Boutin se sentirait moins isolée s'il avait été présent cette nuit dans l'hémicycle. Vous n'assumez pas vos responsabilités et laissez trente-quatre députés faire de l'obstruction. Je conçois que Mme Boutin conçoive un certain dépit de son isolement. Mais c'est bien tardivement que vous vous sentez obligés de lui manifester votre solidarité. M. Arnaud Lepercq - Il n'y a pas de "marginaux" au Parlement, mais seulement des représentants du peuple. La séance, suspendue à 16 heures 35, est reprise à 16 heures 45. RAPPELS AU RÈGLEMENT M. François d'Aubert - Rappel au Règlement, fondé sur l'article 58. Le Premier ministre a mis en cause Mme Boutin de manière scandaleuse. Peut-être n'était-ce pas prémédité, mais ces propos étaient injurieux. S'ils avaient été tenus par un parlementaire, ils justifieraient un fait personnel. Ils doivent être retirés. C'est pourquoi le président du groupe UDF a demandé que le Premier ministre ou, en son nom, Mme la Garde des Sceaux présente des excuses. Mme Yvette Benayoun-Nakache - Il fallait être là cette nuit ! M. François d'Aubert - Nous attendons toujours ces excuses ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) D'autre part, Madame la Garde des Sceaux, vous avez mis en cause le président du groupe DL, M. José Rossi. Je ne suis pas sûr que le rôle du Gouvernement soit de faire état de la présence ou de l'absence d'un parlementaire. Vous n'avez pas, Madame, à "faire la pionne" dans cette enceinte ! Mme Béatrice Marre - C'est insultant. Des excuses ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste) M. François d'Aubert - Vous n'avez pas à reprocher à tel ou tel d'entre nous sa présence ou son absence. D'ailleurs, dans l'affaire du Pacs, les absences qui vous ont le plus gênée se sont produites, je crois, sur les bancs de la majorité... (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste) M. Henri Plagnol - Puisque vous m'avez fait l'honneur, Madame la Garde des Sceaux, de me citer parmi les quatre députés "marginaux", seuls responsables selon vous de l'enlisement des débats sur le Pacs, je voudrais dire avec sérénité et gravité que vous avez décidément une bien étrange conception de votre fonction (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). En tant que Garde des Sceaux, vous êtes avant tout garante de la Constitution et du droit. Or le débat sur le Pacs est entaché depuis le début par des violations à l'esprit de la Constitution. Depuis deux siècles, vos prédécesseurs n'ont touché qu'avec une extrême prudence au code civil. Mais vous, vous vous apprêtez à le bouleverser sans la moindre concertation préalable, ce qui explique d'ailleurs que nous en arrivions à cet affrontement passionnel et à cet enlisement que vous déplorez. De plus, après que, pour la première fois dans l'histoire de la Vème République, une exception d'irrecevabilité eut été adoptée sur un texte émanant de la majorité, vous avez laissé redéposer un texte quasiment identique. Quel mépris pour la Constitution et pour notre Assemblée ! Enfin, vous nous reprochez, si je comprends bien, de vous avoir obligée à siéger jusqu'à sept heures du matin. Mais n'est-il pas normal que nous nous préoccupions du sort du plus faible ou des enfants ? Et après cette longue nuit, vous n'avez pas même daigné reporter la séance de la commission des lois prévue pour 9 heures 30 ce matin et à laquelle beaucoup d'entre nous comptaient assister puisque deux textes très importants -celui sur l'accès au droit et celui sur la parité entre hommes et femmes- composaient l'ordre du jour. Est-il vraiment conforme à votre éminente fonction, Madame la Garde des Sceaux, de vous étonner des réactions suscitées par la proposition de loi sur le Pacs et de prétendre qu'une poignée de députés est responsable de la tournure que prennent les débats ? M. Georges Hage - Sénèque, que personne n'accusera de frivolité, a écrit quelque part que le Sénat romain jugeait déplacé que l'on discutât après la dixième heure, soit environ seize heures, de choses sérieuses. Je note cependant que c'est à peu près l'heure à laquelle nous commençons le débat. (Applaudissements) M. Bernard Accoyer - Me fondant sur l'article 58, alinéa 4, du Règlement, je demanderai la parole en fin de séance pour un fait personnel, car j'ai moi aussi été mis en cause par Mme la Garde des Sceaux et ne puis laisser ses propos insultants sans réponse. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion des propositions de loi relatives au pacte civil de solidarité. Après l'art. 515-8 du code civil M. Patrice Martin-Lalande - Notre amendement 723 introduit une procédure judiciaire claire et précise réglant les conséquences de la rupture du pacte. C'est indispensable car le texte initial -"les partenaires déterminent eux-mêmes les conséquences que la rupture du pacte entraîne à leur égard"- n'offre aucune garantie aux enfants ou au partenaire "le plus faible". L'amendement prévoit donc que le juge, en cas d'accord des partenaires, homologue la convention rédigée par eux. A défaut d'accord, l'amendement spécifie le cadre et les objectifs de l'intervention de l'autorité judiciaire. Globalement, il contribue à responsabiliser les signataires d'un pacte en posant des obligations face aux droits. M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois - La question a été réglée par l'adoption de l'amendement 1046. Mme la Garde des Sceaux - Je m'oppose à tous les amendements qui opèrent une confusion entre le Pacs et le mariage. Je ne ferai pas exception à cette règle pour celui-ci. M. Bernard Accoyer - Dussé-je excéder un peu plus Mme la Garde des Sceaux, je ferai observer que l'amendement 1046 ne règle nullement la question de la protection du plus faible et des enfants éventuels. L'amendement de M. Martin-Lalande se justifie donc parfaitement. L'amendement 723, mis aux voix, n'est pas adopté. M. le Président - Compte tenu de la réserve de 27 amendements portant diverses dénominations du pacte civil de solidarité, le vote sur l'article premier est réservé. M. le Président - Nous en arrivons à dix amendements en discussion commune. M. Christian, Estrosi - Vous ne cessez de répéter, Madame la Garde des Sceaux, que vous refusez toute confusion entre le Pacs et le mariage. Mais dans la pratique, vous reconnaissez qu'un célibataire peut adopter, et vous refusez d'inscrire dans le texte qu'un couple de célibataires pacsés ne peut pas adopter ni bénéficier de la PMA. Je propose par l'amendement 188 de préciser que "la conclusion d'un pacte civil de solidarité entre deux personnes de même sexe n'entraîne aucun droit en matière d'adoption ou de procréation médicalement assistée". M. Bernard Accoyer - Je propose par l'amendement 422 l'article suivant : "L'adoption peut être aussi demandée par toute personne âgée de plus de 28 ans et non engagée par un pacte civil de solidarité avec un partenaire de même sexe". Sinon, l'adoption étant permise aux célibataires âgés d'au moins 28 ans, et les "pacsés" restant célibataires, le Pacs autorise l'adoption. Je souhaite que le Gouvernement s'exprime clairement à ce sujet. M. Christian Estrosi - L'amendement 186 est défendu. M. Richard Cazenave - A ce jour, la question de la PMA est réglée, du fait des lois bioéthiques de 1994 -encore que rien n'interdise de les répéter ici. Mais pour l'adoption, les choses sont beaucoup plus floues, ce qui justifie notre inquiétude, et cela d'autant plus que le discours de Mme la Garde des Sceaux a beaucoup évolué depuis le 10 novembre, et que les juges seront sans doute hésitants face à ce Pacs placé à mi-chemin du contrat et de l'institution. Puisque personne ici, à part M. Michel, ne défend l'adoption homosexuelle, j'en appelle à votre conscience, mes chers collègues, interdisez clairement l'adoption aux partenaires homosexuels ayant conclu un Pacs. Tel est l'objet de l'amendement 791. M. Christian Estrosi - Je sais bien que Mme la ministre répète toujours qu'il ne faut pas mettre en parallèle le Pacs et le mariage. Mais il s'agit d'une affaire grave : oui ou non, l'Assemblée nationale refuse-t-elle que les couples homosexuels puissent adopter ? Si elle ne le dit pas clairement, le pays tout entier comprendra qu'elle consent, puisqu'elle ne dit mot. Ce qui s'est passé en Suède invite à la circonspection : alors que le Gouvernement jurait naguère qu'il n'y aurait jamais d'adoption par des couples homosexuels, il a déposé à présent un projet de loi dans ce sens. Il faut donc adopter un de nos amendements, par exemple mon amendement 185. M. Dominique Dord - L'amendement 792 a été signé par 29 députés des trois groupes de l'opposition, c'est dire sa portée symbolique. Il interdit aux partenaires homosexuels d'un Pacs de recourir à la PMA. En effet, l'introduction du Pacs dans notre droit signifie qu'on met fin à la discrimination entre couple homosexuels et couples hétérosexuels : or nous réintroduisons aussitôt une autre discrimination en interdisant l'adoption et la PMA aux seuls couples homosexuels : si cela n'est pas inscrit clairement dans la loi, on peut craindre que la logique de la loi ait vite balayé cette différence. Les lobbies homosexuels sont déjà à l'oeuvre, et qui nous dit que certains tribunaux, la Cour européenne des droits de l'homme, par exemple, ne nous trouvera pas inconséquents et ne nous forcera pas à aller plus vite que nous ne le voulons. Dans nos circonscriptions, même les maires qui vous sont favorables redoutent que ce texte, qu'ils se sentent obligés de soutenir, n'ouvre la voie à l'adoption par des couples homosexuels. Acceptez, de grâce, de préciser qu'il n'en sera rien : au pire, vous aurez écrit quelque chose d'inutile ; au mieux, vous aurez rassuré nos concitoyens ! M. le Rapporteur - Le Gouvernement et moi-même avons déjà répondu à plusieurs reprises, hier comme au cours des séances précédentes. Mme la Garde des Sceaux - Je me suis déjà exprimée par deux fois sur cette question importante. S'il vous déplaît de recevoir toujours les mêmes réponses, cessez de poser obsessionnellement, les mêmes questions ! (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) M. Edouard Landrain - Je n'ai pas le sentiment d'être un obsédé. Je fais partie de ces troupes fraîches que vous attendiez, madame la Garde des Sceaux, en renfort de celles dont vous redoutiez, cette nuit, la fatigue... Si ce que nous disons va de soi, ayez l'intelligence de l'inscrire dans la loi, afin que nous ne soyons pas contraints, demain, d'accepter des dérives aujourd'hui insoupçonnées, que les progrès de la science risquent de rendre inévitables ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UDF, du groupe RPR et du groupe DL) M. Philippe de Villiers - Pour avoir pris part, il y a quelques jours, au débat préalable à la ratification du traité d'Amsterdam, je crois comprendre pourquoi Mme Guigou était si à l'aise pour refuser les amendements de l'opposition sur l'adoption : l'article 13 du traité, que la plupart de nos collègues n'ont pas lu, permettra en effet aux institutions européennes, au nom de la lutte contre les discriminations fondées sur le sexe ou l'orientation sexuelle, de nous obliger à adopter, c'est le cas de le dire, la disposition que le rapporteur a eu l'honnêteté de reconnaître appeler de ses voeux (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Je crains que le Gouvernement ne soit fort hypocrite en la matière, et ne cherche à faire passer en douce l'adoption d'enfants par des couples homosexuels, sans avoir le courage de le dire à la représentation nationale et aux Français. M. Richard Cazenave - Les propos tenus par le rapporteur au début de la discussion du texte ont été assez clairs, me semble-t-il, pour interpeller ses amis politiques, qui devraient, s'ils considèrent que leur rôle ne se limite pas à lever la main quand on le leur demande, avoir le courage de prendre position sur l'adoption par des couples homosexuels. Quant au Gouvernement, force est de considérer que son discours a évolué et laisse hypocritement entrevoir (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) une telle possibilité. Ecrire noir sur blanc que le Pacs n'ouvre pas droit à l'adoption ni à la PMA serait un signal fort adressé aux juridictions, en l'absence de toute jurisprudence. Les amendements 188, 422, 186, 791, 270, 792 et 185, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés. M. Bernard Accoyer - Si le Pacs entre un jour en vigueur, le nombre des naissances hors mariage risque fort d'augmenter sensiblement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Nous regrettons que le Pacs n'entraîne pas présomption de paternité, et proposons, par l'amendement 257, que la filiation des enfants nés de parents "pacsés" soit inscrite sur l'acte de naissance de ces derniers. M. le Rapporteur - Je ne vois pas pourquoi il y aurait, demain, avec le Pacs, plus de naissances hors mariage qu'il n'y en a, aujourd'hui, dans le seul cadre de l'union libre. La filiation figure actuellement sur l'acte de naissance des enfants, mais non pas sur celui de leurs parents. Les notaires, qui ont parfois du mal à retrouver les héritiers des personnes décédées, seraient favorables à ce qu'il en soit ainsi, et la chose peut être envisagée, mais dans le cadre d'une révision d'ensemble du droit de la famille. Mme la Garde des Sceaux - Le Pacs ne concerne ni la filiation ni l'état civil. J'ai créé un groupe de travail sur le droit de la famille, qui traitera, entre autres, de toutes les questions liées à la filiation naturelle. M. Edouard Landrain - Le fait que les notaires se soucient du problème est le signe que quelque chose ne va pas. Nous gagnerions à tenir compte de leur point de vue. L'amendement 257, mis aux voix, n'est pas adopté. M. le Président - L'amendement 813 de M. Tourret tombe. M. Dominique Bord - Je le reprends. Il vise à mettre fin à une inégalité de traitement entre couples homosexuels et hétérosexuels en ce qui concerne le logement. Aujourd'hui, lors du décès d'un des membres l'autre peut se voir signifier qu'il doit quitter le logement. On nous a parfois accusés -et certains de nous en ont été blessés- d'homophobie. Cette disposition est justement intéressante pour les homosexuels. Un cohabitant à charge peut éventuellement rester dans le logement, mais pas celui qui n'est pas à charge. M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement. Il s'agit ici d'une autre logique que celle du Pacs. C'est celle de Mme Théry qui propose de légaliser le concubinage et de donner le droit au mariage aux couples homosexuels. Vous reprenez la seconde de ces propositions. Nous préférons statuer pour tous les couples. Sur le concubinage, nous espérons que la jurisprudence va évoluer. Mme la Garde des Sceaux - L'amendement suit effectivement une proposition de Mme Théry. J'ai déjà expliqué que le Gouvernement soutient le choix du rapporteur en faveur du contrat plutôt que du constat, pour reconnaître des droits à ceux qui vivent ensemble sans être mariés. L'amendement indique que le concubinage se constate par la possession d'état stable et notoire du couple que les concubins soient ou non de sexe différent. Le Pacs supprime aussi toute discrimination entre couples homosexuels et hétérosexuels en ce qui concerne l'organisation de la vie commune. En revanche, la distinction doit subsister en ce qui concerne la filiation, ce qui n'est pas le cas avec le constat. L'amendement ne définit pas la cohabitation stable et durable entre deux personnes. Il pose que le concubinage se constate par la possession d'état de couple. L'article 22-28 du code civil définit la possession comme la détention ou la jouissance d'une chose ou d'un droit. Pour avoir un effet elle doit être continue et non interrompue. La possession d'état n'est utilisée dans le code qu'en matière de filiation. La possession d'état de couple n'existe ni dans le code ni dans la jurisprudence. Un homme marié qui vit avec une autre femme peut être considéré comme le concubin de celle-ci, le concubinage étant fondé sur l'apparence. Si demain le concubinage est fondé sur l'état, il y aura équivoque car cet homme marié forme aussi un couple avec son épouse. Une telle notion poserait plus de problèmes qu'elle n'en résoudrait. M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles - Magistral. M. le Président - Je vois plusieurs demandes de parole. Voici quelques informations sur l'organisation du débat. D'abord, selon l'article 100, alinéa 7, ne peut prendre la parole après le Gouvernement qu'un orateur désirant s'exprimer contre l'amendement, ce qui n'a pas été le cas jusqu'à présent. L'article 56, alinéa 3, donne au Président la faculté de donner la parole à deux intervenants pour répondre à la commission et au Gouvernement. C'est une faculté. M. Jean-Louis Debré - Vous êtes libéral. M. le Président - La présidence de séance apprécie. M. Renaud Donnedieu de Vabres - Vous étiez meilleur que Forni, n'essayez pas de l'imiter ! M. le Président - On ne peut pas dire que l'opposition n'a pu s'exprimer. Jusqu'à ce matin 7 heures, l'examen du texte en séance publique a pris 45 heures 18 minutes. La discussion générale a duré 21 heures 7, la motion de procédure de Mme Boutin 5 heures 26 -pour 5 heures 24 d'inscrits dans la discussion générale-, celle de M. Lenoir 3 heures 19, celle de M. Devedjian 1 heure 22. Nous examinons les articles depuis 24 heures 11 minutes. Je souhaite donc que nous adoptions un rythme normal mais assez soutenu de discussion des amendements. M. Richard Cazenave - Si vous avez la faculté de donner la parole, nous avons celle de demander des suspensions de séance. Nous pouvons jouer. Mais l'esprit qui a toujours prévalu a été de laisser un orateur répondre au Gouvernement et un au rapporteur. Tenons-nous en à cette pratique constante et ne faites pas comme si c'était une concession nouvelle. Si la discussion en séance publique est si longue, c'est que nous avons à faire un travail juridique qui n'a pas été fait en commission. Ce texte est un objet juridique non identifié qui ouvre d'immenses possibilités de conflits. Notre devoir est de protéger le plus faible. Le texte n'a pas été travaillé suffisamment en amont. M. le Rapporteur pour avis - On a travaillé, nous. M. Richard Cazenave - Pour le débat sur l'éthique biomédicale nous avions préparé sereinement la discussion par ce travail en amont. Nous n'acceptons pas de leçons, et de remise en question permanente. C'est à nous tous de gérer cette situation et d'en tirer les conclusions pour que l'Assemblée ne continue pas à fonctionner dans ces conditions. M. le Président - J'en appelais justement à votre responsabilité. M. Richard Cazenave - Notre objectif, déjà poursuivi dans un amendement de M. Albertini que j'avais sous-amendé, est de reconnaître qu'il peut y avoir concubinage de personnes de même sexe. Avec l'adoption de l'amendement 786 en complément, on répondrait parfaitement aux besoins sans entrer dans l'aventure juridique qu'est le Pacs, intermédiaire entre contrat et institution. Peut-être la possession d'état n'est-elle pas le bon moyen de constater le concubinage, mais reconnaître aux homosexuels le droit au concubinage éviterait des débats à l'infini. M. Henri Plagnol - Comme tous ceux de M. Tourret l'amendement 813 est extrêmement intéressant. L'UDF en avait déposé un presque identique en commission, reprenant la solution Théry. Venant de nous, il avait été écarté d'un revers de main. Reconnaître le droit de concubinage aux personnes de même sexe résoudrait 99 % des problèmes. En outre, ce système bénéficierait à tous les couples et non pas seulement à ceux d'entre eux qui cosigneront un Pacs. Or ceux-ci seront sans doute peu nombreux. Je pense notamment que la majorité des couples homosexuels refusera un tel dispositif compte tenu des contraintes et de la publicité qu'il implique comme cela a d'ailleurs été le cas, pour des mécanismes similaires, en Europe du Nord. Cet amendement corrige cette inégalité en apportant une réponse universelle, simple et efficace, aux problèmes des couples. M. Alain Touret - J'ai déposé cet amendement 813 avant d'avoir entendu les arguments développés en commission. Il me paraissait nécessaire compte tenu de la jurisprudence de la Cour de cassation et de la Cour d'appel de Paris fondée sur l'impossibilité de reconnaître des droits aux concubins homosexuels. Comme nous l'a expliqué en commission notre rapporteur, ces juridictions se prononçaient ainsi en raison d'un vide législatif qui sera désormais comblé par la nouvelle définition du couple donnée par le Pacs. J'avais alors indiqué que mon amendement n'avait plus lieu d'être. Je maintiens cette position, confortée par les explications de Mme la Garde des Sceaux. Il n'y a plus d'inquiétudes à avoir. La jurisprudence changera nécessairement compte tenu de la nouvelle définition du couple. Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois - Depuis le début de cette discussion, l'opposition affirme de façon répétée, incantatoire et lancinante, que ce texte n'est pas au point faute d'avoir été préparé correctement. Cette critique est abondamment reprise en dehors de ces murs. Parce que l'Assemblée nationale est un lieu privilégié pour informer nos concitoyens, je tiens à mettre les choses au point. Aucun texte n'a fait l'objet d'études aussi fournies que ce projet. Tous les parlementaires qui s'intéressent à cette question, et l'on en compte sur tous les bancs, savent que depuis près de dix ans, nous réfléchissons comme de nombreux experts et juristes aux problèmes qui se posent aux couples, hétérosexuels et homosexuels, qui ne sont pas reconnus par notre droit. La commission des lois s'est saisie de cette question depuis le début de cette législature et a constitué, autour de MM. Michel et Bloche, un groupe de travail, ouvert à tous les parlementaires, qui a conduit sa réflexion avec beaucoup de compétence et de sérieux et une grande ouverture sur l'extérieur. De nombreux rapports d'experts ont été évoqués, en particulier celui de Mme Théry. Mme la Garde des Sceaux a fort bien expliqué que vient un moment où, après leur avoir accordé la plus grande attention, il nous revient de prendre une décision politique comme nous l'avons fait. Je regrette, en tant que présidente de la commission des lois, que l'opposition ait si peu participé à son travail. Nombreux sont ceux qui nous ont dit très clairement qu'ils réservaient leurs arguments pour la séance publique et qu'ils refusaient de participer au travail mené en amont. Il faut rétablir la vérité. L'opposition a le droit de ne pas adhérer à ce projet. Elle ne peut en revanche donner à croire en dehors de cette enceinte que ce texte n'a pas été préparé (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). M. Claude Goasguen - Nous ne faisons aucun reproche à votre travail, Madame la présidente, ou à celui de la commission. Une approche politique et idéologique, au sens noble du terme, a légitimement présidé à la rédaction de ce projet. Mais vous avez inventé un nouveau dispositif dont il est bien évident que l'intégration dans le droit existant peut créer des difficultés. Nous constatons simplement qu'il aurait donc été nécessaire de consulter des juristes pour "lisser" ce texte, comme l'on dit dans le langage technique, afin de faciliter son intégration dans notre droit. D'une manière générale, il serait d'ailleurs souhaitable que l'Assemblée puisse disposer de l'expertise du Conseil d'Etat pour améliorer sur le plan technique nos propositions de loi. Vous le voyez, la commission n'est pas du tout en cause. M. le Rapporteur - Très bien ! L'amendement 813, mis aux voix, n'est pas adopté. Mme la Garde des Sceaux - Nous avons examiné tous les amendements qui concernaient les modifications apportées au code civil par le Pacs. L'amendement que va nous présenter maintenant M. de Courson porte, comme l'article 2 de ce texte, sur des dispositions fiscales. Je voudrais donc revenir un instant sur l'influence du Pacs sur le code civil qui serait, selon certains députés de l'opposition tels MM. Plagnol et Devedjian, menacé d'être désintégré par le Pacs. Je vous rappelle ce qu'est le code civil. C'est, étymologiquement, le corps des règles qui régissent la vie de nos concitoyens. C'est le code des concepts, de la personne, de la nationalité, du mariage. C'est le code des principes, celui de l'exécution des lois posé par l'article premier, celui de la non-rétroactivité de la loi affirmé par l'article 2. C'est aussi le code de la vie personnelle, des liens personnels, des biens personnels, des lieux personnels, tel le domicile. C'est, enfin, le code de la stabilité des situations juridiques, acquisition, succession et contrat. Toutes ces caractéristiques expliquent que le Pacs ne peut trouver sa place que dans le code civil, par excellence le code de tous les jours. Puisque pas un aspect fondamental de la vie civile ne lui échappe, il est essentiel que le code civil reflète les évolutions de la société. Il est vrai qu'en ce qui concerne le droit de personnes, il traduisait jusqu'au milieu de notre siècle une conception classique peu éloignée de ses principes fondateurs de 1804. Une priorité était donnée au mariage et les relations entre les hommes et les femmes étaient conçues d'une manière inégalitaire avec les notions de chef de famille et de puissance maritale. Une évolution, amorcée au lendemain de la dernière guerre mondiale, s'est accélérée à partir des années 1960. Le code civil a reconnu l'égalité des époux, admis le divorce par consentement mutuel et partagé l'autorité parentale. Depuis 1993, il intègre les dispositions relatives à la nationalité. Il prend également en compte les avancées de la science puisque les principes essentiels de la bioéthique figurent parmi ses dispositions. Il est donc essentiel qu'il intègre un phénomène social aussi important que le concubinage qui concerne des millions de nos concitoyens. Le code civil est un monument juridique mais il ne doit pas être figé. Il est vivant, il a besoin d'évoluer. En outre, il sert à rendre nos règles de droit plus lisibles. Rassemblées dans un même code, elles peuvent être consultées rapidement. En inscrivant le dispositif du Pacs dans le code civil, nous ne faisons que nous conformer au voeu du Président de la République tel qu'il l'a exprimé dans le message qu'il nous a transmis au moment de sa prise de fonctions : "En ce qui concerne votre mission législative, a-t-il déclaré, je crois utile d'opérer un véritable changement de méthode. Les citoyens doivent connaître leurs droits et leurs devoirs. Quant aux dispositions existantes, une remise en ordre s'impose. Il faut codifier et simplifier les normes pour les rendre plus accessibles" (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV). M. Christian Estrosi - Le Président a raison. Vous compliquez le code au lieu de le simplifier. M. Henri Plagnol - L'amendement 786 de mon collègue M. de Courson illustre la volonté de l'opposition de proposer des alternatives simples et concrètes au Pacs. Avec cette maîtrise de la technique fiscale que chacun lui reconnaît, M. de Courson propose d'accorder des avantages aux concubins hétérosexuels avec enfants. Son amendement vise d'abord à préciser quelles conditions de vie commune ouvriraient droit à un abattement fiscal au titre de l'impôt sur le revenu, un des reproches faits à votre dispositif étant d'ouvrir une brèche aux fraudeurs. Il vous est proposé de soumettre le bénéfice de l'avantage fiscal à l'obtention d'un certificat de vie commune délivré à la mairie du domicile. Par ailleurs, cet amendement vise à simplifier le régime des droits de succession en ramenant à deux le nombre des tranches : une de 40 et une de 50 %. De la sorte notre fiscalité sur les successions perdrait son caractère confiscatoire et autoriserait chacun à transmettre son patrimoine à la personne de son choix. Il s'agit donc de moderniser notre droit. M. le Rapporteur - Avis défavorable. Comme tout ce qui vient de M. de Courson en matière fiscale, cet amendement est intéressant, mais il n'a aucun rapport avec ce texte. M. de Courson a d'abord défendu des amendements visant à réserver le Pacs aux couples hétérosexuels. Il propose maintenant de n'accorder qu'à eux un nouveau statut fiscal. Or le Pacs concerne aussi bien les homosexuels que les hétérosexuels. Dans l'article 2, nous avons prévu d'accorder à tous les couples les avantages en question. Mme la Garde des Sceaux - En effet, le texte de la proposition me semble meilleur que celui de l'amendement. M. Dominique Dord - L'amendement de M. de Courson est comparable à celui de M. Tourret, que j'ai repris tout à l'heure. Ils visent tous deux à étendre le dispositif au-delà des seuls signataires du Pacs. Les couples mariés ont des droits. Les homosexuels et les concubins signataires d'un Pacs vont aussi en avoir. Il ne me semble pas injuste que les autres couples, qui refusent de signer un contrat, puissent prétendre eux aussi à certains avantages. L'argumentation du rapporteur et du Garde des Sceaux n'est pas satisfaisante. Ces deux amendements ne sont pas contraires au dispositif, mais ils le complètent. Nous estimons, contrairement à vous, qu'il est inutile de créer une nouvelle formule de contrat. En revanche, certaines situations de fait, qui constituent des réalités sociales, doivent avoir des conséquences juridiques. M. Renaud Donnedieu de Vabres - Notre débat n'est pas exclusivement juridique. Il faut régler des problèmes concrets. Vous créez une institution nouvelle, mais beaucoup de couples n'en voudront pas, la déclaration constituant un obstacle psychologique considérable. Aussi les avantages accordés aux concubins resteront-ils en grande partie virtuels. M. le Rapporteur - Accorder des avantages fiscaux sous la seule condition de vie commune, ce serait prendre le risque d'encourager la fraude. Je préfère que soit exigée la conclusion d'un contrat déposé quelque part, disons au greffe du tribunal d'instance. Vous retrouverez cette argumentation dans un intéressant article paru dans Libération : il est celui de M. Madelin. Nous pouvons débattre des modalités dans lesquelles sera conclu le contrat. Vous souhaitez faire appel aux notaires, comme le préconisait le rapport Hauser. Je veux bien entrer dans ce débat, mais pas dans un autre... Mme Théry, quant à elle, suggérait d'autoriser le mariage homosexuel. Personne n'y a souscrit, ni le Gouvernement ni moi. Vous avez tous reconnu qu'il y avait des problèmes concrets à résoudre. J'espère que notre discussion sera de meilleure qualité que la nuit dernière. J'observe en tout cas que la majorité se montre particulièrement démocratique et ouverte. Si elle avait voulu appliquer strictement le Règlement, elle n'aurait fait parler qu'un orateur contre vos amendements, ce qui aurait obligé le Président à ne donner la parole qu'à un seul d'entre vous repréciser le contenu de vos amendements (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR). Elle ne l'a pas fait jusqu'alors et elle a eu raison. Quand un débat se déroule dans de bonnes conditions, comme cet après-midi, il est utile que l'opposition nous apporte des précisions et nourrisse notre réflexion. Mais si le débat devait de nouveau déraper, nous ferions tout autrement. M. Henri Plagnol - Allez-y ! M. le Président - Monsieur le rapporteur, si un orateur veut prendre la parole contre un amendement, il a de droit la parole, en vertu de l'article 100, alinéa 7, du Règlement. En outre, en vertu de l'article 56, alinéa 3, le Président peut encore donner la parole à deux orateurs, l'un pour répondre à la commission, l'autre pour répondre au Gouvernement. L'amendement 786, mis aux voix, n'est pas adopté. M. le Président - Nous avons beaucoup d'inscrits sur cet article. M. Robert Pandraud - Mais on ne nous a pas distribué les amendements ! M. le Président - Cela va venir et précisément il y a beaucoup d'amendements, de sorte que chacun pourra s'exprimer. Dans ces conditions, certains inscrits sur l'article pourraient peut-être renoncer à prendre la parole. Nous pourrions peut-être nous contenter d'un orateur par groupe... M. Henri Plagnol - Avec l'article 2, nous abordons le volet fiscal de la réforme. Prolongeant le dialogue avec le rapporteur, je voudrais souligner qu'il ne résout nullement le problème de la preuve. Le Gouvernement a en effet renoncé à exiger des couples pacsés la moindre preuve sérieuse d'une vie commune. Dans ces conditions, il deviendra difficile au juge d'exercer son contrôle à ce sujet. Et je crains donc que le système encourage la fraude fiscale. Afin d'y parer, le groupe UDF suggérait que l'on introduise la notion de communauté de vie, plus contraignante que celle de vie commune. Notre rôle de législateur est en effet de veiller à ce que chacun paie les impôts qu'il doit. Dans l'état actuel du texte, le Pacs ouvre la porte à bien des abus et favorisera les riches (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), car ce sont eux qui ont intérêt à l'évasion fiscale. De plus, il ne résout pas le problème des couples qui n'ont pas envie de se pacser et qui préfèrent, pour les raisons chantées par Brassens, ... M. Jean-Claude Lefort - Brassens ne serait pas de votre côté, c'est sûr ! M. Henri Plagnol - ...demeurer dans l'union libre. Inversement, je crains que beaucoup de couples ne "pacsent" que pour des raisons fiscales. Le Pacs deviendra ainsi un simple produit fiscal et viendra un jour où les banques et les compagnies d'assurances l'offriront comme moyen d'échapper à l'impôt -qui est trop lourd dans ce pays. M. Guy Hascoët - Je suis un peu surpris par la conclusion que je viens d'entendre. Quoi, les banques et les compagnies d'assurances voudraient contourner la loi ? Je ne puis le croire... (Sourires sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste) Pour en revenir à l'article lui-même, je trouve quelque peu absurde que l'on demande à des personnes qui ont déjà deux, dix ou quinze ans de vie commune derrière elles -et qui ont parfois des comptes bancaires communs- d'attendre trois ans à compter de la signature d'un Pacs pour bénéficier de l'imposition commune. J'avais donc déposé un amendement tendant à ce que ce droit soit ouvert dès la signature d'un Pacs si les contractants attestent sur l'honneur d'un délai de vie commune supérieure à celui qui est ici exigé. Il n'a pas été retenu, peut-être parce que le ministère des finances a craint un afflux de Pacs coûteux pour les finances publiques. Personnellement, je crois plutôt à son intégration progressive dans les moeurs. Quoi qu'il en soit, je ne redéposerai pas l'amendement mais j'en défendrai un autre tendant à réduire les délais exigés pour que le Pacs produise certains effets juridiques. M. Bernard Birsinger - Ouvrir à des millions de gens qui ne peuvent pas ou ne veulent pas se marier le droit à une imposition commune, très bien, mais pourquoi obliger des contractants à attendre trois ans ? Ce délai témoigne d'une suspicion déplacée à leur encontre. Lorsqu'un homme et une femme se marient, on ne les soupçonne pas de le faire seulement pour des raisons financières ! Il serait donc juste qu'un Pacs produise immédiatement effet. Nous avions déposé des amendements en ce sens mais ils ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 40, sur lequel il y aurait décidément beaucoup à dire. Permettez-moi néanmoins d'évoquer rapidement celui tendant à ce que les délais prévus ne soient pas appliqués pour les couples ayant un enfant reconnu par ses deux parents : une telle situation est en effet un gage de stabilité. Un autre tendait à autoriser l'imposition commune dès lors que deux personnes pouvaient justifier de deux années de vie commune. Nous souhaitons vivement qu'ils puissent être examinés. Pour aller maintenant dans le sens souhaité par M. le Président, je demande, au titre de l'article 57, la clôture de la discussion sur l'article 2. L'Assemblée me paraît en effet suffisamment informée. M. le Président - Vous vous référez sans doute à l'article 57, alinéa 3 : "lorsque la clôture est demandée en dehors de la discussion générale, l'Assemblée est appelée à se prononcer sans débat". Je vais donc consulter l'Assemblée (Protestations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF) . M. Jean-Luc Warsmann - Un orateur peut s'exprimer contre ! M. Bernard Accoyer - Le groupe RPR ne s'est pas exprimé ! M. Jean-Luc Warsmann - Lisez l'article 57, deuxième alinéa, Monsieur le Président ! M. le Président - Cet alinéa concerne la discussion générale : or nous sommes ici sur un article, c'est donc le troisième alinéa qui s'applique. M. Bernard Accoyer - Rappel au Règlement ! M. le Président - Tout à l'heure. Je dois d'abord faire voter sur la clôture. La clôture de la discussion, mise aux voix, est adoptée. M. Bernard Accoyer - Rappel au Règlement. Vous avez tenu tout à l'heure des propos raisonnables, Monsieur le Président. Cet article est important, il va attribuer aux pacsés 8 milliards de francs, cependant que l'on retire 4,8 milliards aux familles... M. le Président - Tenez-vous-en à la procédure et au Règlement, je vous prie. M. Bernard Accoyer - Article 58, 1er alinéa. Vous aviez dit, Monsieur le Président, que chaque groupe pourrait s'exprimer, ce qui était sage. Mais le groupe RPR n'a pu intervenir. Je vous demande de permettre qu'un orateur par groupe puisse prendre la parole sur l'article. M. le Président - Je comprends votre point de vue. Mais un de nos collègues, qui connaît bien le Règlement, a demandé qu'on mette aux voix la clôture du débat. Je l'ai donc mise aux voix, en application du Règlement (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR). M. Dominique Dord - Rappel au Règlement. J'entends bien que notre collègue Birsinger est un expert du Règlement, et je ne conteste pas que vous ayez juridiquement raison, Monsieur le Président. Mais politiquement, c'est inacceptable. Ni le groupe DL ni le groupe RPR n'ont pu s'exprimer. Je voudrais faire écho à ce qu'a dit tout à l'heure M. le rapporteur. Il est vrai que nous nous sommes rudement affrontés sur l'article premier, et c'est normal puisqu'il y avait entre nous une opposition de principe. Néanmoins, le texte a été amélioré, même si le rapporteur et le Gouvernement n'ont pas toujours accordé à nos remarques le prix qu'elles méritaient. Une fois l'article premier adopté, nos débats sont devenus plus cordiaux. Alors, pourquoi recourir à cet article du Règlement qui interdit à deux groupes de l'opposition de s'exprimer ? Pour examiner quelle tonalité donner à la suite de nos débats, je demande un quart d'heure de suspension, afin de réunir les groupes de l'opposition. M. le Président - Je vous accorde cinq minutes. La séance, suspendue à 18 heures 40, est reprise à 18 heures 45. M. Patrick Ollier - Rappel au Règlement ! Je puis comprendre que la majorité s'irrite de voir l'opposition tenter de faire valoir ses arguments (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), mais non pas admettre que, sur un article de cet importance qui met en jeu quelque 8 milliards de francs, la parole ne soit pas donnée à un orateur par groupe au moins. Certes, l'on ne peut faire obstacle à l'application du Règlement, mais la clôture, si elle est prononcée, doit l'être dans des conditions permettant à l'opposition de s'exprimer et au débat de conserver sa sérénité et sa tenue. Si ce genre de méthode doit prévaloir, l'opposition ne se laissera pas traiter de cette façon et saura réagir ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) M. Philippe Douste-Blazy - Contrairement à l'usage constant de notre Assemblée, la discussion générale d'un article important a été interrompue après que trois orateurs seulement se furent exprimés. De mémoire de parlementaire, c'est un fait rarissime. Nous travaillons dans une ambiance déplorable, et je demande à la présidence de réunir le Bureau (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), afin que nous sachions si cette jurisprudence peut se reproduire et, surtout, être opposée à un vice-président issu des rangs de l'opposition (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, exclamations sur les bancs du groupe socialiste). M. le Président - La clôture a déjà été votée par l'Assemblée sur un article du même texte, voici quelques semaines, à l'initiative de M. Hascoët. S'agissant de l'article 2, je propose, étant donné que treize amendements de suppression ont été déposés, qu'un orateur de chaque groupe s'exprime sur l'ensemble de ces amendements, de même que sur chacun des articles suivants et des amendements de suppression qui leur sont attachés (Murmures sur les bancs du groupe RPR, du groupe UDF et du groupe DL). M. Henri Plagnol - Je demande une suspension de séance pour réunir les trois groupes de l'opposition, car votre proposition n'est pas acceptable. M. le Président - Elle me paraît convenable, elle est sérieuse en tout cas. M. Dominique Dord - Elle le serait si nous avions pu nous exprimer sur l'article (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), mais vous ne pouvez, après nous avoir interdits de parole,... (Mêmes mouvements) M. le Rapporteur pour avis - C'est l'Assemblée qui a décidé la clôture, pas le Président ! M. Dominique Dord - ...prétendre nous rationner à trois orateurs pour l'ensemble des amendements de suppression. Le Gouvernement s'était engagé à laisser le débat aller à son terme, et nous avons consacré plus d'une vingtaine d'heures à l'article premier. M. Bernard Birsinger - A vous écouter ! (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) M. Dominique Dord - Toute la question est de savoir à quel moment l'Assemblée est suffisamment éclairée (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Il n'est pas sérieux de dire qu'un seul orateur par groupe suffise à balayer tout le champ de l'article 2. Je m'associe donc à la demande de suspension formulée par M. Plagnol. M. le Président - Je vous l'accorde et vous propose, au cas où vous n'accepteriez pas ma proposition, de vous rencontrer à l'issue de votre brève réunion, pour examiner ensemble comment nous pourrions organiser nos travaux ce soir. La séance, suspendue à 18 heures 55, est reprise à 19 heures 5. M. Bernard Accoyer - L'amendement 20 de M. Besselat comme mon amendement 397 sont de suppression. Cette nouvelle institution qu'est le Pacs procure des avantages fiscaux et permet l'imposition commune au bout de trois ans, alors qu'il n'y a pas obligation de vie commune et qu'il suffit d'établir sa résidence dans un même département. L'imposition commune ouvre les mêmes avantages que pour les couples mariés et le bénéfice du quotient familial. Selon le ministère des finances, la mesure coûterait de six à huit milliards. En même temps, le Gouvernement a abaissé le plafond du quotient familial et diminué de 4,8 milliards l'effort national en faveur de la famille. M. Alfred Recours - C'est la justice sociale. M. Bernard Accoyer - Les familles nombreuses apprécieront. Le sort des retraités dépend de la solidarité entre générations. M. Alfred Recours - Tous les enfants sont égaux, y compris ceux de parents non mariés. M. Bernard Accoyer - La mesure favorisera les ménages mono-actifs et ceux dont les membres disposent de revenus très déséquilibrés, le rapporteur l'a reconnu. L'imposition commune étant moins favorable aux petits revenus, leurs titulaires ne contracteront pas de Pacs pour conserver le bénéfice d'allocations sociales. Bref, ceux qui peuvent contracter un Pacs bénéficieront du régime fiscal le plus avantageux, imposition commune ou séparation, choix qui n'est pas possible pour les couples mariés. Finalement, la dernière catégorie exclue des avantages fiscaux est celle des personnes isolées. Ce sont, écrit Odile Dhavernas, dans Libération du 29 septembre 1998, le plus souvent des femmes, dont de nombreuses veuves et des mères avec enfant. Ce sont elles qui vont payer pour les avantages du Pacs. Un couple n'a besoin que d'une fois et demie le revenu d'un célibataire pour atteindre le même niveau de vie. A niveau de vie égal, un couple dépensera seulement 1,3 fois plus qu'un célibataire pour l'occupation de son appartement. Ce sont donc les isolés, les solitaires qui vont contribuer à réaliser la grande oeuvre. C'est la farce et les dindons. M. Alfred Recours - Quel méli-mélo ! M. Bernard Accoyer - Enfin, il sera difficile de contrôler la réalité de la vie commune. La fraude sera donc inévitable. Le rapporteur l'a lui-même reconnu. Il y aura des Pacs de pure complaisance fiscale. Mme Christine Boutin - Mon amendement 120 supprime l'article. On reconnaît aux pacsés ou aux pactisants -on ne sait toujours pas- des avantages refusés aux époux. Pourquoi ? Ils pourront rompre un Pacs pour bénéficier d'une imposition séparée -ils vivront alors en concubinage- puis signer un nouveau Pacs quand leur situation financière rend l'imposition commune plus avantageuse. Il y a discrimination fiscale également au détriment des célibataires, veufs et divorcés. Pourtant le principe d'égalité est la loi de la République. Il figure dans le préambule de la Constitution de 1958, est consacré à l'article deux, repris à l'article trois. La Déclaration des droits de l'homme l'affirme dans ses articles premier, six et surtout treize. Enfin, il est proclamé par le préambule de la Constitution de 1946, auquel renvoie notre Constitution, qui évoque "la solidarité et l'égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales". Ce principe a d'ailleurs été souligné par le Conseil constitutionnel et par de nombreux juristes, tel, tout récemment, M. Drago. Il est vrai que l'égalité ne semble guère vous préoccuper si l'on en croit vos déclarations de cet après-midi. J'appelle pourtant votre attention sur l'exigence, constitutionnelle, de son respect. La déclaration d'inconstitutionnalité que j'avais déposée vous avait permis, Monsieur le rapporteur, de vous rendre compte de la nécessité de modifier certains aspects de votre projet. De même, je vous signale qu'en sa rédaction actuelle, cet article rompt l'égalité des Français devant les charges fiscales et qu'il risque donc d'être censuré par le Conseil constitutionnel. M. Christian Estrosi - Vous avez supprimé il y a un an les allocations familiales dont bénéficiaient certaines familles françaises. Vous avez également supprimé la déductibilité fiscale de l'allocation de garde d'enfants à domicile qui permettait à des mamans de s'épanouir par leur travail. Plusieurs députés socialistes - Quelles familles défendez-vous ? M. Christian Estrosi - Des familles souvent modestes (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Vous avez supprimé 6 milliards d'aides aux familles qui consentent des sacrifices importants pour élever leurs enfants, construisant ainsi l'avenir de la France et garantissant le financement de nos retraites. Vous leur retirez donc des avantages légitimes pour en donner sans contrepartie à ceux qui bénéficieront du Pacs. Bien sûr, les couples homosexuels connaissent des difficultés réelles auxquelles il faut apporter des réponses. Plusieurs députés socialistes - Lesquelles ? M. Christian Estrosi - C'est pourquoi nous souhaitons que des dispositions précises prennent en compte leurs difficultés sans que nous bouleversions, comme le fait ce texte, notre code civil et notre code général des impôts. Plusieurs députés socialistes - Quelles dispositions ? M. Christian Estrosi - Prenez la parole si vous le souhaitez mais cessez d'interrompre l'orateur ! Respectez au moins ceux qui, dans cette assemblée, travaillent ! M. le Président - Vous pourrez prendre la parole tout à l'heure, Madame Gillot. M. Christian Estrosi - Nous ne voulons pas d'un texte qui incite à la fraude fiscale et dont le coût est financé par la diminution de l'aide aux familles françaises. Mon amendement 215 vise donc à supprimer l'article 2. D'autre part, cessez de reprocher constamment à l'opposition de comparer, selon vous à tort, le Pacs et le mariage. C'est justement ce que vous faites vous-mêmes dans cet article qui, en se référant à l'article 6 du code général des impôts, assimile la situation d'un couple ayant contracté un Pacs à celle d'un couple marié. Mme Marie-Thérèse Boisseau - L'amendement 504 de M. Baguet est de suppression. Il est en effet anormal que l'on consacre huit milliards aux pacsés alors que l'on enlève, parallèlement, quatre milliards aux familles (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Il est insupportable pour beaucoup de Français de voir que l'on trouve ainsi de l'argent pour les pacsés mais pas pour les familles (Mêmes mouvements). En outre, cet article 2 révèle l'incohérence de ce texte. Alors que vous vous évertuez depuis des heures à nous expliquer qu'il ne faut pas assimiler le Pacs à un sous-mariage et que vous contestez le quotient familial, vous utilisez le mécanisme du quotient conjugal, c'est-à-dire de l'imposition commune des couples avec deux parts fiscales, comme dans le mariage. Une imposition individuelle de chacun, marié ou non, est pourtant préférable. Elle existe d'ailleurs dans de nombreux pays dont les Pays-Bas et le Royaume-Uni. L'imposition commune est en effet profondément inégalitaire. Elle n'a bien entendu pas d'effets lorsque les deux personnes ont le même salaire. En revanche, elle procure une réduction d'impôt d'autant plus importante que les revenus sont différents. C'est donc une subvention implicite aux couples inégaux et plus précisément aux personnes à fort revenu que vous nous proposez dans cet article. Ceux dont les revenus sont les plus faibles risquent en revanche d'être lésés. Quelles seront les conséquences d'un Pacs sur les conditions d'attribution du RMI ? Chacun conservera-t-il ses droits ou les deux partenaires seront-ils considérés comme un couple ce qui entraînerait une diminution de leur allocation ? De même, que se passera-t-il pour l'attribution du minimum vieillesse ? Enfin, l'équivalence établie entre les couples qu'ils aient ou non des enfants me paraît illégitime. Les avantages consentis à un couple hétérosexuel correspondent en effet à un encouragement à la stabilité, nécessaire à l'éducation des enfants. Je demande donc la suppression de cet article 2. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL) M. Dominique Dord - Cet article a donné lieu à des appréciations divergentes au sein de notre groupe. En ce qui concerne l'imposition commune, nos divergences résultaient d'appréciations différentes du fondement de l'imposition commune qui existe déjà dans le mariage. Un certain nombre d'entre nous pensent que l'imposition commune des personnes mariées se fonde sur la potentialité des charges de famille à venir. Dans cette perspective, il serait difficile d'en faire bénéficier les signataires du Pacs. D'autres estiment, et c'est à mon avis l'idée qui doit être retenue, que la société accorde l'imposition commune aux personnes mariées parce qu'elle trouve avantage à ce que deux personnes créent entre elles un lien de solidarité. Le Pacs entraînant bien, entre personnes homosexuelles ou hétérosexuelles une espèce de solidarité, le principe de l'imposition commune pourrait donc être accepté. Nous le refusons cependant, et c'est pourquoi notre amendement 538 est de suppression. En premier lieu, nous ne voulons pas de l'imposition commune parce que c'est le Pacs qui en ouvrirait le bénéfice et que nous rejetons cette formule. Il en irait autrement si vous aviez accepté de subordonner cet avantage à l'obtention d'une déclaration de vie commune. De plus, la solidarité entre personnes mariées va bien au-delà de celle du Pacs. L'obligation alimentaire perdure après la séparation des personnes mariées, ce qui n'est pas le cas s'il y a rupture d'un Pacs. Les liens de solidarité étant moins forts, la contrepartie accordée par la société ne peut être identique. M. le Président - Veuillez conclure. M. Dominique Dord - Je n'abuse pas... M. Alain Calmat - Quel cinéma ! M. Dominique Dord - Mon cher collègue, rien ne vous empêche de prendre la parole pour dire tout le bien que vous pensez de ce texte ! M. Alain Calmat - Vous nous faites perdre des heures ! Nous avons autre chose à faire ! M. Dominique Dord - L'imposition commune pourrait encore se justifier s'il y avait communauté de vie, ce qui impliquerait solidarité réelle. Mais vous avez repoussé plusieurs amendements visant à rendre cette communauté de vie obligatoire. De la sorte, vous rendez possibles de nombreuses fraudes, fiscales en particulier, ce qui n'est pas acceptable. Enfin, sans revenir sur la question du coût, il est tout de même choquant qu'après avoir choisi de réduire les avantages des familles, vous consacriez au Pacs une somme équivalente aux gains ainsi réalisés. J'en viens au délai de trois ans... M. le Président - Vous avez dépassé votre temps de parole. M. Dominique Dord - Je serai bref. La multiplication de délais différents dans ce texte sera source de confusions. En outre, comme l'a souligné notre collègue communiste, il est étonnant qu'un tel délai soit exigé dans le cas des concubins ayant déjà un enfant. Mais si aucun délai n'était prévu, les risques de fraude seraient encore plus importants (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR). M. le Président - Je considère que les amendements de suppression 579, 752, 765, 818 et 874 ont été défendus par les orateurs que nous venons d'entendre. M. le Rapporteur - La commission est évidemment défavorable à ces amendements. Mme la Garde des Sceaux - L'imposition commune des personnes ayant signé un Pacs sera subordonnée à l'existence préalable d'une communauté de vie de trois ans... M. Bernard Accoyer - Non ! A trois ans de Pacs. Ce n'est pas la même chose. Mme la Garde des Sceaux - Seules les personnes engagées dans une union durable pourront y prétendre. Elles seraient en outre tenues solidairement au paiement des dettes fiscales, si bien que le Pacs ne sera pas, comme certains le craignent, un vecteur d'optimisation fiscale. Ce dispositif se traduira par une neutralité fiscale entre couples supportant les mêmes charges de famille, ce qui renforcera la justice sociale. Je pense tout particulièrement aux familles recomposées qui ne vivent que sur un seul salaire. Actuellement, la présence d'un adulte ne travaillant pas n'est pas prise en compte dans le calcul de l'impôt sur le revenu. Le Pacs permettra de remédier à cette injustice. Mme Véronique Neiertz - Absolument. Mme la Garde des Sceaux - La politique du Gouvernement en faveur des familles est équilibrée. Certes, le plafonnement du quotient familial pénalisera certains foyers, mais ceux-ci disposent au moins de 48 200 F de revenu par mois ! Cette mesure coûtera 3,9 milliards aux familles. Cependant, la suppression de la mise sous condition de ressources des allocations familiales bénéficiera à 600 000 familles et représentera pour elles un gain total de 4,7 milliards. Le solde est donc de 800 millions en faveur des familles. Par ailleurs, les plus modestes d'entre elles bénéficieront de 6,8 milliards supplémentaires, en particulier via l'allocation de rentrée scolaire. On ne peut donc prétendre que le Gouvernement pénalise les familles (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). L'opposition a la mémoire courte. Qui a mis l'allocation pour jeune enfant sous condition de ressources ? Qui a fiscalisé les indemnités de maternité ? Qui avait prévu de supprimer les réductions d'impôt pour frais de scolarité ? Notre choix, c'est de faire gagner les familles modestes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) M. le Président - Je vais mettre aux voix les amendements de suppression (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Les amendements 20, 120, 215, 258, 397, 470, 504, 538, 579, 752, 765, 818 et 874, mis aux voix, ne sont pas adoptés. M. le Président - Je vais donner la parole à M. Accoyer pour un fait personnel. Nous avons conclu, avec tous les groupes, un accord tacite, pour travailler de manière plus soutenue. J'espère qu'il sera respecté. J'en rappelle la teneur : un seul orateur par groupe s'exprime sur les articles et un seul pour les amendements de suppression. M. Bernard Accoyer - Nous n'avons pas pu répondre à Mme le Garde des Sceaux, qui a dit quelque chose d'inexact en affirmant qu'il faudrait trois ans de vie commune pour bénéficier de l'imposition commune. Or il n'y a pas de communauté de vie dans le Pacs. Vous n'exigez même pas des signataires qu'ils aient le même domicile ! J'en viens au fait personnel. Une nouvelle fois, le Garde des Sceaux a mis en cause plusieurs députés, dont je fais partie, ainsi qu'une collègue qui -fait unique- vient d'être attaquée par le Premier ministre dans des conditions inquiétantes pour notre démocratie. En somme, Mme le Garde des Sceaux nous reproche de défendre nos amendements. Nous ne faisons pourtant là que notre devoir de parlementaires. Et nos amendements posent des questions de fond, sur lesquelles d'ailleurs le Gouvernement nous fait des réponses contradictoires à quinze jours d'intervalle -je pense notamment au problème de l'adoption. Plusieurs députés socialistes - Ce n'est pas un fait personnel ! M. Bernard Accoyer - De tout temps, l'opposition a exercé son droit d'amendement. Lorsque vous y étiez, Messieurs, il vous est arrivé de déposer des milliers d'amendements, par exemple sur le projet de réforme de la Sécurité sociale ou sur des projets portant privatisation. Vous faisiez bien, c'était votre travail. Pourquoi nous reprocher d'en faire autant aujourd'hui ? Mme Frédérique Bredin - Ce n'est pas un fait personnel ! M. Bernard Accoyer - Ce serait plutôt à nous, Madame la Garde des Sceaux, de vous faire des reproches ! D'abord, sur la procédure : une proposition de loi plutôt qu'un projet, c'est bien léger quand il s'agit de modifier le code civil sur une institution aussi essentielle que le mariage et ce d'autant plus que les auditions auxquelles ont procédé les rapporteurs ont été confidentielles. M. le Président - Veuillez conclure ce fait personnel. M. Bernard Accoyer - De plus, le Gouvernement gère l'ordre du jour de façon tout à fait déraisonnable : les députés sont épuisés, de même que les fonctionnaires, et vous aussi, Madame, car nous siégeons la nuit, le week-end... Nous pourrions aussi vous reprocher votre non-respect de la Constitution : l'exception d'irrecevabilité ayant été adoptée, vous auriez dû normalement attendre un an avant de représenter un texte. Or vous avez laissé représenter un texte quasiment identique au premier. C'est sans précédent dans l'histoire de la Vème République. Enfin, nous pourrions vous reprocher votre attitude en séance. Le 9 octobre au matin, vous nous avez lu deux fois le même discours afin de gagner du temps. Par la suite, vous avez lu un roman sans daigner répondre à nos questions. Je vous trouve donc peu fondée à insulter les parlementaires qui font simplement leur travail ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 15. La séance est levée à 19 heures 50. Le Directeur du service © Assemblée nationale © Assemblée nationale |