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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 50ème jour de séance, 125ème séance

1ère SÉANCE DU LUNDI 21 DÉCEMBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. Michel PERICARD

vice-président

          SOMMAIRE :

NOUVELLE-CALÉDONIE 1

La séance est ouverte à quinze heures.


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SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le Président - J'ai reçu de M. le Président du conseil constitutionnel une lettre m'informant qu'en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, plus de soixante députés ont saisi le Conseil constitutionnel d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi de finances pour 1999.


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NOUVELLE-CALÉDONIE

L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi organique et du projet de loi relatifs à la Nouvelle-Calédonie.

M. le Président - La Conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer - Au moment où l'Assemblée nationale se saisit de l'avenir de la Nouvelle-Calédonie, permettez-moi d'évoquer le souvenir d'un moment intense, un après-midi d'août dernier à Ouvéa. J'avais salué la mémoire des gendarmes au monument aux morts de la brigade de Fayaoué, je m'étais recueilli au monument "des dix-neuf", et j'étais le premier membre du Gouvernement à me rendre à Gossanah. Après l'accueil coutumier et l'échange de cadeaux, le petit chef et le pasteur ont tenu à rappeler le traumatisme que la tribu avait subi il y a dix ans, et à me saluer en tant que représentant de la République. Après avoir affirmé qu'ils étaient toujours fermement indépendantistes, ils ont devant moi appelé la population à voter "oui" au référendum du 8 novembre. Voilà qui me paraît résumer de façon éclairante le processus politique à l'oeuvre en Nouvelle-Calédonie.

1998 voit donc s'achever la période couverte par les accords de Matignon. Souvenons-nous un instant de la situation il y a un an : pas de perspectives, pas de négociation en raison du préalable minier posé par le FLNKS, un climat d'attente qui n'incitait ni à investir ni à imaginer l'avenir.

Avec patience, méthode et détermination, les fils du dialogue furent renoués. Le 1er février, l'accord de Bercy permettait de lever le préalable minier. Le 24 février, le Premier ministre ouvrait la négociation. Le 5 mai, il signait avec les présidents du RCPCR et du FLNKS l'accord de Nouméa. Le 6 juillet, plus de 96 % des parlementaires réunis en Congrès à Versailles approuvaient la révision de la Constitution qui rend possible la mise en oeuvre de cet accord.

En application de l'article 76 nouveau de la Constitution, la consultation des populations de Nouvelle-Calédonie s'est déroulée le 8 novembre. La participation y a atteint le taux sans précédent de 74 % et l'accord a été approuvé par 72 % des suffrages exprimés.

Le 12 novembre, le Congrès du territoire a donné un avis favorable au projet de loi organique élaboré en concertation avec les partenaires calédoniens en août et septembre. Il s'agissait alors d'un texte unique regroupant l'ensemble des dispositions relatives à la Nouvelle-Calédonie. Le Conseil d'Etat a choisi de distinguer d'une part un projet de loi organique, d'autre part un projet de loi ordinaire pour respecter scrupuleusement le nouvel article 77 de la Constitution. Tous deux ont été adoptés par le conseil des ministres le 25 novembre.

A l'issue des débats parlementaires, les élections aux nouvelles institutions devraient se tenir en juin ou en juillet prochains. Chacun peut mesurer la complexité et l'ambition du travail accompli. L'urgence a conduit à avancer aussi vite que possible. Je sais que certains députés ont regretté de ne pas disposer de plus de temps pour étudier ces textes et je comprends leur sentiment.

Je remercie tout particulièrement la présidente, le rapporteur et tous les membres de la commission des lois. Ils ont su, au fil des mois, recevoir, écouter, se déplacer, réfléchir, et conserver avec la Nouvelle-Calédonie un dialogue fructueux. Je rends également hommage à ceux qui, en Nouvelle-Calédonie, ont eu le courage et la vision politiques nécessaires pour faire vivre ce processus : les députés Jacques Lafleur et Pierre Frogier, ainsi que la délégation du FLNKS.

La dynamique engagée depuis le 5 mai 1998 et résultant de concessions réciproques des partenaires calédoniens, trouve sa place dans le cadre original défini par l'article 77 de la Constitution.

Celui-ci précise que la loi organique assure l'évolution de la Nouvelle-Calédonie dans le respect des orientations définies par l'accord de Nouméa. Cette loi organique détermine les compétences de l'Etat qui seront transférées aux institutions locales, l'échelonnement et les modalités de ces transferts, ainsi que la répartition des charges en résultant ; les règles d'organisation et de fonctionnement des nouvelles institutions et les catégories d'actes de l'assemblée délibérante qui pourront être soumis au contrôle préalable du Conseil Constitutionnel ; les règles relatives à la citoyenneté, au régime électoral, à l'emploi et au statut civil coutumier ; les conditions et les délais dans lesquels les populations intéressées se prononceront sur l'accession à la pleine souveraineté.

Les dispositions qui n'ont pas le caractère de loi organique sont fixées par une loi ordinaire. Cette répartition traduit un équilibre entre le respect de la hiérarchie des normes de notre droit public et le souhait formulé par les partenaires calédoniens d'inclure dans la loi organique le plus grand nombre possible de dispositions, afin de disposer d'un texte de référence stable, clair et facile à appliquer.

Par ailleurs, le parti a été pris de reprendre largement la loi référendaire de 1988, en particulier pour le fonctionnement du congrès et des assemblées de province. Des aménagements y ont toutefois été apportés, notamment pour assurer l'application de l'accord de Nouméa. Enfin, puisque la Nouvelle-Calédonie ne relève plus de l'article 74 de la Constitution, plusieurs procédures spécifiques aux territoires d'outre-mer, notamment la procédure de consultation législative, devaient être rappelées.

Pour toutes ces raisons, les deux textes fondateurs qui vous sont soumis, sont très denses. Le nouveau statut doit remédier à l'instabilité institutionnelle et politique dont la Nouvelle-Calédonie a trop souffert. Il couvrira toute la période prévue par l'accord de Nouméa jusqu'à la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté et l'irréversibilité des transferts de compétences préservera de tout retour en arrière.

La pleine reconnaissance de l'identité kanak conduit, pour la première fois dans le droit français, à préciser le statut civil coutumier et ses rapports avec le statut civil de droit commun.

Alors que l'article 75 de la Constitution définit les personnes de statut personnel comme celles qui n'y ont pas renoncé, le présent projet prévoir que les Kanak, qui n'en bénéficieraient pas, pourront retrouver le statut civil coutumier, sous le contrôle du juge.

Les terres coutumières sont définies et leur statut précisé.

La représentation de la coutume est étendue avec la création d'un sénat coutumier et de conseils coutumiers, dont l'avis sera consultatif mais obligatoire dans plusieurs domaines qui touchent à l'identité kanak comme les signes distinctifs, le statut civil coutumier, le régime des terres et des palabres coutumières, les modalités d'élection au sénat et aux conseils coutumiers. En cas de désaccord sur les projets ou propositions de lois du pays soumis au sénat coutumier, c'est le congrès du territoire qui statue en dernier ressort.

Par sa représentation au conseil économique et social, aux conseils d'administration des établissements publics et au conseil consultatif des mines, le sénat coutumier participera à l'activité institutionnelle, économique et sociale de la Nouvelle-Calédonie.

Autre élément novateur : la définition des nouvelles compétences de la Nouvelle-Calédonie. L'Etat lui transfère d'importants pouvoirs à l'exception des pouvoirs régaliens que sont la justice, l'ordre public, la défense, la monnaie, le crédit et le change.

La compétence locale de droit commun reste dévolue aux provinces en application de la loi référendaire de 1988. En conséquence, l'Etat et la Nouvelle-Calédonie disposeront des compétences d'attribution énumérées par la loi organique.

Les compétences transférées sont définies en application de l'accord de Nouméa. Certains transferts interviendront à compter du 1er janvier 2000 : droit du travail, compétence minière, statut civil coutumier, commerce extérieur, communications extérieures maritimes et aériennes, postes et télécommunications, exploitation de la zone économique exclusive... D'autres le seront de 2004 à 2014 : enseignement du second degré, droit civil et droit commercial, sécurité civile, régime comptable et financier des collectivités publiques...

Les établissements publics d'Etat comme l'OPT, l'ADRAF, l'ADCK, l'IFPA, la CDP seront également transférés à la demande du congrès du territoire.

Certaines compétences feront l'objet d'un dialogue entre l'Etat et la Nouvelle-Calédonie : les relations internationales et régionales, la réglementation de l'entrée et du séjour des étrangers, l'audiovisuel, la desserte aérienne internationale, l'enseignement supérieur et la recherche.

En matière minière, la décision appartiendra aux institutions calédoniennes mais l'Etat sera consulté.

Ce dispositif, qui peut paraître complexe, assure un équilibre entre le respect des compétences des institutions provinciales et de Nouvelle-Calédonie, les contraintes économiques et la nécessité de s'inscrire dans une perspective d'aménagement durable.

Le congrès devient également compétent en matière d'accès à l'emploi. Il fixera des règles tenant compte de la situation du marché du travail local. Le contrôle du Conseil constitutionnel permettra de vérifier qu'elles ne portent pas atteinte aux droits individuels et collectifs. Le dispositif nécessite une réforme du traité sur l'Union européenne qui est engagée.

Le calendrier de ces transferts de compétence sera défini par le congrès. Ils seront irréversibles. L'Etat compensera les charges correspondant aux compétences nouvelles grâce à une dotation globale. Des transferts immobiliers et des mouvements de fonctionnaires seront également réalisés. Ces mécanismes s'inspirent largement de ceux pratiqués lors de la décentralisation.

De nouvelles institutions aux pouvoirs étendus vont être mises en place. Cela sera le cas du sénat coutumier et des conseils coutumiers. Pour les institutions, le dispositif retenu s'inspire largement des principes du régime d'assemblée conformément à la volonté des partenaires calédoniens.

Le congrès demeure la réunion des membres des trois assemblées de province. Des membres supplémentaires élus dans chaque assemblée de province ne seront pas membres du congrès afin de permettre une meilleure répartition des tâches. Le dispositif électoral s'inspire de ce qui est pratiqué à Paris, Lyon et Marseille.

Le droit de vote aux élections aux assemblées de province sera subordonné à une condition de résidence de dix ans. Cet exercice particulier du droit de vote crée la citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie qui n'a par ailleurs de portée qu'en matière d'accès à l'emploi.

Ce projet crée une nouvelle norme, "les lois du pays", votées par le congrès à la majorité absolue et auront valeur législative. Leur champ est limité aux domaines essentiels de l'activité normative du congrès, notamment dans le domaine de la fiscalité, du droit civil, de l'accès à l'emploi, de la réglementation concernant le nickel et du statut civil coutumier. Les projets et propositions de lois du pays seront soumis avant leur adoption à l'avis du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie.

Ces lois du pays seront susceptibles d'être soumises préalablement à leur promulgation à une seconde lecture puis au contrôle du Conseil constitutionnel. La saisine de celui-ci sera réservée au haut-commissaire, au gouvernement, au président du congrès ou d'une assemblée de province ou dix-huit membres, soit un tiers du congrès.

L'exécutif, assuré depuis 1998 par le haut-commissaire, est transféré à un gouvernement de cinq à onze membres, élu par le congrès à la représentation proportionnelle et responsable devant lui. Ce gouvernement préparera et exécutera les délibérations du congrès. Il gérera collégialement les affaires relevant de sa compétence, chacun de ses membres animant un secteur de l'administration.

Le haut-commissaire, représentant de l'Etat, assistera de plein droit aux séances du gouvernement, mais n'aura pas voix délibérative. Il pourra toutefois demander une deuxième délibération d'un arrêté du gouvernement. Ce rôle du représentant de l'Etat est expressément prévu par l'accord de Nouméa.

Les attributions propres du gouvernement sont précisées. Il prendra, sur habilitation du congrès ou de sa commission permanente, les arrêtés réglementaires pour la mise en oeuvre de leurs actes.

Le président du gouvernement dirigera l'administration. Ordonnateur des recettes et des dépenses, il pourra déléguer, sur autorisation du congrès, certaines attributions à un ou plusieurs des membres du gouvernement.

La responsabilité du gouvernement pourra être mise en cause par le vote par le congrès d'une motion de censure.

Les provinces se trouvent confortées dans leur statut de collectivité disposant de la compétence de droit commun. Créées par la loi référendaire de 1988, elles ont prouvé qu'elles étaient en mesure de remplir leurs tâches avec efficacité. L'expérience a toutefois mis en évidence qu'il était nécessaire de simplifier le dispositif financier leur assurant une dotation obligatoire en, provenance du budget de la Nouvelle-Calédonie. En outre, est mise en place une procédure de censure du président de l'assemblée de province, au moment du débat budgétaire, par le vote à une majorité qualifiée d'un projet alternatif.

Le dispositif électoral pour les élections aux assemblées de province et donc au congrès, reprend la loi référendaire de 1988 complété par trois points de l'accord de Nouméa. Il s'agit de l'augmentation du nombre des membres des assemblées de province, dont certains ne sont pas membres du congrès. Il s'agit aussi de la définition d'un corps électoral spécial qui a fait l'objet de longues discussions. Pourront participer à l'élection des assemblées de province notamment les personnes inscrites au tableau annexe qui ont au moins dix ans de résidence en Nouvelle-Calédonie. Enfin, afin de faciliter le fonctionnement des assemblées locales, le seuil à atteindre pour participer à la répartition des sièges à la proportionnelle est fixé à 5 % des électeurs inscrits. Les prochaines élections aux assemblées de province et au congrès auront lieu avant le 1er août 1999. L'objectif est que les nouvelles institutions soient en place dans les meilleurs délais possibles.

Le conseil économique et social est maintenu dans une composition élargie. Sa fonction consultative est affirmée.

Les communes demeurent des collectivités territoriales de la République relevant de l'Etat au moins jusqu'en 2009. Le dispositif financier qui leur donne une partie de leurs ressources en provenance du budget de la Nouvelle-Calédonie sera aménagé. Outre le fonds intercommunal de péréquation pour le fonctionnement des communes et le fonds intercommunal de péréquation pour l'équipement des communes, ce projet prévoit la création d'un fonds intercommunal pour le développement de l'intérieur et des îles.

Les modalités de fonctionnement seront déterminées, désormais, par délibération du congrès de la Nouvelle-Calédonie.

La consultation sur l'accession à la pleine souveraineté sera fixée, au cours du mandat du congrès qui commencera en 2014, par délibération du congrès ou, à défaut par l'Etat. Elle portera sur le transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences régaliennes. Les modalités d'organisation de cette consultation sont fixées avec précision par ce projet.

L'accord de Nouméa prévoit trois consultations successives pour franchir cette étape ultime. Avant la troisième consultation, qui devient éventuelle, le comité des signataires responsable du suivi de l'accord devra se réunir.

Par ailleurs, le corps électoral pour cette consultation sera constitué des citoyens justifiant d'une durée de résidence de vingt ans en Nouvelle-Calédonie.

L'Etat s'est engagé à accompagner la Nouvelle-Calédonie dans sa démarche d'émancipation et de développement.

Le titre VIII du projet de loi organique prévoit notamment la conclusion de contrats pluriannuels de développement entre l'Etat d'une part, la Nouvelle-Calédonie et les provinces d'autre part, et le contrôle des outils de développement. Un accord particulier pour le développement culturel est également prévu. Il traitera notamment du patrimoine culturel kanak et du centre culturel Tjibaou.

Les langues kanak sont reconnues comme langues d'enseignement et de culture.

Le projet de loi ordinaire fixe les dispositions législatives d'application de l'accord de Nouméa qui ne relèvent pas de la loi organique.

Il s'agit notamment de déterminer les attributions du haut-commissaire qui sont celles traditionnellement dévolues au délégué du Gouvernement de la République, de fixer le cadre de l'action de l'Etat pour le rééquilibrage et le développement de la Nouvelle-Calédonie, de préciser le régime applicable aux comptes et aux comptables publics et les règles concernant les communes. Le fonctionnement du tribunal administratif est adapté aux charges spécifiques qui lui sont dévolues en matière d'avis à émettre sur les projets et propositions de loi du pays.

Enfin, les règles en matière électorale sont précisées et adaptées.

Ces deux textes constituent un statut propre à la Nouvelle-Calédonie répondant au souci partagé de stabilité. Les dispositifs originaux mis en place correspondent à une situation particulière, celle d'une Nouvelle-Calédonie qui souhaite partager un destin commun et assurer son émancipation politique et économique.

Le Gouvernement accompagnera cette démarche. Comme s'y était engagé le Premier ministre à Versailles, il a veillé par les projets de loi qui vous sont soumis en exécution de la réforme constitutionnelle, à appliquer totalement et loyalement l'accord de Nouméa.

Il y a dix ans, Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur avaient su, avec l'autorité de Michel Rocard et l'aide de l'Etat, changer l'avenir de la Nouvelle-Calédonie.

Jean-Marie Tjibaou est mort pour ses idées, son souvenir reste présent. Jacques Lafleur siège toujours parmi vous. Il est resté fidèle à ses convictions.

La vision qu'ils ont élaborée il y a dix ans a un avenir. C'est celui que les Calédoniens construiront ensemble, avec le concours de la France (Applaudissements sur tous les bancs)

M. René Dosière, rapporteur de la commission des lois - Avec les accords de Nouméa, Lionel Jospin a manifesté la volonté de la France de conduire la Nouvelle-Calédonie dans la voie tracée par les accords de Matignon : il s'agit de décoloniser dans la paix, aventure unique dans notre pays. On appréciera mieux sa difficulté en l'année du quatrième centenaire de l'Edit de Nantes. Ce rapprochement est le fait de Michel Rocard dans une très belle préface que j'ai eu l'occasion de lire... à l'hôpital de Nouméa. C'est le mérite des acteurs locaux, Jacques Lafleur présent à la signature des deux accords contrairement, hélas, à Jean-Marie Tjibaou, et les responsables du FLNKS dont le président Roch Wamytan, avaient su convaincre leurs amis de s'engager dans ce processus qui ne comportaient par d'alternative.

Les projets de loi en sont la traduction politique. Je m'en tiendrai aux principales modifications apportées par la commission des lois.

Le projet accorde reconnaissance pleine et entière à la coutume comme élément de l'identité kanak. Il n'est pas aisé pour les juridictions de la prendre en compte dans les relations entre les personnes et il existe des coutumes différentes. Le juge sera heureusement assisté d'assesseurs coutumiers. A l'initiative de M. Colcombet, la commission propose d'étendre ce mécanisme prévu pour les juridictions civiles de première instance et d'appel aux juridictions de droit commun. A cet effet, il est proposé d'ajouter un titre nouveau "organisation de la justice en Nouvelle-Calédonie".

L'accord de Nouméa donne la possibilité aux Kanak qui ont renoncé au statut civil coutumier d'opter à nouveau pour ce statut pour mieux s'intégrer dans leur communauté. Deux logiques s'affrontent, celle qui voit dans la coutume le signe d'un archaïsme communautaire qui interdit aux Kanak de progresser, et celle qui en fait un pôle de stabilité dans une société qui se déstructure. Sur ce point, les mouvements politiques kanak restent dans l'ambiguïté. Aussi le projet de loi organique propose-t-il de créer des institutions coutumières qui, à terme, pourront être issues d'élections.

Les transferts de compétences sont très importants, en particulier le droit du travail, le droit syndical, le travail des étrangers, la formation professionnelle, la réglementation des investissements étrangers par exemple. L'Etat ne conservera donc que ses compétences régaliennes. La commission y a ajouté le contrôle budgétaire, dont le transfert était possible à partir de 2009. L'effort national pour la nouvelle-Calédonie est de 4,5 milliards en 1997, soit une progression de 46 % depuis 1991, contre 27 % pour le budget de l'Etat. C'est une dépense par habitant deux fois supérieure à celle que l'Etat consent pour mon département de l'Aisne... Le contrôle de l'utilisation de cet argent public est donc légitime. Dans le même souci, nous proposons de rendre applicable en Nouvelle-Calédonie la loi sur les sociétés d'économie mixte, les sociétés existantes devant se mettre en conformité pour le 1er janvier 2000. Il est proposé aussi d'appliquer les dispositions de publicité prévues dans le code des collectivités territoriales pour les délégations de service public. Enfin la chambre territoriale des comptes publierait chaque année son rapport. Ne pourraient s'offusquer de ces mesures que ceux qui espéreraient profiter du statut pour échapper aux règles de bonne gestion. Il convient d'éviter en Nouvelle-Calédonie les dérives trop fréquentes que l'on constate en Polynésie et que M. Vernaudon a récemment rappelées.

Les lois du pays auront donc valeur législative et ne seront susceptibles de recours que devant le Conseil constitutionnel. Comme ces lois concernent les domaines de compétences les plus sensibles, la commission a modifié la projet sur plusieurs points. Elle a permis que onze membres du congrès -et non dix-huit- demandent une deuxième délibération, et elle a précisé les règles de procédure applicables pour l'examen de ces lois devant le Conseil constitutionnel. Elle a prévu également qu'il appartiendrait au Conseil d'Etat non au tribunal administratif de donner un avis préalable sur les lois du pays.

La proportion d'un tiers de membres du congrès pour saisir le Conseil constitutionnel est élevée. Mais ce seuil figurant dans l'accord de Nouméa, il était difficile de le modifier. Le haut commissaire est en tout état de cause garant du droit des minorités.

Le transfert est également progressif en ce qui concerne les lois du pays. Il est irréversible puisqu'il s'agit d'une démarche vers l'émancipation. Si au terme du processus, la Nouvelle-Calédonie n'accédait pas à l'indépendance, elle disposerait néanmoins d'une forte autonomie.

En conséquence de ces transferts, l'Etat n'exerce plus que ses compétences régaliennes et un contrôle a posteriori. Le haut commissaire, dans ses fonctions d'exécutif, est remplacé par un gouvernement constitué à la proportionnelle des groupes représentés au congrès. Par cette formule originale, ces groupes manifestent leur volonté de construire un avenir commun. C'est pour l'essentiel le comportement des hommes et des femmes -trop peu nombreuses- qui permettra de faire vivre cette direction collégiale. Mais puisqu'on ne change pas les mentalités par la loi, la commission a voulu consolider ce dispositif institutionnel. Pour le congrès, elle a distingué l'élection du président -au scrutin uninominal- et celle du bureau -au scrutin proportionnel. J'espère que le règlement intérieur s'inscrira dans cette perspective.

Pour le gouvernement, la commission a précisé qu'un membre du congrès ne pourrait soutenir qu'une liste de candidats, et que la révocation d'un membre du gouvernement était soumise à l'accord de son groupe. L'obligation d'avoir des élus dans deux provinces pour présenter des candidats est abolie. La commission a limité à un an renouvelable la durée du mandat du président du sénat coutumier. Elle a diminué le seuil requis pour déposer une motion mettant fin aux fonctions de président de province. Le texte renforce les prérogatives et les moyens financiers des communes. La commission ne l'a pratiquement pas modifié.

Les pouvoirs du haut commissaire diminuent donc sensiblement. Mais il reste le garant de l'état de droit. Il en a le pouvoir, que la commission a d'ailleurs souhaité renforcer. Mais il lui en faut les moyens, et le personnel du haut commissariat, dont j'ai pu apprécier la qualité depuis mon premier séjour sur place en 1989, doit être doté d'un statut dont il ne dispose toujours pas.

Pour éviter certaines dérives, la commission proposera de renforcer le régime d'incompatibilités applicable aux élus, et de plafonner leurs indemnités.

Voilà les principales modifications adoptées par la commission. Celle-ci, en dépit de courts délais, a accompli un travail significatif, bénéficiant de l'apport de notre collègue Frogier, dont plusieurs amendements ont été acceptés. Il est dommage que, faute d'élu, le point de vue du FLNKS n'ait pas pu s'exprimer de la même manière. Le rapporteur s'est efforcé de suppléer à cette absence, espérant n'avoir failli ni à l'honnêteté ni à la rigueur.

Le texte, après votre vote, sera examiné par le Sénat au début de février, puis une CMP se réunira, et aboutira sans doute à une rédaction commune que les deux assemblées pourraient adopter à la mi-mars.

Nombreux sont ceux qui doutent de la réussite de ce gouvernement proportionnel, craignant les arrière-pensées ou les mauvaises pensées. Ceux-là, je les incite à lire ou à relire ce qu'écrivait Charles Péguy de L'évolution créatrice de Bergson : "Il y a quelque chose de pire que d'avoir une mauvaise pensée ; c'est d'avoir une pensée toute faite." Souhaitons que ceux qui auront à appliquer l'accord n'aient pas une pensée toute faite ! (Applaudissements)

M. Jacques Brunhes - Le 8 novembre dernier, près de 72 % des Néo-Calédoniens ont ratifié par référendum l'accord de Nouméa.

L'ampleur de la participation, 74 % des inscrits, témoigne du chemin parcouru depuis 10 ans.

En 1988, en effet, la Nouvelle-Calédonie sortait d'une situation proche de la guerre civile, grâce aux accords de Matignon qui, disait Jean-Marie Tjibaou, furent "un pari sur l'intelligence". Une nouvelle fois, je rends hommage aux dirigeants kanak pour avoir eu l'intelligence, la générosité et la grandeur de dépasser les séquelles du passé, à tous ceux qui, dans l'autre camp si j'ose dire, ont su reconnaître que le retour à la paix civile passait par la prise en compte de l'identité kanak, enfin au Gouvernement français qui a favorisé l'entente et le compromis, et pris les engagements nécessaires.

Les dix années écoulées témoignent de la volonté des Néo-Calédoniens d'organiser la vie en commun sur des bases nouvelles. La signature de l'accord de Nouméa en est la meilleure illustration.

Pour autant, l'avenir ne sera pas exempt de difficultés. Il s'agit de permettre aux peuples néo-calédoniens de maîtriser leur destin au terme d'une période transitoire de 15 à 20 ans, au cours de laquelle l'Etat aura à respecter et faire respecter le fragile équilibre de l'accord de Nouméa, et à favoriser des solutions inédites aux problèmes inédits qui apparaîtront nécessairement. On mesure ainsi l'importance des deux projets de loi.

Je regrette d'autant plus le peu de temps dont dispose l'Assemblée pour les étudier alors que plusieurs articles méritent d'être précisés.

En effet, le FLNKS estimant que la lettre et l'esprit de l'accord n'étaient pas fidèlement reflétés dans les deux projets, s'est abstenu au congrès du territoire. Depuis, les efforts se sont multipliés pour dissiper les malentendus ; tant mieux !

Parmi les problèmes en suspens, citons la limitation du corps électoral pour les élections au congrès du territoire et pour les assemblées de province. Vous avez rappelé en commission l'opposition du FLNKS à une interprétation large, qui permettrait aux personnes installées depuis plus de dix ans, et pas seulement à celles figurant sur le tableau annexe 1988-1998, de voter aux élections provinciales. Le FLNKS considère que les personnes de passage ne doivent pouvoir voter qu'aux scrutins nationaux et municipaux. On connaît l'objection selon laquelle le Conseil d'Etat avait rejeté une disposition limitant le corps électoral, alors qu'elle figurait dans les accords de Matignon. Or c'est bien parce que plusieurs points de l'accord de Nouméa dérogeaient au droit français que nous avons eu recours à une révision constitutionnelle adoptée à plus de 95 % des suffrages. Opposer l'argument d'une entorse juridique à la question Kanak n'a donc pas de sens.

D'autre part, qualifier la détermination du corps électoral comme un élément "parfois un peu artificiel" de l'équilibre des communautés cher au FLNKS, c'est oublier la stratégie délibérée, dans le passé, de peuplement allogène, afin de rendre minoritaires les populations autochtones. Cette question est donc cruciale pour maintenir un climat de confiance.

Un autre problème a trait au dispositif de sortie de la période transitoire. Le projet prévoit deux consultations, au lieu de trois comme dans l'accord. Pourquoi ce choix, alors qu'il était clairement admis que l'accord de Nouméa ne devait souffrir aucune entorse ? Nous voulons, nous, l'accord, rien que l'accord, mais tout l'accord. C'est la sagesse et la responsabilité mêmes ! C'est aussi le respect de la parole donnée, qui est au coeur de la culture Kanak. Si un accord a été trouvé sur ce point aussi, je n'y verrai aucune objection. Mais j'ai tenu à rappeler ce qu'il en était.

Le projet organique suscite des difficultés liées à une certaine imprécision des textes de Nouméa, en particulier sur la notion de citoyenneté. En effet la loi organique, dans son article 3, rattache la définition de la citoyenneté à l'article 177 qui fixe les conditions de participation aux élections au congrès et aux assemblées de province, ignorant ainsi l'article 206, qui détermine le corps électoral pour le référendum de sortie. Le texte favorise l'interprétation large de la citoyenneté, mais crée deux catégories de citoyens, selon qu'ils pourront ou non participer à la consultation finale. Cette question a une incidence sur la mise en oeuvre du protectionnisme dans le domaine de l'emploi local, qui figure dans l'accord de Nouméa. Là encore, si les deux parties sont d'accord pour une formule commune, nous nous en félicitons.

D'autres questions-clés, enfin, appellent des précisions : le contrôle de la constitutionnalité des lois du pays, celui de l'usage des fonds publics, le fonctionnement de la collégialité gouvernementale, le respect des libertés publiques. Nous y reviendrons donc dans la discussion des articles.

Il sera de la responsabilité de l'Etat français de veiller à ce que l'objectif de rééquilibrage fixé voici dix ans soit atteint, notamment dans le domaine de la formation, dans celui de la réforme du champ foncier et dans celui de l'activité économique. Je rappelle que les compétences et obligations non financières qui seraient transférées aux collectivités locales et qui sont mises à la charge de l'Etat par le protocole de février 1998 organisant la procédure d'échange de massifs miniers seront reprises et mises en oeuvre par lesdites collectivités locales.

L'implication des populations dans la mise en oeuvre de l'accord dépend de ce rééquilibrage, ainsi que la dynamique qui leur permettra, lors du référendum d'autodétermination, de choisir librement leur destin. En d'autres termes, cela conditionnera la réussite de cette formidable expérience de décolonisation pacifique, qui fait honneur à notre pays et à laquelle le groupe communiste est particulièrement sensible (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Gérard Grignon - Notre débat est un débat de confirmation. Après l'adoption, en juillet, d'un projet de loi constitutionnel, nous sommes appelés à adopter une loi organique donnant à la Nouvelle-Calédonie un nouveau statut.

Il y a dix ans, les téléspectateurs calédoniens assistaient en direct à la poignée de mains historique de Jacques Lafleur et de Jean-Marie Tjibaou, signataires des accords de Matignon qui mettaient fin aux événements sanglants qui avaient assombri la Nouvelle-Calédonie entre 1984 et 1988. La raison triomphait de la passion, le dialogue prévalait sur le combat fratricide. Dix ans après, le 5 mai dernier, Jacques Lafleur et Roch Wamytan concluaient à Nouméa un nouvel accord sur l'avenir institutionnel du territoire, au prix de concessions réciproques raisonnables. Le FLNKS acceptait de se contenter d'une autonomie progressive et de reporter le scrutin d'autodétermination à la fin d'une période transitoire comprise de quinze ans au moins, tandis que le RPCR acceptait de reconnaître les ombres de la période coloniale et le traumatisme durable qu'elle avait causé à la population d'origine.

La mise en oeuvre de cet accord nécessitait une révision constitutionnelle, car certains de ses points essentiels étaient contraires à notre droit commun constitutionnel : création d'une entité juridique de nature nouvelle, transfert irréversible de compétences dérogeant au principe d'indivisibilité de la République, reconnaissance d'une citoyenneté calédonienne fondant des restrictions apportées au corps électoral ainsi qu'une forme de priorité à l'embauche, possibilité donnée aux personnes ayant perdu le statut coutumier de récupérer celui-ci, organisation d'une consultation se substituant au scrutin d'autodétermination prévu par la loi du 9 novembre 1988.

Au Congrès de Versailles, le groupe UDF a choisi d'approuver la révision constitutionnelle, prenant acte du consensus politique sur lequel reposait l'accord de Nouméa. L'approbation de l'accord par les Calédoniens eux-mêmes n'a pas été une simple formalité, car les appréhensions et les craintes étaient fortes des deux côtés. Les anti-indépendantistes ont d'abord critiqué un compromis "signé à la hâte dans le dos des Calédoniens", tandis que les Kanak, lassés par leurs divisions incessantes, étaient plutôt disposés à s'abstenir. Les principaux dirigeants politiques ont donc mené une active campagne pour le "oui", Jacques Lafleur en expliquant que l'accord permettrait au territoire de "demeurer au sein de la République dans le cadre de relations refondées et rénovées" et Roch Wamytan en proclamant qu'il ouvrait la voie à "une indépendance irréversible qui commence à se construire dès aujourd'hui". L'objectif était d'obtenir un résultat largement supérieur aux 57 % de 1988, et l'approbation de l'accord par près de 72 % des votants fut une surprise d'autant plus heureuse que la participation approchait les 75 %, signe d'une grande maturité politique.

Une période transitoire s'ouvre donc, durant laquelle le congrès du territoire disposera d'un pouvoir législatif propre. Le projet de loi organique détaille les transferts de compétence de l'Etat à la Nouvelle-Calédonie. Certains interviendront dès le 1er janvier 2000, les autres entre 2004 et 2014. Les établissements publics d'Etat seront transférés au territoire sur proposition du congrès. Il faut rappeler que ces transferts progressifs seront irréversibles : quels que soient les résultats du futur référendum d'autodétermination, les compétences acquises le resteront.

Les nouvelles institutions peuvent être décrites comme un régime d'assemblée. Le congrès, qui réunit les membres des trois assemblées provinciales, vote les lois du pays après avis du tribunal administratif, une seconde délibération ou un contrôle du Conseil constitutionnel n'étant possible que sur demande du haut-commissaire, du gouvernement, du président du congrès, d'une assemblée provinciale ou d'un tiers des membres du congrès. Le pouvoir exécutif est exercé collégialement par un gouvernement de cinq à onze membres, élu à la proportionnelle par le congrès et responsable devant lui.

Doit-on considérer que l'ordre constitutionnel français est atteint ? La permanence de l'Etat n'est pas mise en cause, et c'est un point essentiel pour tous ceux qui, comme nous, sont attachés à l'indivisibilité de la République. L'Etat continuera d'être représenté par un haut commissaire, qui assistera aux séances du gouvernement sans avoir de voix délibérative, mais pourra demander une deuxième délibération, Les provinces, qui disposeront d'une compétence de droit commun et d'une dotation obligatoire provenant du budget du territoire, sont confortées dans leur statut de collectivités locales. Les communes continueront, au moins jusqu'en 2009, de relever de l'Etat, mais pourront bénéficier de dotations en provenance du budget du territoire, sur décision du congrès.

Un sénat coutumier de 16 membres sera obligatoirement consulté sur tout sujet ayant trait à l'identité kanak : signes distinctifs, régime des terres coutumières, modalités d'élection à ces institutions nouvelles. Il sera représenté au conseil économique et social et aux conseils d'administration de divers établissements, et participera avec le congrès, qui aura toutefois le dernier mot en cas de désaccord, à l'élaboration de certaines réglementations.

Le projet crée, en outre, une citoyenneté calédonienne, qui appartiendra aux Français résidant sur l'archipel depuis dix ans au moins et se transformera en nationalité si le territoire optait, après 2014, pour l'indépendance. Cette citoyenneté fonde les restrictions au corps électoral qui s'appliqueront aux prochaines élections territoriales et aux référendums d'autodétermination. Le droit de vote sera subordonné à une condition de résidence prolongée en Nouvelle-Calédonie. La consultation finale sera ouverte aux seuls résidents depuis 1988 et à leurs descendants résidents, ainsi qu'à ceux qui pourront justifier de vingt ans de résidence en 2013. Le vote aux élections provinciales sera soumis à une condition de résidence de dix ans. La citoyenneté calédonienne offrira également des garanties particulières pour accéder à certains emplois peu qualifiés et à la fonction publique territoriale. Le statut civil coutumier et rétabli à égalité de dignité avec le statut civil de droit commun, et les modalités de passage de l'un à l'autre sont prévues.

Quel avenir, dans ces conditions, pour la Nouvelle-Calédonie ? La question de l'indépendance est évidemment posée à terme, ne pas l'admettre serait nier l'évidence. La date de la consultation sur ce sujet sera fixée par le congrès élu en 2014 ou, à défaut, par l'Etat. En cas de réponse négative, une seconde consultation sur la même question pourra être organisée, à la demande du tiers des membres du congrès, adressée au haut commissaire dans les six mois.

Ce dont il s'agit aujourd'hui, c'est d'aménager un régime transitoire avant l'autodétermination.

Si l'ensemble des groupes de l'Assemblée et du Sénat ont voté la révision constitutionnelle, et si le référendum a été largement approuvé, les dernières négociations ont révélé des points de discordance entre les signataires sur la composition du corps électoral calédonien et sur le nombre de consultations.

Nous sommes donc conscients que tout n'est pas réglé. Le groupe UDF est cependant prêt à voter ces textes pour être cohérent dans sa démarche. Et ce n'est pas un élu d'outre-mer qui niera la nécessité de prendre en compte les spécificités d'un territoire et les souhaits des populations locales ! Pour autant, je tiens, en mon nom et en celui de mes collègues UDF, à rappeler notre attachement au caractère indivisible de la République française, qui n'empêche nullement l'évolution des DOM.

Nous demandons un débat public sur l'actualisation de nos statuts tenant compte de la diversité des régimes et un bilan sur les relations nous unissant à la métropole.

J'ouvrirai à ce propos une parenthèse sur Saint-Pierre-et-Miquelon. Je considère que son statut est bon : il retient les avancées de la départementalisation tout en conservant les avantages du territoire dans la maîtrise de la fiscalité. D'autre part, le développement économique de l'outre-mer, qui est la vraie question, nécessite une stabilité des institutions. Tout changement doit faire l'objet d'une réflexion approfondie et d'une consultation des populations concernées. Un statut ne se modifie pas au gré des changements des responsables politiques. La loi institutionnelle doit créer l'harmonie dans les rapports humains et être le meilleur outil du développement économique.

Pour Saint-Pierre-et-Miquelon, l'année à venir doit donc être celle de la réflexion, suivie de la meilleure consultation qui soit, l'élection du conseil général, véritable occasion d'un large débat public.

L'outre-mer a besoin d'une véritable politique de création d'emplois. On a trop souvent décrié l'outre-mer. L'opinion publique oublie qu'il est facteur du rayonnement culturel et technologique de la France dans le monde.

L'outre-mer n'est donc pas une affaire annexe et si la question des statuts est importante, tout aussi fondamentale est la mise en place de mesures favorisant l'investissement, la création d'entreprises, le développement du potentiel local.

La loi d'orientation devrait donc se donner pour objectif de proroger et améliorer deux dispositifs sur lesquels flottent la suspicion et l'interrogation, la loi Pons et la loi Perben. Aucun développement n'est concevable si ce type de mesures n'est pas maintenu et amélioré.

La question de l'outre-mer ne peut se régler en quelques heures à la veille des fêtes de Noël. C'est un sujet grave qui concerne l'avenir de la France et mérite mieux que ce débat en petit comité.

En ce qui concerne les textes à l'ordre du jour, c'est dans l'espoir d'un consensus durable entre les Néo-Calédoniens que nous voterons la loi organique et la loi ordinaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe socialiste)

Mme Huguette Bello - En juillet dernier, afin d'inscrire l'évolution de la Nouvelle-Calédonie dans la loi fondamentale, le Congrès réuni à Versailles a voté, à la quasi-unanimité, la révision de la Constitution. Quelques mois plus tard, le référendum organisé en Nouvelle-Calédonie a mis en évidence l'approbation très forte des Calédoniens à l'accord de Nouméa. Une adhésion si massive est exceptionnelle et dépasse les clivages habituels.

L'accord de Nouméa inaugure une nouvelle phase dans les relations entre la France et l'outre-mer et il constitue un tournant dans l'évolution de cet outre-mer français. Cette étape capitale a été saluée en France métropolitaine, mais surtout sur les rives de l'océan Pacifique, l'océan Atlantique et de l'océan Indien.

Il est donc urgent de tirer les multiples enseignements d'un événement historique dont la Nouvelle-Calédonie est le théâtre, mais qui concerne l'ensemble de l'outre-mer.

Premier enseignement, l'outre-mer n'est pas une entité homogène. Derrière ce terme générique et les images un peu mythiques, l'outre-mer est un regroupement d'histoires, de réalités et de désirs différents. Aux dix régions d'outre-mer, correspondent dix réalités différentes.

Pour remarquable qu'elle soit, la solution trouvée en Nouvelle-Calédonie ne saurait donc constituer un modèle pour les autres régions. Telle n'a d'ailleurs jamais été l'ambition des Calédoniens.

Deuxième enseignement, l'évolution calédonienne montre que, si complexe que soit une situation, si tragiques les épisodes par lesquels on est passé, il est possible, quant on en a la volonté politique, de parvenir à une solution acceptée par tous les adversaires d'hier. L'histoire coloniale de la Nouvelle-Calédonie est certes plus courte que celle d'autres régions, mais elle a été marquée par une rare brutalité qui aurait pu faire disparaître le peuple kanak tout entier.

Troisième enseignement, l'accord de Nouméa et les accords de Matignon qui l'avaient précédé témoignent d'une conception des rapports entre les peuples plus attentive aux réalités fondamentales de leurs histoires respectives qu'aux accidents qu'ont provoqués, dans ces relations, les violences, les incompréhensions et les appétits de toutes sortes. Il s'agit d'une vision fondamentale de la politique, qui fait constamment référence aux bases historiques et culturelles des sociétés. Elle s'oppose à toute espèce d'intégrisme et aussi à toute tentation de formalisme.

Sans doute l'accord de Nouméa n'a-t-il été possible que parce que les différents protagonistes, au premier rang desquels Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur, ont su éviter l'impasse où conduit la logique d'affrontement. Mais leurs qualités humaines éminentes auraient été insuffisantes si elles n'avaient pas été mises au service d'une vision politique articulée à la fois sur le passé et sur l'avenir. C'est par là que l'accord de Nouméa prend une signification universelle : il n'est pas la panacée contre tous les conflits, mais l'esprit qui l'inspire inspirera nécessairement ceux qui, ailleurs, chercheront d'autres solutions à d'autres problèmes. On n'a pas cherché la paix sur les sentiers de la volonté de puissance et des intérêts particuliers. Chacun a, d'emblée, désiré la victoire de tous.

Chacune des régions d'outre-mer connaît aussi ses évolutions et ses crises. Revendications de responsabilités accrues, protestations contre les inégalités, désirs d'affirmation et de reconnaissance culturelles, ces aspirations peuvent être plus ou moins spectaculaires. L'erreur majeure serait de les négliger ou de les nier, d'autant que la preuve a été faite, en Nouvelle-Calédonie, que les difficultés les plus sévères peuvent être dépassées.

Comment à ce stade de la réflexion, ne pas évoquer l'accord quasi unanime dont vous venez d'être le témoin, Monsieur le ministre, des forces politiques d'aujourd'hui à la Réunion, pour que soit réalisée au plus tôt, une profonde réforme administrative comportant la création d'un deuxième département, de nouvelles communes et de nouveaux cantons dans l'île ?

Lorsque des forces politiques concurrentes s'accordent sur une revendication commune, c'est que l'intérêt général est pris en compte par tous.

C'est un moment privilégié de l'histoire politique de mon île, que le Gouvernement doit saisir. Personne n'a jamais gagné contre la géographie, l'histoire et la démocratie.

Cette réforme doit s'accompagner de la reconnaissance de compétences plus larges aux assemblées élues et du respect d'une culture issue de l'assimilation de celles de nos ancêtres venus de tous les continents. Respect notamment de la langue créole, qui est le moyen d'expression dans la vie quotidienne et le vecteur d'une création culturelle en plein essor.

L'accord de Nouméa affirme la pleine reconnaissance de l'identité kanak, bafouée depuis la colonisation. Cette reconnaissance va conduire à préciser le statut civil coutumier, créer un sénat coutumier, à valoriser le patrimoine kanak, à clarifier la notion et le statut des terres coutumières. Ainsi, pour la première fois, non seulement les Kanak vont avoir accès à toutes les responsabilités, mais encore ils les exerceront dans des structures respectueuses de leur culture.

Il ne s'agira pourtant en aucune façon d'un retour au passé. Pour se développer, leur société ne pourra ni se dissoudre dans la modernité ni se replier sur un âge d'or imaginaire. Comme le disait Jacques Berque, "Non pas l'antique comme rabâchage, mais l'innové comme retrouvailles". Cette société devra prouver, et surtout se prouver, que la réappropriation d'une histoire et d'une culture n'est pas contradictoire avec les exigences du présent.

Son enjeu est désormais de progresser tout en restant elle-même. Comment, par exemple, concilier l'antique relation à la terre, quand chaque individu, chaque clan se définissait par un lien particulier avec une vallée, une colline ou la mer, et les schématisations brutales de la spéculation foncière ?

Ce choc des cultures exigera que ceux qui auront la charge de l'inscrire dans la réalité aient des qualités comparables à celles des négociateurs de l'accord. Mais si nous sommes si attentifs à ce moment de l'histoire calédonienne, c'est que la problématique qui s'y joue dépasse de beaucoup les limites de cette région. Dans chaque région de l'outre-mer, de telles retrouvailles avec le passé et de telles épousailles avec le présent forment la trame de la réalité quotidienne. L'écho calédonien doit parvenir à chacune d'entre elles.

Mais le Pacifique, l'océan Indien et la Caraïbe sont-ils seuls à devoir faire se rencontrer leur passé avec la modernité ? L'humanité tout entière est aujourd'hui comme anesthésiée par des changements qu'elle vit comme des agressions.

Réussir le pari de faire se rencontrer, en Nouvelle-Calédonie, les formes traditionnelles et celles de la modernité, l'enjeu ne peut être indifférent à personne. La démonstration conjointe de force et de désarroi à laquelle se livre le pays qui se veut le champion de cette modernité, les Etats-Unis d'Amérique, nous montre chaque jour un peu plus que l'ordre technocratique n'est pas l'horizon indépassable du siècle à venir. C'est à l'ensemble des peuples que le pari calédonien, s'il est gagné, peut ouvrir de grandes perspectives en leur proposant à la fois une rencontre avec les autres et un rendez-vous avec eux-mêmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Gilbert Gantier - Aux termes des accords de Matignon, c'est en 1998 que devait être élaboré, à partir d'un référendum d'autodétermination, un nouvel avenir institutionnel pour la Nouvelle-Calédonie.

Dès 1991 pourtant, M. Jacques Lafleur a proposé la recherche d'une solution consensuelle, permettant d'éviter un "référendum-couperet", qui aurait laissé le territoire divisé entre vainqueurs et vaincus. C'est pourquoi, après de longues et laborieuses négociations, l'accord de Nouméa a vu le jour, signé le 5 mai 1998 par le Premier ministre et les délégations du FLNKS et du RPCR.

Cet accord définit l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie pour une période de quinze à vingt ans, pendant laquelle l'Etat transférera de façon irréversible certaines compétences et reconnaîtra l'existence d'une identité calédonienne propre au sein de la République. A l'issue de cette période, une nouvelle consultation devrait déterminer l'avenir du Caillou.

Les deux présents projets de loi doivent assurer la mise en oeuvre de cet accord. Celui-ci nous a été présenté à sa signature comme la garantie de la paix et d'un avenir commun pour tous les habitants de la Nouvelle-Calédonie. A la fin de 1998, plus personne n'en est aussi sûr !

M. le Rapporteur - Si !

M. Gilbert Gantier - Il y a six mois, le Congrès a révisé la Constitution afin de prévoir un cadre juridique transitoire, spécialement adapté à la Nouvelle-Calédonie. Le groupe Démocratie Libérale a majoritairement voté en faveur de cette révision constitutionnelle, exprimant pourtant de très fortes réserves.

L'accord comportait en effet plusieurs dispositions alors contraires à notre Constitution, mais surtout à des principes fondamentaux.

Une révision constitutionnelle était nécessaire, dans la mesure où l'accord de Nouméa prévoit la naissance d'une collectivité territoriale d'un type nouveau, dérogeant à l'article 74 de la Constitution. Le caractère irréversible des transferts de compétence, au profit d'une autorité délibérante ayant un pouvoir normatif autonome, heurtait l'article premier de la norme suprême qui proclame le caractère indivisible de la République. De même, l'accord restreignait le corps électoral de façon contraire à l'article 3 qui proclame l'égalité du suffrage. Et que dire de la priorité à l'embauche réservée aux citoyens de la Nouvelle-Calédonie, qui institutionnalise le principe de préférence nationale, contraire au principe constitutionnel d'égalité ? Enfin, la possibilité de retour au statut coutumier dérogeait aux dispositions de l'article 75. Enfin, que dire du ton de repentance du préambule de cet accord, dont l'esprit a choqué nombre d'entre nous ?

M. le Rapporteur - Vous l'avez lu de manière sélective !

M. Gilbert Gantier - Cela étant, les articles 76 et 77 ont été ajoutés à la Constitution, permettant l'application de l'accord de Nouméa. Malgré des hésitations, la majorité de mon groupe a soutenu cette révision. Nous soutenions en réalité l'assurance d'un développement harmonieux et pacifié de la Nouvelle-Calédonie au sein de la République Française.

Or, cet espoir semble compromis. Le consensus s'est vite effrité. D'ailleurs, il n'était qu'illusoire, chacun ayant vu dans l'accord ce qu'il voulait bien y voir : pour les indépendantistes, l'indépendance au bout de vingt ans ; pour les anti-indépendantistes, la garantie du maintien au sein de la République.

Cette ambiguïté n'a pas été levée, tant s'en faut, lors de la récente campagne du référendum. Chacun a défendu sa vision du oui et les opposants à l'accord ont fait entendre leur voix plus fort que prévu. Certes, 72 % des Calédoniens ont approuvé l'accord alors que la participation a atteint 74 %.

Pourtant, à y regarder de plus près, les résultats du scrutin laissent deviner les failles du consensus apparent. Dans la province nord, plutôt indépendantiste, la participation a été de 73 % et le oui l'a emporté avec plus de 86 %. Dans la province des îles Loyauté, il a atteint 95 % mais 51 % des électeurs n'ont pas voté. Enfin, dans la province sud, anti-indépendantiste, la participation a été de 80 % mais le oui n'y obtient que 63 %, le non recueillant même 42 % à Nouméa.

M. le Rapporteur - Raisonnez non en pourcentage, mais en valeur absolue !

M. Gilbert Gantier - Je cite les chiffres officiels. C'est dans ce contexte incertain que nous débattons aujourd'hui des projets de loi organique et ordinaire, prévus par l'article 77 nouveau de la Constitution, qui visent à mettre en oeuvre l'accord de Nouméa.

Je tiens à exprimer les plus vives protestations de notre groupe sur le calendrier retenu pour leur examen. L'Assemblée a disposé de délais très brefs pour examiner ces textes extrêmement volumineux et le rapporteur lui-même a indiqué que son travail en avait pâti.

Pourquoi avoir inscrit ces textes à l'ordre du jour fin décembre, à quelques heures du réveillon de Noël, obligeant nos compatriotes d'outre-mer à se déplacer, dans un hémicycle déjà déserté ? Selon la présidente de la commission, ce calendrier s'expliquerait par la volonté des parties de mettre en place les nouvelles institutions le plus vite possible. Argument spécieux, dans la mesure où il ne s'agit aujourd'hui que de la première lecture, dans une procédure parlementaire qui peut en compter jusqu'à sept ! Argument d'autant plus surprenant que les parties paraissent loin d'avoir trouvé un accord sur toutes les dispositions du projet ! Le rapporteur lui-même a appelé en commission à voter contre certains articles, au motif qu'ils faisaient encore l'objet de négociations entre le gouvernement et le FLNKS ! Nous protestons donc vivement contre cette méthode de travail contraire aux usages de notre Assemblée.

L'existence de profonds désaccords entre les parties risque d'ailleurs de compromettre fortement le fonctionnement normal des institutions qui seraient élaborées en application de ces textes. Dans ce contexte, les réserves que mon groupe avait exprimées à Versailles ne peuvent qu'être encore plus vives.

En premier lieu, nous désapprouvons la restriction du corps électoral, exigeant pour les élections au congrès et aux assemblées des provinces une durée de résidence minimale de dix ans et de vingt ans pour le scrutin d'autodétermination ! Cette disposition, sans précédent, à ma connaissance, pour une élection démocratique ôte environ 15 000 électeurs du corps électoral, de façon contraire aux principes du droit électoral français, comme d'ailleurs aux principes généraux du droit.

M. le Rapporteur - Vous l'avez pourtant votée.

M. Gilbert Gantier - Pas moi.

Nous sommes d'autant plus inquiets de ces extravagantes anomalies que nous en comprenons le pourquoi. Cette règle devrait limiter dans vingt ans la proportion de la population jugée plutôt anti-indépendantiste. Que le rapporteur ait fait état en commission de nouvelles négociations sur ce point accroît encore mes inquiétudes. Comment nous prononcer favorablement dans de telles conditions ?

En second lieu, nous contestons la possibilité pour la Nouvelle-Calédonie d'édicter des règles visant à protéger l'emploi local. Nos principes libéraux nous interdisent d'approuver une mesure malthusienne et dirigiste, qui introduirait en droit français le principe de préférence nationale rejeté par ailleurs ! Que ne dirait-on si la même mesure discriminatoire était proposée en France métropolitaine !

Enfin, nous émettons certains doutes sur l'équilibre de l'architecture institutionnelle. En effet, les règles de fonctionnement du gouvernement répondent à deux logiques, l'une majoritaire, l'autre proportionnelle, qui obligent les parties prenantes à un accord permanent de gouvernement. Or, ce dernier paraît fragile aujourd'hui et l'on peut craindre une paralysie des institutions, particulièrement fâcheuse au regard de l'importance des compétences transférées.

Nous nous interrogeons également sur la disposition qui permet à la majorité du gouvernement de décider de la démission de ce dernier. En outre, nous formulons de sérieuses réserves sur la possibilité accordée au gouvernement, collégial et solidaire, de mettre fin aux fonctions de l'un de ses membres. Quelle sera la nature et la portée d'une telle délibération ? Qui sera visé et pourquoi ? Quelle arrière-pensée dissimule cette étrange disposition ?

Au-delà de ces deux projets de loi, nous nous interrogeons sur la viabilité même du dispositif institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Nous ne pouvons pas, en l'état, donner un blanc-seing pour une évolution aussi incertaine, sur laquelle les partenaires eux-mêmes ne semblent pas fondamentalement d'accord.

L'esprit de l'accord de Nouméa, qui avait poussé nombre de mes collègues de Démocratie libérale, a approuver la révision constitutionnelle, ne nous semble plus respecté aujourd'hui. Trop de questions restent à trancher pour définir l'avenir de la Nouvelle-Calédonie.

Aussi le groupe Démocratie libérale, dont le souhait le plus fort est que la Nouvelle-Calédonie se développe en paix, au sein de la République, ne votera pas les projets de loi organiques et ordinaires.

M. François Colcombet - Le groupe socialiste votera ces projets.

Les relations que la France entretient avec la nouvelle-Calédonie sont relativement récentes. C'est au milieu du siècle dernier que les maristes puis les militaires ont pris possession de fait puis de droit de ce territoire effleuré un siècle plutôt par Cook.

Les premiers contacts ont été marqués de séduction et de répulsion. La population kanak en était alors à ce qui correspond pour l'Occident à l'âge de la pierre polie. Notre XIXème siècle, sûr de lui et conquérant, diffusait avec superbe ses découvertes et son modèle de société.

Ni les uns ni les autres n'étaient sans tares. On fit grand cas de la découverte d'actes d'anthropophagie. Mais à la même époque les enfants français travaillaient dans les mines à partir de l'âge de sept ans !

Les Occidentaux s'estimaient novateurs, en mouvement, et jugèrent le peuple kanak sans histoire, immobile dans un sommeil éternel.

Or, des traces de culture ancienne témoignent que les Kanak, comme tous les peuples, ont évolué. Les vingt-six langues du territoire résultent de la diversification d'un langage originel. Comme en Occident, chaque coin de province a eu son patois, ses saints protecteurs et ses habitudes alimentaires. La diversification linguistique a permis à chaque communauté d'affirmer son identité tout en partageant une culture profondément cohérente sur l'ensemble du territoire.

Nous avons tous en mémoire l'extraordinaire cérémonie d'inauguration du centre Jean-Marie Tjibaou voulu par le président Mitterrand qui avait compris que la France se devait de donner à une culture qu'elle a tant méconnue les moyens de son rayonnement. Mme Tjibaou nous avait alors dit : "Nous ne sommes pas une curiosité archéologique mais un peuple vivant. Nous voulons affirmer notre identité non pour nous et entre nous mais à la face du monde." M. Jacques Lafleur lui avait répondu : "Il est vrai que vous êtes un peuple à la culture ancienne et riche, au point d'avoir vingt-six langues. Le français vous offre un langage commun pour vous faire connaître et reconnaître".

Il appartient en effet à la France de donner aux Kanak les moyens d'accéder à l'universalité.

Renforcer la coutume ou y revenir pour ceux qui l'auraient quittée, comme le prévoit l'accord de Nouméa, cela peut être entendu de diverses façons. S'agit-il du retour à une société agricole communautaire garantissant, en échange de contraintes et de rites parfois tatillons, la protection des plus faibles et la prise en charge des travaux les plus lourds ?

Dans un monde individualiste où la vie privée de chacun est protégée, ce type de société peut paraître étouffante, stérilisante. Des initiatives individuelles potentiellement bénéfiques peuvent être brisées par la coutume.

Mais après tout, la situation n'était pas très différente dans la France du XIXème siècle ou du début du XXème siècle. Il n'y a pas si longtemps que les enfants peuvent se marier sans l'autorisation des parents ou que l'égalité régit, en principe, les rapports entre époux.

Comprenons donc ce souhait d'un retour à la coutume, tout en aidant la société calédonienne à évoluer. C'est là notre responsabilité. En effet, la justice est une prérogative régalienne restant de la compétence de l'Etat et c'est donc à nous de dire quelle justice doit être rendue sur le territoire.

Il nous faut à cet égard être conscients des faiblesses de notre système judiciaire. Ainsi, face à la prolifération d'actes à la limite de la délinquance et auxquels la réponse pénale n'est pas adaptée, nous nous sommes efforcés de développer de nouveaux modes de règlement des litiges telles la transaction et la médiation.

Or ce sont là des procédés voisins de ceux employés par la justice coutumière dont la principale faiblesse est la lenteur. On l'a bien vu avec les juridictions coutumières mises en place en 1982. Près de dix ans plus tard, elles n'étaient pas parvenues à trancher la plupart des litiges dont elles avaient été saisies.

C'est pourquoi un système d'échevinage a été mis en place en matière pénale par les accords de Matignon. Il a connu le succès. Les décisions judiciaires sont désormais mieux acceptées. L'intervention de juges professionnels dans les affaires coutumières a également été un succès, ce qui a permis d'accélérer les jugements.

Le droit appliqué est kanak mais la procédure française. Le principe du contradictoire ou l'obligation de motiver les décisions ont permis de faire évoluer le droit.

Beaucoup reste à faire car en Nouvelle-Calédonie, comme chez nous, les occasions de litige sont nombreuses à propos du statut des femmes, de l'intérêt des enfants, des relations du travail ou des modalités d'exercice du droit de propriété.

L'égalité entre hommes et femmes que nous venons de voter unanimement peut d'ailleurs avoir des conséquences explosives pour la coutume qui devra s'y adapter.

Ne dénonçons toutefois pas trop la paille dans l'oeil de l'autre. Nous aussi aurons à faire évoluer notre droit. Tous ensemble, kanaks, caldoches, métropolitains, nous devrons travailler à plus d'égalité et plus de justice.

C'est dans cet esprit que notre commission a souhaité améliorer ce projet.

Elle propose pour cela d'étendre le système des assesseurs non professionnels à de nouveaux contentieux. Par certains aspects, la Nouvelle-Calédonie est d'ailleurs en avance sur la métropole puisque son tribunal de commerce fonctionne bien grâce à l'échevinage que l'on propose aujourd'hui d'instituer en métropole.

La commission propose également d'introduire des assesseurs non professionnels à la cour d'appel, comme cela est déjà le cas en matière coutumière avec succès.

Enfin, des évolutions doivent être apportées au statut des juges professionnels. Aujourd'hui, tous sauf un sont originaires de la métropole. On leur reproche de méconnaître la réalité calédonienne, parfois non sans raison. Une mesure limitant le temps de séjour des magistrats en Nouvelle-Calédonie paraît donc nécessaire.

La Nouvelle-Calédonie mérite toute notre attention. La France a commis vis-à-vis d'elle bien des maladresses et des injustices. Elle a toutefois su se ressaisir et "sortir par le haut" d'une situation apparemment inextricable. L'image de notre pays dans le monde s'en est trouvée confortée.

Il nous faut donc rester tous ensemble fidèle à ce beau "pari sur l'intelligence" si justement évoqué par Jean-Marie Tjibaou (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et quelques bancs du groupe du RPR).

M. Dominique Perben - Ces deux projets de loi organisent les futures institutions de la Nouvelle-Calédonie et la répartition des compétences et les relations financières entre l'Etat, ce territoire, les provinces et les communes. Ils prévoient en outre l'évolution de ces règles sur les 20 prochaines années et fixent une perspective politique à l'issue de cette période transitoire. Ils sont donc très importants.

Leur discussion intervient par ailleurs après de longues et difficiles négociations conduites entre les partenaires locaux. La volonté d'aboutir et le souci de préserver la paix des différents responsables ne doivent pas nous faire oublier les divergences de conception sur l'avenir du territoire qui persistent en Calédonie comme en France métropolitaine.

Notre discussion a également été précédée par la réforme constitutionnelle et le référendum de novembre. La très forte participation et l'approbation de l'accord par le collège électoral prévu en 1988 ont montré qu'il y avait une majorité dans les différents électorats des principales forces politiques pour entériner le travail accompli.

Nous devons prendre tout cela en compte. Le Parlement est libre mais, nous ne pouvons pas ne pas prendre en considération la volonté des Calédoniens.

Je voudrais enfin rappeler que les textes qui nous sont proposés le sont conformément à la Constitution au nom du Premier ministre mais qu'à l'occasion de leur examen en conseil des ministres, ils ont reçu l'approbation explicite du Président de la République. Il est donc d'autant plus regrettable -même si la mise en place des institutions exigeait une certaine célérité- que nous travaillions dans la précipitation.

Ces dix dernières années ont été celles de la provincialisation, un partage des responsabilités entre le RPCR et le FLNKS ; d'une recentralisation exceptionnelle des pouvoirs au profit d'un Etat arbite ; d'un effort exceptionnel de rééquilibrage économique qui n'a pu combler l'écart impressionnant entre le sud et le nord.

Au cours de ces dix dernières années s'est aussi fait jour progressivement l'idée que le référendum sur l'autodétermination prévu en 1998 devait laisser place à une solution consensuelle. Il faut rendre hommage en particulier à Jacques Lafleur qui le premier a lancé l'idée que cette solution valait mieux qu'un référendum couperet qui laisserait des ressentiments.

M. le Rapporteur - Très juste.

M. Dominique Perben - Aussi on n'a pas laissé jouer la simple règle de la majorité. Les uns et les autres, dans un profond respect, ont compris la légitimité des préoccupations de chacun, donnant un bel exemple d'esprit républicain. L'expérimentation d'une gestion par les parties prenantes dans une large autonomie sera une nouveauté dans le cadre de la République.

Le travail ainsi accompli en dix ans l'a été par une génération de Calédoniens de toute orientation, et aussi par différents gouvernements et différentes majorités, qui avaient en commun de rechercher la paix.

Ces textes se caractérisent par l'importance de l'autonomie accordée au territoire, qui se fonde sur l'article 21 de l'article 19 III. En fin de période transitoire, l'Etat ne restera compétent que pour la justice, la défense, l'ordre public et la monnaie. La Nouvelle-Calédonie se voit aussi reconnaître une certaine capacité internationale. Cette innovation a pu suspendre. Je la crois tout à fait heureuse. Ces lois du pays, autre innovation, permettront d'éviter les contradictions entre des délibérations de droit commun du congrès et la loi nationale. Le contrôle par le seul Conseil constitutionnel est une bonne chose.

La constitution et le fonctionnement du gouvernement reflètent les conditions de gestation de l'accord. Ce gouvernement doit assurer une action cohérente et responsable. S'il est composé des représentants des principales forces, ses membres devront faire preuve d'un grand sens des responsabilités et d'un grand art de la négociation. Une telle solution peut aboutir au pire comme au meilleur. J'espère que nous n'aurons pas à le regretter.

Sur le plan financier il faut assurer le développement pour que les décideurs puissent faire le pari de l'avenir. A la suite des travaux de la commission, le gouvernement précisera les règles financières. Nous y serons très attentifs.

Ce texte donne aux provinces la compétence de droit commun. Mais la logique politique se révèlera peut-être en décalage avec la logique économique, c'est-à-dire le souci de rééquilibrage entre le nord et le sud. Il faudra observer de très près cette évolution.

Deux autres points ont un grand retentissement politique. Le corps électoral a fait l'objet de longues négociations car ce territoire peu peuplé peut être bouleversé par une arrivée de métropole. Mais la réglementation retenue est contraire à notre tradition. Le RPR s'en tiendra à la volonté des signataires de l'accord de Nouméa, sanctionnée par le projet du Gouvernement.

Ancien ministre des DOM-TOM, je peux témoigner de l'inquiétude des Calédoniens devant des mouvements de population européenne à la recherche d'un emploi qui viendraient mettre en cause les efforts de formation accomplis localement. La récente réforme de la Constitution permet d'inclure dans le texte l'article 23 relatif à l'emploi. J'espère simplement que les responsables calédoniens, sensibles à cette compréhension, l'appliqueront avec modération.

Les élus du territoire porteront une grande responsabilité pour faire réussir cette réforme. Tous ensemble, je l'espère nous allons faire un pari audacieux fondé sur la confiance que nous leur portons, sur l'idée que je me fais de la République construite sur l'égale dignité des citoyens, et sur notre conception de la nation française assurant le bien des citoyens. C'est la nation française, je l'espère, que les Calédoniens choisiront de nouveau dans vingt ans. Aujourd'hui, nous leur en donnons la liberté (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe socialiste)

M. Ernest Moutoussamy - Après l'adoption du projet de réforme constitutionnelle, après l'approbation de l'accord de Nouméa et bientôt le vote de ces deux projets de loi, l'année 1998, année du 150ème anniversaire de l'abolition de l'esclavage et du 50ème anniversaire de la déclaration universelle des droits de l'homme, peut être inscrite en lettres d'or dans l'histoire de la Nouvelle-Calédonie. Pour une fois, la France tient sa parole à l'égard de ce pays.

Le chemin parcouru en quinze ans, avec la volonté d'éviter toute solution susceptible d'opposer entre elles les deux principales communautés, débouche sur un admirable consensus. Aussi la loi organique qui résulte de concessions réciproques doit-elle refléter l'esprit et la lettre de l'accord de Nouméa.

Ces deux projets constituent un contrat original entre l'Etat et la Nouvelle-Calédonie. La République prouve ainsi sa capacité à accompagner l'émancipation politique et économique du peuple calédonien. Permettez-moi de penser que cette capacité ne disparaîtra pas lors de l'examen du projet de loi d'orientation relatif aux DOM.

Le consensus national né de l'accord de Nouméa est nécessaire à l'application réussie de ces textes. Ils rompent avec un mode de pensée et d'action qui trop souvent humiliait l'homme kanak, pour répondre enfin aux attentes de dignité, d'identité et de souveraineté.

En espérant que certaines précisions voulues par les parlementaires seront prises en compte par notre assemblée, je me félicite de la traduction législative de l'essentiel de l'accord de Nouméa, qui donne à la Nouvelle-Calédonie les moyens de construire son avenir et d'avancer vers la pleine souveraineté si le peuple en décide ainsi.

La réussite de cette transition est liée au consensus local et à la promptitude de l'Etat à mettre en oeuvre les moyens nécessaires au développement.

Rappelons le préambule à la loi voulu par le FLNKS. "La République garantit la décolonisation et l'émancipation de la Nouvelle-Calédonie, elle favorise son évolution de manière à la conduire au développement, dans le respect de ses intérêts propres, de ses spécificités géographiques et de son identité.

"Elle garantit également l'irréversibilité du processus de rétrocession des compétences et la faculté d'auto-organisation conférée à la Nouvelle-Calédonie.

"L'Etat, pendant toute la durée de décolonisation et d'émancipation, apportera son entier concours sous forme d'assurance technique, de formation des hommes et de financement correspondant aux compétences transférées.

"Ces engagements de l'Etat seront inscrits dans des programmes pluriannuels."

Ainsi, la Nouvelle-Calédonie n'avancera plus dans la nuit, cessera de se cogner aux murs et de se blesser. Chacun a compris que je pense ici à l'échange dramatique entre François Mitterrand et Jean-Marie Tjibaou, lors de la préparation des élections présidentielles de 1988 (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

Mme Christiane Taubira-Delannon - Pour la troisième fois cette année, nous voilà engagés dans le processus tendant à dessiner les contours de l'avenir de la Nouvelle-Calédonie. Depuis notre débat du 11 juin, depuis le Congrès du 6 juillet, la vie a continué en Nouvelle-Calédonie, où les résultats de la consultation du 8 novembre sont de nature à conforter la démarche engagée. 72 % de oui, 75 % de participation, donnent du confort à l'action.

Sachons cependant entendre les inquiétudes qui se sont exprimées durant la campagne électorale. On le sait, des personnes qui ont peu participé à des négociations souhaitent souvent tout refaire. Ce qui s'est passé ici pour Maastricht et pour Amsterdam montre que ce trait n'est pas propre à la Nouvelle-Calédonie. Dans un accord, il existe toujours quelques virgules pour servir de base à des contestations.

Pour certains, l'accord n'est pas sincère, puisque le RPCR et le FLNKS, qui affichent des objectifs contradictoires, y trouvent chacun leur compte. C'est sous-estimer la loyauté d'un accord sans faux-fuyant, c'est exprimer une difficulté à admettre que les contradictions font partie de la vie, que les antagonismes nourrissent le débat social, que la paix est une conquête perpétuelle.

Nous devons également entendre certaines revendications catégorielles, voire communautaristes. Répondons leur haut et clair que la volonté de corriger les injustices nées de la période coloniale repose sur la reconnaissance de l'antériorité mélanésienne sur le territoire, de l'identité kanak, de l'apport de ceux qui, depuis l'occupation de 1853, ont contribué à l'enrichissement du territoire, bref la reconnaissance d'une réalité sociologique composite et le refus du manichéisme.

Reconnaître l'identité kanak requiert des actes juridiques et administratifs qui lui permettent de s'épanouir. Même si la création d'un sénat coutumier heurte ceux qui savent que parfois se dissimulent derrière la coutume des préceptes inégalitaires au détriment des femmes et des jeunes, nous devons réaffirmer le rôle de la coutume dans la cohésion sociale, notre confiance dans ceux qui ont démontré leur attachement aux libertés fondamentales, et aussi notre amicale vigilance.

Reconnaître tout cela, c'est reconnaître la créance de confiance établie par ceux qui aujourd'hui ont donné naissance à cet accord et aux dispositions législatives qui s'ensuivent.

Comment la société calédonienne s'emparera-t-elle de son avenir ? Si certaines communes indépendantistes, surtout dans les Iles, ont voté oui à 95 %, d'autres, dans le Sud, seulement à 63 %, c'est que s'inscrivaient dans le territoire les inégalités fondées sur l'identité. Or corriger les injustices, préserver les acquis contenus dans les accords de référence, dopera la reconstruction économique et modernisera les conditions de production, en particulier dans le secteur du nickel. A la prochaine consultation, participeront des jeunes qui n'auront connu que les accords de Matignon et de Nouméa, qu'un territoire apaisé, qui seront sans rancoeur, instruits de leur histoire, cultivés et éclairés. L'accord de Nouméa dispose clairement que le partage de compétences entre l'Etat et la Nouvelle-Calédonie signifiera une souveraineté partagée, dix ans après que les accords de Matignon ont commencé de produire leurs effets. Les populations seront encore consultées. La démarche, loin d'être de connivence, est transparente, collective et donc démocratique. Le projet est clairvoyant, lyrique, vivant. Saluons avec respect et allégresse tous ceux qui y ont contribué car ils ont dressé un décor somptueux pour surgir sur la scène du monde.

Nous avons pris nous aussi notre part à cette oeuvre, qui est un antidote au repli ethnique, un défi aux tentations faciles de l'économie intemporelle, un cran d'arrêt aux revendications abusives, une combinaison astucieuse de la protection qui repart et de l'ouverture qui élargit l'avenir.

Ces deux mots de "souveraineté partagée", nous les répétons à satiété, nous les suçons comme un sucre d'orge à deux parfums, le droit et la générosité, la justice et la fraternité, la responsabilité et la solidarité. Cette expérience nous remplit de désir, nous l'accompagnerons l'esprit en éveil, en goûtant toutes les merveilles que contiennent déjà ses promesses (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe du RPR).

M. Pierre Frogier - Si les accords de Matignon, il y a dix ans, n'avaient pas été conclus, nous ne serions pas ici pour débattre de ce projet, qui ouvre à la Nouvelle-Calédonie une perspective de vingt ans de paix et de stabilité.

Les accords de Matignon apparaissent maintenant, et c'est heureux, comme un bien commun. Souvenons-nous cependant des difficultés que les principaux signataires ont alors rencontrées pour en faire admettre le bien-fondé. Après le drame d'Ouvéa, la Nouvelle-Calédonie était au paroxysme de la violence.

La signature des accords a mis un terme à ce cycle, et depuis dix ans on a pu constater que la paix appelle la paix. Aussi Jacques Lafleur a-t-il pu appeler en 1991 à la recherche d'une solution consensuelle trouvée avec l'accord de Nouméa signé le 5 mai dernier. Mais pour passer de l'antagonisme au consensus, il a fallu beaucoup de patience et de bonne volonté.

En votant à la quasi-unanimité la révision constitutionnelle, à laquelle le Président de la République avait donné son aval, le Parlement a montré que la Nouvelle-Calédonie n'est plus aujourd'hui facteur de division.

La preuve a été faite que lorsque sont en jeu la paix civile et l'appartenance à la République, le droit peut s'adapter à la volonté politique.

Les Calédoniens se sont montrés dignes de cette confiance en approuvant l'accord de Nouméa par 72 % de oui, avec un taux de participation record de 74 %.

Dans les trois provinces, dans les 33 communes, le oui l'a emporté nettement. Malgré la campagne des partisans du non, la population du sud et de Nouméa a montré qu'elle comprenait mieux, dix ans après la signature des accords de Matignon, que le partage du pouvoir, du savoir et des richesses était la clé de la paix, de la stabilité et du développement. L'ensemble des pays de la région a salué ce résultat, qui est un motif légitime de fierté pour la France, dont l'image est aujourd'hui excellente dans le Pacifique. Cette approbation sans équivoque était également nécessaire pour que l'émancipation de la Nouvelle-Calédonie dans la République s'engage dans les meilleures conditions, et l'analyse de M. Gantier me paraît inspirée par les plus extrémistes de nos adversaires locaux.

M. François Colcombet - Très bien !

M. Pierre Frogier - Je limiterai mon commentaire aux points les plus importants des deux textes. Pour éviter tout malentendu sur le sens de la future citoyenneté calédonienne, il faut se reporter au préambule de l'accord de Nouméa, qui la définit comme "une communauté de destin choisie". Cette citoyenneté ne doit pas exclure, mais rassembler, et tous les citoyens français qui auront décidé de s'établir durablement sur le territoire en bénéficieront au bout de dix ans.

L'Etat consent d'importants transferts de compétences, échelonnés dans le temps, dans les matières qui touchent à la vie quotidienne et au développement économique, mais rien de ce qui ne peut relever que de l'Etat n'est transféré.

Les mesures en faveur de l'emploi local, au demeurant limitées dans le temps et dans leur champ d'application, ne doivent pas être conçues comme un moyen de se replier sur soi, mais de donner aux jeunes Calédoniens les meilleures chances de trouver un emploi. Reste que, sans apports ni échanges extérieurs, développement et émancipation seront des mots vides de sens.

Dans la future répartition des compétences, les provinces demeurent les collectivités de base, mais les nouvelles compétences transférées le seront, pour l'essentiel, vers le territoire, seul niveau pertinent pour faire face aux défis économiques qui nous attendent, en particulier dans le domaine minier et métallurgique. Il faudra cependant que l'Etat compense intégralement, comme il s'y est engagé, les charges transférées.

La Nouvelle-Calédonie était l'une des trois dernières collectivités territoriales de la République à ne pas avoir d'exécutif élu. L'élection du gouvernement local par le congrès est donc un aboutissement logique. Certains se sont inquiétés des possibles difficultés de fonctionnement d'un exécutif élu à la proportionnelle, mais Jacques Lafleur a précisément souhaité qu'il associe, dès le départ, des représentants du RPCR et des mouvements indépendantistes, et que le représentant de l'Etat y ait sa place, ce qui n'est pas le cas dans les autres TOM. Toutefois, d'autres dispositions relevant de la logique majoritaire ont été retenues pour assurer la cohérence de la gestion quotidienne. Le fonctionnement collégial impliquera, il est vrai, des concessions réciproques, mais sans cet esprit de consensus l'accord de Nouméa n'aurait pas été conclu.

J'évoquerai enfin la consultation qui aura lieu dans vingt ans en principe. Contrairement à ce que nous avons pu lire dans la presse nationale, il ne s'agit nullement d'une marche forcée vers l'indépendance. Ce sont bien, conformément à l'article 77 de la Constitution, "les populations intéressées" qui se prononceront, et je suis persuadé, pour ma part, qu'elles feront le choix de la France, car une partie des indépendantistes comprendront que le bien-être des Calédoniens repose sur leur appartenance à une grande nation.

Le processus entamé par l'accord de Nouméa a suscité l'intérêt, voire une certaine convoitise, dans l'ensemble de l'outre-mer français, et le Gouvernement a d'ailleurs décidé de lancer une large réflexion sur les évolutions statutaires souhaitables. S'il ne m'appartient pas de donner de conseils sur ce qu'il convient de faire ou de ne pas faire, la solution calédonienne n'est pas transposable telle quelle, car elle résulte d'une histoire, d'une situation géographique, d'une mosaïque raciale et culturelle qui ont donné naissance à une identité particulière, que le préambule de l'accord retrace en quelques phrases fortes et remarquables, par lesquelles la République, sans faire acte de contrition, rend hommage au sentiment douloureux que les Kanak retirent de la colonisation, mais aussi à l'oeuvre des populations venues de l'extérieur. La pleine reconnaissance de l'identité kanak s'accompagne de celle de la légitimité des autres communautés ; c'est une étape essentielle vers la construction d'un destin partagé et d'une identité commune.

Je ne saurais trouver les mots pour dire à Jacques Lafleur ma reconnaissance pour ce qu'il a fait, depuis plus de vingt ans, pour ses enfants, pour nos enfants, pour les Mélanésiens qui n'ont jamais cessé de croire en la France, pour l'ensemble des Calédoniens, pour tous ceux qui aspiraient à voir leur identité reconnue et leur avenir assuré sur la terre calédonienne. Sa démarche est aussi une extraordinaire marque de confiance envers ceux de ma génération qui auront à conduire, dans les prochaines années, la Calédonie vers plus de justice, de solidarité et de fraternité. Ce pacte scellera à jamais le destin commun de la France et de la Nouvelle-Calédonie, dans l'intérêt de toutes les populations qui y vivent.

Par ma voix, les parlementaires de Nouvelle-Calédonie vous invitent à adopter ces deux projets à l'élaboration desquels ils ont été associés, tout au long d'un processus engagé et approuvé par le Président de la République et par le Premier ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe socialiste).

M. Emile Vernaudon - Avant d'aborder la question du statut de la Nouvelle-Calédonie, je veux évoquer le drame que connaît la Polynésie depuis quelques jours. Des pluies diluviennes ont frappé l'archipel de la Société, et les dégâts sont importants à Tahiti : dans toutes les communes de l'île, des quartiers entiers sont inondés, des routes et des ponts coupés, des maisons emportées, et des pertes humaines sont à déplorer. Je souhaite que l'Etat apporte rapidement un secours matériel et financier aux familles sinistrées et déclare l'état de catastrophe naturelle.

J'adresse maintenant mes félicitations chaleureuses aux signataires de l'accord de Nouméa : à l'Etat, qui a su reconnaître le fait colonial et l'aspiration profonde du peuple calédonien, et aux adversaires de toujours, le RPCR et le FLNKS, qui ont su mettre de côté leurs rancoeurs pour définir ensemble un avenir commun et se sont engagées à construire ensemble un pays en développant toutes ses ressources.

Dans quinze ou vingt ans, les Calédoniens décideront eux-mêmes de leur avenir : ils diront s'ils veulent rester au sein de la République ou accéder à la souveraineté. Je souhaite qu'un tel processus puisse s'engager en Polynésie aussi, en tenant compte, naturellement, des spécificités de ce territoire.

De tels accords définiraient, après concertation de l'Etat avec toutes les forces politiques et économiques polynésiennes, des conventions de partenariat économique, financier, social et culturel.

Les modifications statutaires que demande le sénateur-président de l'actuel gouvernement, à savoir les lois de pays, la citoyenneté polynésienne et la possibilité de signer des accords internationaux, ne peuvent que faire partie d'un processus d'accession de la Polynésie à l'indépendance. Ses déclarations sur la super-autonomie n'ont convaincu que peu de monde. Ne concentre-t-il pas déjà les principaux pouvoirs dans ses mains ?

Les propositions de l'actuel président du gouvernement ne visent en réalité qu'à renforcer son pouvoir personnel et à servir d'arguments électoraux dans la perspective de prochaines élections territoriales.

Alors qu'une pause statutaire s'impose, nous assistons au contraire à une surenchère institutionnelle.

Certains affirment que cette proposition de modification du statut polynésien serait le fruit d'un marchandage entre le Président de la République et le Premier ministre.

M. le Président - Veuillez conclure, Monsieur Vernaudon.

M. Emile Vernaudon - Monsieur le ministre je n'ose le croire !

Pour donner son accord à la révision constitutionnelle sur la Nouvelle-Calédonie, le Président de la République, ami personnel de Gaston Flosse, aurait, dit-on, exigé du Premier ministre la promesse que la Polynésie bénéficierait, elle aussi, de certaines avancées statutaires.

M. le Président - Vous avez épuisé votre temps de parole.

M. Emile Vernaudon - C'est d'ailleurs fort de cet accord secret que le président du gouvernement polynésien, de retour à Tahiti, avait claironné, mais sans doute à tort, que sa réforme statutaire serait adoptée dès janvier 1999.

M. le Président - Je suis obligé de vous retirer la parole. Vos propos ne seront plus enregistrés au procès-verbal.

M. Bernard Grasset - "Si, pour une fois, la France pouvait accompagner un petit pays vers son émancipation et son indépendance !" disait Jean-Marie Tjibaou.

Le moment venu, les populations du territoire se prononceront sur leur destin ultime. Mais, tous ensemble, nous pouvons déjà dire, avec une certaine fierté : la France accompagne un petit pays sur le chemin de son émancipation.

Certains ont invoqué le caractère non constitutionnel de telles dispositions. Mais quel article de quelle Constitution autorisa jadis la France à prendre brutalement possession de ce territoire, à y déporter délinquants, communards et kabyles, à mener les dures répressions de 1878 et de 1917 ?

Il y aura toujours des hommes qui n'ont "rien oublié et rien appris" : tant pis pour eux s'ils préfèrent la lettre étroite de la loi à l'esprit du Préambule de la Constitution ! Leur dirai-je qu'en Nouvelle-Calédonie, la loi a souvent opprimé le faible ?

Depuis 1988, la Nouvelle-Calédonie est en paix. Les accords de Matignon ont été loyalement appliqués par les trois partenaires : l'Etat, le FLNKS et le RPCR. Un immense effort a été accompli pour réduire le déséquilibre entre Nouméa et sa proche région et le reste du territoire.

Appliquée à Nouméa par le maire, M. Jean Leques, et par les représentants de l'Etat et de la province, une politique intelligente et courageuse a permis d'éviter la création de bidonvilles.

1998 aurait dû connaître un référendum d'autodétermination. Mais plutôt qu'une consultation qui aurait divisé la population, ce fut à nouveau le génie des deux partenaires calédoniens, conduits par Jacques Lafleur et Roch Wamytan, héritiers et acteurs de ce système consensuel propre aux îles du Pacifique, de préférer la consultation qui rapproche.

L'accord de Nouméa est fondateur : parce qu'il prend en compte le passé, avec ses ombres et ses lumières, parce qu'il porte enfin témoignage de l'identité kanak et de son rapport à la terre. Il a été approuvé, dans les trois provinces de la Nouvelle-Calédonie, à une forte majorité.

Le projet que nous examinons est sa transcription juridique. Ce ne fut pas une mince affaire ! Mais le résultat est là, avec des propositions d'amendement qui l'éclairent et le précisent.

Les accords de Nouméa ont été signés par six représentants du RPCR, quatre du FLNKS et par le secrétaire d'Etat à l'outre-mer. S'en affranchir au prétexte d'intérêts supérieurs ou d'accords confidentiels postérieurs serait trahir la confiance des signataires et des électeurs.

Selon les voeux de Jean-Marie Tjibaou, nous allons, une nouvelle fois, parier sur l'intelligence. Et ce pari n'est jamais perdu.

J'en appellerai à notre modestie d'abord, à la responsabilité de l'Etat ensuite.

Modestie d'abord : celle de ne pas vouloir penser à la place des hommes et des femmes du territoire, de ne pas vouloir réécrire à leur place le mythe, l'histoire et la coutume. Récemment arrivé en Nouvelle-Calédonie, le pasteur Franz Leenhardt écrivait à son fils : "Ils te diront peut-être des choses étranges, mais écoute... et tâche de comprendre... tu verras peut-être alors que ce n'est pas si étranger".

Responsabilité de l'Etat aussi. Les amendements qui vous sont proposés tendent à la renforcer, pour qu'il assume toutes ces responsabilités.

Mais les textes, aussi bons soient-ils, ne valent que par leur mise en oeuvre. A quelque niveau qu'ils soient, les représentants de l'Etat ne devront pas être là-bas, attirés par les délices de la planche à voile ou de la prime d'éloignement. Ce sera, pour eux, un autre métier que celui qu'ils exerçaient en métropole, et qui requiert un autre regard et d'autres dispositions d'esprit.

M. le Rapporteur - Très bien !

M. Bernard Grasset - Le choix de ces fonctionnaires et d'abord du premier d'entre eux, est une des conditions du succès.

Une majorité consciente de ses droits, mais aussi de ses devoirs, qui ne confisque pas, même légalement, tous les pouvoirs en quelques mains, qui n'humilie pas mais pratique une politique contractuelle, telle est une autre des exigences requises.

A nous aussi, conscients des efforts des partenaires, de faire une nouvelle fois le pari de l'intelligence et de faire oeuvre commune (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Michel Buillard - A la veille des fêtes de Noël, nous sommes réunis pour refermer les plaies du passé et faire oeuvre commune de paix.

Ces textes serviront de référence à l'ensemble de l'outre-mer, et en particulier à l'importante communauté polynésienne établie en Nouvelle-Calédonie et qui a choisi de partager son destin.

Puisqu'il a été fait plusieurs fois allusion à la Polynésie, permettez-moi d'expliquer la situation spécifique de ce territoire. Instituée en 1984, l'autonomie de la Polynésie française s'est développée dans le cadre de modifications statutaires jusqu'à la loi organique de 1996.

Aujourd'hui elle est loin d'être achevée et l'application du statut de 1996 a mis en évidence les limites de cette démarche dans l'état actuel de la Constitution.

Certes il ne s'agit pas de transposer en Polynésie tout le dispositif prévu en Nouvelle-Calédonie. Cependant, nous demandons à bénéficier de certaines avancées prévues pour ce territoire, en particulier, la possibilité pour l'Assemblée de la Polynésie d'adopter des lois du pays. Cette faculté renforcera la sécurité juridique du système normatif polynésien mais elle n'est nullement synonyme d'immunité juridictionnelle, car ces lois du pays pourront être déférées au Conseil constitutionnel.

Deuxième avancée souhaitée par notre territoire, la création d'une citoyenneté polynésienne, dans le cadre de la nationalité française. La dimension symbolique d'une telle citoyenneté est évidente : c'est la reconnaissance de notre identité polynésienne, fondée sur notre culture, notre patrimoine et notre langue, le reo maohi, pratiquée et enseignée de l'école à l'université. Nous sommes fiers d'être Français, mais nous restons soucieux de préserver notre mode de vie, notre manière de penser, notre liberté d'action dans la zone du Pacifique.

La prise en compte de nos spécificités pourrait inclure la protection de l'accès à l'emploi, notamment pour nos jeunes, chaque année plus nombreux sur le marché du travail. Comme l'a souligné Mme Bello lors de notre débat sur l'outre-mer, c'est là "une question très délicate et très grave qui se pose à l'ensemble de l'outre-mer". Cette évolution pourrait inciter l'Etat à favoriser le recrutement de fonctionnaires locaux, notamment pour les personnels de catégorie C, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, notamment dans la police. Comme le dit Gaston Flosse, président du gouvernement, "cette citoyenneté est ouverte et fraternelle. Elle n'aura jamais pour dessein d'exclure. Elle est une citoyenneté dans la nationalité française, car la Polynésie... est française et entend le rester".

Certaines compétences devraient être transférées au territoire de manière définitive, afin de mettre un terme à certaines situations juridiques inextricables. Nous demandons par exemple à avoir, comme cela est prévu pour la Nouvelle-Calédonie, toute compétence en matière de droit du travail. Nous souhaitons également que nos compétences en matière de relations internationales soient élargies pour participer aux instances régionales comme le Forum du Pacifique sud.

Forte d'une autonomie acquise depuis longtemps, la Polynésie française souhaite disposer des avancées constitutionnelles aujourd'hui accordées à la Nouvelle-Calédonie. Elle ne souhaite pas se séparer de la France, bien au contraire, comme les électeurs l'ont d'ailleurs réaffirmé, à une forte majorité à l'occasion de toutes les consultations électorales.

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Michel Buillard - Certains nous reprochent de pas suivre le même processus de négociation qu'en Nouvelle-Calédonie. Mais notre attitude n'est pas anti-démocratique. Comment la frange minoritaire que représente M. Vernaudon et pour laquelle la séparation d'avec la France est un préalable absolu à toute discussion pourrait-elle participer à des négociations dont la finalité est précisément d'éviter cette séparation, conformément au voeu de la majorité des Polynésiens ?

Ce processus d'évolution institutionnelle pourrait servir de modèle dans le monde entier. Il préserve la paix, la dignité et offre une solution à des peuples qui, bien que différents sur le plan culturel souhaitent partager un destin commun.

Je ne conclurai pas sans évoquer la situation dramatique que connaît actuellement la Polynésie française. Nous attendons de l'Etat un geste fort en direction des populations sinistrées (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Victor Brial - Wallis-et-Futuna a tissé avec la Nouvelle-Calédonie des liens particulièrement étroits. Les affinités culturelles se sont traduites administrativement par un rattachement de l'archipel à un ensemble plus vaste dénommé "Nouvelle-Calédonie et dépendances" et par un alignement effectif en 1926 de l'heure de Wallis sur celle de Nouméa. Et le calendrier scolaire du territoire est aujourd'hui encore calqué sur celui de la Nouvelle-Calédonie.

L'histoire récente a renforcé ces liens, notamment dans le domaine économique. La Nouvelle-Calédonie a connu un essor économique considérable au lendemain de la seconde guerre mondiale et manqué alors de main-d'oeuvre. Le secteur des travaux publics avec la politique de grands travaux, l'industrie minière et métallurgique ont largement fait appel à des travailleurs extérieurs au début des années 50. Des centaines de Wallisiens et de Futuniens se sont alors embarqués pour Nouméa où ils ont participé au "boom du nickel". Aujourd'hui, leur communauté, avec 18 000 personnes, représente le troisième groupe ethnique de Nouvelle-Calédonie. D'où l'attention que mes compatriotes, installés souvent depuis plusieurs générations, accordent à l'évolution institutionnelle du territoire.

Au moment où l'on dessine les contours de la Nouvelle-Calédonie de demain, j'insiste sur la nécessité d'assurer à chaque citoyen de la Nouvelle-Calédonie, des droits intangibles en matière d'égalité économique et sociale, mais également de donner à Wallis et à Futuna les moyens d'un développement réel et harmonieux.

Je n'ai pas jugé opportun de déposer d'amendements, convaincu qu'ils n'auraient pu que défigurer un texte, ô combien sensible et complexe, comportant plus de deux cents articles dont certains sont de réelles novations juridiques et parfois un exercice d'équilibriste.

Les négociations parfois serrées qui ont présidé à son élaboration ont conforté ma position et renforcé, si besoin en était, l'entière confiance que j'accorde à mes collègues et amis Jacques Lafleur et Pierre Frogier.

Je tiens à remercier M. Queyranne de sa réponse en date du 27 octobre dernier, sur l'accord particulier qui doit être signé en vertu du titre 3.2.1 de l'accord de Nouméa. Ce dernier restant muet sur les conditions de sa signature, je me réjouis, Monsieur le ministre, que vous m'ayez confirmé par écrit que l'Etat sera signataire à part entière de cet accord aux côtés du territoire de Wallis-et-Futuna et de la Nouvelle-Calédonie.

Dans un territoire aussi peu décentralisé que Wallis-et-Futuna, il était indispensable que l'Etat assume ses responsabilités. Il convient donc qu'un calendrier de discussion avec les différentes parties soit arrêté le plus tôt possible.

La Nouvelle-Calédonie n'a été un eldorado pour beaucoup de Wallisiens et de Futuniens que pendant un temps. Le ralentissement de la croissance qui a touché en priorité la main-d'oeuvre peu qualifiée les a frappés de plein fouet. Difficultés d'emploi et problèmes de logement se sont alors cumulés, les rejetant dans l'exclusion. Cette évolution de la conjoncture économique n'a pourtant pas ralenti l'exode. Certains déplorent d'ailleurs que la Nouvelle-Calédonie soit restée le lieu d'expatriation privilégiée des Wallisiens et des Futuniens.

Etant donné les avantages sociaux accordés en Nouvelle-Calédonie, notamment le minimum vieillesse et l'allocation handicapés, cela n'a rien d'étonnant.

Le Premier ministre vient d'annoncer une revalorisation de 3 % des minima sociaux en métropole. Pour ma part, je réclame depuis plus d'un an, sans relâche, une augmentation de l'allocation servie aux personnes âgées et handicapées du territoire.

Le départ massif des Wallisiens et Futuniens en Nouvelle-Calédonie, et dans une moindre mesure en Polynésie française et en métropole, continuera tant que l'Etat n'aura pas créé localement les conditions d'un développement durable.

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Victor Brial - Pour ce faire, il convient d'élargir le marché de l'emploi local et d'inventer de nouveaux débouchés dans le secteur public et surtout privé.

Sans autre aide à l'emploi que le dispositif ancien des chantiers de développement, le territoire ne parvient pas aujourd'hui à retenir les jeunes, notamment diplômés. Il manque donc cruellement de personnel qualifié susceptible d'impulser une dynamique de croissance. Je demande donc une nouvelle fois au Gouvernement de créer une antenne ANPE et de financer un dispositif d'aide à l'insertion professionnelle des jeunes diplômés.

Les accords de Nouméa ont consacré l'autonomie des services administratifs de Wallis-et-Futuna. Celle-ci n'aura toutefois de sens que si elle s'accompagne de mesures fortes en faveur du développement du territoire. Cette remarque vaut dans le domaine des transports, mais également de la pêche et de l'agriculture.

Il faut impérativement renforcer le désenclavement aérien et maritime du territoire afin de mieux tirer avantage de la position centrale qu'il occupe dans le Pacifique Sud et d'accroître son rayonnement régional. Les tarifs aujourd'hui pratiqués à destination de Nouméa ou de Papeete entravent le développement du tourisme, qui devra en tout état de cause être adapté aux spécificités locales.

M. le Président - Concluez.

M. Victor Brial - Ma circonscription se trouve à 22 000 km, Monsieur le Président !

M. le Président - Je la connais.

M. Victor Brial - Je me résume donc.

De toutes les collectivités d'outre-mer, Wallis-et-Futuna est sans doute celle qui connaît le plus grand retard en matière économique et sociale. Elle n'a pourtant en aucune manière démérité. A un moment charnière de son histoire, avec la signature de l'accord particulier avec la Nouvelle-Calédonie, la négociation du prochain contrat de plan et de la prochaine convention de l'enseignement primaire, j'attends de l'Etat qu'il assume ses missions et aide ce territoire très attaché à la communauté nationale, à s'engager résolument sur la voie du développement (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. le Secrétaire d'Etat - Je tiens au terme de ce débat à remercier les orateurs. Je suis convaincu que la paix, en Nouvelle-Calédonie comme ailleurs, résultera de la capacité des hommes et des femmes à imaginer des compromis et à les inscrire dans la réalité.

Les différents groupes ont appuyé le processus en cours en Nouvelle-Calédonie. Seul M. Gantier s'est interrogé sur le contexte actuel et a exprimé, au nom du groupe Démocratie libérale, ses doutes. Il a indiqué que celui-ci ne voterait pas les deux projets de loi. J'espère qu'au terme de la discussion des articles, il reviendra sur sa position, confirmant le vote du Congrès en juillet dernier.

Notre rôle est de créer les conditions de la paix sur la base de l'accord de Nouméa, accord loyal qui, après de longues négociations, a permis de rapprocher les points de vue. Ce sont les Calédoniens qui continueront à construire leur pays. Ils le feront avec le concours de la France qui y trouvera l'occasion d'un rayonnement supplémentaire dans le Pacifique.

Je tiens enfin à exprimer aux députés de Polynésie la solidarité du Gouvernement et de la nation tout entière à l'égard des populations du territoire, durement éprouvées par des catastrophes naturelles. Alors que l'on compte déjà deux morts et au moins un disparu, les intempéries se prolongent. Le Gouvernement a d'ores et déjà pris des mesures d'urgence afin que ce bilan ne s'alourdisse pas encore et enclenché la procédure d'indemnisation. Cela suppose que les dégâts soient précisément recensés et évalués. Soyez assurés en tous les cas, Messieurs les députés, que la solidarité nationale ne fera pas défaut. Malheureusement, elle ne réparera pas les pertes humaines (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois - Depuis le vote quasi unanime de la révision constitutionnelle et jusqu'à ces projets, les plus hautes autorités de l'Etat, les parlementaires et surtout les Calédoniens, par leur approbation massive du référendum du 8 novembre, ont exprimé la même volonté : traduire fidèlement, dans les nouvelles institutions de Nouvelle-Calédonie, l'esprit et la lettre de l'accord de Nouméa.

Cet accord fut l'aboutissement d'une volonté consensuelle de construire ensemble, au prix pour chacun des signataires de concessions indéniables rendues possibles par leur confiance dans un avenir commun.

Sa mise en oeuvre imposait de concevoir des solutions juridiques très novatrices. Il nous a donc fallu bien souvent sortir de nos catégories de pensée pour coller à la pensée des négociateurs. Mesurant le chemin parcouru depuis 1988, nous l'avons fait de bon coeur et je veux en remercier les commissaires de l'opposition et de la majorité qui y ont travaillé ensemble. C'est sans doute pour cela que les médias plus friands de divergences que de consensus peinent à rendre compte de l'avancement de nos travaux.

Je tiens également à remercier le Gouvernement de l'aide qu'il nous a apportée dans ce travail contraint par un calendrier que j'espère exceptionnel ainsi que de son ouverture à nos suggestions.

L'équilibre de ces textes conditionnera le bon fonctionnement des nouvelles institutions et donc la qualité des relations futures entre les différentes communautés du territoire qui ne pourront se permettre, comme l'a si justement dit notre rapporteur, la "pensée toute faite".

J'espère donc que l'examen des articles sera aussi consensuel que l'a été jusqu'alors tout le processus (Applaudissements sur tous les bancs).

La discussion générale est close.

La séance, suspendue à 18 heures 20, est reprise à 18 heures 30.

ARTICLE PREMIER

M. le Rapporteur - L'amendement 3 de la commission vise à inclure les îles Beautemps-Beaupré, qui sont sur le territoire d'une commune faisant partie de la province des Iles Loyauté, dans la liste des îles appartenant à cette province.

M. le Secrétaire d'Etat - Cet amendement apporte une précision utile.

L'amendement 3 est adopté.

L'article premier, mis aux voix, est adopté.

ART. 2

M. le Rapporteur - L'amendement 4 de la commission est rédactionnel. Les conseils municipaux ne sont pas des institutions spécifiquement néo-calédoniennes.

M. le Secrétaire d'Etat - Il faut bien distinguer les institutions spécifiques à la Nouvelle-Calédonie et les collectivités territoriales de la République.

Je précise toutefois que les conseils municipaux, conformément au nouvel article 77 de la Constitution, ne sont pas dans le champ du projet de loi organique.

M. le Rapporteur - C'est bien pour cela que l'amendement supprime les mots "les conseils municipaux" du premier alinéa de l'article 2.

L'amendement 4, mis aux voix, est adopté.

L'article 2 modifié, mis aux voix, est adopté.

L'article 3, mis aux voix, est adopté.

ART. 4

M. le Rapporteur - L'amendement 5 revient à l'appellation qui figure dans l'accord de Nouméa, "signes identitaires". Je précise que selon l'accord, seul le changement de nom se fait à la majorité des trois cinquièmes.

M. le Secrétaire d'Etat - Favorable. Je félicite le rapporteur pour cette lecture pointilleuse de l'accord.

L'amendement 5, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Si pour le territoire, il s'agit de signes identitaires, pour la République, on ne peut parler que de "l'emblème nationale et des signes". C'est ce que fait l'amendement 6.

M. le Secrétaire d'Etat - Je confirme.

L'amendement 6, mis aux voix, est adopté.

L'article 4, ainsi amendé, mis aux voix, est adopté.

L'article 5, mis aux voix, est adopté.

ART. 6

M. le Rapporteur - L'amendement 7 est de précision.

L'amendement 7, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 6 ainsi amendé, mis aux voix, est adopté, de même que les articles 7 et 8.

ART. 9

M. le Rapporteur - L'amendement 8 est rédactionnel.

L'amendement 8, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 9 précise que l'on vise ici le père et la mère et non d'autres parents.

M. le Secrétaire d'Etat - Précision utile.

L'amendement 9, mis aux voix, est adopté.

L'article 9 ainsi amendé, mis aux voix, est adopté.

ART. 10

M. le Rapporteur - L'amendement 10 permet au parent qui exerce véritablement l'autorité parentale de demander pour le mineur l'octroi du statut civil coutumier, C'est notamment le cas des oncles maternels qui tiennent une place particulière dans la société kanak.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable. Dans la coutume, l'oncle joue un rôle dans l'éducation de son neveu.

L'amendement 10, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'article 10 prévoit que, si le mineur a plus de treize ans, il doit être entendu par le juge dans le cadre d'une requête demandant l'octroi du statut civil coutumier. Le code civil, dans son article 388-1, prévoit que dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut être entendu par le juge. Ce texte est la transcription de la convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant. C'est celui que propose l'amendement 11.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable. De même l'amendement 145 propose de suivre non seulement l'esprit mais la lettre de l'article 388-1 du code civil en donnant faculté au juge d'apprécier si le mineur doit ou non être entendu.

M. le Rapporteur - La commission l'a adopté.

Les amendements 11 et 145, successivement mis aux voix, sont adoptés.

L'article 10, ainsi amendé, mis aux voix, est adopté.

ART. 11

M. le Rapporteur - L'amendement 12 est identique à l'amendement 9.

L'amendement 12, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 11 ainsi amendé, mis aux voix, est adopté.

ART. 12

M. le Rapporteur - L'amendement 13 est identique à l'amendement 10, l'amendement 14 est identique à l'amendement 11.

M. le Secrétaire d'Etat - Favorable. L'amendement 146 rectifié est identique à l'amendement 145.

M. le Rapporteur - Favorable.

Les amendements 13, 14, 146 rectifié, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 15 reprend la terminologie utilisée habituellement par la Cour de cassation.

L'amendement 15, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 16 est de coordination avec l'article 20.

L'amendement 16, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 12, ainsi amendé, mis aux voix, est adopté.

ART. 13

M. le Rapporteur - L'amendement 17 est rédactionnel.

L'amendement 17, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 13 ainsi amendé, mis aux voix, est adopté de même que les articles 14, 15 et 16.

ART. 17

M. le Rapporteur - L'amendement 18 est rédactionnel.

L'amendement 18, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 17, ainsi amendé, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 17

M. François Colcombet - L'amendement 19 introduit quelques dispositions pour améliorer le fonctionnement de la justice sur le territoire.

M. le Secrétaire d'Etat - Défavorable.

Ce n'est pas à la loi organique prévue à l'article 77 de la Constitution, de déterminer les règles d'organisation de la justice en Nouvelle-Calédonie ni la nomination des magistrats. Cela relève d'une loi organique sur le statut de la magistrature et de la partie législative du code de l'organisation judiciaire. On ne peut donc légiférer ici que sur les assesseurs coutumiers.

M. François Colcombet - Les amendements 125, 20 et 21 concernent également l'organisation judiciaire.

M. le Secrétaire d'Etat - Je viens d'exposer ma position.

Les amendements 19, 125, 20 et 21, successivement mis aux voix, sont adoptés.

ART. 18

M. Pierre Frogier - Tout en réaffirmant la compétence de droit commun des provinces, l'amendement 126 tend à énumérer le plus complètement possible les matières relevant de ces dernières.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Enumérer les compétences risque d'en faire oublier une, et donc d'affaiblir le dispositif.

M. le Secrétaire d'Etat - La loi référendaire de 1988 donne compétence de droit commun aux provinces. Procéder à une énumération ouvrirait la porte à des contentieux multiples. Le travail de M. Frogier est une contribution utile au débat parlementaire, mais ne doit pas figurer dans la loi.

M. Pierre Frogier - Je retire mon amendement.

M. Lionnel Luca - Mon amendement 162 tend à préciser les domaines de compétence de la Nouvelle-Calédonie, pour parer au risque de développement séparé des provinces, et garantir l'unité du territoire.

M. le Rapporteur - Rejet. Cette disposition est contraire à la logique du projet.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis défavorable. La compétence de droit commun est celle des provinces, même si le pouvoir de la Nouvelle-Calédonie est renforcé dans certaines matières.

L'amendement 162, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 18, mis aux voix, est adopté.

ART. 19

M. le Rapporteur - L'amendement 22 est de précision.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable.

L'amendement 22, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - La commission propose, par l'amendement 23, de préciser que le contrôle budgétaire est une compétence qui ne pourra pas être transmise à la Nouvelle-Calédonie tant que cette dernière n'aura pas accédé à la pleine souveraineté. Jusque là, le contrôle budgétaire doit demeurer une compétence régalienne de l'Etat. Le Gouvernement, lui, souhaite par un sous-amendement le faire figurer parmi celles qui seront éventuellement transmises à la Nouvelle-Calédonie à partir de 2009. La commission y est hostile.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement est attaché à son sous-amendement 148. Au reste, le Congrès décidera.

Le sous-amendement 148, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 23, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 24 est de conséquence.

M. le Secrétaire d'Etat - C'est vrai !

L'amendement 24, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 25 tend à préciser les modalités du partage des compétences en matière pénale entre l'Etat et la Nouvelle-Calédonie.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable, sous réserve du sous-amendement 147, qui tend à préciser que l'assemblée de province peut prendre les mesures figurant aux article 80 à 82.

M. le Rapporteur - Avis favorable au sous-amendement 147.

Le sous-amendement 147, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 25 modifié, mis aux voix, est adopté.

M. Pierre Frogier - Dans l'esprit de l'accord de Nouméa je propose, par l'amendement 26, que la règle en matière de collation et de délivrance des diplômes soit de la compétence de l'Etat, et l'exception celle de la Nouvelle-Calédonie.

M. le Rapporteur - La commission a adopté l'amendement.

M. le Secrétaire d'Etat - L'Etat conserve la responsabilité de délivrer les diplômes, sauf dans le domaine de la formation professionnelle, qui est du ressort de la Nouvelle-Calédonie. L'amendement aurait pour conséquence de réduire la compétence du Territoire à la formation professionnelle dans les domaines sportifs, socio-éducatif et culturel.

Le Gouvernement, qui n'est pas systématiquement centralisateur, s'en rapporte à la sagesse de l'Assemblée.

L'amendement 26, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 27 tend à supprimer ici la disposition relative au régime comptable des collectivités, pour la faire figurer à l'article où est traité le transfert éventuel de l'administration des collectivités publiques.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable.

L'amendement 27, mis aux voix, est adopté.

L'article 19 modifié, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 20.

ART. 21

M. Lionnel Luca - Je propose, par mon amendement 163, d'éviter que soient mises en cause les compétences régaliennes, par exemple le fonctionnement de la justice.

M. le Rapporteur - Rejet. Les compétences régaliennes de l'Etat sont énumérées à un autre endroit du texte. De plus, la rédaction de l'amendement est imparfaite.

M. le Secrétaire d'Etat - En effet, il n'y a pas lieu de faire un sort particulier à la justice.

L'amendement 163, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - La commission a adopté l'amendement 28, rédactionnel, de M. Frogier.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable.

L'amendement 28, mis aux voix, est adopté.

M. Pierre Frogier - L'amendement 127 tire les conséquences de l'adoption de l'amendement 26.

M. le Rapporteur - Avis défavorable, puisque nous avons estimé que la Nouvelle-Calédonie devait posséder une compétence totale dans le domaine de la formation professionnelle.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement s'est déjà exprimé sur ce sujet.

L'amendement 127, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Lionnel Luca - L'amendement 164 donne compétence au territoire pour la zone maritime et le domaine public maritime, afin d'éviter les conflits entre provinces.

M. le Rapporteur - Nous souhaitons précisément renforcer le rôle des provinces, et je crois celles-ci assez mûres pour éviter les conflits.

M. le Secrétaire d'Etat - De plus, la notion de zone maritime n'a pas de portée juridique.

L'amendement 164, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 194 confie au territoire la réglementation des professions commerciales.

M. Pierre Frogier - N'est-ce pas contraire au principe de compétence générale des provinces en matière de développement économique ?

L'amendement 194, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Lionnel Luca - L'amendement 166 précise que, si l'adaptation des programmes scolaires est de la compétence du territoire, le français, langue de l'unité, demeure la langue officielle.

M. le Rapporteur - L'article 205 reconnaît les langues kanak comme langues d'enseignement et de culture.

M. le Secrétaire d'Etat - La Nouvelle-Calédonie continuant de faire partie de la République, l'article 2 de la Constitution y demeure applicable.

L'amendement 166, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 21, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 21

M. Lionnel Luca - L'amendement 165 affirme la nécessaire impartialité de certains hauts fonctionnaires.

M. le Rapporteur - C'est faire injure au futur gouvernement territorial que de penser qu'il pourrait n'avoir pas le souci de l'intérêt général. La précision est d'ailleurs inutile, car les fonctionnaires territoriaux sont soumis à l'obligation de discrétion professionnelle et les fonctionnaires d'Etat à l'obligation de neutralité édictée par le statut général de la fonction publique.

M. le Secrétaire d'Etat - Les principes généraux de la fonction publique s'appliquent également, en effet, à la Nouvelle-Calédonie.

L'amendement 165, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 22

M. Pierre Frogier - L'amendement 29, adopté par la commission, précise que le transfert des établissements publics d'Etat au territoire donnera lieu à compensation dans les mêmes conditions que les autres transferts de compétences.

M. le Secrétaire d'Etat - Telle est bien l'intention du Gouvernement, qui ne voit donc pas d'inconvénient à l'écrire.

L'amendement 29, mis aux voix, est adopté.

ART. 23

M. Jacques Brunhes - Cet article, qui vise à promouvoir l'emploi local au bénéfice des citoyens de la Nouvelle-Calédonie, est louable et important, mais je m'étonne que la rédaction proposée par le Rapporteur, si précautionneux d'habitude, pose par deux fois la condition d'"une certaine durée d'installation", qui évoque, par son imprécision, un fameux sketch de Fernand Raynaud... Je m'interroge, par ailleurs, sur la nécessité d'écrire que les mesures prévues "sont prises dans le respect des engagements internationaux de la République".

M. le Rapporteur - Cet article fixe, à la demande des signataires de l'accord de Nouméa, le cadre dans lequel agiront les lois du pays en faveur de la promotion de l'emploi local. "Une certaine durée" peut naturellement paraître imprécis, mais l'amendement 195 de la commission ne fait là que reprendre la rédaction initiale du projet, en modifiant toutefois l'ordre des termes afin de faire figurer en premier les citoyens de la Nouvelle-Calédonie. Il faut également observer que les mesures prises tiendront compte de "la répartition géographique des professions libérales", car les médecins, par exemple, sont moins rares à Nouméa que dans la province nord ou dans les îles, et il n'y a donc pas lieu d'y en décourager l'installation.

Quant à la mention du respect de nos engagements internationaux, je l'ai justifiée, par d'assez longs développements, dans le rapport écrit : elle m'a paru importante, dans la mesure où la révision constitutionnelle n'a eu pour effet que d'assurer la conformité du projet à la Constitution, et non à nos engagements extérieurs, européens en particulier. Pour l'heure, les dispositions relatives à la libre circulation ne sont pas applicables aux TOM.

Elles peuvent l'être un jour, mais l'Etat français est alors en droit de demander des dérogations pour autoriser ces restrictions à l'emploi. C'est à cela que fait allusion la référence aux engagements internationaux.

M. le Secrétaire d'Etat - En ce qui concerne le premier alinéa, la commission a fait un effort de rédaction et je m'y rallie.

Le second paragraphe vise à restreindre l'exercice des professions libérales. Je propose, par le sous-amendement 152, de remplacer "exercice" par "accession", de façon à ne pas remettre en cause l'activité des professionnels déjà installés.

En ce qui concerne le troisième paragraphe, je ne suis pas favorable au rappel des engagements internationaux car cela s'applique à tous les articles de la loi. Je ne souhaite pas non plus qu'y figure la question de la répartition des professions libérales sur le territoire, c'est un point très délicat qui ne me semble pas de la compétence du congrès.

Finalement, comme cet article est important et délicat, je propose que le vote soit réservé et qu'une nouvelle rédaction vous soit proposée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Cela paraît effectivement raisonnable.

Le vote sur l'article 23 est réservé.

L'article 24, mis aux voix, est adopté, ainsi que l'article 25.

ART. 26

M. le Rapporteur - L'amendement 31 est de conséquence. Il vise à exclure le contrôle budgétaire des compétences ultérieurement transférées et à y inclure, en revanche, les règles relatives au régime comptable et financier des collectivités et établissements publics.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement propose, par le sous-amendement 149, de réintroduire le contrôle budgétaire dans les compétences qui seront transférées.

Le sous-amendement 149, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 31, mis aux voix, est adopté.

M. Pierre Frogier- Mon amendement 32 tend à ce que la compétence en matière de recherche, reste à l'Etat jusqu'à la fin du processus en 2009.

M. le Rapporteur - La commission a adopté cet amendement.

M. le Secrétaire d'Etat - La Nouvelle-Calédonie est le site de nombreuses installations de recherche. Il est vrai que ce n'est pas une compétence régalienne et je me rallie donc à votre position.

L'amendement 32, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 26 ainsi amendé.

ART. 27

L'amendement 168, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. Lionnel Luca - L'amendement 169 tend à instaurer un contrôle de constitutionnalité automatique pour les accords signés par le président du gouvernement néo-calédonien dans des domaines de la compétence de l'Etat. Cela paraît normal.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Cette disposition est contradictoire avec l'article 54 de la Constitution.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis.

L'amendement 169, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 27, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 28.

ART. 29

M. le Rapporteur - L'amendement 33 est une précision rédactionnelle.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable.

L'amendement 33 est adopté.

L'article 29 ainsi amendé, mis aux voix, est adopté.

ART. 30

M. le Rapporteur - L'amendement 34 vise à conférer à la Nouvelle-Calédonie le statut d'observateur auprès des organisations internationales.

M. le Secrétaire d'Etat - Il s'agit là d'une application des accords de Nouméa. Avis favorable.

L'amendement 34 est adopté.

L'article 30 ainsi amendé, mis aux voix, est adopté.

L'article 31, mis aux voix, est adopté, ainsi que les articles 32, 33 et 34.

ART. 35

M. le Rapporteur - L'amendement 35 est une précision rédactionnelle.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable.

L'amendement 35 est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 36 précise que les décisions d'ouverture de casinos et de jeux de hasard sont de la compétence du gouvernement territorial. C'est d'ailleurs par erreur que le texte écrit "Gouvernement" avec une majuscule car normalement cette orthographe se réfère au Gouvernement français.

M. le Secrétaire d'Etat - Cet amendement s'inspire de l'exemple polynésien. Avis favorable.

L'amendement 36, mis aux voix, est adopté.

L'article 35 ainsi amendé, mis aux voix, est adopté, de même que les articles 36 et 37.

ART. 38

M. Lionnel Luca - L'amendement 170 tend à préciser le rôle de l'Etat dans les décisions en matière minière, qui font partie des compétences partagées

M. le Rapporteur - La commission l'a repoussé.

M. le Secrétaire d'Etat - Il est contraire aux accords de Nouméa. Avis négatif.

M. Jacques Brunhes - Je suis contre cet amendement. Mais excusez-moi de revenir un instant en arrière. Pour plus de clarté, il conviendrait d'écrire "gouvernement du territoire" chaque fois que nécessaire. Il sera autrement bien difficile de se retrouver entre "gouvernement" et "Gouvernement" (Approbations sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Le Gouvernement y réfléchira (Sourires).

L'amendement 170 mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 37 a pour objet de fixer un calendrier pour l'établissement du schéma de mise en valeur des richesses minières.

M. le Secrétaire d'Etat - Un délai de cinq ans est trop long. Cela ne correspond pas au but visé. Le Gouvernement est donc opposé à l'amendement.

M. le Rapporteur - Permettez-moi de faire observer qu'actuellement, aucun délai n'est prévu. Nous avons cru préférable de le fixer à 2004.

M. le Secrétaire d'Etat - Comme aucune sanction n'est prévue en cas de non-respect, cela n'a pas grand intérêt. Souhaitons simplement que ce schéma de mise en valeur soit élaboré le plus vite possible, notamment d'ici à 2004.

L'amendement 37, mis aux voix, est adopté.

L'article 38 modifié, mis aux voix, est adopté de même que l'article 39.

M. le Président - Nous allons interrompre ici l'examen des articles. La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.


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MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR PRIORITAIRE

M. le Président - M. le ministre des relations avec le Parlement m'informe par lettre datée d'aujourd'hui que l'ordre du jour prioritaire du mardi 22 décembre est ainsi modifié :

à 9 heures :

    - nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 1998 ;

à 15 heures, après les questions au Gouvernement :

    - lecture définitive du projet sur l'élection des conseillers régionaux ;

    - lecture définitive du projet sur les animaux dangereux ;

    - suite des projets de loi organique et ordinaire sur la Nouvelle-Calédonie ;

à 21 heures :

    - suite des projets organique et ordinaire sur la Nouvelle-Calédonie ;

    - sous réserve de sa transmission, lecture définitive du projet de loi de finances rectificative pour 1998 ;

    - suite des projets organique et ordinaire sur la Nouvelle-Calédonie.

L'ordre du jour prioritaire est ainsi modifié.

Prochaine séance ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 35.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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