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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 51ème jour de séance, 127ème séance

1ère SÉANCE DU MARDI 22 DÉCEMBRE 1998

PRÉSIDENCE DE M. Arthur PAECHT

vice-président

          SOMMAIRE :

LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 1998 (nouvelle lecture) 1

    ARTICLE PREMIER et état A 9

    ART. 2 et état B 9

    ART. 3 et état C 9

    ART. 11 9

    APRÈS L'ART. 11 9

    ART. 11 bis 10

    ART. 11 ter 11

    ART. 11 quater 11

    ART. 12 bis 11

    ART. 15 bis A 12

    ART. 15 bis 18

    ART. 15 ter 19

    APRÈS L'ART. 16 20

    ART. 16 decies 21

    ART. 16 quindecies 22

    APRÈS L'ART. 16 quindecies 22

    ART. 16 sedecies 22

    ART. 16 septemdecies 23

    APRÈS L'ART. 16 octodecies 23

    ART. 17 bis 23

    ART. 19 bis 23

    APRÈS L'ART. 26 23

La séance est ouverte à neuf heures.


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SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le Président - J'ai reçu de M. le Président du Conseil constitutionnel une lettre m'informant qu'en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, plus de soixante sénateurs ont saisi le Conseil constitutionnel d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi de finances pour 1999.


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LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 1998 (nouvelle lecture)

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant que la commission mixte paritaire n'ayant pu parvenir à l'adoption d'un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 1998, le Gouvernement demande à l'Assemblée nationale de procéder, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, à une nouvelle lecture du texte.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de ce projet de loi.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget - La commission mixte paritaire n'a pu tomber d'accord sur ce texte, pour les mêmes raisons qui l'ont empêchée d'aboutir à une rédaction commune de la loi de finances pour 1999.

En effet, le Sénat a suivi la même logique de réduction de la dépense publique, en diminuant de 2 milliards les crédits ouverts pour financer le recensement général de la population, les célébrations de l'an 2000, la réforme des commissaires-priseurs et la compensation à la SNCF des pertes d'exploitation liées aux services de transports régionaux de voyageurs.

Il s'agit pourtant de fausses économies. Le Sénat refuse de prendre acte de dépenses inéluctables, dont certaines avaient d'ailleurs été décidées par le précédent gouvernement.

En reportant leur paiement à plus tard, il ne réduit les dépenses qu'en apparence, ce qui n'est pas de bonne gestion. Alors que ce collectif tend par ailleurs à apurer de 10 milliards des dettes héritées de la gestion passée, le Gouvernement n'entend pas revenir à certains errements (Murmures sur divers bancs).

Le texte adopté en première lecture est sérieux. Les charges courantes, soit 20,5 milliards, sont financées par redéploiement. Nous consacrons 5,7 milliards à l'allocation de rentrée scolaire, 1 milliard à la revalorisation de l'allocation pour chômeur en fin de droits et à la création d'une nouvelle allocation pour les chômeurs âgés, ainsi que 900 millions au RMI. S'ajoutent à ces mesures les réorientations de crédit décidées dans les décrets d'avances du 16 janvier -1 milliard pour les associations d'aide aux chômeurs- et du 21 août -5 milliards en faveur des contrats de qualification.

Le déficit est réduit de 3,3 milliards. Pour la deuxième année consécutive, les équilibres de la loi de finances initiale sont respectés.

Les plus-values de recettes seront utilisées pour apurer les dettes et financer des réductions d'impôts anticipées. Il est sain d'utiliser nos marges de manoeuvre à nous désendetter, afin de préparer l'avenir.

Notre gestion des deniers publics est à la fois rigoureuse et conforme aux engagements de la nouvelle majorité. Je vous invite donc à rétablir la cohérence du texte adopté en première lecture (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances - L'Assemblée nationale avait adopté quarante-cinq articles, le texte de vingt et un articles initialement déposé par le Gouvernement ayant été enrichi de vingt-quatre articles additionnels.

A l'issue de sa première lecture, le Sénat a adopté trente-deux articles conformes, en a supprimé quatre et modifié neuf, adoptant en outre dix articles additionnels.

Ainsi, après la première lecture par chacune des assemblées, vingt-trois articles restaient en discussion.

Réunie le 16 décembre 1998 au Palais du Luxembourg, la CMP a conclu à l'échec de ses travaux.

Ce texte s'inscrit dans un cercle vertueux, puisque le budget pour 1998 nous aura permis d'atteindre une croissance de plus de 3 %. La croissance française, longtemps inférieure à celle de l'Union européenne, lui est maintenant devenue supérieure.

Plus de 300 000 emplois ont été créés.

En outre, la réduction des déficits se poursuit : le déficit annoncé pour 1998 sera ainsi réduit de 3 milliards sans qu'il ait été nécessaire de recourir aux classiques recettes de poche. Ce résultat est d'autant plus notable que certaines réductions d'impôts, comme les droits de timbre sur les cartes d'identité ou le permis de conduire ou la diminution des droits de mutation sur les logements, ont pris effet dès le mois de septembre 1998.

Les finances publiques sont en effet tenues. Les dépenses courantes imprévues sont toutes compensées par des économies. Nos priorités sont respectées : allocation de rentrée scolaire, allocations versées aux chômeurs en fin de droits, RMI, modernisation de la police, compensation pour les finances régionales de la baisse des droits de mutation.

Au nom d'une conception quelque peu intégriste de l'annualité budgétaire, le Sénat a procédé à des coupes dans les crédits demandés, dont ceux destinés au financement du recensement, de la célébration de l'an 2000 et de la réforme de la profession de commissaire-priseur.

Aussi bien est-ce dès l'article premier que la CMP a constaté qu'elle ne pouvait parvenir à un accord.

Votre commission n'en a pas moins examiné dans un esprit d'ouverture les dispositions votées par la Haute Assemblée, adoptant huit des articles restant en discussion dans le texte du Sénat et retenant deux des articles additionnels adoptés par les sénateurs.

La commission a ainsi retenu une solution moyenne à l'article 12 bis relatif à la prorogation du délai de transformation des contrats d'assurance vie classiques en contrats dits DSK : une prorogation de six mois paraît convenable.

Nous avons aussi adopté l'article 15 bis A, introduit par le Sénat, relatif aux dérogations à l'interdiction de vente de produits alcooliques dans les stades (Sourires).

La commission a, par ailleurs, notamment adopté sans modification les articles 15 ter, sur le régime des allocations pour frais d'emploi dont le montant est fixé par voie législative ou réglementaire, 16 decies, qui compense les conséquences pour les SAFER de l'abaissement des droits de mutation sur les immeubles professionnels et 26, relatif à la revalorisation des rentes viagères.

Pour le reste, la commission a rétabli le texte adopté en première lecture, et notamment, à l'article 15 bis, le régime fiscal des frais professionnels des journalistes et assimilés, afin de tenir compte de la spécificité de ces professions.

La commission a, par ailleurs, supprimé certaines adjonctions sénatoriales, comme l'article 16 sedecies instituant une déductibilité fiscale des provisions de gestion des sociétés d'assurances.

Votre commission n'a pas manifesté une opposition de principe à cette mesure, mais il ne lui a pas paru souhaitable, en l'état de l'information dont elle disposait, d'accepter les mesures proposées qui, en raison de leur portée et de leur complexité, méritaient un examen approfondi.

Vous avez, Monsieur le ministre, bien voulu fournir des éléments d'information plus précis et la commission, après les explications que vous nous donnerez en séance, pourrait reconsidérer sa position.

Sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle vous propose, la commission vous demande d'adopter le projet de loi de finances rectificative pour 1998 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Gilbert Gantier - Le Gouvernement semble fâché avec les chiffres. Son projet de loi de finances pour 1999 repose sur une hypothèse de croissance exagérée, 2,7 %, que nous n'avons cessé de contester. Aujourd'hui, tous les instituts de conjoncture estiment que le taux de croissance se situera entre 1,8 et 2,3 %.

Par ailleurs, ce collectif est incomplet. Il ne rend pas compte de la situation réelle des finances publiques. Avec 3,1 % de croissance en 1998, les plus-values fiscales ne seront pas de 11, mais d'environ 30 milliards.

Le Sénat, dans son rapport, note qu'au mois de septembre, les recettes fiscales nettes étaient supérieures de 31,6 milliards à celles de 1997, soit une progression de 3,9 %. Or le Gouvernement ne prévoit qu'une hausse de 3 %. Cet écart est encore plus net pour la TVA : le projet collectif ne prévoit qu'une hausse de 3,9 % alors qu'au mois de septembre la progression atteignait déjà 5,5 %. Pour la TIPP, les chiffres sont, respectivement, de 3 et 3,7 %. Cette croissance des recettes fiscales est logique, compte tenu de la progression de la consommation.

Malgré les propos rassurants qui nous sont tenus, cette sous-estimation des recettes pourrait traduire la prise en compte par le Gouvernement du refroidissement de l'économie. A moins qu'il ne s'agisse d'une dissimulation et que le Gouvernement compte utiliser les plus-values fiscales pour financer des dépenses qu'on ferait avaliser plus tard, dans la loi de règlement. Cette loi n'est pas examinée de manière approfondie, ce que je regrette depuis toujours. En tout cas, il est clair que le Gouvernement ne compte réduire ni le poids de la dette, ni le déficit, ni les impôts.

Cette dissimulation n'est pas respectueuse des droits du Parlement. Le Gouvernement doit nous informer clairement de ses intentions.

L'exécution de la loi de finances pour 1998 a donné lieu à un véritable gaspillage. Le Gouvernement et sa majorité ont bénéficié du taux de croissance le plus élevé de la décennie. Or rien n'a été fait pour améliorer le sort des contribuables français. Le Gouvernement a très vite oublié les promesses du candidat Lionel Jospin. Ainsi, la baisse du taux normal de TVA est reportée sine die.

MM. Alain Barrau et Alain Néri - Qui est responsable de son augmentation ?

M. Gilbert Gantier - Je suis prêt à ouvrir ce débat...

M. le Président - Non. Poursuivez. Et que l'on cesse d'interrompre l'orateur ?

M. Gilbert Gantier - Dans un premier temps, le Premier ministre a indiqué qu'il fallait attendre le retour de la croissance, mais une fois celle-ci revenue, on n'a plus parlé de TVA...

Un seul Premier ministre a réduit le taux, Raymond Barre. En d'autres temps, la conjoncture a conduit à l'augmenter, y compris en 1981...

A quelques jours de l'entrée en vigueur de l'euro, il conviendrait que nous harmonisions les taux de TVA. Avec un taux normal de 20,6 %, la France est nettement au-dessus de la moyenne européenne. En Allemagne, le taux normal est de 16 % comme en Espagne, il est de 17,5 % au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. A l'inverse, notre taux réduit est un des plus faibles : 5,5 % contre 7 % en Allemagne et en Espagne, 8 % au Royaume-Uni, 10 % en Italie. Le Gouvernement aurait dû utiliser les fruits de la croissance pour rapprocher les deux taux et pour nous rapprocher de la moyenne européenne.

En 1997, vous avez décidé d'abandonner la réforme de l'impôt sur le revenu de la précédente majorité. Or, vous le savez, tous les autres pays occidentaux ont lancé des réformes fiscales qui portaient en priorité sur l'impôt sur le revenu. Aux Etats-Unis comme au Royaume-Uni, il a été simplifié, le nombre de tranches et le taux marginal ont été réduits et les niches fiscales supprimées.

En matière de finances locales, l'année 1998 n'a pas non plus été à la hauteur de vos engagements. Le collectif budgétaire de fin d'année devait intégrer la réforme de la taxe d'habitation. Une fois de plus, vous avez dû reculer.

L'année 1998 est bien celle des occasions manquées et ce collectif traduit ce gâchis. C'est pourquoi le groupe Démocratie Libérale votera contre.

M. Jean-Louis Idiart - Nous nous sommes déjà félicités, en première lecture, des mesures prises pour relancer la consommation et renforcer la solidarité à l'égard des plus démunis : majoration de l'allocation de rentrée scolaire, allégement des cotisations sur les bas salaires, revalorisation des allocations chômage et solidarité et du RMI.

Ce collectif traduit aussi notre volonté d'offrir plus de sécurité à nos concitoyens, avec l'augmentation des moyens de fonctionnement de la police.

Nous avons aussi voté la recapitalisation de GIAT Industries, des aides à la construction navale, la revalorisation des péages au profit de Réseau Ferré de France.

Nous nous sommes également réjouis que vous acceptiez, Monsieur le ministre, une affectation claire de la redevance télé et que vous apportiez des précisions sur la garantie de l'Etat pour la cession de la Société marseillaise de crédit.

La croissance a été supérieure aux prévisions que, déjà, MM. Gantier et Auberger avaient jugées optimistes. Aujourd'hui, ils nous reprochent de ne pas avoir fait le bon usage des recettes supplémentaires. Sans doute est-ce le rôle de l'opposition que d'aller toujours à contresens, mais sur l'autoroute, c'est dangereux...

M. Gantier a souhaité que l'on réduise le taux de TVA, mais que faisons-nous d'autre dans le budget 1999. Il nous faut corriger les décisions antérieures et ce n'est pas facile...

Je souhaite, enfin, Monsieur le ministre, que vous demandiez à votre administration d'examiner en compagnie des intéressés les conséquences de la modification du régime fiscal des frais professionnels sur certaines conventions collectives, en particulier pour les VRP.

Bien évidemment, le groupe socialiste votera ce projet, en espérant que vous serez sensible à certains amendements de la commission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jean-Jacques Jegou - Nous ne vous reprochons pas d'avoir profité de bonnes rentrées fiscales, mais d'en avoir fait mauvais usage.

L'analyse même des recettes aurait dû vous montrer qu'aucune ne provenait de l'impôt sur les sociétés que vous aviez pourtant majoré.

Je regrette par ailleurs, Monsieur le ministre, que vous n'ayez pas répondu aux questions que je vous avais posées en première lecture quant aux rentrées supplémentaires de 1,3 milliard au titre du FCTVA. Vos services affirment qu'ils respectent l'esprit de la loi mais, au fil des ans, les maires constatent que l'Etat rogne sur le FCTVA en contestant systématiquement le remboursement aux communes de la TVA sur leurs travaux d'investissement. Il faudra bien en débattre un jour.

Le Sénat n'est pas intégriste, Monsieur le rapporteur général, il a une ligne politique claire qui consiste en la suppression des dépenses improductives. Nous n'avons pas plus que lui réussi à vous convaincre de vous engager dans cette voie et de réduire le déficit.

Nous ne voulons pas être des oiseaux de mauvais augure, mais 1999 risque d'être bien plus difficile que 1998. A l'évidence, vous avez du mal à atteindre les 2,7 % annoncés. Or chacun sait ce que cela signifie pour les Français, pour ceux qui travaillent et, surtout, pour les chômeurs et tous ceux qui ont le plus besoin de la solidarité nationale. Avec ne serait-ce que 0,5 % de croissance en moins, c'est 40 milliards qu'il vous faudra trouver...

En ce qui concerne l'inflation, alors que vous aviez tablé sur 1,3 %, elle n'est que de 0,4 % pour les douze derniers mois. Nous sommes donc bien dans une période de déflation, ce qui confirme que vos prévisions de dépenses sont bien excessives.

Mieux vaudrait donc privilégier les dépenses productives pour l'emploi et sources ainsi d'économies pour l'Etat.

En fait, nous venons de perdre une année de croissance, notamment au regard de la nécessaire réduction du déficit dans le cadre européen.

Un mot, enfin, de la disposition concernant les journalistes. Il n'appartenait pas au Parlement de régler ce problème...

Mme Nicole Bricq - L'essentiel, c'est qu'il soit réglé...

M. Jean-Jacques Jegou - Il relevait de la négociation salariale entre patronat et syndicats. Et la disposition qui a finalement été votée porte atteinte au principe constitutionnel de l'égalité des citoyens devant l'impôt.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDF votera contre ce collectif, comme il a voté contre la loi de finances pour 1999 (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Daniel Feurtet - Le collectif pour 1998 a permis au Gouvernement et à sa majorité de consacrer une partie de sa marge de manoeuvre à la stimulation de la croissance, sur laquelle pèsent, aujourd'hui, de nombreuses incertitudes. Les 30 milliards qui y sont inscrits servent notamment à reconduire l'allocation de rentrée scolaire pour 1998, à revaloriser les allocations versées aux chômeurs en fin de droits, à servir une nouvelle allocation aux chômeurs âgés, à affecter 900 millions supplémentaires au RMI... Le déficit a été réduit de 3 milliards. Les 20 milliards de surcroîts de dépenses courantes ont été entièrement financés par des économies. Et les retards de paiement accumulés par l'Etat ont été apurés...

Mais c'est sur la croissance et l'emploi que la majorité et le Gouvernement seront jugés. N'aurait-il pas fallu conforter plus encore la croissance par la demande intérieure, étant entendu que si la croissance se ralentit, la courbe du chômage remontera et compromettra le climat de confiance qui s'est confirmé tout au long de l'année 1998 ? Conscients de l'importance de la demande, nous nous félicitons que le Gouvernement ait décidé d'augmenter de 3 % les minima sociaux.

Le Président de la Banque centrale européenne estime indispensable que le budget, dans une période normale, soit équilibré, voire excédentaire, et invite le Gouvernement à réduire les dépenses. Mais le ralentissement de l'économie et les attentes sociales non satisfaites interdisent plus de rigueur.

Si la place prise par l'emploi dans le sommet de Vienne marque une évolution positive, le fossé entre les ambitions et les moyens mobilisés pour les concrétiser reste hélas profond.

Comme le fait observer l'OCDE, la mise en place d'une monnaie unique dans un espace économique dont les Etats membres connaissent des différences importantes de développement peut se traduire par une instabilité non négligeable, voire entraîner des régressions si elle s'accompagne d'une concurrence accrue entre les salariés des différents pays, sous l'arbitrage des marchés financiers.

Réduire les inégalités en Europe implique une politique budgétaire et monétaire expansive ainsi que la mobilisation de la Banque centrale européenne et du réseau des banques centrales pour une relance sélective du crédit partout en Europe. Il faut baisser les charges financières des entreprises à proportion de leur engagement pour l'emploi.

L'article 18, qui vise à augmenter la contribution de la France au Fonds monétaire international, soulève quelques questions, car le FMI se borne trop souvent à soutenir les marchés financiers, alors qu'il pourrait être, comme au sortir de la Seconde Guerre mondiale, à l'initiative d'une création monétaire planétaire nouvelle pour l'emploi. Certes le G7 a décidé, sur proposition du Président Bill Clinton, de confier au FMI la gestion d'un fonds d'urgence pour les pays émergents qui interviendrait sous la forme de facilités de crédit à court terme. Mais il s'agit toujours de soutenir les Etats, leurs monnaies et leurs banques afin de satisfaire ces marchés financiers. Et le FMI continue d'exiger des mesures déflationnistes, des plans d'ajustement draconiens.

Une autre voie mériterait d'être explorée : la relance des droits de tirages spéciaux, cet instrument de réserve et de règlement créé il y a trente ans et qui aurait pu dès cette époque se substituer au dollar comme pivot du système monétaire international. C'est d'ailleurs pour cette raison que les Etats-Unis se sont toujours opposés à la montée en puissance des DTS, qui ne représentent aujourd'hui que 1,4 % des avoirs de réserve mondiaux. Leur développement est à nouveau à l'ordre du jour puisque le doublement de leur montant a fait l'objet d'un amendement aux statuts proposés par le conseil d'administration du FMI en septembre 1997. Les DTS pourraient contribuer à une création monétaire mondiale au service de l'emploi et permettraient aux gouvernements d'agir dans une perspective de codéveloppement.

Cela impliquerait des critères de financement qui ne seraient plus fondés sur la recherche de la rentabilité financière maximale, mais sur l'augmentation des dépenses humainement efficaces.

Mobiliser le système bancaire et financier de notre pays pour l'emploi et réorienter la construction européenne en transformant le pacte de stabilité en un pacte pour l'emploi sont à nos yeux deux impératifs. La France a les capacités de faire émerger de vraies solutions progressistes à la crise financière. Elle doit prendre des initiatives fortes en ce sens tant au niveau européen que dans les institutions internationales. Il nous faut travailler, dans la durée, à améliorer l'efficacité économique et sociale des prélèvements obligatoires. Nous avons voté la loi de finances initiale. Le collectif budgétaire vient conforter celle-ci. Nous le voterons donc (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Philippe Auberger - Le collectif qui nous est présenté en deuxième lecture est pratiquement le même qu'en première. Il a, par conséquent, les mêmes défauts.

D'abord, il comporte trop de dépenses nouvelles, ce qui traduit bien la volonté du Gouvernement de dépenser à tout prix, de peur qu'un ralentissement de la dépense publique n'entraîne celui de la croissance -comme si toute dépense publique était favorable à la croissance !

Pour juger de leur importance, il ne suffit pas de comparer leur volume avec celui des années précédentes. Il convient surtout d'apprécier leur caractère impérieux et de voir si elles ont une chance d'être engagées d'ici la fin de l'année.

Il est normal d'effectuer des ajustements de fin d'année sur les crédits tels que le RMI ou les aides sociales au logement, crédits qui sont le plus souvent évaluatifs. Mais dans la mesure où le manque de crédits constaté dans certaines domaines était contrebalancé ailleurs par des excédents, des compensations auraient suffi. Or il y a des dépenses nouvelles. En particulier pour financer l'allocation de rentrée scolaire, alors même que celle-ci aurait dû l'être, conformément à l'ordonnance de 1959, en loi de finances initiale puisqu'il s'agit d'une dépense certaine -le Gouvernement s'étant d'ailleurs vanté urbi et orbi du quadruplement de cette allocation. Mais ne pas l'inscrire en loi de finances initiale est un moyen commode de minorer le déficit budgétaire.

Les autres dépenses nouvelles ne pourront à l'évidence pas être engagées d'ici la fin de l'année, qu'il s'agisse de la dotation d'un milliard à l'EPAD, de l'indemnisation des commissaires-priseurs ou des crédits pour la célébration de l'an 2000. Dire cela ne relève pas de l'intégrisme, Monsieur le rapporteur général, mais du respect de la règle de l'annualité budgétaire. Ne pas s'y conformer est tout simplement laxiste.

Le deuxième défaut de ce collectif tient au fait que l'essentiel des plus-values de recettes est consacré à des dépenses nouvelles au lieu de servir à réduire le déficit. Celui-ci diminue seulement de 3 milliards alors qu'on aurait pu l'abaisser de 13. Résultat, la dette publique n'est pas stabilisée et va bientôt atteindre 60 % du PIB, seuil excessif au regard des critères de Maastricht.

L'ensemble des déficits publics a très faiblement décru en 1998 par rapport à 1997, passant de 3,1 % du PIB à 2,9 %. Pour 1999, il est prévu de ramener ce pourcentage à 2,3 %, mais cette prévision repose sur des hypothèses irréalistes de 2,7 % de croissance, de 1,3 % d'inflation et de 4,3 % de progression des revenus.

Le Gouvernement, qui a l'habitude de conduire en regardant dans le rétroviseur (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), aurait été bien inspiré de se rappeler que, de 1993 à 1996, les déficits publics ont été ramenés de 6 % du PIB à 3,5 %, soit une baisse moyenne de 0,6 % par an. Ce rythme n'a pas été tenu en 1998 et ne le sera pas davantage en 1999.

Troisième défaut : les plus-values fiscales constatées en 1998 et les plus-values sur les prélèvements sociaux vont entraîner inéluctablement, j'en prends le pari, une augmentation des prélèvements obligatoires, contrairement à ce que le Gouvernement a maintes fois répété.

Point ne suffit d'affirmer, il faut démontrer. Or les résultats tenus en 1997 sont éloquents : la stabilisation annoncée pendant la campagne électorale n'a pas été obtenue.

Les objectifs de la politique budgétaire sont de financer les activités sociales, de diminuer les déficits publics et d'alléger les prélèvements obligatoires, dites-vous. Si le premier est satisfait -et au-delà-, les deux autres sont sacrifiés. On voit bien ce qui distingue la gestion budgétaire de droite de celle que lui préfère la gauche : la gauche privilégie systématiquement la dépense publique...

Plusieurs députés socialistes - Caricature !

M. Philippe Auberger - ...comme si toutes les dépenses publiques étaient efficaces, alors que la droite se veut plus économe des deniers publics en évitant toute dépense intempestive ou inutile.

On a vu, en 1991 et 1992, qu'une gestion de gauche fait rapidement des dégâts. J'étais dans cet hémicycle ces années-là, et je me rappelle très bien la teneur des critiques que j'avais faites à Pierre Bérégovoy. L'année 1999 sera celle de la répétition des erreurs et, au moindre retournement de conjoncture, les déficits se creuseront à nouveau faute, pour votre gouvernement, de pouvoir sacrifier certaines dépenses.

Nous condamnons ce que nous tenons pour une politique budgétaire de facilité et c'est pourquoi nous voterons à nouveau contre ce collectif budgétaire (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Jean-Jacques Weber - Je saisis l'occasion de cet ultime débat sur la loi de finances rectificative pour appeler une nouvelle fois l'attention du Gouvernement sur la situation de plus en plus inquiétante de l'emploi dans le Haut-Rhin et lancer un véritable cri d'alarme alors que des annonces tragiques se succèdent, dans l'industrie textile et dans la mécanique.

Le groupe DMC, pour commencer, annonce la suppression de 265 emplois à l'usine Texunion. Il ne restera plus que 375 personnes là où, il y a deux ans encore, travaillaient 800 salariés. C'est un gâchis dramatique que je dénonce, à cette tribune et dans les ministères, depuis trois ans. Votre prédécesseur, M. Franck Borotra, avait demandé un rapport sur la situation du groupe DMC, qui licencie partout, alors que Texunion est spécialisée dans des secteurs dont les journaux économiques nous disent aujourd'hui encore la bonne santé. Une fois de plus, les salariés payent les mauvais choix stratégiques d'une direction sourde aux remarques de son personnel ! Je vous demande, Monsieur le ministre, d'autoriser vos représentants en Alsace à faire des propositions permettant de sauvegarder ce qui reste de cette entreprise en Alsace. Des moyens existent, que l'Etat doit, aux côtés des collectivités locales, aider à mettre en place, après avoir négocié avec DMC des assurances concrètes pour le personnel.

A Mulhouse même, la société Cummins-Wärtsilä, qui a déjà bénéficié de nombreuses aides en sa qualité de repreneur de la SACM-Diesel, envisage la suppression de 243 emplois sur 700, et d'autant à Surgères. Ce groupe doit être placé sous haute surveillance de l'Etat, car il est soupçonné de vouloir délocaliser ses activités hors de France et même d'Europe.

Le groupe Boussac, enfin, est à nouveau en difficulté et annoncé déjà des coupes claires dans ses effectifs.

Monsieur le ministre, des mesures d'urgence s'imposent dans le Haut-Rhin, qui doit faire face, avec la perte simultanée de 520 emplois, à un véritable désastre. Si rien n'est fait, je ne donne pas cher des 375 emplois restants chez Texunion. La gravité de la situation commande que vous agissiez sans tarder.

La discussion générale est close.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget - M. Gantier broie du noir. Je l'invite à lire la presse du jour, qui fait état de prévisions revissées du FMI, selon lequel la croissance serait, en 1999, de 2,6 % en France, de 2 % en Allemagne et de 2,2 % dans la zone euro. Je ne cherche pas à me retrancher derrière l'autorité du FMI, mais je tiens à faire observer que certaines prévisions publiques divergent fortement des prévisions d'institutions privées auxquelles il a été fait allusion et qui parlent, elles d'une croissance comprise dans une fourchette de 1,8 à 2,2 % seulement. Le Gouvernement a le ferme espoir que les consommateurs retrouveront le moral que la crise des derniers mois leur avait fait perdre et que les entreprises reprendront leurs projets d'investissements là où elles les avaient laissés, ce qui pourrait faire de 1999 une nouvelle année de très bonne croissance en France.

Vous avez dit aussi que le Gouvernement dissimulerait des plus-values fiscales, vous appuyant pour cela sur des prévisions faites en septembre -et nous félicitant au passage. Vous êtes trop fin connaisseur de ces questions pour ignorer que ces chiffres fluctuent. Ainsi, en octobre, le déficit n'a été réduit que de 23 milliards et ce sont bien entendu les rentrées de décembre qui seront décisives. Je m'en tiens donc aux hypothèses de plus-values fiscales qui figurent dans le texte.

Monsieur Idiart, vous nous avez gratifiés de ces quelques compliments qui font toujours plaisir -surtout lorsqu'ils sont justifiés... Vous avez interrogé le Gouvernement sur le sort des voyageurs-représentants-placiers. Vous savez que deux réunions techniques ont eu lieu avec les représentants de cette profession, dont les conclusions ont été que par le calcul des frais réels et des indemnités kilométriques, les VRP peuvent obtenir autant que ce que leur permettait la déduction forfaitaire. Quant aux difficultés que le nouveau dispositif pourrait créer dans l'application de la convention collective, elles seront sans nul doute résolues d'ici à 2001, date de sa mise en oeuvre, mais vous avez eu raison d'appeler l'attention sur cet aspect des choses.

Monsieur Jegou, vous vous êtes étonné que le fonds de compensation de la TVA soit de 1,3 milliard inférieur à ce qui était prévu. Vous savez parfaitement que les calculs sont fondés sur les investissements réalisés il y a deux ans par les collectivités locales, lesquels ont connu, à cette époque, un creux dont, fort heureusement, ils s'extraient à présent. Je tiens à souligner, à ce sujet, que l'Assemblée et le Gouvernement ont de beaucoup élargi le champ d'application du FCTVA, puisqu'y sont désormais éligibles les travaux d'urgence de prévention des inondations, les biens de sections et les travaux effectués par les syndicats mixtes.

M. Daniel Feurtet a souligné le caractère social du collectif et il s'est dit attaché à la réforme du système monétaire international. La France, très attachée à la stabilité monétaire, avait fait des propositions en ce sens au printemps déjà, s'attirant quelques sarcasmes. La crise des mois qui ont suivi a montré la justesse des idées exprimées, qui visaient à instituer davantage de transparence et à renforcer le rôle du comité intérimaire du FMI et du FMI lui-même, sous une autorité internationale réaffirmée, avec l'objectif constant de soutenir les économies les plus fragiles. Je suis ainsi persuadé que le plan défini pour le Brésil contribue à améliorer la stabilité monétaire internationale.

Vous avez semblé éprouver quelque nostalgie pour les droits de tirage spéciaux ; mais l'euro apportera, de toute évidence, une plus grande stabilité aux onze pays qui ont décidé d'en faire leur monnaie commune. Progressivement, il deviendra aussi un facteur de stabilité internationale, en évitant au système mondial d'être entièrement dépendant d'une seule monnaie.

M. Auberger a déclaré que le collectif présentait, en deuxième lecture, les mêmes défauts qu'en première lecture ; je pourrais donc lui faire les mêmes réponses... En ce qui concerne l'allocation de rentrée scolaire, dont il souhaite l'intégration au budget, je rappellerai à l'ancien rapporteur général que c'est une prestation sociale, financée par la Caisse nationale d'allocations familiales pour son montant de base et dont les revalorisations annuelles, également payées par la CNAF, lui sont remboursées in fine par l'Etat si la situation des comptes sociaux le justifie.

En ce qui concerne la dette, bien que je n'aie pas la compétence mathématique que m'a prêtée M. Gantier, je ferai devant vous un calcul simple. En 1994, la dette publique représentait 48,5 % du PIB ; en 1996, 56,7 %, soit huit points de plus. Si nous, responsables politiques, n'avions rien fait pour infléchir la tendance, nous en serions en 1998 à 64,9 %. L'opposition est donc mal placée pour nous donner des leçons. Nous avons dit que nous plafonnerions la dette publique, exprimée en pourcentage du PIB, en l'an 2000, et nous le ferons.

M. Weber a profité de ce débat pour souligner la situation sociale préoccupante du département du Haut-Rhin. Je lui ferai tout d'abord observer que, au niveau national, les entreprises ont créé depuis un an 303 000 emplois. Les aides attribuées par M. Borotra aux entreprises textiles étaient illégales et la Commission européenne demande leur remboursement d'ici deux ans : c'est l'exemple même d'une mauvaise gestion publique. Enfin, j'ai trouvé bien étrange, de la part d'un parlementaire de l'opposition, de souhaiter que les entreprises privées soient mises sous la haute surveillance de l'Etat... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - En application de l'article 91, alinéa 9, du Règlement, j'appelle maintenant dans le texte du Sénat les articles sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.

ARTICLE PREMIER et état A

M. le Rapporteur général - L'amendement 1 tend à rétablir l'article d'équilibre tel qu'il a été adopté en première lecture.

L'amendement 1, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article premier et l'état A ainsi modifiés sont adoptés.

La première partie du projet de loi de finances rectificative est adoptée.

ART. 2 et état B

M. le Rapporteur général - Les amendements 2 à 5 tendent à rétablir les crédits adoptés en première lecture. Le premier concerne le recensement, le deuxième les célébrations de l'an 2000, le troisième la SNCF, le quatrième la réforme des commissaires-priseurs.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable.

L'amendement 2, mis aux voix, est adopté, de même que les amendements 3, 4 et 5.

L'article 2 et l'état B annexé, ainsi modifiés, sont adoptés.

ART. 3 et état C

M. le Rapporteur général - L'amendement 6 corrigé a lui aussi pour objet de rétablir les crédits adoptés en première lecture, concernant l'équipement immobilier de l'administration.

L'amendement 6 corrigé, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 3 et l'état C annexé, ainsi modifiés, sont adoptés.

ART. 11

M. le Rapporteur général - L'amendement 7 vise à rétablir cet article, qui porte réforme du droit de bail afin de simplifier les obligations déclaratives.

M. le Secrétaire d'Etat - Accord.

M. Christian Jacob - Mon sous-amendement 33 tend à exonérer de la contribution annuelle représentative du droit de bail les locataires qui ont déjà supporté ce droit pour la même période. En effet, pour certains baux, notamment ruraux, le droit de bail est payé pour trois ans.

M. Charles de Courson - Je me félicite que la commission ait retiré du texte initial du Gouvernement le I -initial-, inapplicable pour les sociétés de personnes, en particulier les sociétés agricoles.

M. le Rapporteur général - Avis défavorable au sous-amendement. L'effet de la superposition des bases d'imposition pour la période allant du 1er janvier au 30 septembre 1998 devrait être neutralisé lorsque le bailleur cessera de louer pendant neuf mois. Par ailleurs, les baux ruraux sont exclus du dispositif.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis.

M. Christian Jacob - Mon sous-amendement est de simple cohérence : il s'agit de ne pas faire payer deux fois le droit au bail...

Le sous-amendement 33, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 7, mis aux voix, est adopté et l'article 11 est ainsi rétabli.

APRÈS L'ART. 11

M. Charles de Courson - C'est la quatrième fois que nous déposons notre amendement 36.

Nous recevons tous des lettres de personnes qui ont 3 000 ou 4 000 F par mois pour vivre et à qui on prélève 10 % sur leurs revenus de placement. Contrairement à ce que dit Mme Aubry, en effet, les gens qui ont des revenus de placement sont souvent modestes. Nous demandons donc que les ménages dont les revenus sont inférieurs aux minima sociaux soient exonérés de CSG, de CRDS et de prélèvement social sur leurs revenus de placement. Ceux-ci, en effet, correspondent bien souvent à l'argent que les intéressés ont mis de côté pour compléter leur retraite ; or les minima, en matière de retraite, sont exonérés de ces contributions sociales. L'année dernière, le Conseil constitutionnel, que nous avions saisi, à implicitement reconnu dans sa décision qu'il y avait un problème. Nous proposons donc tout simplement un mécanisme de remboursement.

Mme Nicole Bricq - Sur le fond, il a raison...

M. le Rapporteur général - La commission n'a pas retenu cet amendement, mais il est vrai qu'il faut trouver une solution. Avec le Président de la commission, nous y réfléchissons.

L'amendement de notre collègue présente quelques imperfections techniques et se heurterait à jurisprudence du Conseil constitutionnel, nous y sommes donc défavorables. Mais c'est un sujet qu'il faudra examiner en commission au début de l'année prochaine.

M. le Secrétaire d'Etat - Je ferai trois remarques.

Premièrement, la CRDS a été conçue par le gouvernement Juppé avec une assiette très large.

Deuxième argument, le parallélisme avec les salariés exige que la CRDS soit payée dès le premier franc : une personne qui travaille à temps partiel et ne gagne que 2 000 F par mois paiera cette cotisation. Il n'est donc pas anormal qu'une personne touchant 2 000 F de revenus de placement verse la même contribution.

Cela dit, et c'est ma troisième remarque, il y a effectivement des cas particuliers, des personnes qui peuvent avoir des difficultés à acquitter ce prélèvement : c'est pourquoi j'ai donné instruction aux comptables publics d'examiner leur situation avec bienveillance, mais au cas par cas.

Je demande donc le retrait de l'amendement.

M. Gérard Fuchs - C'est plus qu'un problème de cas particuliers. Pour les salariés et les retraités, nous avons basculé les cotisations maladie sur la CSG, l'opération a été gagnante ou neutre pour eux. Mais les cas que nous évoquons sont ceux de petits retraités qui ont un complément de retraite sous forme de revenu d'épargne ou de location d'un bâtiment ou d'une terre et dont le revenu global est inférieur à 4 000 F par mois : ceux-là ont perdu au basculement puisque leur revenu complémentaire n'était pas assujetti à la cotisation maladie. On ne peut donc parler de parallélisme.

Ils se sont manifestés dans nos permanences car, pour certains, l'amputation de leur revenu n'est pas négligeable.

Je rejoins donc le rapporteur pour estimer que toute une catégorie de personnes est concernée et je souhaite que notre commission des finances, dès le mois de janvier et avec le plein soutien du Gouvernement, étudie une solution appropriée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe UDF).

M. Charles de Courson - M. Fuchs a raison. L'argument du parallélisme avec les salariés ne tient pas puisque, dans ce cas, il n'y a pas eu substitution de cotisations.

En outre, un certain nombre de revenus de placement sont exonérés de la CSG, tous les minima sociaux aussi.

Mon amendement est très modéré puisqu'il reprend le montant de ces minima sociaux comme seuil d'imposition. Je reconnais qu'il peut présenter des inconvénients techniques, mais le rapporteur a reconnu qu'il y a un problème réel, alors pourquoi le Gouvernement s'obstine-t-il à le nier ? J'aimerais entendre de vous, Monsieur le ministre, une autre réponse que celle "j'ai donné l'ordre d'être gentil avec ceux qui ont des problèmes" (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. le Secrétaire d'Etat - Il peut y avoir effectivement des difficultés pour les retraités qui n'ont que des revenus de placement pour ressources, mais je pense que le traitement au cas par cas peut les résoudre. Je rappelle que les cotisations maladie s'élèvent à 2,8 % seulement pour les retraités alors que les salariés paient 4,1 %. Ceux-ci paient la CRDS au premier franc, il doit en être de même pour les revenus du capital.

M. Charles de Courson - C'est la réponse de Mme Aubry !

M. le Secrétaire d'Etat - C'est la réponse du Gouvernement.

M. le Rapporteur général - Cette réponse ne nous donne pas complètement satisfaction (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF). Il faudra réfléchir à un autre dispositif, peut-être du type plafonnement, comme pour la taxe d'habitation. Cette réflexion se poursuivra au début de l'année prochaine et devra aller au-delà d'un traitement cas par cas.

L'amendement 36, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 11 bis

M. Daniel Feurtet - Le Sénat propose d'étendre un dispositif fiscal réservé principalement aux zones de montage et aux zones de revitalisation urbaine. Nous savons que 80 % du tourisme se concentre sur 20 % du territoire et qu'une diversification est souhaitable. Nous ne souhaitons donc pas la suppression pure et simple de l'article ajouté par le Sénat ; en revanche, il est envisageable de revoir le montant de l'avantage fiscal si le Gouvernement estime cette extension trop coûteuse.

M. le Secrétaire d'Etat - Le dispositif actuel donne un avantage fiscal aux résidences de tourisme situées en zone de revitalisation rurale. Le Sénat a proposé d'en étendre le bénéfice à toutes les zones éligibles à la prime d'aménagement du territoire, c'est-à-dire en fait l'ensemble du territoire en dehors de la région parisienne. Ce serait diluer excessivement la mesure. Pour qu'elle ait un réel impact, il faut qu'elle reste ciblée sur les zones de revitalisation rurale, dans le but d'y développer le "tourisme vert".

M. le Rapporteur général - Je dirai à M. Feurtet que les zones de revitalisation rurale ne sont pas toutes des zones de montagne et à M. le secrétaire d'Etat que la PAT, parce qu'elle est ciblée, ne bénéficie pas à l'ensemble du territoire hors région parisienne.

Il faut en rester au dispositif de compromis adopté en première lecture. Nous verrons à l'avenir s'il faut le modifier.

L'amendement 8 de la commission vise à rétablir ce dispositif. Nous n'avons pas examiné l'amendement 41, mais il aurait été repoussé.

M. Philippe Auberger - L'amendement 41 est défendu.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement est favorable à l'amendement 8 et défavorable à l'amendement 41.

L'amendement 8, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 41 tombe.

M. le Rapporteur général - L'amendement 9 de la commission vise à rétablir le texte adopté en première lecture.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable.

M. Charles de Courson - Entre la position de la commission et celle du Sénat, le Gouvernement aurait pu couper la poire en deux.

L'amendement 9, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur général - L'amendement 39 de la commission est de précision.

L'amendement 39, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur général - L'amendement 10 de la commission est de conséquence.

L'amendement 10, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur général - L'amendement 11 vise à rétablir le texte de l'Assemblée nationale. Le sous-amendement 40 de la commission est de précision.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable.

Le sous-amendement 40, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 11 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

L'article 11 bis, modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 11 ter

M. le Rapporteur général - L'amendement 12 de la commission est de rétablissement.

L'amendement 12, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté et l'article 11 ter est ainsi rétabli.

ART. 11 quater

M. le Rapporteur général - L'amendement 13 de la commission vise à supprimer, avec cet article, l'exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit pour la première transmission d'un immeuble ancien entrant dans le champ du "dispositif Besson". Cet avantage n'avait pas été prévu en première lecture. En outre, le ministre de l'économie ne s'étant pas montré défavorable à une réflexion d'ensemble sur le régime fiscal des transmissions immobilières, une telle mesure serait pour le moins prématurée.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable à la suppression de cet article.

L'amendement 13, mis aux voix, est adopté et l'article 11 quater est supprimé.

ART. 12 bis

M. le Rapporteur général - L'amendement 14 rectifié de la commission vise à prolonger de six mois le délai de transfert des contrats d'assurance vie vers les contrats dits "DSK". Je demande au Gouvernement de lever le gage.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable. Le gage est levé.

L'amendement 14 rectifié, mis aux voix, est adopté.

L'article 12 bis modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 15 bis A

M. Alain Néri - C'est avec colère et indignation que les dirigeants bénévoles des petits clubs sportifs ont accueilli la décision du Conseil d'Etat d'annuler le décret du 8 août 1996 les autorisant à ouvrir une buvette plus d'une fois par an.

C'est en effet une décision injuste et vexatoire. Elle tend à accréditer l'idée selon laquelle les clubs sportifs inciteraient à l'alcoolisme, alors même que le Conseil d'Etat s'est prononcé à la requête de la fédération nationale de l'industrie hôtelière, qui n'a certes pas pour motivation de préserver la santé publique. Conviviales et traditionnelles, les buvettes aident les clubs à financer leur activité, qui concourt à l'animation de nos communes et à l'intégration des jeunes.

Cette décision remet en cause l'existence même des petits clubs, auxquels les buvettes apportent un tiers de leurs recettes. Mme Buffet a certes revalorisé la part régionale du fonds national pour le développement du sport, mais cette mesure reste insuffisante. En outre, la nouvelle répartition des droits télévisuels n'est pas encore effective. Ne lâchons pas la proie pour l'ombre.

La décision du Conseil d'Etat va en outre créer une discrimination dont profiteront les grands clubs. Ceux-ci pourront continuer à restaurer certains spectateurs privilégiés dans des loges climatisées, avec le concours de prestataires qui sont peut-être membres de la fédération nationale de l'industrie hôtelière... (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR) En revanche, les adhérents des petits clubs ne pourront plus se désaltérer d'une bière l'été ni se réchauffer l'hiver en prenant un vin chaud après s'être exposés aux intempéries.

Enfin, cette décision est irréaliste, car le "périmètre" sera difficile à déterminer et les contrôles seront impossibles. Il serait sage d'en rester au décret de 1996 qui, sans régler le problème de fond, a au moins le mérite du réalisme.

La commission a adopté un amendement visant à accorder jusqu'à dix dérogations par an à l'interdiction. Comme de nombreux collègues, je voterai cet amendement de bon sens.

Le système doit rester simple. Il s'agit d'autoriser les buvettes à proposer les boissons de la licence 2 : vin, bière, cidre, thé et café. Les autres consommations seraient proscrites et la buvette devrait rester fermée les jours d'entraînement.

Ce problème concerne 13 millions de licenciés et même 30 millions de nos concitoyens, en tenant compte des spectateurs. Le bon sens doit enfin l'emporter (Applaudissements sur de nombreux bancs).

M. le Président - La liste des inscrits s'allonge. Comme je n'ai pas l'intention de prononcer la clôture de la discussion, j'invite les orateurs à réduire leur temps de parole.

M. Edouard Landrain - Aux yeux de certains, cette discussion est sans importance. Mais comme l'a souligné notre collègue Néri, des dizaines de milliers de nos concitoyens attendent de nous une décision intelligente.

L'arrêt du Conseil d'Etat nous donne l'occasion de mettre fin à l'hypocrisie et de ramener la paix dans nos communes.

Il faut n'avoir jamais fréquenté un club sportif pour ne pas comprendre l'appel que nous lancent les bénévoles qui les animent, en zone rurale comme en banlieue. Les buvettes apportent 30 % de leurs recettes à ces clubs. Ce sont des espaces de convivialité, où les anciens retrouvent les plus jeunes, et déjeunent d'un sandwich bien de chez nous, au pâté, aux rillettes, au saucisson. Peut-on imaginer qu'ils arrosent ce sandwich d'orangeade, ou de coca-cola ? (Mouvements d'indignation)

Ces petits clubs doivent être respectés. Ne les accusons pas de favoriser l'alcoolisme, qu'ils s'efforcent au contraire de combattre. Il faut les autoriser à vendre du vin, de la bière et du cidre, sans quoi nous devrons aussi interdire tous les vins d'honneur, la buvette de l'Assemblée nationale -scandale !- ou encore celle du Sénat. Et pourquoi ne pas prôner la prohibition totale ? Ce serait une belle idée pour entrer dans le IIIème millénaire !

Ce qui vous est proposé, c'est d'adopter une disposition déjà votée par le rapporteur général lui-même à l'occasion de l'examen du DMOS.

Nous avons demandé que les buvettes des stades soient ouvertes 20 fois par an, une demi-heure avant et après les compétitions. Cette proposition raisonnable répond aux besoins. Elle correspond à un temps total d'ouverture de moins de 4 jours par an, 1 % du temps ouvrable des débits de boissons...

Le ministre l'a dit, on a envisagé de supprimer les buvettes et de venir au secours des petits clubs grâce aux subsides du ministère. Lui ferais-je l'injure de lui rappeler qu'avec à peine 3 milliards, le budget de la jeunesse et des sports représente 0,19 % du budget général. C'est notoirement insuffisant et sans le soutien des collectivités locales, le sport serait bien malade en France.

Revenons donc à la réalité, prenons ce problème à bras-le-corps et disons simplement à ceux qui font la richesse de notre monde sportif, "nous vous avons compris, nous vous faisons confiance, nous vous respectons". Autorisons-les à poursuivre ce qui a toujours existé, ce qui produit dans la convivialité et un peu de richesses. Laissons-les maintenir le sport dans le milieu simple auquel nous sommes attachés au moment où, dans les clubs professionnels, les boissons variées et souvent étrangères coulent à flots, à l'opposé de cette façon de faire bien de chez nous (Applaudissements sur de nombreux bancs).

M. François Rochebloine - Avec l'arrêt du Conseil d'Etat annulant le décret du 8 août 1996 autorisant les associations sportives à ouvrir dix fois par an les buvettes à la vente d'alcool, le débat est relancé et le feuilleton buvette continue. Si je ne souhaite pas commenter cette décision, je considère toutefois que nous sommes revenus à la case départ et à la loi Evin.

Nos collègues sénateurs n'ont rétabli que très partiellement cette disposition, avec cinq autorisations de dérogation seulement par an, ce qui est nettement insuffisant.

C'est hypocrisie que de prétendre, en interdisant ces buvettes, lutter contre l'alcoolisme, quand les crédits qui y sont destinés restent modestes, seulement 90 millions, au regard de ceux consacrés à la lutte contre la toxicomanie et de la réalité du fléau.

Comment s'étonner, après de telles décisions, que les bénévoles ne se pressent pas dans les clubs ? Ils seront bientôt, si l'on n'y prend garde, une espèce en voie de disparition.

Les difficultés sont déjà nombreuses et l'on veut ajouter de nouvelles tracasseries administratives et financières, alors que les revenus des buvettes représentent plus d'un tiers des ressources des associations.

Si la ministre de la jeunesse et des sports a reconnu que l'Etat devait apporter une aide plus importante aux clubs, tels n'est malheureusement pas le cas. Et si les crédits du FNDS progressent globalement, le montant attribué aux clubs diminue lui chaque année.

Par ailleurs, l'interdiction des buvettes n'empêche pas la consommation sauvage de bières achetées par packs et consommées par des jeunes à proximité ou à l'intérieur de l'enceinte des stades, sans que l'on ait les moyens de contrôler ou d'interdire.

Comment expliquer aussi que les invités puissent consommer champagne, pastis, whisky, et autres alcools dans les salons d'un club professionnel sans bourse délier, alors que le spectateur d'un club promotionnel, qui a acquitté son entrée, n'a pas le droit de s'offrir un verre de vin rouge en le payant ?

Manifestement, ceux qui s'opposent à ces dérogations ne fréquentent pas les enceintes sportives. Je les invite à se rendre dans les stades et dans les halles de sports, ils y rencontreront la convivialité et comprendront alors le bien-fondé de notre demande.

Si nous voulons lutter contre l'alcoolisme, augmentons les crédits qui sont destinés à cette lutte, n'hésitons pas à multiplier les contrôles, en particulier les week-ends à la sortie des discothèques. Mais de grâce, assez d'hypocrisie ! Arrêtons de nous donner bonne conscience ! Entendons l'appel que nous lancent les dirigeants de clubs, avant qu'il soit trop tard !

Monsieur le ministre, jouez le Père Noël et accordez les vingt autorisations que nous vous demandons (Applaudissements sur de nombreux bancs).

M. Hubert Grimault - Je veux apporter ici le témoignage d'un homme de terrain, parlementaire certes, mais aussi président d'un club omnisport de la banlieue ouvrière d'Angers.

Pour moi, convivialité et obligation financière sont intimement liées dans l'amendement qui autorise vingt dérogations par an au profit des clubs amateurs. Un tiers de leur budget provient des recettes des buvettes.

Le squelettique budget de la jeunesse et des sports et les charges qui pèsent sur les collectivités locales n'autorisent aucune compensation.

Plus généralement, c'est la philosophie même du bénévolat qui est ici en cause. A quoi bon dès lors faire l'éloge de la vie associative dans les discours officiels ?

MM. François Rochebloine et Edouard Landrain - Très bien !

M. Hubert Grimault - Nous ne pouvons non plus accepter que le champ du bénévolat soit limité à l'encadrement des clubs.

Les associations, sportives et autres, sont le terrain du dévouement individuel qui garantit la cohésion sociale. Les bénévoles doivent occuper une place de choix dans notre société.

Pour dire non à l'hypocrisie, pour éviter les risques de la prohibition, il faut voter un amendement utile à la survie du monde associatif.

M. Charles de Courson - Les dirigeants du club de foot de mon village me l'ont dit clairement ce week-end : "si vous ne votez pas le texte du Sénat, nous fermerons le club", et je suis sûr que nombre de nos collègues ont eu les mêmes échos. Il nous faut nous opposer au démantèlement des petits clubs qui fonctionnent grâce aux bénévoles.

Nous n'avons ici nulle illusion quant à une éventuelle compensation par le FNDS : ce sont toujours les grands qui le pompent au détriment des petits, et ce sera toujours ainsi.

M. Alain Néri - Non !

M. Charles de Courson - Halte par ailleurs à l'intégrisme prohibitionniste ! Halte à l'hypocrisie ! Chacun sait que quand les gendarmes arrivent, ils font semblant de ne pas voir la buvette, quand ils n'y vont pas eux-mêmes... Comment nous honorerions-nous de voter ici des lois qui ne sont pas appliquées ensuite ? Pouvons-nous accepter que la République se ridiculise ?

Un peu de sagesse, revenons à l'ouverture raisonnable et suffisante des buvettes dix fois par an.

N'oublions pas l'éducation à la santé, apprenons aux jeunes ce que l'on appelle chez nous, en Champagne, le "bien-boire", c'est-à-dire sans excès, apprenons-leur à être raisonnables. Ainsi ferons-nous progresser l'éducation populaire (Applaudissements sur de nombreux bancs).

M. Jean-Pierre Soisson - Quand j'étais ministre de l'agriculture et M. Evin, ministre de la santé, nous nous étions déjà opposés sur les décrets d'application de sa loi.

Aujourd'hui, l'annulation du décret par le Conseil d'Etat nous conduit à faire figurer dans la loi ce qui ne devrait pas y être, le nombre de dérogations autorisées chaque année pour la survie financière des clubs sportifs.

Ces dérogations passent par une demande écrite auprès du préfet. Elles ne concernent que le vin, la bière et le cidre, à l'exclusion de toute autre boisson alcoolisée. Elles sont soumises au contrôle de l'autorité administrative.

Lorsque j'étais ministre de la jeunesse et des sports, j'ai créé le FNDS et je sais donc fort bien que jamais il ne pourra compenser l'insuffisance des crédits en faveur des petits clubs sportifs. Il sera de plus en plus tourné vers le haut niveau.

M. Alain Néri - Non ! Il y a déjà eu Albertville, ça suffit !

M. Jean-Pierre Soisson - Nous pouvons ne pas approuver cette évolution, mais elle est réelle.

Au regard des budgets des clubs, je pense que 15 dérogations représenteraient une juste moyenne, mais je suis prêt à me rallier à l'amendement de la commission qui en prévoit 10.

Assez d'hypocrisie !

M. Claude Evin - La loi du 10 janvier 1991 entendait séparer nettement l'alcool du sport. Elle l'a fait pour la publicité ainsi que pour la vente et la distribution d'alcool dans les enceintes sportives. Certains font remarquer que dans les loges chauffées des VIP, de l'alcool est distribué...

M. Jean-Louis Dumont - Oui, du champagne !

M. Claude Evin - Or l'article L. 49-1-2 du code des débits de boissons interdit la vente et la distribution des boissons alcoolisées dans les stades, les salles d'éducation physique, les gymnases...

M. Alain Néri - La loi n'est pas respectée !

M. Claude Evin - Les représentants de la nation n'ont pas à légiférer en fonction de la manière dont les autorités compétentes font respecter la loi mais en fonction de leur idée du droit !

M. Jean-Louis Dumont - Le problème est qu'on la fait respecter aux petits seulement.

M. Claude Evin - Cela dit, il est exact que les fédérations sportives n'ont pas toutes intégré cette préoccupation de santé publique.

Il y a quelques semaines, nous avons adopté un texte de loi contre le dopage. Voulons-nous aujourd'hui envoyer à l'opinion un signal inverse, c'est-à-dire laxiste, alors même que, nous le savons bien, le nombre de décès induits par une consommation excessive d'alcool est infiniment supérieur à celui imputable au dopage ? (Protestations sur les bancs du groupe UDF et du groupe DL)

Je reconnais qu'il y a un problème de financement des clubs. Mais on ne le résoudra pas par cinq, dix, ni même vingt dérogations par an ! Il doit être traité dans le cadre du projet que présentera bientôt Mme Marie-George Buffet. On pourra notamment examiner les amendes qu'infligent certaines fédérations à de petits clubs pour tel ou tel manquement...

M. Jean-Louis Dumont - Du racket, parfois !

M. Claude Evin - ...alors qu'elles ferment les yeux sur la vente d'alcool !

En attendant une telle discussion, je voterai contre l'article 15 bis A.

M. Jacques Blanc - Nous touchons ici à deux sujets importants. D'une part, le rôle du sport, à mes yeux la meilleure prévention qui soit contre l'alcoolisme, la toxicomanie, la délinquance et le sentiment de déshérence des jeunes. D'autre part, l'alcoolisme, fléau contre lequel nous sommes tous mobilisés mais qui ne commence pas à la consommation d'un verre de vin, de bière ou de cidre lors d'une manifestation sportive ! Il y a certes des personnes qui doivent s'abstenir totalement sous peine de retomber dans la dépendance -et à celles-là, nous devons proposer des traitements et des structures d'accueil-, mais l'immense majorité des gens peut boire un verre ou deux sans dommage. Il est même établi que le vin est bon pour la santé (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

C'est en fait se donner bonne conscience à bon compte que d'interdire les buvettes sportives ! La lutte contre l'alcoolisme exige des mesures d'une autre nature. Sortons donc de l'hypocrisie où nous enferme la catastrophique loi Evin !

M. Serge Poignant - En tant que cosignataire de l'amendement 29, je refuse moi aussi l'hypocrisie actuelle, puisqu'on sait que des caisses de bière, achetées au supermarché du coin, sont cachées dans les coffres de voiture. Prévoir cinq dérogations par an, cela veut dire que, tel week-end, on pourra consommer tout ce que l'on veut, y compris des alcools forts, mais que le suivant, il ne faudra rien boire du tout !

M. Evin parle d'une séparation nette entre l'alcool et le sport. Mais lors des spectacles et des kermesses, on consomme aussi de l'alcool : pourquoi ne pas les viser ? Et pourquoi ne pas interdire la consommation d'alcool dans les discothèques, alors que c'est à leur sortie qu'ont lieu la plupart des accidents mortels dus à l'alcool ?

Il ne faut pas confondre l'alcoolisme avec la consommation modérée et conviviale d'alcool telle qu'elle se pratique dans les manifestations sportives.

J'ai fait un petit calcul : si l'on prévoit vingt dérogations par an, un club peut gagner, à raison d'un verre de vin par personne et d'une moyenne de 100 spectateurs, quelque 8 000 F. Ce qui, multiplié par les 170 000 clubs amateurs, fait 1,4 milliard. Si vous les privez de cette recette, je ne crois pas que l'Etat soit prêt à compenser leur manque à gagner par une subvention du même ordre de grandeur.

Ce que nous proposons est raisonnable puisque nous encadrons la consommation, en n'autorisant que quelques catégories d'alcool et en limitant dans le temps les dérogations possibles.

M. le Secrétaire d'Etat - Nous avons à concilier deux impératifs a priori contradictoires : d'une part, la protection de la santé publique, en particulier celle des jeunes -j'ai sur le sujet entendu les propos fermes de M. Evin et les leçons, beaucoup moins convaincantes, des professeurs de vertu du dimanche.... (Vives protestations sur les bancs du groupe UDF)

M. François Rochebloine - Inadmissible !

M. le Secrétaire d'Etat - D'autre part, assurer la pérennité des recettes de ces petits clubs sportifs sans lesquels nous n'aurions pas eu de champions du monde (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Aux problèmes de financement des clubs, il est possible d'apporter une solution budgétaire. Je signale à ce propos le contraste entre les 7 % de baisse du budget de la jeunesse et des sports entre 1993 et 1997 et son augmentation de 3,4 % de 1998 à 1999.

M. François Rochebloine - Quels que soient les gouvernements, le budget de ce ministère est notoirement insuffisant !

M. le Secrétaire d'Etat - Il y a d'un côté ceux qui parlent, de l'autre ceux qui agissent.

La ministre de la jeunesse et des sports a, d'autre part, souligné qu'un effort considérable serait consenti, en 1999, en faveur des associations sportives... (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Messieurs, je vous ai écouté sans manifester d'humeur : ayez la grâce de faire de même. C'est ainsi que les bénéfices du comité français d'organisation de la coupe du monde seront affectés au FNDS pour subventionner les petits clubs.

A ce stade de la discussion que faire ? Le Sénat a voté un amendement qui tend à cinq ouvertures de buvette par an. C'est, pour le Gouvernement, une disposition de sagesse, qui devrait être adoptée car elle concilie les deux impératifs de protection de la santé publique et de préservation de la santé financière des petits clubs.

M. le Président - Beaucoup de choses ayant déjà été dites, la défense des amendements devrait s'en trouver abrégée.

M. Edouard Landrain - Il est manifeste que vous fréquentez rarement les stands, Monsieur le ministre...

M. le Secrétaire d'Etat - Qu'en savez-vous ?

M. Edouard Landrain - ...et en tout cas rarement les stades de province. Le feriez-vous que vous n'auriez pas tenu les propos que nous vous avons entendu tenir. Et lorsque l'on ne sait pas, l'on ne parle ni n'insulte !

Nous voulons naturellement, nous aussi, lutter contre l'alcoolisme. Et comment pouvez-vous imaginer que tous les bénévoles qui tiennent les buvettes des clubs, et qui ne sont autres que les parents des joueurs, ou d'anciens joueurs, veulent salir leurs enfants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Vous les insultez ! Trêve d'hypocrisie ! Chacun de ces bénévoles est prêt à lutter contre l'alcoolisme -lequel d'entre eux souhaite voir son fils ou sa fille périr sur la route au terme d'une compétition sportive ?- mais chacun, aussi, souhaite que son club vive.

Ce que nous voulons, c'est que soit à nouveau voté l'amendement qui avait été presque unanimement adopté en 1996 et que le Sénat a ensuite repoussé. Accorder vingt autorisations par an, c'est un minimum ! Vous remarquerez encore que le texte proposé par notre amendement 29 est très réservé, puisqu'il prévoit que l'ouverture des buvettes n'est autorisée que 30 minutes au plus tôt avant le début de la compétition et 30 minutes au plus tard après la fin de la compétition. Qu'ensuite les contrôles d'alcoolémie s'exercent, qui s'en plaindrait ?

Vous ne semblez pas vous en rendre compte, Monsieur le ministre, mais la révolte gronde car, si vous persistez dans vos intentions, les cessations d'activités sportives pendant les week-ends vont se multiplier, c'est l'évidence. Vous risquez de mettre l'ensemble du monde sportif en ébullition, et vous en supporterez les conséquences politiques : vous devriez savoir que les mesures en apparence anodines se révèlent parfois être de graves erreurs. Voilà pourquoi je maintiens mon amendement 29.

M. le Rapporteur général - La commission n'a pas retenu cet amendement pour deux raisons : parce que c'est un cavalier budgétaire...

M. Claude Evin - Le vôtre aussi !

M. le Rapporteur général - Ce n'est pas exact : il existe une compensation budgétaire ! L'autre raison est qu'elle a adopté l'amendement 15, qui lui semble équilibré.

Divers propos excessifs ont été tenus de part et d'autre, qui ne se justifient pas. La commission des finances est favorable à une action continue de lutte contre l'alcoolisme et de protection de la santé publique, et la proposition que traduit l'amendement 15 ne lui semble en rien contrarier cette double préoccupation. Il est certain que les militants associatifs, et notamment ceux du monde sportif, sont suffisamment soucieux du sort de leurs enfants et de l'intérêt général pour que l'on ne les dépeigne pas comme des propagandistes de l'alcoolisme (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Le législateur se doit d'édicter des règles, mais une frontière doit être tracée, au-delà de laquelle la règle suscite l'incompréhension, et ses auteurs se voient taxés d'intégrisme. C'est pourquoi la commission propose à l'Assemblée une solution sage et équitable. Privilégiant de la sorte ce qu'elle tient pour un bon compromis, la commission est contre les amendements 29 à 32 et 43.

M. le Président - L'amendement 30 est de repli.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement est contre l'adoption des amendements 29 à 32 et 43. Il est contre l'amendement 15 aussi, car il considère que 5 dérogations annuelles valent mieux que 10.

Les amendements 29 et 30, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Edouard Landrain - La seule différence entre l'amendement 31 et l'amendement 29 tient à ce qu'il ne prévoit aucune restriction de la durée d'ouverture des buvettes. Je reste convaincu que 20 dérogations annuelles représentent le minimum de ce qu'il faudrait prévoir.

M. Maurice Adevah-Poeuf - Je dois dire mon désaccord avec Monsieur le ministre et, pour une fois, avec mon ami Claude Evin. De tous les termes utilisés au cours du débat, dont certains ô combien excessifs, celui qui est revenu le plus souvent est "hypocrisie". Que d'hypocrisie, en effet, dans un décret sans base légale, une réglementation qui n'est pas toujours appliquée. Sans que l'on sache s'il faut vraiment le regretter -et un arrêt du Conseil d'Etat qui a eu les résultats que l'on sait... Mais la plus grave des hypocrisies, n'est-ce pas que les petits clubs soient obligés, pour survivre, de recourir à la vente de produits alcoolisés ? Et que l'on ne vienne pas me dire qu'il s'agit de la guerre historique entre la rillette et le hamburger ! Sans les recettes qu'ils trouvent dans les ventes de buvette, la plupart des petits clubs ne pourraient équilibrer leurs comptes et personne ne peut croire que l'argent du fonds suffira à compenser la déficit endémique d'une myriade de petits clubs. Ce n'est pas être "accroché" au vin chaud ou à tel ou tel apéritif anisé que de constater qu'un problème existe !

Si l'on parvient à faire en sorte que les pubs considérables des fédérations sportives irriguent les petits clubs, il sera temps de revenir sur le dispositif envisagé en ce moment, mais le sujet n'est manifestement pas à l'ordre du jour. Dans l'intervalle, il faut donner une solution technique à un problème technique, en revenant tout simplement au décret de 1996, dont on a pu constater qu'il n'avait pour effet ni l'accroissement vertigineux de l'alcoolisme en France ni la discrimination commerciale que redoutaient les hôteliers-restaurateurs, ni des menaces particulières pour la sécurité et la santé publiques.

Alors, sans agiter plus longtemps de grands symboles, adoptons, dans la sérénité et avec la dignité qui sied à la représentation nationale, l'amendement 15 qui ne remet en cause ni l'esprit de la loi Evin, ni le bénévolat, ni le sport.

M. François Rochebloine - Cinq, dix, vingt : c'est une discussion de marchands de tapis... L'amendement présenté par Edouard Landrain est beaucoup plus ferme puisque l'autorisation vaudrait non pour quarante-huit heures, mais de trente minutes avant le début de la compétition à trente minutes après la fin (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Quoi qu'il en soit, il est hypocrite de se limiter à dix autorisations alors qu'on sait qu'il y a sur chaque terrain au moins quinze compétitions et qu'à chaque fois, des buvettes seront ouvertes... Le sous-amendement que j'ai déposé avec Charles de Courson, Edouard Landrain et Hubert Grimault tend à aller jusqu'à quinze pour les communes de moins de 20 000 habitants, car elles ont moins de possibilités que que les autres d'aider les petits clubs.

Je voudrais dire, enfin, que j'ai été particulièrement choqué par les propos tenus au banc du Gouvernement, qui ne sont pas dignes d'un ministre de la République ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Monsieur Landrain, votre amendement 32 est identique à celui de la commission des finances.

M. le Rapporteur général - Contre le sous-amendement car le critère démographique n'est pas pertinent : les petits clubs des villes de banlieues sont confrontés aux mêmes problèmes.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis.

M. Alain Néri - Il faut permettre la survie des petits clubs, en attendant la loi sur le sport. A cet objectif clair, une réponse simple : adopter l'amendement que nous propose la commission des finances...

M. Jean-Pierre Soisson - Il faut légiférer, la décision du Conseil d'Etat nous y oblige. Nous verrons, dans le cadre de la loi sur le sport, ce que nous pouvons faire, mais pour le moment, évitons une nouvelle guerre sur les seuils : à Auxerre, ville de 40 000 habitants, il y a aussi des petits clubs... Je me rallie à l'amendement de la commission, qui revient au décret de 1996 ; le Gouvernement s'honorerait en l'acceptant.

M. Serge Poignant - Dix, c'est mieux que cinq, évidemment... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Mais ce n'est pas comme cela qu'on maîtrisera la consommation. Il est aberrant que pendant dix week-ends, la consommation soit totalement libre et que pendant les autres, elle soit complètement interdite...

M. Jean-Jacques Weber - Je ne suis pas d'accord avec le rapporteur : à mes yeux, le sous-amendement apporte un début de solution.

Pourquoi ne créerions-nous pas une commission parlementaire sur les moyens d'existence des clubs ? Les assurances qu'ils doivent payer sont chères, les buvettes leur apportent 30 % de leurs ressources ; il faut examiner tout cela.

M. Jean-Pierre Baeumler - Excellente idée.

L'amendement 31, mis aux voix, n'est pas adopté.

Le sous-amendement 43, mis aux voix, est adopté.

Les amendements 15 et 32, mis aux voix, sont adoptés.

L'article 15 bis A ainsi amendé, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Monsieur Jacques Blanc, pour un rappel au Règlement.

M. Jacques Blanc - Je souhaite qu'on revoie enfin la loi Evin car on s'est engagé dans une voie dangereuse, sans parvenir à traiter le problème de l'alcoolisme.

M. le Président - Ce n'était pas un rappel au Règlement.

ART. 15 bis

M. Charles de Courson - On ne peut faire accepter par nos concitoyens les prélèvements obligatoires que si le principe d'égalité est respecté. L'article 15 bis, tel qu'il nous est proposé dans l'amendement 16, respecte-t-il l'égalité devant l'impôt ? Non. Est-il conforme à la Constitution et à la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? J'aimerais connaître la réponse du Gouvernement...

A propos de la Corse, j'avais demandé en commission des finances s'il y avait encore des Républicains dans la salle. J'avais eu le plaisir de constater que oui. Je renouvellerai tout à l'heure ma question : y a-t-il des Républicains dans l'hémicycle ?

M. Jean-Louis Idiart - Nous ne sommes pas placés sous votre contrôle !

M. Jean-Pierre Soisson - Je ne suis pas d'accord avec M. de Courson et je voterai l'amendement 16. Tous les gouvernements ont recherché des solutions moyennes permettant d'affirmer le caractère spécifique de la profession de journaliste. La commission nous propose une solution d'apaisement.

M. le Rapporteur général - L'amendement 16 tend à rétablir le texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture. Il ne remet pas en cause l'égalité devant l'impôt, mais tient compte de la spécificité de l'exercice de la profession de journaliste, la concertation avec les autres professions ne devant pas être considérée comme achevée.

M. le Secrétaire d'Etat - Sans revenir sur le débat que nous avons eu, je souligne que les journalistes, à la différence des voyageurs-représentants de commerce, ne peuvent pas apporter des justificatifs de leurs frais de déplacement et d'hôtel, car cela porterait atteinte à la confidentialité de leur travail.

Monsieur le rapporteur général, le Gouvernement est toujours prêt à discuter avec les professions. J'ai indiqué à M. Idiart qu'il fallait adapter la convention collective des voyageurs-représentants de commerce d'ici 2001.

M. Jean-Jacques Jegou - Pour les journalistes, il ne s'agit pas d'un problème de frais généraux.

Quant au problème des sources, tout le monde sait bien que quand il y a des enquêtes lourdes, ce sont les patrons des journaux qui remboursent les frais et c'est normal.

En fait, nous nous substituons aux partenaires sociaux pour remédier à une situation salariale qui est effectivement difficile pour les jeunes journalistes. Si la discussion sur ce plan est redondante, c'est parce qu'on ne lui apporte pas de bonnes réponses.

Nous luttons contre la démagogie consistant à craindre un "terrorisme" éventuel des journalistes à l'égard du monde politique. Il faudrait leur "faire plaisir". Mais nous ne sommes pas là pour faire plaisir aux journalistes, nous sommes là pour faire respecter l'égalité entre Français !

Si l'on parle salaires, on pourrait regarder d'autres professions : ne faudrait-il pas se pencher aussi sur la situation des infirmières qui, avec leurs lourdes responsabilités, commencent à 7 000 F par mois pour atteindre 11 000 F en fin de carrière ?

Les journalistes sont éminemment respectables, mais cela ne mérite pas un traitement non constitutionnel.

M. Charles de Courson - On nous dit que la confidentialité des informations recueillies par les journalistes s'oppose à tout contrôle fiscal. Mais qui paie la collecte des informations ? Les journalistes ou les entreprises ? Et les journalistes sont-ils la seule catégorie professionnelle soumise à la règle de la confidentialité ? Il y en a des dizaines d'autres qui ont une obligation de secret à l'égard des tiers !

Et puis tout le monde sait qu'à travers ces amendements on cherche à résoudre le problème du niveau des salaires nets des journalistes. Eh bien, il suffit, par un acte réglementaire, de décréter un abattement sur l'assiette des cotisations sociales pour tous les salaires situés en dessous d'un certain plafond. Mais ne touchez pas au principe de l'égalité devant l'impôt. Sinon on va dire que ce Parlement ne gère que les intérêts de quelques catégories susceptibles de menacer son image politique.

J'espère qu'il y aura encore quelques Républicains courageux sur tous les bancs...

M. Jean-Louis Idiart - Ça suffit comme cela !

M. Charles de Courson - Ce que je vous dis vous gêne, car vous savez que j'ai raison ! Repoussons l'article 15 bis et que le Gouvernement procède par arrêté à l'abaissement des cotisations sociales !

M. Henri Nayrou - Je suis choqué de la réaction de M. de Courson. Cet avantage appartient à la profession de journaliste depuis 1934. Le gouvernement Juppé a tenté de revenir là-dessus sous couvert de baisse générale des impôts, mais on sait ce qu'il en est advenu.

Compte tenu des conséquences désastreuses sur le pouvoir d'achat de certains journalistes, il faut voter cet amendement.

Vous ne semblez pas connaître tous les frais qui se rattachent à cette profession. Je vous rappellerai le trait d'humour d'Antoine Blondin qui avait ramené des Jeux olympiques d'hiver en 1986 la note de frais suivante : "verres de contact : 400 000 F".

M. Charles de Courson - Vous oubliez toutes les professions qui bénéficiaient aussi d'avantages particuliers. Pourquoi ne vous intéresser qu'à une seule ?

L'amendement 16, mis aux voix, est adopté et l'article 15 bis est ainsi rétabli.

ART. 15 ter

M. Charles de Courson - Le nouvel article 15 ter précise que lorsque le montant d'une allocation d'emploi est fixé par voie législative ou réglementaire, elle ne peut donner lieu à aucune vérification de la part de l'administration fiscale.

C'est un déni total du principe d'égalité du citoyen devant l'impôt ! Quand j'ai demandé au sénateur qui est à l'origine de cet amendement quelles étaient les catégories concernées, il m'a répondu "les élus locaux et les journalistes". Vous ne croyez pas qu'on affaiblit la démocratie en laissant les élus s'attribuer des frais de représentation qui ne peuvent être contrôlés par l'administration fiscale ? Pouvez-vous, Monsieur le ministre, nous donner la liste des autres catégories qui bénéficient d'une telle disposition ? Et maintenant il suffira d'un simple texte réglementaire, d'une lettre du ministre des finances ! C'est comme cela que sous Vichy les conservateurs des hypothèques ont bénéficié d'avantages supplémentaires ! On va laisser n'importe quel gouvernement écrire une petite lettre pour faire plaisir à telle ou telle catégorie ? Ces bidouillages fiscaux sont inacceptables et anticonstitutionnels ! Pourquoi voter cet article ? Pour faire croire aux catégories concernées que vous les avez défendues afin qu'ils écrivent de bons articles sur vous ? Reprenons-nous, chers collègues !

Ceux qui voteront cet article ridiculiseront la démocratie et la représentation nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. le Secrétaire d'Etat - Après cette philippique, ramenons la discussion sur le terrain du droit. Le Gouvernement comprend les intentions de l'auteur de l'article : il s'agit que l'administration fiscale se conforme à la volonté du législateur d'exonérer certaines indemnités.

En ce qui concerne les élus locaux, Monsieur de Courson, l'indemnité représentative de frais d'emploi est fixée par la loi.

Un point de ce texte pose cependant problème : la capacité de fixer le montant de l'indemnité par voie réglementaire. Car selon l'article 34 de la Constitution, ce n'est pas l'autorité réglementaire mais l'autorité législative qui détermine l'assiette de l'impôt. Il ne faut pas priver le Parlement de sa compétence en la matière.

D'ailleurs il ne serait pas souhaitable que tel ou tel chef de service administratif décide, en vertu de son pouvoir réglementaire, d'exonérer d'impôt telle ou telle indemnité pour sujétion spéciale dont la fonction publique est particulièrement riche.

C'est pourquoi je dépose un amendement de séance supprimant de l'article 15 ter les mots "ou réglementaire".

M. le Président - L'amendement du Gouvernement portera le numéro 44.

M. le Rapporteur général - Je souhaite une suspension de séance pour en examiner la portée.

M. de Courson a confondu plusieurs choses. Je ne suis pas sûr qu'on puisse se dire un grand défenseur de la République en entretenant de telles confusions.

Il faut rendre sa sérénité à ce débat, qui ne vise que la question précise des allocations pour frais d'emploi.

La séance, suspendue à midi, est reprise à 12 heures 5.

M. le Rapporteur général - La commission est favorable à l'amendement du Gouvernement.

M. Charles de Courson - Je le voterai, car il est tout de même de bon sens, mais je souhaite faire quelques remarques. Deux catégories de contribuables sont concernées : les élus locaux et les journalistes. Vous me dites que l'allocation pour frais d'emploi a été créée par la loi. Sans doute, mais la loi n'a pas prévu l'absence de tout contrôle.

Si je percevais une telle allocation et que je la mettais dans ma poche, il faudrait majorer mon impôt sur le revenu. Ou bien il s'agit d'une rémunération et elle est imposable. Ou bien cette allocation sert à payer des frais liés à la fonction, et des pièces justificatives doivent pouvoir être exigées. Créer une majoration de rémunération non imposable, ce n'est pas défendable !

On ne peut non plus accepter l'argument du ministre selon lequel, dans le cas des journalistes, les pièces justificatives ne pourraient être contrôlées. Des dizaines de professions vont réclamer le même traitement.

Je voterai l'amendement 44 pour limiter les dégâts, mais je souhaite la suppression de l'article 15 ter.

M. le Rapporteur général - Je ne veux pas laisser croire que les élus locaux et les journalistes seront exempts de contrôle fiscal. Vos observations sont d'habitude plus pertinentes, Monsieur de Courson.

L'amendement 44 du Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 15 ter modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 16

M. Gérard Bapt - Le Gouvernement, et particulièrement Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, a la volonté de régler définitivement le problème des rapatriés surendettés.

En vue de prendre en compte certains arrêts du Conseil d'Etat, j'avais déposé plusieurs amendements pour modifier l'article 44 de la loi du 30 décembre 1986. Ils ont été déclarés irrecevables.

Dix-sept dossiers de rapatriés pupilles de la Nation et quarante-sept dossiers de rapatriés mineurs sont encore en instance. Il faudrait au moins régler ces problèmes.

S'agissant de l'effacement des prêts à l'achat et à l'amélioration de l'habitation principale du rapatrié, le Conseil d'Etat, depuis l'arrêt Pena du 22 octobre 1994, considère qu'ils sont liés, comme prêts complémentaires, à ceux consentis pour l'exploitation, et n'ont donc pas les caractéristiques d'un PAP. Il faut appliquer cette jurisprudence.

De même, pour ce qui est des ouvertures en compte courant matérialisées par un contrat ou une convention et des dettes qui en découlent, les arrêts du Conseil d'Etat, dont celui du 20 mai 1994, ainsi que les articles 1156 et 1164 du code civil doivent être pris en compte.

Il faut résoudre ces problèmes très peu nombreux, qui sont causes d'incompréhension et de mécontentement.

La volonté du Gouvernement doit se traduire dans les faits. La circulaire de Mme la Garde des Sceaux qui précise la nature juridique des poursuites à suspendre, constituait déjà un progrès.

Mon amendement 28 est aussi soutenu par Mme Collange, M. Bascou et M. Gaïa. Vous en avez déjà accepté les dispositions à deux reprises, lors de l'examen de la précédente loi de finances et quand nous avons élaboré le dernier DDOEF. Il vise à préciser que la suspension des poursuites s'impose à toutes les juridictions, à toutes les administrations et à tous les créanciers, même en cas de pourvoi en cassation.

En ce qui concerne les dettes fiscales, le rapatrié aura le choix entre les geler jusqu'à la fin des procédures, ou alors les aménager par un échéancier et ce, sans pénalités avec effet au 31 août 1996.

Enfin, la loi ayant reconnu la spoliation et prévu à ce titre une indemnisation, il serait paradoxal que celle-ci soit aujourd'hui intégrée au revenu imposable. Elle devrait plutôt être considérée comme un apport personnel.

M. le Rapporteur général - Ces questions méritent d'être posées, mais la commission a considéré que les réponses apportées par M. Bapt n'étaient pas les mieux adaptées et a repoussé l'amendement 28.

Elle a en revanche accepté son amendement 25, surtout pour ouvrir la discussion avec le Gouvernement.

Je souhaite que M. le ministre apporte les apaisements nécessaires.

M. le Secrétaire d'Etat - Il me suffirait de dire que la nouvelle jurisprudence du Conseil constitutionnel n'autorise plus le dépôt d'amendement après la CMP, mais comme il s'agit des retraités et de M. Bapt, je veux lui répondre au fond.

Son amendement 28 vise à restaurer d'anciennes dispositions de suspension des poursuites. Il me semble qu'il est déjà satisfait par l'article 100 de la loi de finances pour 1998.

En ce qui concerne l'amendement 25, je rappelle à M. Bapt qu'un décret est en préparation pour définir les nouvelles modalités de traitement des dossiers et que ce collectif prévoit un quasi-doublement des crédits consacrés aux rapatriés qui sont portés à 100 millions.

Sans ouvrir la porte à un réexamen d'ensemble qui ferait affluer les dossiers, le Gouvernement est en plein accord avec la volonté de M. Bapt de traiter l'ensemble du problème comme les problèmes humains les plus douloureux.

Je souhaite donc le retrait de ces amendements.

M. Christian Kert - Une fois n'est pas coutume, je vole au secours de M. Bapt. Il s'agit surtout ici d'une volonté politique sur un dossier douloureux. Les rapatriés attendent de telles dispositions et le Gouvernement s'honorerait d'accepter ces amendements.

M. Gérard Bapt - Le ministre peut-il me répondre plus précisément sur l'intégration de l'indemnisation dans le revenu soumis à impôt, qui met bien des rapatriés dans une situation impossible ? L'un d'entre eux s'est vu réclamer au titre de l'impôt sur le revenu autant que ce qui lui avait été accordé en remise.

M. le Secrétaire d'Etat - Je vous propose que cette question soit débattue avec la direction générale des impôts et que nous en reparlions ensuite dès que possible.

M. Gérard Bapt - Etes-vous par ailleurs favorable à la possibilité de geler ou d'échelonner la dette fiscale ?

M. le Secrétaire d'Etat - Oui, je le confirme.

M. Gérard Bapt - Je retire l'amendement 28.

Mon amendement 25 vise à éviter que certains rapatriés soient poursuivis au simple motif que la suspension des poursuites ne couvre pas les décisions qui seront prises par la nouvelle commission nationale appelée à remplacer les anciennes commissions départementales. Mais mieux vaudrait sans doute reparler de ce sujet à l'occasion du premier texte qui viendra devant nous après la parution du décret-circulaire à ce propos.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement est tout à fait d'accord.

M. Gérard Bapt - Je retire l'amendement 25.

M. Christian Kert - Je reprends les amendements 28 et 25.

L'amendement 28, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 25, mis aux voix, est adopté.

ART. 16 decies

M. le Rapporteur général - L'amendement 42 a le même objet que celui adopté par le Sénat, mais il précise les conditions dans lesquelles les acquisitions d'immeubles réalisées par l'intermédiaire des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural seraient exonérées de tout droit au profit du Trésor.

M. le Secrétaire d'Etat - Il ne s'agit pas ici de l'acte de vente final mais des cas où une personne se substitue aux SAFER. Aucune considération fiscale ne justifie l'exonération prévue dans le régime dérogatoire introduit par le Sénat.

L'amendement proposé, de nature strictement fiscale, ne lève pas les obstacles pratiques à la réalisation d'opérations par les SAFER. Une adaptation des règles civiles -qui n'a pas sa place dans un texte budgétaire- sera donc nécessaire : elle interviendra dans la loi d'orientation agricole. J'ajoute que la réalisation d'opérations de courtage devrait normalement donner lieu à un assujettissement à la TVA de la commission perçue par la SAFER.

Cela dit, je comprends votre volonté de soutenir l'action des SAFER et je donne donc mon accord à cet amendement, dont je lève le gage.

M. le Rapporteur général - Je ne veux retenir que la conclusion du Gouvernement (Sourires).

L'amendement 42, mis aux voix, est adopté.

L'article 16 decies, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 16 quindecies

M. le Rapporteur général - L'amendement 17 revient au texte adopté en première lecture.

L'amendement 17, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté et l'article 16 quindecies est ainsi rétabli.

APRÈS L'ART. 16 quindecies

M. le Secrétaire d'Etat - L'amendement 34 a pour objet de supprimer le II -un gage sur le tabac- de l'article 8 de la loi de financement de la Sécurité sociale.

M. le Rapporteur général - Avis favorable.

M. Charles de Courson - Du point de vue de la procédure parlementaire, est-il vraiment possible de corriger dans cette loi une loi de financement de la Sécurité sociale qui vient d'être promulguée après que deux articles ont été censurés par le Conseil constitutionnel ?

M. le Secrétaire d'Etat - Une loi peut toujours corriger une loi antérieure.

L'amendement 34, mis aux voix, est adopté.

ART. 16 sedecies

M. le Rapporteur général - L'amendement 18 de la commission tend à supprimer un article introduit par le Sénat, après des débats très succints, qui ouvre aux sociétés d'assurances la possibilité de déduire de leur résultat imposable les provisions de gestion constituées au titre des contrats d'assurance sur la vie. La commission des finances souhaite surtout obtenir des précisions complémentaires.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement est toujours disposé à en apporter... Cet article, accepté par le Gouvernement, obéit au souci de donner aux compagnies d'assurances un outil pédagogique et fiscal qui tienne compte de la spécificité de leur activité dans un contexte international où la concurrence va devenir de plus en plus vive, où les aléas seront plus importants et où, par conséquent, l'évaluation des charges de gestion des contrats d'assurance vie sera plus difficile.

La constitution de ces provisions n'a pas un caractère inéluctable car les sociétés d'assurances n'ont pas vocation à dégager structurellement des déficits sur certains secteurs d'activité, mais elle offre une traduction comptable et fiscale à d'éventuelles difficultés conjoncturelles, dans le respect des contraintes prudentielles inhérentes à l'assurance.

Il s'agit donc à la fois de conforter nos compagnies dans la compétition internationale qu'elles affrontent et d'assurer la sécurité des usagers.

M. Charles de Courson - Pour une fois, j'appuie le Gouvernement. Le bon sens exige une telle disposition : il y a tellement d'incertitudes qui entourent les contrats d'assurance vie.

M. le Rapporteur général - Compte tenu des précisions apportées par le Gouvernement, je pense être fidèle à l'esprit de la commission des finances en retirant l'amendement 18. Mais je regrette que l'on ne nous ait pas laissé le temps d'étudier d'autres possibilités ou de faire des propositions complémentaires.

L'amendement 18 est retiré.

L'article 16 sedecies, mis aux voix, est adopté.

ART. 16 septemdecies

M. le Rapporteur général - La réforme proposée par le Sénat à cet article ne revêtant pas un caractère d'urgence, la commission des finances a adopté un amendement 19 de suppression.

L'amendement 19, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté et l'article 16 septemdecies est ainsi supprimé.

L'article 16 octodecies, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 16 octodecies

M. Eric Doligé - Le taux de recouvrement de la taxe forestière étant anormalement bas, il paraît assez injustifié d'effectuer au bénéfice de la direction générale des impôts un prélèvement de 4 % sur le produit de ladite taxe pour frais d'assiette et de recouvrement. Mon amendement 22 vise donc à exclure la taxe forestière de la taxe prévue à l'article 1647 I b du même code. Il en résulterait pour le fonds forestier national un gain d'environ 12 millions, ce qui compenserait un peu la constante diminution des recettes qui lui sont affectées.

M. le Rapporteur général - Bien que cet amendement ait un caractère sympathique, la commission ne l'a pas accepté, d'une part, parce que le recouvrement de la taxe forestière s'est sensiblement amélioré ces deux dernières années, d'autre part, parce qu'il n'est pas certain que la suppression du prélèvement en question accentuerait la diligence des agents chargés du recouvrement. J'ajoute qu'il y a un projet de loi en préparation sur ces différents sujets.

M. le Secrétaire d'Etat - Je demande le rejet de l'amendement, qui ne tient pas compte des frais exposés par l'Etat pour établir et recouvrer l'impôt.

L'amendement 22, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 17 bis

M. le Rapporteur général - L'amendement 20 tend à supprimer l'article 17 bis. La proposition du Sénat de supprimer la ligne du "compte d'affectation des produits de cessions de titres, parts et droits de sociétés" permettant éventuellement des reversements au budget général n'apparaît pas opportune : une certaine souplesse dans la gestion du compte doit en effet être maintenue.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable.

M. Charles de Courson - Le Gouvernement entend-il utiliser tout ou partie de ces sommes, à d'autres emplois que les comptes d'affectation spéciale ? Et si tel est le cas, à quoi ?

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement n'a pas l'intention de reprendre les mauvaises pratiques de M. Balladur, qui avait reversé au budget général les recettes provenant des privatisations.

L'amendement 20, mis aux voix, est adopté et l'article 17 bis est supprimé.

ART. 19 bis

M. le Rapporteur général - L'amendement 21 propose le retour au texte de l'Assemblée.

L'amendement 21, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur général - L'amendement 38 est rédactionnel.

L'amendement 38, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 19 bis, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

Les articles 19 ter, 22, 24, 25 et 26, successivement mis aux voix, sont adoptés.

APRÈS L'ART. 26

M. le Secrétaire d'Etat - J'ai conscience que l'amendement 35 vous est présenté tardivement, mais sa teneur explique qu'il a été déposé en urgence pour faire face à une situation elle-même d'urgence. Il se lit de la manière suivante : "Après l'article 26, insérer l'article suivant : le ministre chargé de l'économie est autorisé à accorder la garantie de l'Etat, à hauteur de 1 250 millions de dollars des Etats-Unis aux opérations menées pour le compte de l'Etat par la Banque de France, garante de premier rang pour la Banque des règlements internationaux, dans le cadre du plan de soutien financier international en faveur du Brésil".

On sait l'importance, pour l'économie mondiale, de la stabilisation de la situation du Brésil. Directement exposée, au travers de son système bancaire, à la crise que subit ce pays, la France participe à l'aide financière internationale apportée au Brésil à hauteur de 1 250 millions de dollars. Le Gouvernement demande donc à l'Assemblée de l'autoriser à accorder à la Banque de France la garantie de l'Etat pour les opérations qu'elle mène, dans ce cadre, pour son compte.

M. le Rapporteur général - La commission a émis un avis favorable. Elle a constaté que le traitement de la crise se fait "à point", ce qui ne peut que renforcer l'efficacité du dispositif envisagé, indispensable. Il était nécessaire que la France participe au plan de soutien international et il est donc bon que la garantie de l'Etat soit accordée à la Banque de France, même si l'amendement a été déposé après la réunion de la CMP.

M. Jean-Jacques Jegou - Je ne suis pas opposé à l'adoption de cet amendement, mais je considère que, les enjeux étant ce qu'ils sont, le Gouvernement a procédé d'une manière cavalière. Il n'a pas été dit assez clairement, me semble-t-il, qu'il s'agit d'une garantie à 100 %, c'est-à-dire pour 7 milliards de francs si la situation économique du Brésil évolue mal. Les accords conclus avec le FMI ne peuvent certes être discutés toutes portes ouvertes, mais il serait légitime que le Parlement en débatte. De même, est-il tout à fait légitime qu'au détour de tel ou tel voyage officiel, les autorités de l'Etat annoncent des remises de dettes sans que le Parlement ait eu à en connaître ? Le cas du Brésil a été réglé il y a quelques semaines déjà, et le Gouvernement a largement eu le temps d'informer l'Assemblée ; il aurait été souhaitable qu'il le fît. Je ne peux que souhaiter, avec davantage de ferveur encore, que le Brésil s'en sorte !

M. Maurice Adevah-Poeuf - Il y a tout lieu de s'étonner, en effet, que la commission des finances n'ai pu examiner au fond un amendement du Gouvernement qui invite l'Assemblée à autoriser l'Etat à donner sa garantie à hauteur de 7 milliards, somme qui excède largement l'ensemble des crédits alloués lors de la discussion de la loi de finances pour 1999, au ministère de la coopération.

Je ne ferai ni scandale ni esclandre, et je voterai cet amendement sans états d'âme, mais cela ne m'empêchera pas de penser que la méthode retenue présente quelques déficiences.

M. Charles de Courson - Les collectivités locales sont maintenant tenues de passer des provisions, ce qui est une excellente chose. Pourquoi l'Etat n'en fait-il pas autant ? Et, dans ce cas précis, de quelle ampleur serait la provision que passerait le Gouvernement, dépositaire du patrimoine de l'Etat ? Vous engagez-vous à faire en sorte que l'Etat provisionne les garanties qu'il octroie ?

M. le Secrétaire d'Etat - Des études ont été engagées par les gouvernements précédents, qui sont poursuivies, et je suis certain qu'une solution sera trouvée un jour ou l'autre.

M. le Rapporteur général - Je tiens à préciser que bien que l'amendement ait été déposé tardivement, la commission l'a examiné au fond, ce matin, au titre de l'article 88.

Quelques précisions ayant été demandées sur le dispositif prévu pour améliorer la situation du Brésil, je puis vous donner quelques indications : l'effort budgétaire du gouvernement brésilien s'élèverait à 80 milliards de dollars sur trois ans, et il recevrait l'appui de la communauté internationale dans les proportions suivantes : 18,5 milliards du FMI, 4,5 milliards de la Banque mondiale, 4,5 milliards de la Banque interaméricaine de développement, 5,5 milliards des Etats-Unis, 500 millions du Canada, 1 milliard du Japon, 1,25 milliard du Royaume-Uni, de l'Allemagne, et de la France, 3,6 milliards des autres membres de l'Union européenne, 250 millions de la Suisse et 100 millions de la Norvège.

Ce plan a été longuement débattu et négocié et l'Assemblée est aujourd'hui invitée à l'approuver. Et même si le Gouvernement a déposé son amendement tardivement, la commission soutient sa démarche en faveur du Brésil.

M. Jean-Jacques Jegou - L'Assemblée s'apprête à entériner un accord, par la voie d'un amendement déposé en nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative et examiné dans le cadre de l'article 88 ! Un tel sujet aurait mérité un autre traitement ; d'autres commissions que celle des finances auraient pu être consultées... Je souhaiterais, Monsieur le Président, que vous saisissiez le Bureau de ce problème.

M. le Secrétaire d'Etat - Il s'agit d'une convention financière internationale, qui ne saurait être assimilée à un traité. Mais j'ai pris note de ce que vous avez dit.

L'amendement 35, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Je ne suis saisi d'aucune demande d'explication de vote.

L'ensemble du projet de loi de finances rectificative, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Je vous rappelle que la dernière lecture aura lieu, sous réserve de la transmission du projet, en séance de soirée.


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NOMINATION D'UNE DÉPUTÉE EN MISSION TEMPORAIRE

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant de sa décision de charger Mme Catherine Génisson, députée du Pas-de-Calais, d'une mission temporaire, dans le cadre des dispositions de l'article L.O. 144 du code électoral, auprès de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité et de Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Cette décision a fait l'objet d'un décret publié au Journal officiel du 22 décembre 1998.

Prochaine séance cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures 5.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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