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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 54ème jour de séance, 136ème séance

2ème SÉANCE DU JEUDI 21 JANVIER 1999

PRÉSIDENCE DE M. Yves COCHET

vice-président

          SOMMAIRE :

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE (suite) 1

    ARTICLE PREMIER (suite) 1

    APRÈS L'ARTICLE PREMIER 8

    ART. 2 9

La séance est ouverte à seize heures trente.


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AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.

Hier, l'Assemblée a commencé l'examen des articles et s'est arrêtée à l'amendement 240 à l'article premier.

ARTICLE PREMIER (suite)

M. Philippe Duron, rapporteur de la commission de la production - L'amendement 240 est un amendement de suppression, que justifie la nouvelle rédaction de l'article telle que la propose la commission dans l'amendement 239.

L'amendement 240, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Les amendements 963 et 1127 tombent.

M. Patrick Ollier - L'amendement 198 est défendu.

M. le Rapporteur - La commission l'a rejeté eu égard à sa rédaction trop vague.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - Le Gouvernement considère que la préoccupation exprimée trouve déjà sa réponse dans le texte du projet de loi. Avis défavorable.

L'amendement 198, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Félix Leyzour - L'amendement 511 vise à insérer après le troisième alinéa de l'article premier, les deux alinéas suivants :

"La politique d'aménagement du territoire crée les conditions favorables à un développement de l'emploi, de l'activité économique, et de la solidarité des entreprises avec leur territoire d'implantation.

Dans cette perspective, le Gouvernement, dans un délai d'un an à partir de la promulgation de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, présentera un rapport étudiant les modalités de mise en place de fonds régionaux pour l'emploi et le développement".

Il vise à stimuler l'activité économique et l'emploi en contribuant au financement des PME qui, clientes captives des banques, ne peuvent accéder au marché financier. Des solutions peuvent être trouvées, dont l'une consisterait à convertir les aides publiques à l'emploi en fonds régionaux de bonification.

M. le Rapporteur - La commission a jugé l'amendement intéressant, mais l'Etat peut difficilement imposer aux régions la création de tels fonds. D'autre part, la loi d'orientation ne lui paraît pas le texte le plus approprié à l'insertion d'une telle proposition.

Mme la Ministre - Le Gouvernement est favorable à une réflexion sur les instruments financiers d'aide aux entreprises et plus particulièrement aux PME dont on connaît le rôle déterminant dans la création d'emplois. Conscient que la politique d'aide doit être redéfinie pour contribuer à mieux ancrer les entreprises dans leur territoire et pour susciter la coopération des entreprises entre elles, avec leurs sous-traitants, avec les IUT, les laboratoires de recherche et les universités, le Gouvernement a déjà engagé cette réflexion, qui privilégiera les aides décentralisées. Il est donc favorable à l'amendement.

M. Patrick Ollier - Tout ce qui peut concourir au développement local est utile, Mme la ministre en est d'accord. Pour écarter l'objection, justifiée, du rapporteur, je propose un sous-amendement oral qui vise à substituer, dans le deuxième alinéa, les mots "la possibilité" aux mots "les modalités".

M. Félix Leyzour - Je vous remercie, Madame la ministre, pour votre ouverture d'esprit, et j'accepte le sous-amendement oral proposé par M. Ollier.

M. Jean-Claude Lenoir - J'approuve cet amendement qui permettra de donner une plus grande lisibilité aux dispositifs existants en matière de soutien à l'initiative économique et à l'emploi.

Je souhaite maintenant poser une question à Mme la ministre. La réglementation européenne limite l'aide apportée par les collectivités locales en fixant un plafond par emploi aidé. Le Gouvernement compte-t-il agir pour la faire évoluer ?

Mme la Ministre - L'aide au développement économique ne se réduit pas aux aides à l'emploi versées aux entreprises. Elle inclut également les aides à l'amélioration de leur environnement, à la structuration de filières par exemple.

Pour ce qui est des interventions économiques des collectivités, une clarification va être opérée dans le cadre du projet de M. Zuccarelli, qui sera discuté en première lecture au Sénat en mars.

M. le Rapporteur - Je ne vois plus d'objection à l'adoption de cet amendement ainsi sous-amendé mais je persiste à penser qu'il relève plutôt du projet de loi de M. Zuccarelli.

M. Serge Poignant - Mme la ministre a parlé de fonds décentralisés et notre collègue de fonds de bonification. Ce n'est pas tout à fait la même chose.

L'amendement 511 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 239 tend à réécrire le quatrième alinéa de l'article d'une part en y intégrant le texte de l'alinéa précédent, d'autre part en ajoutant trois éléments qui devraient répondre aux préoccupations de nos collègues. Il est désormais indiqué que la politique d'aménagement du territoire "favorise l'égalité des chances entre les citoyens, le bien-être et l'épanouissement de la population". Il est précisé également qu'elle est déterminée au niveau national par l'Etat après consultation des partenaires intéressés, des régions ainsi que des départements (...)".

Mme la Ministre - Avis favorable.

M. Jean-Claude Lenoir - Mon amendement 578 risquant de devenir sans objet si cet amendement de la commission, qui nous donne satisfaction, est adopté, je souhaite souligner combien il est important d'associer les départements aux consultations prévues en matière d'aménagement du territoire.

M. Maurice Leroy - Le groupe UDF est particulièrement attaché à l'égalité d'accès de tous aux services publics. Je me félicite que cette préoccupation ait été prise en compte dans cet amendement.

Ce projet de loi constituerait une grande avancée en matière européenne par rapport à la loi Pasqua, on nous a fait de grands discours sur le sujet. Vous me permettrez de tempérer quelque peu ces propos, notamment ceux tenus par Mme Marre hier soir. Une seule phrase fait allusion à la construction européenne dans l'article 1. Sur ce point, une observation : le centre de gravité de l'Europe se déplace irrémédiablement vers l'Est. C'est précisément pour cette raison qu'importent infrastructures et équipements -le mot ne doit pas vous effrayer, Madame la ministre. Si nous ne poursuivions pas leur réalisation, toute une partie de notre territoire, de plus en plus éloignée de ce centre de gravité, en pâtirait.

L'amendement 239, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - De ce fait, les amendements 490, 578, 556, 577, 964, 519, 205 tombent.

M. Jean Proriol - L'amendement 492 tend à compléter la première phrase du quatrième alinéa par les mots : "et de péréquation".

L'absence du principe de péréquation, qui vise à réduire les écarts de ressources des collectivités en tenant compte de leurs charges, serait très préjudiciable à la conduite de toute politique d'aménagement du territoire.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté cet amendement dans la mesure où le principe de péréquation a été réintroduit dans le texte par le biais de l'amendement 238.

Mme la Ministre - Même avis.

M. Patrick Ollier - Ce n'est pas suffisant. Madame la ministre, pourriez-vous nous en dire davantage ? La loi Pasqua avait prévu un mécanisme de péréquation devant garantir que l'écart de ressources entre collectivités ne dépasse pas une fourchette de 80-120. Où en est l'application de ce dispositif ? Nous attendons une réponse précise.

M. Yves Coussain - Le principe de péréquation était fortement réaffirmé dans la loi de 1995. Cet amendement est donc bienvenu.

Mme la Ministre - Il m'a été confirmé que cette fourchette 80-120 est d'ores et déjà respectée. Si nous souhaitons une meilleure péréquation, il faudra donc resserrer la fourchette.

L'amendement 492, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Quatre amendements peuvent être soumis à discussion commune.

M. Patrick Ollier - L'amendement 204 est défendu, de même que l'amendement 557.

M. Jean-Claude Lenoir - L'amendement 520 tend à compléter la première phrase du quatrième alinéa par les mots : "et des transferts de compétences qu'elle a institués auprès des communes, des départements et des régions".

M. le Rapporteur - La commission, tout en estimant que cet amendement alourdit quelque peu le texte, n'y est bien sûr pas opposée sur le fond.

Mme la Ministre - Les lois de décentralisation incluent les lois relatives aux différents transferts de compétences. Cet amendement n'apporte donc rien de plus. Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

M. Patrick Ollier - Madame la ministre, vous n'avez ni tout à fait tort ni tout à fait raison. Cet amendement apporte des précisions utiles. Peut-être pourrait-il faire l'objet, comme certains amendements précédents, d'un vote consensuel.

M. Jean-Claude Lenoir - Dans les établissements de coopération internationale, nous sommes souvent confrontés à des problèmes de répartition des compétences. Cette simple phrase ne serait pas redondante, elle répondrait au souci des élus et des représentants de l'administration.

Les amendements identiques 204, 520 et 557, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean Proriol - Mon amendement 491 dit expressément que les citoyens sont associés à l'élaboration, et à la mise en oeuvre des choix stratégiques.

M. le Rapporteur - La commission l'a rejeté. Le projet prévoit l'association des citoyens, ce qui est préférable.

Mme la Ministre - Cet amendement est en effet en recul sur la volonté du Gouvernement d'associer les citoyens à l'élaboration de cette politique, en les mobilisant autour des pays et de l'établissement de schémas de services collectifs, grâce aussi aux conférences régionales et aux Conseil national de l'aménagement et du développement du territoire.

L'amendement 491, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Proriol - Il est inconcevable de donner quitus au Gouvernement pour 20 ans. Mon amendement 489 prévoit une durée de 7 ans qui est aussi celle des contrats de plan et des financements européens.

M. le Rapporteur - La commission l'a rejeté. Mais sur le fond vous avez satisfaction grâce à l'amendement du Gouvernement qui prévoit le dépôt d'un projet de loi deux ans avant la fin des contrats de plan pour revoir les schémas de services collectifs.

Mme la Ministre - Toute politique d'aménagement doit s'inscrire dans une durée qui ne peut être celle du contrat de plan ou d'un mandat électoral. Ce travail prospectif est donc mené sur le long terme, mais des révisions ont lieu régulièrement. Le Gouvernement a déposé un amendement à l'article 2 pour qu'une fois au moins pendant la durée d'un contrat de plan la représentation nationale débatte des grandes orientations d'aménagement du territoire.

M. Félix Leyzour - Si les grands choix s'inscrivent en effet dans la durée, le Parlement doit être associé périodiquement à la définition des politiques d'application. La commission en a longuement discuté à l'article 9 et a adopté un amendement à l'unanimité. Le Gouvernement a déposé un autre amendement à l'article 2. Nous y reviendrons. Mais le Parlement ne saurait être absent du débat pendant vingt ans.

M. Patrick Ollier - La commission a parfois fait un bon travail, parfois aussi elle s'est reniée. Le Gouvernement a prévu des choix sur vingt ans. Dont acte. Ils seront déclinés par décret dans des schémas de services collectifs. C'est laisser la décision à la technocratie. Le rôle du Parlement est fondamental, et la solution qu'on nous propose n'est pas satisfaisante. Le débat n'est pas achevé.

M. Patrick Rimbert - Je ne vois pas comment élaborer une stratégie à sept ans, quand on sait le temps qu'il a fallu pour réaliser le réseau routier breton par exemple.

M. Félix Leyzour - Trente ans !

M. Patrick Rimbert - Et il n'est pas terminé. Nous sommes tous attachés au rôle du Parlement. Il doit voter une loi cadre et ne pas être dessaisi totalement du suivi.

M. Patrick Ollier et Maurice Leroy - Pas dessaisi du tout !

M. Patrick Rimbert - C'est pourquoi un amendement crée des délégations parlementaires au Sénat et à l'Assemblée appelées à donner leur avis sur les schémas de services collectifs dès qu'ils seront publiés et qui pourront se saisir de leur mise en oeuvre. Cette disposition complète l'amendement du Gouvernement pour renforcer le rôle du Parlement.

L'amendement 489, mis aux voix, est adopté.

M. Yves Coussain - L'amendement 63 réintroduit le schéma national. On ne le remplacera pas par des schémas de services collectifs.

Il soit s'imposer à eux pour traduire une politique volontariste.

M. le Rapporteur - A une vision centralisée de l'aménagement du territoire s'impose la nôtre qui prend en compte l'échelon régional.

Mme Marie-Thérèse Boisseau - C'est le contraire !

M. le Rapporteur - M. Balligand qui a présidé une des commissions thématiques mises en place par la loi de 1995 a bien montré qu'il était impossible de mettre en oeuvre le schéma national. Cela explique le choix du Gouvernement en faveur de schémas de services collectifs qui prennent en compte les besoins des Français tels qu'ils s'expriment. Pour autant, l'Etat garde son rôle de cadrage. Nous sommes les héritiers des lois de décentralisation, vous conservez une vision gaullienne de l'aménagement du territoire un peu datée. (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR)

Mme la Ministre - Je souhaite que nous n'anticipions pas sur le débat, certainement très nourri, qui nous attend à l'article 2. Ici, nous définissons la politique nationale de l'aménagement du territoire mais celle-ci ne se limite pas à ce que décide l'Etat : les régions, les départements, les communes, les structures intercommunales et les espaces de projet ont aussi leur part à assumer, dans le respect des lois de décentralisation.

Sur le fond, je ne suis pas contre l'amendement : on aurait pu convenir que la cohérence des schémas de services collectifs valait schéma national d'aménagement du territoire. C'est en effet au Gouvernement qu'il convient d'assurer cette cohérence, à l'Etat qu'il revient d'évaluer les contributions des régions et de faire apparaître les grands enjeux. Mais je sais que nombre de parlementaires souhaitent mener ce débat plus avant et je vous propose donc de le faire quand nous en serons à l'article suivant. Rejet.

M. Yves Coussain - S'il ne s'agit que de débattre, nous maintenons l'amendement.

M. Patrick Ollier - Je conviens que ce débat ne doit pas avoir lieu sur l'article premier, mais je ne puis laisser passer les propos du rapporteur sans réagir. Nous, gaullistes, savons tout de même ce qu'est l'ardente obligation du Plan ! Comme j'ai eu l'occasion de le dire à Mme la ministre, ce qui nous importe, c'est qu'il existe un élément de référence, quel qu'en soit le nom, "loi de plan", "schéma national" ou autre. Pour autant, Monsieur Duron, nous n'avons pas une vision centralisée des choses ; et la vôtre, plutôt que décentralisée, nous paraît déstructurée (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Vous supprimez en effet l'indispensable colonne vertébrale ! Ne portez donc pas contre nous des accusations infondées.

Vous faites référence au travail effectué par M. Balligand. Il a en effet présidé la commission de l'environnement, mais je présidais, moi, la commission consacrée au monde rural et je coordonnais les travaux des commissions : je puis vous assurer qu'en un an et demi, nous avons produit un travail important. N'essayez donc pas de nous faire croire que vous rétablissez le Parlement dans ses compétences -on verra tout à l'heure qu'il ne s'agit que d'un artifice ! Et nous défendrons aussi, contre le Gouvernement, la nécessité de s'appuyer sur un document global de planification...

L'amendement 63, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maurice Leroy - Tout à l'heure, Madame la ministre, vous avez repoussé un amendement de M. Proriol en invoquant à juste titre la nécessité de travailler dans la durée. Or, que proposez-vous ici, sinon évacuer une loi qui n'a que trois ans d'âge ? Est-ce bien cohérent ? Ne devrait-on pas prendre le temps de mettre en place le schéma national ? Mon amendement 965 vise à rétablir une disposition qui figurait dans l'article premier de la loi Pasqua : elle tend à garantir la présence des services publics sur l'ensemble du territoire, de sorte que tous les citoyens puissent y accéder à égalité.

Le rapporteur m'objectera qu'un amendement précédent fait référence à ce dernier principe. Mais ce qui va sans dire va encore mieux en le disant et je pense que cet amendement devrait faire l'unanimité ici. Il s'impose d'ailleurs d'autant plus que le Gouvernement vient d'annoncer la fin du moratoire sur la fermeture des services publics.

A ce propos, Madame la ministre, trouvez-vous normal qu'un parlementaire apprenne la fermeture d'un service de chirurgie ou de cardiologie à l'occasion de la présentation des voeux par le président du conseil d'administration d'un centre hospitalier public ? C'est ce que j'ai vécu il y a peu à Vendôme et c'est inadmissible ! Nous sommes totalement tenus à l'écart de l'élaboration du SROSS et la situation est la même pour la Poste, par exemple. Autant d'éléments qui militent encore pour cet amendement de bon sens.

M. le Rapporteur - Comme vous l'avez dit, l'amendement 238 donne déjà largement satisfaction. La politique d'aménagement du territoire tend "à assurer un égal accès de chaque citoyen aux services publics sur l'ensemble du territoire", y est-il écrit. Quant aux modalités de cet accès, nous en discuterons à l'article 22, où le Gouvernement nous proposera un amendement donnant, je crois, toutes les garanties nécessaires. Le vôtre apparaît donc inutile.

M. Maurice Leroy - Sera-t-il question de "l'implantation" des administrations publiques ? Je ne le crois pas.

Mme la Ministre - Le texte gouvernemental amendé mentionne déjà, en effet, le principe de l'égal accès aux services publics. Quant au rôle de l'Etat, il est défini à l'article 29 de la loi du 4 février 1995, article que le projet laisse intact. L'amendement est donc bien inutile. Et je confirme que M. Zuccarelli et moi-même ferons des propositions, à l'article 22, pour donner corps à ce principe de l'égal accès.

M. Patrick Ollier - Je veux bien qu'on nous renvoie à des dispositions à venir, mais cet article est l'article essentiel d'une loi fondamentale.

M. le Rapporteur - Il affirme déjà le principe que vous voulez y inscrire, vous dit-on !

M. Patrick Ollier - Non ! M. Leroy demande que "L'Etat détermine l'implantation des administrations publiques, ainsi que les obligations des établissements, organismes et entreprises chargés d'un service public". Si l'on ne pose pas cet impératif dans la loi, les ministères feront ce qu'ils voudront et il ne pourra y avoir de bon aménagement du territoire ! Pourquoi vouloir supprimer ce qui était dans la loi Pasqua ?

L'amendement 965, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Proriol - L'amendement 934 est défendu.

L'amendement 934, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Proriol - Je voudrais savoir ce que le Gouvernement entend par "cadre de référence". Les choix stratégiques de l'Etat s'imposeront-ils aux collectivités locales ? En cas de divergence ou de conflit, qui tranchera ?

L'amendement 488 tend à supprimer la dernière phrase du dernier alinéa, car il faut admettre avec réalisme qu'il sera impossible de concilier l'échéancier d'élaboration des schémas régionaux avec celui des schémas de services. Quant aux régions qui ont presque achevé d'élaborer leur SRAT en application de la loi Pasqua, devront-elles l'abandonner, ou une dérogation leur sera-t-elle accordée ?

M. le Rapporteur - Sans la dernière phrase et sa portée juridique, comment les schémas de services produiront-ils leur effet ? C'est une question de cohérence - cette cohérence à laquelle l'opposition nous invite depuis 48 heures...

Mme la Ministre - Supprimer la dernière phrase serait vider de sa substance toute la politique nationale d'aménagement du territoire. Quant aux documents élaborés par les régions, j'en ai pris connaissance et je regrette qu'ils se contentent, pour la plupart, d'accumuler des projets au lieu de hiérarchiser des priorités.

M. Félix Leyzour - Il faut conserver la dernière phrase, sans quoi les nécessaires discussions en vue des contrats de plan manqueront d'assise.

M. Serge Poignant - Notre discussion prouve que le projet vient trop tôt ou trop tard : trop tôt si l'on considère qu'il fallait faire le bilan préalable de la loi Pasqua, trop tard si le Gouvernement a décidé a priori de ne pas l'appliquer.

L'amendement 488, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Ollier - L'amendement 1078 de M. Mariani traduit l'inquiétude de l'opposition lorsqu'elle entend certains propos appelant à rééquilibrer la politique d'aménagement du territoire en faveur des villes. Une politique bien conçue doit viser à compenser tous les handicaps, ceux des zones urbaines comme ceux des zones rurales. La loi Pasqua, contrairement à la présentation qui en est parfois faite, est une loi équilibrée, qui a créé parallèlement des zones de revitalisation rurale et des zones de redynamisation urbaine, sans privilégier les premières par rapport aux secondes. Nous souhaiterions, quant à nous, que les 250 F par habitant promis aux agglomérations bénéficient également aux pays, mais on n'en prend pas le chemin. Il serait détestable de donner l'impression de privilégier les villes par rapport aux campagnes : n'oublions pas que 80 % du territoire est rural !

M. le Rapporteur - Nous sommes dans un faux débat : la loi ne vise pas à opposer l'urbain et le rural, mais au contraire à les réconcilier (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Les campagnes représentent, c'est vrai, 80 % du territoire, mais les villes regroupent 80 % des habitants, et pour qui aménageons-nous le territoire, sinon pour les habitants ? Au reste, les modes de vie et de consommation des uns et des autres se sont considérablement rapprochés, et le débat que vous tentez de relancer est tout à fait dépassé.

Mme la Ministre - L'esprit du projet, je le confirme, est d'estomper les différences, de mettre fin aux oppositions stériles entre le monde rural et le monde urbain. Tous les dispositifs dérogatoires de la loi Pasqua ont été mis en oeuvre, et si leur impact est encore modeste, c'est que leur application est récente. Je comprends ceux qui disent que les zones rurales ne doivent pas être un simple espace récréatif pour les habitants des agglomérations, mais où les ruraux eux-mêmes vont-ils au cinéma ou à la piscine, sinon en ville ?

Je souhaite qu'on rééquilibre les choses, sans privilégier l'urbain par rapport au rural. Mais si on cite la forte dimension rurale du pays, pourquoi ne pas citer aussi la forte dimension littorale, marine, montagnarde, insulaire ? On n'en finirait plus !

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Une fois de plus, je suis effarée (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) de la distance entre le discours et la loi. Nous n'opposons pas le rural et l'urbain, nous sommes tous pour la complémentarité entre la ville et la campagne -et nous le vivons sur le terrain. Il y a des besoins des deux côtés, même s'ils sont différents, acceptez qu'il y ait des dotations équivalentes. C'est vous qui opposez le monde rural et la ville !

M. Jean-Claude Lenoir - Nous sommes à nouveau au coeur du débat entre le rural et l'urbain. Or, nous craignons que les pouvoirs publics portent une attention moindre au monde rural. Cela ne signifie pas remettre en cause le rôle des villes, évidemment. Mais donnez-nous l'assurance que le monde rural bénéficiera des mêmes dotations que le monde urbain. Vous savez, Madame la ministre, les habitants de ma commune, s'ils veulent aller au cinéma, ils n'ont pas besoin d'aller en ville, car nous avons des équipements...

Mme la Ministre - Que demandez-vous, alors ?

M. Jean-Claude Lenoir - Evidemment, ils sont insuffisants. Donnez-nous la parité -et l'argent public sera bien employé, car avec moins d'argent, on fait plus dans le monde rural.

M. Patrick Ollier - Si au détour d'un amendement qui paraît superficiel, on engage un débat qui ne l'est pas, c'est peut-être qu'il y a un vrai problème -mais c'est la solution que vous et nous n'envisageons pas de la même manière. Vous partez du constat qu'il y a 80 % de la population sur 20 % du territoire, et vous suivez le courant, vous bornant à quelques soutiens, pendant que le monde rural se vide. A cette vision contemplative, je préfère une vision dynamique. S'il y avait eu, depuis vingt-cinq ans, une véritable politique d'aménagement du territoire, il y aurait peut-être moins de banlieues qui brûleraient. L'exemple américain devrait nous inspirer. Nous voulons enrayer cette spirale : d'un côté le tonneau des Danaïdes de la ville, de l'autre la peau de chagrin des campagnes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Venez donc dans une haute vallée de montagne.

Mme Nicole Bricq - Venez dans les banlieues !

M. Patrick Ollier - Ce sont deux faces du même mal. Je voudrais que vous nous rassuriez, Madame la ministre, à propos des documents de la Datar.

M. Jean-Pierre Balligand - Nous sommes ici un certain nombre de ruraux qui n'avons pas forcément la même vision des choses que vous. Voyez les statistiques d'abord : le monde rural s'est développé dans les SPIU -30 % de communes ont vu leur population augmenter, mais il est vrai que ce n'est pas le "rural profond".

M. Jean-Claude Lenoir - C'est du périrubain.

M. Jean-Pierre Balligand - Mais là n'est pas mon propos. Si on veut aujourd'hui satisfaire les habitants qui souhaitent rester en milieu rural, il faut offrir des services à la population, en particulier dans les petites villes. Sur 1 500 structures à fiscalité propre, 1 200 concernent des ensembles de moins de 50 000 habitants -au total 10 millions de nos compatriotes. C'est aux conseils généraux et régionaux d'être les partenaires des structures intercommunales, ne demandons pas à l'Etat de tout faire. Les fonctions urbaines serviront aussi au monde rural.

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Bien sûr.

M. Jean-Pierre Balligand - Cessons de faire des oppositions idéologiques, n'ayez pas de vision passéiste ! Il n'y a pas de mauvaise intention de la part du Gouvernement !

L'amendement 1078, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Coussain - L'amendement 64 est défendu.

M. Georges Sarre - L'amendement 682 vise à compléter le dernier alinéa de cet article par les mots : "et le schéma national d'aménagement et de développement durable du territoire". Le schéma national est en effet garant de la cohérence de la mise en oeuvre des schémas de services collectifs et des schémas régionaux d'aménagement et de développement. C'est lui qui garantit une vision globale et prospective du développement du territoire et, sans lui, le rôle de l'Etat serait d'autant plus insuffisant que le rééquilibrage ainsi apporté accroîtrait démesurément celui des régions. C'est pourquoi je vous invite à adopter cet amendement.

M. Patrick Ollier - C'est le bon sens même !

M. le Rapporteur - La question du schéma national a déjà été abordée lors de la discussion de l'amendement précédent et mon propos sera donc succinct. Il me suffira de vous dire que les amendements que le Gouvernement a présenté à l'article 9, et qui visent à garantir la cohérence que vous appelez de vos voeux, devraient vous donner satisfaction. Pour le reste, le schéma national n'entre pas dans la logique du projet de loi.

M. Patrick Ollier - C'est ce que nous regrettons !

M. le Rapporteur - Cela dit, un document intitulé "France 2025" est en cours de rédaction par la DATAR. Il servira de "chapeau" aux schémas de services collectifs et dégagera la cohérence qui les anime. Enfin, chacun de ces schémas sera cosigné par le ministre concerné et par la ministre de l'aménagement du territoire.

M. Patrick Ollier - Tout cela n'est pas convaincant.

Mme la Ministre - Il serait commode, pour le Gouvernement, de vous donner satisfaction, mais ce serait leurrer le Parlement car ce serait, une nouvelle fois, lui promettre un schéma national pour ainsi dire "gazeux" qui se limiterait à des conditions générales, sans déclinaison concrète, comme l'a fait la loi de 1995.

M. Patrick Ollier - Ce n'est pas correct de présenter ainsi les choses !

Mme la Ministre - Je comprends votre aspiration à la cohérence des politiques publiques. Soyez sûr que le Gouvernement n'entend pas laisser à l'administration, si brillante soit-elle, le soin de conduire les actions qui sont de son ressort à lui. Déjà, il s'est efforcé d'améliorer la cohérence de l'action de l'Etat en revoyant les moyens alloués à l'aménagement du territoire, ce qui supposerait une étude d'impact sur les collectivités locales des mesures préconisées.

Il a, d'autre part, cherché à ce que le Parlement soit davantage associé à la définition des grandes orientations de l'aménagement du territoire en instituant un suivi régulier de l'action menée en la matière, et de nombreux amendements instituent des rendez-vous auxquels le Gouvernement ne se dérobera pas. L'article 21 répondra donc, pour l'essentiel, à vos attentes.

J'espère vous avoir convaincu de retirer votre amendement...

M. Serge Poignant - C'est faire preuve de bien peu de considération, Madame la ministre, que de dire du texte de la loi Pasqua qu'il était "gazeux" ! Sur le fond, nous sommes évidemment d'accord avec M. Sarre ; sur la forme, nous soutiendrons l'amendement, car si une majorité se dégageait en faveur du rétablissement du schéma national, il devrait figurer à l'article premier.

M. Yves Coussain - L'amendement présenté par M. Sarre traduit nos préoccupations. Nous le voterons donc.

L'amendement 64, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 682.

L'article premier modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE PREMIER

M. Patrick Ollier - Les amendements 830 et 1023, identiques, sont défendus.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté ces amendements qui n'ont pas lieu d'être puisque les articles maintenus de la loi de 1995 seront appliqués.

Mme la Ministre - J'ai déjà eu l'occasion de dresser le bilan de la loi Pasqua, tant devant la commission que lors de la discussion générale. L'avis du Gouvernement est donc défavorable.

M. Patrick Ollier - Il est vrai que certaines des dispositions de la loi Pasqua sont maintenues dans le nouveau texte. Mais je rappelle que 102 textes d'application avaient été publiés dont je ne doute pas que, depuis deux ans que vous êtes au pouvoir, vous les avez mis en oeuvre.

Pourquoi, alors, refuser d'en mesurer les effets, comme le demande cet amendement ? Si rien n'a été fait, le dire ne prendra pas longtemps... Mais cela permettra de constater que, pendant deux années, vous n'avez pas appliqué une loi qui n'était pas abrogée ! Un bilan doit être fait, et nous ne manquerons pas de le rappeler au cours de la discussion des différents textes qui vont nous être présentés.

Les amendements 830 et 1023, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Patrick Ollier - Les amendements 831 et 1024, identiques, sont défendus.

M. le Rapporteur - C'est le Premier ministre, et non le Parlement, qui fixe le programme de travail du Commissariat général du plan. Aussi la commission a-t-elle rejeté l'amendement.

Mme la Ministre - L'analyse prévisionnelle que vous souhaitez se trouve faite dans les études d'impact. Mais ce sera aussi la tâche du CNADT que d'étudier les effets potentiels du projet de loi.

M. Patrick Ollier - Dois-je comprendre que vous prenez l'engagement précis que le CNADT aura l'obligation de procéder à cette analyse ? Si c'est bien le cas, je suis prêt à retirer l'amendement.

Mme la Ministre - Nous avons procédé à une analyse prévisionnelle d'impact du projet de loi avant de vous le présenter.

Quant à la conduite de la politique d'aménagement du territoire et à son évaluation régulière, elle sera l'objet de la vigilance permanente du CNADT et, bien entendu, du Parlement, qui pourra demander au Gouvernement tous documents utiles à son appréciation.

M. Patrick Ollier - Vous ne m'avez pas répondu.

Les amendements 931 et 1024, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Patrick Ollier - L'amendement 832 est défendu, de même que l'amendement 1025.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté ces amendements. En effet, le décret du 22 février 1971 précise que le Conseil national des impôts "a pour mission de constater la part de l'impôt sur le revenu supportée par chaque catégorie socio-professionnelle et d'en mesurer l'évolution compte tenu de l'évolution sociologique et démographique de la catégorie concernée". Si le rôle de ce conseil doit être élargi, il appartient au Gouvernement d'en décider, non au Parlement.

Mme la Ministre - Les coûts supplémentaires pour l'Etat induits par ce projet de loi ont été évalués dans l'étude d'impact préalable. En décidant notamment d'allouer les ressources aux territoires en fonction d'une démarche stratégique globale, en encourageant une logique de projet plutôt que de guichet, nous marquons notre souci de gérer au mieux les fonds publics. Le Gouvernement est donc défavorable à ces deux amendements.

M. Patrick Ollier - Nous cherchons par tous les moyens, en vain, à obtenir une évaluation de l'impact de votre projet de loi. Nous sommes persuadés qu'elle ne serait conforme ni à nos attentes, ni même à vos intentions ! Une étude préalable d'impact a été réalisée, nous dites-vous. Est-il normal que nous n'en ayons pas eu connaissance ? Si nous en avions disposé en commission, nous n'aurions sans doute pas déposé ces amendements. Dans quel délai nous sera-t-elle communiquée ?

Les amendements 832 et 1025, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

ART. 2

M. Claude Hoarau - En lisant ce projet de loi, je me suis demandé si le Gouvernement sait qu'il existe des départements d'outre-mer.

En effet, ils ne sont cités qu'à deux reprises, et encore pour mémoire. Ils le sont à l'article 2 au titre des régions en difficulté. Ne sont-ils donc que des régions en difficulté dont on aborde la situation avec compassion ? Ne sont-ils pas des terres qui, de l'Atlantique à l'Océan Indien, contribuent au rayonnement international de la France ? Ne méritent-ils pas de participer pleinement, avec leurs spécificités et leurs originalités au vaste chantier de l'aménagement et le développement durable du territoire de la République. J'ai soulevé la question en commission et tous les commissaires, comme le président et le rapporteur, ont été attentifs à mes préoccupations.

Ce projet de loi est inapplicable dans les DOM, et d'ailleurs, en l'état, il leur serait même nuisible.

Premier exemple. A la Réunion, le schéma d'aménagement régional a mobilisé les énergies durant des années, provoquant des débats parfois difficiles. Alors que son caractère prescriptif a suscité des oppositions, il s'impose aujourd'hui et les municipalités sont en train de mettre leur POS en conformité avec lui : est-il acceptable d'avoir à tout recommencer ?

Deuxième exemple. La Réunion compte 24 communes pour un territoire de 2 500 km2 regroupant 700 000 habitants, la métropole 36 000 pour 550 000 km2 et 60 millions d'habitants. Votre problème est de regrouper les communes, le nôtre d'en réduire la taille et d'en accroître le nombre. La notion d'agglomération proposée dans ce texte est si éloignée de notre réalité qu'elle privera l'essentiel de notre population du bénéfice des bonifications de dotations envisagées. Or en matière de DGF par exemple, les DOM sont déjà victimes d'une discrimination découlant du mode de calcul : elle ne pourra que s'aggraver.

Les députés des DOM, en particulier ceux de la majorité, largement interpellés par les élus et les socio-professionnels de leurs départements ont déposé de nombreux amendements.

Madame la ministre, donnerez-vous votre accord à la proposition que la commission a acceptée à l'article 25. Si oui, je pourrais retirer plusieurs amendements.

Le Gouvernement a déclaré l'urgence au motif qu'il faut "encadrer les contrats de plan". Soit, mais les contrats de plan des DOM, eux, n'ont-ils pas besoin d'être encadrés ?

Je vous demande donc, Madame la ministre, de soutenir notre proposition de déclaration d'urgence s'agissant du projet de loi d'orientation pour les départements. S'il y a un département où il est urgent de faire avancer les choses, c'est bien la Réunion dont personne ne conteste plus la gravité de la situation.

M. Maurice Leroy - Mme Marre a fait valoir hier soir que l'auteur de la loi de 1995 étant M. Pasqua, nul ne pouvait s'y étonner de l'absence de préoccupation européenne. Vous nous dites, quant à vous, Madame la ministre, que "ce projet de loi inscrit la politique d'aménagement et de développement du territoire dans la dimension européenne", comme s'il s'agissait d'une nouveauté par rapport à la loi Pasqua.

Je ne siégeais pas dans cette Assemblée en 1995 et me suis donc reporté au Journal officiel, plus particulièrement aux pages 4390-4392 du recueil des débats de la troisième séance du 8 juillet 1994. Qu'y lis-je ? "L'élargissement de l'Union européenne sera la donnée majeure de l'aménagement du territoire français et européen à l'horizon 2015. Il se traduira par une intensification des échanges (...) avec les nouveaux pays membres dans le cadre d'un espace économique plus vaste et plus diversifié. En dessinant la France de 2015, le schéma national d'aménagement du territoire -celui que vous nous proposez d'abandonner, Madame la ministre- contribuera à dessiner l'armature d'un territoire communautaire qui reste à inventer et à organiser et ne pourra pas se réduire à la juxtaposition d'espaces régionaux -Mme Marre aurait dû lire ces lignes !- Il renforcera l'unité du territoire européen et participera à l'ouverture de l'Europe vers le Sud".

Il faut rétablir les faits. Dans le schéma national, il y avait bel et bien une dimension européenne.

Mme la Ministre - Quel justicier !

M. Patrick Ollier - Supprimer le schéma national est un mauvais coup. Ne revenons pas sur l'aspect européen, Maurice Leroy l'a traité. Au plan national, nous voulons un document indicatif de planification pour assurer la cohérence de la politique d'aménagement du territoire. Il existait ; vous le supprimez. Les schémas de services collectifs détaillés ne le remplaceront pas. D'ailleurs, ce ne sont que les schémas sectoriels de la loi Pasqua que vous reprenez en en ajoutant deux. Mais ces schémas sectoriels s'inscrivaient dans un schéma national voté par le Parlement. Désormais, l'élément de référence européen, la cohérence au plan national, le rôle du Parlement disparaissent.

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Exact !

M. Patrick Ollier - Comment imaginer que les élus du peuple votent la disparition de leur rôle ? C'est pourtant ce que vous leur demandez. L'administration fera les schémas de services collectifs par décret. C'est inacceptable.

En commission, après que nous avons plaidé pour le rôle du Parlement, M. Leyzour et M. Marchand -un vert- avec beaucoup de conviction ont déposé un amendement qui a fait le consensus. Et voilà que M. Marchand dépose un amendement 630 -rédigé par vos services- qui revient sur ce vote unanime et dépossède les représentants du peuple pendant vingt ans du droit de fixer les grands choix d'aménagement. Plus qu'un renoncement, c'est un reniement.

Votre article premier est une pétition de principe assortie d'une litanie de voeux pieux. Le schéma national fixait des orientations volontaristes comme doit le faire toute politique d'aménagement du territoire et permettait de prendre des décisions. Sans ce cadre, j'en ai peur, les régions riches resteront riches et les régions pauvres resteront pauvres. (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Yves Coussain - Le schéma national aurait dû être publié au printemps 1997. Le Parlement aurait alors fixé de grands principes. Vous supprimez le schéma national, vous supprimez notre rôle. Collectivités locales, associations seront consultées, mais par le Parlement. Il y a là un problème de fonctionnement démocratique.

Vous avez déclaré au Sénat vouloir associer plus les Français aux décisions.

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Discours !

M. Yves Coussain - ...Et vous mettez en place un pouvoir technocratique excluant les élus du suffrage universel.

Comment les huit schémas de services collectifs seront-ils cohérents entre eux ? Etes-vous sûre qu'ils recouvrent l'ensemble des services collectifs ? Des schémas pour la justice, pour la sécurité auraient aussi leur place. Nous voulons supprimer l'article pour rétablir un instrument de cohérence globale.

M. le Président - Les amendements 378, 487, 495, 719, 966, 1086, 1132 et 1138 sont de suppression.

M. Bernard Poignant - Vous nous parlez de décentralisation. Ce peut-être positif, si l'on a de vrais moyens -nous avons été attentifs aux fonds régionaux. Mais plus l'on décentralise, plus il faut un cadrage national. C'est pourquoi nous voulons supprimer l'article.

M. Jean Proriol - L'absence d'un schéma national risque notamment d'affaiblir la position de la France lorsque se négociera le fameux schéma de développement de l'espace européen : comment notre pays pourra-t-il faire valoir sa propre politique d'aménagement du territoire si celle-ci est privée d'armature ? Vos huit schémas de services collectifs, indépendants les uns des autres, ne peuvent en effet tenir lieu de colonne vertébrale !

L'exercice que vous refusez était pourtant possible : vous disposiez d'importants documents préparatoires. Et si vous les jugiez imparfaits, ou non conformes à vos objectifs, vous pouviez vous appuyer sur le travail réalisé par la DATAR : M. Guigou, qui était parvenu quasiment au stade de la cartographie, ne vous aurait pas ménagé son concours, j'en suis sûr.

Faute de ce cadre, faute de planification claire, le risque de fracture territoriale et sociale ne peut que grandir. C'est pourquoi MM. Blanc et Meylan et moi-même proposons par notre amendement 487 de supprimer cet article, pour revenir à ce que proposait tout à l'heure M. Sarre.

M. Maurice Leroy - Mon amendement 966 a le même objet. Nous ne devons pas renoncer à ce qui constituait la pièce maîtresse de la loi de 1995 : pendant des années, les élus de toutes tendances ont réclamé ce schéma national, indispensable au développement du territoire, et voici que vous y substituez des dispositions purement technocratiques ! Comme vous sentez bien la difficulté et les réticences de l'opinion, vous vous voulez rassurante et vous faites valoir que deux tiers ou trois quarts de la loi Pasqua demeureront : certes, mais l'essentiel aura disparu !

Je ne reviendrai pas sur l'aspect européen du problème, bien que vous ne m'ayez pas répondu, car bien d'autres arguments militent pour le maintien du schéma national. Ainsi, M. Ollier a eu raison, tout à l'heure, de souligner que le pacte de relance pour la ville, qui a notamment eu le mérite de compléter par un volet économique la politique de la ville, figurait dans ce schéma. De même les réseaux de villes. Tout cela prouve bien que la loi Pasqua n'était pas si "ruraliste" que cela, et qu'elle prenait bien en compte le rôle moteur des villes, en même temps d'ailleurs que les solidarités interdépartementales et interrégionales. Relisez honnêtement les rapporteurs de l'époque, M. Ollier pour l'Assemblée et M. Girod pour le Sénat : vous y constaterez qu'on avait su conjuguer le rural et l'urbain !

D'autre part, le schéma national devait faire l'objet d'une loi et ses orientations devaient être reprises dans des lois de plan. M. Ollier, à l'époque, n'avait pas hésité à aller parfois, avec la majorité de l'époque, contre la volonté du Gouvernement pour affirmer le droit du Parlement à être consulté sur des choix stratégiques pour notre pays. Si l'on adopte ce projet, nous ne serons plus consultés ! Je vous invite à faire preuve d'un peu de courage politique, et à refuser que nous soyons ainsi tenus à l'écart. Rétablissez, comme le propose l'UDF, ce schéma national qui "constitue le cadre de référence de l'action territoriale de l'Etat, des collectivités, des entreprises et des établissements publics", comme il a été dit lors de la séance du 8 juillet 1994. "Synthèse des volontés régionales et des grandes options d'aménagement fixées à l'échelle nationale, il assure la cohérence dans les interventions des services de l'Etat et est la base d'un nouveau partenariat entre Etat et collectivités, qui fera tous les cinq ans l'objet d'un réexamen validé par le Parlement", ajoutait-on. Est-ce à tout cela que vous voulez renoncer ?

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Je défendrai les amendements 495 et 719.

Une première raison de ne pas abandonner le schéma national tient à la nécessité de disposer d'une vision d'ensemble, je crois que ce point est maintenant établi. Mais nous entendons aussi dénoncer les choix arbitraires de huit -ou sept, on ne sait trop- "schémas des services collectifs". Pourquoi la sécurité et la justice sont-elles oubliées dans la liste ? Et, pour l'enseignement, pourquoi s'en tenir à l'enseignement supérieur et à la recherche, comme si les enseignements primaire et secondaire ne contribuaient pas de façon majeure à l'aménagement du territoire ?

Mme la Ministre - Il fallait tenir compte de la répartition des compétences entre les diverses collectivités.

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Le choix d'élaborer un schéma des espaces naturels et ruraux, enfin, est-il bien judicieux ? Ne va-t-on pas freiner le développement économique des petites agglomérations et du milieu rural ?

Troisième raison de supprimer cet article : contrairement à ce que vous soutenez, ces schémas de services répondent à une volonté centralisatrice, qui est celle de la haute administration. Les choix échappent au Parlement, et même aux régions, pourtant proclamées piliers de la décentralisation -les schémas de services auront en effet le pas sur tous les autres documents de planification et l'Etat veillera "au respect de ces choix stratégiques et de ces objectifs dans la mise en oeuvre de l'ensemble des politiques publiques (...) et dans les contrats conclus avec les collectivités territoriales, (...) en particulier dans les contrats de plan conclus avec les régions". Quelle marge d'initiative restera à celles-ci ?

Enfin, votre dispositif apparaît très rigide : les schémas de services seront arrêtés pour vingt ans, alors que le schéma national était révisé tous les cinq ans- et que le dernier recensement de la population date de 1990, le dernier inventaire communal des services de 1988.

Pour toutes ces raisons, je demande avec force la suppression de cet article 2.

M. Patrick Ollier - L'amendement 1138 tend également à supprimer cet article. Je voudrais tordre le cou à quelques "canards" que l'on fait circuler depuis quelque temps pour justifier la suppression du schéma national. C'est ainsi qu'on entend dire, par exemple, qu'il serait impossible à faire : quelle étrange conception de la démocratie que de refuser d'appliquer une loi de la République parce que quelques technocrates ont décidé qu'elle était inapplicable ! Nous ne voulons pas que l'on efface d'un revers de main le travail réalisé en dix-huit mois par les quatre commissions nationales : celle que je présidais, et qui regroupait une quarantaine de personnes de tous horizons, a travaillé avec ardeur et passion et vous a remis, Madame la Ministre, un document comportant quelque cent propositions susceptibles d'être intégrées au schéma national. Nous voulons que ce travail soit reconnu ! Sans schéma national, comment les handicaps spécifiques, comme ceux des zones de montagne, seront-ils pris en compte ? J'adjure la représentation nationale de refuser de renoncer d'elle-même à son rôle : les seules batailles perdues d'avance sont celles qu'on ne livre pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. le Rapporteur - La question du rôle du Parlement a occupé une partie des travaux de la commission. La validation par décret n'est certes pas satisfaisante...

M. Patrick Ollier - Merci de le reconnaître !

M. le Rapporteur - ...et c'est pourquoi la commission a adopté un amendement du groupe socialiste tendant à associer en permanence, au moyen d'une délégation parlementaire, la représentation nationale à la politique d'aménagement du territoire. Nous avons également voté à l'unanimité le principe de la validation législative des schémas de services, mais les inconvénients qu'elle présente quant au calendrier et quant à la méthode ont conduit à retenir finalement un autre dispositif : dans un premier temps, deux délégations parlementaires seront saisies pour avis dans un délai d'un mois, mais les schémas suivants seront débattus, aux termes de l'amendement 1187 déposé hier matin par le Gouvernement, par le Parlement lui-même. C'est une solution équilibrée, qui concilie efficacité et démocratie.

Quant au schéma national, M. Ollier souhaite, si j'ai bien compris, qu'il continue d'y avoir un document global...

M. Patrick Ollier - Un texte de planification !

M. le Rapporteur - Or, on peut considérer que l'ensemble des huit schémas de services jouera ce rôle, de même que le futur document "France 2020". Il me paraît donc inopportun de supprimer l'article 2, qui fixe les choix stratégiques et les moyens de la politique d'aménagement du territoire. Parmi ces choix, il y a notamment le renforcement des pôles de développement à vocation européenne et internationale, qu'appelait de ses voeux, hier, M. Cacheux, dans la perspective d'un glissement vers l'Est du centre de gravité de l'Union. Autour de Lyon, par exemple, a commencé de se constituer un réseau de villes, dont M. Barre nous a parlé de façon très intéressante en commission. D'autres réseaux suivront, dans la région atlantique par exemple.

Les second et troisième objectifs stratégiques doivent être abordés ensemble, pour sortir de la hiérarchisation entre pays et agglomération : l'un et l'autre sont des mailles de l'aménagement du territoire. La ville, on l'a dit, rassemble 80 % de la population française, et 30 % des communes rurales sont entraînées dans le phénomène urbain : il faut créer plus de solidarité entre les différents espaces, considérer non pas l'aménagement du territoire du point de vue du zonage, mais de celui des inégalités infrarégionales ou intra-urbaines.

Le quatrième objectif stratégique concerne les secteurs en difficulté, qu'ils soient ruraux, urbains ou de montagne -car il n'est pas vrai que la montagne ait été oubliée, mais elle ne forme pas un tout homogène.

M. Patrick Ollier - Elle a été oubliée !

M. le Rapporteur - Il s'agit d'aider les régions de montagne en difficulté. Enfin, je le précise à l'intention de M. Hoarau, nous avons rajouté à l'article 2 la notion de zone ultrapériphérique, pour reprendre dans notre loi un concept accepté à l'échelle européenne.

Reste à évoquer les moyens d'action. Il y a d'abord la mobilité des services publics, dont nous reparlerons à loisir à l'article 22, les huit schémas de services collectifs, le soutien de l'Etat à l'activité économique et la correction des inégalités spatiales -mais on ne peut s'en tenir à l'espace quand on parle d'aménagement du territoire, il faut tenir compte des disparités socio-économiques (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme la Ministre - Ne nous payons pas de mots. Avant la loi Pasqua, il n'y avait jamais eu de schéma national d'aménagement du territoire : pendant des décennies, le Parlement a vécu avec des lois d'orientation ou des schémas adoptés par décret.

M. Patrick Ollier - Il y avait les lois de plan !

Mme la Ministre - Parlons-en ! C'est M. Balladur qui a mis fin au plan de la nation ! Alors, est-ce un mal absolu de supprimer quelque chose qui n'a jamais existé !

La loi Pasqua n'envisageait d'ailleurs aucune révolution, puisque le Parlement n'était pas consulté sur les schémas sectoriels - à décider par décret, comme les schémas de services collectifs-, et qu'il ne se prononçait que sur un document indicatif non contraignant. Certes, M. Ollier n'est pas entièrement de mauvaise foi quand il défend son bilan et le travail des commissions de la DATAR et du Plan, en 1995 et au début de 1996. Mais ensuite, la volonté d'avancer a disparu. Il y avait eu des choses intéressantes, je me souviens que la commission présidée par M. Jean François-Poncet avait conclu à l'inutilité du canal Rhin-Rhône. Mais par la suite, le travail de la DATAR fut émasculé en interministériel. Après des kilos de contribution, aucun choix n'a été fait - peut-être était-ce infaisable. Le schéma national n'est pas une panacée. Sans doute peut-il éclairer les choix à faire pour les contrats de plan. Mais nous avons voulu introduire dans la loi des choix stratégiques plutôt que des concepts généraux. Je trouve intéressante l'idée avancée par certains d'entre vous d'ajouter un "chapeau" pour préciser les grandes orientations de façon synthétique. Un premier texte est en préparation à la DATAR, et nous ferons de notre mieux pour que vous puissiez en disposer d'ici la seconde lecture. Ce texte, intitulé France 2020, fera l'objet d'un examen lors du prochain CIADT.

Un mot encore pour répondre aux accusations de M. Ollier notamment. La droite préside deux commissions sur les schémas de services, M. Delevoye celle de l'enseignement supérieur et de la recherche, et M. Alduy celle de la culture, et M. Raffarin n'est pas le dernier à dire son mot -qui est souvent passionnant.

Je voudrais corriger certaines opinions...

Mme Marie-Thérèse Boisseau - On a les opinions qu'on veut !

Mme la Ministre - A condition d'être cohérent. Or, vous avez dénoncé tout à l'heure la reprise en mains par l'Etat du schéma d'enseignement supérieur avant de conclure "quel rôle reste-t-il aux régions" ? Mais il est incohérent de demander à une politique nationale d'aménagement du territoire d'élaborer un schéma des écoles primaires et secondaires qui sont des compétences locales. Quand à considérer comme mineure la politique d'enseignement supérieur et de recherche, c'est ignorer que le lieu des études détermine souvent les choix de travail et de résidence ultérieurs.

Enfin le schéma des espaces naturels n'est pas une "lubie verdâtre", il concernera aussi l'activité économique des zones en question.

Je tiens aussi à dire que les schémas seront révisés régulièrement, un an au minimum avant la définition des contrats de plan.

Que M. Hoarau soit rassuré : loin de sous-estimer les spécificités des DTOM, le Gouvernement les reconnaît pleinement, et une loi d'orientation sur l'outre-mer devrait vous être présentée cette année. Je comprends son agacement devant une rédaction maladroite qui a fait que la seule mention de ces territoires faite dans le projet de loi se trouve dans un chapitre qui traite des territoires en difficulté. Ils ne le sont heureusement pas tous, il a eu raison de le souligner. Le Gouvernement est en tout cas fermement décidé à défendre leurs intérêts dans les discussions communautaires à venir. Que M. Hoarau sache enfin que le Gouvernement est favorable à l'adoption de l'amendement 1157 à l'article 25, et qu'il n'est pas question, en effet, de demander aux collectivités locales concernées de refaire un travail auquel elles se sont déjà livrées.

M. Jean-Claude Lenoir - Je tiens à répondre à M. le rapporteur tant sur le rôle du Parlement que sur l'importance du schéma national d'aménagement du territoire. Je comptais le faire lors de la discussion de l'article 9, mais je ne peux laisser sans réponse sa longue intervention.

Il me faut rappeler qu'au terme d'un débat particulièrement constructif en commission, nous nous sommes ralliés à l'amendement 266 qu'avaient déposé MM. Leyzour et Marchand et qui établissait sans équivoque que les schémas de services collectifs seraient soumis au Parlement dans le cadre d'un projet de loi. Ce vote ne doit rien au hasard : c'était le fruit d'une réflexion conduite à son terme et qui reflétait, aussi, la volonté de membres de la majorité plurielle, dont l'un au moins n'est pas trop éloigné, sur le plan politique, de Mme la ministre. L'adoption de cet amendement a en grande partie déterminé le climat constructif dans lequel se sont déroulés les travaux en commission.

Après quoi, que s'est-il passé ? Alors qu'un terrain d'entente avait été trouvé, qu'un accord s'était fait pour que le Parlement joue pleinement son rôle dans un domaine essentiel, un nouvel amendement signé par le même M. Marchand nous arrive, qui semble tombé du ciel et qui a pour effet de faire passer à la trappe sa proposition initiale et d'instituer des délégations parlementaires croupions, dont le rôle et la fonction n'ont strictement rien à voir avec ceux que la Constitution reconnaît au Parlement (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Cette position, qui ne nous a pas semblé très cohérente au regard de l'amendement proposé précédemment, a suscité la surprise au sein même des groupes de la majorité plurielle, l'embarras qui se lisait sur les visages se traduisant par une demande de suspension de séance qui devait durer cinq minutes et qui dura trois quarts d'heure.

Mme la Ministre - Les choses ne se sont pas déroulées de cette manière !

M. Jean-Claude Lenoir - Comme vous vous en rendrez compte lorsque vous siègerez, si vous êtes élue, sur les bancs de ce qui sera alors l'opposition, les ministres n'assistent pas aux réunions de la commission... Vous n'étiez pas là, Madame la ministre, et il vous faut donc me croire !

Lorsque la commission reprit finalement ses travaux, notre surprise se mua en stupéfaction : à l'amendement 630 déposé par M. Marchand avait été substitué un amendement 689 identique déposé, nous a-t-on dit, le 13 janvier par le groupe socialiste, et que la commission n'avait pas, jusque là, était invitée à examiner...

M. le Président - Ce compte-rendu est intéressant, Monsieur Lenoir, mais je vous invite à conclure.

M. Jean-Claude Lenoir - Je vais le faire, Monsieur le Président, après avoir expliqué qu'ayant sorti cet amendement de son chapeau, la gauche s'est trouvée contrainte d'avaler le même chapeau...

M. le Président - Veuillez conclure.

M. Jean-Claude Lenoir - On nous doit des explications, Monsieur le Président, sur la disparition d'un amendement qui restaurait les droits du Parlement et que la commission avait adopté. Que chacun prenne clairement ses responsabilités et soit conscient que ce passage était le seul qui, dans la loi, affirmait les prérogatives du Parlement ! Vous n'allez quand même pas faire en sorte que l'aménagement du territoire soit arrêté par l'administration au lieu de l'être par la représentation nationale !

M. le Président - J'insiste pour que vous le terminiez.

M. Jean-Claude Lenoir - Et comme on ne peut pas dissocier la réponse de M. le rapporteur de celle de Mme la ministre, je me dois de l'interroger sur le document intitulé "France 2020" dont elle nous a parlé, et dont il nous a été dit qu'il nous serait présenté lors de la seconde lecture. Dois-je lui rappeler que le projet de loi nous est soumis après déclaration d'urgence ? Quand dans ces conditions, disposerons-nous des études d'impact, dont l'importance n'échappe à personne, et qui accompagnent le projet de loi de M. Chevènement ?

M. Félix Leyzour - J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les commentaires de M. Lenoir, comme j'ai écouté M. Ollier parler avec passion d'un sujet qu'il connaît bien. La passion est une bonne chose, mais elle ne doit pas conduire à faire un peu trop la leçon. Monsieur Ollier, vous devriez respecter davantage vos collègues qui ne sont pas tout à fait ignorants du sujet...

M. Patrick Ollier - Je les respecte.

M. Félix Leyzour - Le schéma national d'aménagement du territoire était la pierre angulaire de la loi Pasqua, la loi Pasqua-Ollier devrais-je dire (Sourires). Le problème est qu'il n'a pu recevoir le moindre début d'application. Un avant-projet de schéma a, paraît-il, été déposé sur le bureau du Premier ministre...

M. Patrick Ollier - Oui, en avril 1997 !

M. Félix Leyzour - ...mais il est resté en souffrance. Ce schéma national me rappelle la jument de Roland : il a toutes les qualités sauf l'existence !

M. Patrick Ollier - Le voilà ! (M. Ollier montre un document) Malheureusement, Jospin est arrivé et le schéma a disparu.

M. Félix Leyzour - Toujours le même argument ! Sans la dissolution, nous aurions vu ce que nous aurions vu... Mais la dissolution a eu lieu -parlez-en à une personne que vous connaissez bien, Monsieur Ollier-, le peuple s'est prononcé et il faut désormais compter avec. Cela semble parfois vous avoir échappé.

M. Patrick Ollier - Pas du tout !

M. Félix Leyzour - L'idée de la nécessité d'une cohérence au niveau national figure expressément au premier alinéa de l'article 1 alors que rien n'en était dit à l'article 1 de la loi Pasqua. "La politique d'aménagement et de développement durable du territoire concourt à l'unité de la nation, aux solidarités entre citoyens et à l'intégration des populations. Elle vise à permettre un développement alliant efficacité économique, progrès social et protection de l'environnement". Peut-on être plus explicite ? Vous niez, au mépris de la réalité, que nous fassions référence à la nécessité d'une cohérence nationale... car vous n'avez pas grand chose d'autre à dire dans ce débat.

Vous demandez la suppression de l'article 2 relatif aux schémas de services collectifs...

Plusieurs députés RPR, UDF et DL - Oui ! Oui !

M. Félix Leyzour - ...en fonction desquels sont élaborés les schémas régionaux dont la discussion a commencé, en tout cas dans ma région. Enfin, nous allons donner corps à nos préoccupations.

Pour ce qui est du rôle du Parlement, permettez-moi de signaler que ce n'est ni M. Ollier ni M. Lenoir qui ont soulevé le problème en commission, mais bien nous, et qui a déposé un amendement, c'est nous. Faites donc preuve d'un peu plus de modestie ! Des échanges ont eu lieu entre des parlementaires et le Gouvernement, comme il est tout à fait normal. Pourquoi, à l'heure d'Internet, n'aurions-nous pas le droit d'user du téléphone ? (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) C'est nous également qui avons souligné le risque que présentait la deuxième partie de cet article. Vous ne l'aviez pas vu, Monsieur Ollier...

M. Patrick Ollier - Nous avons dit la même chose, successivement. Relisez le compte rendu !

M. Félix Leyzour - En effet, successivement !

M. le Président - Veuillez conclure, Monsieur Leyzour.

M. Félix Leyzour - J'aurai de toute façon été beaucoup moins long que M. Lenoir.

A l'issue des discussions entre la commission et le Gouvernement, celui-ci a déposé un amendement à l'article 2. Quant à notre amendement, que la commission a adopté, il concerne l'article 9. Nous présenterons d'ailleurs un sous-amendement visant à l'améliorer encore. Ne pensez pas que nous ayons avalé notre chapeau. Nous ferons tout pour que le rôle du Parlement soit renforcé. Il est normal qu'en démocratie le Parlement ait son mot à dire et il le dira (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

L'amendement 378, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 487, 495, 719, 966, 1086, 1132 et 1138.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 55.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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