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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 57ème jour de séance, 144ème séance

2ème SÉANCE DU JEUDI 28 JANVIER 1999

PRÉSIDENCE DE M. Yves COCHET

vice-président

          SOMMAIRE :

COMMERCE DES SERVICES (procédure d'examen simplifiée) 1

LUTTE CONTRE LE DOPAGE (deuxième lecture) 5

POLICES MUNICIPALES (deuxième lecture) 22

    QUESTION PRÉALABLE 25

    EXPLICATIONS DE VOTE 28

La séance est ouverte à quinze heures.


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COMMERCE DES SERVICES (procédure d'examen simplifiée)

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation du cinquième protocole (services financiers) annexé à l'accord général sur le commerce des services.

M. Jacques Dondoux, secrétaire d'Etat au commerce extérieur - Le cinquième protocole annexé à l'accord général sur le commerce des services complète, dans le secteur des services financiers, les dispositions de l'accord de Marrakech instituant l'Organisation mondiale du commerce, signé le 15 avril 1994 à l'issue des négociations du cycle de l'Uruguay. Il remplace le second protocole, conclu en juillet 1995 à titre intérimaire.

A ce protocole est annexé, pour chacun de ses membres, une liste d'engagements spécifiques ainsi qu'une liste de dérogations à la clause de la nation la plus favorisée. A la date d'entrée en vigueur du protocole, fixée au 1er mars 1999, ces listes remplaceront les listes déjà annexées au deuxième protocole et compléteront, pour les membres qui n'avaient pris aucun engagement en 1995, les listes annexées à l'accord général.

Outre la Communauté européenne et ses Etats membres, 55 membres de l'OMC, parmi lesquels l'ensemble des grands pays industrialisés, y compris les Etats-Unis, mais aussi les grands pays émergents, ont souscrit à ce protocole. 102 membres de l'OMC ont ainsi pris des engagements en matière de services financiers.

Sont concernés les secteurs de l'assurance, de la banque et des services boursiers. L'ensemble des pays ayant pris ces engagements représente 95 % du marché mondial, estimé à environ 30 000 milliards de dollars.

Ses principes de base sont le traitement national, qui interdit de défavoriser les prestataires étrangers, la clause de la nation la plus favorisée, qui interdit d'opérer des discriminations entre les prestataires étrangers et le principe d'accès au marché, qui permet des prestataires étrangers.

La mise en oeuvre du cinquième protocole n'implique aucune modification des règles communautaires ou françaises. Les engagements pris par la France sont identiques à ceux du deuxième protocole, ratifié par la loi du 28 juin 1996.

Les engagements pris par les autres membres de l'OMC ouvriront aux prestataires français de nouvelles possibilités et leur assureront une plus grande sécurité juridique dans ces pays. En nombre comme en qualité, ils connaissent en effet une nette amélioration par rapport à 1995. Le contenu des listes est lui aussi bien meilleur.

Pour les pays développés, les améliorations les plus significatives concernent le Canada mais surtout le Japon, qui a accepté d'inclure les dispositions des trois accords bilatéraux conclus avec les Etats-Unis entre 1994 et 1995. C'est essentiel car le calendrier annoncé pour l'ouverture du marché japonais est dorénavant contraignant et soumis au règlement des différends de l'OMC. De plus, la clause de la nation la plus favorisée garantit aux entreprises européennes présentes sur le marché japonais de ne pas connaître de discrimination par rapport à leurs concurrents américains. S'agissant des Etats-Unis, la disposition la plus significative est la levée de la dérogation générale à la clause de la nation la plus favorisée, introduite en 1995, qui soumettait l'accès au marché américain à une condition de réciprocité. Cette concession s'explique par l'amélioration substantielle des engagements des pays émergents.

Parmi les pays dont l'offre était jugée insuffisante en 1995, le Brésil, les Philippines, l'Indonésie et la Thaïlande ont significativement ouvert l'accès à leur marché. Quant à la Corée, qui connaît une situation difficile, elle n'a pas repris la totalité des engagements qu'elle avait souscrits en juillet 1996. L'Inde pour sa part a amélioré la libéralisation de son secteur bancaire et la Malaisie a accepté, après de difficiles négociations, de relever le seuil autorisé de participations étrangères dans les secteurs de la banque et de l'assurance à 51 %, tout en contraignant les entreprises étrangères -en l'occurrence américaines- déjà présentes avec des participations supérieures à revenir à ce seuil de 51 %.

Plusieurs facteurs devraient minimiser l'impact de la crise financière d'Asie et maintenant l'Amérique latine sur ce protocole. D'abord, cet accord porte davantage sur la libéralisation de l'accès au marché des services financiers que sur celle des mouvements de capitaux. Son architecture est par ailleurs relativement protectrice des mouvements de capitaux à court terme dans la mesure où l'annexe sur les services financiers autorise largement le recours à des mesures prudentielles de protection. L'accord permet aux membres d'adopter des restrictions destinées à protéger l'équilibre de leur balance des paiements. A l'exception de la Malaisie, il convient de souligner que la crise financière semble avoir plutôt incité nombre de pays, notamment la Thaïlande, l'Indonésie, les Philippines et la Corée, à donner des signes d'ouverture supplémentaires pour attirer les capitaux étrangers.

Loin d'être un facteur de perturbation, le cinquième protocole représente donc un signal positif à l'attention des pays en crise mais aussi des opérateurs européens, notamment français, qui devraient en tirer un large avantage.

Dans le secteur des assurances par exemple, où nous sommes une grande puissance, il permettra d'ouvrir de nombreux marchés, et notamment celui de la Malaisie.

Les services financiers figurent au rang de nos priorités pour les futures échéances commerciales multilatérales. Le marché européen est en effet très ouvert sur l'extérieur et les grandes sociétés françaises ont intérêt à l'émergence d'un marché global. L'introduction d'un corps de règles et de disciplines multilatérales renforcé et cohérent est un objectif auquel le Gouvernement accorde une importance particulière et le cinquième protocole constitue une étape importante du processus mis en oeuvre à Marrakech.

L'Europe a, lors de cette négociation, parlé d'une seule voix. La rareté du fait mérite d'autant plus d'être soulignée quand on voit les disputes auxquelles donne actuellement lieu l'accord sur la banane...

M. François Loncle, rapporteur de la commission des affaires étrangères - Je voudrais souligner les caractéristiques les plus importantes de ce protocole.

D'abord, il doit étendre un peu plus la libéralisation des marchés de services financiers. Un nouvel élan avait été donné, lors de la signature de l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce. Puis un protocole avait été signé, que notre assemblée avait approuvée en 1996. Mais il n'était qu'un pis-aller, de nombreux Etats, notamment les pays émergents et les Etats-Unis, ayant refusé de s'y associer.

Le protocole que nous examinons aujourd'hui a pour premier mérite de comporter 71 signataires au lieu de 43 et de couvrir ainsi 95 % du marché mondial.

Parmi ses signataires, on remarque des Etats qui se caractérisent par une forte tradition protectionniste. Il s'agit des pays émergents, et parmi eux : l'Indonésie, les Philippines, la Thaïlande, la Corée du Sud, le Brésil, l'Argentine et le Mexique. Leurs offres constituent le principal motif de satisfaction ; cependant, le degré d'ouverture de leurs marchés demeurera limité. Beaucoup plus décevantes sont les offres de certains grands pays en développement comme l'Inde ou le Pakistan, ainsi que celles du Japon et des Etats-Unis.

Dans l'ensemble, les points positifs de ce protocole sont donc assez modestes. Mais l'Union européenne n'a fait aucune concession. Il faut dire que les pays de l'Union ont déjà des législations très libérales, ce qui explique que le cinquième protocole n'exige aucune modification ni de la législation française, ni des directives et règlements communautaires.

Au niveau français, la libéralisation de l'accès au marché pour les entreprises communautaires -qui s'est faite sur la base de l'article 58 du traité de Rome- s'est le plus souvent accompagnée d'une libéralisation au bénéfice de toutes les entreprises étrangères.

Au niveau de l'Union européenne, les diverses directives ont procédé dans le sens d'une libéralisation accrue, si bien qu'au total les marchés français et européen des services financiers présentent un haut degré d'ouverture, sans équivalent dans aucune autre région du monde.

Cependant, la France a introduit les deux réserves nécessaires. C'est ainsi que l'assurance contre les risques du transport terrestre ne peut être effectuée que par des compagnies d'assurances établies dans la Communauté ; et que l'établissement de succursales dans le secteur des assurances est subordonné à une autorisation spéciale. De cette façon, l'engagement de la France dans le cadre de l'accord sur les services financiers se fait à législation constante.

La France conserve au surplus des réserves de précaution qui permettent la déconsolidation éventuelle de ses engagements. Ainsi, une banque étrangère ne peut intervenir comme chef de file sur les émissions de titres libellés en francs que par l'intermédiaire d'une filiale de droit français agréée ; par ailleurs, les principaux responsables des sociétés d'investissement à capital fixe -SICAF- doivent être de nationalité française.

Le marché des services financiers constitue un secteur clé pour l'économie européenne. Largement ouverte à la concurrence dans ce secteur, l'Union européenne avait intérêt à obtenir de la part de ses concurrents une ouverture réciproque. Aussi ce cinquième protocole peut-il être considéré, en dépit de la faiblesse de certaines offres, comme satisfaisant. C'est pourquoi la commission des affaire étrangères a adopté à l'unanimité le projet autorisant son approbation (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Joseph Tyrode - Le groupe socialiste partage les conclusions favorables de la commission et votera donc l'autorisation de ratifier le cinquième protocole.

Je ne répéterai pas ce qu'a déjà fort bien dit M. François Loncle, mais je ferai deux remarques.

L'une, de méthode, n'a rien d'original, ni malheureusement rien de nouveau : le calendrier de notre ordre du jour n'est pas organisé comme il le devrait et je déplore la précipitation dans laquelle ce texte a été déposé puis examiné. Plusieurs solutions ont été proposées ces dernières années afin de remédier à de tels dysfonctionnements. Il est clair que l'étalement harmonieux de nos travaux supposerait une responsabilisation en amont de notre commission. Je comprends les hésitations à ce sujet du ministère des affaires étrangères, mais je crois qu'il convient de créer le climat de confiance propice à la mise en place d'un dialogue constructif.

Ma deuxième remarque est de conjoncture et concerne l'OMC, dont vous disiez, Monsieur le ministre, ici même le 18 janvier, qu'elle était "l'enceinte appropriée, en raison de son mode de travail, de son approche progressive de la libéralisation et de sa vocation universelle", pour traiter du commerce international.

Il y a quelques jours, le président des Etats-Unis a instauré une loi nationale, dite "super 301", qui l'autorise à sanctionner un pays dont les pratiques seraient jugées déloyales par les seuls Etats-Unis. Cette décision a été accompagnée d'un discours énergique et menaçant envers l'Union européenne et le Japon. Une procédure a été engagée par Washington et quatre pays producteurs de banane, le Guatémala, le Honduras, le Mexique et l'Equateur, contre l'organisation européenne du marché bananier. Le contentieux est complexe et chacun défend ses intérêts avec âpreté.

Mais cela autorisait-il pour autant Washington à menacer de sanctions unilatérales, concernant notamment la viande de boeuf ?

Vous nous avez dit, Monsieur le ministre, le 26 janvier, que la France appelait les Etats-Unis à faire les gestes nécessaires pour sortir de la situation de blocage à l'origine de laquelle ils se trouvent et qu'elle soutenait la position de fermeté de la Commission européenne. Où en est-on aujourd'hui ? Que propose la France pour favoriser un compromis au sein de l'OMC ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Patrick Delnatte - L'accord général sur le commerce des services, auquel le cinquième protocole est annexé, étend aux services les règles multilatérales régissant les échanges internationaux alors que l'application de ces règles était limitée aux seules marchandises.

Par ce texte, ce sont 102 pays qui ont pris des engagements en matière de services financiers. C'est considérable, puisque l'ensemble des pays concernés représentent 95 % du marché mondial, estimé à environ 30 000 milliards de dollars... Nos collègues communistes ne sont pas là, pour le moment, mais je suis sûr qu'ils aimeraient mettre quelques taxes sur de telles sommes.

S'agissant du cinquième protocole, il faut surtout retenir qu'il n'implique aucune modification de notre législation ni d'ailleurs des directives et règlements communautaires concernés.

Les principes que les membres signataires s'engagent à respecter sont les suivants : d'une part, la clause de la nation la plus favorisée, interdisant d'opérer des discriminations entre prestataires étrangers, d'autre part, permettre aux prestataires étrangers de fournir leurs services sur le marché national, soit en s'y implantant, soit depuis l'étranger, soit encore par déplacement du fournisseur ou de l'acheteur.

Les acquis positifs de la négociation proviennent essentiellement des offres présentées par les pays émergents. En effet, les offres de grands pays en développement, comme l'Inde ou le Pakistan, ont été décevantes. Quant au marché japonais, il reste assez hermétique. Enfin, le Canada et les Etats-Unis sont restés très prudents.

Ce qu'il faut retenir aussi, c'est que ce protocole contribue à mettre en place le cadre multilatéral indispensable à l'internationalisation des échanges et à l'instauration de règles multilatérales.

Par conséquent, le groupe RPR y est favorable (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. François Rochebloine - Le cinquième protocole annexé à l'accord sur le commerce des services complète, dans le secteur des services financiers, l'accord de Marrakech du 15 avril 1994 et tire ainsi les conclusions de ce que l'on appelle la mondialisation dans un secteur qui connaît un développement de plus en plus important. Nous nous en félicitons. Il était souhaitable en effet qu'une négociation multilatérale pose enfin les règles d'un droit commercial transparent pour les banques, les assurances, les bourses et en général toutes les institutions financières, et mette fin aux discriminations.

Le projet de loi s'inscrit dans un contexte économique particulier : celui des rebonds multiples de la crise asiatique qui, il y a deux semaines, s'est étendue au Brésil et celui, plus heureux, de la naissance de l'euro. Ce contexte nous renforce dans la conviction qu'il faut mettre en place, à l'échelle mondiale, les instruments de prévention des crises et de régulation des marchés. Le cinquième protocole participe de cette démarche. Ce contexte nous rappelle aussi que les Européens peuvent faire de l'Union européenne le pôle de stabilité de l'économie mondiale grâce à leur monnaie et à leur ouverture sur le monde. Il leur faut pour cela résister à la tentation égoïste et vouée à l'échec de faire de l'Union européenne, un îlot de prospérité dégagé des responsabilités liées à son poids dans l'économie mondiale, résister à la tentation du protectionnisme, de dévaluations compétitives, des avantages négociés bilatéralement.

En approuvant le cinquième protocole, l'Assemblée fera au contraire le choix salutaire de l'ouverture, et cela sans changer ses règles en matière de commerce des services financiers. Ce faisant, elle renforcera les atouts de la France, grâce à l'ouverture de marchés mondiaux à ses services financiers.

Il faut saluer ici l'effort du Canada et du Japon, qui ont enfin consenti à un degré d'ouverture acceptable de leur secteur financier et reconnaître que les Etats-Unis ont renoncé à leur veille habitude des négociations bilatérales qui les plaçaient en position de force et accepté une libéralisation régulée du commerce mondial.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDF votera ce projet de loi.

M. François Goulard - Notre Assemblée recourt à une forme peu solennelle pour examiner ce protocole -et le Gouvernement avait d'ailleurs attendu la dernière minute pour inscrire ce texte à l'ordre du jour. Pourtant, celui-ci revêt une très grande importance. Il se place dans le cadre des accords de Marrakech de 1994, qui nous fait vivre dans un monde complètement ouvert à la concurrence -et qui peut, mieux que vous, Monsieur le ministre, en être convaincu ? La liberté des échanges est un facteur de prospérité pour tout le monde : sans remonter à Ricardo et aux "avantages comparatifs", il suffira de considérer l'évolution de l'économie mondiale depuis quelques décennies -et les plus pauvres aussi en ont été bénéficiaires malgré les drames qu'ils traversent parfois. La liberté des échanges est aussi un facteur de paix. Néanmoins, la liberté de la concurrence est un combat permanent, certains Etats dits libéraux n'étant pas les derniers à tricher, à l'occasion. Mais la liberté n'est pas l'anarchie, c'est une règle de droit à laquelle même les plus puissants doivent se soumettre. Pour nous, l'Europe est une force grâce à son poids dans la négociation internationale, à condition qu'elle respecte le principe de liberté -vous avez bien fait, Monsieur le rapporteur, de rappeler l'article 58 du traité.

Le protocole concerne, enfin, les services financiers, dont il faut bien comprendre qu'ils sont aujourd'hui une industrie comme les autres, et qu'il n'y a donc pas lieu d'être inquiet.

Ce protocole représente donc un progrès pour la liberté, la prospérité, la paix, il est donc tout naturel que le groupe Démocratie Libérale l'approuve chaleureusement.

L'article unique du projet, mis aux voix, est adopté.


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LUTTE CONTRE LE DOPAGE (deuxième lecture)

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage.

Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports - Une nouvelle fois, la lutte contre le dopage est au coeur de l'actualité. Mardi prochain, va s'ouvrir à Lausanne la conférence mondiale organisée par le CIO, à laquelle je représenterai le gouvernement français. Cet événement sans précédent n'est pas sans rapport avec l'examen du présent projet de loi. La tenue de cette conférence mondiale est due en effet à une mobilisation des opinions publiques, du mouvement sportif et d'un certain nombre de gouvernements. Et la France a largement contribué à cette mobilisation. Elle a fait preuve d'une grande détermination dans des affaires de dopage qui ont particulièrement sensibilisé l'opinion. Elle a décidé de se doter d'une nouvelle loi de santé publique et de préservation de l'éthique sportive. Enfin, elle a multiplié les initiatives au niveau européen.

Sur tous ces aspects, nous avons avancé. Certains s'interrogeaient pourtant sur la nécessité de modifier notre législation. N'allions-nous pas trop vite ? Et si la France se retrouvait isolée ?

Eh bien non, ce qui s'est passé au cours des derniers mois montre, au contraire, que le Gouvernement a eu raison de considérer qu'un changement de la loi était urgent et que la grande majorité de cette assemblée a eu raison d'adopter notre projet en première lecture, après l'avoir enrichi.

Ainsi, en décembre, le sommet de l'Union européenne de Vienne s'est déclaré préoccupé par "l'ampleur du dopage dans le milieu du sport, la gravité de cette pratique qui nuit à l'éthique sportive et à la santé", et a invité les Etats membres "à examiner avec la Commission et les instances sportives internationales, les mesures qui pourraient être prises pour intensifier la lutte contre ce fléau, notamment par une meilleure coordination des mesures nationales existantes".

Puis, le 18 janvier, s'est tenue la première réunion des ministres des sports de l'Union européenne qui répondait à une demande directe de la France et de l'Italie. Le résultat de cette première rencontre est tout à fait remarquable : dans une déclaration finale unanime, les quinze pays membres ont adopté une série de positions communes, toutes conformes à notre démarche. Ainsi, au sujet de la nécessité d'une lutte internationale qui implique autant les organisations sportives que les Etats, dans des rôles différents et complémentaires ou à propos de l'élargissement des contrôles antidopage sur les lieux d'entraînement. Ou encore pour la proposition de créer une agence mondiale de lutte contre le dopage, véritablement indépendante de tous les pouvoirs, et transparente dans son fonctionnement.

Vous voyez que, loin d'être isolée, la France joue un rôle de premier plan dans la construction d'une Europe de la lutte contre le dopage et de l'éthique sportive.

Naturellement, j'ai conscience du chemin qui reste à parcourir pour parvenir à une action concertée et concrète des Etats et des mouvements sportifs, partout dans le monde. Mais nous sommes sur la bonne voie. Nous avons désormais besoin d'une adoption définitive de la loi pour qu'elle soit mise en oeuvre dès cette année.

Depuis le premier examen du projet au Sénat le 28 mai dernier, le débat a montré une très large adhésion du Parlement aux principales orientations et innovations du texte.

Ce rassemblement sur des idées fortes s'est traduit dans les votes, et reflète parfaitement un soutien constant du mouvement sportif et de l'opinion.

En même temps, sur quelques points précis, des approches différentes sont apparues.

Le premier concerne la place et le rôle du mouvement sportif dans la lutte contre le dopage.

Je le redis ici avec force, nous ne gagnerons pas cette bataille essentielle sans le mouvement sportif. Tel qu'il a été adopté par votre assemblée, le projet était parvenu à un juste équilibre dans la répartition des responsabilités et des compétences entre l'Etat, la future autorité indépendante et le mouvement sportif.

Les rôles de chacun ne se confondent pas. Qui, mieux que le mouvement sportif, avec le Comité national olympique, les fédérations, les clubs, les bénévoles, peut réfléchir au sens de la pratique sportive, au rythme des compétitions et mener une action permanente d'information et de prévention auprès des millions de personnes pratiquant le sport ?

Qui, mieux que l'autorité indépendante, peut garantir que toutes les procédures de sanction seront menées à bien, dans le strict respect du droit et des libertés individuelles, et jouer un rôle de conseil auprès du mouvement sportif ?

Qui, mieux que l'Etat, peut mener une lutte efficace contre les trafiquants de produits interdits et intégrer la prévention médicale et l'organisation des contrôles à une véritable politique de santé publique ?

Le deuxième aspect du projet qui a suscité des débats porte sur le dispositif d'alerte médicale.

Nous sommes tous d'accord sur un point : le dopage du sportif est dangereux pour sa santé et parfois pour sa vie. Comme le souligne le président du Conseil de l'ordre des médecins, dans une lettre qu'il m'a adressée, "il s'agit là d'un fléau dont les conséquences peuvent s'apparenter à la maltraitance des individus".

Ce véritable signal d'alarme est d'ailleurs confirmé par les appels très nombreux reçus au numéro vert antidopage mis en place récemment par le ministère ; 51 % des appelants sont des jeunes et 74 disciplines sportives sont concernées. Il est confirmé aussi par les premiers résultats épidémiologiques du suivi médical. J'insiste sur le fait qu'il n'est absolument pas question, dans notre esprit, de confondre un dispositif de prévention médicale, dont le suivi biologique est partie intégrante, avec le dispositif des contrôles débouchant sur des procédures et des sanctions. Le suivi biologique ne doit pas être perçu par les sportifs comme un piège.

Pour toutes ces raisons, la lutte contre le dopage suppose une forte mobilisation du corps médical.

Sur la base du rapport rendu par le groupe de travail coprésidé par le professeur Jean-Paul Escande et le conseiller d'Etat Olivier Rousselle, l'Assemblée avait retenu un dispositif d'alerte médicale auprès de la commission médicale de l'autorité indépendante. Le Sénat, de son côté, s'est prononcé en faveur d'une alerte auprès d'antennes médicales de proximité.

Pour ma part, je souhaite que le dispositif final prenne en compte trois considérations essentielles.

Premièrement, l'alerte médicale est indispensable si nous voulons intervenir suffisamment tôt dans la prévention du dopage, et mettre hors de danger un sportif confronté à cette dépendance. Deuxièmement, cette alerte n'a pas pour objectif de sanctionner le patient, mais, au contraire, de l'aider à retrouver la pratique d'un sport sans dopage. Enfin, ce dispositif d'alerte ne peut reposer que sur une relation de confiance entre un médecin et un sportif, et donc sur la préservation du secret médical.

La prise en compte de ces éléments devrait nous permettre une réelle avancée, sans remettre en cause des principes déontologiques auxquels nous sommes tous très attachés.

J'ai commencé mon propos par l'action internationale contre le dopage et je le conclurai sur ce même point, tant il est vrai qu'une action concertée au niveau mondial est devenue urgente.

Il nous faut procéder à un état des lieux sur la réalité du dopage dans le monde, développer la recherche et la prévention, organiser la coopération policière, judiciaire et douanière dans la lutte contre les trafics.

Mais il faut également engager une réflexion sur les causes profondes du dopage, et prendre des mesures qui s'attaquent durablement au fléau. Que vaudraient, en effet, les contrôles les plus performants, face à la surenchère infernale des calendriers sportifs ? Le sport souffre aujourd'hui d'une trop forte pression des intérêts financiers, au détriment de l'éthique, de l'humain.

Demain soir, au côté du président du Comité national olympique et sportif français, j'aurai le plaisir de donner le départ du relais contre le dopage. Des sportives et des sportifs de notre pays vont porter la flamme olympique jusqu'à Lausanne. Nous la saluerons comme la flamme de l'espoir (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Alain Néri, rapporteur de la commission des affaires culturelles - La lecture d'un quotidien d'avant-hier aura permis à chacun d'entre nous de prendre la mesure de la gravité des effets du dopage sur la santé des sportifs : la réalité dépasse ce que l'on pouvait craindre.

Il faut le répéter, le dopage nuit gravement à la santé. Et, au vu des résultats de l'enquête épidémiologique fondée sur le suivi médical approfondi des cyclistes mis en place par la fédération française de cyclisme depuis l'automne dernier, on peut affirmer que le dopage nuit plus rapidement et au moins aussi sûrement à la santé que d'autres substances ! Au passage, je félicite la fédération française de cyclisme de cette initiative exemplaire.

Il apparaît, au terme de cette enquête, que 90 % des 200 coureurs professionnels examinés présentent des perturbations biologiques et pour 60 % ces perturbations sont considérées comme dangereuses. Ces résultats effarants ne peuvent que nous renforcer dans notre détermination à lutter contre le dopage.

Je ne doute pas que les résultats seraient tout aussi mauvais dans les autres disciplines sportives, et cela à tous les niveaux.

Que penser d'une activité qui aboutirait à compromettre la santé de toute une génération de jeunes, ou presque ? Seule la guerre peut faire de tels ravages !

Il est donc plus que temps de mettre un terme au dopage.

Le sondage effectué le 3 décembre par l'IFOP montre que les Français vous accordent une large confiance, Madame la ministre, pour le combattre efficacement avec les armes que ce projet de loi vous donnera.

Sur tous ces bancs, nous sommes convaincus de cette nécessité et c'est également, j'en suis persuadé, l'ambition de nos amis du Sénat. Nous devrions donc pouvoir aboutir à un texte commun en commission mixte paritaire.

Ainsi, le dispositif d'alerte et le suivi médical institué à l'article premier bis A résulte de la collaboration qui s'est établie entre les rapporteurs et présidents des commissions des affaires culturelles de nos deux assemblées. Il s'inspire à la fois des travaux du professeur Escande, du dispositif mis en place pour le dépistage du sida et de l'analyse des appels reçus au numéro vert. Il garantit le secret médical.

Pourtant, de nombreux points de divergence nous séparent encore des sénateurs : dix articles seulement ont été adoptés conformes sur trente-trois.

Les positions diffèrent principalement sur les points suivants. Le Sénat souhaite l'anonymat de la transmission des données relatives au dopage par le médecin traitant, ce qui nous paraît contraire à la logique du projet, tout comme la suppression du principe de la sanction à l'égard des médecins qui ne se plieraient pas à l'obligation de transmettre ces informations. Ce serait priver la loi de toute efficacité.

L'Assemblée souhaite, contrairement au Sénat, soumettre les membres du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage à une prestation de serment et leur donner un pouvoir d'injonction à l'égard des fédérations sportives.

Il nous paraît également indispensable de faire analyser les échantillons prélevés lors des contrôles par un deuxième laboratoire, ce que refuse le Sénat. Il s'oppose également à la fouille des véhicules professionnels dans le cadre d'une perquisition par les médecins ou agents assermentés et a rejeté l'injonction thérapeutique à l'égard des dopés. Il préconise la délivrance d'un livret sportif et médical à chaque licencié, ce que l'Assemblée avait refusé.

La commission a donc repris chacun de ces points sans se contenter d'un simple retour au texte de l'Assemblée. Elle est parvenue à un accord unanime sur les problèmes les plus sensibles, comme la transmission nominative des informations relatives au dopage, qui aura lieu exclusivement entre médecins. Ceci est important et devrait permettre d'aboutir à un texte à la fois efficace, et respectueux des libertés individuelles.

En conclusion, je voudrais féliciter Mme la ministre pour sa participation à la lutte contre le dopage sur le plan international.

Je me félicite du rôle précurseur de la France en ce domaine.

M. Alain Barrau - Très bien !

M. le Rapporteur - Les ministres des sports de l'Union européenne se sont réunis le 18 janvier à Bonn, pour la première fois. Certains avaient ironisé, disant que vous ne parviendrez pas les réunir ; mais vous êtes opiniâtre... Et sous avez élaboré avec eux une liste des mesures à prendre aux niveaux européen et mondial.

De son côté, le Parlement italien est saisi d'un projet de loi analogue à celui que nous examinons. Et le Parlement européen vient de voter une résolution sur les mesures à prendre d'urgence contre le dopage des sportifs.

Si la France, l'Italie et le Parlement européen adoptent des positions convergentes, l'Europe ne pourra que suivre et il deviendra difficile de continuer à doper les sportifs à l'abri de frontières trop complaisantes...

Mme Martine David - Tout à fait !

M. le Rapporteur - Le C.I.O. doit, lui aussi prendre ses responsabilités. Dès le 2 février, lors de la prochaine conférence de Lausanne, nous verrons s'il en a le courage. Je l'espère car il en va de la crédibilité de l'olympisme, il en va de l'avenir du sport.

Maintenant que la France et ses sportifs ont pris la mesure du problème, il faut, d'urgence, passer aux actes. Nous le faisons en adoptant votre loi. Avec elle, nous qui aimons le sport, construisons un sport net ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles - Je vous félicite, Madame la ministre, pour votre travail, vous avez relevé le défi et réussi à poser le problème, au-delà même de la France, au niveau européen. Le combat ne fait bien entendu que commencer. Mais vous avez impulsé le mouvement. Je remercie aussi la commission et les administrateurs pour la qualité du travail commun. Sur bien des points difficiles -par exemple la nécessité de concilier l'efficacité de notre lutte contre le dopage avec le respect du secret médical-, nous avons pris le temps nécessaire pour arriver à des positions unanimes.

Ce qui est en jeu, tout d'abord, c'est le respect dû au sport. Il y a quelques jours un grand coureur cycliste parlait de "ces politiques qui nous font du mal". Les sportifs doivent pourtant comprendre que ceux qui s'engagent ainsi contre le dopage, sont amoureux du sport, de la geste sportive, dans son aspect homérique. Nous vibrons à travers les textes de grands écrivains comme Blondin. Notre émotion est celle des spectateurs de Twickenham à l'instant du coup d'envoi, c'est celle du grand public sportif de Lens qui souhaite un bon anniversaire à Guy Roux lors du match Lens-Auxerre !

Ce serait faire injure aux sportifs de haut niveau que de ne les voir que comme des êtres broyés par une machine à fric qui les exploite. Ils sont aussi des citoyens responsables et ce serait les humilier que de ne pas les traiter comme tels. Notre volonté n'a pas été encore bien comprise -non pas par l'opinion qui prend conscience du scandale- mais par les sportifs eux-mêmes... Il faut protéger la geste sportive de la contagion du soupçon ; et nous sommes bien placés pour en parler...

Ce combat est une nécessité de santé publique. Le bilan du numéro vert-dopage est à cet égard éloquent : 1 400 appels, dont 51 % émanent de préadolescents et d'adolescents, qui posent des questions précises. Le danger concerne maintenant des publics de plus en plus jeunes ; les conséquences, à terme, risquent d'être gravissimes. Tous, sportifs, médecins, laboratoires doivent se mobiliser.

Chacun mesure aujourd'hui la terrifiante gravité de la situation. En première lecture j'avais cité Pierre de Coubertin qui, évoquant la décadence de l'olympisme antique au IVème siècle de notre ère, écrivait : "Peu à peu l'opinion se détourne, la religion athlétique perd ses fidèles, elle n'a plus que des clients..." Et ces quelques lignes de Pierre George dans son billet du Monde : "le sport de haute compétition est largement, définitivement, irrémédiablement dévoré par l'argent des télévisions, l'argent du spectacle... L'argent, l'argent-roi, l'argent maître du sport a eu deux magnifiques enfants, forts et bien constitués. Ils s'appellent, ces bons petits, Dopage et Corruption". Le dopage, nous en parlons ; la corruption, la récente actualité nous amènera à en parler...

Au nom de l'éthique sportive, au nom d'une politique de santé publique, je souhaite que nous puissions rencontrer les sportifs de haut niveau pour leur dire que nous tentons ainsi de sauver une geste sportive qui nous fait tous rêver (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

M. Aloyse Warhouver - Selon Coubertin, l'amateurisme pourrait se définir : "une âme saine dans un corps sain". Au-delà, c'est le professionnalisme, qu'il convient de traiter avec les mêmes règles d'éthique que tous les autres métiers.

Pour l'amateur, l'âge n'a pas à être pris en compte. Dès l'école, il convient de veiller à la pratique sportive au moins à travers la surveillance médicale.

Or que constatons-nous ? L'enfant est tenu de "faire du sport" jusqu'à ce qu'il apporte la preuve qu'il n'en est pas capable, grâce aux fameuses "dispenses d'éducation physique". L'unique visite médicale scolaire, par manque de médecins, se faisant généralement lors du passage de la "maternelle" au "primaire", n'est pas de nature à établir des certitudes pour quatre années de pratiques sportives. Or l'école, avec l'arrivée des rythmes scolaires aménagés, commet déjà des excès du fait de l'insuffisante formation médicale des moniteurs.

Des parents m'ont saisi récemment d'une plainte visant une course d'orientation destinée à des enfants de six ans lâchés dans la nature et qui n'étaient pas rentrés à la nuit tombante. Autre exemple : la méthode qui consiste à faire sauter les jeunes dans le "grand bassin" et de les laisser revenir à la surface avec l'aide de perches.

Que d'enfants marqués à vie par toutes les maladresses commises au nom du sport ! Sachant que, étymologiquement, le mot signifie "amusement-jeu", on s'interroge : où est l'amusement et quel est l'apport pour la santé de l'enfant, d'être balancé ainsi dans l'univers prétendument sportif ? Et que d'accidents lors de l'unique cross annuel interétablissements qui n'a d'autre intérêt que médiatique !

Madame la ministre, il faut doter chaque élève d'un carnet de santé dès son entrée dans le système scolaire, avec les mêmes exigences que pour les licenciés. Je n'en dirai pas autant pour les élèves du premier et du second cycle car les enseignants des disciplines sportives y sont suffisamment formés, encore que le carnet de santé sportive puisse suivre ces élèves jusqu'à leur sortie des cycles scolaires et universitaires.

J'en viens à la vie associative et à la pratique "hors école" et "hors stade".

Dans Scènes de la vie future, Georges Duhamel préférait 22 spectateurs regardant évoluer 22 000 sportifs à 22 000 spectateurs regardant 22 sportifs se disputer un seul ballon... Il importe de favoriser la pratique sportive, pour les licenciés comme pour les non licenciés. Or l'article 3 porte un coup fatal à l'organisation de courses "hors stade" et la fédération de Moselle m'a fait savoir qu'elle mettait la clé sous le paillasson, en raison de l'excès de contraintes... J'ai donc déposé à nouveau un amendement tendant à permettre aux participants de produire une attestation sur l'honneur qu'ils ont subi un examen médical, attestation qui doit être considérée comme ayant la même valeur qu'un certificat médical.

Par ailleurs, je suis étonné que dans les journaux et revues qui traitent de la vie sportive et qui prônent le culturisme, on fasse tant de publicité aux produits dopants et contribuant à la musculation artificielle. On pourrait au moins, comme pour le tabac, rendre obligatoire la mention "Nuit gravement à la santé".

Enfin, force est de constater qu'un ouvrier qui se "dope" pour aller au travail malgré un coup de fatigue n'est soumis à aucun contrôle et sera bien vu dans son entreprise ; pourtant, il n'a pas le même salaire qu'un sportif de métier... Ne faut-il pas développer la même éthique pour tous, en appliquant aux sportifs professionnels les mêmes contrôles de médecine du travail qu'à l'ensemble des salariés ?

Je me réjouis, en tout cas, que le 18 janvier à Bonn, les quinze ministres des sports de l'Union européenne aient montré leur volonté de faire front commun pour mettre fin aux pratiques déloyales ; et l'idée que vous avez lancée, Madame la ministre, de créer une agence antidopage indépendante me paraît bonne.

Vous avez également raison de rappeler que c'est avant tout aux instances sportives de prendre les mesures nécessaires. A chaque fédération de savoir quelle image elle veut donner d'elle-même : la fédération du cyclisme doit s'apercevoir actuellement du gâchis qui résulte de la pratique massive du dopage...

Il revient au Gouvernement de subventionner les contrôles et, le cas échéant, de sanctionner les fédérations. Mais il ne faut en aucun cas qu'il soit au centre du dispositif, faute de quoi, Madame la ministre, tôt ou tard vous serez accusée de ne pas avoir décelé tel ou tel type de dopage. Que chacun, donc, prenne ses responsabilités, jusqu'aux grandes structures internationales. Pour notre part, adoptons cet excellent projet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Denis Jacquat - Depuis toujours, le sport est pratiqué selon la trilogie "plus haut, plus fort, plus loin" ; et, grâce aux sponsors et aux médias, le sport spectacle a pris de l'ampleur. De ce fait, pour devenir ou pour rester le meilleur, certains ont utilisé la pharmacopée à des fins autres que la protection de leur santé.

"La dope, c'est de la drogue"... Parler de dopage médicalement assisté est scandaleux : celui-ci doit être puni.

M. le Rapporteur - Très bien !

M. Denis Jacquat - Le sport doit rester porteur d'une éthique, constituer un exemple à suivre, notamment pour la jeunesse.

On constate, d'une part, que le dopage n'est pas lié à la pratique sportive mais à l'excès de compétitions, d'autre part, que tous les sportifs, de tous niveaux, sont touchés. En 1997, sur 221 contrôles positifs, près de 200 concernaient des compétitions de niveau régional ou départemental ; et selon l'étude récente menée par Patrick Laure, sur 2 000 sportifs amateurs, 186 avouaient faire usage de produits prohibés. En extrapolant, on pourrait dire qu'un million de licenciés sont concernés. On comprend que le professeur Escande prédise un problème de santé publique... Par ailleurs, il faut le répéter, on peut soigner sans doper.

Quelles sont les solutions ?

D'abord, il faut limiter le nombre de compétitions officielles, surtout pour les sportifs de haut niveau, auxquels on doit arrêter de demander toujours plus.

Ensuite, les dispositifs de contrôle et de sanction doivent être harmonisés au niveau international. Je souhaite ardemment, Madame la ministre, que vous soyez le porte-drapeau de la lutte contre le dopage à Lausanne, où doit se réunir prochainement le Comité olympique international.

Pour éviter que les contrôles se révèlent négatifs quand les sportifs ont absorbé des produits illicites, il faut augmenter les dotations budgétaires des laboratoires agréés, afin qu'ils puissent améliorer leurs techniques de recherche. Il est urgent de mettre fin au bras de fer entre médecins véreux ou pseudo-soigneurs et laboratoires agréés.

Il faut en outre prendre des dispositions pour éviter que la recherche du vice de forme permette d'allonger à l'excès la durée d'instruction.

Les obligations de la médecine du sport doivent être redéfinies. Ainsi, il faut exiger la production d'un certificat médical délivré par un médecin agréé, pour toute licence sportive et non pas seulement pour la première.

Enfin, il faut avoir le courage de briser la loi du silence et de déférer les médecins fautifs devant l'Ordre des médecins et la justice. Nous ne pouvons plus admettre que certains praticiens déshonorent l'ensemble de leur profession.

Dans les sports collectifs, il est courant de dire "Unis, on gagne ; désunis, on perd". Il en est de même pour nous aujourd'hui : aussi, Madame la ministre, avec tous mes collègues de Démocratie Libérale, je me battrai aux côtés de vous (Applaudissements sur de nombreux bancs).

M. Patrick Leroy - Je veux d'abord souligner l'importance des travaux accomplis par la commission pour mettre en forme un texte de loi efficace dans la lutte contre le dopage et la protection de la santé des sportifs, tout en respectant la déontologie, le secret médical et les droits fondamentaux de la défense.

Mon propos se limitera à la prise en charge par la Caisse d'assurance maladie des frais générés par l'examen médical initial obligatoire et du rôle de la médecine du sport.

L'article 2 impose un examen médical avant la première délivrance d'une licence sportive, alors que jusqu'ici le certificat médical n'était exigé que pour la pratique en compétition. Or la plupart des caisses d'assurance maladie, considérant cet examen comme un acte préventif, l'excluent du remboursement. Mais là où les caisses refusent la prise en charge, le nombre de licenciés a fortement diminué, en particulier dans les zones défavorisées...

13 millions de licenciés seront concernés par cet examen médical obligatoire, dont le coût est évalué à 12 millions par an à peine. La commission des affaires sociales a adopté à l'unanimité l'amendement que j'avais déposé pour assurer sa prise en charge par les organismes de protection sociale.

Par ailleurs, la protection de la santé des sportifs et la lutte contre le dopage supposent de revaloriser la médecine du sport, qui doit s'étendre à la prévention. Le projet de loi de finances ne lui attribue que 5,5 millions à comparer avec les 37,7 millions consacrés à la lutte contre le dopage : à peine 1,5 million sont destinés à l'équipement des 400 centres médico-sportifs ; il n'existe que trois centres de santé agréés par la DASS, et ils connaissent les plus grandes difficultés financières, du fait du non financement des actes de prévention par la Sécurité sociale. Or seuls ces centres, qui pratiquent soins et prévention en un même lieu avec la même équipe médicale spécialisée, peuvent dispenser une médecine du sport digne de ce nom.

La formation en médecine du sport est actuellement insuffisante, notamment en matière de traumatologie du sport et de surveillance médicale de l'entraînement.

Les médecins généralistes pratiquant incidemment la médecine du sport devraient recevoir dans leur formation initiale un enseignement qui pourrait être développé au cours de la formation médicale continue.

Pour les praticiens qui l'exercent partiellement, un an de formation spécialisée pendant le troisième cycle et l'amélioration de l'enseignement de la "capacité de médecine et biologie du sport" semblent suffire.

Par contre, pour ceux qui exercent à plein temps, une formation spécialisée de haut niveau est nécessaire, qui consisterait en une formation optionnelle de 3 ans, dont 2 semestres pendant l'internat, au cours du troisième cycle des études médicales. Outre un enseignement théorique approfondi, elle comprendrait un post-internat effectué dans des structures médico-sportives.

Cette question devrait figurer comme une priorité dans les toutes prochaines discussions sur la réforme des études médicales. C'est à ce prix que nous parviendrons à revaloriser cette profession et à sortir les médecins du sport du rôle de pousse-seringue ou de preneurs de sang.

Pour que cette loi prenne toute son efficacité, une harmonisation aux niveaux européen et international est indispensable.

Sachez, Madame la ministre, pouvoir compter sur l'appui des députés communistes.

Il y a un an, le dopage était une déviance reconnue mais bien souvent occultée. Votre détermination et les travaux des parlementaires de la commission ont permis de mettre en évidence que ce véritable fléau social touche toutes les disciplines sportives et menace la santé des sportifs, et particulièrement des plus jeunes.

Cette loi fait donc oeuvre d'utilité publique et nous la soutenons pleinement (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Jean-Claude Beauchaud - L'éclairage que le dernier Tour de France a donné à notre débat de première lecture garde toute sa force. Il ne s'est pas passé de semaine où le dopage n'ait pas été mis en relief, ce qui a conduit toutes les instances à multiplier leurs investigations et leurs actions de prévention. Si les initiés ne sont aujourd'hui guère surpris, les Français avaient sous-estimé l'ampleur du fléau, qu'ils croyaient l'apanage du sport de haut niveau.

Le dopage est maintenant reconnu comme un problème de santé publique et si nous étions il y a quelques mois inquiets quant à un isolement législatif de la France en ce domaine, la prise de conscience est désormais internationale grâce notamment à l'action du Gouvernement au sein de l'Union européenne, à celle du mouvement olympique français dans le CIO, qui aura l'occasion de prendre ses responsabilités à la prochaine conférence mondiale de Lausanne, et aux médias.

Notre texte sera donc une référence et je me réjouis de l'unanimité qui s'est souvent dégagée à la commission des affaires culturelles, ainsi que de certaines propositions avancées par le Sénat.

L'aspect médical de la lutte contre le dopage touche à la fois au secret médical et à la dignité de la personne. L'antenne médicale implique une formation de médecin à médecin, le patient en étant avisé.

Je suis favorable à un renforcement du secret médical, qui ne compromette pas la lutte contre ce fléau- il ne faudra pas faire preuve d'angélisme. A l'article 9, certains sportifs pourront préférer se mettre hors la loi, de même que certains praticiens véreux. Plusieurs questions se posent encore : combien de temps la délivrance de la licence est-elle suspendue ? Qui donne le feu vert pour la reprise ? Comment l'intérêt professionnel du sportif est-il sauvegardé ? Le patient pourra-t-il s'adresser à un médecin plus complaisant que celui de l'antenne médicale ?

Les manquements devront être sévèrement sanctionnés. L'inscription aux épreuves sportives donnant lieu à classement devra être subordonnée à la production d'un certificat médical de moins d'un an. La compétence du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage doit être reconnue et il doit disposer d'un pouvoir d'injonction à l'égard des fédérations sportives.

Ce nouveau texte aide à déchirer le voile autour du dopage et dénonce le danger qu'il fait courir. Si des fédérations veulent abandonner des procédures disciplinaires ou atténuer des peines prononcées, pour provoquer un choc psychologique bénéfique, pourquoi pas, si c'est dans l'intention de repartir sur des bases plus saines ? Alors peut-être aurons-nous le sentiment d'avoir soustrait le sport à la tutelle de l'argent et de lui avoir redonné sa vraie place (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. François Rochebloine - Je ne ferai pas preuve d'originalité en rappelant que le dopage est un problème extrêmement grave et que le Parlement a le devoir de réagir contre ce fléau.

Tout le monde s'accorde pour constater que ce n'est plus un phénomène marginal et circonscrit. Le problème s'est généralisé et touche particulièrement les jeunes avides de résultats. On sait que de jeunes cyclistes connaîtront toute leur vie de graves problèmes de santé parce que de pseudo-soigneurs leur auront menti et la première étude épidémiologique concernant les cyclistes professionnels est alarmante. Mais il n'y a pas que le cyclisme, ni que l'haltérophilie, dont vous avez dû, Madame la ministre, suspendre l'agrément de la fédération française. Le dopage existe partout, chez les professionnels comme chez les amateurs et même dans les sports où l'engagement physique n'est pas violent.

Toutes les sensibilités politiques doivent soutenir la lutte contre ce fléau. Le débat demeure tout au plus sur les moyens d'y parvenir. Entre le Sénat et l'Assemblée, il y a plus une différence de degré que de nature, notamment sur la transmission des données médicales concernant un patient probablement dopé. Le Sénat a retenu l'anonymat et un circuit d'information très complexe. Tout le monde est certes attaché au secret médical, mais il faut rechercher la transmission la plus efficace possible. Sur les sanctions disciplinaires, l'accord est large. Restent les questions des délais dans lesquels les fédérations doivent se prononcer et du pouvoir du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage. Des procédures trop rapides léseraient les droits de la défense. Il faut prévoir des expertises contradictoires et l'audition des intéressés. Toutefois, le délai de huit mois retenu par le Sénat semble un peu long et pourrait être abaissé pour le conseil qui statue en appel ou en cas de carence d'une fédération. Il ne faut pas laisser se développer une suspicion généralisée et laisser traîner des procédures forcément médiatisées à l'encontre de sportifs suspectés à tort.

Pour les procédures disciplinaires, le texte instaure un système entièrement nouveau, en responsabilisant les fédérations, les médecins et les sportifs. Il prévoit aussi qu'il y aura plus d'un laboratoire agréé. Peut-être faudrait-il alors "remettre les compteurs à zéro" pour les procédures en cours. C'est ce que proposait un amendement que j'ai déposé avec M. Landrain et que la commission n'a pas retenu. Il ne s'agirait pas d'une amnistie, puisque les procédures juridictionnelles pourraient être poursuivies pour trafic de produits illicites, infraction au code des douanes ou atteinte à la santé d'autrui. J'insiste en outre sur le fait que cet amendement ne concerne que les sportifs. Par ailleurs, les sanctions déjà prononcées ne seraient pas concernées. Une telle disposition aurait permis à la loi d'entrer en vigueur dans des conditions de parfaite égalité entre les sportifs et sans confondre le passé et l'avenir.

Je m'associe, d'autre part, aux amendements de la commission qui prévoient le remboursement de la première visite médicale nécessaire à l'obtention d'une licence. Il conviendrait d'exclure ce remboursement des dépenses encadrées par l'objectif national d'assurance maladie. Faute d'un tel remboursement, on peut craindre que la diminution du nombre de licenciés s'accentue encore.

Enfin, j'ai quelques réserves sur la disposition qui subordonne la participation aux compétitions sportives à la présentation d'un certificat médical datant de moins d'un an. Je m'interroge, en effet, quant à son application par les fédérations, que ce soit lors de compétitions locales ou au contraire lors de manifestations à très grande échelle comme le marathon de Paris. Je me réjouis donc que la commission ait accepté un amendement qui permet aux non-licenciés de présenter seulement la copie certifiée conforme d'un certificat médical datant de moins d'un an. Le travail des organisateurs en sera facilité.

Mais ce ne sont là que des nuances. L'important est notre volonté commune d'éradiquer un fléau qui donne du sport une image dévoyée. Il était urgent de légiférer pour défendre le sport propre et la santé publique. Comme il l'a fait en première lecture, le groupe UDF votera ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Henri Nayrou - Il convient d'aller vite pour voter la loi et la faire appliquer car ailleurs on ne perd pas de temps ! Les uns sont de plus en plus curieux, les autres de plus en plus bavards et chaque jour apporte son lot de révélations... Et voilà que certains voudraient que le législateur ait des égards pour ces gourous pourvus de diplômes, mais dépourvus de scrupules, qui constituent ce que l'on pourrait appeler une association de malfaiteurs scientifiques, qui se mettent au service de sportifs en quête de gloire et de dollars !

S'il est vrai qu'en temps ordinaire, je préfère un coupable en liberté qu'un innocent en prison, il faut se rendre à l'évidence : les pouvoirs publics ne pourront pas combattre le fléau du dopage avec des pistolets de paille et des sabres de bois. Pas plus qu'à l'heure du portable, police et justice ne peuvent continuer à poser des bretelles sur les lignes téléphoniques de papa ! (Rires sur divers bancs) Ne tombons donc pas dans l'angélisme et allons-y sans faiblesse ! Il faut que la loi soit efficace.

Mais ce n'est pas parce que le Gouvernement s'apprête à frapper un grand coup répressif qu'il faut négliger la prévention. A cet égard, il me paraît indispensable que la Sécurité sociale prenne en charge la consultation médicale nécessaire à l'établissement d'une première licence. Ce serait un signal très positif adressé au monde sportif.

Je voudrais par ailleurs vous féliciter, Madame la ministre, d'avoir étendu le dispositif d'alerte à l'Europe, aux partenaires et aux médias.

Si les révélations concernant le dopage ont mis à mal un certain nombre de disciplines au cours des derniers mois, il en est d'autres qui ont ébranlé une institution jusque-là intouchable : le Comité international olympique. Quel rapport, me direz-vous ? Rien, si ce n'est que les unes et les autres attestent cette version moderne de la devise du baron de Coubertin : "L'important n'est pas de participer, mais de toucher". De même que les événements récents détruisent la considération que l'on pouvait avoir pour cette prestigieuse instance, comment en aurions-nous pour ceux qui usent du dopage et ceux qui en profitent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Christian Estrosi - Ce projet constitue assurément une avancée. De fait il était temps d'aller plus loin que les lois de 1965 et 1989 afin de protéger la santé des sportifs. Et je me réjouis du climat constructif qui a présidé à nos travaux. A l'instar du Président de la République qui, il y a encore quelques jours, insistait sur la nécessité de lutter farouchement contre le dopage, nous répétons depuis longtemps que le dopage est la négation même du sport et des valeurs qu'il doit transmettre à la jeunesse. Il est dommage que nous n'ayons pas traité le dossier avant que la triste affaire du Tour de France n'éclabousse le cyclisme mais aussi l'ensemble du monde sportif. Cela dit, quand on voit les moyens en policiers et en juges qu'elle a mobilisés l'été dernier et quand par ailleurs on prend connaissance des derniers chiffres de la délinquance, on peut se poser quelques questions...

Aujourd'hui, la pression médiatique est retombée et je constate que l'Assemblée et le Sénat ont bien travaillé sur ce sujet qui, j'y insiste depuis le début, doit être abordé avec l'ensemble des ministres de l'Union européenne concernés. Dans un premier temps, vous ne m'aviez pas entendu, semble-t-il. Il aura fallu attendre pour cela le Tour de France 1998, mais vous avez fait depuis le nécessaire. Je vous en remercie. Lors d'une réunion des ministres des sports qui s'est tenue il y a une dizaine de jours, il a ainsi été décidé d'adopter une démarche commune dans la lutte contre le dopage.

Les modifications apportées par le Sénat sont positives, je pense en particulier à la création d'antennes médicales. La mise en place de centres de consultation anonyme me paraît préférable à un système de dénonciation.

L'article 3 pose encore un petit problème, car quand on part en vacances, on ne pense pas toujours à passer avant chez son médecin pour être en mesure de présenter un certificat médical si l'on décide ensuite de participer à un mini-cross ou à un tournoi de pétanque. Il nous faudra donc trouver une solution plus souple que celle prévue actuellement par le texte.

Le Sénat a adopté une disposition qui interdit au médecin consulté en vue de la délivrance d'un certificat de non-contre-indication de délivrer celui-ci s'il décèle des symptômes de dopage. Le médecin doit par ailleurs transmettre anonymement ses constatations à l'antenne médicale. Le rôle des cellules médicales a été redéfini : elles sont désormais chargées d'une mission d'expertise auprès du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage. Le Sénat a par ailleurs supprimé le pouvoir d'injonction du Conseil auprès des fédérations, ce qui se comprend.

Vous avez maintenu en première lecture, Madame la ministre, le droit pour des agents assermentés du ministère de fouiller des véhicules. Cette disposition peut certes se révéler efficace mais elle me paraît devoir être encadrée bien fortement afin d'éviter tout dérapage. Enfin, l'Assemblée nationale avait accordé aux fédérations sportives le pouvoir de prononcer des sanctions disciplinaires complémentaires sous forme d'injonctions thérapeutiques.

Si nous nous en tenons là, le texte sera bon, et il aura fait progresser la prévention. Il fallait organiser la formation du monde sportif : c'est fait. Il fallait instituer un système de surveillance médicale des sportifs, c'est fait. Il fallait organiser la prévention et la lutte contre le dopage : ce sera fait grâce à la mise en place d'un conseil. Il fallait dénoncer les agissements interdits, nous le faisons. Il fallait mettre en place des sanctions administratives et pénales, c'est fait. Enfin, la France devait prendre la tête de la croisade européenne contre le dopage : nous en prenons le chemin.

Je veux, enfin, rendre hommage à tous ces sportifs soupçonnés depuis des mois, alors qu'ils sont des symboles, et en général exemplaires. Je pense aussi à ces milliers de bénévoles, aux cadres des petits clubs, aux responsables de fédérations, à nos représentants dans le mouvement olympique international. Nous avons la chance d'avoir des dirigeants remarquables : à nous, politiques, de faire qu'ils portent notre message et défendent à l'étranger notre conception de l'éthique.

Sachons, néanmoins, rester prudents. Vous devez agir avec fermeté, mais aussi avec diplomatie, Madame la ministre, car il ne faudrait pas placer nos sportifs en situation d'infériorité par rapport à ceux d'autres pays. A vous d'oeuvrer pour que les pays qui ne suivraient pas la même ligne que nous ne puissent plus concourir dans les grandes épreuves internationales. Pensons à nos sportifs de demain, qui seront sains et honnêtes, je l'espère, un peu grâce à nous. Le RPR avait souhaité ce texte, il l'a fait progresser par son abstention en première lecture. Il le votera aujourd'hui (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et sur quelques bancs du groupe UDF).

M. Alain Calmat - Lorsque nous avons examiné ce projet en première lecture, en novembre dernier, l'épisode lamentable du Tour de France 1998 l'avait éclairé d'un jour nouveau, et nous avions été amenés à le durcir, en ce qui concerne notamment le rôle préventif des médecins. Le Sénat l'a modifié sur ce point, force est donc d'y revenir.

Chacun sait que des médecins ont une fonction de contrôle en matière de dopage, mais aussi qu'un petit nombre de médecins sont des dopeurs. Il convient à présent que la loi reconnaisse le rôle d'antidopeurs des médecins. A cet égard, je me réjouis que le président du Conseil de l'Ordre, M. Glorion, ait approuvé "la mobilisation du corps médical pour assurer la prévention du dopage et le combattre" ("Très bien !" sur les bancs de la commission).

Je me félicite que les amendements de la commission permettent, dans le cadre de la médecine du sport, que des informations nominales soient transmises de médecin à médecin : c'est une grande avancée, qui ménage le strict respect du secret médical dans le cas de la médecine de soins.

En tout état de cause, le travail accompli par les deux assemblées, l'action menée par le Parlement européen, votre propre engagement international, Madame la ministre, auront fait avancer de façon significative la lutte contre le dopage. C'est de bon augure à quelques jours de la réunion du CIO, dont j'espère qu'elle ne se réduira pas à une grand-messe ("Très bien !" sur les bancs de la commission).

En ce qui nous concerne, nous voterons cette loi avec conviction : elle est encore plus nécessaire à la suite des révélations concernant l'état de santé de certains cyclistes, dû sans doute à l'EPO. A ce sujet, je veux rendre hommage, après le rapporteur, à des gens courageux comme le président de la FFC. Nous sommes avec vous, Madame la ministre, pour faire aboutir la lutte contre le dopage, de même que nous serons avec tous ceux qui agiront pour combattre la dictature de l'argent dans le sport, dont le dopage est l'une des funestes conséquences (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jean-Antoine Leonetti - La lutte contre le dopage et la protection de la santé des sportifs placent la médecine moderne en première ligne. Oubliant l'éthique de leur profession et la législation de leur pays, un petit nombre de médecins ont oublié certaines règles simples. Le premier devoir d'un médecin est de protéger la personne qui se confie à lui, mais les médicaments ne doivent être utilisés que pour traiter les maladies pour lesquelles ils sont mis sur le marché, et les traitements ne doivent pas faire courir aux patients un risque injustifié. Ceux qui l'ont oublié sont devenus des techniciens de la performance, des complices de la fraude, des hommes de science sans conscience, et j'approuve le projet de loi qui prévoit envers eux des sanctions exemplaires.

Mais le médecin doit aussi à son malade le secret médical. "Ma bouche taira les secrets qui me seront confiés et ma pratique ne servira ni à corrompre les moeurs, ni à favoriser le crime" énonce tout ensemble le serment d'Hippocrate. L'éthique médicale est un tout, comment respecter certaines règles et déroger à d'autres ?

En fait, le sportif a recours à la médecine dans deux circonstances assez distinctes. Il peut être malade, comme tout autre personne. Mais il a aussi recours à la médecine pour un contrôle destiné à vérifier son aptitude à la pratique sportive. Dans ce cas, l'acte est de compétence médicale, mais d'ordre administratif.

Or le code de déontologie médicale interdit qu'il s'agisse du même médecin, comme dans le cadre de la médecine du travail. Et si, dans le premier cas, le respect du secret médical doit être strict, dans le second, il est acceptable que le cas de dopage puisse être signalé à la cellule médicale "administrative" pour rompre "la loi du silence". Il va sans dire que le médecin a le devoir d'informer le sportif des risques encourus et qu'il ne délivre alors aucun certificat d'aptitude.

Si le législateur décide que le signalement est nominal, il faudra alors déroger à l'obligation légale du secret professionnel. Certes il existe déjà 18 cas de dérogation, mais on ne signale pas les toxicomanes. Pourquoi les sportifs dopés seraient-ils traités de façon différente ?

Le problème, c'est donc de bien distinguer entre le médecin traitant qui soigne et le médecin préventif qui contrôle.

Le secret professionnel et médical, s'il a souvent été bafoué ces dernières années, reste cependant la base de la confiance dans le colloque singulier entre le médecin et le malade. Le médecin, qui ne doit pas dénoncer, a le devoir de protéger le sportif contre lui-même en lui refusant la possibilité administrative d'exercer une activité sportive en se dopant. Mais le secret professionnel et le secret médical doivent être respectés. Ils ont permis aux médecins de soigner des Résistants, ils ont empêché que les malades atteints du sida soient écartés du monde du travail, ils ont favorisé le respect de la personne humaine en souffrance. La loi sur le dopage ne doit pas, au nom de la morale, enfreindre la morale (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

La discussion générale est close.

M. le Président - En application de l'article 91-9 du Règlement, j'appelle la discussion des articles dans le texte du Sénat.

L'article premier, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE PREMIER bis A

Mme la Ministre - L'amendement 34 du Gouvernement est retiré.

M. le Rapporteur - L'amendement 1 de la commission est rédactionnel.

Mme la Ministre - Je m'en remets à votre sagesse.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 31 prévoit que chaque antenne est dirigée par un médecin qui en est le responsable. Ainsi la transmission de l'information se fera de médecin à médecin exclusivement.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale - Tout à fait favorable.

L'amendement 31, mis aux voix, est adopté.

L'article premier bis A, ainsi amendé, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE PREMIER ter

M. le Rapporteur - L'amendement 2 prévoit que les cahiers des charges des sociétés nationales de programmes prévoient des dispositions pour promouvoir la lutte contre le dopage.

Mme la Ministre - Je suis favorable sur le fond, mais Madame la ministre de la culture ayant l'intention d'introduire cette disposition dans la future loi sur l'audiovisuel, je m'en remets à votre sagesse.

M. Denis Jacquat - Cette loi est reportée sine die !

L'amendement 2, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE PREMIER quater

M. le Rapporteur - L'amendement 3 vise, d'une part, à rétablir l'obligation faite aux mécènes du sport de respecter une charte de bonne conduite définie par décret, d'autre part, à inciter la filière pharmaceutique à une vigilance particulière sur les utilisations anormales de ses produits.

M. le Secrétaire d'Etat - Je comprends l'esprit de l'amendement, mais je souhaiterais, par le sous-amendement 44, supprimer les mots "et la préservation de la santé des sportifs dans des conditions fixées par décret". La législation pharmaceutique est déjà très contraignante et les produits dopants font l'objet d'une mise en garde spéciale.

M. le Président de la commission - Nous tenons à affirmer la nécessité de veiller à éviter une utilisation perverse des substances pharmaceutiques, mais je suis d'accord pour supprimer la mention "dans des conditions fixées par décret".

Le sous-amendement 44 corrigé, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 3 ainsi amendé, mis aux voix, est adopté et l'article premier quater est ainsi rétabli.

AVANT L'ART. 2

Mme la Ministre - L'amendement 35 est retiré.

ART. 2

M. Denis Jacquat - Le texte stipule que la première délivrance d'une licence sportive est subordonnée à un certificat médical. Je propose, par l'amendement 40, de remplacer "première" par "toute" car les licences sportives doivent être renouvelées tous les ans et l'état physique de la personne peut changer.

Je profite de l'occasion pour regretter à nouveau que ces visites médicales ne soient pas remboursées par la Sécurité sociale et je souhaite que le Gouvernement se penche sur ce problème, car cela peut être un obstacle à la pratique du sport par les jeunes.

M. le Rapporteur - Sur le fond, nous ne sommes pas opposés à cet amendement. Si nous l'avons repoussé en première lecture, c'est parce que nous avons déjà de la peine à obtenir que la première visite soit remboursée ! C'est pourtant d'un intérêt capital : il y a 13 millions de licenciés dans ce pays. Du reste, on sait bien que beaucoup de ces premières visites sont en fait remboursées : le supplément de dépenses ne serait donc pas énorme.

En ce qui concerne votre amendement 41, Monsieur Jacquat, il est satisfait par l'article premier.

M. le Président de la commission - Il est clair qu'on ne peut pas adopter un amendement qui tomberait sous le coup de l'article 40 de la Constitution.

Mais au nom de la commission, je suis intervenu, le 26 janvier, auprès de plusieurs membres du Gouvernement pour demander que ce problème du remboursement soit traité dans le cadre du prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Je suis persuadé que le coût réel de cette mesure serait marginal car beaucoup de ces premières visites sont déjà remboursées sous une fausse étiquette. C'est un problème de principe.

M. le Secrétaire d'Etat - Je partage entièrement votre sentiment mais on ne peut pas prendre cette décision sans concertation avec la Sécurité sociale. Actuellement 70 % des visites de ce type sont déjà remboursées. La dernière loi de financement de la Sécurité sociale prévoit la possibilité de rembourser des actes non prescriptifs. Nous allons voir si on ne peut pas utiliser cette disposition pour rembourser les visites en question, sans attendre la prochaine loi.

M. le Président de la commission - Très bien !

M. Denis Jacquat - Il y a aussi des médecins bénévoles qui font des visites médicales gratuites pour les sportifs amateurs.

Les amendements 40 et 41, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 2, mis aux voix, est adopté.

ART. 3

M. Francis Delnatte - L'article 3 impose aux participants non licenciés de compétitions, de caractère souvent très populaire, de présenter un certificat médical. Le problème a déjà été soulevé en première lecture et aucune réponse ne lui a été apportée. Depuis, les organisateurs de courses, les petits clubs sportifs se sont inquiétés de cet alourdissement administratif. L'alternative est ou bien de vérifier la possession du certificat avant la course -et dans ce cas, il est délicat de refuser certains concurrents au motif qu'ils ne peuvent le produire- ou bien de demander ce document lors de l'inscription et, alors, d'avoir à le renvoyer au candidat pour qu'il le présente lors d'autres épreuves. Ce système est trop lourd...

L'amendement 25 propose que les non-licenciés aient à présenter une simple attestation sur l'honneur comme quoi ils possèdent un certificat de non-contre-indication datant de moins de six mois.

M. Christian Estrosi - L'amendement 26 va dans le même sens. La procédure prévue à l'article 3 va handicaper lourdement les organisateurs de compétitions. Chacun d'eux, pour la valoriser, et la faire bénéficier de conseils techniques qualifiés, inscrit sa compétition dans le calendrier d'une fédération. S'il a peur de perdre des participants, du fait de l'obligation de produire un certificat médical, il la soustraira à l'agrément d'une fédération et, dès lors, sa compétition ne bénéficiera plus d'un cadre sportif institutionnel qui apporte bien des garanties. De plus, une procédure coercitive trop lourde aurait des conséquences nuisibles sur le tourisme, sur l'animation du monde rural, et, aussi, pour les participants, dont les épreuves ne seront plus agréées par la fédération.

M. Aloyse Warhouver - Il serait en effet dommage qu'une contrainte excessive prive les amateurs de courses pédestres ou de footing dominical de la possibilité de participer à leurs compétitions. C'est ce que mon amendement 27 tend à éviter.

M. le Rapporteur - Après en avoir longtemps discuté, la commission a décidé de repousser ces trois amendements, car le présent projet vise, aussi, la prévention et la préservation de la santé du sportif. Il n'est pas raisonnable, il pourrait même être dangereux de participer à certaines compétitions sportives sans visite médicale attestée en bonne et due forme. Bien sûr, certains concurrents peuvent avoir à fournir un certificat pour de nombreuses compétitions dans la même année. Aussi la commission propose-t-elle, par son amendement 32, la possibilité de ne présenter qu'une copie certifiée conforme de ce certificat. Une telle copie n'est pas plus compliquée à enregistrer qu'une attestation sur l'honneur.

Mme la Ministre - Je suis d'accord avec la commission. La loi de 1984 prévoyait d'ailleurs la même obligation et cela n'a pas empêché les compétitions. En outre, il s'agit ici de compétitions organisées par des fédérations et qui, de ce fait, supposent un effort sportif. Il faut donc protéger tous les participants, licenciés ou non. Un certificat médical est indispensable. La commission propose une simplification qui concilie le souci de préserver la santé des sportifs avec la souplesse nécessaire à l'organisation des compétitions. Soit, mais depuis 1984, la production d'un certificat est de règle...

M. Christian Estrosi - Certaines compétitions de haut niveau, qui peuvent constituer un risque pour la santé, justifient la présentation d'un certificat médical. Mais, comme le rapporteur l'a bien indiqué, il s'agit seulement de certaines compétitions. Nous pourrions demander aux fédérations de préciser, lorsqu'elles sont sollicitées pour agréer une compétition, de faire savoir si celle-ci constitue un risque pour la santé. Son agrément serait alors accordé sous condition de production d'un certificat médical par les non licenciés.

M. Denis Jacquat - Une compétition doit être entourée d'un maximum de précautions : le certificat médical doit être toujours obligatoire.

Les amendements 25, 26 et 27, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'amendement 32, mis aux voix, est adopté.

L'article 3, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 3 bis

L'amendement 5 rectifié de la commission est retiré.

Mme la Ministre - L'amendement 36 introduit des modifications rédactionnelles et étend, dans son alinéa 4, la portée du dispositif au suivi médical des sportifs, en dehors des cas de délivrance d'un certificat médical.

M. le Rapporteur - Cet amendement est important et nous convient.

L'amendement 36, mis aux voix, est adopté et l'article 3 bis est ainsi rédigé.

ART. 3 ter

M. le Rapporteur - L'amendement 6 est de conséquence.

L'amendement 6, accepté par le Gouvernement, est adopté et l'article 3 ter est ainsi rétabli.

APRÈS L'ART. 3 ter

M. le Rapporteur - L'amendement 7, de conséquence, vise à instaurer la saisine du conseil régional de l'Ordre des médecins, instance disciplinaire de l'Ordre, par l'antenne médicale.

Mme la Ministre - Le sous-amendement 37 dispose que l'antenne médicale sera dirigée par un médecin, cela afin de fournir toute garantie déontologique.

M. Denis Jacquat - Il me semble que le conseil régional de l'Ordre est une juridiction d'appel. C'est le conseil départemental qui est saisi en première instance.

M. le Président de la commission - Nous vérifierons, avant la CMP, ce point important.

Le sous-amendement 37, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 7, ainsi sous-amendé, est adopté.

ART. 4

M. Denis Jacquat - L'amendement 42 demande que le nombre de compétitions sportives soit limité dans l'année. C'est leur multiplication excessive qui conduit au dopage.

M. le Rapporteur - Sur le fond vous avez raison. Mais la commission a repoussé cet amendement car il aurait mieux sa place dans la loi sur l'organisation du sport.

Mme la Ministre - L'organisation des compétitions relève de la responsabilité du mouvement sportif, même si effectivement beaucoup de sportifs ont dit ne pouvoir supporter l'excès de compétitions, en tennis par exemple. L'article 4 prévoit que les fédérations veillent à la santé des licenciés en prenant les dispositions nécessaires en ce qui concerne l'entraînement et le calendrier des manifestations. La conférence internationale de Lausanne abordera la question.

M. Denis Jacquat - C'était un message.

L'amendement 42, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Denis Jacquat - L'amendement 43 prévoit que "les listes des produits dopants doivent être les mêmes pour tous les sports et pour tous les pays".

Il y a eu une certaine uniformisation au niveau européen ces dernières années, mais il reste beaucoup à faire. Un sportif étranger contrôlé positif peut dire que le médicament décelé est autorisé dans son pays. Il faut unifier l'interdiction.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé l'amendement 43 et adopté l'amendement 8 : "La liste des produits dopants est la même pour tous les sports".

Nous préférons une liste unique pour toutes les disciplines.

Mme la Ministre - C'est, je pense, un nouvel appel de M. Jacquat. Je souhaite que la conférence internationale olympique y réponde. Mais nous ne pouvons légiférer pour les autres pays.

Rejet de l'amendement 43. Quant à l'amendement 8, je m'y suis montrée défavorable en première lecture, car il existe déjà une seule liste de produits interdits en France. Mais certaines fédérations internationales faisant pression pour des dérogations, des listes particulières, peut-être vaut-il mieux inscrire la liste unique dans la loi.

M. le Président de la commission - Les appels de M. Jacquat sont toujours pertinents.

L'amendement 43 mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 8, mis aux voix, est adopté.

L'article 4 ainsi amendé, mis aux voix, est adopté.

ART. 4 bis

M. le Rapporteur - L'amendement 9 est de suppression en conséquence d'un vote précédent.

L'amendement 9, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté et l'article 4 bis est ainsi supprimé.

L'article 5, mis aux voix, est adopté.

ART. 5 bis

M. le Rapporteur - L'amendement 10 rédige ainsi l'article : "Les informations relatives aux cas de dopage recueillies par l'antenne médicale mentionnée à l'article premier bis A sont transmises de manière anonyme à la cellule scientifique mentionnée à l'article 9.

"Cette même cellule transmet ces informations à l'Institut de veille sanitaire prévu à l'article L. 792-1 du code de la santé publique.

"Les modalités de ces transmissions, qui garantissent l'anonymat des patients, sont fixées par décret en Conseil d'Etat."

Mme la Ministre - Favorable. Les sous-amendements 38 et 39 simplifient le dispositif. Les antennes transmettront directement les informations à l'Institut de veille sanitaire.

M. le Rapporteur - Avis favorable.

Le sous-amendement 38, mis aux voix, est adopté, de même que le sous-amendement 39.

L'amendement 10 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté et l'article 5 bis est ainsi rédigé.

ART. 7

M. le Rapporteur - L'amendement 11 est de précision.

L'amendement 11, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 7 ainsi amendé, mis aux voix, est adopté.

ART. 8

M. le Rapporteur - L'amendement 12 de la commission et de M. Patrick Leroy définit les compétences du conseil de prévention et de lutte contre le dopage.

Mme la Ministre - Très favorable. Il redéfinit aussi la fonction du conseil.

L'amendement 12, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 13 prévoit une prestation de serment par les membres du conseil. Certains sont déjà assermentés dans leur vie professionnelle. Mais ils auront un pouvoir disciplinaire sur des sportifs qu'ils ont pu connaître, dans des affaires parfois soumises à une forte pression médiatique.

Je souhaite corriger la formule "ils prêtent serment..." en "les membres du conseil prêtent serment".

Mme la Ministre - Sagesse.

L'amendement 13 rectifié, mis aux voix, est adopté.

L'article 8 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 9

M. le Rapporteur - L'amendement 14 est de coordination.

L'amendement 14, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 15 rétablit le pouvoir d'injonction du conseil à l'égard des fédérations sportives. La commission l'a adopté à l'unanimité. Une autorité administrative indépendante dépourvue de pouvoir ne servirait à rien. Il faut qu'elle puisse demander à une fédération d'engager une procédure disciplinaire ou au ministère de procéder à un contrôle.

Mme la Ministre - L'amendement fait référence aux pouvoirs mentionnés à l'article 13, c'est-à-dire aux contrôles. Il est difficile de demander aux fédérations de les diligenter. Sagesse.

L'amendement 15, mis aux voix, est adopté.

L'article 9, ainsi amendé, mis aux voix, est adopté.

ART. 14

M. le Rapporteur - L'amendement 16 prévoit que la totalité des opérations de contrôle -prélèvements comme examens- sont effectuées sous la responsabilité de médecins assermentés.

L'amendement 16, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 17 est important. Pour mieux garantir les droits de la personne qui fait l'objet d'un contrôle antidopage, il rétablit le principe que les échantillons prélevés sont analysés par au moins deux laboratoires.

Le sportif doit être traité comme tout citoyen qui peut faire appel devant une juridiction différente.

Mme la Ministre - Avis très favorable. La contre-expertise préserve les droits de la défense et la présomption d'innocence. Elle évitera nombre de contestations.

M. Denis Jacquat - J'y suis favorable, mais j'observe qu'il n'existe qu'un laboratoire agréé en France, et une dizaine dans le monde. Ils vont être engorgés. Il faut donc augmenter leur nombre, mais cela suppose des moyens techniques importants. Il ne peut s'agir de laboratoires de deuxième catégorie.

M. Patrick Leroy - La carrière des sportifs de haut niveau est fragile et courte, et la loi contre le dopage doit contenir des dispositions très fermes tout en garantissant les droits de la défense. C'est une question de principe qui doit être respectée si l'on ne veut pas que ce texte soit perçu comme une menace injustifiée. Des sanctions ne peuvent être prononcées au vu de résultats d'analyses incertains, sinon le bénéfice du doute sera toujours retenu par le magistrat. Un contrôle effectué par deux laboratoires différents est donc nécessaire.

L'amendement 17, mis aux voix, est adopté.

L'article 14, modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 15

M. le Rapporteur - L'amendement 18 consacre la priorité que nous donnons à l'action contre les pourvoyeurs, qui sont de véritables trafiquants de drogue et les premiers responsables du dopage. Il faut couper les filières d'approvisionnement. On ne peut pas accepter que certains apportent des produits dopants dans leur véhicule à côté des lieux de compétition.

Cet amendement concerne donc la fouille des véhicules. Ce n'est pas une hérésie juridique, mais le moyen de garantir l'efficacité des contrôles effectués par les agents et les médecins assermentés. Il vise exclusivement les véhicules professionnels, aux abords des lieux de compétition.

La fouille est une opération de police judiciaire, menée sous le contrôle du juge judiciaire, qui a le droit de l'interrogatoire, et de se rendre sur place. La découverte de l'infraction est immédiatement signalée. Elle est subordonnée à l'accord de l'intéressé, ou, à défaut, à une autorisation spéciale du magistrat. Les arguments d'inconstitutionnalité ne tiennent pas : si le Conseil constitutionnel a annulé des dispositions sur la fouille des véhicules en 1977 et 1995, c'est à cause de l'absence de définition du rôle du magistrat. Tel n'est pas le cas en l'occurrence.

Mme la Ministre - C'est là notre seul point de divergence profond. Vous faites allusion à une décision du Conseil constitutionnel du 22 avril 1997 sur une loi relative à l'immigration. Le Conseil y mentionne des visites sommaires, destinées à s'assurer qu'il n'y a pas de personnes dissimulées. Nous ne sommes pas dans le même cas de figure. Ensuite, cette décision prend acte que ce pouvoir appartient à des officiers de police judiciaire. Votre amendement l'accorde à des médecins contrôleurs et à certains fonctionnaires de mon ministère qui ont d'autres tâches à accomplir. En outre, demander au médecin de jouer ce rôle portera atteinte à sa crédibilité. Cela ne veut pas dire que je ne veux pas lutter contre les pourvoyeurs, mais d'autres moyens existent pour cela : ceux des douanes et de la police. Votre amendement demande à des hommes et des femmes de jouer un rôle qui n'est pas le leur.

M. Jean-Antoine Leonetti - Très bien !

M. le Président de la commission - Nous nous sommes entourés du maximum de précautions juridiques, même si on ne peut jamais être sûr de rien comme le montrent des événements récents. Nous avons retenu l'esprit de la décision du Conseil que nous évoquions. Le problème du rôle des fonctionnaires est une bonne question. Mais si nous voulons agir efficacement, il faut pouvoir demander, dans des cas extrêmes et sous le contrôle judiciaire, aux médecins et aux fonctionnaires d'aller jusqu'à la fouille. Sinon, leur action s'arrêtera aux portes du stade.

Ces opérations exceptionnelles ne les détourneront pas de leur tâche principale. Mais si nous voulons éradiquer les filières, il faudra parfois, j'ose espérer rarement, aller jusque-là.

Mme la Ministre - Je vous rappelle que ces médecins ne sont pas des fonctionnaires. Comment imposer la fouille des véhicules, même professionnels, à ces volontaires indemnisés pour leur mission alors que leur tâche est déjà difficile -ils ne sont pas reçus à bras ouverts pour les contrôles- ? D'autres moyens existent pour lutter contre les pourvoyeurs !

M. le Rapporteur - Nous ne mettons nullement en cause votre volonté de lutter contre eux. Mais les médecins contrôleurs sont assermentés par vos services ! Ce ne serait pas une première dans l'administration française. Les inspecteurs du fisc ont ce droit, et ceux des Télécoms aussi ! Il s'agit de donner des pouvoirs supplémentaires, dans des cas exceptionnels, à la lutte contre le dopage. Certaines situations demandent une réaction rapide. C'est une façon de conforter l'action de vos agents.

M. Jean-Antoine Leonetti - Je doute que leur déontologie permette aux médecins de fouiller des véhicules, car leur rôle est de soigner, non de réprimer. Ils peuvent certes être appelés à effectuer un prélèvement de sang sur une personne soupçonnée par exemple de conduire en état d'ébriété ou de se droguer, mais ils ne vont pas pour autant fouiller son coffre pour y chercher du beaujolais ou ses vêtements pour y trouver une seringue ! Les y autoriser serait une entorse grave à la déontologie médicale.

L'amendement 18, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 15, mis aux voix, est adopté.

ART. 16

M. le Rapporteur - Compte tenu du vote précédent, je retire l'amendement 19.

L'article 16, mis aux voix, est adopté.

ART. 17

M. le Rapporteur - L'amendement 33 ajoute : "après que les intéressés ont été en mesure de présenter leurs observations", précision qui ne saurait être renvoyée au seul règlement disciplinaire.

Mme la Ministre - Favorable.

L'amendement 33, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 20 de la commission revient au texte de l'Assemblée concernant les délais dans lesquels les fédérations doivent prononcer les sanctions administratives. En les allongeant, le Sénat a porté à huit mois, compte tenu de l'appel, la durée possible de la procédure, ce qui est beaucoup trop long. Il est en effet de l'intérêt du sportif que les délais soient aussi courts que possible -ici, cinq mois- car une carrière sportive est forcément limitée dans le temps. Il s'agit aussi d'éviter que certains puissent, grâce à des manoeuvres dilatoires, avoir une activité sportive tout en étant soupçonnés de dopage.

Mme la Ministre - Je connais des cas de sportifs contrôlés positifs à l'automne 1997 et dont le sort n'est toujours pas réglé. J'imagine leur souffrance. Avis tout à fait favorable, donc.

L'amendement 20, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 21 rétablit l'injonction à des fins thérapeutiques et indique que le non-respect de celle-ci entraîne le non-renouvellement de la licence.

Mme la Ministre - Je suis tout à fait favorable à ce que l'on propose au sportif, surtout s'il s'agit d'un jeune, un suivi thérapeutique pour l'aider à s'en sortir. Mais l'injonction thérapeutique me paraissait plutôt devoir relever d'un juge, ce qui explique que l'amendement 45 du Gouvernement soit rédigé un peu différemment du 21 de la commission. Cela étant, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

M. Patrick Leroy - Notre amendement 30 tend à compléter l'article 17 par l'alinéa suivant : "Lorsqu'il s'agit de sportifs coupables d'une première infraction, les fédérations sportives agréées peuvent proposer aux licenciés ou aux membres licenciés des groupements sportifs qui leur sont affiliés ayant contrevenu aux dispositions des articles 11, d'effectuer un suivi thérapeutique auprès des antennes médicales mentionnées à l'article 1er bis A".

M. le Rapporteur - Avis défavorable sur le 45 et le 30. Ce dernier diminuerait la portée du dispositif en autorisant un sportif dopé à participer à des compétitions.

L'amendement 21, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Par conséquent, les amendements 45 et 30 tombent.

L'article 17, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 17

M. François Rochebloine - Puisque la commission n'a pas cru devoir retenir mon amendement 29, je le retire.

ART. 18

M. le Rapporteur - L'amendement 22 limite les pouvoirs disciplinaires du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage aux seules compétitions organisées par des fédérations agréées.

L'amendement 22, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 23, de conséquence, ramène à deux mois le délai dont le Conseil dispose pour statuer en appel ou en cas de carence de la fédération.

L'amendement 23, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 18 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 23

M. le Rapporteur - L'amendement 24 revient au texte de l'Assemblée.

L'amendement 24, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 23 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

L'article 24, mis aux voix, est adopté.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - A l'unanimité !

Mme la Ministre - Sans retarder la suite des travaux parlementaires, car je sais l'ordre du jour particulièrement chargé, je voudrais tout de même remercier la commission, son rapporteur, son président et l'ensemble des parlementaires pour le travail accompli ensemble. J'espère qu'à mon retour de Lausanne, je pourrai annoncer à tous ceux qui se battent pour l'éthique sportive que des mesures internationales fortes ont été prises. Au niveau européen, nous avançons désormais d'un même pas et nous devons d'ailleurs nous revoir le 31 mai sur un plan de travail très précis. Reste à espérer que les choses avancent aussi au niveau mondial afin que le geste sportif reste toujours aussi beau et demeure un modèle pour les jeunes (Applaudissements sur tous les bancs).

La séance, suspendue à 18 heures 30, est reprise à 18 heures 35.


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POLICES MUNICIPALES (deuxième lecture)

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif aux polices municipales.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Alors que ce projet revient, en seconde lecture, les positions des uns et des autres ne paraissent pas si éloignées et des convergences devraient être possibles sur les aspects pratiques. Certes, un grand débat est ouvert quant au rôle que les polices municipales peuvent jouer dans la politique de sécurité, dont nous avons tous conscience qu'elle est aujourd'hui prioritaire. Mais l'ambiguïté de ce débat tient à une confusion entre le pouvoir de police du maire et l'existence de polices municipales. C'est ainsi que M. de Robien a tenu sur FR 3 des propos, certes réfléchis et pondérés, comme à son habitude, mais reposant sur cette ambiguïté. Il a regretté en effet que le projet ne rende pas aux maires leurs pouvoirs, en matière de sécurité, qui leur avaient été retirés en 1941. Mais ce qui a changé, à cette date, c'est surtout la fixation à 10 000 habitants du seuil à partir duquel l'étatisation de la police était possible -une étatisation partielle avait déjà eu lieu, pour certaines grandes villes, entre 1908 et 1935.

Je retrouve la même ambiguïté dans la tribune que M. Léotard a donnée à un journal du matin...

M. Dominique Bussereau - C'était M. Leonetti !

M. le Ministre - Lui aussi ? Nous ne parlons pas du même article. Ce qui est en débat, donc, ce n'est pas le pouvoir de police du maire, c'est la présence effective de forces de police de proximité dans les quartiers les plus difficiles. Organiser la démission de l'Etat au profit des collectivités locales, ce serait aggraver le problème en créant des inégalités. Le Gouvernement considère que la sûreté est un droit pour tous, nous ne voulons pas d'une France à deux vitesses. C'est en effet sur le terrain de l'insécurité que prospère certaine idéologie délétère, et combattre l'insécurité de manière efficace, c'est la meilleure façon d'éviter cette dérive.

Contrairement à ce qu'assurent certaines critiques péremptoires, le redéploiement a déjà commencé, avec l'affectation de 80 % des adjoints de sécurité dans les 26 départements les plus sensibles. Dès avril dernier, les moyens des services ont été redistribués. Hier, le conseil de sécurité intérieure a affecté des moyens supplémentaires à certains commissariats, et le redéploiement sera poursuivi avec opiniâtreté, mais dans un esprit de dialogue. Affecter les moyens là où des besoins se manifestent, c'est un principe indiscutable, même s'il faut surmonter quelques réticences et inerties. La volonté du Gouvernement est d'associer tous les partenaires locaux, à commencer par les maires, à la politique de sécurité. C'est le sens de la mise en place des contrats locaux de sécurité : plus de 190 ont été signés et 400 autres sont en cours d'élaboration. Ces contrats permettent d'établir un diagnostic approfondi et de définir les priorités d'action en matière de prévention, de répression, d'aide aux victimes, de médiation pénale, d'enregistrement des plaintes, d'urbanisme etc. Votre implication active, en tant qu'élus locaux, dans cette démarche en prouve la pertinence.

La création d'une police municipale peut être l'une des contributions d'une commune à l'action globale en faveur de la sécurité. Ce n'est pas la seule et elle doit rester facultative. L'emploi des polices municipales doit être articulé de façon intelligente avec l'effort collectif pour rendre nos villes plus sûres. Mais je rappelle que si nous voulons éviter une France à plusieurs vitesses, l'Etat doit rester, en dernier ressort, le garant d'une bonne répartition et coordination des moyens.

Le projet de loi vise d'abord à préciser les prérogatives et attributions des polices municipales ; il étend leurs compétences, dans le domaine de la sécurité routière notamment. Afin d'assurer une bonne complémentarité des tâches avec la gendarmerie et la police nationale, le texte prévoit que le maire et le préfet édicteront, après avis du procureur de la République, un document de coordination précisant la nature et les lieux d'intervention respectifs. Votre commission a proposé qu'on parle désormais de "convention" de coordination et non plus de "règlement" de coordination. Je n'y vois pas d'obstacle.

Le deuxième objectif du projet est de réglementer les conditions d'intervention des polices municipales et les moyens qu'elles peuvent utiliser, notamment les armes. Celles-ci doivent être proportionnées à leurs missions. Lors du débat en première lecture j'ai accepté qu'on adjoigne aux armes de 6ème catégorie celles de 4ème catégorie, c'est-à-dire les armes défensives.

Pour éviter toute confusion avec la police nationale, la carte professionnelle, l'uniforme et la signalisation des véhicules devront être semblables dans toutes les communes. Mais je suis d'accord pour allonger un peu le délai de mise en conformité à cette règle.

Le troisième objectif, consiste à assurer un meilleur contrôle des polices municipales : le texte prévoit un code de déontologie. Le fonctionnement de ces services pourra être soumis à un contrôle à l'initiative du maire, du préfet ou du procureur de la République.

Enfin, le projet contient des dispositions statutaires améliorant la situation des personnels. Il a été voté en des termes différents par l'Assemblée et le Sénat mais les convergences me paraissent au total plus importantes que les désaccords.

Il ne paraît pas opportun de chercher systématiquement à revenir au texte de l'Assemblée. Ainsi, comme je l'ai dit, je suis prêt à retenir l'appellation de "convention de coordination", de même que la consultation de la commission consultative des polices municipales sur le projet de code de déontologie. La modification de l'article 62-1 du code de procédure pénale, permettant l'élection de domicile au commissariat ou à la brigade de gendarmerie des personnes chargées de missions de police judiciaire, dont les agents de police municipale, me paraît être une initiative opportune. Sur plusieurs dispositions, le Sénat s'est rapproché de la rédaction initiale du projet de loi et il me paraît important de ne pas trop s'en éloigner. Bref, le travail parlementaire constructif qui a été fait, doit permettre que la loi future soit comprise de tous. Bien sûr, les différences demeurent : je souhaite qu'elles puissent être réduites, même si c'est à la volonté de l'Assemblée nationale de s'exprimer.

Je n'ai pas souhaité mêler à ce projet de loi des dispositions ne concernant pas directement les agents de police municipale, mais, par exemple, les gardes champêtres qui relèvent d'ailleurs de la compétence du ministère de l'agriculture. Je m'interroge sur l'amendement voté par le Sénat concernant certains agents de la ville de Paris. Je conçois que les agents des parcs et jardins puissent dresser des procès-verbaux pour manquements au règlement de ces lieux, mais je ne vois pas très bien comment aller au-delà. Mais peut-être une solution de compromis peut-elle être trouvée.

Le Gouvernement a, pour sa part, aussi, souhaité profiter de la présente lecture pour accélérer la mise en place d'un dispositif propre aux entreprises de transports, où les violences augmentent. Il s'agit de donner aux contrôleurs la possibilité de relever l'identité des contrevenants, dans les mêmes conditions que les agents de police municipale. Cette mesure, retenue par l'avant-dernier conseil de sécurité intérieure, doit pouvoir être appliquée rapidement.

La bonne tenue de ce débat doit permettre que ce texte sur les polices municipales, souhaité par toutes les majorités depuis plus de dix ans, voie le jour dans les meilleurs délais. A l'avance, je vous en remercie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jacky Darne, rapporteur de la commission des lois - Ce débat a lieu au lendemain d'une réunion du conseil de sécurité intérieure et après de longs débats sur les statistiques de la délinquance et les violences survenues dans plusieurs villes.

Si le dossier de la police municipale n'est pas au centre de la réflexion, il en est néanmoins l'un des éléments. Il conduit à s'interroger sur le rôle de l'Etat en matière de sécurité, sur un monopole théorique et le nécessaire partenariat, sur le partage de fait des responsabilités avec de nombreux acteurs : sociétés de surveillance privées, services de sécurité privés, gardiens d'immeubles et de parkings, agents des transports en commun, associations de prévention et de réinsertion interviennent également, mais pas toujours en coordination avec les forces de l'ordre.

Comment coordonner ces actions ? C'est d'autant plus difficile que depuis le rapport Bonnemaison de 1982 notre pays a choisi une démarche conjuguant prévention et répression sans les opposer. Ce choix n'est pas toujours facile à mettre en oeuvre.

Certains envisagent des évolutions profondes de l'organisation de notre système policier. Ainsi M. Sebastian Roché, sociologue réputé pour ses travaux sur la sécurité, souhaitait, dans un article publié en début de semaine, une décentralisation de la police nationale, qui serait donc municipalisée.

Depuis 30 ans revient la question de la place de l'Etat, de ce qui peut être décentralisé ou privatisé, de ce qui ne doit pas l'être. Ce n'est pas à nous qu'on peut reprocher de ne pas être assez décentralisateurs. De 1982 à 1992, qui a appliqué cette décentralisation ? Et qui proposera, la semaine prochaine, une loi qui affermira le pouvoir local en renforçant et simplifiant la coopération intercommunale ?

Mais, pour autant, faut-il décentraliser la défense nationale, la justice, l'ordre public, la fiscalité ou la protection sociale ?

Non ! Il faut adapter et contractualiser. Les ministres de l'intérieur, du début du XIXème siècle au milieu de celui-ci, ont toujours dit leur besoin d'une police nationale unifiée. Celui de 1874 déclarait : "De tous les services publics, celui qui a le plus besoin de centralisation, pour répondre complètement à l'objet en vue duquel il a été institué, c'est celui de la sécurité". De Marin en 1923 à Chautemps et Sarraut en 1934, tous ont voulu corriger les défauts d'une police émiettée et municipalisée, pour en faire un service centralisé et national, voyant là une condition d'efficacité, de respect des libertés publiques et privées, d'égalité de tous devant la sécurité.

Mais il y a aussi besoin de proximité, de contrat local, de coordination entre l'approche de l'Etat et celle du local. Ce texte marque, à cet égard, un progrès attendu. Jusqu'à présent, les policiers municipaux n'avaient pas de statut ; il convient de leur accorder les droits qu'ils n'ont pas, pour donner des contraventions, routières notamment, pour mieux faire appliquer, aussi, les arrêtés du maire. Ce texte est un pas vers la modernisation de notre système de sécurité.

Les travaux du Sénat ont été utiles. Il approuve le principe même de la réglementation de ces polices municipales. De multiples propositions de loi ont d'ailleurs été déposées, qui répondaient au même souci. Nous retiendrons donc certaines dispositions du Sénat même si on ne peut le suivre lorsqu'il modifie à l'excès le projet de loi. Nous le suivrons lorsque, soucieux de confirmer le partenariat entre maire et préfet, il propose qu'une convention de coordination règle les rapports entre l'Etat et les communes. Mais il faut aussi qu'il y ait un décideur en dernier ressort et, contrairement à ce que propose la Haute assemblée, il n'est pas bon que le maire puisse imposer son veto. Le dernier mot doit rester au préfet qui, alors, édicte un règlement.

Nous retenons aussi la proposition du Sénat de ne rendre obligatoire la convention de coordination qu'à partir d'un effectif de cinq -et non de trois. Nous divergeons aussi d'avec les sénateurs sur les conditions de nomination des agents : le procureur de la République, mais aussi le préfet, doivent donner leur agrément. La commission consultative des polices municipales pourra être consultée sur le code de déontologie à élaborer. Il nous paraît aussi plus sage d'affirmer le principe du non armement, sauf lorsque les circonstances le rendent nécessaire. Les tenues devront être harmonisées car il est important que la population distingue policiers municipaux et nationaux. La commission consultative, composée d'un tiers de maires, pourra choisir des tenues satisfaisantes pour tous.

Le Sénat évoque une question, encore non résolue et sur laquelle j'aimerais, Monsieur le ministre, que vos services et le Parlement travaillent ensemble : la sécurité et l'intercommunalité. Aujourd'hui la police municipale est sous l'autorité du maire et le président d'un groupement de communes n'a pas de pouvoir de police. Cela pose des problèmes, en matière de transport et d'équipements culturels ou sportifs par exemple. Le texte apporte quelques éléments de réponse lorsqu'il prévoit des prêts possibles et temporaires de personnel en cas d'afflux passager de population. Mais c'est insuffisant.

Du Sénat nous retiendrons certaines autres propositions sur les contrôles d'identité, sur le récépissé qui peut apparaître comme inutilement compliqué.

Parmi les dispositions statutaires, le Sénat avait retenu la possibilité pour les fonctionnaires de police de bénéficier de bonifications pour faire valoir leurs droits à la retraite. Il ne nous semble pas opportun de leur donner un avantage dont d'autres catégories de personnels municipaux pourraient demander la généralisation.

Ce texte permettra au maire d'exercer enfin efficacement ses pouvoirs. Il disposera de policiers municipaux reconnus, aux compétences précises. Le projet donne aussi au citoyen toute garantie quant aux libertés publiques puisqu'il encadre les pouvoirs de ces policiers. A ceux-ci, il donne un statut et une reconnaissance qu'ils attendent et méritent, d'autant que leur mission est particulièrement difficile. A cette occasion, je veux leur rendre hommage en la personne du policier municipal roué de coups ce week-end, alors qu'il surveillait un parking dans une station de sports d'hiver de l'Isère... Ce texte leur donnera satisfaction en même temps qu'il donnera à l'Etat les moyens de coordonner son action avec celle des collectivités locales (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe RPR une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Christian Estrosi - Cette question préalable a un objectif singulier et, j'en conviens, inhabituel, Monsieur le ministre, puisqu'elle tend à vous aider à mettre en conformité vos paroles et vos actes, à vous aider à faire taire cette "gaugauche" comme l'a baptisée Georges Sarre, qui ne cesse de caricaturer votre démarche ; vous aider à faire réellement de la sécurité une priorité nationale.

Bref, Monsieur le ministre, nous souhaitons vous aider à rejeter ce texte qui ne reflète pas votre pensée ni ne correspond à ce que vous espérez.

Notre aide vous est plus que jamais nécessaire après le camouflet que vous a infligé hier le Premier ministre lors du Conseil de sécurité intérieure (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Daniel Marcovitch - Vous parvenez à faire rire le ministre de l'intérieur. Soyez donc sérieux !

M. Christian Estrosi - Vous y avez été désavoué et la satisfaction des Verts au lendemain de ce conseil en apporte le meilleur témoignage.

Hier, ceux qui pensent que c'est la société qui crée l'insécurité, et non les délinquants et les criminels, ont été entendus. Hier, ce sont les idées de Mme Guigou qui l'ont emporté. Elle qui affirmait dimanche soir, après son passage à l'émission "Public" : "Chevènement dit ce qu'il veut. Notre divergence, au fond, c'est que moi je ne pense pas qu'on puisse entrer dans le XXIème siècle avec les idées du XIXème". Hier, une nouvelle fois les tenants de la seule prévention l'ont emporté.

Ce plan est ridiculement vide et délibérément trompeur.

Le Premier ministre nous annonce 7 000 agents supplémentaires dans les cités. Il oublie simplement de souligner que ce ne seront pas des policiers ou des gendarmes supplémentaires mais des agents redéployés. Vous allez donc les enlever de zones, où, grâce à leur présence, la délinquance était moindre. Votre politique de sécurité consiste simplement à déshabiller Pierre pour habiller Paul !

Dans le même esprit, les mesures visant à responsabiliser, par la sanction, les familles de jeunes délinquants, que vous prôniez avec lucidité, sont abandonnées. Enfin, les fameux CPI s'apparentent davantage à de sympathiques centres de loisirs pour délinquants qu'aux structures de sanction et de redressement dont notre pays a besoin.

Tout cela traduit l'irresponsabilité du Premier ministre qui refuse de s'attaquer véritablement aux problèmes de sécurité dans notre pays...

M. Patrice Carvalho - Et vous, qu'avez-vous fait ?

M. Christian Estrosi - ...C'est une erreur et une faute.

Monsieur le ministre, comme nous, vous constatez le caractère désormais insupportable de l'insécurité en France. Comme nous, vous réclamez que la répression et la sanction s'appliquent enfin avec la force nécessaire. Comme nous, vous ne pouvez donc que désapprouver ce projet qui, en affaiblissant les polices municipales, fragilise un maillon essentiel de la chaîne sécuritaire en France.

A bien des égards, ce débat est surréaliste. La délinquance générale a crû de 2 % au cours de l'année 1998. 3 493 442 crimes et délits en 1997. 26 000 faits de violence urbaine en 1998, soit 10 000 de plus qu'en 1997. En un an, la violence urbaine a explosé statistiquement de plus de 60 % !

Symbole terrifiant de cette dégradation, 8 000 véhicules ont été détruits l'an dernier, 2 300 actes de violence ont eu lieu par jet de pierres. De jeunes caïds signent "Intifada" sur les murs.

M. Patrice Carvalho - Les ghettos, c'est vous !

M. Christian Estrosi - En jetant des pierres, les jeunes Palestiniens ont le sentiment de défendre un territoire national contre l'occupant. Ces jeunes caïds dans nos cités voudraient-ils défendre leur territoire national contre les occupants qui seraient les forces de l'ordre ?

Ces chiffres sortent directement d'un rapport de la direction centrale des Renseignements généraux. Il dresse un constat accablant et parle de bandes armées bien structurées de plus de cinquante individus.

M. Patrick Lemasle - Qu'a fait Debré ?

M. Christian Estrosi - Parallèlement, M. Bauer -un scientifique reconnu- a accompli un remarquable travail qui permet pour la première fois de connaître les moyens policiers réellement disponibles. Sur 113 000 fonctionnaires, 5 000 sont en permanence sur la voie publique pour 456 circonscriptions de sécurité publique en métropole. Comment ne pas faire le lien entre les constatations des Renseignements généraux et les conclusions de M. Bauer ?

Nous manquons cruellement de policiers dans la rue. Ils effectuent pourtant un travail remarquable et je veux leur rendre un vibrant hommage pour leur courage au quotidien. La police mérite d'être soutenue et non pas jetée en pâture dès que survient le moindre incident.

M. le Ministre - Je m'étonne de vous entendre faire l'éloge de M. Bauer, dont vous dites qu'il est un scientifique reconnu. Je vous laisse la responsabilité de cette appréciation -puis, dans la foulée, de rendre hommage à la police nationale. Il y a là une contradiction. Accordez moins de foi au rapport Bauer et rendez hommage, bien sûr, à la police nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Christian Estrosi - Le rapport Bauer ne critique pas la police nationale, mais l'usage que vous en faites et qui exaspère les policiers.

M. Daniel Marcovitch - Ce sont les chiffres de 1996 !

M. Christian Estrosi - 60 % d'augmentation de la violence urbaine en 1998, c'est du jamais vu.

Le recours à la force est toujours un constat d'échec. Mais la police ne fait qu'exprimer le monopole de la contrainte légitime qu'exerce l'Etat, selon la formule de Max Weber.

Dans un contexte aussi préoccupant, comment peut-on tenter d'affaiblir les polices municipales, dispositif essentiel de lutte contre l'insécurité, comme le Gouvernement souhaite le faire ? Ce n'est pas raisonnable, c'est même irrationnel : certains de vos amis n'ont pas rompu avec les idéologies de leur jeunesse. Certes, ceux qui affirmaient hier qu'il est interdit d'interdire, sont devenus des notables, protégés par les mêmes CRS sur lesquels ils jetaient auparavant des pavés.

M. Patrick Lemasle - Chirac !

M. Christian Estrosi - Certes, quelques un de vos collègues, comme Mme Aubry, considèrent encore que la délinquance est souvent le fruit de l'injustice. Certes, vos récents propos vous font apparaître dans certains cénacles de cette gauche caviar comme un dangereux fasciste.

Mais nous sommes déçus que vous ayez cédé à la pression de ces idéologies ringardes et pernicieuses. Nous vous demandons d'écouter les Français. Selon la Déclaration des droits de l'homme de 1789, la sécurité est un droit ; elle est sans doute la première des libertés.

82 % des Français pensent que la violence a atteint un niveau intolérable. Il est du devoir d'un gouvernement responsable d'entendre ce cri d'alarme. Les Français sont ulcérés par cette violence quotidienne...

M. Patrice Carvalho - Le chômage, c'est vous qui en êtes responsables !

M. Christian Estrosi - Ils ne comprennent donc pas pourquoi vous souhaitez démanteler leur police municipale, cette police de proximité, qui a fait la preuve de son efficacité.

Que lui reproche-ton aujourd'hui ? Dans ses fantasmes, cette gauche bien pensante qui ne vous aime pas, Monsieur le ministre, parle de garde prétorienne, de police politique à la solde des maires ; certains dans un délire préoccupant évoquent même les milices.

Disponibilité, présence sur le terrain, efficacité, rigueur, caractérisent au contraire les polices municipales. Les bavures sont pratiquement inexistantes. Ces critiques, malveillantes sont infondées. Non, ce n'est vraiment pas le moment de toucher aux polices municipales. Notre sécurité dépend de l'étroite collaboration de la police nationale, de la gendarmerie, de la police municipale.

En désarmant les policiers municipaux, vous désarmez un peu plus l'Etat, et vous démentez le discours de fermeté qu'il faut tenir face à l'inexorable montée de la délinquance.

Le Premier ministre annonce pour tout programme contre la délinquance dans les transports que le Gouvernement autorisera désormais les conducteurs de bus à demander aux voyageurs leurs pièces d'identité, et dans le même temps, vous refusez cette prérogative aux polices municipales. Où est la logique ?

Avec le règlement de coordination, vous mettez la police municipale sous la tutelle des préfets. Le Gouvernement limite le pouvoir des maires élus au profit de ses représentants nommés. Les préfets dirigent, mais les communes paient ! C'est le retour du jacobinisme, une remise en cause de la décentralisation.

Et qui va assurer le travail effectué par la police municipale entre 23 heures et 6 heures, surtout pendant les quelques mois nécessaire à l'élaboration des règlements de coordination ? Il y aura carence.

Les policiers municipaux seront des agents de police judiciaire adjoints placés sous la surveillance du procureur général et sous la direction du procureur de la République. Ils rendront compte des infractions au maire, mais surtout aux officiers de police judiciaire qui transmettront directement les rapports et procès-verbaux au procureur de la République.

Cela en dit long sur votre volonté de centralisation, aussi déplacée que votre volonté de désarmer nos policiers municipaux, ce qu'ils ressentiront comme une "mutilation". Vous voulez en faire de simples agents verbalisateurs, des demi-policiers. Pourtant les polices municipales ont comblé, hier, les carences de l'Etat en matière de sécurité.

Le projet ne répond pas aux préoccupations des Français.

Pour débattre d'un tel sujet, il nous aurait fallu répondre à ces questions simples : l'Etat, le gouvernement de Lionel Jospin, assurent-ils la sécurité des personnes et des biens ? L'organisation de la police nationale et de la gendarmerie répond-elle aux problèmes de sécurité ? Les nouvelles mesures d'ouverture des frontières s'accompagnent-elles des moyens nécessaires ? Enfin, la justice peut-elle répondre aux attentes des Français alors que vous venez de restreindre encore la détention préventive ?

Non, mille fois non !! Il n'y a donc pas lieu de délibérer sur ce texte et j'invite l'Assemblée à voter la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Louis Mexandeau - Sûrement pas !

M. le Ministre - Je connais mes propositions mieux que M. Estrosi et j'engage l'Assemblée nationale à repousser cette question préalable qui n'a pas lieu d'être.

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Christophe Caresche - M. Estrosi a surtout fait un commentaire. J'aurais aimé l'entendre développer la conception qu'a l'opposition de la police municipale. Une partie de l'opposition a proposé ces derniers jours le démantèlement de la police nationale. M. Leonetti a écrit un article dans ce sens.

M. Estrosi propose-t-il, avec M. Léonetti, la substitution de la police municipale à la police nationale ? C'est l'enjeu du débat de ce soir.

M. Jean-Antoine Léonetti - Je vous invite à bien lire : l'article paru aujourd'hui parle de l'équilibre entre police municipale et police d'Etat et des pouvoirs de police du maire, pas du démantèlement de la police nationale. Il faut se garder des caricatures. Le ministre, qui garde un ton modéré, retient certaines propositions du Sénat et le rapporteur, dans des moments de sagesse, parle de décentralisation. Nos propositions ne sont donc pas si iconoclastes !

Par solidarité, l'UDF votera la motion proposée par M. Estrosi. Mais je voudrais surtout rappeler que lorsque le budget communal est voté, il inclut toutes les dispositions concernant la police municipale. Quand le premier ministre, lui, évoque des mesures en faveur de la police nationale, il ajoute que les solutions budgétaires seront trouvées le moment venu ! Si le maire procédait ainsi, le préfet viendrait le taxer d'irresponsabilité ! Peut-être faut-il montrer plus de vigilance vis-à-vis de l'Etat.

M. Patrick Delnatte - Cette deuxième lecture intervient après une série d'événements qui ont bouleversé le paysage institutionnel dans ce domaine, notamment l'appel du Président de la République.

Ce texte mi-chèvre mi-chou ne donne satisfaction ni aux maires, ni aux usagers, ni aux policiers municipaux. Il ne répond pas aux problèmes actuels, c'est pourquoi le RPR soutient cette motion.

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 35.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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