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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 58ème jour de séance, 147ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 2 FÉVRIER 1999

PRÉSIDENCE DE M. Laurent FABIUS

          SOMMAIRE :

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 1

    FINANCEMENT DES MESURES DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE 1

    FONCTIONNAIRES DE FRANCE TÉLÉCOM 2

    PARITÉ HOMMES-FEMMES 3

    VIOLENCES À L'ÉCOLE 3

    VÉHICULES FONCTIONNANT AU GPL 4

    DÉLINQUANCE DES MINEURS 5

    VICTIMES DE L'AMIANTE 5

    DÉLINQUANCE DES MINEURS 6

    UN TON NOUVEAU À DAVOS 6

    APPLICATION DES DISPOSITIONS DE LA LOI DE LUTTE CONTRE LES EXCLUSIONS RELATIVES AU LOGEMENT SOCIAL 7

    CONFÉRENCE DE RAMBOUILLET 8

    INSÉCURITÉ 8

    POLITIQUE FAMILIALE 9

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE (suite) 9

    ART. 15 (suite) 9

    APRÈS L'ART. 15 10

    ART. 16 16

La séance est ouverte à quinze heures.


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DÉCÈS D'UN DÉPUTÉ

M. le Président - Nous avons appris ce matin avec beaucoup de tristesse le décès de notre collègue et ami, Michel Pericard. Bien entendu, nous lui rendrons hommage d'ici quelques semaines comme c'est la tradition, mais je voulais, sans attendre, dire à sa famille, à son groupe, à ses amis l'estime que nous avions tous pour Michel Pericard, qui était un grand député, qui adorait son pays, qui aimait le journalisme et qui avait un respect profond pour cette maison. Nous pensons beaucoup à lui.

(Mmes et MM. les députés et membres du Gouvernement observent, debout, une minute de silence).


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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

FINANCEMENT DES MESURES DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE

M. Pierre Albertini - Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, qui arrive à l'instant même, et elle concerne le financement des mesures annoncées la semaine dernière après le Conseil de sécurité intérieure.

L'opinion a suivi avec attention l'évolution des réflexions du Gouvernement sur la sécurité, et tout spécialement sur l'évolution préoccupante de la délinquance des jeunes. Aussi nos concitoyens attendaient-ils impatiemment l'annonce des mesures décidées mercredi par le Conseil de sécurité intérieure. Les images diffusées par les télévisions donnaient l'impression d'un savant dosage entre vos ministres, mais dans cette scène manquait un des principaux personnages, le ministre des finances, car ces mesures vont entraîner un coût supplémentaire important.

Vous avez annoncé la création de 50 centres de placement, dont 15 dès 1999, et de 77 centres éducatifs renforcés d'ici 2001 : comment sera-t-elle financée ?

Vous avez également annoncé le redéploiement de 7 000 policiers et gendarmes dans les 26 départements les plus touchés par la délinquance, dont le mien. Comment allez-vous opérer ce redéploiement alors que vous avez annoncé, il y a quelques semaines, le report du plan global en ce sens ?

La sécurité est une affaire trop grande, avez-vous dit, elle doit échapper à la polémique. Naturellement, mais cette préoccupation doit se traduire en actes.

Comment allez-vous financer et mettre en oeuvre toutes les mesures annoncées et dont les Français attendent qu'elles améliorent leur sécurité quotidienne, vingt mois après l'installation de votre gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Tout d'abord je voudrais associer le Gouvernement au premier hommage que vous avez rendu à votre collègue Michel Pericard, qui vient de décéder. C'était un homme qui marqua non seulement les médias, mais la vie politique française, grâce à sa grande force de conviction.

Monsieur Albertini, il vous est arrivé à tous, lorsque vous gouverniez, d'avoir, face à l'actualité, à prendre des décisions nouvelles, alors que le budget était déjà voté et le nombre de postes de fonctionnaires fixé.

C'est ce que nous venons de faire. J'ai rencontré ce matin le Ministre de l'intérieur et la Garde des Sceaux et nous avons examiné ensemble les modalités de mise en oeuvre de ce programme. Nous avons, par exemple, décidé d'organiser un concours exceptionnel de recrutement d'éducateurs en 1999. Comme il convient, bien entendu, d'observer toutes les règles relatives à la fonction publique, l'organisation de ce concours prendra quelques mois.

Dans tous les domaines, nous analysons les conséquences des décisions prises et les mettons en oeuvre.

En ce qui concerne le financement, il sera opéré par redéploiement dans certains cas, par création de moyens supplémentaires dans d'autres cas et nous utiliserons les moyens législatifs classiques pour traduire cela en actes, méthodiquement et progressivement. Si vous nous interpellez dans quelques mois, nous vous rendrons compte des avancées opérées. Nous ne nous contentons pas de proclamations (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

FONCTIONNAIRES DE FRANCE TÉLÉCOM

M. Roland Carraz - Je voudrais interroger le Gouvernement sur le sort des agents de France Télécom qui, en 1993, ont choisi de conserver le statut de fonctionnaire, avec possibilité d'option pendant cinq ans. Cette possibilité a été prorogée d'un an en 1998 mais ce délai expire dans quelques semaines, d'où mes questions.

Combien d'agents de France Télécom sont aujourd'hui dans ce cas ? Quelles propositions le Gouvernement entend-il leur faire pour qu'ils puissent continuer d'exercer dans le service public ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe socialiste)

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - France Télécom a pris les dispositions nécessaires, à la demande du Gouvernement et en concertation avec les syndicats, pour permettre à ses agents de bénéficier d'un détachement. Mille agents environ ont souhaité profiter de cette possibilité. Un correspondant "mobilité" a été nommé dans chaque région pour rencontrer les candidats et contacter les différentes administrations au niveau local. Dans tous les cas, les fonctionnaires de France Télécom sont détachés dans les mêmes conditions que les autres fonctionnaires, à partir de leur grade d'origine.

L'intégration dans un autre corps ne peut intervenir qu'après une période de détachement. Le décret du 30 décembre 1997 a permis aux agents de France Télécom et de la Poste qui ont conservé leur grade de reclassement de bénéficier d'une prorogation du délai d'option. Plus de cent personnes en ont bénéficié en 1998. Une fois ce délai passé, les fonctionnaires qui auront conservé leur grade de reclassement demeureront soumis aux titres I et II du statut général des fonctionnaires, au même titre que les fonctionnaires ayant opté pour les corps de classification.

Par ailleurs, un congé de fin de carrière est prévu par la loi du 26 juillet 1996 relative à France Télécom. Les fonctionnaires de France Télécom âgés d'au moins 55 ans et ayant accompli au moins 25 ans de service chez l'opérateur ou à la Poste peuvent bénéficier d'une "préretraite" en percevant une rémunération égale à 70 % de leur rémunération d'activité complète.

L'ensemble des personnels de France Télécom, je le sais, est mobilisé pour le succès des technologies françaises de télécommunications (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

PARITÉ HOMMES-FEMMES

M. Yves Cochet - Monsieur le Premier ministre, depuis qu'en 1982 le Conseil constitutionnel a annulé la loi instituant des quotas entre hommes et femmes, seize ans se sont écoulés avant que soit proposée une révision constitutionnelle somme toute modeste -elle est destinée à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions et aux mandats, alors que le préambule de la Constitution pose le principe de l'égalité entre hommes et femmes.

Depuis seize ans donc, nous n'avons connu presqu'aucun progrès. La loi Roudy a été peu ou pas appliquée, "pas du tout", me dit Mme Roudy. Sans doute des manifestations féministes ont-elles eu lieu, et même, en 1995, l'ONU a organisé une grande conférence sur les droits de la femme, mais au Parlement, et dans l'ensemble des fonctions, les femmes ne sont pas plus nombreuses aujourd'hui qu'en 1982 (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

Il est donc indispensable de faire quelque chose. Un débat s'est engagé sur les rapports entre parité et universalité. Non, la parité n'ouvre pas une brèche communautariste, elle représente une avancée de l'universalité. Les femmes, tout comme les hommes, ne constituent pas une catégorie particulière, elles sont la moitié de l'humanité (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

Alors que le Sénat est en mesure de bloquer la réforme constitutionnelle, au point que le Congrès pourrait avorter, le Gouvernement doit prendre une initiative. En cas de blocage, les articles 11 ou 89 de la Constitution vous permettent de proposer au chef de l'Etat un référendum. Le ferez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste)

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Le Sénat a profondément bouleversé le texte que vous aviez adopté à l'unanimité, tous groupes politiques confondus (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste). Le Sénat refuse de modifier l'article 3 de la Constitution, pour atteindre l'objectif de la parité. Je suis attachée, et le Gouvernement avec moi, pour des raisons symboliques et politiques, à ce que ce soit l'article 3 qui fasse l'objet de la réforme constitutionnelle. Le Sénat, lui, a choisi de modifier l'article 4 et donc de s'en remettre aux partis politiques. Ainsi, paradoxalement, il empêche le législateur de prendre ses responsabilités, et tout en admettant que les partis sont responsables de la sous-représentation des femmes, il veut s'en remettre à eux (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Oui ou non, le Sénat est-il prêt à accepter la réforme constitutionnelle ? L'argument de l'universalité, vous l'avez dit, est un peu facile. Depuis deux siècles, ce principe s'est accommodé d'une domination des hommes presque sans partage dans la vie publique. Qui s'en est ému ? Les femmes, rappelons-le ne sont pas une catégorie, elles sont la moitié de l'humanité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

Le Gouvernement souhaite que l'article 3 soit révisé, et donc que le Sénat évolue. Sinon, la réforme sera bloquée du fait de la décision du Conseil constitutionnel de 1982, et aussi de celle qu'il a rendue le 14 janvier dernier. Le Sénat, je le crois, peut changer de position. De nombreux sénateurs ne sont ni fiers ni satisfaits de la décision de leur majorité. Le projet reviendra ici le 16 février, et retournera au Sénat le 4 mars. Mettons ce temps à profit pour faire en sorte que la réforme passe avec l'aval des deux assemblées (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

VIOLENCES À L'ÉCOLE

M. Robert Pandraud - Monsieur le Premier ministre, nous avons tous connu le temps des établissements scolaires sanctuarisés, dans la tradition de la République. Or, depuis dix ans, nos écoles sont malades, depuis trois ans elles sont, je crois, moribondes. En Ile-de-France, certaines sont en état de coma dépassé (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Les violences se multiplient. Les élèves qui veulent travailler, les enseignants et les parents sont agressés.

M. Christian Bataille - Qu'avez-vous fait ?

M. Robert Pandraud - Forts de leur impunité, des "sauvageons", petits récidivistes, au sens judiciaire, et apatrides culturellement (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), sévissent.

Comment rétablir la discipline, alors que les chefs d'établissement, faute d'instructions et de directives précises, et parfois victimes d'un acharnement judiciaire, sont démotivés et découragés ? Comment les collectivités locales peuvent-elles assurer l'entretien et la modernisation des établissements, face à d'incessantes dégradations ? Comment restaurer l'autorité quand toute manifestation dans ce sens suscite des oppositions indignées ? Lorsque, face à des jeunes qui ne veulent pas s'intégrer, certains maîtres en viennent à préférer la marche à pied plutôt que de faire cours, l'anarchie n'est pas loin. Si vous ne voulez pas sacrifier toute une génération, comment comptez-vous assurer la prochaine rentrée scolaire dans l'ordre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - Comme vous, le Gouvernement est préoccupé par la montée de la violence et par ses répercussions sur la vie scolaire. Après d'autres, mais d'une façon que nous espérons efficace, nous nous attaquons à ce problème. L'an dernier, un premier plan de lutte contre la violence à l'école a obtenu dans certaines zones des résultats positifs (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Le Conseil de sécurité intérieure a décidé d'accentuer l'effort, en particulier dans les secteurs les plus dangereux, qui sont tout de même une minorité d'établissements, mais qu'il faut traiter avec détermination. Nous avons décidé de renforcer la surveillance à l'extérieur des écoles. Avec la Garde des Sceaux, nous avons pris des mesures strictes pour réprimer les agressions contre les enseignants. Le rétablissement de la discipline passe par là. Contrairement à la pratique précédente, pour chaque agression contre un enseignant, le ministère de l'éducation nationale se portera partie civile.

La violence à l'école s'explique pour partie par la dilution de certains programmes pédagogiques, qui ne cherchent pas assez à recentrer l'école sur l'apprentissage des valeurs de la République. C'est pourquoi l'instruction civique devra être enseignée jusqu'au baccalauréat. Désormais, une épreuve d'instruction civique sera obligatoire dans les IUFM et à certains examens (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL). Il faut que l'instruction civique et la morale soient enseignées à nouveau dans nos établissements (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Cependant le combat ne se mène pas seulement à l'école. Le Gouvernement prend des mesures plus larges. Si nous coopérons tous ensemble, la violence reculera (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

VÉHICULES FONCTIONNANT AU GPL

M. Jacques Pélissard - Madame la ministre de l'environnement, pour vous, l'écologie consiste à refuser certaines infrastructures autoroutières, l'énergie nucléaire, le diesel. Sur ces points, nous ne sommes pas d'accord. Mais nous sommes tous d'accord pour améliorer la propreté des carburants et la qualité de l'air. Or vous vous apprêtez à annuler la réglementation appelant l'attention des usagers sur certains risques liés à l'emploi du GPL.

Jeudi prochain, les pompiers défileront en signe de solidarité avec leurs collègues gravement blessés par l'explosion d'une voiture fonctionnant au GPL, dans le cadre d'une véritable guérilla urbaine.

Je tiens à exprimer toute notre solidarité à l'égard de ces soldats du feu.

Sans esprit de polémique (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), le GPL est-il ou non un carburant sûr ? Comment éviter qu'un si grave accident se renouvelle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - Sans esprit polémique non plus, je vous réponds que je n'aurais jamais renoncé à une mesure de sécurité pour promouvoir le GPL. L'interdiction des parkings souterrains aux véhicules fonctionnant avec ce carburant a été levée en 1987, au vu de l'expérience de nombreux pays, comme les Pays-Bas où 8 % des véhicules utilisent le GPL. Seule la sécurité des parkings de plus de 250 places fait partie de mes attributions, mais je puis vous préciser, au nom de mon collègue chargé de l'équipement et des transports, que sept accidents seulement ont été recensés depuis 1986, et qu'il n'y avait eu aucune victime jusqu'à celui de Vénissieux, dû à l'explosion du réservoir. Ce drame nous renforce dans notre volonté de transcrire en droit français le règlement communautaire améliorant la sécurité des véhicules roulant au GPL (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

DÉLINQUANCE DES MINEURS

M. Gérard Hamel - Il était temps, Monsieur le Premier ministre, que vous vous intéressiez au fléau de la délinquance ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Combien aura-t-il fallu d'interventions de députés de l'opposition, accusés au passage de faire le lit de l'extrême-droite, pour que vous vous décidiez enfin ! (Mêmes mouvements) L'annonce de moyens et de personnels supplémentaires à l'issue du dernier Conseil de sécurité intérieure ne peut que nous réjouir, même si les financements ne sont pas précisés et si les mesures proposées doivent s'étager dans le temps. L'éloignement de certains mineurs multirécidivistes est enfin considéré comme une mesure de bon sens, alors que vous l'aviez très durement critiquée en 1995, lorsque je l'avais proposée (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) -mais le bon sens finit toujours par l'emporter...

Je regrette cependant que vous ayez arbitré en faveur de la Garde des Sceaux contre le Ministre de l'intérieur, car cela vous amène à passer à côté d'actions concrètes et efficaces qui pourraient être conduites rapidement. Vous ne proposez rien, par exemple, pour relayer les initiatives des maires qui ont pris des arrêtés limitant la circulation nocturne des jeunes non accompagnés, ni pour responsabiliser les parents en mettant sous tutelle ou en suspendant, le cas échéant, les allocations familiales. Plus grave, vous oubliez totalement les victimes : pas un mot, pas une mesure en leur faveur ! Faudra-t-il attendre une nouvelle cérémonie de voeux pour que vous réunissiez un nouveau conseil de sécurité intérieure et adoptiez des mesures efficaces et de bon sens ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Enfin, l'Eure-et-Loir, qui figure parmi les 26 départements classés "sensibles", bénéficiera-t-il de moyens adaptés et, si oui, lesquels et dans quel délai ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Le Premier ministre a rappelé tout à l'heure les mesures arrêtées, qui seront, n'en doutez pas, financées. Pour ce qui est de celles que vous lui avez suggérées, rien n'interdit, dans l'état actuel de la législation, de ramener chez lui un mineur qui traîne dans la rue le soir : si, en tant que maire, vous souhaitez le faire, vous le pouvez (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), en organisant à cet effet, avec l'aide du conseil général, des rondes d'éducateurs. Quant à la responsabilisation des parents, il y a actuellement 30 000 mises sous tutelle des allocations familiales, mais une telle décision est du ressort du juge.

En fait, vous proposez des choses qui existent déjà, pour accréditer l'idée qu'il y aurait une ou deux recettes miracles qu'il suffirait d'appliquer. Non ! Il n'y a pas de solution possible sans la mobilisation de tous, et puisque vous avez été réélu maire de Dreux grâce au retrait de la gauche, vous feriez mieux de vous préoccuper de la sécurité dans votre ville au lieu d'attiser des idées qui font le bonheur du Front national ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

VICTIMES DE L'AMIANTE

M. Maxime Gremetz - La situation des travailleurs victimes de l'amiante mérite toute notre attention, tant le préjudice qu'ils ont subi est terrible. Les députés communistes ont contribué à améliorer la prévention de ce fléau et ont obtenu le départ anticipé à la retraite pour les personnes atteintes. Ils se réjouissent de l'adoption d'un mécanisme de cessation anticipée d'activité, permettant de déduire de l'âge légal de départ le tiers de la période d'exposition à l'amiante. C'est une étape supplémentaire vers la nécessaire reconnaissance du préjudice subi, mais il reste à mettre en oeuvre un dispositif complémentaire en faveur des autres salariés ayant été en contact avec l'amiante. Quand les décrets d'application, annoncés pour janvier, sortiront-ils ? Où en sont les études sectorielles commandées aux directions régionales du travail et de la santé et aux caisses primaires d'assurance maladie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Vous avez raison d'insister sur le drame des travailleurs de l'amiante, en faveur desquels le Gouvernement a pris plusieurs mesures. Les personnes chez qui s'est déclarée une affection grave pourront partir à la retraite à cinquante ans, dès parution, dans les prochains jours, des décrets d'application. Les autres salariés ayant travaillé dans la production d'amiante pourront anticiper leur départ d'un temps égal au tiers du temps d'exposition, mais encore faut-il auparavant recenser tous les établissements de fabrication d'amiante et soumettre la liste aux partenaires sociaux pour en vérifier l'exhaustivité ; cette tâche sera bientôt achevée, et les dossiers seront examinés juste après. Quant aux autres salariés, qu'ils aient travaillé dans les docks, dans les chantiers navals ou dans le flocage, ils seront identifiés par les caisses primaires d'assurance maladie sur la base de critères objectifs, et j'espère être en mesure de présenter un dispositif complémentaire en leur faveur dans un délai de deux ou trois mois. C'est une question de justice sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

DÉLINQUANCE DES MINEURS

Mme Dominique Gillot - Une longue pression médiatique a mis l'accent sur le grave problème de la délinquance juvénile, qui est le fait de mineurs de plus en plus jeunes. Des décisions ont été prises par le Conseil de sécurité intérieure, des moyens ont été dégagés, des procédures et des méthodes ont été définies que le Premier ministre a rappelées tout à l'heure, en même temps qu'il apportait des réponses que beaucoup attendaient (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Le recours à la détention, même provisoire, doit rester l'exception. Le Conseil de sécurité intérieure n'a pas voulu confondre autorité et violence, mais tout tenter, au contraire, pour inclure dans la société ces jeunes sans repères. La contrainte est nécessaire, et il faut renforcer le dispositif pour que ses bénéficiaires ne puissent y échapper, mais le plus difficile est de trouver des adultes capables de partager quelque chose avec eux, de les renvoyer à leur statut d'enfant, de leur offrir un exemple pour construire positivement leur personnalité. Quelle place, dans cette optique, conférez-vous à la famille ? (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Comment soutiendrez-vous les pères et les mères dans leur responsabilité première, qui est d'accueillir, d'éduquer, d'encadrer et de surveiller leurs enfants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Nous savons tous le rôle irremplaçable de la famille ("Le Pacs !" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), premier lieu de fixation des repères et d'apprentissage de la vie collective et de la solidarité. Lors de la dernière conférence de la famille, à laquelle vous avez, Madame la députée, beaucoup contribué (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), le Gouvernement a annoncé la création, dans chaque département, de lieux d'écoute et d'accompagnement, dotés de 200 millions, et qui permettront de guider les familles en difficulté vers les structures les plus à même de les aider.

Nous savons combien il est difficile pour des parents en difficulté de remplir leur rôle d'éducateurs et, plutôt que de renforcer les sanctions prévues par la loi comme nous y engage M. Hamel, nous préférons les y aider, car ils sont irremplaçables à cet égard. Ce soutien sera donc en place dès la fin de ce mois (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

UN TON NOUVEAU À DAVOS

M. Raymond Douyère - Monsieur le ministre de l'économie et des finances, vous revenez du sommet de Davos où, chaque année, un millier de dirigeants économiques décident du sort de plus de six milliards d'individus.

Or, pour la première fois, les libéraux présents à ce forum ont paru assaillis par le doute. On a entendu des discours inhabituels sur l'interdépendance entre démocratie et santé de l'économie. Le président Herzog a déclaré que la politique devait être au coeur de l'économie, mais non servir à dépasser celle-ci lorsqu'elle avait des ratés. Le PDG de Wolkswagen a fustigé les multinationales pour leur contribution aux crises sociales. D'autres ont prôné la prééminence des "workholder valves" sur les "shareholder valves" : autrement dit, préférer l'homme au profit. Au contraire, il y a un an, les ultralibéraux dénonçaient la France, qui cassait la croissance avec ces abominations absolues -les emplois-jeunes et les 35 heures. Il est vrai qu'en 1998, notre pays a eu la plus forte croissance du monde industrialisé et que, grâce à la stabilité procurée par l'euro, le chômage y a diminué.

Que pensez-vous de l'inflexion apportée à ce discours et que pouvons-nous en attendre pour la politique française et européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Ce n'est pas dans cette station cossue des Alpes suisses que se décide l'avenir du monde ("Ah !" sur plusieurs bancs) mais, comme s'y retrouvent des centaines de chefs de gouvernement, de ministres, de dirigeants d'entreprises ou de journalistes, j'ai souhaité y faire entendre la voix de la France, en y défendant les positions du Gouvernement.

Il y a un an, la mondialisation faisait souffler sur Davos un climat de douce euphorie. Or, avec la crise financière, la pensée unique internationale est en effet en recul. Lorsque nous discutons de la surveillance des banques, des centres offshore et de la spéculation financière, nous constatons que la France, et d'autres gouvernements européens, ont marqué des points. Nous ne sommes plus considérés comme de curieux agitateurs lorsque nous voulons introduire des règles de justice dans l'économie de marché.

D'autre part, si les Etats-Unis restent une grande puissance, l'Europe compte davantage que par le passé, grâce à sa croissance et grâce à l'euro -à tel point qu'il y a quelques jours, une revue américaine se demandait si l'Atlantique ne l'emporterait pas en importance sur le Pacifique dans le siècle qui vient, contrairement à ce qu'on pensait.

Enfin, la France intéresse. Il y a un an, comme vous l'avez dit, les emplois-jeunes et les 35 heures relevaient pour beaucoup de participants à ce sommet d'une politique incongrue. Aujourd'hui, le rôle que Lionel Jospin tient dans l'ensemble européen et l'influence de la France, sont remarqués. On s'étonne de la façon dont nous avons organisé notre croissance et, surtout, dont nous sommes parvenus à faire baisser le chômage, en effaçant l'aggravation enregistrée sous la législature précédente. (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)

Nos idées avancent donc, le libéralisme galopant ayant cédé dans la bataille idéologique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

APPLICATION DES DISPOSITIONS DE LA LOI DE LUTTE CONTRE LES EXCLUSIONS
RELATIVES AU LOGEMENT SOCIAL

Mme Odile Saugues - La loi de lutte contre les exclusions entre dans les faits, donnant des moyens nouveaux pour favoriser partout l'accès de tous au droit au logement, à l'éducation, au travail et à la santé. Importent particulièrement les dispositions qui touchent au logement social : modification du plafond de ressources exigé pour accéder aux logements HLM, création d'une taxe sur les logements vacants... Cependant, on attend encore les décrets sur l'octroi d'un numéro d'enregistrement pour l'attribution des logements HLM et sur les conférences intercommunales du logement, indispensables pour instaurer la mixité sociale dans la transparence et pour dépasser les égoïsmes locaux. Leur publication est-elle proche ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement - Votre question est d'autant plus pertinente (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) que cette loi ne comporte pas moins de cinquante mesures relatives au logement. Les textes d'application exigeaient donc un gros travail. Cela étant, mes services et ceux de Mme Aubry diffusent depuis sept mois à tous les acteurs concernés les informations nécessaires à leur mobilisation. Cinq décrets sont déjà parus, dont ceux qui traitent de la médiation locative, des nouveaux plafonds de ressources et de la taxe sur les vacances dans les grandes agglomérations. Neuf autres sont actuellement examinés par le Conseil d'Etat : l'un concerne la lutte contre le saturnisme, un autre la modernisation de la réquisition et un troisième allège les obligations des organismes HLM pour ce qui est des aires de stationnement.

Deux autres décrets sont soumis à la concertation préalable à la saisine du Conseil national de l'habitation et du Conseil supérieur des HLM : ils ont trait aux conférences intercommunales du logement et aux règles comptables applicables au FSL. Ils devraient être publiés prochainement.

Deux, cependant, exigeront plus de temps, en particulier celui qui touche au numéro unique d'enregistrement des demandes de logement car il suppose une expérimentation préalable.

Enfin, dans quelques jours, une circulaire signée de Mme Guigou, de M. Chevènement et de moi-même sera adressée aux préfets en vue de lancer la nouvelle procédure de prévention des expulsions.

Vous le voyez, le droit au logement prend corps et les crédits que vous avez votés y aident (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

CONFÉRENCE DE RAMBOUILLET

M. François Lamy - Samedi matin, à l'initiative du groupe de contact, doit s'ouvrir la conférence de Rambouillet qui, espérons-nous du moins, réunira les protagonistes de la crise du Kosovo. La France a joué dans cette affaire un rôle prépondérant. Si nous ne pouvons naturellement préjuger de l'issue de cette rencontre, nous savons qu'en cas d'accord, il faudra une forte présence militaire pour le faire respecter. Les responsables de l'OTAN ont élaboré diverses hypothèses et les chiffres varient de 20 000 à 100 000 hommes. La France a déjà fait savoir qu'elle était prête à participer à une telle force, mais nos armées sont en cours de réorganisation...

Dans quel cadre juridique, politique et militaire cette force interviendrait-elle ? Combien d'hommes pourrions-nous engager et pour quelle durée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Alain Richard, ministre de la défense - Au terme de la loi de programmation, c'est-à-dire en 2002, nos armées devraient compter 92 000 engagés. Nous sommes aujourd'hui à mi-chemin : de 45 000 militaires professionnels en 1996, nous sommes passés à 64 000. Cette professionnalisation nous donne la capacité de faire face à des situations comme celle du Kosovo, bien mieux que par le passé.

Actuellement, ce sont 10 000 hommes qui sont déployés hors de nos frontières, et 25 à 30 000 au total qui garantissent cet engagement.

Pour ce qui est de l'ex-Yougoslavie, l'effectif français de la SFOR est de 3 900 hommes -sur 17 000 soldats de l'Union, contre 9 000 pour les Etats-Unis- et nous sommes le premier contributeur à la force d'extraction basée en Macédoine. Enfin, la France participe pleinement aux travaux en cours pour assurer le succès du sommet de Rambouillet. Nous nous mettons en mesure de contribuer avec nos alliés, britanniques notamment, à la mise en place de la force qui pourrait être indispensable pour faire respecter un accord éventuel. Quant au cadre politique de cette intervention, il existe déjà : c'est une résolution des Nations Unies, qu'il conviendra cependant de préciser peut-être. La France gardera en tout état de cause sa complète autonomie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

INSÉCURITÉ

M. Guy Teissier - Madame la ministre de la justice, j'ai été élu, à Marseille, maire d'arrondissement, et sans l'abstention socialiste. J'ai même battu M. Tapie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

Ma question vous est adressée, Monsieur le Premier ministre, vous qui, de colloques en conseils de sécurité intérieure, ne cessez de nous annoncer des séries de mesures destinées, nous dites-vous, à lutter contre l'insécurité. Cela a été le cas mardi dernier encore, avec un train de mesures au demeurant sympathiques et peu contestables. Mais, une fois de plus, vous vous êtes bien gardé d'évoquer leur financement, si bien que le risque est réel qu'elles ne soient jamais appliquées. C'est la pire des politiques qui puisse être menée car, de déception en déception, les votes extrémistes peuvent être encouragés.

Pire encore : rien n'a été prévu pour améliorer l'indemnisation des victimes, celles qui ont été agressées dans leur corps et dans leur coeur, celles dont les véhicules sont partis en fumée. Comment oublier que nul n'a parlé, non plus, de dépoussiérer l'ordonnance de 1945 ? Et comment être sûr que les crimes commis seront sanctionnés comme ils doivent l'être ? (Sur les bancs du groupe socialiste : "Qu'avez-vous fait ?")

Le groupe Démocratie Libérale souhaite vous entendre répondre à ses questions simples, Monsieur le Premier ministre : êtes-vous favorable à l'abaissement à 13 ans des peines d'intérêt général ? Etes-vous favorable à la création d'une peine "d'injonction sociale" qui obligerait les jeunes délinquants et leur famille à accepter un soutien psychologique visant à restaurer le lien familial et l'autorité parentale ? Etes-vous favorable à l'interdiction judiciaire de sortie pour aider les maires à lutter contre l'insécurité due au comportement de certains mineurs ? Etes-vous prêt à imposer la mise sous tutelle de la part des allocations familiales versée pour de jeunes délinquants ou à la suspendre ? Etes-vous prêt à faire en sorte que l'article 227-17 du code pénal soit appliqué avec rigueur et constance ?

Soutenez vos policiers, Monsieur le Premier ministre, soutenez les victimes ! Agissez ! Ainsi vous redonnerez un sens à la République (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Je répondrai brièvement à votre très long exposé dont le seul objectif était de faire croire que le Conseil de sécurité intérieure n'aurait pris aucune mesure (Protestations sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF), alors que, pour la première fois, un gouvernement prend des décisions visant à mettre fin au comportement de certains jeunes qui commettent des exactions insupportables et qui doivent être à la fois rééduqués et empêchés de revenir immédiatement sur le lieu de leurs forfaits.

Toutes les questions que vous avez évoquées ont été tranchées. Quant à la responsabilité pénale des familles, elle est établie dans le code pénal, et il n'y a pas lieu de modifier les dispositions qui y figurent. Oui, les parents complices doivent être sanctionnés, le Conseil de sécurité intérieure de juin l'a rappelé, et je l'ai moi-même rappelé aux procureurs le 15 juillet 1998.

POLITIQUE FAMILIALE

M. Pierre-Christophe Baguet - Face à l'augmentation de la délinquance due, comme Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité l'a noté elle-même, à l'absence de structures familiales stables, comment expliquer que l'Assemblée n'ait aucun écho du rapport sur la famille et ce, alors que, dimanche, des dizaines de milliers de Français protestaient suite au texte portant atteinte à la politique familiale de la nation ? Il est temps de vous préoccuper de ces questions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Vous avez parfaitement raison : nous devons soutenir les familles, et Mme Martine Aubry vous a parlé du soutien que le Gouvernement entendait apporter aux parents d'enfants tentés par la délinquance. Il est d'une importance particulière que le père et la mère puissent exercer l'autorité parentale. Le groupe de travail constitué à ma demande me remettra son rapport cet été. Sa réflexion progresse. Pour ce qui est du Pacs, je souhaite répéter, une fois encore, qu'il s'agit d'une proposition raisonnable qui vise à améliorer les droits de quelque 5 millions de personnes qui vivent ensemble sans vouloir ou sans pouvoir se marier. Ce texte n'enlève rien ni au mariage ni à la famille. Sur toutes ces questions, il faut un débat loyal, qui évite les procès d'intention et la malhonnêteté intellectuelle (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures 10, est reprise à 16 heures 25 sous la présidence de M. Cochet.

PRÉSIDENCE DE M. Yves COCHET

vice-président


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AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.

ART. 15 (suite)

M. François Sauvadet - Rappel au Règlement fondé sur l'article 58. Jeudi, Madame la ministre, nous avons été nombreux sur les bancs de l'opposition à réagir vigoureusement -et légitimement- à vos propos, lorsque vous avez parlé "d'ébriété législative", visant soit notre travail, soit celui qui fut fait en 1995. Au nom de l'UDF et de toute l'opposition, je souhaite que vous retrouviez la tonalité et le sérieux qui doivent caractériser le travail sur une telle loi. Au cours du débat, nous avons posé des questions importantes, concernant notamment les schémas de services collectifs et le rôle du Parlement dans leur examen. Nous allons aborder des chapitres très importants, relatifs aux pays et aux agglomérations. Nous souhaitons que vous apportiez des réponses, et que vous respectiez le travail de l'opposition, que nous voulons constructif. S'agissant d'une loi sur laquelle vous avez demandé l'urgence, et qui engagera le pays pour des années, nous devons avoir des réponses à nos questions. Tel est le sens de ce rappel au Règlement (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. le Président - Le débat sur l'amendement 861 a déjà eu lieu. Avant de le mettre aux voix, je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés contre.

L'amendement 861, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 15, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 15

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - L'amendement 1171, 2ème corr. du Gouvernement correspondant à la transposition d'une directive européenne sur La Poste, j'ai souhaité demander au secrétaire d'Etat à l'industrie de venir le présenter. ("Très bien !" sur les bancs du groupe du RPR)

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - En transposant en droit français la directive européenne du 15 décembre 1997, nous entendons conforter le grand service public qu'est La Poste. Nous le faisons dans le cadre de ce projet parce qu'il y a sa place mais aussi parce qu'il convient de respecter les délais prescrits pour la transposition de la directive et d'écarter ainsi tout risque de vide juridique.

L'amendement introduit dans le code des postes et télécommunications les principales dispositions de la directive en proposant une définition ambitieuse du service universel, tout en réservant à La Poste le périmètre de services le plus large possible.

Le service universel, composante principale du service public postal, doit contribuer à la cohésion sociale en garantissant des prestations de qualité, accessibles à tous, tous les jours ouvrables, sur l'ensemble du territoire. Il couvre la distribution des lettres, des journaux, des envois recommandés, mais aussi des colis, qui jusqu'à présent ne relevaient pas du service public au sens strict. La Poste est explicitement désignée comme prestataire du service universel. Les missions de La Poste telles qu'elles ont été définies par la loi du 2 juillet 1990 sont donc confortées.

Enfin, la réservation à La Poste d'un périmètre de services conséquent est confirmée, contrepartie naturelle du service public universel, comme je m'emploie à le rappeler, dans le débat européen, à tous les tenants de la libéralisation la plus complète. Sont réservés à La Poste les envois de correspondance, y compris le publipostage, dont le poids est inférieur à 350 g et le prix inférieur à cinq fois le tarif de base.

La commission supérieure du service public des postes et télécommunications, consultée, a rendu un avis favorable. Je la remercie, ainsi que son président, M. Jacques Guyard, pour sa célérité. Nous comprenons la préoccupation du Parlement d'avoir à examiner un texte d'ensemble sur le service public de la poste. C'est pourquoi j'ai proposé au Premier ministre de déposer dans les prochains mois un projet de loi qui donnera aux activités postales un cadre juridique complet et permettra de débattre de la modernisation du service public de La Poste.

La Commission du service public est déjà saisie pour avis d'un projet législatif d'ensemble. L'article additionnel qui vous est proposé aujourd'hui et les dispositions législatives et réglementaires qui suivront fixeront un cadre clair et stable.

Avec le contrat d'objectifs et de progrès que j'ai signé en juin dernier avec La Poste, celle-ci disposera de moyens d'action pertinents pour développer un grand service postal au service de la cohésion sociale de notre pays.

Je me félicite que la direction de La Poste ait proposé ce matin aux syndicats un projet d'accord sur la réduction du temps de travail qui marque une avancée sociale importante : 20 000 recrutements sur deux ans, meilleurs services pour la clientèle, réduction de la précarité pour les postiers. Je souhaite vivement que ces propositions soient acceptées par les syndicats. C'est une nouvelle étape dans l'application de la loi de Martine Aubry et nous en sommes très heureux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Monsieur Sarre, je vous propose de présenter l'ensemble des sous-amendements que vous avez signés.

M. Georges Sarre - J'insisterai surtout sur le sous-amendement 1223 qui tend à compléter la référence à "la recherche de la meilleure efficacité économique".

Très franchement, Monsieur le ministre, depuis Louis XI La Poste a suffisamment évolué ! Qu'est venue faire l'Europe dans cette affaire ? Pourquoi cette manie de tout mettre en concurrence et de porter atteinte au service public ? L'emploi du terme "service universel" ("Ça ne veut rien dire !" sur les bancs du groupe du RPR) est un abus de mots car il laisse croire qu'il sera plus performant et plus moderne -or c'est le contraire.

Le maintien de la seule mention "de la meilleure efficacité économique" irait à l'encontre de la mission d'égalité d'accès des citoyens aux services postaux. Lui imposer cette recherche de la "meilleure efficacité économique" a beaucoup d'implications et pourrait restreindre la portée des principes régissant tous les services publics -égalité, continuité, adaptabilité.

Or l'interdiction de cette notion n'est nullement imposée par la directive européenne. Aussi proposons-nous de compléter le texte sur ce point en parlant de "meilleure efficacité économique et sociale". Seule une telle formule peut nous éviter des fermetures importantes, y compris dans les villes. Aujourd'hui déjà, dans certains immeubles collectifs de Paris, il n'y a pas de distribution de courrier le samedi ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du RPR)

M. François Brottes - Je voudrais présenter les sous-amendements 1209 et 1210.

Nous avons adopté plusieurs amendements concernant le schéma de service collectif de l'information et de la communication. J'ai retiré un amendement portant sur le service postal parce que le Gouvernement nous a informés qu'il déposerait lui-même un amendement transposant la directive européenne.

Son texte correspond à nos préoccupations concernant notamment la distribution du courrier. Certains pays européens ont fait le choix de libéraliser totalement leur secteur postal. Le gouvernement français, lui, a choisi de confier à La Poste et à ses 310 000 agents le maximum de services réservés. Il conforte ainsi le service public à la française puisque le service universel est décrit comme un service de qualité, accessible à tous, sur l'ensemble du territoire, à des prix abordables. Il va même au-delà du service du courrier actuel puisqu'il inclut les colis. L'ampleur des services réservés est gage d'un bon fonctionnement d'un service universel.

Je propose donc, par mon sous-amendement 1209, de faire un sort particulier au courrier accéléré, y compris le publipostage et le courrier transfrontalier.

Plus généralement, le contexte national et international impose à La Poste d'adopter un comportement offensif, comme l'y conduit le récent contrat d'objectifs qu'elle a signé avec l'Etat. Nous avons besoin d'un autre texte législatif, portant sur l'organisation et le contrôle du secteur postal, objet de tant de convoitises, afin de clarifier les règles du jeu.

M. Philippe Duron, rapporteur de la commission de la production - La commission a exprimé son attachement au service public. Le service public de La Poste apporte une contribution essentielle à la cohésion du territoire et au maintien du lien social. C'est pourquoi chacun doit y avoir un égal accès. Dans cette perspective, la commission avait adopté à l'unanimité l'amendement 301 de M. Brottes relatif au service postal universel. Le Gouvernement, tenu par la date du 10 février prochain, a décidé de hâter la transposition de la directive postale, et comme son amendement 1171 répondait parfaitement aux préoccupations de la commission, celle-ci l'a adopté.

En revanche, elle a repoussé le sous-amendement 1229, qui tend à substituer, dans la transposition de la directive, "public" à "universel". Elle a adopté le sous-amendement 1223, qui enrichit heureusement le texte. Quant au sous-amendement 1209 de M. Brottes, si la notion de "service accéléré" n'est pas définie dans le code de La Poste, qui ne prend en compte, pour les services réservés, que les critères de prix et de poids, la commission l'a cependant accepté, car la directive fait mention du service accéléré.

Les sous-amendements 1228 et 1227 étant analogues au 1229, la commission les a également rejetés. Elle a adopté le sous-amendement 1210, qui tend à requérir l'avis de la Commission supérieure de La Poste, et rejeté le 1224 corrigé. Elle a, enfin, adopté le sous-amendement 1226, la loi du 2 juillet 1990 ayant érigé en service public le transport et la distribution de la presse.

M. le Secrétaire d'Etat - Sur le sous-amendement 1209, la position du Gouvernement est identique à celle de la commission. Il en va de même pour le sous-amendement 1210. Vous avez raison, Monsieur Sarre, de vouloir lier l'efficacité du service public de La Poste à sa dimension sociale, et le Gouvernement accepte votre sous-amendement 1223.

S'agissant des sous-amendements 1224, 1225, 1227, 1228 et 1229, le Gouvernement comprend votre volonté de mettre en avant notre conception connue et reconnue du service public. Mais nous transposons une directive européenne relative au service universel postal, afin d'harmoniser les services postaux à l'intérieur de l'Union européenne. Nous devons donc adopter tous les mêmes termes. De plus les sous-amendements proposés restreindraient la définition du service public postal, telle que l'a formulée la loi du 2 juillet 1990, qui l'étend en particulier aux services financiers et à l'innovation.

La qualité de service public du service universel postal ne fait aucun doute. Le second est une composante du premier. Pour des raisons de cohérence, il convient donc de rejeter ces cinq sous-amendements.

M. Patrick Ollier - Quand nous avons demandé la semaine dernière que le secrétaire d'Etat à la santé vienne ici présenter le schéma de services collectifs sanitaires, il ne s'agissait pas d'une agression à votre égard, Madame la ministre, mais de pouvoir discuter avec le ministre chargé du secteur concerné. Nous constatons avec satisfaction que le Gouvernement a fini par accéder à notre demande. S'il l'avait fait plus tôt, nous aurions gagné du temps.

La lecture de l'amendement 1171 nous convainc que le service public postal est bien maintenu, mais la phrase relative à la garantie d'accès des usagers inquiète les habitants des zones géographiquement difficiles, par exemple celles de montagne. Ils souhaitent avoir la certitude de pouvoir accéder au service public dans les mêmes conditions que le reste de la population.

Le dispositif général de l'amendement n'appelle pas d'objection de notre part.

M. Maurice Leroy - Au nom du groupe UDF, je soutiens les propos de M. Ollier, et je souhaite que le sous-amendement de M. Sarre relatif aux conditions d'accès au service public soit adopté. Le Gouvernement a corrigé par deux fois son amendement 1171, ce qui est à soi seul un signe. Il dispose d'abord que le service universel postal "est assuré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité, en recherchant la meilleure efficacité économique. Il garantit à tous les usagers, de manière permanente et sur l'ensemble du territoire national, des services postaux répondant à des normes de qualité déterminées".

Or, deux alinéas plus loin, il est écrit que les services de levée et de distribution seront assurés chaque jour "sauf circonstances ou conditions géographiques exceptionnelles" ! Le sous-amendement de M. Sarre lèverait partiellement la contradiction en remplaçant "service universel" par "service public", mais il faudrait aller plus loin et supprimer le membre de phrase que je viens de citer. Le Gouvernement nous dit qu'il y a urgence, la directive n'étant plus transposable après le 10 février, mais je doute que la loi soit définitivement votée à cette date ! J'espère que nous reparlerons de tout cela à l'article 22. Il s'agit en effet d'une question fondamentale, sur laquelle nous sommes nombreux, dans tous les groupes, à interpeller le Gouvernement, car nous sommes en première ligne sur le terrain ! ("Très bien !" sur plusieurs bancs du groupe UDF, du groupe RPR et du groupe DL)

M. Félix Leyzour - La commission avait adopté l'amendement 301 de M. Brottes, que ce dernier a néanmoins accepté de retirer au bénéfice du présent article additionnel, qui intègre certaines dispositions de la directive européenne sur le service postal. Ce qui me gêne, c'est que l'on aborde cette question par le biais d'un amendement à la loi sur l'aménagement du territoire, et j'ose espérer que nous aurons droit, comme pour l'électricité, à un débat plus large. Le Gouvernement fait valoir, si je comprends bien, que son initiative permettrait à la France d'échapper à la pression de la Commission et de mieux protéger son service public. Je puis comprendre ce raisonnement, mais la fixation d'un niveau minimum fait problème : ce minimum est toujours présenté comme un rempart contre la désertification, mais dans les faits il est utilisé partout pour tirer le service public vers le bas, élargir le champ de la concurrence et renforcer les inégalités.

Le service universel appartient au langage de l'Europe.

M. Georges Sarre - Serait-ce une nouvelle langue ? Je ne l'ai jamais apprise !

M. Félix Leyzour - Nous préférons, pour notre part, parler de service public, notion à laquelle nous sommes particulièrement attachés, surtout dans le domaine postal, et nous espérons que le projet de loi dont nous serons saisis nous permettra de mieux préciser le contenu de ce service public postal.

M. Georges Sarre - La transposition partielle proposée par le Gouvernement se ferait au prix d'un glissement sémantique plus que discutable. Si service public et service universel étaient une seule et même chose, pourquoi faudrait-il changer de vocable ?

M. Maurice Leroy - Il a raison !

M. Jean Besson - Mais non !

M. Georges Sarre - En vérité, la notion de service universel, que défend la Commission de Bruxelles, est dépourvue -mais peut-être le rapporteur me prouvera-t-il le contraire...- de contenu juridique précis. Comment légiférer solidement sur la base d'une notion sans portée juridique ? Le service universel est une conception minimaliste du service public, service public qui constitue, ainsi que l'a rappelé le secrétaire d'Etat, l'un des fondements de notre République.

Mme Sylvia Bassot et M. François Sauvadet - Très bien !

M. Georges Sarre - Les sous-amendements que j'ai présentés visent à rétablir le terme "service public". Leur adoption est fondamentale si nous voulons réaffirmer l'attachement de la nation française à la conception du service public qui lui est spécifique. Je trouve intéressante, en outre, la suggestion qui vient d'être faite de supprimer les mots "sauf circonstances ou conditions géographiques exceptionnelles", car c'est justement lorsque les circonstances sont exceptionnelles que le service public prend toute sa valeur ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. le Président - Dois-je comprendre que vous déposez un sous-amendement oral ?

M. Georges Sarre - Oui.

M. le Président - Que M. Leroy pourrait cosigner ?

M. Georges Sarre - Je le signe seul.

M. François Brottes - Cette discussion sémantique risque de nous éloigner du véritable débat : les textes n'étant pas respectés, les services postaux ont un impérieux besoin d'une assise législative et la transposition nous fournissait l'occasion de la leur procurer, en clarifiant le rôle de chacun.

Nous allons transposer, après l'article 15, la partie relative au service rendu et au périmètre réservé à La Poste. Ailleurs, il s'agira de clarifier les règles de fonctionnement du secteur postal, ce qui apparaît bien nécessaire quand on voit l'opérateur public attaqué de toutes parts, pour les activités les plus rentables. Or la notion de service universel ne peut en aucun cas être considérée comme une régression, au contraire : la définition de la directive est sans ambiguïté et va au-delà de ce que nous-mêmes acceptions, par exemple pour le service des colis. Le Président de la République et le gouvernement français ont en effet réussi à convaincre nos partenaires qu'il fallait conforter le secteur postal et cela devrait rassurer d'aucuns.

Je suis, d'autre part, de ceux qui se félicitent que la transposition prenne place après l'article 15. Dans la mesure où celui-ci traite de l'égal accès aux services d'information et de communication, cette place est la place logique. Cela étant, je n'imagine pas un seul instant que ceux qui veulent supprimer les mots "sauf circonstances ou conditions géographiques exceptionnelles" veuillent aller contre le droit de grève... (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Quant à mon sous-amendement 1210, il me paraît utile de le corriger pour rétablir l'appellation officielle de la commission du service public "des Postes et Télécommunications".

M. Jean-Claude Lenoir - Mon groupe vous sait gré de votre présence, Monsieur le secrétaire d'Etat. Il était bon en effet que vous veniez nous exposer les intentions du Gouvernement. Cela dit, votre amendement suscite beaucoup d'interrogations. En premier lieu, pourquoi transposer cette directive à la faveur d'un texte consacré à l'aménagement du territoire ? Vous invoquez la date butoir du 10 février mais, comme l'a relevé M. Leroy, la loi ne sera sans doute pas votée avant plusieurs mois. D'autre part, le même argument devrait vous conduire à transposer de même la directive sur l'électricité, Bruxelles ayant fixé la limite au 19 février...

Cet amendement présenté à la hâte pourrait, dans d'autres circonstances, être qualifié de cavalier budgétaire. Nous parlerons plutôt ici de cheval de Troie ! Le débat qui vient d'avoir lieu a cependant été utile : à première lecture, ces dispositions nous avaient paru plutôt rassurantes mais les interventions de nos collègues de la majorité plurielle, notamment de M. Sarre, sont venues modifier cette impression. J'avais ainsi interprété la précision "sauf circonstances ou conditions géographiques exceptionnelles" comme destinée aux zones de montagne mais, l'inquiétude de M. Sarre me gagnant, je commence à me demander si, un jour, on ne décrétera pas que, comme la neige, mes collines du Perche font obstacle à la circulation des véhicules postaux ? Il ne faudrait pas que ce membre de phrase conduise à priver, une fois de plus, le monde rural d'un service essentiel !

Les services publics sont une spécificité française à laquelle le groupe Démocratie Libérale est attaché et qu'il a toujours défendu avec détermination (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Sous la précédente législature, j'avais moi-même fondé un groupe d'études sur les services publics en Europe, groupe qui avait travaillé sur tous les textes dont nous débattons aujourd'hui. Nous étions parvenus à un consensus entre majorité et opposition d'alors. Dans le même esprit, en mon nom et au nom de Mme Bassot et de M. Proriol, je me prononcerai comme MM. Sarre et Leroy pour que nous biffions les termes "sauf circonstances ou conditions géographiques exceptionnelles" (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. le Président - C'est le sens du sous-amendement 1233 que vient de me faire parvenir M. Sarre et qui vise à supprimer, après le mot "ouvrable", la fin du quatrième alinéa du I de l'amendement.

M. Jean Besson - La transposition qu'on nous propose n'est certes pas idéale : j'aurais préféré un projet de loi spécifique, organisant le système postal dans son ensemble. Mais j'ai pris acte, Monsieur le secrétaire d'Etat, de votre engagement de déposer rapidement le projet soumis la semaine dernière à la Commission supérieure du service public des Postes et des Télécommunications. Surtout, rien ne serait plus grave que de mener la politique du pire dans ce domaine. En transposant, nous ne cédons pas à la pression de la Commission mais nous évitons que ne se crée un vide juridique. Plus vite nous comblerons notre retard, plus vite nous pourrons nous opposer aux postes européennes concurrentes, qui piaffent déjà d'impatience à nos frontières. Il nous faut donc adopter l'amendement.

Quand on se livre à une polémique byzantine sur les notions de service public et de service universel, on oublie que la deuxième a été adoptée à l'initiative de MM. Quilès, Zuccarelli, Rausch, Longuet, Rossi et Fillon, qui entendaient que l'Europe se rapproche de la première, alors refusée par tous nos partenaires. La libéralisation engagée à l'époque conduisait à l'harmonisation : comme il était exclu de hisser le service postal grec au niveau du service public français, il a été convenu de créer un service public universel, chaque Etat membre conservant, en vertu du principe de subsidiarité, le droit d'organiser, sur son territoire, les modalités du service public qu'il souhaite. Il n'y a donc pas d'antagonisme. C'est pourquoi le sous-amendement doit être soutenu.

M. le Président - J'invite M. Sauvadet à prendre la parole avec toute la concision requise pour que nos débats puissent progresser.

M. François Sauvadet - Je vous remercie, Monsieur le Président, de nous donner l'occasion d'un vrai débat, et je suis heureux de la présence de M. le secrétaire d'Etat à l'industrie, après avoir déploré, il y a quelques jours, l'absence du secrétaire d'Etat à la santé, qui nous a privés d'intéressants éclaircissements. Mais je suis frappé par l'absence de cohérence qui règne. Alors que la commission a introduit, par un amendement à l'article 22, une réflexion sur la présence, indispensable, de La Poste sur l'ensemble du territoire, le Gouvernement invite à présent l'Assemblée à examiner à la hâte un article additionnel, arguant de l'urgence à débattre pour que la loi soit votée avant le 10 février. Or je n'imagine pas qu'elle puisse l'être. Donc, cet article additionnel arrive soit trop tard -et pourquoi si tard ?- soit trop tôt, puisque, dans le même temps, vous nous annoncez un projet de loi sur La Poste ! Comment ne pas comprendre que profiter de l'examen du projet de loi sur l'aménagement du territoire pour transposer cette directive en droit interne aura pour effet de contenir le débat annoncé dans de trop strictes limites ? M. Sarre l'a fait observer justement.

Et si le débat est aussi dense, c'est que chacun sait, ici, que La Poste, est, au-delà de la distribution du courrier, le dernier rempart du service public. Vous avez, au cours de ce débat, Mme la ministre, refusé l'idée des expérimentations. Et pourtant ! C'est à partir de La Poste qu'ont été lancées les expérimentations sur la polyvalence du service public en milieu rural.

La sagesse voudrait que le Gouvernement retire cet amendement, que les orientations assignées à La Poste soient fixées dans le cadre d'un projet de loi que vous nous soumettriez dans un délai proche et que, dans l'intervalle, la transposition de la directive en droit interne soit renvoyée à l'examen de la commission.

Nous cosignerons naturellement le sous-amendement présenté par M. Sarre, mais notre souhait réel est que l'amendement soit retiré.

M. Gérard Saumade - Quel habile exposé que celui qui prétend ignorer que l'aménagement du territoire touche à tous les sujets ! Cette polémique n'a pas lieu d'être, et il est temps de revenir au sous-amendement présenté par M. Sarre. Il serait nettement préférable, pour éviter tout malentendu, de s'en tenir à une notion juridique précise en utilisant plutôt les termes "sauf cas de force majeure", dont la définition, très stricte, ne remet pas en cause le droit de grève.

M. Félix Leyzour - N'étant pas de ceux qui cherchent à faire durer les débats (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), je me limiterai à proposer un autre sous-amendement, visant à supprimer à la fin du 4ème alinéa de l'article 1, les mots "ou conditions géographiques". Comme l'a dit M. Brottes, il ne saurait être question, par le biais du texte proposé, de contrer un mouvement social.

M. le Président - Je constate que ce sous-amendement est conforme à la proposition faite par le rapporteur.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Je me félicite de la qualité de ce débat, qui montre un très grand intérêt en faveur du service public, et qui manifeste une attention constructive à l'action menée par le Gouvernement pour le promouvoir et le garantir. Cette question ne doit pas diviser, mais aussi rassembler la nation en cimentant une conception commune.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et moi-même sommes, comme bien d'autres qui se sont exprimés sur tous les bancs, des militants du service public que nous espérons conforter, grâce à une convergence entre le Gouvernement et l'Assemblée, au moment de la transposition de la directive. Au Conseil Industrie, à Bruxelles, j'ai constamment défendu, pied à pied, la conception française du service public face à d'autres propositions -dont certaines émanaient de la Commission européenne- et qui visaient à imposer un libéralisme sauvage. Le Gouvernement, unanime, continuera de défendre cette conception-là, et il espère obtenir le plein soutien de votre Assemblée.

Quant à la terminologie litigieuse du 4ème alinéa de l'article 1, elle ne fait que reprendre les termes du chapitre 2, article 3 de la directive, sans que jamais le Gouvernement ait voulu, de la sorte, réduire l'ampleur ou les obligations du service public. Je serai d'autant plus enclin à accepter le sous-amendement proposé par le rapporteur que le cahier des charges de La Poste stipule expressément qu'elle "distribue tous les jours ouvrables les objets de correspondance qui lui sont confiés". Il convient, comme l'a souligné le rapporteur, de maintenir l'expression "sauf circonstances exceptionnelles" pour éviter que l'Assemblée ne vote contre le droit de grève.

Certains intervenants, comme MM. Sarre et Leyzour, s'inquiètent des aspects "minimalistes" que pourrait comporter le service public. Mais le service public est tout sauf une notion minimaliste, et j'en donne un exemple. Dans la proposition que je vous fais, La Poste sera tenue d'assurer sur tout le territoire un service de colis jusqu'à vingt kilogrammes, ce qui n'est pas inclus dans le service public du courrier tel qu'il est défini jusqu'à présent. Il y a donc, à l'occasion de cette transposition, une avancée dans le contenu du service au public. D'autre part, si cet amendement est adopté, l'article 2 de la loi du 2 juillet 1990 disposera que La poste assure "le service public des envois postaux, qui comprend le service universel postal et, dans ce cadre, le service public du transport et de la distribution" de la presse. Il y a donc bien réaffirmation du service public, de son ampleur, de son contenu, et même une avancée nouvelle dans le sens souhaité par tous les orateurs.

M. Forni remplace M. Cochet au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE DE M. Raymond FORNI

vice-président

M. le Rapporteur - Le ministre a dit l'essentiel. Nous avons eu un très long débat en commission sur l'amendement Brottes, qui partait d'une philosophie très semblable (M. François Sauvadet proteste) et essayait de préciser le service universel.

L'amendement de M. Sauvadet sur les cas de force majeure ne peut être retenu car il n'assure pas une protection suffisante : la notion de force majeure est limitée à une situation imprévisible, irrésistible et extérieure aux parties. Songez que le Conseil d'Etat n'a pas voulu considérer que les événements de 1968 constituaient un cas de force majeure... J'ai donc souhaité supprimer du texte les conditions géographiques, que mentionne la directive, mais conserver les circonstances exceptionnelles, pour tenir compte de situations climatiques très difficiles, ou de l'aspect social qu'on a évoqué et dont nous sommes tous respectueux.

M. Christian Estrosi - Je souhaite répondre à la commission.

M. le Président - Non, le débat est clos. Il a été assez long pour que nous puissions passer au vote.

Le sous-amendement 1229, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Le sous-amendement 1223, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Les sous-amendements 1228, 1233, 1235, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Le sous-amendement 1234, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Le sous-amendement 1227, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les sous-amendements 1209 et 1210, acceptés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

Les sous-amendements 1225, 1226 et 1224 corrigé, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'amendement 1171, 2ème correction, sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. Christian Estrosi - Rappel au Règlement fondé sur l'article 58. Tout d'abord je me réjouis de la présence de M. le secrétaire d'Etat pour l'examen de cet article. Il nous a enfin permis d'éclairer un débat sur lequel nous avions tant de difficultés à obtenir des réponses de Mme la ministre. Nous avons eu la démonstration du fait que la présence d'un ministre compétent, sur un article de son ressort, pouvait éclairer nos débats.

Je souhaite donc que désormais, sur chaque article touchant aux compétences d'un ministre -et nous en arrivons aux problèmes de transport et de communication-, celui-ci vienne devant l'Assemblée.

M. le Président - Il appartient aux parlementaires de formuler leurs demandes, mais il appartient au Gouvernement de décider de la façon dont il organise sa participation au débat. Ce n'était pas à proprement parler un rappel au Règlement...

Mme la Ministre - Je ne veux pas fuir cette discussion. L'aménagement du territoire est une politique transversale, comme d'ailleurs l'environnement, et mobilise tous les secteurs de l'action publique. Elle est donc largement interministérielle. "Tout est politique", disait-on il y a trente ans ; on dirait volontiers aujourd'hui "Tout est aménagement du territoire"... Le présent projet a été préparé avec tous les ministères concernés. Les articles relatifs aux schémas de services collectifs ne présentent pas une telle spécificité qu'ils requièrent la présence de mes collègues : il s'agit surtout de définir ce que sont ces schémas, non de répondre point par point aux questions des parlementaires sur tous les aspects de telle ou telle politique publique. J'ai longuement défini les enjeux de ce texte avant la discussion générale. Après celle-ci j'ai répondu aux parlementaires. Je ne me suis jamais dérobée aux demandes de précisions. Je souhaite garder cette attitude.

Monsieur Estrosi, pour avoir été grossier à mon égard la semaine dernière, vous avez sans doute contribué à faire monter la tension dans l'hémicycle ; je ne souhaite pas que cela se renouvelle. Il n'y a pas de ministres plus ou moins compétents ; ou s'il y en avait, il pourrait aussi exister des députés plus ou moins compétents que d'autres... (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Christian Estrosi - Fait personnel !

M. le Président - En fin de séance.

ART. 16

M. Maurice Leroy - Pour montrer l'esprit constructif de l'opposition, je retire ma demande d'intervention sur l'article.

M. Christian Estrosi - Je regrette les propos injurieux de Mme la ministre (Murmures sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste), qui sont une marque supplémentaire de son manque de respect envers l'Assemblée. L'article 16 consacre le retour à la diligence : dans le cadre des schémas sectoriels, le Gouvernement essaie de tirer un trait sur les grands objectifs fixés par la loi Pasqua. La notion de multimodalité qui figurait dans cette loi est interprétée de façon restrictive. On va accroître les inégalités, éloigner les territoires, priver les populations des moyens de transport modernes, et surtout donner une place prépondérante à l'administration au détriment des élus, de sorte que la démocratie locale paralysée ne pourra plus trouver sa synthèse dans les débats parlementaires.

Cet article est dans la continuité des mesures que vous avez prises dès juin 1997, mettant fin unilatéralement à tous les grands projets structurants dans le domaine des transports. Un rapport dû à un fonctionnaire du ministère des transports ne propose-t-il pas de construire des autoroutes réservées aux voitures ? Ainsi les poids lourds continueraient à traverser nos villages, et seules les voitures pourraient contourner les zones difficiles à traverser...

M. Daniel Feurtet - Et le chemin de fer ?

M. Christian Estrosi - Je veux, enfin, faire état d'un document que j'ai obtenu grâce à certaines indiscrétions. Il concerne la stratégie de l'Etat en Provence-Alpes-Côte d'Azur, et émane de la préfecture de cette région. Ce document ne fait que confirmer votre volonté d'asphyxier la région Provence-Alpes-Côte d'Azur puisqu'il met un terme au projet de percée alpine, transforme la A51 entre Grenoble et Sisteron en simple voirie à améliorer, abandonne le projet d'autoroute A58, ne parle plus du triplement des voies ferroviaires entre Cannes et Vintimille ni du TGV entre la Vallée du Rhône et la frontière italienne.

Une telle stratégie de paupérisation du territoire et de mesures rétrogrades ne fera qu'éloigner un peu plus les citoyens des centres de décision et de services et ne peut donc nous satisfaire. C'est pourquoi nous avons déposé des amendements qui, je l'espère, permettront d'inverser la tendance.

M. le Président - Chers collègues, je fais appel à votre sens des responsabilités. En application de l'article 57 du Règlement, je ne donnerai désormais la parole qu'à un seul orateur par groupe (Protestations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). Tout le monde conviendra que l'Assemblée est suffisamment informée.

M. Léonce Deprez - Madame la ministre, vous avez dit vouloir partir des besoins et demandes des citoyens. Cela peut se comprendre pour les télécommunications.

Mais pour les déplacements, le service est conditionné par les infrastructures. Celles-ci ont en outre un effet structurant sur les territoires concernés : les chantiers et activités qu'elles entraînent créent des emplois.

Comment la loi peut-elle donner mission aux régions d'élaborer un schéma régional des transports si l'Etat n'établit pas préalablement un schéma national des infrastructures routières, ferroviaires et fluviales ? La loi de 1995 l'avait prévu, afin notamment de rendre plus accessibles toutes les parties du territoire français. Cet objectif reste valable.

D'après votre projet, les schémas régionaux auront pour objectifs prioritaires d'optimiser l'utilisation des réseaux existants et de favoriser la complémentarité des modes de transport, en prévoyant, si nécessaire, la réalisation d'infrastructures nouvelles. Mais comment dessiner la carte de ces infrastructures nouvelles sans élaboration d'un schéma national cohérent ?

La loi Pasqua prévoyait qu'un schéma directeur routier définissait les grands axes du réseau national "dans un objectif de desserte équilibrée et de désenclavement de l'ensemble du territoire". Comment une telle formule peut-elle être écartée ?

Pourquoi les cartes jointes à la loi de 1995 et qui montraient l'évolution des transports jusqu'en 2015 ont-elles été abandonnées ?

Les liaisons routières et autoroutières nationales sont de la responsabilité nationale. L'A16, achevée en 1998, et la future A24 sont des infrastructures d'intérêt non seulement régional, mais aussi national et d'ailleurs leur financement est essentiellement national. Je vous demande donc de reprendre les articles de la loi Pasqua.

M. Patrick Ollier - Rappel au Règlement ! L'opposition, depuis quinze jours, ne s'est livrée à aucune tentative d'obstruction. Nous avons posé des questions, nous n'avons toujours pas obtenu de réponses. Nous n'avons demandé qu'une suspension de séance, après une agression verbale contre M. Sauvadet et fait seulement deux rappels au Règlement. Nous retirons même nos amendements chaque fois qu'il y a double emploi. Mais nous tenons à pouvoir intervenir chaque fois que nécessaire, d'autant que la déclaration d'urgence ne permet qu'une seule lecture.

Si maintenant la Présidence ou la majorité souhaitent changer ce mode de rapports, qu'on nous le dise et nous avons les moyens d'agir différemment ! Je rappelle que la première demi-heure de ce débat a été entièrement occupée par les interventions des responsables de la majorité, alors je ne comprendrais pas qu'on nous oppose l'article 57 du Règlement.

Nous ne souhaitons pas d'obstruction, mais un débat approfondi et des réponses (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. le Président - Ce n'est pas parce que vous poserez plusieurs fois la même question que vous obtiendrez forcément une réponse du Gouvernement.

Sur l'article 16, vous avez déposé à vous seul, Monsieur Ollier, une trentaine d'amendements. Vous aurez donc amplement l'occasion de vous expliquer.

Pour simplifier les choses, il me semblait raisonnable de donner la parole à un orateur de chaque groupe sur l'article, chacun pouvant ensuite, sur les amendements, défendre en détail son point de vue.

Mon but n'est pas de brider l'opposition.

M. Michel Bouvard - L'article 16 institue les schémas collectifs de service de transports pour les voyageurs et les marchandises.

Je regrette à nouveau la disparition du schéma national d'aménagement du territoire et des schémas directeurs des transports qui auraient permis d'établir la liste des infrastructures dont le pays a besoin et les moyens de financement.

Vous avez choisi une autre voie, celle du schéma de services collectifs. Je ne sais quand il verra le jour et qui en décidera puisque vous vous opposez à ce que le Parlement en discute. Je m'étonne d'ailleurs qu'avant même le vote de cette loi, le mode d'élaboration de ces schémas ait fait l'objet d'une circulaire du 17 juillet 1998. Ce n'est pas admissible. S'agissant d'enjeux essentiels pour le pays, c'est à la représentation nationale d'en décider.

Vous feignez de mettre en place une politique cohérente des transports que la majorité précédente n'aurait pas conduite.

Or c'est à l'initiative d'Edouard Balladur et de Bernard Bosson qu'a été approuvé le schéma directeur autoroutier ; c'est à l'initiative de Bernard Pons qu'a été commandé à M. Rouvillois un rapport, publié en 1996, permettant de mettre fin à l'hérésie du schéma directeur national des liaisons à grandes vitesses, complètement irréaliste, adopté sous votre majorité, dont j'ai dénoncé dans mon rapport budgétaire 1997 l'impossible faisabilité financière. C'est à Bernard Pons et Anne-Marie Idrac que nous devons les études lancées sur le TGV pendulaire et la réforme des services voyageurs en région, que vous aviez combattue, alors que chacun s'en félicite aujourd'hui.

Le Gouvernement nous dit avoir bouclé le financement du TGV-Est. Mais qu'en sera-t-il de la prolongation du TGV Atlantique, du TGV Rhin-Rhône, du TGV Montpellier-Barcelone et du TGV Lyon-Turin, sans parler de la modernisation des infrastructures existantes, reconnue comme indispensable par le ministre des transports ?

J'ai proposé à la commission des finances, lors de la discussion du budget pour 1999, et encore dans une question écrite le 18 janvier, les moyens de trouver des ressources à long terme, en particulier auprès de la Caisse des dépôts.

Quand comptez-vous ouvrir ce débat, au lieu de décider solitairement de supprimer telle infrastructure autoroutière ou fluviale, ou de lancer tel projet ferroviaire incohérent et en-dehors de la représentation nationale ?

Je tiens à aborder à nouveau la question du franchissement des Alpes et des Pyrénées. L'accroissement régulier du trafic marchandise, surtout sur la route, inquiète les populations. Le Gouvernement précédent a ratifié la convention alpine, destinée à protéger les Alpes. Comment peut-on imposer aux communes des exigences environnementales, du genre Natura 2000 ou Parc national, et ne pas réaliser les infrastructures permettant de faire face au doublement du trafic marchandise dans les Alpes durant la prochaine décennie ? La part de la route dans le trafic marchandise, qui a triplé depuis 1970, est en Autriche et en France double de celle du rail, alors que la proportion est inverse en Suisse. La liaison ferroviaire Lyon-Turin est donc indispensable à la fois à l'environnement et à l'activité économique. Or, sur ce projet, le rapport Brossier, publié en mars 1998, marque un recul incontestable, surtout après le sommet de Chambéry. Comment ,dans ces conditions, maîtriser les flux de trafic en constante augmentation ? Je renvoie sur ce point à la lettre de la préfecture de la région Rhône-Alpes.

Répondez-nous : qu'en est-il aujourd'hui de ce projet ? L'Assemblée sera-t-elle consultée ? Comment les infrastructures de transports seront-elles financées ?

M. Jean Proriol - Les transports représentent un secteur clé de notre économie. Or vous leur consacrez cinq lignes à l'article 16, mais trois pages à l'article 32. Que signifie cet éparpillement législatif ? De plus, vous n'abordez ce domaine des transports que sous l'aspect de la multimodalité, qui est pourtant loin d'être le seul.

La France applique la LOTI de 1982 dans un contexte international poussant à l'inéluctable libéralisation des échanges. Toutes nos compagnies de transport ont à faire face à une compétition accrue.

Nous voudrions connaître davantage la politique sociale du Gouvernement, tant les mouvements sociaux sont fréquents dans le domaine des transports, au point que le président de la SNCF, sur un coup de sang, a parlé de la "gréviculture" de sa compagnie, 20 % à 40 % des jours de conflits étant le fait de la SNCF.

Nous pensons que toute politique des transports doit tendre à l'efficacité, à la sécurité et au confort. Nous ne trouvons rien de cela dans votre projet, pas plus que sur la coûteuse fragmentation des modes de transport.

Les transports, en France, représentent 1 100 milliards, soit 13,5 % du PIB, 3 700 000 emplois, soit 17 % de l'emploi. Quel est l'objectif de votre schéma de services collectifs des transports ? Puisque vous ne nous le dites pas, nous nous efforçons de le trouver. Ce schéma, croyons-nous, doit dessiner les déplacements et le cadre de vie des Français au-delà de l'an 2000 ; il doit rééquilibrer les modes de transports, et développer les transports collectifs en milieu urbain.

Mais rien sur ces sujets ne figure dans le texte, ni sur les infrastructures, ni sur les fournitures de services, ni sur les plates-formes multimodales, ni sur l'amélioration de la qualité des services, ni sur l'impact prévisible des nouvelles directives européennes, ni sur l'Europe des transports, alors que la Deutsche Bank rachète le port multimodal de Vérone, que les chemins de fer suisses s'allient avec les Italiens pour orienter le trafic vers Bâle en contournant la France...

M. le Président - Veuillez conclure !

M. Jean Proriol - Mme Idrac l'a dit, plus d'Europe, c'est bon pour les chemins de fer, c'est bon pour les transports à longue distance. Nous aurions aimé vous entendre vous exprimer sur ce thème (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Jean-Michel Marchand - L'article 16 a le mérite de présenter deux schémas multimodaux de transport, l'un de voyageurs, l'autre de marchandises. Il assure, tout comme l'ensemble du projet, une vraie cohérence entre les schémas de services collectifs et les schémas régionaux. C'est pourquoi je m'étonne des remarques de certains de nos collègues. Le texte met également en valeur le rôle des acteurs de terrain.

N'oublions pas que si les situations varient d'un territoire à l'autre, les infrastructures ne sont que des outils en vue d'un développement durable, et ne sont pas un but en soi. Nous avons tout intérêt à ne pas reprendre à chaque fois le débat à la base, d'autant que nous avons tous reconnu que les schémas de services collectifs représentent un progrès appréciable.

Ce schéma des transports mérite donc non pas la suppression, mais une réflexion sur sa mise en oeuvre.

M. François Sauvadet - Rappel au Règlement. Nous sommes ici pour débattre d'un texte très important. Les infrastructures sont au coeur de la question des transports. Nous voulons pouvoir nous exprimer sur ce point, et exercer ainsi notre fonction de parlementaire. Nous souhaitons tous avancer dans la discussion, mais aussi que vous laissiez à chacun, Monsieur le Président, la possibilité de s'exprimer.

C'est d'ailleurs grâce à la discussion que le président Cochet a accepté d'organiser sur l'article additionnel que nous avons pu améliorer celui-ci ("Très bien !" sur les bancs du groupe UDF, du groupe RPR et du groupe DL).

M. le Président - Il m'appartient de diriger les débats, et le Règlement, qui s'impose à chacun, dispose en son article 57, que le président peut prononcer la clôture de la discussion s'il juge l'Assemblée suffisamment informée. J'ai donné la parole, sur l'article 16, à un représentant de chaque groupe, et nous sommes saisis de 38 amendements. Chacun pourra donc s'exprimer, et mon intention n'est pas du tout d'empêcher la discussion, mais il faut aussi savoir l'interrompre (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Yves Coussain - Dans ces conditions, je demande une suspension d'un quart d'heure pour examiner, avec les membres de mon groupe, les conséquences des nouvelles conditions d'organisation du débat.

Mme la Ministre - Peut-être pourrais-je, afin de faire retomber la tension, présenter brièvement cet article... (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Maurice Leroy - Nous avons demandé une suspension !

M. le Président - Le Gouvernement a la parole quand il la demande.

Mme la Ministre - Les deux schémas de transports multimodaux -l'un pour les voyageurs, l'autre pour les marchandises- se substituent aux cinq schémas sectoriels prévus par la loi de 1995, et qui n'ont jamais vu le jour. La loi de 1995 mentionnait bien la nécessité d'une approche multimodale, mais fixait a priori, de façon technocratique (Protestations sur les bancs du groupe du RPR), des objectifs quantitatifs qui n'ont d'ailleurs pas été respectés : les gouvernements de MM. Balladur et Juppé n'ont pas hésité, en effet, à les enrichir, au coup par coup, de 600 kilomètres d'autoroutes supplémentaires (Protestations sur les bancs du groupe du RPR).

M. Michel Bouvard - Ce n'était pas au coup par coup !

Mme la Ministre - Cette procédure méconnaissait, qui plus est, le droit européen de la concurrence, qui interdit l'adossement des contrats d'infrastructures, si bien que le Conseil d'Etat a annulé la concession de l'A86 Ouest.

C'est donc toute la méthode qui est à revoir. Où est la cohérence lorsque Paris et le Nord-Pas-de-Calais sont reliés par trois autoroutes, un TGV, un canal et un système de ferroutage sans que la complémentarité entre ces modes de transport ait été pensée sérieusement ? Le rapport de M. Daubresse a mis en évidence les faiblesses de la planification pratiquée jusqu'à présent dans le domaine des transports, et le Gouvernement en a tiré toutes les conclusions.

Nous avons notamment souhaité approfondir la question des besoins de transport, en nous appuyant sur la consultation menée en octobre 1997 par la DATAR auprès des Français sur leurs attentes en matière d'aménagement du territoire. Il en ressort que leurs priorités sont, dans l'ordre, la réorientation du transport de marchandises vers le rail et la voie fluviale, le développement de pôles d'enseignement supérieur dans les villes moyennes et le développement des grandes villes autres que Paris, et que l'accroissement du réseau de TGV, de routes et d'autoroutes ne vient qu'en tout dernier (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

La compatibilité de cet article et de la LOTI est assurée par les articles 28 à 31 et par l'article 33. La LOTI est une excellente loi, qui a permis à notre pays de moderniser ses infrastructures et d'améliorer le service rendu, mais il faut aller plus loin et tirer les leçons de ce qui s'est passé depuis quinze ans. C'est ce que nous faisons.

Sans infrastructures, a-t-on dit, pas de service : certes, mais la tradition française a trop longtemps été d'améliorer l'offre d'infrastructures avant d'optimiser l'utilisation de celles qui existent. L'amélioration du service rendu n'est pas seulement affaire d'infrastructures, mais aussi de fréquences, de tarifs, de sécurité, de prestations annexes, etc. Le Gouvernement n'est pas hostile a priori à la création de nouvelles infrastructures...

M. Yves Deniaud - Alors, qu'il le prouve !

Mme la Ministre - ...mais il n'entend pas pour autant faire tout et n'importe quoi (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Jean-Claude Gayssot et moi jugeons indispensable, comme d'ailleurs M. Bouvard, de donner la priorité aux projets ferroviaires novateurs pour la traversée des Alpes et des Pyrénées, mais le coût de la seule liaison Lyon-Turin par TGV est estimé à 70 milliards ! Le rapport Brossier n'est pas un recul, mais un essai de rationalisation, de phasage des investissements et de maîtrise des dépenses publiques - souci que M. Bouvard partage sans doute. Enfin, le triplement des voies entre Cannes et Nice a été retenu par le dernier CIAT comme proposition prioritaire du Gouvernement dans le cadre de la préparation des prochains contrats de plan.

M. le Président - Que l'on ne vienne pas me dire maintenant que le débat sur l'article 16 n'a pas été complet ! (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Je donne maintenant la parole au président de la commission (Mêmes mouvements).

M. André Lajoinie, président de la commission de la production - Nous avons consacré à ce projet plus de trente heures en commission et plusieurs jours en séance publique, et j'ai déclaré en Conférence des présidents, M. Ollier peut en témoigner, qu'en dépit de discours quelque peu répétitifs il n'y avait pas d'obstruction systématique et avérée...

M. Patrick Ollier - C'est vrai !

M. le Président de la commission - mais je suis en train de changer d'avis ! (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Je mets en garde nos collègues contre l'image que nous risquons de donner de nous-mêmes au pays (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) : ne croyez pas que vous échapperez au jugement des Français ! (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Si votre arrière-pensée était d'empêcher que le projet soit adopté avant les vacances de février, ce serait un mauvais coup porté contre l'institution parlementaire ! (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Patrick Ollier - Rappel au Règlement !

M. le Président - Non. La suspension demandée est de droit. La séance sera reprise dans cinq minutes.

La séance, suspendue à 18 heures 45, est reprise à 18 heures 50.

M. Patrick Ollier - Notre amendement 170 vise à supprimer l'article.

Comme nous n'obtenons pas de réponses, force nous est de nous répéter. Avec vos schémas multimodaux des services de transports collectifs, Madame le ministre, vous proposez trop, ou trop peu, et nos inquiétudes sont d'autant plus fortes que le Parlement sera exclu de la discussion, puis de la décision. Les cinq schémas directeurs -des routes, des voies navigables, des ports maritimes, des réseaux ferroviaires et des infrastructures aéroportuaires -de la loi de 1995 étaient autrement précis et aptes à organiser le transport multimodal sur l'ensemble du territoire ! "Ces schémas veillent notamment à poursuivre l'amélioration de l'accessibilité à toute partie du territoire, particulièrement dans les zones d'accès difficile", avions-nous écrit et je vous prie de croire que ce n'était pas une disposition technocratique. Elle avait en effet été élaborée par les élus de montagne...

Mme Sylvia Bassot - Pas seulement !

M. Patrick Ollier - ...MM. Bouvard, Coussain, Meylan et moi-même plus particulièrement, soucieux que nous étions d'éviter que les logiques financière, budgétaire et, dans une certaine mesure, administrative, n'ignorent les besoins de ces départements "difficiles", aux perspectives en tout cas relativement limitées.

Dans le même esprit, nous avions imaginé le FITTUN, destiné à promouvoir les transports multimodaux. Or, depuis deux ans, votre gouvernement n'a jamais recouru à ce fonds pour lancer les études nécessaires et, de plus, par la loi de finances pour 1999, il l'a transformé de telle manière qu'il ne pourra plus rendre les services pour lesquels il avait été créé ! Vous comprendrez dès lors notre inquiétude lorsque nous voyons les schémas de 1995 réduits à un seul ! Ce n'est pas ainsi qu'on remédiera à certaines attitudes : renonciation brutale à la A51 Marseille-Grenoble, refus d'aller plus loin que les études pour le tunnel que nous réclamons depuis des années sous le Montgenèvre, incertitudes sur le bouclage de la convention alpine... Nous sommes contre les camions qui traversent le massif alpin et donc pour le multimodal, mais nous ne saurions approuver cet article qui, contrairement à celui de 1995, ne prépare pas un maillage satisfaisant du territoire. Nous demandons donc sur ce point le retour à la loi Pasqua.

M. le Président - L'exposé des motifs de l'amendement 409 est strictement identique à celui du 170.

M. Yves Deniaud - Il mérite néanmoins d'être défendu.

Contrairement à ce qu'on a dit, la loi Pasqua n'était pas irréaliste quand elle prévoyait qu'aucun point du territoire ne devait se trouver "à plus de 50 kilomètres ou de 45 minutes d'automobile soit d'une autoroute ou d'une route express à deux fois deux voies, soit d'une gare desservie par le réseau ferroviaire à grande vitesse". L'élaboration des schémas routiers et ferroviaires permettait d'y parvenir tout en laissant une marge de choix. Or voici que vous supprimez cette contrainte, démocratique dans la mesure où le Parlement votait les schémas. Désormais, ce sont le gouvernement et l'administration qui décideront !

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces amendements car elle a approuvé les deux schémas de transport et le principe qui consiste à les élaborer en fonction des besoins des usagers, en recherchant la solution la plus économe et en évaluant les avantages et les inconvénients de chaque mode de transport.

Mme la Ministre - L'avis du Gouvernement est, bien sûr, défavorable aussi. L'article 17 de la loi du 4 février 1995 ne contenait qu'une disposition très générale en faveur du transport multimodal, dans son cinquième alinéa ; en revanche, dès le premier, il édictait des règles très contraignantes en vue de développer le réseau d'autoroutes et de TGV !

Par ailleurs, vous ne m'en voudrez pas de redire que je considère irréaliste d'affirmer qu'en 2015, "aucune partie du territoire français métropolitain continental ne sera située à plus de 50 kilomètres ou de 45 minutes d'automobile soit d'une autoroute ou d'une route expresse à deux voies en continuité avec le réseau national, soit d'une gare desservie par le réseau ferroviaire à grande vitesse".

M. François Sauvadet - La loi de 1995 prévoyait cinq schémas sectoriels et affichait un objectif à l'horizon 2015. Comment réfuter la nécessité de voies de circulation rapides ? Et, si vous le faites, quel objectif fixez-vous, en la matière, à ce projet de loi ? Le rapport de la commission a beau nous dire que le texte "s'attache à définir les services de transport tels qu'ils résultent des besoins effectifs", vous ne cessez de nous opposer la notion d'inapplicabilité. La remise en question du canal Rhin-Rhône, que vous avez décidée sans consulter le Parlement, et qui se traduira, dans ce texte, par une colonne blanche, symbolise à mes yeux vos ambitions en matière d'infrastructures. Il faudrait, pourtant, s'attacher à développer ce partenariat auquel nos voisins -la Suisse la première- aspirent ! Il faudrait donc qu'un calendrier de travaux précis figure dans la loi, comme c'était le cas dans la loi de 1995. Vous ne pouvez prendre prétexte de vos préoccupations -ce que nous partageons- relatives à la préservation de l'environnement pour rompre avec la politique d'équipement nationale. Auriez-vous la tentation de le faire que vous ne seriez pas suivie par tous ceux qui, en France, attendent de disposer de voies de circulation qui répondent à leurs aspirations légitimes.

M. Jean-Jacques Filleul - Je crois aux schémas de service et je trouve pathétique la défense constante de la loi de 1995 qui n'a jamais été appliquée et qui, reconnaissez-le, aurait difficilement pu l'être. Une logique nouvelle est présentée aujourd'hui, intéressante, qui privilégie la multimodalité, indispensable à un aménagement compréhensible du territoire. Il suffit de contempler ces centaines de kilomètres pendant lesquels ponts et voies ferrées se déroulent parallèlement pour constater que, jusqu'à présent, la multimodalité que chacun semble pourtant appeler de ses voeux a bien mal été mise en oeuvre.

L'article 16 ne doit donc pas être supprimé.

Les amendements 170 et 409, identiques, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Michel Inchauspé - Vous jugez l'article 17 de la loi de 1995 irréaliste. Il convient pourtant de mener une vraie politique de désenclavement au profit des zones rurales fragiles, et c'est ce à quoi tend l'amendement 457, qui vise à rétablir les dispositions contenues dans le texte de 1995 à cette fin. Comment espérer voir les ruraux demeurer à la campagne s'ils n'ont pas les routes nécessaires pour aller travailler en ville ? Trop nombreux sont les territoires ruraux classés en zones de revitalisation rurale et encore trop éloignés des grands axes de transport, ce qui freine leur développement économique.

Grâce à M. Bonrepaux, votre projet de loi a été légèrement modifié. Permettez-moi d'ajouter qu'il faut faire davantage, sous peine de voir s'appliquer, dans les Pyrénées comme dans les Alpes, le principe de "percolation" qui veut que les petites voies seront inéluctablement envahies par les transporteurs, certains de livrer, ainsi, dans des délais précis. Vous aurez ainsi obtenu un résultat exactement contraire à celui que vous dites viser : tous nos villages seront engorgés.

M. Maurice Leroy - J'ai noté que la commission avait décidé de voter l'article 16 sans en rien modifier. Il nous faut donc tenir en séance plénière un débat complet sur ce point et espérer parvenir, comme cela vient d'être le cas pour La Poste, à enrichir le texte.

Vous nous dites, Monsieur le rapporteur, que le projet de loi s'attache à définir les services de transport "tels qu'ils résultent des besoins effectifs" et qu'il "privilégie une approche multimodale", notion dont vous reconnaissez au passage qu'elle n'était pas absente de la loi de 1995. Vous indiquez aussi qu'il convient de raisonner "en termes d'offre globale de transport". Nous ne contestons rien de tout cela. Mais cela signifie-t-il que l'on peut concevoir le développement des zones rurales les plus fragiles de la même manière que celui des zones urbaines ? Certainement pas, et vous devez en tenir compte.

Dans la version qui nous est présentée, le projet de loi ne comporte aucune disposition visant à améliorer la desserte des zones de revitalisation rurale. C'est pourquoi nous avons déposé des amendements de suppression, et d'autres dont le 981, visant à rétablir les dispositions de la loi de 1995, qui fixaient les conditions d'une desserte équilibrée du territoire.

La loi Pasqua affichait un objectif de désenclavement ambitieux, et votre défaitisme, en la matière, est frappant. Suffit-il de répéter que certaines dispositions n'ont pas été appliquées -ni par nous, ni par vous- pour les supprimer ? Non ! il convient, au contraire, de rétablir les dispositions actuelles et, avec elles, une vraie politique de désenclavement. Tel est l'objet de l'amendement 981.

M. Jean-Claude Lenoir - La loi Pasqua avait le mérite de fixer une grande ambition : mettre tout citoyen à une distance raisonnable d'un grand axe de communication. Elle avait fait naître dans les zones rurales un immense espoir, dont vous sonnez aujourd'hui le glas. Mon amendement 602 permet à l'Assemblée de revoir la copie du Gouvernement.

Mme la ministre a repris l'argument qui consiste à justifier certaines autoroutes en invoquant la circulation probable. Ce type de calcul de rentabilité n'est pas pertinent pour les infrastructures, car celles-ci précèdent le développement. Aux Etats-Unis, on n'a pas attendu que les Indiens s'organisent pour leur apporter le chemin de fer ! Pour décider de creuser le canal de Suez, on n'a pas compté d'abord le nombre de bateaux qui traversaient la péninsule du Sinaï ! Cet argument est donc hors de propos si l'on veut assurer un équilibre des infrastructures.

M. Jean Proriol - Mon amendement 1068 a le même objet. C'est le CIAT du 15 décembre 1997 qui a introduit la notion des huit schémas sectoriels au lieu du schéma national. Or votre article 16, Madame la ministre, repose sur un mot magique, dont on attend qu'il résolve tous les problèmes : la multimodalité. Elle ne résoudra pourtant pas tout. Les préfets de région, pour travailler avec les conseils régionaux, ont besoin d'une orientation claire. La loi de 1995 la définissait, en fixant un maximum de distance ou de temps de trajet pour atteindre les grands axes. Vous ne pouvez pas mettre les préfets au travail en leur disant simplement : faites du multimodal.

M. Michel Bouvard - Si le Gouvernement n'acceptait pas nos amendements, il devrait nous présenter une "carte compressée", où les distances sont exprimées non en kilomètres mais en temps de transport. Elle montrerait quelles parties du territoire sont éloignées des gares TGV, des autoroutes ou des voies express. Les zones non irriguées sont souvent des massifs montagneux. Or il existe là des solutions mixtes qui permettraient d'améliorer la desserte, pour les voyageurs, mais aussi pour le fret. M. Inchauspé a raison d'évoquer les Pyrénées, zone où la saturation du trafic ferroviaire crée la plus grande urgence. Ensuite viennent les Alpes, saturées pour le rail comme pour les poids lourds. On ne me fera pas croire que la France, quatrième puissance économique mondiale, et l'Italie -puissance significative qui, on l'ignore trop, dépasse le Royaume-Uni- sont incapables de faire un investissement pour une nouvelle infrastructure dans les Alpes, alors que la Suisse investit deux fois plus dans la modernisation de son réseau ferré.

J'ai ici un document officiel d'octobre 1998, émanant du préfet de la région Rhône-Alpes, qui touche à un enjeu national essentiel : comment capter les flux de transport. Les corridors européens se mettent en place par accords entre les opérateurs ferroviaires ; le trafic va se concentrer. Le premier maillon qui a fait l'objet d'un accord relie Anvers à Sibelin au sud de Lyon, avec des prolongements vers l'Italie. D'autres projets de corridor concernent le Breuner et le Lötschberg. Ces projets capteront de plus en plus la richesse économique, car elle va vers les secteurs où l'on peut gérer des flux. Le rapport Brossier marque à cet égard un recul de la volonté politique de la France. Après 2015, les flux de transports seront ailleurs : nous allons affaiblir le fret ferroviaire, la SNCF et les ports français.

Vous dites, Madame la ministre, que les schémas n'ont pas été faits. Le schéma autoroutier existe, et il a été approuvé. Le schéma fluvial a été fait. Je n'étais pas d'accord avec le projet Rhin-Rhône, mais il avait été approuvé par le Parlement. Son abandon a été le fait du prince : c'est cela -et non sa suppression, que j'approuve- qui me heurte. Enfin, le rapport de M. Rouvillois a montré l'absurdité du schéma ferroviaire de 1991. Mon amendement 871 rétablit donc les objectifs de la loi de 1995.

M. Patrick Ollier - C'est aussi le cas de l'amendement 1064. Au-delà des problèmes techniques, excellemment exposés par mes prédécesseurs, ce qui est en jeu ici, c'est le rôle du législateur et la responsabilité du Gouvernement. Une loi d'orientation doit fixer des objectifs. C'est le devoir du Gouvernement. Les quatre lignes que rétablit notre amendement nous avaient coûté trois jours de travail. C'est qu'une petite moitié de la commission spéciale avait dû convaincre une grosse moitié qu'il existe des territoires désespérés parce qu'enclavés : le Gouvernement doit poser clairement dans la loi l'objectif de les désenclaver un jour. Je suis à 160 kilomètres d'une autoroute ; que je veuille aller vers Grenoble ou vers Marseille, il me faut au moins 2 heures 15. Mais si je me tourne vers l'Italie, j'ai à trente minutes l'autoroute de Turin, ville où je n'ai hélas pas grand-chose à faire... L'Italie a réussi à conduire les autoroutes au pied des montagnes, alors que nous hésitons toujours.

Le Gouvernement et le Parlement doivent affirmer clairement que ces problèmes devront être réglés. C'est pourquoi nos amendements fixent un temps de transport et une distance maximum. Si cette priorité du désenclavement n'est pas inscrite dans la loi, elle ne sera pas appliquée. Je pense que nous devrions être tous d'accord pour voter cet amendement (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. le Président - Répondant par l'humour à votre humour, je vous suggère d'échanger votre voiture sans permis contre un véhicule plus rapide...

M. le Rapporteur - Ces amendements tendent à rétablir l'article 17 de la loi Pasqua, qui émet un voeu séduisant, mais peu réaliste, que ce soit financièrement ou au regard des échéances de réalisation. L'opposition n'a cependant pas le monopole de la volonté du désenclavement : la commission proposera à l'article 32 un amendement 355 qui pose le principe de l'amélioration de la desserte des zones d'accès difficile par leur raccordement au réseau rapide. C'est un objectif plus pertinent que la fixation d'un temps maximum, car les conditions climatiques et de circulation influent notablement sur la durée des trajets.

Mme la Ministre - Qui peut être contre l'amélioration de la desserte des zones d'accès difficile ou de moindre densité démographique ?

Cet objectif est clairement mentionné dans les cahiers des charges des schémas de services de transport. Fallait-il pour autant maintenir la règle du 50 km ou des 45 minutes telle qu'elle figure dans la loi de 1995 ? N'est-ce pas prendre les Français pour des prunes que de promettre à toutes les zones de montagne des équipements routiers à 120 ou 150 millions de francs le kilomètre pour desservir quelques centaines ou quelques milliers d'habitants ? (Protestations sur les bancs du groupe du RPR) C'est un mythe, un simple effet d'annonce, un pari sur l'éternité !

Quadriller le territoire de façon aussi mécanique, technocratique ne serait pas un choix politique mais un non-choix. Le Gouvernement entend définir des priorités, c'est bien l'objet d'une loi d'orientation.

Parmi celles-ci figure, comme on le verra à l'article 32, l'amélioration de la qualité des services de transports et de la desserte des zones d'accès difficile. Sur certaines liaisons cette amélioration passera par la création d'infrastructures nouvelles, sur d'autres par des progrès sur la sécurité, ou sur la fréquence et le confort des transports collectifs. Il ne peut y avoir de règle générale en la matière.

Je vous rappelle que les autoroutes et les TGV ne s'arrêtent pas dans chaque bourg. Il faudrait donc les doubler par des infrastructures parallèles pour la desserte au quotidien. En avons-nous les moyens ?

Les améliorations à apporter dans ces zones passent plutôt par des travaux de sécurité, de contournement de villes et villages, par une amélioration des transports collectifs.

Monsieur Bouvard, le temps de transport ne dépend pas seulement des infrastructures, mais aussi de la fréquence des trains et du nombre d'arrêts ! On peut mettre de 1 heure 30 à 2 heures 50 pour aller de Mulhouse à Dijon en train !

C'est pourquoi je souhaite mettre l'accent sur l'amélioration du service rendu.

Méfiez-vous des références aux Etats-Unis : les projets de TGV y ont été tous abandonnés au motif qu'ils n'assuraient pas la desserte des villes moyennes.

Méfiez-vous aussi des références à la Suisse. Le seul corridor fret qui fonctionne réellement est celui qui relie Anvers à Lyon et qui a été prolongé jusqu'à Modane : seuls deux sillons sont occupés entre Anvers et Milan. Il n'y a encore aucun trafic sur les corridors suisses. Gare aux simplifications dont les amendements que vous défendez sont un bel exemple !

M. Christian Estrosi - Je suis surpris par les réponses du rapporteur et du ministre. Mme le ministre décide d'autorité que la France n'a pas les moyens nécessaires pour réaliser les équipements prévus par la loi Pasqua, que techniquement ils ne se justifient pas et qu'il est inutile de chercher à désenclaver certaines zones.

Pour ma part, je considère que cela mériterait réflexion, étude et débat.

J'habite la zone la plus montagneuse de France, mais elle est voisine du Piémont qui connaît le plus fort taux de croissance d'Europe : or des études ont démontré que la réalisation de liaisons alpines pouvait s'autofinancer...

Mme la Ministre - Ne dites pas n'importe quoi !

M. Christian Estrosi - Une insulte de plus à mon égard, j'y reviendrai ! Si vous ne me croyez pas, rapprochez-vous du ministre des transports et vous verrez que grâce à des concessions de trente ans ces projets pourraient être financés sans appel aux contribuables.

Mais vous, vous décidez d'autorité d'abandonner toutes ces réflexions et tous ces projets.

Les amendements 457 et 981, identiques, mis aux voix, ne sont pas adoptés, non plus que les 602, 1068, 871 et 1064.


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FAIT PERSONNEL

M. Christian Estrosi - J'ai été surpris par la violence avec laquelle le ministre s'est adressé à moi en début de séance (Rires sur les bancs du groupe socialiste). Elle a qualifié de grossièreté le fait de demander que les ministres compétents puissent venir s'expliquer sur les schémas sectoriels.

Or nous traduisons les angoisses profondes des chefs d'entreprise, des élus locaux et de nos concitoyens qui, à la lecture de ce texte et des mesures annoncées par les préfets, nous demandent de venir ici interroger le Gouvernement.

S'il est inconvenant pour l'opposition de poser des questions et, lorsque le ministre présent n'est pas capable d'y répondre, de faire appel aux ministres compétents, alors je demande, pour fait personnel, des excuses à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir à 21 heures 15.

La séance est levée à 19 heures 40.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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