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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 68ème jour de séance, 175ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 3 MARS 1999

PRÉSIDENCE DE M. Raymond FORNI

vice-président

          SOMMAIRE :

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 1

    FRAUDE ÉLECTORALE À AUBAGNE 1

    COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE 2

    INTERDICTION DE MINES ANTIPERSONNEL 3

    SERVICE PUBLIC POSTAL 4

    EXCEPTION CULTURELLE 4

    SAUVETAGE EN MONTAGNE 5

    TVA SUR LA RESTAURATION 5

    ALCOOL ET DROGUE 6

    NOUVEAU CONCOURS D'ENTRÉE À L'ÉCOLE NORMALE SUPÉRIEURE 6

    LIBERTÉ D'EXPRESSION SUR INTERNET 7

    SITUATION AU CONGO-BRAZZAVILLE 7

    MATRISE DES DÉPENSES DE SANTÉ 8

TRAITÉ D'AMSTERDAM (suite) 9

DOPAGE (CMP) 14

PROJET DE LOI ORGANIQUE ET PROJET DE LOI SUR LE CUMUL DES MANDATS -deuxième lecture- (discussion générale commune) 22

La séance est ouverte à quinze heures.


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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

FRAUDE ÉLECTORALE À AUBAGNE

M. Guy Teissier - Les habitants d'Aubagne, et plus particulièrement ceux de la 9ème circonscription des Bouches-du-Rhône découvrent avec stupéfaction que leur député a triché pour se faire élire. Ils constatent, avec amertume et perplexité, que dans un état de droit, la fraude massive est possible et existe...

Nombreux députés socialistes - Tiberi !

M. Guy Teissier - ...au risque de remettre en cause les fondements de la démocratie. Que s'est-il passé en octobre dernier ? Alors que le candidat de Démocratie Libérale allait l'emporter, après des décennies de mandats communistes successifs, certains fonctionnaires municipaux n'ont pas hésité à franchir le seuil de l'inacceptable et à trafiquer... (Vives protestations sur de nombreux bancs du groupe communiste)

Cette magouille (Nouvelles protestations) a été sanctionnée par le Conseil constitutionnel, et une instruction judiciaire est en cours (Très vives protestations sur les bancs du groupe communiste).

M. le Président - Je sais que cette question n'est pas de nature à apaiser les esprits, mais un tel vacarme ne s'impose pas !

M. Guy Teissier - Des mises en examen ont eu lieu et, la gravité des faits étant avérée, il y a eu des incarcérations. Ces pratiques sont d'autant plus inacceptables qu'elles semblent courantes de la part du Parti communiste (Très vives protestations sur les bancs du groupe communiste). Rappelons-nous ce qui s'est passé, en la matière, à Sarcelles, à Aulnay-sous-Bois, à Antony, à Villeneuve-Saint-Georges ! A chaque fois les élections municipales ont été entachées de fraudes et d'irrégularités ! Ces procédés inacceptables sont l'expression même du mépris porté aux électeurs et à la démocratie.

Et que dire des manifestations "soviétiformes" (Exclamations sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste) organisées à présent par le Parti communiste sous les fenêtres du Palais de justice, à Marseille, pour faire pression sur le juge chargé de cette affaire ? Que dire de la fausse alerte au feu donnée hier par le premier adjoint au maire d'Aubagne pour "déclencher un plan "Orsec" visant à avertir la population que le maire allait être interpellé par la police" et inciter la population à signer des pétitions destinées au garde des Sceaux ? (Vives protestations sur les bancs du groupe communiste)

M. le Président - Venez-en à votre question, je vous prie.

M. Guy Teissier - Tous ces procédés sont scandaleux ! Madame le garde des Sceaux, les lois de la République ne s'appliqueraient-elles plus à Aubagne ? Que vous inspirent les pressions exercées sur la justice par ce parti qui appartient à votre majorité ? Conservez-vous, sur l'indépendance de la justice, la même opinion ? Surtout, ne trouvez-vous pas choquant qu'un candidat ayant dépassé le montant légal des dépenses de campagne soit déclaré inéligible pendant un an, cependant qu'une personne invalidée pour fraude électorale peut se représenter immédiatement devant les électeurs ? (Exclamations sur les bancs du groupe DL)

Madame la ministre, seriez-vous prête à soutenir une proposition de loi du groupe Démocratie Libérale visant à interdire à un candidat fraudeur de se représenter devant les électeurs ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. le Président - Je vous rappelle que les questions sont faites pour obtenir des réponses... Or, la longueur de celle que vous avez posée a été telle que votre groupe ne dispose plus, en tout et pour tout, que de 14 secondes...

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - J'ai rappelé ici même, il y a deux semaines, les conditions dans lesquelles le Conseil constitutionnel a tranché : en se contentant d'annuler les élections, il n'a fait qu'appliquer la loi ! Je vous rappelle aussi que, dans cette affaire, plusieurs plaintes ont été déposées, par les deux parties en cause : pour fraude électorale, certes, mais aussi pour diffamation. L'ensemble de ces plaintes est examiné, et l'information judiciaire se poursuit, après que plusieurs mises en examen, suivies, pour certaines, de mises sous contrôle judiciaire et pour d'autres, de gardes à vue, ont eu lieu.

Il me semblerait de bon ton que l'Assemblée s'en tienne à la réserve qui sied concernant les problèmes judiciaires en cours (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste). Vous devriez garder votre sang-froid, car vous n'êtes certainement pas en situation de donner des leçons à qui que ce soit (Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE

M. Jean-Claude Boulard - Ce matin, le Gouvernement a adopté un projet de loi portant création de la couverture maladie universelle (CMU). Madame le ministre de l'emploi et de la solidarité, pourriez-vous nous exposer les principes fondamentaux de ce texte (Exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR), qui permettra aux plus modestes d'entre nous d'accéder à la santé ? Pourriez-vous, aussi, nous donner votre opinion sur les critiques -qui m'ont choqué- selon lesquelles cette loi prolongerait ces milliers de personnes dans un état d'assistance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Ainsi que vous l'avez souligné, cette loi constitue l'une des avancées les plus importantes (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF) depuis la fin de la deuxième guerre mondiale C'est du moins ce qu'en pense le président de l'association ATD-Quart monde, qui considère que ce texte met fin à des décennies de résignation (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF).

Je saisis l'occasion qui m'est offerte pour vous remercier de tout le travail réalisé, en amont, et qui a permis que ce projet aboutisse. Il permet à tout résident, sur présentation de sa carte d'identité, de bénéficier de la sécurité sociale. Il apportera donc une aide précieuse à toutes les personnes en rupture de famille, aux femmes abandonnées (Rires sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Cela vous amuse ? Mais des dizaines de milliers de personnes sont dans ce cas ! Le Gouvernement va au-delà de ce que la droite avait amorcé, en prévoyant, en outre, une couverture "maladie" complémentaire pour quelque six millions de Français aux revenus modestes. Le projet de loi concerne donc les exclus et les chômeurs, certes, mais aussi de nombreux commerçants et salariés.

Les procédures prévues sont, volontairement, simples, afin que l'ouverture des droits puisse se faire le plus vite possible -dès que la preuve est apportée de ressources inférieures à 3 500 F pour une personne seule, à 7 500 F pour une famille avec deux enfants. Dès ce moment, les personnes concernées pourront bénéficier de la CMU gratuite, en choisissant l'intermédiaire qui leur convient le mieux. Elles pourront, si elles le souhaitent, se faire aider par une association, et je tiens à remercier, encore une fois, toutes les associations pour le travail accompli.

Comme vous, j'ai été choquée d'entendre parler d'"assistance" à propos de ce projet de loi. Les maires de villes riches que sont MM. Méhaignerie, Tiberi ou Pasqua, qui ont déjà mis en place des systèmes d'accès gratuit aux soins se complairaient-ils, alors, dans l'assistance ? Pour moi, ce serait de la non-assistance à personne en danger que de ne pas soutenir ce texte ! (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF ; vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

INTERDICTION DE MINES ANTIPERSONNEL

M. Robert Gaïa - Le 1er mars 1999, des célébrations ont marqué l'entrée en vigueur de la convention internationale prohibant la fabrication, la vente et l'utilisation des mines antipersonnel. Les députés socialistes, qui ont voté à l'unanimité en faveur de la ratification de ce texte, se félicitent de son entrée en vigueur. C'est tout à l'honneur de la France d'être le premier pays membre du Conseil de sécurité de l'ONU à l'avoir ratifiée. En le transposant en droit interne, notre pays expérimente un nouvel espace de dialogue où confluent trois volontés politiques fortes, celle de l'opinion publique, celle du Gouvernement et celle des parlementaires, ouvrant ainsi la voie au concept du désarmement d'initiative citoyenne.

La France doit poursuivre son action et tenir ses engagements. Nous nous félicitons de l'oeuvre de déminage et de destruction des stocks entreprise par nos armées. La représentation nationale souhaite être informée du délai de parution des décrets permettant d'installer la commission nationale, des moyens que le Gouvernement entend mobiliser, et plus généralement de la façon dont vous concevez ce nouveau concept qui conjugue lutte contre la prolifération, désarmement, action humanitaire, maintien de la paix et développement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Nous considérons tous le 1er mars comme une date historique. Elle marque l'entrée en vigueur de la convention d'Ottawa relative à l'interdiction des mines antipersonnel, qui sont l'arme des lâches, l'arme qui tue pendant que la guerre tue, mais qui continue à tuer après le retour de la paix, quand on a oublié les combats, quand les soldats ou les partisans se sont retirés, et que des femmes, des hommes, des enfants qui travaillent ou qui jouent sont tués, mutilés, traumatisés par cette arme des lâches ; oui, il était nécessaire que cette arme particulièrement barbare soit mise au ban des nations. Je rends hommage aux organisations internationales, dont beaucoup sont françaises, qui ont lutté pour cette interdiction, et dont l'action a été reconnue par l'attribution du Prix Nobel.

Dès l'installation du Gouvernement, je me suis engagé, en juin 1997...

M. Richard Cazenave - Après Jacques Chirac !

M. le Premier ministre - ...à faire en sorte que notre pays signe la convention pour l'interdiction totale des mines antipersonnel. En décembre 1997, le ministre de la coopération l'a signée à Ottawa. Le Gouvernement l'a soumise au Parlement dans l'été 1998, et grâce à votre mobilisation et à celle des sénateurs, la convention a été ratifiée dès le 8 juillet. Depuis, nous ne cessons d'intervenir auprès d'autres Etats, dont certains très importants, pour qu'ils la signent à leur tour.

L'article 9 de la loi du 8 juillet 1998 dispose qu'un décret instituera une commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel. Ce décret sera prêt très bientôt. La composition de la commission fera une large place aux parlementaires et aux représentants des ONG. Pour témoigner de l'importance que le Gouvernement attache à cette commission, je compte l'installer personnellement.

La France elle-même n'a pas eu recours aux mines antipersonnel en opération depuis dix ans. Elle n'en produit ni n'en exporte plus. Elle a détruit à ce jour les deux tiers de ses stocks, et le Gouvernement a assigné aux armées l'objectif de parvenir à la destruction totale à la fin de 1999 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV, et sur quelques bancs du groupe UDF et du groupe du RPR), même si elle conserve quelques milliers de mines afin de former les personnels de déminage. Le Gouvernement, en plein accord avec le Président de la République, demeure en effet engagé dans la poursuite du déminage. Je tiens à rendre hommage aux personnels civils et militaires qui mettent en oeuvre cette action, grâce à leur courage et à leur compétence technique (Applaudissements sur tous les bancs).

De 1995 à 1998, la France a consenti un effort financier de 214 millions en faveur du déminage, à quoi s'ajoutent 60 millions consacrés à la recherche sur les matériels de déminage. Le Gouvernement entend bien continuer l'effort financier nécessaire à cette mission prioritaire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

SERVICE PUBLIC POSTAL

M. François Brottes - Les directives européennes se suivent sans toujours se ressembler. Nous sommes en train de transposer dans notre droit la directive relative au service postal, qui garantit une bonne qualité de service public au titre du service universel et laisse à La Poste le secteur réservé le plus large possible.

Or à peine cette directive entre-t-elle dans les faits que le commissaire européen compétent s'apprêterait, dit-on, à annoncer une libéralisation totale du marché postal à partir du 1er janvier 2003.

Que compte faire le Gouvernement pour éviter de faire peser de graves menaces sur le service public postal ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - La directive du 15 décembre 1997 cherche à garantir un service postal de qualité et accessible à tous. Cette directive confirme aussi la possibilité de réserver un périmètre de service au prestataire du service universel, qui en France est La Poste.

C'est ce que le Gouvernement a proposé, par un article inséré dans le projet de loi d'orientation pour l'aménagement du territoire, que l'Assemblée a adopté le 9 février dernier, en première lecture.

La directive dispose également que le Conseil des ministres et le Parlement européens décideront avant le 1er janvier 2000 d'une redéfinition des conditions d'exercice de ce monopole postal, qui serait applicable à partir de 2003.

Dans cette perspective, la Commission européenne pourrait adopter une nouvelle proposition, que certains Etats voudraient mettre à profit pour obtenir une libéralisation totale du secteur postal. Le Gouvernement juge cette orientation totalement inacceptable. Je l'ai rappelé fin novembre à Bruxelles devant mes collègues de l'industrie, et plus récemment à une délégation de parlementaires européens.

Nous voulons maintenir un service réservé important pour la poste en Europe. C'est notre conception du service public, qui est en parfaite concordance avec les dispositions de la directive (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

EXCEPTION CULTURELLE

M. Didier Mathus - Depuis quelques jours, des discussions sont en cours entre Canal Plus et le groupe Murdoch pour étudier la fusion de Canal Plus et de B Sky B. Cette nouvelle a jeté la consternation dans les milieux de la création en France. Chacun se souvient des attaques violentes de M. Murdoch, à Birmingham, contre l'exception culturelle européenne, et de son mépris affiché pour les législations nationales favorables à la création cinématographique et audiovisuelle.

M. Murdoch possède un groupe de presse qui ignore tout principe déontologique et témoigne d'une conception ultra-libérale de la communication. Son arrivée sur le continent européen représente un grand danger. Comment le Gouvernement compte-t-il faire face à cette menace ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication - Les discussions auxquelles vous faites allusion préoccupent le Gouvernement. Vous avez rappelé les déclarations de M. Murdoch à la conférence de Birmingham. Il s'est également opposé à tout système de régulation que mettraient en oeuvre les pouvoirs publics au plan national ou européen. Seuls l'intéressent les 40 % du marché européen qui lui permettraient de s'étendre sur le continent. C'est bien pourquoi le groupe Murdoch est engagé dans une forte offensive pour prendre pied par tous les moyens en Europe.

Après s'être heurté à l'opposition du gouvernement italien, il se retourne vers la France. A l'époque, le président de Canal Plus, M. Lescure, parlait de "la pieuvre Murdoch".

Le Gouvernement est attaché au renforcement des groupes français, afin qu'ils puissent passer des alliances positives dans le domaine de la production. Néanmoins, il se montrera très vigilant sur tout rapprochement entre Canal Plus et le groupe Murdoch, eu égard à ses conséquences sur le marché européen de la télévision payante, et aussi compte tenu de sa conception de la souveraineté culturelle nationale et européenne. La question de Canal Plus en France est aussi fonction de ses devoirs spécifiques vis-à-vis de la production cinématographique.

Soyez assuré que le Gouvernement veillera que toutes les autorités compétentes soient saisies (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

SAUVETAGE EN MONTAGNE

M. Roger Meï - La montagne a coûté cher, cette année, en vies humaines, à cause de l'imprudence ou des défis sportifs. Les sauveteurs eux-mêmes ont payé leur tribut, et je rends hommage à leur dévouement.

Il faudra parler aussi du coût du sauvetage. Je souhaite, quant à moi, que celui-ci reste gratuit, sauf s'il y a mise en danger délibérée de la vie d'autrui. Des jeunes de ma circonscription ont payé de leur vie leur méconnaissance des dangers de la montagne. Le moment n'est-il pas venu de mettre en place une véritable législation à ce sujet ?

M. Patrick Ollier - Question stupide !

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - C'est vrai, la montagne a coûté cher en vies humaines, et je partage votre émotion. Pour ma part, je reste comme vous attaché au principe de la gratuité des services publics, et notamment du secours en montagne -et je rends hommage au dévouement et au courage des sauveteurs, gendarmes, CRS, sapeurs-pompiers, membres des comités d'intervention de la sécurité civile. Tous ont pris des risques considérables -et on a mesuré dans l'affaire de Pralognan-la-Vanoise quels risques il fallait parfois prendre pour secourir des randonneurs imprudents.

Vous posez donc un problème réel. La loi montagne permet que les communes récupèrent certains frais engagés pour sauver des imprudents -et je crois que ce sera le cas dans cette affaire. On peut en outre regretter que certains comportements ne soient pas aussi civiques qu'on pourrait l'espérer -je parle de la commercialisation des images (Applaudissements sur tous les bancs). Le code pénal permet certaines poursuites en cas de mise en danger délibérée de la vie d'autrui, il y a déjà eu des condamnations à ce titre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

TVA SUR LA RESTAURATION

M. Michel Bouvard - Tous les élus de la montagne partagent le sentiment que vient d'exprimer M. le ministre (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste). Mais ma question concerne la TVA. En octobre, le Gouvernement n'a pas souhaité prolonger la baisse de l'IR amorcée par le Gouvernement précédent, ni revenir sur la hausse momentanée de TVA qu'il avait décidée (Rires). Vous avez préféré des baisses ciblées de TVA. Or nous avons été un certain nombre à plaider pour une baisse de la TVA applicable à la restauration. Dans un souci de simplification, d'abord, car il existe des taux très divers selon qu'il s'agit de vente à emporter, de pension, de restauration rapide ou de restauration classique. Pour assurer ensuite une concurrence plus équitable avec des pays comme la Grèce, l'Espagne, le Portugal, qui ont baissé leurs taux depuis leur entrée en Europe. Enfin, pour créer de l'emploi -on estime que 7 à 14 000 créations d'emplois seraient possibles.

Or l'Union européenne vient d'accepter une évolution des taux pour les activités à forte intensité de main-d'oeuvre -c'est le cas de la restauration. Proposerez-vous cette baisse ? Et ne me dites pas une fois de plus que les riches vont plus au restaurant que les pauvres, ou qu'on a déjà beaucoup fait pour le tourisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. le Président - J'ai su que vous alliez faire la réponse après la question (Protestations sur les bancs du groupe du RPR).

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget - Vous avez heureusement rappelé que la majorité précédente avait majoré de deux points la TVA, ce qui a pesé fortement sur le niveau de vie des ménages (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Nous avons engagé un mouvement en sens inverse, avec des baisses ciblées pour un montant de 12 milliards en 1998-99. La restauration étant taxée à 20,6 % et les ventes à emporter à 5,5 %, tout comme la restauration collective, on pourrait imaginer un taux uniforme de 14 % : mais ce serait demander un effort à ceux qui recourent à ces dernières, et ce ne sont pas forcément les plus aisés. Quant à la Commission, quand elle parle des activités à forte intensité de main-d'oeuvre, elle n'y inclut pas la restauration, mais l'aide à domicile et l'entretien du bâtiment.

De toute façon, le Gouvernement fera des choix fiscaux en septembre, et le Parlement en aura naturellement la primeur (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

ALCOOL ET DROGUE

M. Yves Fromion - Selon certaines informations, un décret en projet étendrait à l'alcool la compétence de la mission interministérielle contre la drogue et la toxicomanie. Cela poserait plusieurs problèmes. Un problème économique, d'abord : est-ce le moment, quand on renégocie la PAC, de noircir l'image des producteurs viticoles ? Un problème médical, ensuite : ne risque-t-on pas de banaliser la consommation de la drogue ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Enfin, une question pratique : la mission pourra-t-elle s'occuper de l'alcool, quand elle s'est montrée si peu performante jusqu'ici pour développer la prévention ? Bref, qu'en est-il de ce projet de décret ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF)

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale - Je vous remercie d'avoir entamé ainsi un débat nécessaire. En réalité, rien n'est tranché, et aucun amalgame n'a été décidé. Ce qui compte, c'est de protéger les individus. Pour beaucoup la consommation de tabac commence à 12 ans, l'alcool s'y ajoute à 15 ans, et les drogues illicites à 19 ans. Parce qu'il s'agit d'une "polytoxicomanie", nous voulons prendre en charge les personnes de manière globale.

Vous avez tort d'affirmer que la mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie n'a pas fait son travail. Sa tâche est difficile, puisqu'elle doit coordonner l'action des nombreux ministères concernés en vue d'améliorer la santé de notre jeunesse (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

NOUVEAU CONCOURS D'ENTRÉE À L'ÉCOLE NORMALE SUPÉRIEURE

M. Jean-Michel Dubernard - Monsieur le ministre de l'éducation nationale, je m'interroge sur la sincérité de vos réponses. Le 10 février, en effet, mon collègue Jean-Claude Guibal vous a interpellé sur "les étranges modalités de la création d'un nouveau concours d'entrée à l'Ecole normale supérieure". Vous lui avez répondu sur un ton ironique, vous étonnant qu'un journal du soir ait pu reproduire le texte d'un arrêté encore en préparation dont vous n'aviez pas encore reçu le projet.

Or cet arrêté a été publié non seulement dans un journal du soir, mais aussi au Journal officiel ! ("Oh !" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Trois hypothèses, Monsieur le ministre : ou bien vous avez délibérément caché la vérité à la représentation nationale (Mêmes mouvements), ou bien vous aviez oublié cet arrêté, en date du 28 novembre 1998, ou bien vous n'êtes pas informé de ce que font vos directeurs en votre nom. Ce serait grave, car le français ne sera qu'une option parmi d'autres dans ce nouveau concours (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - J'ai dit que cet arrêté n'était pas sur mon bureau pour y être signé : c'était la stricte vérité (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; rires sur plusieurs bancs).

Pour en venir au problème de fond, la direction de l'ENS, après celles d'autres grandes écoles, a accepté d'augmenter de manière significative le nombre de leurs élèves venant des pays membres de l'Union européenne. Chaque école a pris des dispositions de manière indépendante. Ainsi, l'arrêté en question a été préparé par la direction de l'ENS.

Il est absurde de penser que des candidats français vont se présenter à ce nouveau concours, qui n'offre que quatre places. Notre but est d'accroître le rayonnement de nos grandes écoles en Europe, d'éviter que les meilleurs étudiants étrangers aillent tous à Oxford et à Cambridge. L'ENA l'a compris, Polytechnique aussi, et je me réjouis que l'ENS suive (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

LIBERTÉ D'EXPRESSION SUR INTERNET

M. Yves Cochet - Monsieur le ministre de l'économie et des finances, le 10 février, le responsable d'un service d'hébergement sur Internet a été condamné par la cour d'appel de Paris à 405 000 F d'amende pour avoir hébergé un site montrant des photographies non autorisées d'Estelle Halliday (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Je vous en prie.

Cette condamnation est inique à un double titre. D'une part, on rend responsable du contenu d'un site un intermédiaire technique chargé de véhiculer des informations. D'autre part, compte tenu du montant de l'amende, on traite comme le directeur d'une publication lucrative le responsable d'un service d'hébergement gratuit.

Pour protéger l'Internet non marchand et la liberté d'expression, il faut refuser la mise en cause des intermédiaires techniques, l'obligation de déclaration des sites et la disparition des services d'hébergement gratuits.

Quelles mesures comptez-vous prendre pour éviter que des prestataires soient tenus responsables de contenus dont ils ne sont pas les auteurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe socialiste)

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - S'il n'appartient pas au Gouvernement de commenter une décision de justice, il est de sa responsabilité d'éclairer notre avenir.

Internet est un grand enjeu de société. Son développement, porteur d'innovation et d'emploi, va donner une nouvelle forme à la liberté d'expression.

Mais qui dit liberté dit aussi responsabilité.

Un "hébergeur" permet aux utilisateurs d'accéder à un très grand nombre de sites : 40 000 dans le cas que vous citez. Il lui est évidemment impossible de connaître le contenu de chacun. Il faut pourtant qu'il y ait un responsable.

On peut comparer l'hébergeur à France Télécom, qui n'est pas responsable du contenu des conversations téléphoniques mais est capable, si la justice le demande, d'indiquer l'origine d'un appel.

De même, l'hébergeur ne doit pas être tenu responsable, mais il faut qu'il nous aide à combattre les violations de la loi, le terrorisme, la pédophilie.

Une directive en ce sens est en préparation à Bruxelles. Si elle est publiée rapidement, la France la transposera ; sinon, nous devrons légiférer de manière à garantir la sécurité des personnes et la liberté d'expression (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

SITUATION AU CONGO-BRAZZAVILLE

M. Gérard Charasse - La situation au Kosovo et en Macédoine a fait disparaître pour quelques semaines le Congo-Brazzaville des médias. Pourtant, les affrontements ont redoublé dans ce pays, en proie à une véritable guerre intérieure. Les civils sont victimes de bombardements, y compris dans des villes éloignées de la capitale.

Le trafic, aérien, ferroviaire et routier, est suspendu. On déplore de nombreuses exactions. A cet égard, les témoignages des personnes qui ont pu sortir du pays sont accablants.

Il faut montrer l'intérêt qu'accorde la France à ce pays francophone et à l'avenir de cette région d'Afrique dont l'importance stratégique n'est plus à démontrer. Quelles mesures comptez-vous prendre pour aider ce pays à retrouver la paix ? Et où en est votre projet d'une rencontre de conciliation, suggérée dès le 16 janvier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie - La situation dans ce pays est en effet préoccupante. Brazzaville se relevait à peine de l'affrontement entre les partisans de Sassou Nguesso et ceux de Pascal Lissouba que de nouveaux combats venaient endeuiller la population, dans de nombreuses villes.

La zone comprise entre Pointe-Noire et Brazzaville, essentielle pour l'approvisionnement du pays, échappe au contrôle du pouvoir central. Si Pointe-Noire ne souffre pas de violences, la présence angolaise y est pour beaucoup, mais les habitants, dont une importante communauté française, subit les conséquences des coupures d'électricité et de l'afflux des personnes déplacées. La faiblesse des effectifs engagés laisse le champ libre aux auteurs de multiples exactions.

Les rivalités ethniques et la déliquescence de l'Etat ne sont pas des phénomènes récents, mais d'importantes livraisons d'armes ont rendu les affrontements plus violents. La situation politique, en outre, est bloquée, les protagonistes ayant choisi la solution militaire. La France a condamné la reprise des combats et toutes les exactions commises. Elle a engagé les différents acteurs à rechercher la négociation. La France n'oublie pas la responsabilité que l'Histoire lui a léguée, ni l'existence d'une importante communauté française au Congo : si nos compatriotes ne sont plus que 350 à Brazzaville, ils sont encore 2 500 à Pointe-Noire. Nous avons entrepris à la fois de traiter les souffrances de la population et, surtout, de trouver une solution politique à la crise. La discrétion m'interdit d'en dire davantage, mais je dois rencontrer dans quelques instants l'ambassadeur, qui me rendra compte des réactions des parties en présence à nos propositions de réconciliation (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

MATRISE DES DÉPENSES DE SANTÉ

M. Jean-Antoine Léonetti - Le 15 février, Mme Aubry et M. Kouchner ont adressé à l'ensemble du corps médical une lettre riche en banalités du genre "le médecin est celui qui soigne et doit le rester" (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL), "la réforme de l'assurance maladie ne se fera pas sans le corps médical" (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe RPR et du groupe DL) ou "la maîtrise des dépenses ne peut être obtenue par la contrainte" (Mêmes mouvements). Si la méthode douce succède ainsi à la méthode dure, c'est notamment parce que celle-ci a connu un échec retentissant, avec l'annulation par le Conseil constitutionnel des dispositions prises par le Gouvernement.

Dans cette lettre de séduction, dans cette lettre d'amour soudain pour le corps médical (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), alliant le paradoxe à l'hypocrisie (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), vous dites ne pas souhaiter que les mesures proposées s'appliquent, mais le plus facile, quand on ne souhaite pas qu'une mesure s'applique, c'est encore de ne pas la prendre !

A la fin de votre lettre, vous invitez les médecins à vous écrire, voire à vous adresser des courriers électroniques - afin de contourner, naturellement, la représentation syndicale. Ma question sera simple : renoncez-vous aux sanctions collectives aveugles et à la maîtrise strictement comptable des dépenses de santé ? Je vous l'avais posée par écrit dès le 10 février 1998, et n'ai toujours pas reçu de réponse. Aurai-je plus de chance en recourant à la messagerie électronique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe RPR et du groupe DL)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Décidément, vous avez du mal à lire les lettres (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), à moins que vous ne fassiez exprès de poser des questions d'une façon qui n'est pas correcte (Mêmes mouvements). Je sais, pour l'avoir rédigée, que la lettre dont vous parlez ne dit pas "le médecin est celui qui soigne", mais "le médecin est celui qui soigne et qui rassure", c'est-à-dire quelqu'un qui prend le temps d'écouter et de comprendre son patient : la différence est de taille ! Les médecins eux-mêmes, au demeurant, n'ont pas perçu cette lettre comme un tissu de "banalités", car ils ont été des centaines à nous écrire, non pour nous abreuver de formules toutes faites, mais pour nous faire part de leurs suggestions, le plus souvent intéressantes. Vous êtes bien mal placés pour nous faire la leçon, vous qui avez mis les médecins dans les rues, n'avez même pas négocié avec les autres partenaires du système de santé, avez vu tous vos dispositifs annulés et avez échoué de 40 milliards à tenir votre engagement d'équilibre, quand nous l'avons respecté, nous, à 2 milliards près ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. le Président - Je vous remercie de cette réponse de séduction... (Sourires) Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.


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TRAITÉ D'AMSTERDAM (suite)

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi autorisant la ratification du traité d'Amsterdam modifiant le traité sur l'Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes.

M. le Président - Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé, en application de l'article 65, alinéa 1, du Règlement, que le vote aurait lieu par scrutin public.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué aux affaires européennes - Je remercie l'ensemble de la représentation nationale de ce débat riche, nourri, sérieux et approfondi, qui s'est prolongé jusqu'à une heure avancée de la nuit et a mis en lumière les apports et les faiblesses du traité. Je ne reviens pas sur l'article additionnel élaboré par le Gouvernement avec l'aide précieuse de votre commission des affaires étrangères, et dans lequel semble se reconnaître une large majorité. Je vous invite, en conclusion, à adopter ce texte, afin d'autoriser la ratification du traité d'Amsterdam et de rappeler la détermination de la France à réformer profondément les institutions européennes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe UDF).

M. Michel Vauzelle, rapporteur de la commission des affaires étrangères - Le traité d'Amsterdam, s'il n'est pas un bon traité, est une étape nécessaire de la construction européenne, et il est des moments, dans la vie internationale comme dans la vie tout court, qu'il faut accepter avec réalisme et responsabilité. Je salue l'attitude du Gouvernement, qui a respecté la souveraineté nationale en faisant écho à la forte volonté, exprimée par la commission des affaires étrangères et des plus éminents personnages de la République, que la France parle haut et net en faveur de la réforme des institutions européennes.

Enfin, je souligne que l'ensemble des orateurs, quelle que soit leur position, ont manifesté le vif souci que la France sache résister aux menaces qui planent sur sa liberté du fait de la mondialisation, de l'existence d'un modèle économique unique et d'une seule super-puissance. Pour rester libre, elle doit s'appuyer sur la force que donne l'Union et renforcer sa coopération avec ses partenaires. Il est antipédagogique d'opposer les "souverainistes" aux "fédéralistes", et nous devons être capables d'expliquer, dans les semaines qui viennent, que l'Union européenne doit reprendre à son compte la volonté profonde de la France de défendre sa liberté et son identité culturelle, et que la France, de son côté, peut accepter des transferts de souveraineté si elle veille simultanément à ce que jamais il ne soit porté atteinte à cette liberté et à cette identité culturelle.

Tels sont les enseignements que je tire de ce débat fort utile, et je souhaite que l'Assemblée se prononce à la même quasi-unanimité que sa commission en faveur de la ratification du traité d'Amsterdam (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe UDF).

M. Pierre Lequiller - Le groupe DL votera pour la ratification du traité d'Amsterdam. Européens convaincus, nous approuvons ce progrès de la sécurité intérieure de l'Union, qui permettra un contrôle efficace de ses frontières extérieures, condition nécessaire de la libre circulation et de l'effacement des frontières intérieures. C'est aussi un progrès de l'Europe politique, grâce à la création du poste de Haut Représentant de la PESC, doté des moyens indispensables à la définition d'une stratégie commune.

En introduisant l'état de droit, consacrant par là même un principe fondamental du libéralisme politique, ce traité marquera un progrès dans le domaine de la citoyenneté et de la défense de la personne humaine.

Il marquera également un progrès dans le domaine de la solidarité, de l'environnement et de la santé.

Cela étant, ses imperfections comme notre ambition pour l'Europe me conduisent à aborder l'après-Amsterdam. L'urgence de la réunification de l'Europe appelle une réforme urgente des institutions européennes. Il conviendra également de renforcer l'Europe politique pour permettre à l'Union, en disposant d'un pilier européen de défense au sein de l'OTAN, d'exister pleinement sur la scène internationale. Il faudra aussi prévoir un mandat plus long du président du Conseil européen, une Commission réduite, se cantonnant à son rôle originel, et une application effective du principe de subsidiarité. Il importera, enfin, que l'Europe défende ses valeurs de civilisation.

Or, à l'heure où pointent tous ces nouveaux défis, le Gouvernement français est incapable de se projeter dans l'avenir, figé dans sa vision doctrinaire et interventionniste de la France comme de l'Union, ne songeant qu'à exporter ses recettes archaïques qui ne sont bonnes ni pour l'une ni pour l'autre... et qui auraient même des relents de "vieille gauche" si j'en crois M. Blair, pourtant travailliste.

En prônant un super-Etat dirigiste et centralisateur, un impôt européen, le renforcement de la Commission au détriment du Conseil, l'unification des politiques fiscales, économiques et sociales, vous allez à l'encontre des intérêts de la France et de ceux de l'Europe. Une Europe de la liberté, de la solidarité, de l'initiative, de la subsidiarité ; une Europe qui respecte l'identité des Etats, qui renforce le rôle du politique, qui place l'individu au coeur de ses préoccupations : c'est là l'Europe que souhaite le Président de la République. Nous voterons la ratification du traité d'Amsterdam parce qu'il la permettra.

M. Paecht remplace M. Forni au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE DE M. Arthur PAECHT

vice-président

M. Henri Nallet - Je me félicite que nos échanges tout au long de ce débat aient permis de rendre justice à une partie au moins du traité d'Amsterdam. Nous n'en imputerons pas les faiblesses à d'autres -même si après avoir écouté M. Lequiller nous pourrions être tentés de le faire.

M. Alain Juppé - Il fallait le renégocier !

M. Henri Nallet - Si ce texte aride et complexe comporte de graves insuffisances, comme l'absence de toute réforme des institutions, nous estimons qu'il contient assez de dispositions positives pour pouvoir être ratifié.

Aucune de ses clauses n'est inacceptable ni dangereuse pour la France. Même si une caricature en a été présentée sur certains bancs, nous persistons à penser que le positif l'emporte sur le négatif dans ce texte.

En effet, il réaffirme et protège les droits fondamentaux de l'individu ; il étend la compétence de l'Union à la lutte contre toutes les discriminations ; il accroît les pouvoirs du Parlement européen ; il renforce le contrôle de la Cour de Justice ; enfin, il élargit le champ du vote à la majorité qualifiée au Conseil, y compris, si dans cinq ans les gouvernements des Etats membres en décident à l'unanimité, dans le domaine de la circulation des personnes, de l'asile et de l'immigration. Où est la menace pour notre communauté nationale alors que déjà, nous avons décidé de laisser circuler librement les marchandises et les capitaux, et d'instituer la monnaie unique ? Certains ne cherchent-ils pas en la brandissant à attiser les peurs et à flatter le sentiment obscur d'hostilité à l'Autre ?

Le traité d'Amsterdam peut aussi être un facteur de progrès pour l'Europe. Il permettra d'approfondir l'état de droit au sein de l'Union ; d'améliorer la politique étrangère et de sécurité commune ; d'institutionnaliser des coopérations plus étroites entre les pays qui souhaiteront aller plus loin. Enfin, ce traité, grâce à l'action du gouvernement de Lionel Jospin dans les derniers mois de la négociation, concourt à rééquilibrer la construction européenne et à en réorienter le cours. Si une certaine dérive libérale de l'Europe a souvent été dénoncée ici, force est de constater qu'aujourd'hui, n'en déplaise à certains, la donne politique a changé en Europe et le traité d'Amsterdam va dans la nouvelle direction indiquée. Peut-on légitimement qualifier de libéral un traité qui fait de l'emploi l'un des objectifs de l'Union, qui intègre le protocole social grâce à la décision des travaillistes britanniques, qui se préoccupe de santé publique, de protection des consommateurs, de développement durable et qui, pour la première fois dans un traité communautaire, reconnaît les services d'intérêt économique général parmi les valeurs communes de l'Union ?

Pour toutes ces raisons, il mérite d'être soutenu, d'autant que, grâce à l'excellent travail accompli par la commission, son rapporteur et le Gouvernement, la condition que nous avions posée à sa ratification est désormais satisfaite : l'engagement pris en faveur de l'indispensable réforme des institutions européennes nous agrée.

La négociation était quasiment bouclée lors de la constitution du gouvernement Jospin, qui ne saurait donc se voir imputer cette carence du traité. Sachons lui gré au contraire d'avoir oeuvré pour que la France, l'Italie et la Belgique, expriment dans une déclaration jointe au traité leur volonté de cette réforme institutionnelle avant tout élargissement. L'article additionnel que nous avons adopté marquera avec force l'attachement et le soutien de la représentation nationale à cette conception, sans pour autant porter atteinte à l'équilibre des pouvoirs publics instauré par la Constitution.

La non-ratification du traité d'Amsterdam conduirait à une impasse, provoquant une crise qui risquerait d'être fatale à l'idée européenne et interdirait d'engranger les bénéfices incontestables qu'apportera le texte. Le vote favorable du groupe socialiste n'est pas un vote de résignation, comme certains l'ont écrit. C'est un vote de raison en faveur d'un traité -qui n'a pas été négocié par ce Gouvernement- positif pour la France et pour l'Europe, qu'il faudra compléter et dépasser mais qui, pour l'heure, va dans le sens de l'Europe que nous voulons, plus sociale, plus politique, plus sûre d'elle-même (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. René André - Le Président de la République a hier replacé le traité d'Amsterdam dans la longue, difficile et si nécessaire construction européenne. L'Europe doit être l'expression des peuples qui la composent... Elle doit être le lieu politique et spirituel où l'idée de nation peut respirer et s'enrichir avec le plus de force, a-t-il indiqué en substance.

Le groupe RPR a confirmé son adhésion à cette conception de l'Europe et son approbation du traité d'Amsterdam.

Avec ce traité, la construction européenne a fait un nouveau pas. Il n'est certes pas la panacée. Il ne marque pas non plus la fin d'un processus, loin de là. Je regrette à cet égard que M. Nallet ait souligné qu'il aurait pu être mieux négocié. Si vous le pensiez, il fallait le renégocier. Nous avons bien, nous, renégocié en leur temps les accords de Blair House. Par ailleurs, l'honnêteté eût dû vous conduire à souligner que M. Blair avait succédé à M. Major lors de la signature du traité. Cela eût pu faciliter pour vous une renégociation, encore que cela ne soit pas certain, vu ce qui s'est passé ces jours derniers à Milan...

Comme tous ceux qui l'on précédé, le traité d'Amsterdam apporte sa pierre à un édifice voulu par les peuples européens et leurs dirigeants. La passion et la conviction, la détermination et la patience ont dû se conjuguer pour faire avancer au quotidien, en dépit des difficultés, l'idée européenne.

Sur tous ces bancs, ses zones d'ombres et ses insuffisances ont été évoquées. Il nous appartient de souligner ses avancées. Il nous appartient aussi de dire ce qu'il doit à la diplomatie française conduite par le chef de l'Etat. Il permet d'aller de l'avant notamment en matière de politique étrangère et de sécurité commune et, comme la France l'a souhaité, un poste de Haut Représentant pour la politique étrangère est créé. Demain, si les Etats membres en ont la volonté, l'Europe aura aux yeux du monde un visage et un nom.

L'autre point positif est la reconnaissance d'une ambition sociale commune. L'Union européenne se dote, largement grâce à la ténacité de la France, d'un titre consacré à l'emploi. Ce n'est qu'une première étape mais elle nous tient à coeur. Le Président de la République en a d'ailleurs été l'instigateur dès 1996 (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Toutefois, dans son intervention hier, M. Balladur n'a pas caché notre déception devant l'échec actuel des négociations sur la réforme des institutions européennes.

L'article additionnel voté ce matin ne sera pas de pure forme. Il exprime notre conviction profonde que seule une réforme audacieuse des institutions permettra à la fois d'accueillir les peuples d'Europe centrale et orientale et de mieux associer nos concitoyens à la construction européenne.

Il n'est pas d'Europe possible sans démocratie, ni de démocratie sans soutien populaire et institutions efficaces. Je regrette donc la frilosité dont le Gouvernement a fait preuve lorsque nous avons proposé une modification de la Constitution qui aurait permis de mieux associer les citoyens à la construction européenne. Dans la lignée du général de Gaulle, du Président Pompidou et, maintenant, du Président Chirac, les gaullistes approuvent la ratification du traité d'Amsterdam (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Alain Bocquet - L'Assemblée s'apprête à ratifier le traité d'Amsterdam. L'issue du scrutin ne fait en effet aucun doute, puisque le Gouvernement est assuré de trouver une majorité sur tous les bancs, ce qui n'est pas le moindre des paradoxes.

Certes, ce traité n'est que la suite logique du traité de Maastricht, de l'Acte unique européen et de nombre de conférences intergouvernementales, le tout faisant suite au traité de Rome. L'alternance politique a fait que les gouvernements successifs ont poussé les feux de l'intégration au nom de cette continuité. Mais, pendant ce temps, la société française s'est radicalement transformée. Le chômage, la précarité et la misère se sont développés dans des proportions considérables, à la mesure de l'explosion des bénéfices financiers.

Les Françaises et les Français vivent dans leur majorité plus difficilement, et les jeunes générations vivent désormais plus mal que leurs aînées. On constate aussi une demande de plus en plus forte de démocratie à tous les niveaux. Comment ne pas l'entendre ? Comment ne pas accéder à la demande des peuples que la construction européenne soit élaborée et décidée avec eux ?

En esquivant ces interrogations fondamentales, l'on prive les peuples européens de projets porteurs d'espérance.

M. le Président de la République regrettait, hier, que "les peuples ne se sentent pas assez concernés par la construction de l'Union européenne". Mais alors pourquoi a-t-il obstinément refusé de consulter les Français par référendum ? Ce faisant, il n'a donc pas permis que se déroule le grand débat national qu'exigeait la ratification du traité d'Amsterdam. Ainsi va-t-on aboutir à la ratification en catimini d'un très mauvais traité que l'Histoire jugera peut-être un jour comme étant le produit mort-né d'un mécanisme institutionnel aux rouages décidément bien grippés.

Les députés communistes ne craignent pas la confrontation des idées sur l'Europe, au contraire. Dans leurs interventions, mes amis Robert Hue, Jean-Claude Lefort et Guy Hermier ont réaffirmé notre choix, notre volonté, notre projet européen, notre ambition "euroconstructive". Les députés communistes sont naturellement pour l'Europe sans réticences ni arrière-pensées.

Nous appelons de nos voeux une Europe conçue comme un espace moderne de codéveloppement de nations souveraines.

Europrogressites, nous combattons les choix ultra-libéraux que l'on voudrait nous imposer, soucieux que nous sommes de promouvoir d'autres choix propres à faire progresser l'Europe sociale, l'Europe du progrès humain, de l'égalité, d'une citoyenneté élargie, une Europe réellement solidaire et pacifique.

C'est le sens de notre proposition tendant à renégocier le pacte de stabilité pour lui substituer un pacte pour l'emploi et la croissance. C'est pourquoi, aussi, nous souhaitons voir instaurés un SMIC européen de 1 000 euros et la réduction à 35 heures de la durée du travail, sans perte de salaire.

Il faut, pour cela, être à l'écoute des citoyens et ne pas subordonner ces mesures à une hypothétique évolution en Europe.

C'est en permettant aux citoyens d'être partie prenante de la politique européenne de la France que nous rendrons l'Europe aux citoyens. Nous pourrions y contribuer en inscrivant dans la Constitution le principe d'un référendum avant toute ratification d'un traité et en renforçant les pouvoirs du Parlement européen, notamment son pouvoir de contrôle des institutions.

C'est sur cette base que pourra s'élargir l'Europe des nations solidaires. Une telle Europe sera forte et ne sera pas alignée sur les Etats-Unis ou sur un modèle ultra-libéral prônant la mondialisation de la guerre économique. Or le traité d'Amsterdam entérine cette logique libérale et c'est pourquoi nous le combattons, comme nous nous sommes résolument opposés au traité de Maastricht.

Le pouvoir appartient au peuple et à lui seul. Il n'appartient pas à notre Assemblée de voter, en lieu et place de notre peuple que l'on refuse de consulter, le transfert d'un pan entier de notre souveraineté nationale au profit des institutions communautaires. Du reste, ceux qui s'apprêtent à soutenir le traité d'Amsterdam doutent manifestement plus qu'ils n'espèrent.

Cohérents avec leur choix "europrogressite", les députés communistes voteront contre ce projet d'un autre âge (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Maurice Ligot - L'UDF a une longue tradition de soutien à la tradition européenne, par conviction profonde. Les premiers pas de l'Europe, au sortir de la seconde guerre mondiale, ont été accomplis grâce aux initiatives de ses grands anciens, et elle n'a cessé de veiller sur une construction à laquelle elle a participé très activement par l'intermédiaire notamment du Président Giscard d'Estaing. Elle a dû, aussi, s'opposer aux attaques des eurosceptiques de toutes origines. En un mot, l'UDF n'a cessé de suivre un cap clair, en affirmant dès l'origine que l'Union européenne constitue le cadre indispensable à l'avenir de tous les Etats européens unis dans la paix, la démocratie et la prospérité.

Ce n'est donc pas au moment de la ratification du traité d'Amsterdam que l'UDF va changer de cap.

Bien sûr, l'Europe actuelle n'est pas parfaite. Son fonctionnement complexe est difficilement compréhensible par les citoyens. Elle n'est pas assez démocratique, on l'a vu quand la Commission a été accusée de corruption et que le Parlement européen n'a pas trouvé de majorité pour voter une motion de défiance. Elle n'est pas assez efficace, comme le montre la persistance de la crise dans les Balkans. Elle n'est pas assez autonome, notamment par rapport aux Etats-Unis, quand il lui faut prendre des décisions économiques. Mais qu'en serait-il si chacun de nos pays était isolé ? Et qu'en serait-il des relations franco-allemandes si nos deux pays n'étaient pas intimement associés au sein de l'Europe ?

Bien sûr, le traité ne renforce pas les institutions européennes et ne clarifie ni les compétences ni l'application du principe de subsidiarité. Avec ce traité, l'Europe avance à petits pas et sans perspective claire. A la différence du traité de Maastricht, qui a donné un élan à l'Europe en créant l'Union économique et monétaire, le traité d'Amsterdam ne porte pas, en germe, la promesse d'un nouveau dynamisme européen, et l'UDF le regrette.

Mais loin d'être découragés ou inquiets, nous trouvons dans ces hésitations mêmes motifs à aller de l'avant. Le succès de l'euro ne peut que nous y encourager.

Mais il est indispensable que les dossiers laissés en suspens soient réouverts sans tarder et que les réformes institutionnelles montrent la capacité des Quinze à élaborer les compromis nécessaires. Ce n'est, en effet, qu'avec des institutions plus fortes, plus compréhensibles par les citoyens et par conséquent plus démocratiques, que l'Union européenne pourra mieux s'élargir et, au-delà, relever les défis qui se posent à elle. C'est pourquoi l'UDF a accueilli avec un intérêt particulier l'amendement du Gouvernement à l'article unique du projet de loi de ratification.

Il est indispensable que la France prenne ses initiatives pour renforcer l'Europe.

Il faut une Europe forte pour faire face à la mondialisation. Il faut une Europe forte pour faire face aux dangers qui menacent notre continent, sans qu'il soit besoin de faire appel aux Etats-Unis. Il faut une Europe forte, capable de contrebalancer la seule puissance mondiale à l'heure actuelle : les Etats-Unis. Il faut une Europe forte, qui consolide les atouts propres à chacun de ses pays membres.

Seule une Europe forte garantira ce qui est l'objectif final de cette construction politique : la paix. Elle seule assurera des conditions de concurrence équilibrées et donc ses emplois ; elle seule assurera l'affirmation de son modèle culturel ; elle seule assurera à nos nations respectives un avenir indépendant, que leur isolement condamnerait. Seule une Europe forte pourra s'élargir à l'Est.

Le traité d'Amsterdam est donc une étape, un petit pas en avant. Mais, en votant pour la ratification du traité et pour l'amendement déposé par le Gouvernement à la suite d'une proposition du Président Giscard d'Estaing, l'UDF continuera à faire avancer l'Europe (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

Mme Marie-Hélène Aubert - La diversité des votes du groupe RCV sur la ratification du traité d'Amsterdam montre que ce groupe est, à lui seul, le vrai laboratoire de la gauche plurielle (Sourires). On constatera donc que les Verts voteront "contre" pour des raisons diamétralement opposées à celles du Mouvement des Citoyens -qui votera "contre", lui aussi-, cependant que les Radicaux de gauche voteront "pour"... (Applaudissements et rires sur tous les bancs)

Au-delà de cette pluralité apparaît nettement la difficulté, voire l'inanité d'un tel exercice. Les rares députés présents cette nuit en gardent un goût amer.

Soulignons aussi, et chacun s'accorde aussi sur ce point, l'énorme déficit démocratique qui a caractérisé l'élaboration de ce médiocre traité. Il faudra bien sortir un jour de la méthode intergouvernementale et d'une gestion technocratique qui ont manifestement atteint leurs limites, si l'on veut rendre l'Europe compréhensible et désirable (Exclamations sur quelques bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Le traité d'Amsterdam répond-il à l'objectif qui lui était assigné de réformer les institutions européennes et de préparer l'élargissement ? Non, à l'évidence. C'est tellement vrai que le Gouvernement, à la suggestion des parlementaires, qui sont privés de toute possibilité d'amendement, a proposé un article additionnel qui stigmatise en fait cet échec. Maigre lot de consolation !

C'est pourtant d'une Constitution européenne dont nous avons besoin, et d'un débat très large sur le projet européen, dans la perspective du fédéralisme.

Le traité d'Amsterdam répond-il à nos aspirations à un mode de développement plus soutenable, plus vivable, au service de l'emploi, de la solidarité, de l'écologie, des cultures, face à la sacralisation du marché mondial de la compétition économique, de la consommation individuelle, voulue par une OCM sous influence américaine, qui devient de plus en plus une organisation commerciale du monde ? Pas davantage (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RCV et du groupe du RPR), malgré quelques avancées et des intentions louables, que l'état des négociations sur la PAC et sur Agenda 2000 rend cependant difficiles à croire.

Comment croire que nous allons développer de nouvelles politiques communes dans les domaines de l'emploi, de l'environnement, de la politique étrangère, en prônant le maintien du budget européen à environ 1 % du PNB et en menant une bataille de chiffonniers pour préserver nos acquis sans verser un centime de plus ? Si l'on ne veut pas payer ni investir pour l'Europe, c'est que l'on ne veut pas vraiment de l'Europe.

Allons-nous pourtant laisser à la porte les pays candidats, qui trouvent dans l'Europe un espoir de développement et de paix ? Il y a urgence. Les conflits sévissent ou menacent en Europe de l'Est et dans l'ancienne Union soviétique. Notre faiblesse politique, notre pingrerie et notre impéritie d'aujourd'hui nous coûteront cher demain. Combien faudra-t-il de Kosovo pour le comprendre, pour enfin mener une politique étrangère et de sécurité commune ?

Le traité d'Amsterdam, faute de volonté politique, n'est pas en mesure de répondre à ces légitimes attentes. Prenons-en acte, et changeons de méthode. Refondons démocratiquement un pacte européen dynamique. Nous en avons enfin la possibilité, treize pays sur quinze étant gouvernés par des majorités qui se réclament de la gauche, avec le soutien ou la participation des Verts.

Dans ce contexte, le refus d'Amsterdam ne peut pas être perçu comme un repli nationaliste. Certes, un refus provoquerait une crise. Mais ne sommes-nous pas déjà en pleine crise européenne ?

Pourquoi ne pas construire enfin une Europe politique forte, et à visage humain ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RCV et du groupe du RPR)

M. le Président - Je vais mettre aux voix l'ensemble du projet autorisant la ratification du traité d'Amsterdam.

A la majorité de 447 voix contre 75 sur 532 votants et 522 suffrages exprimés, l'ensemble du projet est adopté.

La séance, suspendue à 16 heures 50, est reprise à 17 heures.


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DOPAGE (CMP)

M. le Président - Conformément aux dispositions de l'article 45, alinéa 3, de la Constitution, M. le Premier ministre m'a demandé de soumettre à l'Assemblée nationale, pour approbation, le texte proposé par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la CMP.

M. Alain Néri, rapporteur de la CMP - Voici bientôt un an, était inscrit à l'ordre du jour du Sénat le projet de loi relatif à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage -et il faudra bien encore un an pour que le texte soit appliqué. C'est que l'élaboration de la loi fut délicate, elle s'est enrichie de l'expérience acquise, notamment l'été dernier.

Le texte que vous propose la commission mixte paritaire, caractérisé par un équilibre entre efficacité et respect des libertés individuelles, pose plusieurs principes : une prévention qui s'appuie sur l'éducation des sportifs et de leur encadrement ; un renforcement des mesures disciplinaires à l'égard des "tricheurs" et pénales à l'égard des "dealers" ou pourvoyeurs, véritables trafiquants de drogue ; une meilleure prise en compte des limites de l'organisme humain pour éviter, par des programmes d'entraînement mieux adaptés et des calendriers moins chargés, un surmenage qui conduit souvent au dopage ; une responsabilisation des dirigeants sportifs, des fédérations et des mécènes, ainsi que des fabricants de substances pouvant être utilisées à des fins de dopage ; enfin, un suivi médical des victimes du dopage et une alerte de l'institut de veille sanitaire.

Certaines dispositions proposées au cours des deux lectures précédentes ont pu susciter des craintes chez certains parlementaires.

Le désaccord portait notamment sur le devoir d'alerte par la transmission nominative des symptômes de dopage à la cellule médicale chargée de recenser les informations ; le pouvoir d'injonction du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage à l'égard des fédérations ; le pouvoir d'injonction thérapeutique des fédérations à l'égard des sportifs dopés ; la durée des procédures de contrôle. Un accord a été trouvé sur ces quatre points.

La transmission de médecin à médecin des informations relatives aux cas de dopage ne déroge pas au secret médical, dont les limites sont fixées par la loi.

Ensuite, il appartiendra au CPLD de s'assurer que la vigilance de chaque maillon de la chaîne sportive n'est pas en défaut.

Par contre, l'injonction thérapeutique ayant paru excessive à l'échelon d'une fédération, il a été décidé que tout sportif désirant reprendre une activité sportive devait obtenir au préalable l'accord de la cellule médicale.

Pour ce qui concerne la durée des procédures, un accord a été trouvé en CMP sur une position médiane, permettant de limiter la période d'incertitude -que ce soit le sportif qui "tire sur la corde" pour gagner du temps, ou la fédération qui soit un peu laxiste.

Je voudrais observer cependant que la rédaction de l'article 19, adoptée trop vite sans doute, n'est pas cohérente puisqu'elle permet au CPLD d'exercer son autorité sur les fédérations non agréées.

A ce détail près, qu'il faudra corriger dès que possible, il m'est agréable de vous présenter un texte qui ne manquera pas de faire ici l'objet d'un vote unanime, comme ce fut le cas en CMP.

Un mot, enfin, pour insister sur la nécessité de prendre en considération la "mondialisation" du sport par l'établissement de règles communes à tous les pays -et pourquoi pas celles-ci ? Grâce à vous, Madame la ministre, la France n'est plus isolée dans cette lutte pour protéger la santé des sportifs, comme le montrent les travaux de la Commission européenne et de la conférence de Lausanne. L'Italie met également une loi en chantier, et l'Espagne se montre intéressée. La France se trouve donc dans le "peloton de tête" de ceux qui entendent assurer un "sport net". C'est tout à son honneur. Cette loi est faite pour protéger les sportifs contre ces nouveaux négriers qui les exploitent sans scrupules et mettent leur santé en danger. Nous voterons cette loi parce que nous aimons les sportifs et le sport, dont nous respectons les valeurs (Applaudissements sur de nombreux bancs).

Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports - Nous voici arrivés au terme d'un travail parlementaire qui a été d'une très grande qualité, et a permis d'enrichir le texte du Gouvernement. J'en remercie particulièrement les membres de la commission, son rapporteur et son président.

Il est essentiel qu'au-delà de nos différentes sensibilités, un accord profond se soit dégagé autour d'un engagement pour la santé publique et les valeurs du sport. J'ai la conviction que l'accord des deux assemblées n'est pas seulement de circonstance.

Ce rassemblement de la représentation nationale illustre l'attachement de nos compatriotes à une certaine idée du sport.

Celui-ci doit être une source d'épanouissement, non d'asservissement, une porte ouverte sur la citoyenneté, non une école de la tricherie.

Dans le contexte d'une lutte contre le dopage qui a pris une nouvelle dimension européenne et internationale, l'unanimité du Parlement sur des choix d'une grande portée est un atout de premier plan.

Certes, nous nous garderons de donner à la nouvelle loi une valeur de modèle. Il reste que l'attitude déterminée de la France a permis de porter le débat au niveau international sur des bases claires et d'aboutir à une position commune des quinze pays de l'Union européenne.

C'est avec la même détermination que la France contribue au travail engagé en vue d'aboutir à la création d'une Agence internationale contre le dopage, indépendante et transparente.

Les débats auxquels a donné lieu, dans cette assemblée, la création d'une haute autorité indépendante ont été d'une grande utilité pour faire prendre en considération une donnée majeure : la lutte contre le dopage doit pouvoir résister à toutes les tentatives de pressions, économiques, politiques ou sportives.

S'inspirant de cette démarche, la France a formulé une série de propositions précises sur le statut, les missions et le fonctionnement de l'agence internationale. Nous proposons, en particulier, que sa composition et son financement impliquent les Etats, au côté des instances sportives internationales.

La lutte contre le dopage se gagnera avec le mouvement sportif, elle se mène déjà avec lui.

Je tiens à rendre hommage aux relayeurs qui ont porté la flamme du sport de Paris à Lausanne.

Il faut aussi saluer l'engagement du CNOSF et les centaines d'initiatives prises par les clubs, les collectivités, les fédérations et les associations.

On a pris conscience de la gravité du fléau et de la nécessité d'agir ensemble, sans confondre les responsabilités de chacun. Celles du Gouvernement et celles du mouvement sportif sont complémentaires.

Oui, une dynamique s'est créée, qui n'isole pas la France. La lutte contre le dopage ne se traduit pas par un recul des résultats de la France dans les compétitions internationales. C'est le refus d'un combat éthique qui nous aurait fait reculer.

Nous avons, vous avez fait un autre choix. C'était un choix de société, car le sport est bien un élément constitutif de notre identité.

Vous avez fait le choix de la prévention dans le respect du secret médical, le choix d'une lutte sans concession contre ceux qui organisent le dopage, qui en tirent profit, et qui sont restés trop longtemps impunis.

Vous avez fait le choix de la transparence et de l'efficacité, en donnant au Conseil national de lutte contre le dopage un statut d'autorité indépendante et de véritables pouvoirs.

Cette loi, nous devons l'appliquer sans tarder, ce qui suppose de donner au ministère de la jeunesse et des sports des moyens supplémentaires. Je ne doute pas de votre soutien.

Si une nouvelle loi était indispensable, elle ne suffira pas, car les menaces se multiplient. Il y a en effet des raisons de s'inquiéter quand s'organise le commerce des jeunes sportifs, quand certains clubs sont à la merci d'opérations boursières, avec pour perspective des matchs opposant deux clubs filiales d'un même groupe, quand les responsables jouent "perso" en négociant les droits de retransmission sans se préoccuper de la survie des petits clubs et quand les transferts de joueurs donnent lieu à des versements démesurés.

Chacune de ces menaces constitue pour nous un défi, qu'il faudra relever avec l'ensemble des acteurs du monde sportif, en France mais aussi dans toute l'Union européenne, comme l'a décidé ce matin le conseil des ministres.

Il faut se mobiliser pour que le mouvement sportif conserve ses structures et son rôle social.

A cet égard, la Commission européenne n'a pas rempli le mandat que lui avaient confié les chefs d'Etat et de gouvernement.

M. Robert Pandraud - Absolument !

Mme la Ministre - Le projet de loi sur le sport que je souhaite vous présenter dans les mois qui viennent vous donnera satisfaction. C'est tout le sens de mon engagement (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste, du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe UDF).

M. André Aschieri - Le dopage existe. Chacun peut y être confronté dans sa pratique sportive, quel qu'en soit le niveau. Nier le dopage reviendrait à le cautionner, ou à admettre qu'il est inévitable.

C'est pourquoi nous attendons avec impatience le vote de ce texte, qui va lever un certain nombre de tabous et améliorer la prévention.

Nous devons mener le combat contre le dopage en pensant à tous ces jeunes pour qui le sport est encore porteur de valeurs.

Cet été fut celui de tous les espoirs et de toutes les désillusions. La France du football a remporté la Coupe du monde et s'est manifestée la joie d'une nation "joliment métissée". Peu de temps après, le Tour de France nous rappelait que le sport cache parfois de tristes réalités.

La France compte actuellement 13 millions de licenciés, toutes disciplines confondues, sans compter tous ceux pour qui le sport est un simple passe-temps.

Les activités sportives sont un facteur important de développement personnel, d'équilibre et de santé. Rendons-lui son crédit.

Le dopage porte atteinte à l'éthique du sport. Notons que les affaires de dopage ne concernent jamais les compétitions Handisport, dans lesquelles le sport demeure le dépassement de soi, une somme d'efforts en vue d'obtenir la victoire. Ce sont ces compétitions qui intéressent le moins les sponsors.

Le mariage de l'argent et du sport est néfaste. Il est à l'origine des pressions insupportables qui s'exercent sur les athlètes. L'argent corrompt tout. On ne devrait plus inciter le sportif à devenir champion pour gagner de l'argent !

Il reste beaucoup à faire, Madame la ministre, et je sais que vous comptez vous atteler à cette tâche difficile. Le sport joue un rôle irremplaçable auprès des jeunes dans l'apprentissage des valeurs et du goût de l'effort. Auprès des populations en difficulté, le club sportif reste le dernier lieu de socialisation et d'éducation. Le dirigeant sportif doit être un exemple, une référence, pour le jeune licencié.

Prévenir et éduquer, plutôt que dénoncer, n'est-ce pas là notre mission ? Je rencontre souvent les jeunes sportifs de ma circonscription. Pour eux, le sportif de haut niveau est l'image de la réussite et de l'harmonie du corps et de l'esprit. Comment accepter que la tricherie devienne, pour ces jeunes, l'exemple du chemin à suivre pour gagner ?

J'ai peur que la plupart d'entre eux ne redoutent pas les conséquences du dopage pour leur santé. Considérant que la pratique du sport leur permet de "s'éclater", de profiter de la gloire et de l'argent, ils ne pensent pas à l'avenir. Ils pensent que pour gagner, ils sont obligés de tricher. Désabusés, sans espoir, quelques-uns ne croient pas en l'avenir. Ils changeront probablement d'avis plus tard, mais la prévention est primordiale pour que ces jeunes athlètes ne compromettent pas le reste de leur existence.

Préserver la santé relève d'une responsabilité partagée. Les parents et les éducateurs doivent y contribuer. Le dopage est un aveu de faiblesse pour l'athlète, mais il est surtout un signe d'irresponsabilité pour ses entraîneurs, qui n'ont pas confiance en ses propres qualités.

Seule l'action éducative protégera nos futurs sportifs. Elle passe aussi par des opérations de sensibilisation dans les cités populaires. A cet égard, nous saluons votre initiative 1, 2, 3... à vous de jouer.

Si, pour combattre le dopage, la répression est nécessaire et légitime, elle ne doit pas occulter le rôle primordial de la prévention pour les sportifs de haut niveau. Il faut prévoir un suivi médical des sportifs convaincus de dopage, qui se retrouvent toujours profondément seuls. Ils ne peuvent avouer leur tricherie sans remettre en cause leurs performances, dévaluer leurs titres et, surtout, sans trahir leur club. Refusant de se soigner, ils deviennent des drogués, des exclus.

C'est pourquoi les députés Verts se félicitent que cette Assemblée ait voté à l'unanimité l'injonction thérapeutique que nous avions proposée.

Notre amendement reposait sur l'idée que les fautifs sont davantage des malades à soigner que des tricheurs à punir. Cette disposition obligera le sportif dopé à rencontrer au moins une fois l'équipe sanitaire. Accepter la réalité du dopage pour mieux le soigner, telle est notre méthode.

Madame la ministre, nous attendons votre nouvelle loi sur le sport, qui devrait donner au mouvement sportif les moyens de résister à la pression des intérêts financiers.

Les députés Verts tiennent à saluer votre méthode de travail. Vous avez pris le temps d'associer les parlementaires à l'élaboration de ce projet. Nous n'avons pas toujours droit à tant d'égards...

Les Verts soutiennent sans réserve votre projet (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe communiste).

M. Christian Estrosi - Nous arrivons au terme d'un véritable marathon législatif. En vue de rendre notre législation plus efficace, vous avez emboîté le pas à votre prédécesseur Guy Drut, à qui je tiens à rendre hommage, tout comme je veux rappeler l'appel incessant du Président Chirac.

En première lecture, ce texte n'a guère fait parler de lui. Puis il y a eu le Tour de France, qui a servi de révélateur, vous donnant aussi des raisons de porter notre débat au plan européen. L'adoption de ce texte ne constitue en effet qu'une étape.

Nous avons mis fin à l'hypocrisie qui régnait depuis des années dans les milieux sportifs. Nous ne pouvions plus laisser salir l'image des sportifs, nous tous qui, ici, sommes des passionnés du sport, dont les valeurs essentielles sont le dépassement de soi, le respect d'une hygiène de vie et la juste récompense du mérite.

Il fallait donc aller plus loin que les lois de 1965 et de 1989, mais en prenant garde à ne pas jeter la suspicion sur l'ensemble des milieux sportifs, sur nos 16 millions de licenciés, sur nos bénévoles, sur nos responsables associatifs et fédéraux : la France ne peut laisser penser que les titres de ses champions ont été remportés sous l'emprise de produits dopants, dont seule une infime minorité fait usage. Nous avons su, heureusement, faire preuve de mesure, mais il nous reste à faire un important travail au niveau européen : quand je lis dans la presse qu'une grande équipe cycliste étrangère envisage de ne pas participer à certaines épreuves du calendrier français...

M. le Rapporteur - C'est dommage pour eux !

M. Christian Estrosi - Certes, mais je mesure aussi le chemin qui reste à parcourir pour harmoniser les législations européennes avec celle dont nous sommes en train de nous doter, et qui est la plus sévère et la plus rigoureuse.

Dans l'application de la loi, le rôle de l'autorité administrative sera considérable, mais nous devons également faire confiance aux fédérations délégataires, car nous avons la chance de disposer de dirigeants de grande qualité, qu'il faut inciter et aider à prendre des responsabilités au niveau international. S'il va de soi qu'il faut renforcer les moyens scientifiques de contrôle, j'insiste une nouvelle fois sur les difficultés d'application auxquelles donnera lieu l'article 3, qui exige de chaque participant non licencié à une compétition organisée sous l'égide d'une fédération la production d'un certificat médical ou de sa copie certifiée conforme : élu d'une circonscription rurale qui compte de nombreuses petites stations telles que Valberg ou Auron, je puis affirmer que cette obligation dissuadera de nombreux parents d'inscrire leur progéniture aux épreuves organisées à l'intention des touristes de passage, ce qui aura des répercussions économiques non négligeables.

Cette loi est une première étape avant la loi d'orientation annoncée. Vous vous êtes élevée, Madame la Ministre, contre le fait que des sportifs puissent être vendus comme des titres boursiers, et je pose, pour ma part, la question suivante : pouvons-nous admettre, quelques mois seulement après la victoire de la France en Coupe du monde, que nos meilleurs joueurs partent jouer dans des clubs étrangers ? C'est le signe que notre pays traite moins bien ses sportifs de haut niveau, notamment sur le plan fiscal, que ne le font nos partenaires. Il faudra trouver une solution à ce problème, comme à ceux des droits de retransmission, du statut des bénévoles, du rôle de l'éducation nationale, de la place des métiers du sport dans la vie économique, et surtout de la coordination des interventions publiques : si le budget des sports proprement dit représente à peine 0,2 % du budget de l'Etat, nombre d'autres ministères apportent également leur contribution, sans parler des collectivités locales, dont les compétences en la matière sont mal définies par les lois de décentralisation.

Enfin, si le sport et ses exigences doivent fournir des repères aux jeunes, pouvons-nous admettre que certains milieux intellectuels et artistiques continuent d'appeler à la dépénalisation des drogues et que certains se vantent même de s'être produits sur scène sous l'empire de stupéfiants ? De même, nous comprendrions mal que le futur projet de loi sur la sécurité routière ne punisse pas les conducteurs drogués aussi sévèrement que les conducteurs ivres (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Le groupe RPR votera ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Patrick Leroy - La CMP est parvenue, le 3 février, à un accord unanime, et nous nous réjouissons que la France adopte enfin, grâce à l'impulsion et à la persévérance de Mme la Ministre, une législation très avancée.

Nous souhaitons que l'application de la loi soit rapide et efficace, dans le respect de la présomption d'innocence et des droits de la défense. Nous espérons que l'examen médical préalable à la délivrance de la licence sera bientôt pris en charge par l'assurance maladie : cette mesure ne coûterait que 12 millions, mais épargnerait aux familles modestes d'être exclues de la pratique sportive. Nous voulons également que des efforts accrus soient accomplis en faveur de la revalorisation de la médecine du sport et de la formation à cette spécialité.

La prise de position commune des ministres européens des sports a amené le CIO à ouvrir le dossier du dopage. La conférence de Lausanne peut être considérée comme un pas important dans la prise de conscience internationale, mais elle a révélé les embûches et les pesanteurs qui subsistent. Notre voeu est que les ministres européens organisent des réunions de travail d'ici la prochaine conférence internationale, prévue en mai, afin de dégager les principes d'une harmonisation des législations.

Une antenne internationale de lutte contre le dopage, indépendante tant pour son travail que pour ses moyens financiers, devrait également être instituée. Enfin, des règles internationales communes, notamment en matière de prévention, de suivi médical, de procédures, de calendrier sportif et de sanctions, devraient être adoptées.

Connaissant votre ténacité et votre inlassable volonté d'y parvenir, je ne doute pas que ces quelques souhaits seront exaucés. Le groupe communiste votera donc ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Edouard Landrain - Depuis le temps que l'on en parlait, il fallait bien qu'un jour cette loi soit votée ! Ce sera aujourd'hui chose faite, à l'unanimité de surcroît. Chacun a pu participer à l'élaboration de ce texte. Madame le ministre, vous avez su écouter, retenir les suggestions des uns et des autres, si bien que nous disposons aujourd'hui d'un bon texte.

S'adressant d'abord aux sportifs, il met l'accent sur le respect de leur personne. La présomption d'innocence est en effet un principe fondamental et l'anonymat, désormais préconisé dans les relations avec les médecins comme avec les fédérations, constitue une avancée considérable.

Notre amendement tendant à associer la télévision, et d'une manière plus générale l'ensemble des médias, à la lutte contre le dopage, a été accepté. Ainsi ne pourra-t-on plus nous objecter des impossibilités de toute nature pour refuser de participer à une campagne.

Autre point positif dans ce texte : l'élaboration d'une charte de bonne conduite. Quiconque s'engagera à la respecter se sentira plus responsable.

Nous avons tenu à insister, en même temps que sur l'obligation du secret médical, sur celle pour les médecins de s'informer et de transmettre les informations dont ils auront pu avoir connaissance. En cas de manquement, des sanctions par l'Ordre des médecins sont prévues. Le droit à perquisition a en revanche été refusé, et il faut s'en féliciter. L'idée d'un livret individuel de suivi pour chaque sportif est excellente.

De même sont excellentes l'idée de faire prêter serment aux membres du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage comme celle d'imposer à la cellule scientifique de participer à la veille sanitaire.

Il est bon également que la loi prescrive dans son article 11 bis que la liste des produits interdits sera la même pour toutes les fédérations.

Cela étant, pour être efficace, cette loi ne doit pas rester franco-française. La France ne peut pas demeurer un îlot de vertu -ou de naïveté- dans un océan d'hypocrisie. Beaucoup de travail reste donc à faire : il faudra notamment sensibiliser le CNOSF et le CIO. Ne fermons pas les yeux au nom de la performance ou de la finance : il est possible de réagir sainement. Il vous appartiendra, Madame le ministre, d'en apporter la preuve en vous appuyant sur le texte que nous aurons voté.

La plus grande vigilance s'impose : les laboratoires d'analyses mais aussi les fabricants, devront être étroitement surveillés puisqu'en tout état de cause, les pourvoyeurs devront être lourdement sanctionnés.

Notre collègue Rochebloine avait proposé que tous les délits commis antérieurement à l'adoption de cette loi soient amnistiés. Des personnes ont en effet été trompées alors qu'elles étaient de bonne foi : jusqu'à présent, la loi était très imparfaite, de surcroît mal appliquée. Si je comprends pourquoi ce geste de clémence a été refusé, je le regrette néanmoins.

Madame le ministre, les chantiers sont encore nombreux : bénévolat, vie associative, décentralisation en matière sportive, école et apprentissage du sport... Il conviendra aussi de renforcer l'aide aux petits clubs. Il faudra également aborder, en toute lucidité, la question des buvettes : la consommation d'alcools traditionnels, qui fait aussi partie de notre culture, n'a rien à voir avec celle de drogues... et ces buvettes sont source de revenus non négligeables pour les clubs.

Nous voterons ce texte avec enthousiasme, en espérant que d'autres pays nous imiteront. Nous sommes en effet convaincus qu'il permettra au sport de retrouver sa dignité et évitera à nos enfants de découvrir dans le sport de mauvais exemples (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Jean-Claude Beauchaud - Je tiens, Madame la ministre, à souligner, comme Alain Néri et d'autres avant moi, la qualité de votre méthode de travail. Ce texte a été longuement travaillé en commission, en séance publique puis en CMP, si bien que nous avons pu parvenir à une rédaction satisfaisante. Cela étant, ce projet ne fait que tracer la voie. Il importe que les autres pays suivent l'exemple donné par la France. Déjà en Italie, en Espagne, où l'on en était bien loin il y a un an, on commence de s'interroger.

Il faut aussi, pour que cette loi prenne toute sa valeur, que tous s'attachent à la faire vivre.

Qui dit "tous" dit laboratoires pharmaceutiques, médias -dont le remarquable travail doit se poursuivre- et aussi supporters. La loi doit être appliquée pleinement pour que le sport garde le rôle éducatif et social qui est le sien. Beaucoup reste donc à faire, alors que la situation évolue très vite, et de manière inquiétante. Je ne voudrais pas voir des jeunes gens de 15 ans réduits à l'état de ces bêtes de concours exposées au salon de l'agriculture, des enfants "engraissés" pour être vendus, ensuite, à des clubs étrangers.

Mme Martine David - Ou être cotés en Bourse !

M. Jean-Claude Beauchaud - Nous devons nous attacher à préserver l'avenir de nos jeunes sportifs. C'est dans cet esprit que le groupe socialiste votera le projet de loi, tout en sachant que beaucoup reste à faire pour que le monde sportif évolue (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe RCV et du groupe UDF).

M. Denis Jacquat - La commission mixte paritaire, réunie le 3 février, a trouvé un accord, ce dont je ne peux que me réjouir. Le texte définit différentes obligations, et en premier celles des médecins, puisque le contrôle médical est renforcé et que les sportifs convaincus de dopage doivent se soumettre à un suivi médical. Toute délivrance de licence sportive sera subordonnée à la délivrance d'un certificat médical attestant l'absence de contre-indication - certificat dont je souhaite, comme M. Leroy, qu'il soit, un jour, délivré gratuitement.

Il va de soi que ce certificat devrait être renouvelé tous les ans. Il est bon, aussi, que les non-licenciés participant à une compétition sportive soient tenus de produire, eux aussi, un certificat médical datant de moins d'un an : c'est indispensable !

Obligation est faite à tout médecin qui dépisterait un cas de dopage de transmettre les informations qu'il détient à un médecin d'une antenne spécialisée. Le secret médical sera ainsi respecté.

Les fédérations sportives sont, quant à elles, tenues de veiller à la santé de leurs licenciés en prenant des mesures propres à améliorer aussi bien les conditions d'entraînement que le calendrier des compétitions et en diffusant des informations relatives à la prévention du dopage.

Il reviendra aux sportifs qui participent à ces compétitions de le faire savoir aux médecins qui les suivent.

Le second chapitre du texte traite de la prévention et de la lutte contre le dopage. Vous ne vous étonnerez pas, Madame la ministre, que j'approuve la création du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage, sa composition, les missions qui lui sont confiées, les sanctions administratives et pénales qui peuvent être prises. Ma seule réserve sera que, pour avoir une portée réelle, ce texte ne doit pas rester "franco-français". Il ne servirait à rien de dire vouloir lutter contre le dopage cependant que le reste du monde s'en tiendrait à une hypocrisie facile. Nous savons vos efforts en ce sens : continuez !

Le groupe Démocratie Libérale votera le projet de loi. J'ajouterai, à titre personnel, que notre travail en commun s'est déroulé de manière parfaite. Je souhaite ardemment qu'il continue d'en être ainsi (Applaudissements sur tous les bancs).

M. Alain Calmat - A cette étape ultime de la discussion du projet de loi relatif à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage, je me félicite du remarquable parcours accompli, qui a permis l'élaboration d'un texte fondamental, dont les répercussions se font déjà sentir en France et à l'étranger. Nous avons, Madame la ministre, apprécié votre intervention devant les ministres européens et lors du colloque du CIO, à Lausanne, et nous avons quelque raison de penser que l'adoption de ce texte, en deuxième lecture, juste avant l'ouverture de ce colloque, a permis de transformer la grand-messe attendue en vrai débat.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Merci !

M. Alain Calmat - Je souhaitais rappeler que nous avions insisté pour que ce vote ait lieu à cette date-là, pour cette raison-là.

Mes commentaires porteront sur un seul point, qui est l'ambiguïté persistante de l'article 3 bis du projet. Une confusion semble installée entre les deux fonctions distinctes que sont la médecine d'aptitude au sport, d'une part, les soins dont les sportifs ont besoin, d'autre part. Mon sentiment est que l'obligation de transmettre les informations relatives aux cas de dopage dépistés ne peut se concevoir que pour la première de ces fonctions, car le suivi des malades, fussent-ils sportifs, suppose le strict respect du secret médical. Il se trouve que le doute subsiste, à cet égard, dans l'esprit du professeur Glorion, président de l'ordre des médecins, comme en témoigne un courrier dont j'ai eu copie.

Je n'ignore pas que le texte de la commission mixte paritaire ne peut être modifié, et je le voterai en l'état. Mais je vous serais reconnaissant, Madame la ministre, de bien vouloir me donner quelques précisions de nature à faciliter les choses pour les médecins (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe UDF).

M. le Président de la commission - Je remercie le rapporteur qui, avec l'appui des administrateurs de la commission, a réalisé un excellent travail. En mon nom personnel et au nom de la commission, je tiens à vous féliciter, Madame la ministre, pour le courage, la pugnacité et la volonté dont vous avez fait preuve, et pour la clarté de vos choix. Vous avez, ce faisant, contribué à ce que l'inquiétude que suscitait l'isolement éventuel de la France en cette matière s'estompe et, avec l'aide du Parlement, vous avez réussi : le mouvement engagé dans notre pays va être suivi.

Nous venons de démontrer qu'au-delà de nos divergences, légitimes, nous sommes d'accord sur les questions importantes, et je m'en félicite.

La loi n'est pas, à elle seule, suffisante, c'est vrai. L'essentiel reste à faire, qui est de convaincre et notamment de convaincre les médecins. Même si toutes les précautions ont été prises pour assurer le respect du secret médical, Nous voyons bien que, en dépit de toutes les précautions, des hésitations subsistent. Il nous faut convaincre les médecins que le secret médical n'est absolument pas menacé, convaincre aussi le milieu sportif.

Pour vous aider, notre commission va publier une brochure à caractère pédagogique, comme elle l'a fait sur d'autres sujets, afin d'améliorer l'information du milieu sportif et associatif. L'impact de ces brochures n'est pas négligeable, certaines ayant été tirées jusqu'à 30 000 exemplaires.

Des questions demeurent, comme celle du financement de la première visite médicale. Mme Aubry m'a écrit qu'elle en était bien consciente, et qu'elle y travaillait. Ce matin, enfin, la commission des affaires sociales a décidé de créer une mission de dix membres, animée par M. Beauchaud, destinée à réfléchir sur l'avenir des structures du sport professionnel. Nous contribuerons ainsi à préparer la grande loi sur le sport. Cette mission sera en place dès la semaine prochaine.

Nous continuerons donc, Madame la ministre, à travailler près de vous et avec vous, afin de donner au sport toute sa dimension sociale et éthique, sans oublier la dimension de plaisir et d'épanouissement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe RCV et du groupe UDF).

Mme la Ministre - Je remercie la commission, son président et son rapporteur ainsi que l'ensemble de la représentation nationale, pour le travail accompli en faveur de la santé des sportifs et de l'éthique du sport. Je remercie aussi ceux qui, à l'extérieur, nous ont aidés, par exemple le groupe de travail présidé par le magistrat Roussel et le professeur Escande, et aussi le Conseil de l'Ordre. Monsieur Calmat, l'article 3 doit bien être interprété à la lumière de l'article 2, c'est-à-dire par rapport à l'aptitude à pratiquer le sport.

Monsieur Estrosi, soyez rassuré. Les sportifs français ressentent du soulagement et une formidable envie de se battre pour un sport net. C'est avant que les bouches s'ouvrent, que les chiffres soient établis, que le numéro vert dopage soit installé, que la suspicion était générale. Aujourd'hui nous mesurons l'ampleur du fléau, mais nous savons qu'il ne touche qu'une minorité de sportifs.

Le mouvement sportif français est le seul à avoir eu le courage d'aller en relais jusqu'à Lausanne remettre à M. Samaranch son manifeste pour un sport net. Nous voyons aussi se mobiliser les présidents et responsables de clubs, ainsi que les bénévoles, en faveur desquels, Monsieur Estrosi, des mesures ont été prises. Les assises de la vie associative se sont tenues un récent week-end, regroupant 2 500 représentants de ce mouvement. Les bénévoles ont demandé du temps ; nous avons décidé d'élargir le congé de représentation, et nous allons améliorer dans ce sens la loi de 1991. Ils ont demandé de la formation ; nous avons doublé le montant du FNDVA et nous travaillons à élargir le temps de formation. Ils ont demandé de la reconnaissance ; nous avons décidé de valider les acquis de l'expérience associative.

L'action au niveau européen ne doit pas susciter davantage de crainte. Les quinze Etats unanimes ont adopté une résolution précise de lutte pour la préservation de la santé des sportifs. En ce moment même, sur proposition de la France, nous travaillons sur les objectifs et la composition de l'Agence internationale de lutte contre le dopage, que nous présenterons ensemble au CIO.

Monsieur Landrain, nous avons tous ici le même souci des petits clubs, car c'est là que tous les grands champions ont commencé. Nous préserverons ces petits clubs en leur donnant les moyens de fonctionner. C'est pourquoi, en deux ans, j'ai augmenté la part régionale du FNDS de 37 %, et que la loi sur le sport organisera une mutualisation des ressources. Nous les défendrons aussi en défendant la structure fédérale dans le mouvement sportif.

Quand cinq grands clubs se regroupent en prétendant négocier directement avec les médias, sans rien réserver ni pour la Fédération, ni pour la Ligue, est-ce acceptable ? Ce matin, M. Smith, ministre anglais de la culture, de la communication et du sport, me disait que ce système, qui existe déjà dans son pays, était néfaste, et qu'il allait revenir en arrière. Les pays de l'Union européenne doivent retrouver pour la préservation des structures fédérales le même état d'esprit que pour le dopage. Il n'est pas possible qu'un entrepreneur privé organise des compétitions sans l'autorisation du milieu sportif. L'idée d'exception sportive, que j'ai présentée ce matin au conseil des ministres, sera reprise, je l'espère, par une majorité des gouvernements de l'Union les 31 mai et 1er juin prochains.

Oui, nous avons les moyens de protéger le sport et de lui rendre sa part de plaisir (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe UDF).

L'ensemble du projet, compte tenu du texte de la CMP, mis aux voix, est adopté.

La séance suspendue à 18 heures 25, est reprise à 18 heures 40.


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PROJET DE LOI ORGANIQUE ET PROJET DE LOI SUR LE CUMUL DES MANDATS -deuxième lecture- (discussion générale commune)

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - L'Assemblée nationale est donc saisie de ces projets en deuxième lecture, dans les textes adoptés par le Sénat et qui, s'ils comportent quelques avancées par rapport à la situation actuelle, restent très en retrait sur les versions initiales du Gouvernement .

Le Sénat a accepté, dans la loi organique, que le mandat parlementaire national soit incompatible avec celui de député européen ; qu'un parlementaire ne puisse exercer qu'un seul mandat général, municipal ou régional -mais il exempte de cette règle les mandats municipaux dans les communes de moins de 3 500 habitants, qui représentent 93 % des communes françaises.

Au titre de la loi ordinaire, il accepte que nul ne puisse exercer plus de deux mandats parmi ceux de conseiller municipal, général et régional -mais en faisant là aussi une exception pour les communes de moins de 3 500 habitants.

Il a accepté l'incompatibilité des mandats de député européen et de maire d'une commune de plus de 3 500 habitants, de président de conseil général ou régional et de maire d'une telle commune, et admis qu'un député européen ne devait détenir plus d'un seul mandat de conseiller régional, conseiller général ou conseiller municipal -mais toujours, dans ce dernier cas, dans une commune de plus de 3 500 habitants.

Nous sommes loin du projet initial et, a fortiori, du texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture.

Malgré la force de conviction de mon collègue Jean-Jack Queyranne, le Sénat n'a pas voulu retenir la distinction entre mandats et fonctions, importante à mes yeux, ni empêcher le cumul de plusieurs exécutifs locaux.

Le Gouvernement estime cependant qu'une évolution réelle est nécessaire. On ne peut affirmer que les députés et les sénateurs, une fois interdits de cumul, seront coupés des réalités locales. Ils pourront en effet être adjoints au maire, vice-présidents et, bien entendu, simples conseillers, ce qui leur permettra de conserver un lien étroit avec les collectivités locales.

Le texte du Gouvernement n'avait rien d'excessif. Il est de l'intérêt public que les parlementaires se consacrent pleinement à leur mandat national. Les parlementaires ne doivent pas être, au Palais-Bourbon ou au Palais du Luxembourg, les simples porte-parole des collectivités qu'ils président. Ils doivent pouvoir se consacrer davantage à leurs fonctions législatives. Dans la recherche d'un meilleur équilibre des pouvoirs, la limitation du cumul des mandats doit jouer un rôle moteur.

Votre commission a décidé de rétablir la quasi-totalité des dispositions supprimées par le Sénat.

Certaines figuraient déjà dans le projet initial, comme l'incompatibilité entre les mandats de parlementaire national ou de député européen et la fonction de chef d'un exécutif local, ou comme l'impossibilité de détenir plus de deux mandats locaux.

D'autres dispositions rétablies avaient été ajoutées au cours de la première lecture. Je pense au régime indemnitaire des maires, revalorisé par un amendement du Gouvernement, l'article 40 ayant été opposé à un amendement du groupe socialiste. Seules sont concernées les indemnités des maires, ceux-ci devant pouvoir exercer leur fonction à temps plein. Je vous confirme l'accord du Gouvernement pour cette revalorisation.

L'Assemblée avait aussi voulu étendre le champ des incompatibilités professionnelles. S'agissant des modalités d'exercice de la fonction parlementaire, qu'il ne faut pas réglementer à l'excès, le Gouvernement s'en remettra à votre sagesse. Estimant que ces questions ne sont pas de même nature que celle du cumul des mandats et des fonctions, il n'avait pas voulu les aborder dans le texte initial.

Ces deux projets ont souffert de l'attitude frileuse de la majorité des sénateurs. Je ne vise pas, ce disant, l'institution, car je n'oublie pas les propos courageux de certains élus, comme M. Peyrefitte.

M. Bernard Roman, rapporteur de la commission des lois - Très bien !

M. le Ministre - Nous ne pouvons pas nous satisfaire du statu quo. Le Premier ministre l'a rappelé, nos concitoyens sont favorables à la limitation du cumul des mandats.

Le Sénat ne sert pas sa cause en usant de ses facultés constitutionnelles pour s'opposer à toute réforme.

L'article L.O. 137 du code électoral dispose que les mêmes règles d'incompatibilité sont applicables aux députés et aux sénateurs, ce qui non seulement impose un vote conforme, mais aussi interdit de traiter différemment les uns des autres.

Le Gouvernement souhaite aller le plus loin possible. Notre débat, public, a lieu sous le regard de nos concitoyens. Ni dogmatique, ni puritain, ce texte tend à introduire un changement notable, mais ses objectifs ne sont pas hors d'atteinte.

La limitation des cumuls permettra à de nouvelles couches démographiques d'accéder aux mandats électifs. Qu'il s'agisse du cumul des mandats ou de la parité, nous voulons réformer des pratiques insatisfaisantes.

J'appelle votre assemblée à répondre aux attentes de nos concitoyens et à faire l'effort de conviction nécessaire pour surmonter les tendances à l'immobilisme (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Bernard Roman, rapporteur de la commission des lois - Dix mois se sont écoulés depuis le vote de ces deux textes par notre assemblée, en première lecture. Le Sénat, saisi en octobre dernier, a montré son hostilité à ces projets, opposant une fin de non-recevoir à la modernisation de notre vie publique.

Notre position n'a pas changé. Elle s'est même renforcée en dix mois, car elle se fonde sur un engagement : la limitation du cumul des mandats fait partie des mesures de modernisation de la vie publique proposées par le Premier ministre et demeure une priorité du Gouvernement.

Elle se fonde aussi sur une conviction : cette réforme est indispensable pour renforcer la démocratie. Un constitutionnaliste la qualifie de "mère de toutes les réformes", car elle est la clef qui ouvre d'autres chantiers institutionnels : l'approfondissement de la décentralisation, la revalorisation de notre Parlement, la parité, l'harmonisation des mandats.

Notre détermination s'est renforcée, car la limitation du cumul est souhaitée par les Français, comme vient de le confirmer un sondage SOFRES-Nouvel Observateur.

M. Michel Hunault - On ne légifère pas en fonction des sondages !

M. le Rapporteur - Il apparaît que 69 % des Français désapprouvent le cumul maire-député et 74 % le cumul maire-sénateur. Certains ont affirmé ici que, dans leur ville, les citoyens étaient plutôt satisfaits de voir leur maire siéger au Parlement : or 62 % des personnes interrogées préfèrent que leur maire ne soit pas parlementaire et, n'en déplaisent à certains, 54 % des sympathisants UDF et 51 % des sympathisants RPR ont sévèrement jugé l'attitude du Sénat. On voit comme il est déplacé d'arguer d'un attachement des électeurs au cumul pour le justifier... A l'heure de vérité qu'est le vote de la loi, qu'au moins les élus aient la lucidité, sinon le courage, de revendiquer leur propre choix, au lieu d'en faire porter la responsabilité aux citoyens.

Cette modernisation de la vie politique, nous la voulons, et la limitation du cumul des mandats en est la première étape.

Les deux textes adoptés en première lecture visaient trois objectifs : couper le lien entre la fonction législative et la fonction exécutive locale, empêcher l'exercice simultané de deux fonctions exécutives locales ainsi que des fonctions de parlementaire français et de parlementaire européen, et enfin limiter le cumul à deux mandats et non à trois, comme c'est le cas actuellement, ce qui nous a conduit à supprimer la notion de seuil, inscrite dans la loi de 1985.

Ce dispositif reposait sur deux principes essentiels : la disponibilité des élus et le refus d'une confusion d'intérêt.

Notre débat avait permis d'ajouter un certain nombre de dispositions complémentaires en introduisant notamment des incompatibilités liées à l'exercice d'un mandat au Conseil de la politique monétaire de la Banque de France, dans les tribunaux de commerce, dans les cabinets ministériels ou le cabinet du Président de la République, ou au sein des bureaux des chambres consulaires. Nous avions aussi réintroduit dans le champ des incompatibilités les présidences d'établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, tout en veillant, pour ne pas compromettre les progrès de l'intercommunalité, à ne pas appliquer cette incompatibilité aux maires.

Nous avions encore ouvert la révision du statut de l'élu, en revalorisant d'une manière sensible l'indemnité des maires, et rendu impossible le contournement de la loi, en empêchant les maires ou les présidents de collectivités territoriales de recevoir des délégations importantes lorsqu'ils quitteront leur fonction pour se mettre en conformité avec le texte.

Le Sénat s'est emparé de ce texte (Exclamations sur les bancs du groupe UDF) et, pour la majorité sénatoriale, c'est "non" à tout, ou presque tout. La droite sénatoriale a rétabli la possibilité de cumuler un mandat national avec une fonction exécutive locale et exclu du dispositif les conseillers municipaux des communes de moins de 3 500 habitants, ce qui revient à autoriser le cumul de trois mandats pour les élus de 34 000 des 36 000 communes de France.

M. Georges Tron - Représentant quel pourcentage de la population ?

M. le Rapporteur - Ce vote ne nous a malheureusement pas surpris. Les sénateurs de droite ont eu recours aux mêmes arguments qu'ils ont déjà développés dans le passé, chaque fois qu'il s'est agi de s'opposer à la modernisation de la vie politique. Comme si rien n'avait changé, comme si la politique devait toujours aller moins vite que la société, comme si la décentralisation n'avait pas profondément transformé le rôle de l'élu local et ses rapports avec le pouvoir central, comme si les élus pouvaient continuer à ignorer ce que les citoyens attendent d'eux en termes de disponibilité, de renouvellement, de représentativité. Sommes-nous assez représentatifs de la société, de la jeunesse, des femmes ? En mai dernier, M. Clément avait posé la question en ces termes lapidaires : "depuis quand les jeunes et les femmes représentent-ils à eux seuls l'intérêt national ?". Je lui réponds : ils ne le représentent évidemment pas à eux seuls, mais nous ne le représentons pas non plus à nous seuls, tels que nous sommes aujourd'hui.

C'est l'une des ambitions de ce texte que de redonner au mandat politique tout son sens de mission, et non pas, comme le président de la commission des lois du Sénat, présenter le mandat parlementaire comme une sorte de couronnement de la carrière politique. Les sénateurs de droite ont manié le paradoxe jusqu'à la contradiction (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), déclarant - par la voix du président Poncelet - ne pas être hostiles à la limitation du cumul mais adoptant un texte qui va à peine plus loin que celui de 1985, déplorant que le texte ne règle pas la situation des ministres mais jugeant inutile de légiférer pour les parlementaires, dénonçant le pouvoir excessif donné aux partis mais estimant que c'est à eux de remédier à la pratique du cumul et de mettre en oeuvre l'égalité entre hommes et femmes. Le blocage est total, et l'attitude de la Haute Assemblée donne raison à Alain Duhamel, lorsqu'il constate que la majorité sénatoriale "désosse et déchiquette tous les textes" et conclut qu'"au palais du Luxembourg, on préfère décidément autopsier plutôt qu'améliorer" (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Nous ne pouvions donc en aucun cas travailler sur la base des textes votés par le Sénat. Les projets que nous avions adoptés n'ont été ni améliorés ni retouchés : ils ont été trahis (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Nous proposons donc de revenir au dispositif initial, qui vise à moderniser la vie politique pour qu'elle corresponde mieux aux exigences de la société du XXIème siècle et aux attentes des citoyens.

Certains, à droite, ont voulu tabler sur les divisions de la majorité. Ainsi, le sénateur Plasait s'est cru autoriser à déclarer que les députés socialistes n'avaient approuvé les projets que du bout des lèvres, dans l'espoir que le Sénat réintroduirait plus de mesure et de sagesse. Vous êtes libres, messieurs de l'opposition, d'appeler mesure votre immobilisme et sagesse votre conservatisme (protestations sur les bancs du groupe UDF), mais il vous appartient de dire si vous entendez assumer seuls votre archaïsme. Pour notre part, nous avons choisi l'avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Georges Tron - Sur un sujet tel que le cumul des mandats, il serait bon que chacun renonce à attaquer et à caricaturer la pensée de ceux qui ne partagent pas son opinion, ainsi que vient de le faire le rapporteur. Nous avions bien cru comprendre que les textes issus des travaux du Sénat ne lui plaisaient pas, et sa subtilité dialectique aurait pu nous épargner ses propos répétitifs. Le Sénat existe, et n'est nullement obligé de se conformer aux positions de l'Assemblée pour légiférer ("Très bien !" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

A n'entendre que le rapporteur, on risquerait de résumer notre débat à un banal affrontement entre droite et gauche, quand il nous appartient de réfléchir tous ensemble à la façon de contrer cette idée à la mode qui consiste à déconsidérer par principe tous ceux qui exercent des mandats électoraux, et qui fait courir à la démocratie, me semble-t-il, un danger bien supérieur, n'en déplaise au rapporteur, à celui représenté par l'existence du Sénat... Pour notre part, nous ferons nos propres propositions sans entrer dans le jeu politicien auquel se livre le rapporteur.

Nous aurions souhaité, par exemple, au lieu d'entendre le rapporteur consacrer presque tout son propos à s'en prendre systématiquement au Sénat, recevoir quelques garanties sur l'indispensable réforme du statut de l'élu, qui parait bien mal engagée si j'en crois les propos tenus récemment par le Premier ministre devant le Bureau du Sénat : selon lui, le coût d'une telle réforme, estimé entre 10 et 15 milliards, risquerait d'être mal perçu par les Français.

Mme Frédérique Bredin - Le Sénat a rejeté l'amendement revalorisant les indemnités des maires !

M. Georges Tron - Oui, car cet amendement et les trois autres qui lui sont liés ne traitent qu'une infime et superficielle partie de la question du statut de l'élu. Il faut une réflexion et une réforme d'ensemble.

Le projet n'aborde pas non plus le problème posé par l'inégalité entre fonctionnaires et salariés du secteur privé devant les mandats électoraux. Pierre Albertini a déposé, pour y remédier, un amendement très mesuré, qui consiste à substituer la disponibilité au détachement ; il a été rejeté. Un autre amendement tendant à créer une commission de réflexion sur le grave problème de la mise en cause pénale des élus - qui risque fort de décourager de très nombreux maires de se représenter dans deux ans - a également été rejeté. Enfin, le projet de loi constitutionnelle visant à rendre incompatible fonctions ministérielles et mandats électoraux, qui était annoncé comme imminent lors de la première lecture, ne semble plus si urgent. Ce n'est pas en gommant des pans entiers du sujet que le Gouvernement et la majorité témoignent le mieux de leur volonté de moderniser la vie politique.

Les termes du débat n'ont donc guère changé depuis dix mois. Nous rappelons donc notre accord avec plusieurs dispositions importantes, comme l'incompatibilité entre le mandat de parlementaire européen et celui de parlementaire national, la limitation à deux du nombre des mandats -car il n'est nullement démontré que la gestion d'une petite collectivité soit moins accaparante que celle d'une grande- ou l'interdiction de présider deux exécutifs locaux, afin de parer au risque de la confusion d'intérêts.

Nous regrettons que le projet de loi constitutionnelle ne complète pas ces dispositions comme le Gouvernement l'avait pourtant annoncé. La timidité en matière de réforme de notre vie politique n'est pas toujours là où certains se plaisent à la dénoncer.

Ceux qui prétendent améliorer notre système politique en restreignant la liberté de candidature, et donc la liberté de choix de l'électeur, commettent un contresens.

Refuser de réfléchir à la surreprésentation de la fonction publique dans notre assemblée et proposer en même temps de limiter l'accès de plusieurs professions libérales à celle-ci, sous couvert de moralisation de la vie publique, prouverait que la surenchère politique a pris le pas sur la volonté d'améliorer les conditions d'exercice de la démocratie. A cet égard, je vous sais gré, Monsieur le ministre, de rappeler généralement à la mesure et au bon sens ceux qui ne mesurent pas combien leurs propositions amplifieraient les travers qu'ils prétendent corriger.

J'aborde maintenant la question fondamentale de la compatibilité entre le mandat parlementaire et une fonction de présidence exécutive locale.

Pour justifier le projet d'interdire à un parlementaire d'être maire, président de conseil régional ou général, on nous explique qu'il faut rajeunir, renouveler et féminiser la classe politique. C'est nier la liberté de choix de l'électeur puisque celui-ci a toute latitude d'accorder ou non une seconde fois sa confiance à un candidat.

Si nous sommes favorables à des corrections, nous refusons les interdictions absolues. Telle a d'ailleurs été notre position sur la parité.

Comment admettre que les députés seraient davantage impliqués dans leur mandat s'ils n'exerçaient simultanément aucune fonction exécutive locale, alors que nous savons tous que cette interdiction, sauf à modifier le mode de scrutin actuel, les priverait d'une base locale et les inciterait à démultiplier leur action sur le terrain pour compenser ce handicap ?

Qui peut sérieusement prétendre que la démocratie sortirait renforcée parce qu'un député ou un sénateur voterait dorénavant les lois qu'il n'aurait plus l'occasion d'appliquer dans une collectivité territoriale ?

Est-il cohérent d'exclure du Parlement les premiers gestionnaires des collectivités territoriales alors que celles-ci sont déjà et seront plus encore demain au coeur de tous les grands débats nationaux ?

C'est au moment même où le Gouvernement réforme la taxe professionnelle et annonce son intention de réformer la taxe d'habitation, où nous débattons des projets de loi relatifs à l'aménagement du territoire et à l'intercommunalité, toutes réformes qui supposent que les acteurs locaux, chargés de leur mise en oeuvre, puissent au moins faire valoir leur point de vue, que le Gouvernement se propose de leur interdire l'accès au Parlement. Le texte sur l'aménagement du territoire examiné ici il y a peu aurait-il abordé toutes les questions qu'il soulève au fond sans la présence, sur tous les bancs, de parlementaires investis de responsabilités locales ? Quant au texte sur les polices municipales, qui soutiendrait qu'il aurait gagné en qualité sans la participation active, fondée sur leur expérience quotidienne, de nos collègues députés-maires ? De même, est-il concevable que lorsque le Parlement débattra des retraites et adoptera des dispositions qui risquent de bouleverser les finances locales -chacun connaît ici les difficultés de la CNRACL- aucun maire ni président de conseil général ou régional ne puisse y rappeler la fragilité des équilibres budgétaires dans nombre de collectivités ? Certains pensent que les adjoints pourraient tout aussi bien que les maires faire valoir le point de vue des collectivités. Mais si leurs qualités ne sont nullement en question, ni les adjoints ni les vice-présidents délégués ne possèdent une vision globale des problèmes.

Demain, l'Etat sera sans doute tenté de chercher de nouvelles sources d'économie pour satisfaire aux critères fixés par les traités européens. En France où la dépense publique occupe une place particulièrement importante, il sera tenté de rogner sur les crédits des collectivités locales, qui ont représenté près de 300 milliards en 1999.

Que la situation actuelle des finances locales s'améliore n'y change rien. Si demain l'Etat traverse une passe difficile, il se retournera d'autant plus volontiers vers les collectivités locales que ceux qui sont les mieux à même de les défendre ne siégeront plus au Parlement.

L'interdiction d'exercer simultanément un mandat parlementaire et la présidence d'un exécutif local couperait les parlementaires de la réalité quotidienne, professionnaliserait les fonctions de député et de sénateur, à l'encontre de ce que souhaitent les Français. L'aboutissement logique de cette démarche serait l'instauration d'un scrutin proportionnel auquel nous sommes hostiles.

La position du Gouvernement sur ce point détermine la nôtre sur ces textes. Il est clair qu'en l'état, nous ne les voterions pas (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.

M. le Président - J'informe l'Assemblée qu'à la demande du Gouvernement, la séance de demain matin débutera à 9 heures 30.

Prochaine séance, ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 25.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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