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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 70ème jour de séance, 180ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 9 MARS 1999

PRÉSIDENCE DE M. Raymond FORNI

vice-président

          SOMMAIRE :

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 1

    ACCÈS DES COMMUNES AUX INFORMATIONS TIRÉES DU RECENSEMENT 1

    FONCTIONNEMENT DE LA COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE 2

    DÉCLARATION DU DROIT DE BAIL 2

    FEMMES D'AFGHANISTAN 3

    RÉFORME DES LYCÉES 3

    FRAUDE FISCALE 3

    TRAITEMENT DES ORDURES MÉNAGÈRES EN ILE-DE-FRANCE 4

    MANIFESTE DE JEUNES CONTRE L'INSÉCURITÉ 5

    AVENIR DE L'INDUSTRIE AÉRONAUTIQUE 5

    FONCTIONNEMENT DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL 6

    NIVEAU DES IMPÔTS 6

    IMPORTATION DE VIANDE BOVINE 7

    RÉFORMES À L'HÔPITAL PUBLIC 8

SPECTACLES -troisième lecture- (procédure d'examen simplifiée) 8

ÉPARGNE 13

    QUESTION PRÉALABLE 19

La séance est ouverte à quinze heures.


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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

ACCÈS DES COMMUNES AUX INFORMATIONS TIRÉES DU RECENSEMENT

M. Jacques Brunhes - Les communes sont mises à contribution pour assurer la qualité du recensement de la population qui, comme on le sait, vient de s'engager. Jusqu'à présent, les opérations de recensement se caractérisaient par leur exhaustivité, par l'égalité statistique tant lors de la collecte des informations que lors de leur diffusion, enfin par l'autonomie des communes et la liberté qui était la leur d'utiliser comme bon leur semblait tous les éléments qui les concernaient en procédant à tous les croisements autorisés.

Ces principes sont remis en question, puisqu'il est maintenant prévu de ne communiquer aux communes que les indicateurs calculés et choisis par l'INSEE. Il apparait en outre que toute demande supplémentaire formulée par une commune fera l'objet d'une facturation. Si tel est le cas, cette manière de procéder renforcera l'inégalité des communes dans l'accès à des informations pourtant détenues par un service public. Je rappelle d'autre part que les communes ne peuvent être assimilées à des entreprises privées.

Le risque d'inégalité ainsi encouru avait déjà été souligné en 1990 ; à l'époque, les protestations des élus et l'action de l'association des maires de France avait permis de garantir la diffusion de ces données, auxquelles les communes doivent continuer de pouvoir accéder dans le respect de l'anonymat des personnes.

Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour qu'il en soit ainsi ? Comment, d'autre part, l'Etat peut-il accompagner l'effort que les communes ont été amenées à prendre pour dissiper l'inquiétude des personnes les plus vulnérables, tourmentées à l'idée de devoir recevoir les agents recenseurs ?

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Le recensement est un instrument indispensable de connaissance de la population dont, depuis deux siècles, il retrace fidèlement l'évolution. Sa réalisation associe l'INSEE, qui en tire des informations générales, et les mairies, pour lesquelles il constitue une source de renseignements irremplaçable pour la définition des besoins d'équipements -crèches, écoles, etc. Je saisis l'occasion que vous m'offrez pour saluer l'effort consenti par les maires et par les agents recenseurs, auxquels je dis toute ma confiance.

Il est indispensable que les communes puissent continuer à disposer de ces informations, de manière anonyme. Or, la Commission nationale informatique et libertés a fait valoir que l'INSEE les transmettait aux mairies par paquets trop petits pour assurer la confidentialité requise. Il a donc été décidé, pour satisfaire la CNIL, que les renseignements collectés seraient désormais diffusés aux communes de manière moins détaillée. Le traitement de ces informations, s'il doit avoir lieu ensuite, aura un coût pour l'instance qui s'y prête, qu'il s'agisse de la mairie elle-même ou de l'INSEE. Encore faut-il que la tarification pratiquée par cet organisme n'excède pas son prix de revient, et je veillerai à ce qu'il en soit ainsi. Ainsi garantirons-nous l'égalité des communes dans l'accès à des informations indispensables, dans le strict respect d'un anonymat absolument nécessaire à la collecte de renseignements donnés avec franchise (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

FONCTIONNEMENT DE LA COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE

M. Philippe Douste-Blazy - Les institutions ont, toutes, besoin de temps pour prouver leur efficacité, et certaines peuvent présenter des défauts d'organisation. Quelle leçon le Gouvernement tire-t-il, à cet égard, du fonctionnement récent de la Cour de justice de la République ? Chacun s'accordera à penser qu'il est de mauvaise pratique de réformer sous la pression de l'actualité ; cependant, ne serait-il pas souhaitable d'engager une réflexion visant à modifier le fonctionnement d'une institution qui doit oeuvrer dans la sérénité, et ne pas prêter le flanc à la contestation ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Le Gouvernement n'a pas l'intention de commenter l'arrêt rendu ce matin par la Cour de justice de la République, non seulement parce qu'il a pour règle de ne pas commenter les décisions des tribunaux mais aussi parce que le procès des collaborateurs des ministres poursuivis va s'ouvrir dans les prochaines semaines.

Cela étant, un débat légitime doit avoir lieu sur les questions soulevées à l'occasion du procès qui vient de s'achever, et qui touchent au fonctionnement de l'Etat et à la part respective de la responsabilité politique et de la responsabilité pénale. Plus largement encore, il reste à traiter de la "pénalisation" croissante de la société française.

Je pense, comme vous, qu'il faut tirer les leçons de la réforme de 1993 et ne pas, à nouveau, prendre des décisions qui pourraient sembler précipitées. Convaincu que le bon fonctionnement de la République et de la démocratie commande que l'on agisse dans la sérénité, le Gouvernement n'a pas l'intention d'agir à la hâte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV, sur plusieurs bancs du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe DL).

DÉCLARATION DU DROIT DE BAIL

M. Jacques Le Nay - La loi de finances rectificative pour 1998 a prévu, dans un souci de simplification, que la déclaration de droit de bail serait désormais incluse dans la déclaration de revenus des personnes physiques. Cette mesure, a priori louable, a pour conséquence regrettable que les propriétaires bailleurs vont devoir ajouter à leurs revenus les loyers qu'ils ont perçus du 1er janvier au 30 septembre 1998 et pour lesquels ils ont déjà acquitté le droit de bail. Il est paradoxal que les mêmes revenus soient taxés deux fois. Que le Gouvernement compte-t-il faire pour réparer cette injustice ?

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget - Ainsi que vous l'avez fort bien dit, la suppression de la déclaration de droit au bail, qui concerne quelque 3 millions de propriétaires-bailleurs, correspond à une volonté de simplification. Les intéressés, qui auront payé, en septembre dernier, deux fois 2,5 % du montant des loyers perçus du 1er octobre 1997 au 30 septembre 1998, paieront la même chose, au titre des douze mois suivants, en septembre 1999. Il va de soi qu'ils ne paieront qu'une seule fois pour une même année (Interruptions sur les bancs du groupe UDF et du groupe DL) ; dans l'hypothèse où une location s'interromprait plus de neuf mois, l'Etat rembourserait évidemment le trop-payé. J'ajoute que le Conseil constitutionnel, saisi par l'opposition, a estimé que l'article 12 de la loi de finances rectificative pour 1998 ne créait nullement une double imposition, ni ne conduisait les redevables à acquitter l'ancienne imposition et la nouvelle au cours de la même année. Voilà qui, me semble-t-il, clôt le débat (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, protestations sur les bancs du groupe UDF).

FEMMES D'AFGHANISTAN

Mme Marie-Françoise Clergeau - Voici un an, l'Union européenne alertait la communauté internationale sur le sort des femmes d'Afghanistan, auxquelles le régime des talibans impose des discriminations contraires aux lois internationales. Les organisations non gouvernementales ont fui Kaboul, où elles étaient l'objet d'une mise sous tutelle inacceptable, et la situation est de plus en plus alarmante. Qu'entend faire le Gouvernement afin que le régime des talibans ne soit pas reconnu tant que subsisteront ces discriminations fondées sur le sexe, afin que l'aide humanitaire touche les femmes comme les hommes et afin que les droits de la personne soient respectés en Afghanistan ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe RCV)

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - L'Afghanistan vit, depuis de longues décennies, dans des conditions extrêmement difficiles : à la guerre civile a succédé une guerre étrangère, puis une nouvelle guerre civile. La poursuite de notre politique de soutien aux défenseurs des droits de l'homme et, en l'occurrence, des droits des femmes, se heurte principalement à l'absence d'interlocuteur, y compris gouvernemental. Notre priorité consiste donc, à l'heure actuelle, à faire pression sur les pays voisins, qui se nourrissent dans une large mesure du conflit actuel, afin de reconstituer les bases d'un début de stabilité et d'ordre public.

Au drame général des Afghans s'ajoute celui des Afghanes, qui nous bouleverse particulièrement, et notre action, comme celle de nos partenaires européens et des ONG, vise à atténuer les discriminations qui leur sont opposées. Nous n'y parviendrons que si nous réussissons à traiter le problème afghan dans son ensemble. C'est un combat de longue haleine, mais c'est notre objectif (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

RÉFORME DES LYCÉES

M. Yves Durand - Après une très large concertation, y compris avec les parlementaires, la réforme des lycées a finalement été approuvée par le Conseil supérieur de l'éducation nationale ("Ah !" sur les bancs du groupe RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Elle s'appliquera dès la rentrée prochaine aux élèves de seconde, qui travailleront donc, désormais, autrement. Comment s'organisera leur semaine ? Sur quelles priorités l'enseignement reposera-t-il ? Dans quels délais les classes de première et de terminale seront-elles concernées ? Des moyens supplémentaires seront-ils nécessaires et, si oui, lesquels ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste)

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - Cette réforme, préparée de longue date, se met en place selon les règles en vigueur : s'il faut quatorze mois pour modifier programmes et manuels, l'aide à l'élève, elle, commencera dès la rentrée prochaine. Dès la rentrée prochaine également, une majorité d'élèves, au lieu de 3 % actuellement, auront accès aux enseignements artistiques ; l'éducation civique sera renforcée, et fera l'objet d'un contrôle au baccalauréat ; enfin, la filière technologique d'éducation physique et sportive sera mise sur pied. Lors des rentrées 2000 et 2001 seront rénovées la filière littéraire - avec, pour ceux qui le souhaitent, deux langues anciennes possibles, trois langues vivantes et même une langue rare -, la filière scientifique - avec une réforme des disciplines expérimentales - et l'enseignement des langues vivantes, grâce à l'apport d'assistants étrangers. Naturellement, les nouvelles technologies seront progressivement introduites à partir de l'an prochain. La réforme se met donc en place à son rythme, sans aller plus vite que la musique (Sourires), mais avec détermination (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

FRAUDE FISCALE

M. Augustin Bonrepaux - Un récent document du Syndicat national unifié des impôts évalue le montant de la fraude fiscale en 1997 à 225 milliards. La commission des finances de l'Assemblée travaille sur cette question depuis plus d'un an, et le rapport présenté en son nom par M. Brard a abouti à l'adoption, dans le cadre de la loi de finances pour 1999, de plusieurs mesures telles que l'extension de l'obligation de paiement par chèque, le renforcement du contrôle des moyens de transport et des chargements ou le développement des échanges d'information entre le fisc et la sécurité sociale. Cette année, la commission a décidé de se pencher sur la dimension internationale du problème, et M. Brard va se rendre en mission dans plusieurs paradis fiscaux (Rires). Connaissant sa détermination, je pense que nous aurons de nouvelles propositions à faire au Gouvernement lors de l'examen du prochain projet de loi de finances...

Quand les dispositions adoptées par le Parlement en décembre seront-elles mises en oeuvre ? Quels moyens seront consacrés à la lutte contre la fraude ? Quelles formes le Gouvernement entend-il donner à son action dans ce domaine auprès des institutions internationales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget - Etant par nature une activité occulte, la fraude fiscale est naturellement difficile à évaluer (Sourires), mais son ampleur ne fait pas de doute : le montant des seules sommes rappelées après contrôle s'élevait en effet, en 1997, à quelque 73 milliards ! Combattre la fraude est à la fois un devoir de justice et un acte de bonne gestion, car c'est autant d'argent qui manque au budget de l'Etat. Depuis juin 1997, M. Strauss-Kahn et moi-même avons renforcé la lutte contre la grande fraude et la fraude internationale, en redéployant dans cette direction 224 postes d'inspecteurs. Les administrations des douanes, du Trésor et des impôts travaillent de concert, en s'appuyant sur les dispositions que vous avez votées et sur le remarquable rapport de M. Brard ("Ah !" sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL, applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV), et le Gouvernement est prêt à poursuivre la collaboration engagée avec votre commission des finances.

Dans le domaine international, la circulation des marchandises et des capitaux étant de plus en plus ample, les possibilités de fraude et d'évasion le sont également. Aussi travaillons-nous en priorité dans deux directions : l'adoption d'un code de bonne conduite afin d'éviter des pratiques fiscales dommageables ; l'instauration d'un prélèvement à la source sur l'épargne anonyme.

L'OCDE s'intéresse également à la concurrence fiscale dommageable et aux commissions occultes versées pour l'obtention des marchés publics à l'étranger.

Le Gouvernement est convaincu, et il le prouve par des actes, de la nécessité de lutter contre la grande fraude fiscale, en particulier internationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

TRAITEMENT DES ORDURES MÉNAGÈRES EN ILE-DE-FRANCE

M. René Rouquet - Mme la ministre de l'environnement, sous votre impulsion le Gouvernement a annoncé l'an passé une réorientation des plans départementaux de gestion des ordures ménagères, afin que puissent être atteints les objectifs de la loi de 1992, destinée à interdire avant le 1er juillet 2002 toute mise en décharge brute des ordures.

J'ai été parmi les premiers à dénoncer le risque que cette interdiction ne débouche sur la solution bien commode du tout-incinération. Dans un département très urbanisé comme le Val-de-Marne, déjà en surcapacité d'incinération, le projet de l'usine de Vitry-sur-Seine apparaît donc aberrant.

Compte tenu des nouvelles orientations, dont nous sommes nombreux à nous féliciter, quelle est aujourd'hui l'approche du Gouvernement, notamment en ce qui concerne l'Ile-de-France et, en particulier, l'incinérateur de Vitry ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - En effet, les plans départementaux faisaient la part belle à l'incinération et étaient très succincts sur la prévention à la source, la valorisation, la collecte sélective, la concertation entre élus locaux, industriels, associations. J'ai donc souhaité que ces plans soient revus.

En 1997, j'ai demandé au préfet de région d'Ile-de-France d'évaluer les flux de déchets de Paris qui, malgré la loi de 1992, n'a toujours pas élaboré de plan départemental, ainsi que les besoins réels de la région à moyen terme. En avril 1998, les préfets ont été invités par circulaire à fournir les éléments concrets d'évolution des plans départementaux. C'est dans ce cadre que devront être évaluées les capacités de l'usine de Vitry, qui excèdent 400 000 tonnes par an, ce qui est considérable.

Le préfet de région vient de m'informer que le besoin réel d'incinération est estimé d'ici 4 ou 5 ans à 200 000 tonnes par an. L'usine de Vitry est donc coûteuse, rejetée par la quasi totalité des élus et surdimensionnée.

Le préfet et les élus vont donc rechercher des solutions alternatives, respectueuses des objectifs nationaux de maîtrise de l'incinération, de prévention à la source, de valorisation des matières et de traitement sélectif. (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste)

MANIFESTE DE JEUNES CONTRE L'INSÉCURITÉ

M. Yves Cochet - Le 15 janvier dernier un jeune de Bouffémont a été tué à la gare par un autre jeune. Ce crime pourrait être considéré comme une manifestation supplémentaire de la violence urbaine et de l'insécurité. Mais il a aussi entraîné la réaction du Gouvernement qui a pris, en Conseil de sécurité intérieure les mesures que nous connaissons ainsi que, pour la première fois, des jeunes du Val-d'Oise et du nord des quartiers de Paris qui se sont réunis et ont réfléchi pendant plus d'un mois -M. Bartolone a débattu avec eux-, avant de publier, la semaine dernière, un manifeste que je considère comme un des textes les plus lucides et les plus républicains dans les domaines de la sécurité et de la vie en commun.

J'en citerai quelques titres pour bien montrer que les questions sont fortement posées, dans le langage très direct des jeunes. Premier point "ça ne peut plus durer comme ça !" ("Ah non ! sur les bancs du groupe DL et du groupe du RPR) ; 4ème point "Rendre la justice, ce devait être merveilleux" ; 5ème point "Pas de pouvoir aux crapules" ; 6ème point "les mecs qui portent pas des armes ne sont pas des hommes." S'il était de la responsabilité du Gouvernement de proposer des mesures d'en haut, nous avons là un mouvement qui vient d'en bas et auquel nous devons tous répondre.

Comment, Monsieur le ministre de l'intérieur, analysez-vous ce manifeste ? Comment comptez-vous répondre concrètement à la demande de tenir des états généraux dans tous les départements ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - J'ai lu avec attention le texte de cet appel qui rejoint tout à fait l'idée, proclamée ici-même à de nombreuses reprises, que la sûreté est un droit pour tous et que l'insécurité est une forme particulièrement blessante d'injustice et d'inégalité sociale.

Ce texte est parfait, j'en extrais quelques phrases : "circuler sans avoir peur, le droit d'étudier sans crainte, on n'a rien de tout ça. La première des injustices, c'est cela. L'insécurité, on est les premiers à la subir".

Cette prise de conscience est très positive. Elle rejoint celle de nombreux jeunes réunis au sein d'associations qu'il faut encourager.

Pour ma part, je donne des directives aux préfets pour qu'ils n'hésitent pas à accéder à la demande d'organiser des états généraux (blabla ! sur plusieurs bancs du groupe du RPR).

Dès janvier dernier, j'ai donné des directives pour que soient créées dans chaque département des commissions d'accès à la citoyenneté. Les jeunes sont en effet frappés par des inégalités, des handicaps spécifiques, des discriminations. Il est important que les préfets prennent la tête d'une réflexion et d'une action pour que leurs droits à l'embauche, à l'égalité devant le logement, les loisirs soient mieux reconnus. Cela passe non seulement par des états généraux mais aussi par des politiques visant, par exemple, à ce que le recrutement dans la police, dans d'autres institutions, dans des entreprises, publiques ou privées, soit à leur image (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Nous devons saisir ce problème à bras le corps d'autant que 2,5 milliards de jeunes ont un parent au moins étranger. Nous devons avoir une politique active, dans laquelle tous les ministres sont partie prenante. Mme la Garde des Sceaux a envoyé une circulaire aux procureurs, Mme la ministre de l'emploi vient de signer un accord cadre avec l'ANPE et le FAS ; il faut aller au devant de ces jeunes qui se sont exprimés avec une grande clarté dans ce beau texte qui mérite d'être connu. Ces jeunes ne doivent en rien être confondus avec quelques délinquants multirécidivistes. Oui, allons à la rencontre de leurs légitimes préoccupations (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

AVENIR DE L'INDUSTRIE AÉRONAUTIQUE

M. Roland Carraz - Il y a 30 ans, l'avion supersonique Concorde faisait son premier vol. Aujourd'hui, l'industrie aéronautique française affiche une santé éclatante, les chiffres publiés hier le confirment. Pour autant il ne faut pas tomber dans l'euphorie mais se poser quelques questions sur l'avenir de cette industrie.

Or, je suis préoccupé par la baisse des crédits publics consacrés à la recherche-développement, donc des investissements, en France et en Europe, au moment où ils augmentent fortement aux Etats-Unis.

Par ailleurs, on peut se demander si le successeur du Concorde, qui devrait voler en 2005 et être commercialisé en 2010, sera américain, sous la marque Boeing et pour un prix à peine supérieur aux avions subsoniques actuels. Cela entraînerait une mutation très profonde, semblable à celle qu'a vécu le rail avec l'arrivée du TGV.

L'industrie française prépare-t-elle son avenir ? L'Europe laissera-t-elle les Américains filer seuls vers le supersonique de l'an 2000 ?

M. le Président - Ah, si les questions allaient aussi vite que Concorde...

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - Vous avez insisté à juste titre sur les succès d'Airbus, qui a réussi le pari d'obtenir des commandes presque équivalentes à celles de Boeing. L'entreprise le doit pour une large part au savoir-faire de l'industrie française et à la coopération européenne ("Oui !" sur les bancs du groupe UDF), qui devrait aller vers la constitution d'une société européenne que les gouvernements français, allemand et britannique ont appelé de leurs voeux.

Le Gouvernement fait de son mieux pour que la France occupe toute la place qui lui revient. C'est dans ce cadre que s'inscrit la fusion entre Aérospatiale et Matra. Il faut développer tous nos atouts : bureaux d'étude, recherche, montage -je pense en particulier à Toulouse. Des potentialités de développement existent non seulement pour l'avion gros porteur, l'A3XX, dont le montage se fera à Toulouse, mais aussi pour l'avion régional. En ce qui concerne les supersoniques, nous sommes, avec Claude Allègre (Murmures sur les bancs du groupe du RPR), en train de réfléchir aux possibilités de développement d'une nouvelle génération d'avions. En ce trentième anniversaire du Concorde, je salue la qualité des réalisations françaises en ce domaine, qu'il faut poursuivre (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, sur plusieurs bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UDF).

FONCTIONNEMENT DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. Franck Dhersin - Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

En juillet dernier, les personnalités politiques qui s'étaient inquiétées du bon fonctionnement du Conseil constitutionnel avaient, pour la plupart, considéré que celui-ci n'était pas remis en cause. La situation n'a-t-elle pas évolué ? Compte tenu des déclarations fracassantes de Mme Deviers-Joncour et des multiples procédures judiciaires en cours, et sans mettre en question la présomption d'innocence, j'aimerais que le Gouvernement donne à la Représentation nationale son sentiment sur ce sujet.

Le Conseil constitutionnel, instance suprême de notre édifice juridique, peut-il, dans le climat délétère actuel, fonctionner normalement ? Peut-il prendre des décisions qui, je le rappelle, ne peuvent donner lieu à appel ou à cassation ? Continue-t-il à être au-dessus de tout soupçon et à constituer une référence pour notre démocratie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et sur plusieurs bancs du groupe UDF)

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Dans nos institutions, personne, ni au sein du législatif ni au sein de l'exécutif, n'a de pouvoir de décision concernant le président du Conseil constitutionnel. Le Président de la République le nomme, mais il n'a pas le pouvoir de le démettre.

Quant aux conditions de fonctionnement de cet organe suprême, seuls son président et ses membres sont à même d'en juger. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement ne fera pas de commentaires sur les commentaires (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

NIVEAU DES IMPÔTS

M. Gilles Carrez - Nos concitoyens se livrent en ce moment à cette occupation pénible, la déclaration de revenus. Cette année, Monsieur le ministre, le formulaire n'est pas accompagné d'une belle lettre signée de vous, mais de tableaux chiffrés. L'un d'entre eux, ô suprise, laisse entendre que la part des impôts dans la richesse nationale baisserait en 1999. N'est-ce pas une publicité mensongère ? ("Si" ! sur les bancs du groupe UDF)

Les familles avec enfants vont payer beaucoup plus d'impôts, du fait de l'abaissement brutal du quotient familial.

M. Pierre Lellouche - Scandaleux !

M. Gilles Carrez - Les propriétaires qui ont déjà acquitté le droit au bail en 1998 vont le payer une deuxième fois en 1999. La technique fiscale socialiste est de faire payer deux fois le même impôt... C'est ce que le secrétaire d'Etat au budget vient d'expliquer.

Enfin, la CSG sera en 1999 de plus du double de ce qu'elle était en 1997.

Pensez-vous que les Français prendront encore longemps des vessies pour des lanternes ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Les imaginez-vous capables de croire que les impôts baissent quand ils augmentent ? Quand les impôts vont-ils enfin diminuer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - La dernière enquête de l'INSEE, parue ce matin, montre que la confiance des ménages dans notre pays est à un niveau historiquement jamais atteint (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). C'est sans doute parce qu'ils ont plus confiance dans ce que dit le Gouvernement que dans ce que vous dites.

La modification du quotient familial, vous avez omis de le dire, est le pendant du rétablissement d'allocations familiales qui avaient été précédemment supprimées (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Si les Français étaient troublés, ils ne nous manifesteraient pas aujourd'hui, comme le mois dernier, comme le mois précédent, une confiance que les gouvernements que vous avez soutenus n'ont jamais connue.

En ce qui concerne le droit au bail, sans doute étiez-vous sorti au moment où Christian Sautter a répondu qu'évidemment, un propriétaire qui ne change pas de locataire ne paie qu'une seule fois (Protestations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

Quant à la CSG, oui, nous l'appliquons cette année aux revenus du capital, parce que nous considérons que c'est juste. C'est un choix politique que cette majorité assume, mais je comprends que vous le récusiez.

Au total, la loi de finances a fait baisser les impôts de 16 milliards (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), à travers les mesures concernant la taxe professionnelle, la TVA, la fiscalité des transmissions immobilières et la suppression des taxes sur les cartes d'identité et les permis de conduire. Nous ferons le bilan à la fin de l'année, en termes de croissance et de fiscalité ; ce qui est sûr, c'est que nous avons organisé des baisses d'impôts sans précédent. Votre exploit, en la matière, c'était 80 milliards de TVA supplémentaires, par une hausse de deux points ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Faites comme nos concitoyens : faites confiance au Gouvernement ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, et sur plusieurs bancs du groupe RCV et du groupe communiste)

IMPORTATION DE VIANDE BOVINE

M. André Angot - La Commission européenne a levé l'embargo sur l'importation de viande bovine en provenance de Grande-Bretagne. Le Gouvernement français ne s'est pas opposé à cette décision, alors qu'il est établi de façon certaine qu'il existe un lien entre l'encéphalite sponfigorme bovine et une forme nouvelle de la maladie de Creutzfeld-Jacob, qui a déjà tué 30 personnes en Grande-Bretagne.

Le 3 février, l'Académie de médecine a émis un avis très défavorable à la levée de l'embargo, en rappelant qu'en dix ans on a dénombré 180 000 cas d'ESB en Grande-Bretagne, dont 38 000 se sont déclarés depuis 1996 ; elle considère qu'il aurait fallu attendre au moins l'année 2001. Emettant des doutes sur la surveillance des troupeaux britanniques et sur l'identification des animaux, elle estime que le principe de précaution qu'avait retenu Philippe Vasseur aurait dû continuer à s'appliquer.

En permettant que la viande bovine anglaise soit à nouveau consommée, notamment dans les cantines, n'expose-t-on pas les Français à un risque sanitaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et sur plusieurs bancs du groupe UDF et du groupe DL)

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale - La France s'est abstenue lors de ce vote car, depuis la décision de M. Vasseur, des systèmes de contrôle vétérinaire ont été mis en place par la Commission européenne. Les rapports qui nous ont été adressés, comme ceux qui proviennent des autorités sanitaires de Grande-Bretagne, nous font penser que la traçabilité a été considérablement améliorée. L'avis de l'Académie de médecine a été pris en compte, bien entendu, mais il concerne la sécurité sanitaire en général.

Pour notre part, nous examinons les dispositifs mis en place en Grande-Bretagne et nous portons toute notre attention sur les cas de maladie de Creutzfeld-Jacob. Nous allons également surveiller de près les cas de vaches folles, qui peuvent s'expliquer soit par des contaminations croisées soit par l'utilisation de farines animales (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste).

RÉFORMES À L'HÔPITAL PUBLIC

M. Jean-Michel Dubernard - Un vent de fronde souffle sur l'hôpital public qui se désespère de ne pas voir appliquer la bonne ordonnance d'avril 1996. Toutes les catégories de médecins préparent des manifestations. Les étudiants attendent la réforme des études. Les internes résidents attendent les décrets promis pour améliorer leur statut. Les praticiens des CHU et des hôpitaux généraux attendent des vraies mesures et surtout des échéances.

Monsieur le ministre de la santé, vous nous avez habitués à beaucoup de vivacité. Nous sommes surpris par cet immobilisme. Que se passe-t-il ? Pourquoi n'avancez-vous pas ? Qui vous empêche d'agir comme nous savons que vous voudriez le faire ? (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale - Qui m'empêche d'agir ? Mais personne (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR). Nous agissons.

Sur les études médicales, nous avons travaillé avec l'Education nationale, avec les doyens et les enseignants. Sur les deuxième et troisième cycles, nous avançons, dans la concertation avec les représentants des étudiants et des internes. Depuis 20 ans rien n'a été fait pour réformer les études médicales et les médecins eux-mêmes jugent la formation insuffisante. Vous avez raison de nous presser. Mais il faut discuter. Quant à la réforme de l'internat, elle est en cours.

Par ailleurs, toutes les catégories de personnel de l'hôpital se demandent comment nous pourrions prendre en charge leurs préoccupations. Nous les recevons une par une. Nous avons commencé par les aides soignantes, c'était une urgence. Nous avons également réformé la garde, aspect pénible du métier, en accord avec les personnels des urgences.

Reste le statut des praticiens. Nous les voyons souvent et nous avons proposé de nombreuses mesures dont la disponibilité sur plusieurs établissements avec une prime, le renforcement du concours de praticien hospitalier et sa simplification pour qu'un seul concours ouvre les postes à temps partiel et à temps plein.

Je serai heureux de vous tenir au courant plus souvent. Nous avançons avec les praticiens. Je connais leur impatience, souvent légitime (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures 5 est reprise à 16 heures 15 sous la présidence de M. Paecht.

PRÉSIDENCE DE M. Arthur PAECHT

vice-président


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SPECTACLES -troisième lecture-
(procédure d'examen simplifiée)

L'ordre du jour appelle la discussion, en troisième lecture, du projet de loi portant modification de l'ordonnance du 13 octobre 1945 relative aux spectacles.

M. le Président - Je rappelle que ce texte fait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication - Le 9 février le Sénat a adopté ce projet en deuxième lecture ainsi que deux amendements. Le premier, par coordination avec la loi de finances pour 1999 porte l'exonération de taxe professionnelle de 50 % à 100 %. Il était proposé par le Gouvernement.

L'autre, présenté par M. Gouteyron, président de la commission des affaires culturelles, précisant à l'alinéa 6 de l'article 4 la nature juridique des contrat conclus entre un entrepreneur de spectacles établi en France et un entrepreneur de spectacles qui n'y est pas établi, a été adopté malgré l'avis défavorable du Gouvernement.

Ici même en deuxième lecture le rapporteur avait bien voulu retirer un amendement du même ordre après les précisions que j'avais apportées.

Le but poursuivi était de déterminer clairement, lorsqu'un entrepreneur de spectacles accueille une troupe ou un orchestre étranger, à qui incombent les responsabilités de l'employeur, notamment en matière de droit du travail et de sécurité sociale.

Au nom du Gouvernement, j'ai exprimé, devant les deux assemblées, mes réserves sur ces amendements qui n'apportent pas de solutions aux questions qu'elles prétendent résoudre. L'article 1er de l'ordonnance, tel que les deux chambres l'ont adopté, précise clairement les responsabilités respectives des producteurs, organisateurs de tournées et exploitants de lieu. Ce projet largement inspiré des travaux des partenaires sociaux, autorise sans ambiguïté la prestation de service : il est donc inutile d'y faire sans cesse référence.

Pour autant, je vous demande aujourd'hui d'adopter conforme le texte qui vous est soumis, pour deux raisons. Tout d'abord ce texte, enrichi par la représentation nationale, apporte un progrès décisif en matière de contrôle du respect de la législation sociale et je souhaite qu'il soit mis en oeuvre le plus rapidement possible. Ensuite, l'amendement du Sénat ne peut, selon les termes du rapporteur, "être désapprouvé", car il n'aura pas d'incidence négative sur la protection sociale des artistes-interprètes et des techniciens du spectacle vivant.

Je souhaite préciser ce dernier point car il fonde ma détermination. L'article 4 entend préciser les obligations qui incombent aux entrepreneurs de spectacles non établis en France. Ceux-ci, lorsqu'ils viennent présenter un spectacle sur notre territoire, sont placés devant une alternative. Soit ils sollicitent une licence pour la durée des représentations envisagées : ils sont alors soumis à un régime d'autorisation dans les mêmes conditions que les entrepreneurs établis en France. Soit ils effectuent une simple déclaration préalable lorsque le spectacle qu'ils envisagent fait l'objet d'un contrat avec un entrepreneur détenteur de la licence.

Le rapport de votre commission note que l'ajout du Sénat est source d'ambiguïtés et formule deux observations auxquelles je tiens à répondre, car elles rejoignent mes préoccupations et celles de certaines organisations syndicales et professionnelles.

La commission indique en premier lieu que "la nature de contrat d'entreprise exclut toute présomption de salariat entre l'entrepreneur français et les artistes étrangers venus temporairement se produire en France à son invitation". Il convient de confronter cette analyse en fonction de deux types de situations. Dans un premier cas, le contrat de prestation de services répond aux conditions fixées par les articles L. 341-5 et suivants du code du travail. Le producteur établi hors de notre territoire est l'employeur du plateau artistique. Il doit respecter les mêmes dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles que les entreprises de la même branche, établies en France, en matière de Sécurité sociale, de régimes complémentaires interprofessionnels ou professionnels, de rémunération, de durée du travail et de conditions de travail, dans les limites et selon les modalités déterminées par les articles L. 341-5 et suivants du code du travail. L'amendement du Sénat n'apporte pas d'élément nouveau. Il n'en résulte pas que les autres contractants soient exonérés de toutes responsabilités au regard de l'emploi des salariés qui contribuent à la représentation publique du spectacle. En effet, l'article L. 324-14 du code du travail établit une responsabilité solidaire entre le donneur d'ordre et le prestataire de services lorsque le contrat porte sur une prestation de services d'un montant d'au moins 20 000 F. La solidarité financière du diffuseur qui achète un spectacle est engagée s'il ne s'assure pas qu'il contracte avec une entreprise régulièrement établie dans un Etat étranger et qui détache ses salariés temporairement en France dans des conditions de travail précisément définies.

Deuxième situation possible : le contrat en cause ne répond pas aux conditions fixées par l'article L. 341-5 du code du travail. Ce n'est donc pas un contrat de prestation de services et il peut s'agir d'une fausse sous-traitance susceptible d'être qualifiée de travail dissimulé. Le juge pourra alors procéder à la requalification du contrat d'entreprise en contrat de travail, en faisant peser la présomption de salariat sur le cocontractant établi en France. Les parties en conflit pourront clairement alléguer que la loi a été détournée.

La commission observe en second lieu que le "dispositif adopté par le Sénat systématise la qualification de prestation de services alors que, dans certains cas, pour les solistes notamment, il est tout à fait envisageable que l'entrepreneur français salarie effectivement l'artiste produit par un entrepreneur étranger". Sur ce point, je souhaite rassurer votre assemblée : l'entrepreneur de spectacles établi en France conserve toute liberté d'engager des artistes-interprètes de nationalité étrangère. Il n'est alors pas concerné par les dispositions de l'alinéa amendé. Pour conclure des contrats de travail, il devra être titulaire d'une licence de producteur et obtenir, s'il y a lieu, les autorisations de travail pour chacun des salariés qu'il se propose d'engager.

Le maintien et la réforme de la réglementation de la profession d'entrepreneur de spectacles vivants répondent à un engagement pris par l'Etat pour mieux encadrer le régime d'indemnisation des intermittents du spectacle. Si un entrepreneur s'abritait derrière la qualification juridique des contrats d'entreprise pour s'exonérer de toute responsabilité d'employeur, le projet de loi permettrait d'y remédier. C'est le respect du droit social et de la propriété littéraire et artistique qui conditionne l'octroi des licences et des subventions publiques. Les organismes chargés du contrôle de l'application du droit du travail, de la sécurité sociale et de la propriété littéraire et artistique sont autorisés à communiquer aux directeurs régionaux des affaires culturelles, les éléments d'information utiles pour instruire les procédures de retrait de la licence. De plus, le projet de décret d'application en préparation précisera les mentions qui devront figurer dans les contrats visés à l'alinéa 6 de l'article 4 de l'ordonnance en vue de faciliter le contrôle de l'application des dispositions réglementaires prises en application de l'article L. 341-5 du code du travail. Enfin, comme je m'y étais engagée devant vous, une circulaire conjointe du ministère de la culture et du ministère de l'emploi apportera toutes les précisions utiles pour l'application de ces dispositions.

Au terme de ce débat, je veux remercier les organisations professionnelles et syndicales du spectacle vivant qui ont su montrer leur sens des responsabilités dans le domaine de la négociation collective. Pour sa part, l'Etat s'est engagé à réformer la réglementation de la profession d'entrepreneur de spectacles pour préciser les responsabilités de chacun des intervenants, et je mettrai tout en oeuvre pour faire respecter la lettre et l'esprit de cette réforme.

Le débat parlementaire a été très riche et ce projet a suscité la quasi-unanimité de la représentation nationale. Il apporte une protection renforcée aux artistes de ce pays. Je remercie vivement M. le rapporteur et Mmes et MM. les députés pour le travail accompli et le soutien qu'ils m'ont apporté et, par mon truchement, à une profession essentielle à la vie culturelle de ce pays. Il était temps de disposer d'une législation adaptée aux évolutions du spectacle vivant tout en conservant son caractère protecteur, qui a permis de sauvegarder nombre de salles précieuses pour le patrimoine architectural et la mémoire de ce secteur d'activité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Patrick Bloche, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Le Gouvernement s'était engagé, dans le cadre des accords négociés par M. Pierre Cabanes pour la reconduction du régime particulier d'assurance chômage des artistes et techniciens du spectacle, à présenter en 1997 un projet de loi réformant l'ordonnance de 1945, afin "de fournir au spectacle vivant un cadre juridique rénové, maintenant le principe d'une licence d'entrepreneur de spectacles délivrée par l'Etat et prévoyant la mise en oeuvre de moyens de contrôle efficaces et de sanctions dissuasives". Vous avez vous-même, Madame la ministre, intégré cette dimension de notre actuel travail législatif quand vous avez réaffirmé la volonté du Gouvernement de pérenniser le statut des intermittents du spectacle, lors d'une séance de questions au Gouvernement, il y a un mois. Nous sommes, en effet, dans une situation précaire : l'accord signé le 20 janvier dernier par les partenaires sociaux ne fait que proroger jusqu'à la fin 1999 le régime spécifique d'assurance chômage des intermittents du spectacle élaboré en 1967.

Déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale en septembre 1997, adopté en deuxième lecture ici-même le 17 juin 1998, le présent projet n'a été examiné que le 9 février dernier, en deuxième lecture, par le Sénat. Je déplore, comme mon homologue du Sénat, ce délai excessif imposé à la Haute assemblée pour examiner un texte sur lequel ne subsistaient plus de divergences majeures.

Après la deuxième lecture à l'Assemblée, cinq articles demeuraient en discussion. Quatre ont été adoptés sans modification par le Sénat : l'article 2 définissant les catégories d'entrepreneurs de spectacles, l'article 6 relatif aux spectacles occasionnels, l'article 12 bis portant sur les incompatibilités entre la fonction d'agent artistique et la profession d'entrepreneur de spectacles, et l'article 13 fixant le dispositif transitoire.

Deux articles ont en revanche été amendés, l'article 4 à l'initiative du Sénat et l'article 12, pour coordination, sur proposition du Gouvernement. Un mot sur l'article 12 : sa nouvelle rédaction prend en compte l'article 113 de la loi de finances pour 1999, qui autorise les collectivités territoriales et leurs groupements dotés d'une fiscalité propre à exonérer totalement de taxe professionnelle certaines entreprises de spectacles qu'elles souhaitent soutenir, alors que l'article initial limitait cette exonération à 50 %.

Le problème est un peu plus compliqué pour l'article 4. Le Sénat a adopté, sur avis défavorable du Gouvernement, un amendement qui précise la nature juridique des contrats passés entre un entrepreneur de spectacles non établi en France et non titulaire d'un titre jugé équivalent à la licence et un entrepreneur de spectacles détenteur d'une licence. Un tel contrat est, je cite, "un contrat de prestation de services au sens de l'article L. 341-5 du code du travail".

Cette nouvelle rédaction reprend assez largement le contenu d'un amendement que j'avais présenté en deuxième lecture.

Lorsqu'il organise la venue en France d'un orchestre ou d'un ballet, un entrepreneur de spectacles ne devient pas automatiquement l'employeur de chaque artiste étranger régulièrement salarié par cette formation. Cela concerne de très nombreux festivals en France. Or, l'application de la présomption de salariat peut aboutir à ce que l'entrepreneur français soit tenu au paiement, en France, de charges sociales pour ces artistes. Pour éviter ces charges indues, difficiles à assumer, et sources de contentieux avec les organismes sociaux, j'avais souhaité préciser que l'entrepreneur de spectacles titulaire d'une licence pouvait agir soit en qualité d'employeur, soit en qualité de prestataire de services.

J'avais cependant retiré mon amendement après que vous vous étiez engagée, Madame la ministre, à préparer, en concertation avec Mme Aubry, une circulaire visant à éviter le double paiement de cotisations sociales, iniquité manifeste.

Le Sénat a choisi de régler cette question par la loi en adoptant un amendement, qualifiant de contrat de prestation de services les contrats passés entre un entrepreneur français titulaire de la licence et un entrepreneur de spectacles étranger. Se référant à l'article L. 341-5 du code du travail, le dispositif garantit pleinement les droits sociaux des artistes concernés.

Je ne peux naturellement désapprouver cet amendement, mais je regrette cependant qu'il systématise la qualification de prestation de services. Dans certains cas, pour des solistes notamment, on peut en effet envisager que l'entrepreneur français salarie effectivement l'artiste produit par un entrepreneur étranger. Or, l'amendement adopté par le Sénat concerne tous les entrepreneurs de spectacles. Il peut donc prêter à confusion dans les cas où le contrat passé avec l'entrepreneur étranger est un contrat de coproduction effective entraînant un partage de la responsabilité d'employeur.

Malgré ces réserves, la commission partage le sentiment du Gouvernement : l'adoption définitive de cette réforme, élément essentiel du renforcement des droits des salariés du spectacle et de la lutte contre la précarité est une nécessité, après presque une année d'examen parlementaire.

Ce texte, attendu depuis plusieurs années par les artistes et les professionnels du spectacle permettra en effet de moderniser et de simplifier une réglementation obsolète.

En conséquence, la commission des affaires culturelles unanime demande à l'Assemblée d'adopter, sans modification, le projet de loi modifié par le Sénat en deuxième lecture. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Bruno Bourg-Broc - Nous en arrivons au terme de l'examen d'un projet de loi très attendu, comme vient de le rappeler le rapporteur, par les professionnels du spectacle, parce qu'il traduit le protocole d'accord sur le renforcement des droits des intermittents des spectacles et lutte contre la précarité et le travail au noir, d'une part, parce qu'il précise et simplifie le régime des licences d'entrepreneurs de spectacles -ce qui s'imposait- d'autre part.

On peut toutefois regretter qu'il ait fallu près d'un an pour adopter définitivement un texte relativement consensuel et je joindrai, sur ce point, ma voix à celles des rapporteurs de l'Assemblée et du Sénat. Néanmoins, les apports des deux assemblées ont enrichi le texte, que la commission adopté sans modification.

Les améliorations portent sur l'organisation de spectacles occasionnels. Il fallait en effet permettre aux groupements d'artistes amateurs d'organiser des spectacles, sans trop de contraintes administratives ; la loi le leur permet et c'est bien. Les améliorations portent aussi sur le régime d'incompatibilité entre l'activité d'agent artistique et celle d'entrepreneur de spectacles vivants. Des règles trop strictes n'étaient pas justifiées, et elles auraient pénalisé les agents artistiques français par rapport à leurs homologues étrangers. Le Sénat a enfin tenu à préciser la nature du contrat qui lie un entrepreneur de spectacles étranger et un entrepreneur de spectacles français, de manière à éviter que ce dernier n'ait à régler des charges sociales indues.

Enfin, si la médiation de M. Cabanes avait permis de régler la crise intervenue, en 1997, au moment du renouvellement des annexes 8 et 10 de l'UNEDIC relatives aux intermittents du spectacle, le protocole d'accord signé le 20 janvier a suscité de vives réactions qui démontrent pour le moins un défaut de concertation.

L'attente est grande, Madame la ministre. Au-delà de ce texte, en faveur duquel le RPR votera, sachez y répondre (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Georges Hage - Au nom du groupe communiste, je confirme que nous approuvons ce texte qui vise à modifier l'ordonnance du 13 octobre 1945. Il était attendu depuis longtemps par les professionnels concernés, disions-nous lors de la première lecture, il y a plus d'un an déjà. Nous ne pouvons donc que souhaiter son adoption définitive et la publication rapide des décrets d'application. Nous sommes satisfaits que soit maintenu un cadre juridique à l'exercice de la profession, qui favorisera l'avenir du spectacle vivant. L'exploitation d'une salle de spectacles n'est pas une activité économique semblable aux autres et l'importance de l'enjeu a déjà été souligné : il s'agit de protéger les salles, de réglementer le statut d'entrepreneur de spectacles et de faire mieux respecter la législation du travail. Ces préoccupations doivent, au même titre que le soutien à la création et à la diffusion des oeuvres, participer de toute politique culturelle digne de ce nom.

Depuis un an, la nécessité d'une action publique d'envergure dans le domaine de la culture n'a fait que se confirmer.

La prétention ultralibérale d'imposer partout la loi de la rentabilité financière a été mise en échec, dans l'affaire de l'AMI, grâce à la mobilisation des artistes et des citoyens et à la position ferme de la France. Mais, pour que les industries culturelles échappent à son emprise, la vigilance doit rester la règle. Nous tenons par ailleurs à exprimer notre inquiétude au sujet du statut des intermittents du spectacle, notamment dans le secteur de l'audiovisuel. Le nouveau régime d'indemnisation du chômage, en l'absence d'un accord collectif digne de ce nom, risque de pousser des salariés en situation précaire à quitter la profession ; comment les petites maisons de production pourront-elles alors réaliser des premiers films d'auteurs ?

Nous souhaitons, Madame la ministre, une intervention efficace du Gouvernement à ce sujet.

Nous nous étions aussi fait l'écho des inquiétudes du secteur associatif. Elles ont été partiellement apaisées, mais les dispositions que nous allons adopter garantissent-elles effectivement la neutralité fiscale ? Une loi améliorant le statut juridique et fiscal des associations d'intérêt général porteuses d'un projet éducatif culturel ou social, ne s'impose-t-il pas, qui reconnaîtrait leur utilité économique et sociale ?

Sous réserve de ces quelques observations, nous souhaitons l'adoption de ce texte et sa prompte application (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. François Goulard - Ce texte semble faire l'objet d'un large consensus : le Sénat l'a en effet adopté, et la quasi-totalité des groupes de l'Assemblée ont émis un vote favorable en première comme en seconde lecture. Bien qu'il constitue une amélioration notable de l'archaïque ordonnance de 1945, vous me permettrez de faire entendre une voix discordante : je n'arrive pas à me persuader, en effet, que le droit d'exercer la profession d'organisateur de spectacles doive être subordonné à la possession d'une licence. Je suis tout à fait d'accord, bien entendu, pour que les intermittents du spectacle bénéficient d'un régime d'assurance-chômage et pour que le droit du travail soit respecté dans ce secteur comme dans les autres - ce qui me paraît au demeurant plus facile à contrôler, les spectacles étant publics par nature, que dans la confection -, mais à la question de savoir s'il est nécessaire, à l'aube du troisième millénaire, que des bureaux aient compétence pour décider si telle ou telle personne a le droit d'organiser des spectacles, le groupe DL répond non, et c'est pourquoi il votera contre le projet.

M. Christian Kert - Ce texte était fort attendu, tant l'ordonnance de 1945 est en décalage par rapport à la réalité actuelle du spectacle vivant. Il est au demeurant fort proche de celui qu'avait élaboré M. Douste-Blazy. Il simplifie et rationalise le régime juridique des entrepreneurs de spectacles, en substituant une licence unique aux six licences existantes, et renforce la protection des artistes en veillant au respect du droit du travail, du droit de la sécurité sociale et du droit de la propriété intellectuelle : en cas de manquement, en effet, aucune subvention publique ne pourra être versée, et la licence pourra même, éventuellement, être retirée. Le groupe UDF le votera (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR, ainsi que sur quelques bancs du groupe socialiste).

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

La séance, suspendue à 16 heures 50, est reprise à 16 heures 55.


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ÉPARGNE

L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité financière.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Ce projet achève un processus, auquel l'Assemblée aura été associée étroitement : par le rapport de M. Douyère, qui a plaidé pour une modification du statut des caisses d'épargne et analysé l'ensemble des possibilités ; par le débat du 17 février sur l'avenir du secteur bancaire et financier, qui a fait apparaître, au-delà des divergences normales sur l'appréciation du passé ou sur le rôle de l'Etat, des convergences plus inattendues sur les choix du Gouvernement.

Ce projet s'inscrit, en outre, dans un environnement en perpétuel mouvement. Chacun peut redouter la mondialisation ou s'en féliciter, mais nul ne peut se dispenser d'en tenir compte, sous peine d'en payer le prix, car elle n'est même plus un processus : elle est déjà une réalité.

Enfin, ce projet constitue une partie d'un tout. Au-delà du vote, que j'espère positif, du Parlement, nous aurons engagé ensemble, en l'espace de quelques mois, une action visant à la fois à protéger les épargnants et à renforcer notre secteur financier au service de la croissance et de l'emploi.

Ce projet fait partie d'un ensemble de mesures étalées dans le temps. Ainsi, au cours des 21 mois écoulés, nous avons renforcé la sécurité financière en donnant une nouvelle stratégie à un certain nombre d'entreprises et en réglant des dossiers ouverts sous la législature précédente, notamment pour respecter nos engagements vis-à-vis de l'Union européenne : mise sur le marché du CIC et du GAN, réforme du CDR, sauvetage du Crédit lyonnais, refus de la privatisation systématique de la CNP, qui ne nous était en rien imposée.

Nous avons aussi mieux protégé les épargnants grâce à la réforme des taux réglementés, au réaménagement des PAP, au droit au compte prévu dans la loi de lutte contre les exclusions, aux nouvelles dispositions sur le surendettement.

Ce projet s'inscrit dans ce mouvement : la réforme des caisses d'épargne renforce ; les dispositions sur la sécurité financière protègent. Chacune des deux parties a donné lieu à un rapport de grande qualité, celui de M. Douyère et celui de M. Baert. Pour autant, il n'y a pas une partie plus politique et une autre plus technique, mais un seul texte, dans lequel nous faisons, d'abord, le choix du mouvement.

Les caisses d'épargne sont une réussite incontestable. Ce grand réseau de l'économie solidaire, au service de l'intérêt général depuis près de deux siècles, a su se développer et jouer un rôle essentiel dans la protection de l'épargne populaire et le financement du logement social. Les caisses d'épargne sont à un tournant de leur histoire. Leurs handicaps sont connus, en premier lieu leur isolement statutaire les confine dans un ghetto juridique qui les empêche d'entretenir des contacts et d'exercer une activité commune avec les autres entreprises. Leurs parts de marché sont trop faibles et leurs résultats insuffisants, leur rentabilité sur fonds propres étant inférieure à 3 %, soit la plus faible de la place. Leur organisation est assez déficiente avec la séparation des fonctions décisionnelles -CENCEP- et opérationnelles -caisse centrale. Tout cela entrave leur développement, à l'heure de l'adaptation à l'Europe, à un système financier beaucoup plus large, à un secteur bancaire en pleine évolution.

Le statu quo était donc impossible : il risquait de conduire à une marginalisation des caisses d'épargne. La banalisation était inacceptable ; elle aurait abouti à un échec en niant la spécificité et les forces du réseau.

Nous avons donc fait, après Raymond Douyère, le choix du statut coopératif, parce qu'il est le plus propre à corriger les faiblesses des caisses d'épargne, en leur permettant notamment de nouer des alliances avec d'autres partenaires, français ou européens ; parce qu'il est le plus adapté à leur histoire et à leur spécificité ; parce qu'il est le plus conforme aux valeurs de la majorité, en particulier par l'application du principe un homme, une voix.

Pour la sécurité financière, la situation n'était pas non plus satisfaisante, les récents désastres financiers le montrent : Compagnie du BTP, Banque Pallas-Stern, Crédit Martiniquais, Finindus, Europavie. Un des enjeux majeurs de ce projet est donc d'instituer un dispositif complet, nouveau et original de prévention et de gestion des sinistres financiers.

Jusqu'à présent, en effet, aucun dispositif de garantie n'existait dans l'assurance. En cas de faillite les assurés ne disposaient d'aucun mécanisme d'indemnisation et risquaient de perdre la totalité des fonds épargnés. Ainsi, la faillite d'Europavie au début de 1997 a laissé près de 5 000 épargnants sans protection.

Le dispositif de garantie dans les banques était incomplet et imparfait. L'absence de règles claires et applicables à tous conduisait soit à une prise en charge par l'Etat, donc par les contribuables, du coût des faillites -800 millions pour le sinistre de la Compagnie du BTP en 1995, soit à des procédures très longues et incertaines pour les épargnants. Dans le sinistre de Finindus début 1997, les 10 000 clients n'ont été protégés qu'à l'issue d'une procédure de plus d'une année.

Le deuxième choix que nous faisons dans ce texte est celui de la solidarité. Pour les caisses d'épargne, ce choix se résume par la défense de l'intérêt général, spécificité encore renforcée par le projet, grâce à la consécration sans précédent de leurs missions d'intérêt général, grâce à la mise dans le public des parts de coopérative qui dégagera 18 milliards pour alimenter le fonds de réserve des retraites par répartition, qui en ont bien besoin...

M. Jean-Jacques Jegou - Oh oui !

M. le Ministre - ...quelle meilleure marque de solidarité ? -grâce à la défense du livret A, que le Gouvernement refuse absolument de banaliser, grâce à l'affectation d'une partie des résultats des caisses au financement de projets locaux et sociaux enfin.

Pour la sécurité financière, le choix de la solidarité se concrétise par un dispositif complet de protection des épargnants. La France sera ainsi le premier pays de la zone euro à créer un mécanisme de garantie de l'assurance vie bénéficiant à tous les clients. Rappelons que les engagements pris dépassent 3 100 milliards

Un mécanisme unique de garantie des dépôts bancaires quel que soit le statut juridique de l'établissement, se substituera aux différents régimes existant aujourd'hui, mettant un terme aux interventions de l'Etat quand des banques privées sont en difficulté, ce qui va à l'encontre de l'objectif de solidarité.

Un autre dispositif garantira les épargnants investisseurs en cas de faillite de leur établissement teneur de compte. Afin d'aller plus loin encore dans la solidarité, seront garantis les droits des épargnants dans les procédures de liquidation ou de redressement des banques ou des compagnies d'assurance, en prenant mieux en compte la spécificité des établissements de crédit. Les clients des banques n'ont pas à être responsables de la défaillance de leurs banques et leur statut sera reconnu, ce qui permettra d'accélérer l'indemnisation. En outre, dans un souci d'égalité, l'indemnisation des épargnants se fera à concurrence de plafonds garantissant en totalité l'épargne populaire -400 000 F actuellement-

Enfin, nous faisons le choix de l'efficacité.

Pour les caisses d'épargne, tout d'abord celui de l'efficacité financière. Après la réforme, le ratio de solvabilité sera de 11 %, soit largement supérieur à la moyenne des établissements de crédit.

Celui aussi de l'efficacité des structures : il s'agit de transformer un réseau décentralisé en un véritable groupe décentralisé. La création d'une caisse nationale des caisses d'épargne mettra fin à la séparation actuelle des fonctions décisionnelle et opérationnelle ; une fédération nationale des caisses d'épargne assurera auprès d'elle la représentation des intérêts du réseau.

Efficacité de la stratégie, enfin, avec le soutien possible de nouveaux partenaires européens ; quant au partenariat privilégié et naturel avec la Caisse des dépôts, il doit se poursuivre de manière équilibrée, au moyen d'un pacte d'actionnaire et en donnant aux caisses d'épargne la possibilité d'entrer dans le capital des filiales de la Caisse des dépôts. La souplesse et la capacité d'adaptation sont nécessaires ; l'objectif est de contribuer à créer un pôle public de financement comprenant la caisse des dépôts, la CNP, les caisses d'épargne, la BDPME, la poste et peut-être d'autres organismes demain.

En ce qui concerne la sécurité financière, l'efficacité passe par la création d'un collège des autorités de contrôle regroupant la Compagnie bancaire, la Commission de contrôle des assurances, la COB et le Conseil des marchés financiers, destiné notamment à renforcer le contrôle sur les conglomérats. Les moyens d'actions seront renforcés ; par exemple, la Commission bancaire pourra interdire à une banque de verser une rémunération à ses actionnaires lorsqu'elle l'estimera nécessaire. S'ajouteront à cela, s'agissant du fonctionnement des fonds de garantie, l'automaticité de l'intervention, l'absence de formalité ainsi que de délai dans l'indemnisation des épargnants.

Ce texte vous propose une évolution qui est nécessaire parce que le monde bouge et qu'il faut réaliser en renforçant, pas en affaiblissant ; en garantissant l'avenir, et dans la solidarité. Il comporte 78 articles, dont beaucoup sont techniques. Le Gouvernement compte sur le Parlement pour l'améliorer, dès lors que l'esprit n'en sera pas altéré ; il est très ouvert à la discussion, pour le bien de ce grand réseau financier de l'économie sociale que constituent les caisses d'épargne et de la sécurité des déposants (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Raymond Douyère, rapporteur de la commission des finances pour la réforme des caisses d'épargne - Je ne referai pas l'historique des caisses d'épargne, auxquelles la France est liée par 180 ans d'amour et qui s'étaient également développées en Angleterre et en Allemagne. Elles ont toujours oscillé entre autonomie et dépendance à l'égard des pouvoirs publics. A partir de 1942, elles sont devenues des entreprises de droit privé, avec une tutelle renforcée. Avec les réformes de 1983 et 1991, elles sont passées d'une "monoculture" du livret A à une activité bancaire plus universelle. En l'absence de ces réformes, les caisses d'épargne auraient constitué, compte tenu de la faiblesse de leurs résultats et de l'importance de leurs fonds propres, une proie facile pour les banques françaises ou étrangères. Dans la conjoncture actuelle, où la restructuration bancaire donne lieu à la formation de grands conglomérats uniquement justifiés par un souci de rentabilité, le Gouvernement n'a pas fait le choix d'une banalisation du réseau des caisses d'épargne ; avec le statut coopératif, on respecte ce qui en avait fait le fondement et on reste dans le cadre de l'économie sociale.

Ce réseau est une réussite formidable : il est au deuxième rang français en termes de distribution et au douzième rang européen en termes de fonds propres. Cependant ses parts de marché sont encore trop faibles, notamment en ce qui concerne les PME-PMI, la bancarisation reste limitée, de même que la rentabilité.

On oppose souvent celle-ci à l'efficience ; j'avais, dans le cadre de la mission que le Premier ministre m'avait confiée sur votre demande, Monsieur le ministre, analysé le cas d'une banque qui n'a pas d'actionnaire et dont l'activité de redistribution s'apparente à celle des caisses d'épargne, la Rabobank, dont le retour sur fonds propres est de 15 %. Mais ses dirigeants sont personnellement responsables sur leurs biens propres.

En vérité, il n'y a pas de contradiction entre la rentabilité des caisses d'épargne et le caractère non lucratif que leur conserve le projet. Le statut coopératif, qui est celui que j'avais préconisé, correspond bien à l'histoire de l'institution. Le caractère de banque de proximité, ouverte à tous, est très important et doit être préservé. Il faudra examiner attentivement les propositions faites pour mettre l'accent sur la lutte contre les exclusions ainsi que sur les problèmes d'environnement.

Il ne s'agit en aucun cas d'une privatisation. Le statut coopératif dont s'inspire le projet est celui de la loi de 1947, autorisant certaines spécificités.

La réforme a pour objectifs de renforcer les missions d'intérêt général, de doter les caisses d'épargne d'un statut coopératif adapté, enfin de renforcer la cohérence et l'efficacité de leur gestion.

S'agissant du caractère non lucratif, l'article 1 définit les conditions d'exercice des missions d'intérêt général et spécifie pour la première fois dans la loi ce qui concerne le livret A. Comme dans tous les réseaux coopératifs, le résultat après mise en réserve et rémunératrice des parts de sociétaires, est affecté aux missions d'intérêt général. Des amendements visent à en modifier les modalités.

La structure mise en place est à deux niveaux. Il y a d'abord les groupements locaux d'épargne. Sans doute le terme de sociétés locales d'épargne sonnerait-il de façon moins désagréable que celui de GLE. Le projet prévoit que dix GLE détiennent les parts de chaque caisse d'épargne. Sur ma proposition, la commission a adopté un amendement tendant à ce qu'il y en ait au moins quatre mais pas forcément dix. Les GLE pourront ainsi détenir 30 % des parts, car le projet n'assure pas l'adéquation entre le nombre de parts et la détention de droits de vote. Enfin la commission m'a suivi également en fixant à dix-sept le nombre des membres des conseils d'orientation et de surveillance -COS- représentant les sociétaires, les salariés et les collectivités territoriales.

D'autres amendements techniques ont été déposés. Je pense que nous parviendrons ainsi à un accord assurant un fonctionnement efficace des caisses d'épargne et à la création d'une véritable affectio societatis chez les sociétaires.

Cohérence et efficacité seront renforcées par l'organisation centrale du réseau. La caisse centrale fera respecter les normes prudentielles. Après débat, nous avons maintenu à 60 % la part du capital de la Caisse nationale que détiennent les caisses d'épargne.

Pour bien fonctionner, le réseau doit être solide financièrement sans être pénalisé par le poids du capital social. Je proposais une fourchette de 15 à 20 milliards. Vous avez retenu 18,8 milliards par addition des dotations statutaires des caisses d'épargne. Sans être défavorisés par rapport aux banques populaires et au Crédit mutuel, les caisses d'épargne ne sont pas dans la position du Crédit agricole dont le capital social ne représente que 28 % des fonds propres. Ne pourriez-vous en seconde lecture ramener le capital social à 15 milliards, ce qui faciliterait le placement des parts sociales ?

Ce placement se fera par mutualisation. Sur ma proposition, la commission a adopté un amendement instituant le versement au fonds de mutualisation chaque semestre et non immédiatement après la collecte, ce qui bénéficiera aux caisses dynamiques.

Enfin, la fédération nationale sera le représentant des sociétaires et des caisses. A une assemblée générale constitutive formée de deux représentants du COS de chaque caisse et d'un membre du directoire, la commission des finances a préféré le président du directoire et le président du COS, comme dans les autres réseaux mutualistes.

Ce projet ne remet aucunement en cause les acquis des salariés et l'article 29 y fait une référence implicite. Les articles 16 et 17 rapprochent la composition de la commission paritaire nationale du droit commun tout en préservant les spécificités des caisses d'épargne. La commission des finances n'a pas modifié ces dispositions.

Le secteur coopératif bancaire représente 17 % du marché européen ; avec les caisses d'épargne, il rassemble 60 % des dépôts. Grâce à ce projet, les caisses d'épargne qui seront dynamiques et pourront conclure des alliances tiendront une place privilégiée dans ce grand réseau de référence pour les petits épargnants, commerçants, artisans, PME et PMI. Je souhaite que les caisses d'épargne acquièrent le Crédit foncier pour compléter encore leur gamme d'activités. Si dans le délai de quatre ans qui leur est imparti, les caisses d'épargne réussissent à placer leurs 18 milliards -ou leurs 15 milliards ?- de parts, elles auront concouru à la recomposition du paysage bancaire français et auront un bel avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Dominique Baert, rapporteur de la commission des finances pour le renforcement de la sécurité financière - Peut-être le débat s'est-il trop focalisé sur les caisses d'épargne. Le projet consacre 57 articles sur 78 à la sécurité du système financier dans son ensemble, et pour la place financière de Paris les enjeux sont importants.

"Qui fait métier de louer ou de vendre de l'argent obtient par cela seul une supériorité marquée sur tous les producteurs. C'est pourquoi la banque est la reine de l'industrie comme du négoce" écrivait Proudhon. C'était dire déjà le poids des métiers de la finance dont le fonctionnement doit satisfaire les besoins des épargnants et stimuler l'activité économique.

Ce projet poursuit plusieurs objectifs décisifs pour les établissements du secteur financier, pour leurs salariés, et pour leurs clients.

Il s'agit d'abord d'éviter l'insécurité financière, née de l'instabilité internationale ou de la mauvaise gestion ; ensuite, de garantir à ceux qui placent leur argent qu'ils ne le perdront pas, sauf bien entendu s'ils ordonnent eux-mêmes des placements risqués. Un déposant, un assuré, un épargnant doit pouvoir retrouver ses fonds. Il y aura un plafond d'indemnisation, mais la garantie est réelle pour les dépôts ou contrats les plus modestes.

Enfin, ce texte va moderniser notre système financier et développer sa capacité concurrentielle. Le titre I renforce la surveillance des établissements de crédit, des entreprises d'investissement et des entreprises d'assurance dans un souci préventif. Le titre II crée trois mécanismes de garantie régis par les mêmes principes, afin de protéger les consommateurs. Le titre III accroît le rôle de la puissance publique dans les procédures collectives. Le titre IV, enfin, modernise le régime des sociétés de crédit foncier, afin de développer un marché hypothécaire moderne et de stimuler un marché liquide d'obligations foncières.

J'ai eu la satisfaction de constater, au cours des auditions que le projet emportait une large adhésion des professionnels. Il est vrai, qu'il a fait l'objet d'une longue concertation. Il intègre même des préoccupations formulées par la commission des finances de la législature précédente et par son rapporteur général, Philippe Auberger, avec le renfort bienveillant et attentif de Michel Inchauspé, lui aussi membre de la majorité de l'époque.

Je salue d'abord la qualité du travail préparatoire effectué par les professionnels et par vos services.

Je présenterai l'économie de cette loi et les réflexions de notre commission des finances autour de trois grandes idées. Premièrement, pour être compétitive, la place de Paris doit être attrayante. Les frontières financières connaissent depuis plus de vingt ans un processus continu d'ouverture. Dans le secteur bancaire, la liberté d'établissement a été suivie de la libre prestation de services, avant que la libération des mouvements de capitaux ne précède elle-même la monnaie unique. Afin de pouvoir dégager le volume d'épargne dont notre économie a besoin, mais aussi pour assurer l'emploi de ses salariés, notre système financier doit affirmer sa capacité d'attraction. Sa sécurisation y contribuera. Mais l'attractivité dépend aussi de l'offre. De ce point de vue, le titre IV du projet est fondamental.

Il propose en effet une profonde réforme des sociétés de crédit foncier, résultat d'une réflexion engagée depuis des années par certains opérateurs, sur la nécessité de dynamiser et de développer les mécanismes de refinancement des prêts à l'immobilier. Le régime allemand des Pfandbriefe donne aux banques hypothécaires allemandes, dans l'union monétaire un atout concurrentiel précieux. A l'image de ce régime, le projet stimule la création d'obligations foncières, qui devront être émises par des établissements de crédit spécialisés, les sociétés de crédit foncier. Les établissements présents dans le domaine des prêts immobiliers devront donc créer une filiale spécialisée dont l'objet est limitativement défini par la loi. Les obligations foncières seront assorties de garanties juridiques dérogatoires à la législation sur les procédures collectives, conférant à leurs porteurs un privilège de premier rang sur les actifs de la société de crédit foncier. Soumises à des normes de gestion ad hoc ces sociétés relèveront du contrôle de la Commission bancaire et d'un dispositif de contrôle spécifique.

Assurément indispensable, cette mutation du marché hypothécaire et de ses acteurs, favorablement accueillie dans cet hémicycle comme dans la profession, n'épuise pas toutes les réflexions prospectives évoquées auprès de votre rapporteur. Elles concernent d'abord l'avenir du Crédit foncier. Vous n'ignorez pas, Monsieur le ministre, la sensibilité de son personnel au contenu de la procédure d'adossement en cours. Les interrogations portent avant tout sur la pérennité des liens entre le Crédit foncier de France, qui conservera l'ensemble du personnel, et sa filiale au statut de société de crédit foncier dont la création est imposée par le projet de loi et qui recevra les meilleurs actifs. Je sais que vous êtes attaché à cette pérennité. Je souhaite que vous donniez ici les apaisements nécessaires en précisant les intentions du Gouvernement dans la procédure d'adossement qui va s'ouvrir. Les équipes du Crédit foncier, qui ont montré leur savoir-faire et leur attachement à l'entreprise, méritent d'être écoutées.

Autre perspective : l'avenir même du marché hypothécaire. On peut adosser ces créances à des obligations foncières, à l'instar du système allemand : c'est l'opinion qu'a prise le Gouvernement avec ce projet. Mais une autre voie existe, plus anglo-saxonne, celle de la "titrisation". Il faudra sans doute réfléchir sur ce qui pourrait être un deuxième étage de la mutation engagée aujourd'hui et je vous remercie de nous préciser si le Gouvernement a des projets en la matière.

Enfin, la question de la fiscalité propre au secteur financier a été évoquée en commission. Chacun connaît la particularité de ce secteur, notamment en ce qui concerne la contribution des institutions financières. L'opposition a déposé de nombreux amendements pour réduire, voire supprimer, cette taxation pourtant déjà ancienne, et qu'elle aurait eu tout le loisir de mettre à mal lorsqu'elle était majorité. D'évidence, ce choix relève du prochain débat d'orientation budgétaire et du contexte global des finances publiques : aussi notre commission a-t-elle repoussé ces amendements.

Deuxième idée : pour être attractive, la place de Paris doit être sécurisée. Le projet s'emploie donc à prévenir les défaillances et à protéger les consommateurs.

Cela passe par les mesures de prévention du titre I. L'institution d'un collège de toutes les autorités de contrôle du secteur financier et leur coopération internationale accrue sont essentielles pour le développement des échanges d'informations, permettant notamment le contrôle des conglomérats financiers. De même, l'obligation d'un contrôle interne au sein des petits établissements favorisera l'homogénéité des règles de fonctionnement du secteur. La sécurisation, c'est aussi le titre III qui renforce les pouvoirs de sanction en adaptant le droit des procédures collectives au système financier. Mais la sécurisation, c'est surtout le titre II, avec son triple mécanisme de garantie pour les déposants.

Le texte crée un fonds de garantie unique pour toute la profession française, ce qui est l'aboutissement d'un processus. Les banques connaissaient plusieurs systèmes de cette nature, mais en matière d'assurances notre pays se place en pointe en Europe. Le fonds de garantie des assurés ne couvre certes que l'assurance de personnes, mais son assise représente plus de 70 % du chiffre d'affaires total de la profession !

Pour autant, cette sécurisation exige des règles précises. D'abord, pour les règles de fonctionnement de ces fonds. La concertation permet au législateur d'arrêter avec ce texte un cadre global, conformément à la vocation de la loi. De même, la concertation avec la profession nourrira le contenu des dispositions réglementaires à venir. Mais la représentation nationale, Monsieur le ministre, apprécierait que vous lui indiquiez l'état et le contenu de ces discussions. Quels seront le niveau des fonds, le calendrier et le volume des cotisations, pour quelles indemnisations, et à quelle hauteur ?

Nous nous interrogeons aussi sur certains aspects fiscaux des mécanismes de garantie. Quel est le statut fiscal des fonds de garantie ? Comment les cotisations de leurs membres seront-elles traitées fiscalement ? La légitimité de ces questions a conduit notre commission à adopter des amendements sur ces différents points. Enfin, les règles d'échange d'information entre les dirigeants des fonds de garantie et les autorités de contrôle doivent être complétées. Il est légitime de donner aux autorités de contrôle l'initiative d'entendre les dirigeants des fonds de garantie ; mais l'efficacité de l'information, donc de la prévention, serait renforcée si, à tout moment, ces dirigeants pouvaient être entendus à leur demande par la Commission bancaire ou la Commission de contrôle des assurances. Sur ma proposition, la commission des finances a adopté des amendements en ce sens. Si la responsabilité du contrôle ne se partage pas, la possibilité d'informer doit exister.

Troisième idée : pour être sécurisée, la place de Paris doit être solidaire.

M. Jean-Louis Dumont - Tous doivent être solidaires !

M. Dominique Baert, rapporteur - Toute l'économie du texte repose sur cette idée. Il crée ainsi, pour reprendre votre formule, Monsieur le ministre, à laquelle je souscris volontiers, une "maison commune" abritant tous les établissements de crédit, quel que soit leur statut juridique. Cette option n'a pas été initialement partagée par tout le monde mutualiste. Pourtant, c'est un progrès décisif pour la clarté du système, à l'étranger comme à l'intérieur de nos frontières. L'homogénéisation du métier bancaire plaide en ce sens : le déposant souhaite un même niveau de garantie et une même couverture, quelle que soit la banque à laquelle il s'adresse. Cette maison commune est de surcroît indispensable pour la viabilité même du fonds, qui doit avoir les moyens de ses ambitions.

C'est pourquoi la sécurité de place ne peut être que solidaire. Chacun l'admet aujourd'hui. Mais la profession souhaite que cette solidarité s'effectue dans la clarté. C'est pourquoi la commission des finances a souhaité que la détermination réglementaire à venir des cotisations au fonds, des déposants ou des assurés, soit liée aux risques objectifs que l'adhérent fait courir au fonds.

M. Jean-Louis Dumont- Très bien !

M. Dominique Baert, rapporteur - Cette notion recouvre plusieurs préoccupations du législateur, notamment l'importance des fonds propres, par nature réductrice de risques, et la prise en compte des mécanismes mutualistes et coopératifs.

Tout comme l'assureur, pour calculer la prime de son nouveau client, apprécie selon divers critères le risque que celui-ci lui fait courir, le fonds de garantie devra prendre en considération la réalité de ses adhérents par des critères appropriés de risque.

Il me faut évoquer maintenant l'article 37 du projet, qui oblige les banques coopératives à constituer un dépôt minimal d'un tiers en réserve. En encadrant l'affectation des résultats du réseau mutualiste et coopératif, cette disposition ne répond pas à son objet. Si le but du Gouvernement est bien de rendre plus attrayantes les parts sociales pour les sociétaires, limiter la mise en réserve n'y répond que très indirectement.

M. Jean-Louis Dumont- Très bien !

M. Dominique Baert, rapporteur - De surcroît, cette disposition n'est pas conforme à la logique de ce texte, celle de la sécurité financière, car celle-ci est d'autant mieux assurée que les fonds propres se renforcent.

C'est pourquoi la commission des finances a voté la suppression de l'article 37. Je suis convaincu, Monsieur le ministre, que vos services sauront trouver une meilleure réponse à la question posée, et que vous-même saurez adopter une démarche d'apaisement face à l'émotion du monde coopératif, mais aussi de votre majorité. Nous ne doutons pas de votre capacité d'écoute. La commission des finances, sur ma proposition, a adopté la deuxième partie du projet de loi et demande à l'Assemblée de la suivre. Ce projet cohérent, ambitieux, mérite d'être mieux connu, car il constitue un véritable apport pour le renom de la place financière de Paris, ses établissements et ses salariés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - J'ai reçu de M. José Rossi et des membres du groupe Démocratie Libérale une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Gilbert Gantier - Nous sommes saisis d'un projet quelque peu "fourre-tout", car il concerne les caisses d'épargne, mais aussi le renforcement de la sécurité financière. Il est étrange de réunir dans un seul texte deux sujets qui, pour relever de l'autorité d'un même ministre, n'en sont pas moins différents. N'avons-nous pas reçu -hier soir seulement- deux volumineux rapports, et entendu à l'instant deux rapporteurs ? De cette dualité le projet ne tire aucune richesse supplémentaire, puisque des questions fondamentales -les coûts salariaux des caisses d'épargne, l'avenir du livret A- ne sont pas traitées. Elle fait perdre en revanche de sa lisibilité à la réforme des caisses d'épargne.

Pourquoi réformer les caisses d'épargne ? Leur statut unique en son genre, leur ancienneté, leur caractère social -l'une des premières fut créée par le duc de La Rochefoucault-Liancourt, qui perdit la plupart de ses responsabilités politiques parce qu'en son temps on le jugeait trop social- en font une curiosité dans notre paysage bancaire, à laquelle toutefois les Français sont attachés. Il suffit de voir l'engouement dont jouit le livret A, qu'ont choisi pas moins de 46 millions de Français, dont 20 millions à La Poste et 26 auprès des caisses d'épargne. Ces dernières, malgré leur succès, doivent affronter le choc de la mondialisation ainsi qu'une concurrence exacerbée entre établissements bancaires de taille mondiale. Les caisses d'épargne françaises seront-elles de taille à lutter ?

Elles ne sont certes pas sans atouts, puisqu'elles se placent au deuxième rang français pour la distribution. Mais elles ne sont qu'au douzième rang, en Europe, en termes de fonds propres et au ...78ème pour ce qui est de la rentabilité de ces fonds propres ! Elles se sont, il est vrai, engagées dans un processus de modernisation depuis que la loi de 1984 les a dotées du statut d'établissement de crédit à caractère général. Cette restructuration s'est poursuivie avec l'entrée en vigueur de la loi de 1991 et l'on sait qu'après avoir assuré des missions d'intérêt social puis le financement du logement social, les caisses d'épargne se sont de plus en plus tournées vers une activité bancaire.

Cette double casquette laisse perplexe. Les caisses d'épargne ont-elles une mission d'intérêt social ? Si la réponse est affirmative, leur statut particulier se justifie pleinement. Mais si elles ont vocation à concurrencer les banques, la réforme envisagée est très largement insuffisante. Or le Gouvernement, loin de se livrer à la clarification indispensable, se contente de demi-mesures, et ne dit rien de ses objectifs. Le projet de loi traduit-il une nationalisation rampante, une privatisation déguisée ou une privatisation insuffisante ? Faute de vouloir appeler les choses par leur nom, on ne sait plus de quoi l'on parle et, une fois de plus, le Gouvernement présente un projet a minima, qui ne réforme pas ce qui devrait vraiment l'être.

Comment nier, en effet, que les caisses d'épargne font coexister la modernité -avec la restructuration engagée, comme je l'ai dit, depuis plusieurs années- et les archaïsmes que constituent le statut de son personnel et le taux administré du livret A ? Elles doivent, sans conteste, pouvoir s'adapter à la concurrence, et l'on notera avec intérêt que le CENCEP a pris une participation de 6 % dans le réseau des caisses d'épargne espagnol. Cependant, leur statut est un obstacle à leur développement, comme en témoignent les réformes engagées à ce sujet aux Etats-Unis, en Allemagne et en Italie.

La réforme la plus radicale a été entreprise par les caisses d'épargne italiennes, dont le statut est à présent pratiquement identique à celui des banques de la péninsule, et qui se sont lancées dans des opérations de fusion et de rachats. Les caisses d'épargne françaises ne peuvent se tenir à l'écart d'un tel mouvement. Or le projet de loi, texte creux et mal ficelé mais politiquement correct, ne met pas fin aux handicaps structurels de l'institution.

Comment passer sous silence, en premier lieu, le taux trop élevé de rémunération des dépôts sur le livret A, résidu de l'économie administrée ? Le Premier ministre a lui-même expliqué qu'il fallait tenir compte des données psychologiques et politiques... Mais peut-on ignorer que la concurrence dans le domaine bancaire, la multiplication des fusions et le passage à l'euro révéleront ce handicap, que dénonce le gouverneur de la Banque de France en personne ? Avec 2,7 % d'intérêt réel, le livret A offre le rendement le plus élevé de ces dernières années, loin de ce qu'il était du temps de l'inflation à deux chiffres. Cette épargne sans risque et, de surcroît, défiscalisée, grève la rentabilité des caisses et a pour autre conséquence une décollecte qui s'exerce au détriment des produits offerts par les banques.

Le projet de loi ne règle pas davantage l'autre handicap structurel que constitue le statut du personnel. Comment les caisses d'épargne pourraient-elles lutter à armes égales quand leur coût salarial est trois fois plus élevé qu'il ne l'est dans les établissements membres de l'Association française des banques ? Que dire d'une convention collective qui prévoit 16 mois de salaire par an ? Précisément, le projet de loi ne dit rien du tout de cela. En la matière, le Gouvernement fait preuve d'un conservatisme bon teint, et l'on peut être sûr que le personnel continuera de s'opposer à toute réforme du statut.

Ce que le Gouvernement propose, avec la transformation en coopérative, est finalement peu de chose, puisque ce dispositif est encore dérogatoire au droit commun bancaire. Plus que de banalisation douce, il s'agit d'une réformette ! Rien n'est dit de ce qu'il adviendra du monopole, partagé avec La Poste, de la distribution du livret A. Rien n'est dit, non plus, de l'incidence de l'introduction d'actionnaires dans un organe qui n'en avait pas auparavant.

En outre, le projet de loi fait la part belle à l'économie administrée. Pour s'en convaincre, il n'est que constater la convoitise dont l'Etat fait preuve : toutes ponctions par lui effectuées, il restera aux caisses d'épargne 27 milliards sur les 65 milliards de réserve qu'elles ont accumulées, ce qui ne suffira pas à améliorer leurs fonds propres. Quant à l'ouverture au public, elle demeure largement insuffisante, et masque là une tutelle résiduelle. Le rôle de la Caisse des dépôts et consignations est soigneusement éludé, alors qu'elle disposera, cela est clair, de 30 à 35 % du capital et, probablement, de la minorité de blocage. Le maintien d'une structure publique de cette importance est un anachronisme qui aura des conséquences dommageables pour les caisses d'épargne, l'expérience l'a montré. Un pacte d'actionnaires aurait été autrement préférable, qui aurait encouragé à des partenariats avec d'autres établissements bancaires, étrangers compris. Au lieu de cela, on peut s'attendre à ce que les caisses d'épargne françaises "nouveau modèle" restent bloquées au 78ème rang européen, avec ses fonds propres insuffisants pour accorder des crédits à 25 ou 30 ans. Cette lacune pèsera sur leur avenir.

J'en viens à ce monument à la gloire de l'économie administrée qu'est le dispositif prévu pour la sécurité financière.

Que nous propose l'Etat ? Ce qu'il sait faire de mieux : une énième structure administrative exerçant elle-même le pouvoir de contrôle, sans tirer aucun enseignement de l'échec flagrant constaté tant au Crédit lyonnais qu'à la SMC en la matière. Faut-il véritablement répéter les mêmes erreurs en rejetant d'emblée l'idée d'un organisme de contrôle paritaire, dans lequel siégeraient des représentants de la profession ? Au lieu de quoi, on nous propose une amicale des anciens du Trésor ! Comment prétendre qu'il s'agira d'une autorité véritablement indépendante ? Comment cette nouvelle institution pourra-t-elle faire oublier le fiasco qu'a été le contrôle de l'Etat sur le Crédit lyonnais dont les pertes s'élèvent, faut-il le rappeler, à 100 milliards sinon davantage ce qui représente quelque 3 000 F par Français ? Quel assourdissant silence a été celui de la Commission bancaire !

Pour parer au risque de faillite, le projet constitue un fonds de garantie, alimenté par des contributions spécifiques des établissements, mais il ne faudrait pas que ce fonds ait pour effet de faire financer les banques mal gérées par les banques dynamiques, d'où la nécessité d'encadrer davantage son intervention et de renforcer son caractère préventif.

Ce texte complexe comporte en vérité de nombreuses lacunes, et c'est se comporter en illusionniste que de prétendre qu'il s'agisse d'une grande réforme. C'est pourquoi le groupe DL vous invite à voter la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe RPR et du groupe UDF).

M. Raymond Douyère, rapporteur - Je m'étonne quelque peu de votre propos : d'un côté, vous nous exhortez à transformer profondément les caisses d'épargne de façon à leur faire perdre leur spécificité et, à terme, à les privatiser, vous défendez même de nombreux amendements en commission, et de l'autre vous nous invitez à décider qu'il n'y a pas lieu de délibérer ! J'appelle l'Assemblée à rejeter la question préalable.

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Les caisses d'épargne sont une institution sociale chère à nos concitoyens, qui sont près de 26 millions à les honorer de leur confiance. Elles contribuent depuis leur création à la promotion, à la collecte et à la protection de l'épargne populaire, et accueillent tous les clients, même ceux qui ne sont pas rentables ou qui sont étrangers au monde de la finance. Elles occupent dans le paysage bancaire français une place toute particulière, fondée sur les principes de solidarité, de proximité et d'aménagement du territoire.

Depuis 1983, elles sont des établissements de crédit à part entière, ont développé leurs activités et jouent un rôle de premier plan dans le financement de l'économie locale. Cependant, elles ne se placent qu'au soixante-dix-huitième rang européen pour la rentabilité de leurs fonds propres, et ce qui est un atout aujourd'hui peut devenir un handicap demain, dans un secteur bancaire en pleine évolution. Si elles restent confinées dans leur rôle d'établissements collecteurs, elles peineront à affronter la concurrence des grands groupes européens. La voie coopérative semble la plus pertinente, car seule à leur permettre une croissance externe, jusqu'à présent interdite, tout en préservant leur spécificité.

L'article premier, qui consacre les missions d'intérêt général que s'étaient assignées les fondateurs des caisses d'épargne, constitue un progrès : mettre la rentabilité au service de tous est un objectif auquel les députés radicaux de gauche souscrivent. Le Gouvernement a raison de refuser toute banalisation du livret A, produit financier privilégié des ménages à faibles revenus, qui sont 30 % à n'en posséder aucun autre. En consacrant, en outre, une partie du résultat net à l'alimentation du fonds de réserve des retraites, le législateur exprime sa volonté de sauvegarder notre régime de répartition.

Le second volet du projet renforce la sécurité financière en renforçant le contrôle du système et en améliorant les garanties des déposants en cas de difficultés de leur établissement. Nous espérons éviter ainsi que ne se renouvellent les erreurs du passé et qu'elles ne soient à la charge du contribuable. Il convient néanmoins de veiller à améliorer l'accès des ménages modestes, des très petites entreprises et des jeunes créateurs au crédit. Puisse cette réforme être l'occasion de penser la banque autrement qu'en termes de spéculation et d'accumulation de profits !

J'appelle également l'attention du Gouvernement et de mes collègues sur la nécessité de préserver le statut et l'emploi des salariés en cas de fusion de caisses régionales, de faire prévaloir le principe de solidarité entre bassins de vie d'une même caisse et d'opter pour une démarche citoyenne quant à la rémunération des parts sociales. L'amendement du rapporteur, portant de 10 % à 30 % la part maximale des droits de vote détenue par un groupement local, nous paraît dangereux, car deux groupements pourraient, à eux seuls, être majoritaires au sein d'une caisse ; nous proposerons donc d'en rester à la rédaction initiale de l'article 4.

Sous ces réserves, les radicaux de gauche sont favorables à cette réforme, qui répond au défi posé par l'intensification de la concurrence, sans renoncer aux principes qui régissent, depuis leur création, les caisses d'épargne (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. Marc Laffineur - La réforme des caisses d'épargne n'était que trop attendue, que trop nécessaire.

La banalisation du statut de ce réseau mutuel était en effet devenue indispensable car le groupe était bloqué dans son développement. A l'heure de la recomposition du paysage bancaire européen et mondial, ce réseau ne pouvait rester le seul de son genre en Europe, ce qui interdisait toute alliance avec un autre établissement de la zone euro, peu désireux de se marier avec une banque au statut hybride, et aux contours mal définis, alors que les regroupements s'imposent pour affronter la concurrence.

En outre, l'existence, à côté d'un réseau mutualiste organisé et d'un réseau bancaire classique, d'un établissement particulier bloquait l'avenir de la caisse d'épargne et pesait sur la cohérence de notre système bancaire.

Cette réforme est avant tout une chance pour les caisses d'épargne et pour leurs salariés. Elle leur donne les moyens de s'adapter aux défis des prochaines années. Tout ce qui augmente la rentabilité de nos banques est bon pour notre pays. Car si la course au profit n'est pas une fin en soi, une rentabilité importante est indispensable pour l'investissement et pour le développement des établissements, donc pour leur pérennité et celle de leurs emplois.

Mais, si la direction est bonne, ce texte comporte des lacunes. Ainsi, il favorise le statu quo social en refusant d'aligner le statut de caisses d'épargne sur le droit du travail en vigueur partout ailleurs en matière de négociations collectives. Il faut supprimer cette exception préjudiciable à un groupe appelé à se moderniser et à résoudre plusieurs problèmes importants, comme celui des retraites de son personnel. Pour cela, la caisse d'épargne devra négocier dans la sérénité. Conserver la règle de la majorité des trois quarts, c'est empêcher les accords et substituer au dialogue social la volonté des gouvernements, ce qui est une atteinte au droit des salariés et des dirigeants d'influer sur leurs propres destinées.

M. Philippe Auberger - Très bien !

M. Marc Laffineur - Cela répond à une attente et correspond à un besoin : prévoir un mécanisme permettant de prévenir une crise de grande ampleur due à la défaillance d'un réseau ou d'un groupe financier. Mais des correctifs s'imposent, et d'abord sur l'abondement du fonds de garantie.

En effet, le projet prévoit simplement que les sommes affectées à ce fonds ouvriront des droits à des crédits d'impôt, à hauteur de 25 % des sommes versées, et seront imputables sur la contribution des institutions financières. Ce système ne vas pas assez loin. Il faut profiter de l'occasion pour revoir les impositions qui pèsent sur nos établissements financiers et qui obèrent gravement leur rentabilité et leurs résultats, afin de leur permettre de faire jeu égal avec leurs concurrents.

Deux impôts spécifiques handicapent nos établissements financiers et menacent l'avenir des groupes d'assurances et des banques. La taxe sur les salaires et la contribution des institutions financières pénalisent injustement nos entreprises. Elles doivent disparaître !

En taxant les salaires en moyenne à 10 %, on fait payer à nos établissements le prix du onzième salarié, alors que l'on affirme par ailleurs que pour favoriser l'emploi il faut exclure la masse salariale de la base de la taxe professionnelle pour ne pas dissuader les employeurs d'embaucher. Où est la logique ?

Le deuxième raisonnement vaut, à l'évidence, pour la contribution des institutions financières, assise sur les frais de fonctionnement de ces institutions, dont 60 % sont liés aux rémunérations.

L'avènement de l'euro est une chance pour la France. Il peut en être une pour nos entreprises et pour nos salariés, si nous n'abordons pas cette étape en faisant supporter aux forces vives de notre économie des taxes et des prélèvements qui les handicapent gravement et qui les feraient bientôt disparaître dans des ensembles dominés par les Allemands ou les Anglo-saxons. La menace est grande de voir nos grands groupes délocaliser leurs activités vers Londres ou Dublin.

Le mouvement a déjà commencé, il est temps de réagir ! Nous devons dès maintenant supprimer la contribution des institutions financières et programmer la suppression de la taxe sur les salaires, afin que nos établissements restent compétitifs et qu'ils encouragent l'emploi plutôt que les délocalisations des activités à forte valeur ajoutée propices aux hauts salaires.

Ce problème financier est crucial. Il n'est pas pour autant le seul.

Le fonds de garantie permettra sans doute de renforcer la sécurité des déposants et des assurés quand il sera utilisé de façon curative, mais son usage préventif soulève des difficultés. Ne risque-t-on pas de maintenir certains établissements sous perfusion et de déresponsabiliser leurs dirigeants ? Il faut donc encadrer plus strictement le recours à ce dispositif, ce qui passe notamment par un devoir d'alerte des autorités compétentes au sein desquelles les fonctionnaires ne doivent pas avoir le monopole de l'initiative.

Il conviendrait aussi d'amender le projet en ce qui concerne le secret professionnel pour la surveillance des banques, puisque rien n'est prévu pour le collège des autorités de contrôle.

Ces réformes ne vont pas assez loin. Pour développer l'emploi et la Caisse d'épargne, pour qu'elle puisse nouer des alliances européennes solides, il aurait fallu libéraliser davantage.

Dans la deuxième partie, qui traite de la sécurité, de la surveillance et des obligations foncières, vous auriez dû rechercher aussi à améliorer les résultats de nos banques et de nos institutions financières, ce qui passe par une réforme et par un allégement de la fiscalité.

Dans ces conditions, le groupe Démocratie libérale votera contre ce projet si ses amendements ne sont pas adoptés (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Jean-Pierre Balligand - Ce projet est ambitieux pour l'avenir du secteur bancaire français et pour la place qu'il occupera, demain, dans l'espace européen. Il fixe une orientation pour l'intégration du secteur bancaire, sa consolidation, sa supervision et l'émergence de pôles de stabilité.

La période récente aura été celle des fusions bancaires domestiques puisque 31 banques ont fusionné en Europe l'an dernier. Désormais, la zone euro a vocation à devenir peu à peu leur véritable marché domestique. La concentration du secteur est donc en marche. Il représente d'ores et déjà près de 3 000 établissements de crédit, presque 2 millions de salariés, un actif global de près de 9 000 milliards d'euros. Quelles sont les conditions de stabilité d'un tel édifice ?

Ce projet apporte des réponses aux questions que nous nous posons après la crise financière mondiale de l'an dernier : le marché est-il capable d'assurer seul sa sécurité ? Devons-nous nous fier à son autorégulation ? S'il faut maintenir une certaine intervention publique, faut-il pour autant continuer à socialiser systématiquement les pertes des établissements ? Quels doivent-être les missions et les devoirs de ces établissements à l'égard de leurs clients, actionnaires ou sociétaires ? Toutes les banques doivent-elles avoir pour seul horizon la création de valeurs pour les actionnaires sur le mode anglo-saxon ?

Ces questions, communes à l'ensemble du secteur bancaire européen, trouvent dans le projet les réponses que nous pouvions espérer, pour au moins trois raisons : grâce au statut coopératif ce projet préserve les missions d'intérêt général des caisses d'épargne ; il permet de renforcer la compétitivité de notre marché financier, grâce à la création d'un véritable marché des obligations foncières ; surtout, il apporte l'appui essentiel au renforcement de la sécurité financière des banques et des assurances, avec la création des fonds de garantie et l'intensification du dialogue et de la coopération entre régulateurs.

Il s'agit d'une sorte de loi cadre pour la consolidation en cours de notre secteur bancaire, une loi adaptée à un système bancaire durablement sorti de l'économie administrée pour entrer dans un nouvel espace de règles du jeu bancaire et financier, dont nous refusons que les acteurs privés décident seuls.

L'intervention publique consiste dorénavant à définir les règles les plus compatibles avec la sécurité financière, la protection des déposants, la préservation de la multiplicité des modèles bancaires européens. Il est essentiel qu'en adoptant des règles communes, les différents acteurs du secteur puissent nouer des partenariats bancaires dont la zone euro et l'économie française ont besoin, notamment pour diffuser encore plus largement le capital risque de proximité et pour solvabiliser des demandes sociales de financement, qui ne trouveraient pas de soutien du côté des banques privées. Cette loi est le moyen de jeter des ponts entre le secteur mutualiste, le secteur concurrentiel AFB et un secteur financier public, dont la vocation n'est pas la marginalisation, mais au contraire la recherche d'interventions mixtes pour le développement. Plus les règles du jeu seront communes, plus les acteurs bancaires auront le souci du bien commun. Ces règles communes n'interdisent pas la diversité des missions et des identités particulières, elles les rendent plus légitimes et moins contestables.

L'expérience anglaise montre que les marchés ne peuvent pas digérer facilement les réserves des banques coopératives. Ainsi en France, le marché ne pourrait absorber les 100 milliards de réserves des mutualistes, sauf à provoquer un krach boursier que les banques cotées ne souhaitent sans doute pas au regard de leur valorisation boursière actuelle...

Deux formes d'organisation bancaire semblent se dessiner en Europe : d'un côté, les établissements bancaires recherchant un niveau de capitalisation boursière de plus en plus important ; de l'autre, les établissements coopératifs non "opéables", auxquels on confie parfois des services d'intérêt général, qu'ils partagent souvent avec des établissements bancaires à statut public, comme la Caisse des dépôts en France.

Les partisans de la démutualisation critiquent le statut des banques coopératives, au motif qu'elles n'auraient pas à subir la pression des marchés. En réalité, la pression des banques cotées vient de ce qu'elles peuvent financer leur expansion par appel aux marchés, ce que les banques mutualistes et coopératives ne peuvent pas faire et il n'y a pas de place pour tous sur les marchés.

Le statut coopératif permet de lever les derniers obstacles juridiques au développement des caisses d'épargne pour lesquelles la rentabilité des fonds propres doit être non pas une finalité mais un moyen pour assurer de façon harmonieuse le financement des missions d'intérêt général et la rémunération du sociétariat. L'objectif de rentabilité doit respecter les contraintes macro-économiques : je ne crois pas que l'on puisse exiger des caisses d'épargne ni des banques en général, des rendements sur fonds propres trop nettement supérieurs aux taux des obligations d'Etat ; il serait souhaitable que les acteurs bancaires réfléchissent aux conséquences de la fixation de taux de rentabilité de l'ordre de 15 %. Pour les caisses d'épargne qui doivent à la fois garantir l'emploi des salariés, un taux d'environ 7 % me semblerait à moyen terme raisonnable. Est-il indécent que le rendement fourni aux sociétaires soit proche du rendement sans risque, à savoir le taux des OAT, dans la mesure où les mutualistes n'encourent pas le risque d'une OPA ? Cessons donc d'opposer vainement rentabilité et efficacité sociale !

Le deuxième intérêt du projet est d'apporter un élément de stabilité à l'ensemble des établissements de crédit, avec la création d'un marché hypothécaire plus compétitif, mais surtout beaucoup plus sûr. Cela permettra d'abaisser le coût de refinancement des banques françaises détentrices d'actifs longs et faiblement risqués tout en opposant aux investisseurs européens des actifs français liquides et sécurisés. L'enjeu est d'assurer la pérennité du marché obligataire de dette privée français. Les banques hypothécaires allemandes ont manifesté une certaine inquiétude, mais il me semble que c'est ainsi que nous pourrons homogénéiser le marché hypothécaire européen. Les banques françaises ne disposaient pas, jusqu'à présent, d'un cadre légal leur permettant d'abaisser le coût de leur financement ce qui nuit à leur capacité concurrentielle auprès des collectivités locales françaises et européennes, voire, à terme, à leur position dans le financement du logement. Les banques allemandes détiennent déjà 7 % du marché du secteur public territorial français tandis que les banques françaises sont quasiment absentes du marché allemand. Beaucoup de nos banques sont désavantagées tant vis-à-vis de leurs clients emprunteurs que de leurs clients investisseurs ; c'est le cas de l'ensemble des établissements porteurs d'actifs longs et notamment pour le Crédit foncier de France, les grands réseaux mutualistes, dont les caisses d'épargne et le Crédit mutuel.

Les sociétés de crédit foncier vont se voir confier la gestion des obligations foncières dans des conditions de sécurité et de compétitivité inégalées par le passé. Il faudra renforcer leur stabilité, en leur permettant de se protéger contre le risque de remboursement anticipé.

J'insisterai, pour finir, sur l'importance du volet consacré à la sécurité financière. Quel aurait été, en effet, l'intérêt de réformer les caisses d'épargne et le marché des obligations foncières si l'on ne s'était pas en même temps préoccupé des règles du jeu ? Le renforcement de la supervision des banques et des assurances ainsi que de la prévention des crises bancaires est essentiel pour la compétitivité des banques françaises, la protection des déposants et le respect des contribuables. On peut d'ailleurs regretter qu'il ait fallu attendre si longtemps pour que la France se dote d'un fonds de garantie commun à l'ensemble des établissements de crédit, permettant la définition d'une éthique commune.

Aux Etats-Unis, la création du FDIC a été l'occasion de renforcer considérablement les moyens de prévention des crises et d'améliorer la solidité des banques. En tant qu'institution publique, cet organisme s'est doté de véritables moyens de supervision des banques, pour vérifier que les moyens dont il dispose pour rembourser les déposants sont bien en rapport avec la santé de ses cotisants. En France, puisque nous avons choisi de faire des fonds de garantie une émanation des banques et des assurances, un dialogue permanent sera nécessaire entre eux et les autorités de contrôle. J'ai le sentiment que la prochaine étape sera la création d'un fonds de garantie bancaire européen ou, à tout le moins, d'une charte européenne des fonds de garantie.

La création d'un collège des régulateurs est, à la lumière des réflexions en cours d'instances internationales comme la Banque des règlements internationaux, une innovation à saluer. Ce n'est pas un simple gadget ; l'enjeu est l'élimination des "angles morts" de la surveillance, qui concernent tout particulièrement les conglomérats financiers. Il est en effet quasiment impossible de connaître le montant exact des fonds propres d'une filiale bancaire d'un conglomérat ou l'effet de levier qu'il crée -d'où la crise de LTCM. Ce collège aura certainement à appliquer les recommandations récentes du comité de Bâle sur les conglomérats financiers.

Ce texte constitue une avancée significative pour la consolidation du système bancaire français. L'exercice n'était pas facile . En réformant en même temps les structures bancaires et les règles de la supervision, ce projet assure un équilibre entre justice sociale, logique industrielle et recherche du bien commun (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Christian Cabal - Mac Do, Disneyworld sont des mots qui évoquent un type de société bien caractéristique, dont on ne sait si la greffe en France sera temporaire ou définitive. En revanche, l'institution des caisses d'épargne est une marque pérenne du comportement des Français en matière d'argent. Son évolution, d'abord extrêmement prudente, s'est accélérée avec la loi de 1983, et surtout avec celle de 1991.

La nouvelle étape qu'on nous propose est peut-être la dernière. On peut regretter que, après les multiples débats qui ont animé le réseau ces trois dernières années, on aboutisse à un texte qui donne un tel sentiment d'inachevé et suscite de telles oppositions, dans une atmosphère qu'on peut qualifier de délétère.

Alors que les deux réformes antérieures avaient été réalisées dans un esprit très constructif, celle-ci, qui aurait dû être un aboutissement consensuel, est marquée par la tension et la contestation. Que se passe-t-il ? Est-ce une réforme de trop ? Le réseau est-il devenu réfractaire au changement après des années de bouleversements ? Ou s'agit-il simplement d'un problème de pédagogie et de méthode ?

La réforme était incontestablement nécessaire. En 1991 déjà la question du statut était restée sans réponse, celle de la propriété des fonds propres n'avait pas été posée. J'avais souligné qu'on esquivait les solutions proposées de façon peu élégante. Cette stratégie a rendu impossible le développement externe du réseau, suscite des convoitises et des poussées de prurit confiscatoire. On l'a vu avec le prélèvement exceptionnel de cinq milliards en loi de finances pour 1999.

Pour autant, le statut coopératif est la solution la moins inadaptée. Mais pourquoi y introduire des spécificités qui seront source de désagréments et nécessiteront des correctifs ? Cette spécificité pouvait s'exprimer autrement qu'en restant en marge du droit commun.

Alors, est-ce la restructuration constante subie depuis neuf ans qui rend le réseau réfractaire au changement ? Je ne le pense pas. Les caisses et leurs personnels ont su s'adapter avec beaucoup d'efficacité et passer d'un ensemble de 480 établissements jalousement indépendants distribuant exclusivement un produit d'Etat à un groupe organisé en réseau d'une trentaine de banques de plein exercice offrant presque toute la palette de produits bancaires. La constitution de la caisse centrale en 1995 a marqué l'aboutissement de ces réformes. Dès lors passer au statut coopératif serait chose aisée.

Le personnel et, semble-t-il, les déposants ont admis la logique du sociétariat coopératif. Nous aurions ainsi un système de banques sociétés anonymes avec des clients éventuellement actionnaires et des réseaux mutualistes avec des clients sociétaires.

Dès lors, pourquoi ce trouble, pourquoi les mouvements sociaux ? C'est pour partie en raison de la méthode et de choix discutables, et aussi d'un certain non-dit.

Dès l'application de la loi de 1991, le réseau s'est engagé dans l'élaboration de projets, peut-être trop corporatifs. Le Gouvernement en a fait table rase au profit du modèle proposé par le rapport Douyère. Je connais assez Raymond Douyère puisque nous nous retrouvons au chevet des caisses d'épargne depuis des années avec la même volonté. Mais son rapport, critiqué pour manque d'indépendance vis-à-vis de Bercy, a permis aux opposants d'affûter leurs arguments. Mieux eût valu recourir à un comité de sages purement technique.

Surtout, je suis choqué que la discussion parlementaire soit aussi brève, peu contradictoire et que l'urgence soit déclarée. En commission ce travail contradictoire n'a pas eu lieu et l'on a botté en touche. Chaque groupe a discuté séparément. Des organisations ont été reçues par le seul rapporteur ; on a dit qu'elles étaient auditionnées par la commission. Une démarche différente aurait permis d'aboutir à une attitude plus cohérente de la commission sans s'en tenir à notre décision traditionnelle entre majorité -relative- et opposition.

Les orateurs de mon groupe reviendront en détail sur le projet. J'espère qu'il sera sérieusement amendé et qu'on tiendra compte d'objections formulées sans esprit polémique.

En l'état le groupe RPR émet de sérieuses réserves et est très déçu par un projet qui aurait dû être l'aboutissement de vingt ans de réformes et donner aux caisses d'épargne un statut satisfaisant et équilibré, un statut coopératif de plein exercice apportant au personnel non des apaisements corporatifs mais des espérances à la hauteur de leurs ambitions pour cette maison qu'ils ont bâtie.

Enfin je rends hommage à René Barberye et je souhaite bonne chance à Charles Milhaud, pour l'avenir des caisses (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean Vila - Ce projet a pour ambition de favoriser la modernisation de notre secteur financier pour la croissance et l'emploi, de renforcer la protection des épargnants et de lutter contre l'insécurité financière.

Nous partageons largement ces objectifs, mais nous nous interrogeons sur la possibilité de les atteindre par les mesures proposées.

Ne vont-elles pas au contraire aggraver l'insécurité en plongeant les caisses d'épargne dans une concurrence coupe-gorge incitant à la seule rentabilité financière ?

Une réforme des caisses d'épargne, en partenariat avec la Caisse des dépôts est indispensable. Mais elle doit contribuer à une réforme d'ensemble du système bancaire et financier visant à favoriser un financement nouveau de l'emploi, de la formation, des investissements efficaces, au lieu d'accentuer, les fragilités de ce système si gravement accrues par les privatisations.

La spécificité de l'Ecureuil c'est son statut mais aussi son but social et donc ses critères de gestion. Mettre en cause son but non lucratif reviendrait de fait à mettre en cause, ses missions d'intérêt général.

Comment construire le partenariat avec la Caisse des dépôts ? Un pôle orienté vers le soutien au marché financier irait à l'échec. Or des protocoles de partenariat allant dans ce sens sont actuellement négociés dans le secret pour préparer une filialisation d'importantes activités de la Caisse des dépôts, en anticipant sur l'adoption de projet sans même que la représentation nationale et les salariés concernés n'aient pu en discuter.

Nous proposons que le réseau des caisses d'épargne et la CDC constituent un pôle public et social impulsant des coopérations bancaires pour un crédit favorable à l'emploi et à la formation.

Loin de se replier sur lui-même, il préserverait les missions d'intérêt général, faisant reculer la domination des marchés financiers en entraînant les institutions financières y compris privées dans une nouvelle grande union d'intérêt commun du crédit : le financement de l'emploi et de la formation.

Sur le terrain, il animerait de véritables conférences financières régionales sur des projets novateurs, ce qui pourrait conduire la Banque de France et la banque centrale européenne à refinancer ces crédits sélectifs.

Les caisses d'épargne assumeraient ainsi pleinement leur vocation non lucrative. Dans le pays, ce pôle public aiderait à passer de la logique de guichet à une logique de projet comme y invite la loi sur l'aménagement du territoire que notre groupe a contribué à améliorer.

Cette logique de projet nécessite que les institutions financières adoptent un comportement nouveau. Elles ne peuvent le faire qu'en s'émancipant du marché financier, de la rentabilité, et grâce à de nouveaux progrès de la démocratie.

Le statut et l'architecture du réseau doivent servir ce projet. Nous proposons donc de renforcer les pouvoirs de la Fédération et des groupements locaux d'épargne qui doivent contribuer à l'élaboration de la stratégie des caisses et du réseau. Nous refusons l'idée qu'à partir de la caisse nationale pilote d'un réseau très centralisé on impose à toutes les caisses une logique de rentabilité financière.

Les caisses d'épargne appartiennent à la nation. Si 18 milliards doivent être levés en contrepartie de la cession de parts sociales, c'est pour servir l'intérêt général. Le fonds de capitalisation ne doit pas, sous couvert de garantie des retraites, alimenter les marchés financiers, mais bien plutôt jouer un rôle dynamique dans le financement de projets créateurs d'emploi. Il faut des relations de coopération avec les acteurs du logement, mais elles ne sauraient s'inscrire dans une logique purement financière, comme cela risque d'advenir si le Crédit foncier est cédé au privé. Les organisations syndicales du Crédit foncier ont bien montré l'intérêt collectif de la constitution d'un pôle public finançant le logement social, mais aussi de l'accession à la propriété.

Le livret A que met en cause l'association française des banques doit être pérennisé. Il sert une épargne populaire qui mérite d'être protégée : 50 % des livrets ont un encours inférieur à 1 000 F ; mais c'est aussi une collecte de quelque 710 milliards qui peuvent être mobilisés plus efficacement, pour le logement social mais aussi pour d'autres financements d'intérêt général.

Nous contestons le dogme selon lequel les marchés financiers assureraient un financement optimum de l'économie. Si l'argent placé sur ces marchés finit bien par s'investir quelque part, c'est au prix de transferts massifs de richesses et d'une pression sans précédent sur les salaires et sur l'emploi stable et qualifié. Une vraie compétitivité, pour une croissance durable, vaudrait au contraire qu'on développe les qualifications et les dépenses pour les hommes, en assurant à tous emploi et formation. Pénaliser des placements financiers prédateurs dégagerait des moyens pour baisser les taux consentis aux organismes HLM ou aux collectivités locales, prenant appui sur l'épargne collectée par le livret A. S'attaquer à la rente est indispensable, mais il faut offrir une alternative aux marchés financiers : la réussite de la politique nouvelle, en particulier sur l'emploi, est à ce prix, tout comme une vraie sécurité financière.

Les dispositions du texte qui visent à prévenir les défaillances d'établissements financiers ou à instituer des fonds de garantie sont significatives et témoignent qu'on prend au sérieux le risque de nouvelles turbulences financières. La collectivité ne doit plus socialiser les pertes de politiques financières aventureuses, alors qu'une minorité continue de s'enrichir de la spéculation. Mais comment ne pas voir les limites de tels dispositifs de régulation si, comme le craint l'économiste Patrick Arthus, un accident financier majeur survenait par exemple à Wall Street ? Il ne faut pas seulement renforcer les règles prudentielles mais réformer en profondeur le système, démocratiser les institutions financières internationales et reconstruire sur des bases nouvelles le système monétaire mondial.

Mais, pour financer en priorité l'emploi et la formation, développer les politiques publiques du logement ou de l'aménagement du territoire, il faut pouvoir s'appuyer sur un système financier mixte, à la fois public, privé et mutualiste, donc sur un pôle financier public rénové et largement démocratisé. La présente réforme des caisses pourrait donc offrir l'occasion de poser un acte fondateur majeur.

Nous en sommes malheureusement très loin. Si le projet veut renforcer la sécurité financière, il inscrit paradoxalement cette démarche dans le développement de la Bourse. Il veut renforcer les missions d'intérêt général des caisses d'épargne, mais avance des propositions qui ne pourront que les fragiliser quand il faudrait au contraire les renforcer en développant leur but non lucratif. Nous ne pouvons donc qu'exprimer nos réserves sur ce projet. Nous défendrons des propositions concrètes pour rendre les caisses d'épargne capables de mieux se mobiliser pour l'emploi et l'intérêt général, qu'elles ont si bien servi au fil des décennies. Nous attendons donc une modification réellement significative du texte. Nous déterminerons notre vote en conséquence (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Cochet remplace M. Paecht au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE DE M. Yves COCHET

vice-président

M. Jean-Jacques Jegou - Ce projet était très attendu. Il s'agit en fait de deux projets, répondant à deux exigences d'égale importance : réformer les caisses d'épargne pour assurer la pérennité de leur mission et les adapter à un marché ouvert ; renforcer la sécurité financière de notre secteur bancaire et financier.

Sur le premier point, plusieurs moutures de ce texte ont été concoctées avant celle-ci. Notre collègue Douyère a beaucoup consulté. C'est que l'affaire n'est pas mince. Ce sont quelque 40 000 salariés enracinés dans le tissu local qui doivent s'intégrer dans le nouveau paysage bancaire français et européen. La réforme doit permettre de rattraper le retard de rentabilité par rapport aux autres réseaux de même statut et d'affronter la concurrence accrue par la mise en place de l'euro.

A cet égard, c'est une réforme nécessaire. Mais combien il est regrettable de ne pas avoir choisi la voie la plus simple ! Votre projet risque, à l'inverse, de créer un organisme hybride.

Le statut actuel des caisses d'épargne est tout à fait spécifique et leur donne un rôle de banques de détail, protégées de la concurrence. Vous nous proposez de les transformer en banque coopérative : le groupe UDF n'a rien à y redire. Mais dès l'article 1er nous apparaît une contradiction. La caisse d'épargne, qui entre dans le système bancaire coopératif, est chargée de missions d'intérêt général. Cela n'a rien de contestable. Mais aller jusqu'à la charger de la lutte contre les exclusions et de la mise en oeuvre du principe de solidarité dépasse largement le statut coopératif ! Nous sommes d'accord sur ce statut mais ne partons pas sur une fausse piste : les caisses d'épargne ne doivent pas se transformer en "banques du coeur". Certes, les fonds du livret A, collectés en partie par l'Ecureuil, contribuent au financement du logement social : c'est bien là une mission d'intérêt général, que nous ne remettons pas en cause. Mais n'allez pas trop loin pour satisfaire vos alliés de gauche, dont nous venons d'entendre les menaces ; n'hypothéquons pas l'avenir des caisses d'épargne en usant de mots trop lourds de sens.

Le problème fondamental de cette réforme est la façon dont les caisses d'épargne vont passer au statut coopératif. Or vous avez mis en place un système qui n'était nullement indispensable : les caisses d'épargne auraient pu vendre elles-mêmes leurs parts sociales. On voit bien pourquoi vous ne l'avez pas voulu : la confiance ne règne pas... Mais en outre votre système est une usine à gaz. Je parle bien sûr des fameux GLE, dont le seul signe est déjà indigeste... Ces groupements, sortes d'excroissances des caisses régionales, n'ont pas d'existence réelle : ils sont chargés, après avoir acheté le capital des caisses d'épargne au moyen d'un prêt sans intérêt consenti par ces caisses, de le vendre sous forme de parts de GLE, lesquelles ne sont pas des parts de caisses d'épargne. Les GLE sont les seuls sociétaires des caisses régionales, ce qui est tout à fait contraire au droit coopératif, puisqu'ils n'ont pas vocation à recourir aux services des caisses. De plus, ils détiendront 100 % des parts au lieu de 49 %, comme le voudrait le droit coopératif. Vous faites donc entrer les caisses d'épargne dans le statut coopératif en commençant par détourner la loi de 1947, ce qui me semble inconcevable.

D'autre part, un GLE ne vendant pas de part caisse d'épargne proprement dit, ne pourra délivrer au public l'information prévue par la réglementation bancaire : rattachement à un bilan financier, activité, etc... Mais le pire réside sans doute dans la répartition des dividendes et les mises en réserve possibles. Elles créeront une inégalité de fait entre coopérateurs, lesquels, bien que clients de la même caisse régionale, ne dépendront pas forcément du même GLE, et ne percevront donc pas la même rémunération. Là encore, quoi qu'ait dit notre rapporteur en commission, les GLE ne pourront pas souscrire des parts de caisses d'épargne du ressort desquelles ils ne dépendent pas : les participations croisées sont exclues. Notre rapporteur prête par ailleurs aux GLE la capacité de développer l'affectio societatis. C'est le contraire qui se produira : développer l'affectio societatis envers un organisme qui n'a pas de réalité relève de l'utopie ! Ce système inutile est en outre complexe, coûteux et rigide ; en fait, ces GLE n'ont que des inconvénients.

Mais puisque vous tenez, Monsieur le ministre, à créer un système intermédiaire entre les caisses d'épargne et les coopérateurs, je proposerai, avec quelques collègues du groupe UDF, un système qui reprend les mêmes principes, sans les inconvénients : les groupements régionaux d'épargne et de prévoyance, ou GREP, dont même le nom est déjà plus digeste, comme le système lui-même. En premier lieu, il n'y aura qu'un GREP par caisse d'épargne régionale, au lieu du minimum de dix GLE imposé par la loi. Ce qui supprime les problèmes d'inégalité entre coopérateurs dans une même région et réduit les coûts de gestion. Ces GREP, comme les GLE, détiendront les parts caisses d'épargne, grâce à un prêt sans intérêt. Mais la différence fondamentale avec votre système est qu'ils vendront des parts de caisse d'épargne, et non des parts de GLE. Autrement dit, ils vendront une réalité, rattachée à un bilan.

Nous y reviendrons lors de l'examen des articles.

En fait, soyons sincères : le seul avantage de votre mécanisme est de faire remonter le plus d'argent possible, le plus vite possible, au fonds de réserve. Mais puisque dans ce texte, il s'agit d'intérêt général, n'oublions pas l'intérêt des caisses d'épargne.

Un autre inconvénient majeur de cette réforme concerne la cadence et la quantité des fonds reversés au fonds de mutualisation. En effet, l'article 24 détermine un versement du huitième ou de ce qui a été souscrit tous les six mois jusqu'à la fin de la réforme. Il s'agit donc d'un versement aveugle, qui ne correspondra pas forcément à la réalité des parts vendues, ce qui risque d'amputer les caisses d'épargne de leurs fonds propres. C'est pourquoi je vous proposerai de permettre, dès le septième versement, une réflexion sur les ventes déjà réalisées et sur les versements au fonds.

L'équivoque doit être levée sur la capacité réelle des caisses d'épargne à vendre les 18,8 milliards qu'a fixés l'Etat. Ce chiffre n'est pas en soi contestable. Mais si seulement 13,5 milliards sont cédés, qu'en sera-t-il du reste ? Je vous pose la question, Monsieur le ministre : si tout ce montage a pour but de prendre 3 ou 5 milliards de plus à la caisse d'épargne, il vaut mieux nous le dire maintenant. Si c'est cela, pourquoi vous donner tant de mal ? Parlons-en.

Les articles 16 et 17 concernent un sujet délicat, sur lequel je ne crois pas judicieux de faire de la surenchère. Nous nous rapprochons du droit commun, tout en sécurisant le personnel existant ; il n'y a guère plus à en dire.

Un autre point me paraît sensible, et je souhaite que vous le précisiez : c'est l'ouverture du capital aux investisseurs institutionnels, et particulièrement à nos partenaires caisses d'épargne européens.

Alors que l'Europe se réalise, il semble essentiel à l'Européen convaincu que je suis de faciliter ces partenariats.

Plus anecdotique, l'agrément du ministre de l'économie et des finances pour la nomination du président du directoire n'est pas sans importance. Mais si cet agrément est tout à fait normal pendant que la réforme se met en place, je ne vois aucune raison pour que ce mécanisme perdure. Lorsqu'on observe la situation des autres banques coopératives, on constate que le ministère n'utilise pas réellement la possibilité qui lui est ainsi donnée. Il me semblerait donc normal de la supprimer pour la Caisse nationale des caisses d'épargne, voire pour les autres banques coopératives.

Quant au délai de la réforme ... quatre petites années pour laisser aux caisses d'épargne le temps de vendre leurs parts sociales semble un peu court et il serait préférable pour les caisses d'épargne comme pour les quantités reversées au fonds de mutualisation, de leur donner une année supplémentaire. J'ai déposé un amendement en ce sens.

En conclusion, la réforme des caisses d'épargne va dans le bon sens, en faisant enfin entrer cette banque dans le droit coopératif commun, ce qui lui permettra d'être sur un pied d'égalité avec les banques de même statut et la rendra plus compétitive. Mais le moins que l'on puisse dire est que de nombreuses améliorations sont nécessaires pour que ce texte soit acceptable. Le groupe UDF fait des propositions concrètes, qui comme vous le souhaitiez, Monsieur le ministre, ne changent pas l'économie du projet. J'espère que ces propositions retiendront davantage l'attention de votre majorité et de notre assemblée que cela n'a été le cas en commission.

La seconde partie du projet concerne la sécurité de l'épargne, et donc tous les établissements bancaires et tous les épargnants. Pour développer la confiance envers le système financier français, nous devons limiter les risques encourus. Les mécanismes de contrôle et de solidarité prévus dans le texte me paraissent éminemment nécessaires, car aucune régulation n'existait jusqu'à maintenant. Il en va de la confiance des investisseurs et des épargnants et surtout du développement de notre place financière.

Le texte propose de coordonner les autorités de contrôle existantes, afin de faciliter l'échange d'informations et la surveillance des établissements financiers. Il propose aussi de coordonner les actions en cas de besoin. La création de ce collège est donc particulièrement utile.

L'autre volet concerne la Commission bancaire, à laquelle le texte confère des droits substantiels, qui sont nécessaires, l'expérience l'a montré.

Quelques améliorations pourraient cependant être apportées. Ainsi, puisque le principe d'un agrément restreint est retenu, peut-être fraudrait-il prévoir l'information systématique des établissements entre eux.

Ce projet contient également une mesure importante, qui n'est d'ailleurs pas passée inaperçue en son article 37. Pour le moment, en effet, seules les banques membres de l'AFB déterminent librement la rémunération servie aux actionnaires ; la rémunération des parts sociales est plafonnée.

Le projet de loi propose de déplafonner les intérêts servis aux coopérateurs et assortit le dispositif de diverses précautions. Cette mesure va dans le bon sens et je n'approuve pas le vote de suppression de la commission des finances. J'espère, Monsieur le ministre, que vous argumenterez utilement en faveur d'un article il est vrai mal rédigé.

J'en viens au coeur du texte : la création du fonds de garantie, qui constituera, un véritable atout pour la place de Paris laquelle doit tout faire pour attirer les capitaux.

Par ailleurs, comme les fusions et les partenariats entre banques coopératives ou mutualistes et banques membres de l'AFB sont de plus en plus fréquents, il ne paraît pas normal de conserver deux systèmes juxtaposés. Le principe d'un système unique est certainement le bon et va dans le même sens que la proposition de déplafonnement des intérêts servis aux coopérateurs.

Ce fonds de garantie permettra de bénéficier d'un crédit d'impôt à hauteur de 25 %, imputé sur la contribution des institutions financières. Soit. Il y aurait sans doute eu un moyen plus simple ; par exemple, d'alléger directement la contribution des institutions financières, ainsi que je l'ai proposé en commission. A terme il faudra même envisager d'aller au-delà en supprimant cette contribution qui n'a pas d'équivalent dans l'Union européenne et qui constitue, avec la taxe sur les salaires, un handicap indéniable face à la concurrence.

L'intérêt de ce fonds est qu'il pourra prévenir la crise et agir lors d'une crise. Encore faudra-t-il que le mécanisme s'enclenche. Or, trop souvent les autorités de contrôle donnent l'alerte bien trop tard. J'ai donc proposé un amendement créant un droit d'alerte.

Je voudrais faire une digression rapide sur les fonds de pension. Il semble que votre Gouvernement, Monsieur le ministre, n'ait pas encore tranché ce problème épineux parce que votre majorité est plurielle. La création de ce fonds de garantie offre à cet égard de sérieuses assurances et il permettra peut-être une avancée dans votre réflexion sur ce sujet. Vos alliés communistes ont d'ailleurs parfaitement compris la musique.

En conclusion, j'aborderai brièvement la question des sociétés de crédit foncier. Là encore, le projet va dans le bon sens, tout au moins dans la volonté affichée qui est d'ouvrir le marché des obligations foncières. Mais une fois de plus, les propositions du texte ne sont pas à la hauteur des ambitions et j'espère que nous aurons l'occasion d'apporter quelques améliorations nécessaires au cours de la discussion.

Le paysage français s'éclaircit peu à peu, trop lentement peut-être au regard de l'évolution rapide du monde qui nous entoure. Je sais cependant qu'au sein de votre majorité, des forces conservatrices contrarient vos efforts, ce qui tend à expliquer ce texte prudent et tout de même insuffisant, surtout en ce qui concerne la transformation des caisses d'épargne. Nous voulons sincèrement que cette réforme réussisse. Pour ce faire, ce texte doit éviter toute dérive idéologique contraire à la pérennité des caisses d'épargne qui, vous le savez, restent fragiles.

Je compte sur votre bon sens pour tenir compte des propositions concrètes et positives du groupe UDF. Merci, Monsieur le ministre, de nous aider à vous aider.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu, ce soir, à 21 heures 15.

La séance est levée à 19 heures 40.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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