Accueil > Archives de la XIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (1998-1999)

Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 71ème jour de séance, 182ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 10 MARS 1999

PRÉSIDENCE DE M. Laurent FABIUS

          SOMMAIRE :

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 1

    LUTTE CONTRE L'EXCLUSION 1

    RECONNAISSANCE DU GÉNOCIDE ARMÉNIEN 2

    RECOURS ABUSIF AUX CONTRATS À DURÉE DÉTERMINÉE 2

    MODE DE SCRUTIN 3

    RÉGIONALISATION DU SYSTÈME DE SANTÉ 4

    TAXES SUR LE DROIT DE BAIL 4

    POLITIQUE FAMILIALE 5

    TROISIÈME CONCOURS DE L'ENS 5

    COUR PÉNALE INTERNATIONALE 5

    POLITIQUE DE LA VILLE 6

    PARENTS EN DIFFICULTÉ 6

    PERSONNES SOURDES 7

ÉGALITÉ FEMMES HOMMES (troisième lecture) 7

ÉPARGNE (suite) 17

La séance est ouverte à quinze heures.


Top Of Page

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

LUTTE CONTRE L'EXCLUSION

M. Jean Pontier - Pour faire suite au décret pris le 18 février en application de la loi relative à la lutte contre l'exclusion, le ministère de l'emploi et de la solidarité a présenté un projet de circulaire qui traite de l'insertion par l'activité économique. Ce texte compte 60 pages, truffées de renvois au code du travail et d'innombrables sigles. Toutes les associations intermédiaires, tous les organismes concernés devront se mobiliser pour le déchiffrer mais, en l'état actuel de sa rédaction, il ne règle pas le cas de nombreuses structures d'insertion à but non lucratif dits "mixtes". Leur statut est renvoyé à un prochain décret. C'est peu dire que les associations qui les gèrent s'interrogent : quand ce nouveau décret sera-t-il pris ? Que faut-il en attendre ? Madame la ministre, pouvez-vous esquisser quelques pistes pour calmer les inquiétudes des associations qui s'inquiètent d'un éventuel alourdissement des procédures, et qui ne sont pas totalement rassurées sur le sort que le fisc leur réserve ? Quant à la procédure d'agrément par l'ANPE, prévue par ce texte, elle est inapplicable, de l'aveu même des administrations concernées. Dans ces conditions, ne serait-il pas préférable de modifier les termes de cette circulaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe UDF)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Monsieur le Président, que je suis heureuse de saluer (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe RCV), Monsieur le député, soyez rassuré : le statut des structures d'insertion par l'activité économique est au coeur de la loi relative à la lutte contre l'exclusion, qui a veillé à améliorer leur statut, et leurs moyens. Amélioration considérable, puisque leurs moyens ont été doublés ; que l'exonération des charges sociales qui pèsent sur elles a été portée de 50 à 100 % ; que tous les dossiers sont regroupés au sein d'un seul ministère ; que les subventions leur seront désormais versées pour moitié en janvier et pour moitié en juin. Reconnaissant les progrès décisifs accomplis, le Conseil national d'insertion par l'activité économique a d'ailleurs donné un avis très positif sur le projet de circulaire.

Un seul point n'est pas réglé, car il est délicat. Il s'agit des structures qualifiées de "mixtes" qui, tout à la fois, commercialisent des biens et des services et se livrent à des activités présentant un caractère d'utilité sociale. Elles sont très peu nombreuses et, soyez-en assuré, le décret les concernant n'aura rien de révolutionnaire.

Puisque le dispositif mis en place, largement subventionné par l'Etat, doit bénéficier aux plus démunis, à ceux qui en ont le besoin le plus urgent, il est légitime que l'ANPE puisse contrôler qu'il en va bien ainsi. Le Conseil national a approuvé cette disposition de la circulaire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

RECONNAISSANCE DU GÉNOCIDE ARMÉNIEN

Mme Janine Jambu - Le 29 mai 1998, l'Assemblée a adopté à l'unanimité une proposition de loi par laquelle la France, après 83 ans d'un silence hypocrite, reconnaissait le génocide perpétré, de 1915 à 1922, par le gouvernement Jeune Turc à l'ensemble de la population arménienne (Exclamations sur les bancs du groupe DL). Elle prenait, ce faisant, une décision qui l'honorait, ainsi que notre pays.

Mais pour que cette proposition devienne une loi de la République, elle doit être débattue et votée par le Sénat et, le 29 mai 1998, le représentant du Gouvernement avait pris l'engagement que cette question serait inscrite sans tarder à l'ordre du jour du Sénat. Neuf mois plus tard, cela n'a toujours pas été fait. C'est pourquoi je vous demande, Monsieur le Premier ministre, comme l'a déjà fait mon collègue Guy Hermier, de saisir sans délai le Sénat de ce texte. A quelques jours de l'anniversaire de ce génocide, c'est ce qu'attendent la communauté arménienne et les forces de progrès de notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement - Ainsi que vous l'avez indiqué, l'Assemblée a reconnu, sur la base d'une initiative parlementaire, et par un vote unanime, le génocide dont a été victime la population arménienne en 1915 et le Gouvernement a fait savoir, lors de la discussion de ce texte, combien il est sensible au souvenir des déportations et des massacres commis à cette époque par l'Empire ottoman.

Le 29 mai 1998, le Gouvernement a pris acte de l'intention politique que manifestait l'Assemblée, et il a indiqué qu'il laisserait la procédure parlementaire se poursuivre. Dans le même temps, la France vise à contribuer à l'effort de réconciliation des peuples de cette région, et elle veut donner toutes ses chances à la paix (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Aussi le Gouvernement n'a-t-il pas inscrit cette question à l'ordre du jour prioritaire du Sénat, et n'entend-il pas le faire (Nouvelles protestations sur les mêmes bancs). Je l'ai indiqué à la Conférence des présidents du Sénat. Il revient à la Haute Assemblée, si elle le souhaite, de l'inscrire à son ordre du jour complémentaire (Mêmes mouvements), conformément à l'article 48, alinéa 3, de la Constitution, introduit par la loi constitutionnelle du 4 août 1995, la vôtre. Cet alinéa insiste sur la responsabilité particulière des assemblées parlementaires dans la fixation de leur ordre du jour et j'en respecte la teneur (Huées sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF).

RECOURS ABUSIF AUX CONTRATS À DURÉE DÉTERMINÉE

M. Maxime Gremetz - Selon les dernières statistiques connues, près de quatre millions de salariés travaillent à temps partiel. Pour nombre d'entre eux, qui souhaitent travailler davantage, il s'agit d'un temps partiel subi. On constate par ailleurs que le travail intermittent compte pour plus de moitié dans l'accroissement des effectifs salariés constatés au cours des dernières années. Certaines entreprises utilisent en effet les contrats à durée déterminée par centaines et je citerai pour exemples Hutchinson, Allibert ou encore les Trois Suisses... mais il y en a bien d'autres. Cette tendance existe aussi dans la fonction publique. L'Unedic comptabilisant un emploi à temps partiel comme un emploi à plein temps, on voit bien qu'un grand nombre des 400 000 emplois dernièrement créés sont, en fait, des emplois à temps partiel.

Conscient de cette situation, le Gouvernement exigeait de taxer les entreprises dont plus de 10 à 15 % des effectifs sont constitués de salariés en CDD. Je ne peux donc croire les informations parues dans la presse, selon lesquelles vous renonceriez à ce projet. Quelles mesures entendez-vous prendre pour que les CDD et les emplois précaires soient transformés en emplois stables et durables ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Certaines entreprises abusent du travail temporaire et des contrats à durée déterminée. Le recours à ce type de contrats ne devrait avoir lieu que dans les cas prévus par la loi : surcroît temporaire d'activité, remplacements, utilisation d'une nouvelle machine... Il n'est pas acceptable que certaines sociétés y aient recours de manière permanente.

Aujourd'hui 12 % des établissements français utilisent en permanence 20 % de personnel en contrat à durée déterminée ou en travail temporaire. Ceci accroît la précarité et crée des coûts sociaux supportés par la collectivité et les autres entreprises qui financent l'UNEDIC.

J'avais demandé, il y a plus d'un an, aux partenaires sociaux de travailler sur ce sujet. Faute d'avancer, le Gouvernement a décidé le principe d'une contribution qui serait payée par les entreprises abusant de ce type de contrats. Le MEDEF nous a proposé récemment de négocier dans les secteurs concernés les conditions d'un retour à des chiffres plus normaux. Si la négociation s'engage dans des délais brefs et selon des modalités valables, le Gouvernement préfère ce type de procédure au recours à la loi. Mais si nous n'avions pas, dans les semaines qui viennent, des engagements fermes, nous reprendrions notre projet, qui a d'ailleurs déjà donné lieu à une concertation avec les organisations patronale et syndicale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

MODE DE SCRUTIN

M. Pascal Clément - Alors qu'il s'exprimait au cours d'un entretien radiophonique, nous avons eu la surprise d'entendre le premier secrétaire du parti socialiste expliquer que les prochaines élections législatives se dérouleraient au scrutin majoritaire "pour l'essentiel".

Il y aurait donc une certaine dose de proportionnelle. Cela nous rappelle 1985, où nous sommes passés de "l'instillation" d'une dose de proportionnelle annoncée par le président Mitterrand à la proportionnelle intégrale.

Monsieur le Premier ministre, ces propos sont en totale contradiction avec vos propres déclarations. Lors du débat sur la parité hommes-femmes, nous avons interrogé le Gouvernement pour savoir si ce projet n'en cachait pas un autre ; vous nous avez alors assuré que le mode de scrutin majoritaire serait intégralement conservé, ce qui a levé les réticences de nombreux parlementaires, qui ont voté la loi. Si aujourd'hui vous avez changé d'avis, nous vous serions reconnaissants de le dire, ou alors êtes-vous contraint de contredire le premier militant de votre parti ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Monsieur le Président, je salue votre retour au perchoir.

Il semble, Monsieur Clément, que vous soyez un peu défaillant dans l'échange entre formations politiques. Quand le premier secrétaire du parti socialiste s'exprime, vous n'éprouvez pas le besoin de débattre publiquement avec lui, mais c'est le Premier ministre que vous interrogez !

Si par hasard le premier secrétaire du parti socialiste était là -mais je vois qu'il est présent... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; huées et exclamations sur les bancs du groupe DL et du groupe du RPR)

Plusieurs députés RPR - Par pur hasard !

M. le Premier ministre - Voulez-vous que nous comparions les présences dans l'hémicycle du premier secrétaire du parti socialiste et celles, par exemple, du président du RPR ? (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe du RPR)

Je vais donc vous répondre en ma qualité de Premier ministre et non pas au nom d'une formation politique dont je suis l'humble militant (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL), sans qu'elle ne me lie dans mes fonctions.

Le 8 mars, à Matignon, j'ai confirmé ce que j'avais déjà dit au Sénat : pour ma part, je n'établis aucun lien entre l'inscription dans la Constitution de l'égal accès des hommes et des femmes aux fonctions électives et la question des modes de scrutin. L'ensemble des formations politiques sont libres d'exprimer leur point de vue, mais en tant que Premier ministre, je n'ai pas l'intention de proposer au cours de cette législature un projet de réforme du scrutin législatif intégrant la proportionnelle (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Au-delà de ce que l'on peut penser sur le fond, si j'en juge par les élections de 1997, ni le parti socialiste, ni les formations de la majorité, ni moi-même et peut-être pas non plus les Français n'ont lieu de se plaindre du scrutin majoritaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe RCV)

RÉGIONALISATION DU SYSTÈME DE SANTÉ

M. Edouard Landrain - Avant de poser ma question, je ferai remarquer que la réponse de M. Vaillant à propos du génocide arménien manquait pour le moins d'élégance, voire de courage politique... (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

Dans un livre récent, Jean de Kervasdoué, ancien directeur des hôpitaux, plaide pour une régionalisation du système de santé : chaque région recevrait une enveloppe en fonction de ses caractéristiques démographiques et médicales, à charge pour elle d'organiser l'offre de soins avec les professionnels de santé.

M. Jouhannet, directeur de la CNAM, prétend, quant à lui, réduire le déficit de la Sécurité sociale de 50 milliards en sélectionnant les médecins, en rendant le carnet de santé opposable, en revoyant le remboursement des médicaments -bref, une solution à la hache ! Madame la ministre, qu'avez-vous l'intention de lui répondre ? Ne pensez-vous pas que la régionalisation des systèmes de santé serait une meilleure réponse aux difficultés actuelles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Vous avez raison, nous devons aller de plus en plus vers une régionalisation de notre système de soins. C'est ce que nous avons fait, après vous, en ce qui concerne les hôpitaux, en mettant en place les agences régionales d'hospitalisation : aujourd'hui elles ont pratiquement terminé les schémas régionaux d'organisation sanitaire. Il s'agit, comme vous le dites, de partir des besoins de santé de la population, qui peuvent varier selon les régions, et d'examiner les possibilités de circulation pour organiser la réponse hospitalière en fonction de ces données.

Nous commençons à étendre cette réflexion au domaine médico-social -personnes âgées et handicapés- et aussi à la médecine de ville ; d'ailleurs dans la dernière loi de financement de la Sécurité sociale, nous avons renforcé le rôle des unions régionales de médecins pour qu'elles organisent des réseaux entre la médecine de ville et l'hôpital.

Ce type de réforme ne peut progresser que par l'expérience : je me réjouis de voir de nombreux réseaux s'organiser sur le plan régional et je crois que, sur ce sujet, la CNAM et le Gouvernement ne sont pas en désaccord. Cela fait partie des outils structurels qui nous permettront de mieux soigner à moindres frais, ce que nous recherchons tous (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

TAXES SUR LE DROIT DE BAIL

M. Serge Poignant - Monsieur le secrétaire d'Etat au budget, je reviens sur la réponse que vous avez faite hier à M. Le Nay sur la réforme de la contribution représentative du droit de bail et taxe additionnelle prévue par la loi de finances rectificative de 1998.

Vous vous êtes appuyés sur la décision du Conseil constitutionnel en indiquant que les contribuables ne paieront qu'une seule fois en un an. Il n'en demeure pas moins que la même assiette est imposée deux fois. D'ailleurs la loi prévoit un remboursement du trop-payé si la location est interrompue plus de neuf mois et un dégrèvement des personnes morales : c'est reconnaître implicitement qu'il y a double imposition. En vérité, les propriétaires-bailleurs auront bien été imposés sur une double assiette, mais ils ne s'en rendront compte qu'in fine, au moment où ils vendront ou transmettront leur bien.

Nous ne pouvons donc admettre votre réponse et nous demandons à ce que cette disposition de la loi soit revue (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget - Le Gouvernement a entendu simplifier la vie de trois millions de propriétaires-bailleurs en ne leur demandant plus de déclaration particulière.

Je répète ensuite qu'en 1998 les propriétaires auront payé une certaine somme dans l'ancien système, et ils ne paieront qu'une fois en 1999 dans le nouveau. Si la relation de bailleur à preneur devait s'interrompre plus de 9 mois, l'Etat rembourserait l'équivalent du droit de bail correspondant. Enfin, je rappelle que vous avez porté le différend devant le Conseil constitutionnel et que celui-ci n'a rien trouvé à redire à cette simplification fiscale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

POLITIQUE FAMILIALE

M. Pierre Morange - Le conseil d'analyse économique, placé sous votre autorité, Monsieur le Premier ministre, a remis un rapport prônant une politique nataliste pour favoriser l'arrivée plus rapide du premier enfant, ainsi que celle du troisième. Pour cela, il faut concilier l'emploi et la vie de famille et créer un droit de garde pour tout enfant de moins de trois ans. Or qu'avez-vous fait depuis deux ans ? Vous avez réduit l'allocation de garde d'enfant à domicile, baissé la déduction fiscale pour les emplois familiaux, baissé le plafond du quotient familial. Alors, cette fois, allez-vous tenir compte de l'avis de vos experts, ou sera-ce encore un effet d'annonce ?

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Le conseil d'analyse économique est composé d'experts de toutes tendances, travaillant sur des sujets économiques et sociaux, et qui présentent des rapports très intéressants. Si vous aviez lu celui-ci en entier, vous auriez vu qu'il salue la baisse de l'AGED et de la déduction pour emplois familiaux comme des mesures justes. Moi, je lis la totalité d'un rapport avant d'en faire état. Il est vrai que celui-ci propose de réfléchir à l'accueil du troisième enfant, et c'est l'un des sujets qui seront à l'ordre du jour du prochain conseil de la famille, le délégué interministériel y travaille avec l'ensemble des associations familiales. Faut-il modifier l'allocation parentale d'éducation ? Y a-t-il d'autres dispositions plus efficaces ? Le rapport du conseil national sera très utile pour nourrir la réflexion. Toutes les mesures qui avaient été annoncées en juin ont été appliquées et saluées par les associations, j'espère que le travail en cours aura le même écho. Nous voulons une politique qui aide toutes les familles, et d'abord celles qui en ont le plus besoin (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

TROISIÈME CONCOURS DE L'ENS

M. André Berthol - Nous avons décidément l'impression, Monsieur le ministre de l'éducation nationale, que vous nous livrez des vérités approximatives. Le 10 février, comme nous vous interrogions sur la création d'un troisième concours à l'ENS, vous avez dit que c'était seulement un projet -alors qu'il était déjà au JO. La semaine dernière, vous indiquiez à M. Dubernard qu'on pouvait se présenter sans connaître le français et que ce concours ne portait que sur quatre places. Or les couloirs de la rue d'Ulm bruissent de chiffres beaucoup plus élevés -on parle de trente places. Qu'en-est il vraiment ? Et n'y aurait-il que quatre places, est-ce la meilleure façon de défendre notre système éducatif et la langue française à l'étranger ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF)

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie - Vous devriez lire l'article de M. Cohen-Tannoudji, prix Nobel, dans Le Monde de cet après-midi, peut-être seriez-vous convaincu (Protestations sur les bancs du groupe du RPR). Comme je l'ai déjà dit, il y a quatre places dans la filière littéraire -mais il n'y en aura pas cette année, j'ai demandé au directeur de l'Ecole de surseoir d'un an à l'application de la réforme, dont je rappelle qu'elle a été élaborée par l'Ecole elle-même, comme les réformes de Polytechnique, HEC, ou les Mines ont été préparées par ces écoles, sans l'intervention du ministère. Mais si l'examen d'entrée ne portait que sur le français, nous n'aurions que des élèves roumains ! (Protestations sur les bancs du groupe du RPR)

COUR PÉNALE INTERNATIONALE

M. Alain Vidalies - Le Conseil constitutionnel a jugé, le 22 janvier dernier, que le traité sur la Cour pénale internationale était conforme à la Constitution, sauf certaines dispositions concernant la responsabilité pénale du chef de l'Etat, des ministres et des parlementaires, ainsi que les conditions d'exercice de la souveraineté -prescription, amnistie, investigations du procureur de la Cour pénale internationale. Il a conclu qu'il fallait réviser la Constitution avant la ratification du traité. Quelles sont, à cet égard, les intentions du Gouvernement ? Vous savez que de nombreux parlementaires tiennent beaucoup à cette nouvelle institution internationale.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - La création de la Cour pénale internationale représente une avancée remarquable pour la sauvegarde des droits de l'homme. Elle permettra de juger les crimes les plus odieux, génocides, crimes contre l'humanité, crimes de guerre, agressions. Mais pour que cette Cour existe, il faut que le traité ait été ratifié par 60 Etats. Notre pays, qui a participé activement à sa négociation, a le devoir de montrer l'exemple en le ratifiant aussitôt que possible. C'est bien le souhait du Gouvernement. Le projet de loi constitutionnelle est prêt, il a été approuvé ce matin par le conseil des ministres et sera présenté à l'Assemblée début avril, puis au Sénat début mai (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

POLITIQUE DE LA VILLE

Mme Nicole Bricq - La semaine dernière, le Parlement a reçu le rapport prévu par la loi de 1996 sur le bilan de la politique de la ville, concernant en particulier les zones franches et les zones de redynamisation. Il n'est pas proposé de supprimer ces dispositifs, car la présence de l'Etat doit être non seulement maintenue, mais renforcée. Mais il y a eu quelques effets pervers -aubaine, délocalisations-, dus à l'absence de contrôle. Surtout, le rapport relève la faiblesse du nombre d'emplois créés dans les quartiers difficiles et par voie de conséquence le coût du dispositif, de l'ordre de 200 000 F par emploi créé, soit deux fois le coût d'un emploi-jeune. Comment entendez-vous moraliser le système, et renforcer la mixité sociale et la lutte contre le chômage dans ces quartiers ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville - Le Gouvernement a en effet remis au Parlement le rapport demandé par les deux assemblées pour faire le point sur les zones franches urbaines. Nous avons pu constater, notamment à travers le rapport de l'IGAS, que ce dispositif, qui s'appuyait sur un zonage restreint, n'a pas donné les résultats attendus en matière d'emploi. Le Gouvernement a donc décidé de pérenniser ce dispositif, pour respecter la parole de l'Etat, mais aussi de le renforcer et de mettre fin aux entreprises boîtes à lettres, aux délocalisations, et d'imposer aux entreprises bénéficiaires des aides le respect de certaines règles, que viendra préciser une série de circulaires.

Le problème de la création d'emplois et d'activités dans les quartiers difficiles ne se limite d'ailleurs pas à 44 sites. C'est pourquoi le Premier ministre a demandé à deux parlementaires, Mme Robin-Rodrigo et M. Bourguignon, de faire des propositions permettant à tous les élus, dans le cadre des prochains contrats de ville, de prendre des initiatives pour le développement et l'emploi. Au vu de leur rapport nous devrons nous demander comment prolonger le dispositif existant tout en le rendant plus performant (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

PARENTS EN DIFFICULTÉ

M. Damien Alary - La délégation interministérielle à la famille a annoncé hier la création d'un dispositif d'écoute et d'accompagnement parental, doté d'un budget de 163 millions. Le rôle des parents peut être difficile dans une société qui perd ses repères traditionnels, et il peut être nécessaire de les aider. Quels seront l'objet du nouveau dispositif et ses activités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - La délégation a en effet annoncé la mise en place de ce réseau d'écoute et d'accompagnement, annoncée par le Premier ministre lors de la dernière conférence de la famille. La famille est un lieu majeur d'éducation. Il faut donc accompagner les parents en difficulté. Or nous manquons de lieux qui soient à la fois des lieux d'écoute, de rencontre entre parents, d'information par des professionnels capables de les conseiller, mais aussi de rencontre entre parents et enfants. C'est pourquoi nous avons créé un réseau, doté de 163 millions par l'Etat et de 100 millions par les caisses d'allocations familiales. Le dispositif, très souple, pourra être mis en oeuvre dans chaque département par les associations qui déposeront un dossier auprès des DDASS. Il a été préparé avec la CNAF, mais aussi avec les associations familiales qui s'engagent dans cette action.

L'urgence est d'apprendre aux parents à reprendre confiance, pour pouvoir assumer leur mission essentielle. Accompagner ceux qui sont en difficulté, plutôt que les montrer du doigt, telle est la voie que nous avons choisie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

PERSONNES SOURDES

M. Pierre Cohen - Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à la santé. Notre collègue Dominique Gillot a remis un rapport sur les personnes sourdes, qui met en lumière leurs difficultés d'insertion au quotidien, qu'illustrait il y a quelques semaines le dramatique incendie d'un magasin à Toulouse.

A la suite de ce rapport le Gouvernement a souhaité transformer concrètement le vécu de ces personnes, et mis en place un comité de pilotage qui regroupe associations, administrations, personnalités qualifiées et parents d'enfants sourds. Les associations attendent des mesures, avec une impatience qu'a exprimée leur manifestation du 27 février, s'agissant notamment de l'éducation, d'une reconnaissance plus large du langage des signes, d'un accueil adapté dans tous les services publics.

Quels axes de travail privilégiera ce comité de pilotage ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité - Dominique Gillot a en effet effectué, en liaison avec les associations, un travail important et de grande qualité, qui fera date. Il y a aujourd'hui en France trois millions de malentendants et 300 000 sourds profonds. Ce rapport est la plate-forme sur laquelle nous travaillons depuis six mois, et qui a déjà donné lieu à plusieurs décisions. Les associations représentatives ont participé avec Mme Gillot à l'élaboration de cette analyse, ce qui leur a permis de proposer une centaine de mesures concrètes, que nous allons mettre en oeuvre. C'est par exemple la création de centres d'information sur la surdité, une meilleure prise en charge des enfants sourds, une amélioration de l'accueil des personnes sourdes dans les hôpitaux. Je vous rejoins sur l'idée que les services publics, les administrations et les collectivités locales devront se préparer à un accueil correct des malentendants, comme l'ont déjà fait certaines villes. Nous avons mis en place le 8 mars, avec Bernard Kouchner, un comité de pilotage qui permettra d'avancer sur les aspects qui demandent à être encore approfondis. Il aura trois priorités : la compensation de la surdité grâce aux nouvelles technologies, l'éducation et la scolarisation des enfants sourds, l'aide sociale aux personnes sourdes. Ce comité regroupe les administrations concernées, les principales associations, avec Mme Gillot comme expert. L'accueil reçu par cette initiative devrait nous conduire à apporter d'autres réponses complémentaires dans les plus brefs délais (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 15.


Top Of Page

ÉGALITÉ FEMMES HOMMES (troisième lecture)

L'ordre du jour appelle la discussion, en troisième lecture, du projet de loi constitutionnelle relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Le 26 janvier 1999, le Sénat a adopté en première lecture une rédaction du projet de loi constitutionnelle profondément différente de celle que tous les groupes de l'Assemblée avaient votée à l'unanimité en première lecture et à l'unanimité moins deux voix en deuxième lecture.

Le Sénat ne contestait pas que la présence des femmes au sein des institutions politiques était très insuffisante, mais il préférait renvoyer aux partis la mission de favoriser l'égal accès des femmes et des hommes à la vie politique. En outre, le Sénat désirait moduler les règles de financement public des partis en fonction de la proportion de candidates qu'ils présentaient. Il avait donc choisi de modifier le seul article 4 de la Constitution.

En sens inverse, à deux reprises, votre assemblée avait manifesté sa volonté d'écrire à l'article 3 que la loi devait déterminer les conditions dans lesquelles était organisé l'égal accès aux mandats électoraux et aux fonctions électives. Cette position, soutenue par le Gouvernement et le Président de la République, a conduit le Sénat à une évolution significative en deuxième lecture. Aussi a-t-il, le 4 mars, voté par 289 voix contre 8 un texte disposant que "la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives". En outre, il a maintenu son souhait de modifier l'article 4 pour bien souligner que les partis politiques contribuent à la mise en oeuvre du principe énoncé à l'article 3.

Par la modification qu'il apporte à l'article 3, le Sénat revient à la rédaction initiale proposée par le Gouvernement en accord avec le Président de la République. Je sais que le terme favoriser a suscité quelques réserves parmi les femmes les plus engagées en faveur de la parité. Cette rédaction ne donnait-elle pas une liberté d'appréciation excessive au Conseil constitutionnel par rapport aux attentes du législateur ? Mme Tasca s'est exprimée sur ce point.

Le Gouvernement a entendu ces réserves et s'est rallié à la rédaction de votre commission, selon laquelle la loi détermine les conditions dans lesquelles est organisé l'égal accès. A mon avis, les objections opposées à la rédaction initiale ne doivent pas empêcher votre assemblée de donner son accord au texte du Sénat.

Les intentions du Gouvernement sont claires : le législateur doit jouir de la liberté d'appréciation nécessaire pour adopter soit des mesures contraignantes soit des mesures incitatives. La rédaction du Gouvernement, reprise par la Haute Assemblée, permettra maintenant au législateur d'adopter les mesures relatives aux quotas qui ont été censurées en 1982 comme les mesures relatives à la parité qui l'ont été en 1999.

Il est également parfaitement clair que la nouvelle règle de fond qui sera inscrite dans la Constitution devra se combiner avec l'ensemble des autres règles et principes de valeur constitutionnelle. Les mesures que le législateur prendra pour mettre en oeuvre l'objectif de parité devront être compatibles, par exemple, avec l'exigence du pluralisme des courants d'idées et d'opinions qui constitue le fondement de la démocratie, comme l'a indiqué le Conseil constitutionnel dans sa décision du 11 janvier 1990.

Dès lors, rien ne s'oppose, selon moi, à ce que votre assemblée adopte la rédaction du Sénat.

Même si le texte voté par votre assemblée était plus net, doit primer aujourd'hui la volonté de faire aboutir cette réforme constitutionnelle.

Mme Martine David - Tout à fait !

Mme la Garde des Sceaux - Le Sénat, en modifiant l'article 4, a souhaité bien marquer qu'une responsabilité essentielle pesait sur les partis politiques.

J'ai dit devant le Sénat que le financement des partis était un des moyens privilégiés pour atteindre l'objectif de parité, notamment dans les élections au scrutin uninominal. Si je m'étais opposée dans un premier temps à la modification de l'article 4, c'est que le Sénat souhaitait limiter la révision constitutionnelle à ce seul changement.

Mais dès lors que la modification de l'article 4 vient compléter celle de l'article 3, le Gouvernement ne voit pas d'objection à ce que notre loi fondamentale habilite le législateur à inciter les partis politiques à promouvoir les femmes en leur sein.

Le Sénat a choisi d'écrire que les partis "contribuent à la mise en oeuvre du principe énoncé à l'article 3 de la Constitution", ce qui fait disparaître toute allusion aux règles de financement public. Mais il me paraît évident que sur ce fondement, le législateur pourra moduler les règles de financement des partis politiques.

Votre assemblée pourrait donc adopter conforme cette modification de l'article 4 de la Constitution.

Au terme de ce débat, long et riche, je suis particulièrement satisfaite que puisse être adopté un des textes les plus importants et les plus emblématiques de la volonté du Premier ministre et du Gouvernement de faire évoluer notre droit en harmonie avec les changements de notre société.

Votre vote conforme serait aussi pour moi une grande joie personnelle de voir aboutir le principe de parité pour lequel tant de femmes se sont battues et qu'illustre la présence conjointe de plusieurs femmes au banc du Gouvernement. Il permettra de corriger une situation inacceptable dans notre démocratie.

Le principe de parité ne nuira en rien au principe d'universalisme, dès lors que les femmes ne sont pas une catégorie, la différence des sexes étant une dimension universelle de la condition humaine.

Si vous ouvrez ainsi la voie à une révision de la Constitution, vous accomplirez un geste historique, en permettant de prendre les mesures indispensables pour faire progresser la place des femmes dans la vie politique. Encore faudra-t-il que ces mesures soient adoptées par le législateur.

Cependant, beaucoup reste à faire en matière sociale et économique. Deux rapports remis au Premier ministre l'ont bien montré. Le premier, rédigé par Mme Majnoni d'Intignano, ne peut qu'encourager le Gouvernement à développer les conditions d'une véritable égalité professionnelle. Le second, rédigé par Mme Colmou, ne peut qu'inciter le Gouvernement à mettre en oeuvre une politique volontariste de promotion des femmes dans la haute fonction publique.

Le chantier est donc vaste. Le texte constitutionnel supprime un verrou, il ne règle pas en lui-même le problème de l'égalité des hommes et des femmes. Nous sommes aujourd'hui sur la ligne d'un nouveau départ et non sur une ligne d'arrivée. C'est donc à une nouvelle donne que je vous convie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

M. Robert Pandraud - Si on m'avait écouté, on aurait évité une lecture supplémentaire !

Mme Catherine Tasca, présidente et rapporteur de la commission des lois - Nous nous plaignons souvent d'un ordre du jour trop chargé. Pour une fois, réjouissons-nous de la promptitude avec laquelle le Gouvernement a réinscrit ce projet à notre ordre du jour.

Ce texte, que nous examinons pour la troisième fois, aura suscité bien des passions et bien des débats, permettant de mesurer combien notre pays demeure un lieu démocratique vivant. Reste que si le débat est une impérieuse nécessité, en particulier lorsqu'il s'agit de réviser notre Constitution, il faut savoir trancher.

En décembre dernier, l'Assemblée a modifié l'article 3 de la Constitution, comme le proposait le projet présenté par le Gouvernement avec l'accord du Président de la République. Ce choix avait d'abord une portée juridique, dans la mesure où il s'agissait de lever le verrou posé par le Conseil constitutionnel par sa jurisprudence de 1982 et de 1999. Il avait également une valeur symbolique puisqu'il faisait apparaître dans notre Constitution l'humanité dans sa mixité irréductible. L'Assemblée avait certes renforcé le rôle du législateur mais cela n'affectait pas le fond du dispositif.

Le Sénat ne l'a pas suivie dans cette voie. En janvier dernier, il a préféré faire porter la révision sur l'article 4 de notre loi fondamentale en donnant aux partis la responsabilité de faire progresser la cause des femmes dans la vie politique française...

M. Robert Pandraud - Ce n'est pas contradictoire !

Mme la présidente de la commission - ...alors même que ces partis s'y sont opposés pendant plus de cinquante ans. Cette position était donc assez paradoxale. Par ailleurs, et alors qu'il l'avait accepté en 1982, le Sénat a refusé tout quota pour les scrutins de liste. On le voit, les positions des deux assemblées étaient totalement inconciliables.

L'Assemblée en a pris acte et a rétabli, en deuxième lecture, le texte qu'elle avait adopté précédemment, à l'unanimité des groupes, comme en décembre 1998. Constatant l'impasse dans laquelle il s'était enfermé, le Sénat a alors adopté, en deuxième lecture, une position radicalement différente, en rétablissant, à deux précisions près, le texte initial modifiant l'article 3 de la Constitution. De la sorte, il a accepté ce qu'il avait refusé catégoriquement en première lecture : la possibilité d'introduire dans notre droit électoral des règles paritaires pour les scrutins de liste. C'est une avancée considérable. Les sénateurs ont, par ailleurs, modifié l'article 4 de la Constitution, prévoyant que les partis politiques contribuent à la mise en oeuvre du principe d'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions dans les conditions déterminées par la loi. Le texte finalement voté par la seconde chambre permettra au législateur de mettre en oeuvre les mesures nécessaires pour atteindre l'objectif poursuivi : des quotas paritaires pourront être instaurés et des incitations financières pourront être mises en place à l'intention des partis. De plus, l'Observatoire de la parité proposera d'ici l'été des mesures concrètes qui contribueront à l'établissement d'une égalité réelle.

Nous aurions certes préféré que figure, à l'article 3, le texte que nous avions adopté en première lecture. Il nous semble néanmoins que la rédaction proposée par le Gouvernement, maintenant retenue par le Sénat et éclairée par le débat parlementaire, peut offrir des moyens d'action suffisants au Parlement.

Il est temps de mettre en oeuvre une réforme très attendue par nos concitoyens, et portée, depuis longtemps, par de nombreuses associations. Le vote de ce projet de loi constitutionnelle ne signe pas la fin d'un processus mais plutôt l'ouverture d'un vaste chantier que, j'en suis sûre, le Gouvernement aura à coeur de mener à bien, et les propos tenus par le Premier ministre, le 8 mars, ouvrent de vraies perspectives. Mais il faudra évidemment se pencher, au-delà de la sphère politique, sur les inégalités sociales et économiques, dont souffrent les femmes.

Que les esprits chagrins se rassurent : cette révision constitutionnelle ne constitue pas la mise au tombeau de notre République ; elle est, bien au contraire, l'une des conditions essentielles de sa vitalité. C'est pourquoi la commission des lois vous propose, avec l'enthousiasme que confère l'unanimité, d'adopter sans modification le texte voté en deuxième lecture par le Sénat avec l'assentiment du Gouvernement (Applaudissements sur tous les bancs).

Mme Janine Jambu - Au terme de l'examen de ce projet, les députés communistes se félicitent qu'enfin la révision constitutionnelle puisse être ratifiée par le Congrès.

Le sujet aura eu le mérite d'éclairer le débat qui oppose ceux qui estiment que l'universalité de la citoyenneté interdit toute sectorisation et ceux qui font remarquer que le retard considérable pris par la France impose des mesures exceptionnelles.

Pour les femmes, l'idéal universaliste selon lequel chaque individu a les mêmes droits ne doit pas se réduire à des mots. Il est devenu un principe et une dynamique. En témoignent les luttes qu'elles ont menées pour acquérir et sauvegarder des droits. Que vaut en effet la référence à l'universalisme si elle devient la meilleure manière de camoufler des inégalités persistantes ?

Pourquoi, jusqu'en 1945, la démocratie française a-t-elle exclu les femmes ? Pourquoi, aujourd'hui encore, la France est-elle la lanterne rouge, en Europe, dans le domaine de l'égalité politique ? 5 % de femmes siégeant au Sénat, 11 % à l'Assemblée : cette proportion est bien loin de refléter leur place dans la société !

Dans le domaine économique, le bilan n'est pas meilleur, et la proportion de femmes chute vertigineusement à mesure que la hiérarchie et les responsabilités s'élèvent. Alors même que les femmes ont fait leurs preuves en tous domaines, les chiffres sont les mêmes depuis des décennies et indiquent même une certaine régression.

Confrontées au chômage, et alors que certains s'empressent de les rappeler aux travaux de la maison, les femmes font face et sont toujours plus nombreuses à vouloir accéder à une activité salariée.

On ne peut ni comprendre ni accepter les discriminations criantes qui continuent de caractériser la vie politique et économique dans notre pays, et nous souscrivons pleinement à la volonté de sortir de cette impasse par la parité. Cette question porte le fer au coeur même des institutions sociales et indique qu'il est grand temps de mettre en lumière les causes profondes des discriminations sexuelles.

En effet, la seule bonne volonté des partis politiques ne suffit pas, et même si certains partis veulent s'engager dans cette voie, le mode de scrutin peut bloquer leur aspiration. Car si la parité est aisée à obtenir pour les élections de listes, le respect de ce principe est autrement plus ardu dans les scrutins uninominaux. C'est pourquoi nous sommes résolument favorables au scrutin à la proportionnelle. Et, pour ma part, je suis fière d'appartenir à un parti qui respectera la parité lors du prochain scrutin européen.

Je veux croire que l'affirmation du principe de la parité dans l'article 3 de notre Constitution contribuera à l'instauration de l'égalité entre les femmes et les hommes.

Cependant, la modification apportée par le Sénat à l'article 4 me laisse dubitative. En permettant de moduler le financement des partis politiques en fonction de la détermination dont ils font preuve de parvenir à la parité, ne risque-t-on pas d'instituer une "parité d'aubaine", ce qui nous conviendrait mal ? Je pense que nous aurons l'occasion de revenir sur cette question.

Persuadés que cette réforme est urgente et nécessaire, les députés communistes voteront le projet tel qu'il nous est proposé (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

Mme Marie-Jo Zimmermann - Cette réforme tant attendue semble enfin aboutir, et je souhaite souligner combien le travail parlementaire a été fructueux. La navette a bien, comme l'a dit à juste titre notre collègue sénateur Josselin de Rohan, permis de supprimer ambiguïtés et imprécisions et de concilier des points de vues qui paraissaient irréductiblement opposés. Aucune des deux assemblées n'a perdu de vue l'essentiel, à savoir la sous-représentation des femmes dans la vie politique française. Cette constatation n'est guère flatteuse, 55 ans après que le droit de vote et d'éligibilité leur a été donné par la volonté du général de Gaulle, et la France est à l'avant-dernier rang européen en la matière.

Le Sénat préférait inscrire le principe de la parité à l'article 4 de la Constitution, laissant ainsi aux partis politiques le soin d'y parvenir. L'Assemblée préférait qu'il soit inscrit à l'article 3, pour lever l'obstacle posé par le Conseil constitutionnel. Le retour au texte initial ne peut que nous satisfaire, Madame la Garde des sceaux, même si vous aviez, en son temps, repoussé la proposition en ce sens que mon collègue Pierre-Christophe Baguet et moi-même vous avions faite, pour dédramatiser un débat que certains voulaient envenimer.

Je suis satisfaite qu'un compromis ait été trouvé, qui laisse davantage de choix au législateur. On le sait, les sénateurs ont repris, à l'article 4, ce qu'ils avaient adopté en première lecture.

C'est une contribution utile à la réforme engagée et, en définitive, le texte est plus équilibré et plus réaliste.

Une meilleure représentation des femmes dans nos assemblées est une exigence que le groupe RPR défend avec conviction. Le recours à la loi est nécessaire et cette révision constitutionnelle améliorera la place de la femme dans notre société.

En effet les discriminations ne touchent pas que le monde politique. Dans le secteur privé, les femmes représentent 70 % des employés, mais seulement 30 % des cadres et 14 % des chefs d'entreprise de plus de dix salariés : les 200 premières entreprises françaises sont dirigées par des hommes.

Le constat est le même dans la fonction publique, comme le confirme le rapport de Mme Colmou : sur 109 préfets, 5 femmes ; sur 30 recteurs, 4 femmes ; sur 88 présidents d'université, 4 femmes ; sur 201 membres du Conseil d'Etat, 4 femmes ; sur 35 présidents de cour d'appel, une seule femme et pas une seule n'est procureur général, alors que la magistrature compte 48 % de femmes.

Même si Mme Colmou estime que les freins à la promotion des femmes résident dans les faits et non dans le droit, il revient aux politiques de prouver le contraire et au Gouvernement de donner l'exemple en nommant des femmes aux postes de hauts fonctionnaires.

N'est-ce pas le rôle premier du législateur de mettre fin aux inégalités qui ne peuvent se résorber naturellement ?

Cette révision constitutionnelle sera un formidable levier pour faire évoluer les mentalités et les comportements. Face au déséquilibre flagrant et persistant de la représentation des femmes dans le monde politique, des mesures volontaristes s'imposent. Aucune grande démocratie n'a encore inscrit de telles dispositions dans sa loi fondamentale.

Bien entendu, la promotion de la femme en politique ne peut se réaliser sans sa promotion dans la société : cette loi devrait être le point de départ d'une reconnaissance de la femme dans bien d'autres domaines.

Depuis la seconde guerre mondiale, les gaullistes ont toujours oeuvré à l'amélioration de la condition de la femme. En votant cette révision constitutionnelle, le groupe RPR dit clairement que les femmes ne sont pas une catégorie de la population, mais une des deux composantes, égales en dignité, de l'humanité (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL, et sur quelques bancs du groupe socialiste).

Mme Nicole Feidt - Le débat sur la parité aura eu le mérite d'aborder la situation des femmes dans notre pays et de répondre à certaines questions les concernant.

On a pu, en cette occasion, être alarmiste, insister sur les inégalités, sur la paupérisation croissante des femmes seules, mais ce qui me semble le plus important, après les différentes navettes, c'est de constater l'intérêt qu'a suscité la parité et le bien-fondé de cette loi constitutionnelle.

La fonction de la loi dans la démocratie c'est, d'abord, de remédier aux inégalités. La situation de la femme dans la vie publique en est une.

Certes, le texte adopté par le Sénat n'est pas aussi satisfaisant que le nôtre, mais les sénateurs n'en ont pas complètement modifié l'esprit. Pouvaient-ils rejeter la parité, alors que cette revendication, portée depuis une dizaine d'années par des intellectuels, des associations, des élus, a rencontré un grand succès auprès de la population ?

Le Sénat a donc bien fait de rejeter les attitudes conservatrices prises lors de la première lecture au profit d'une attitude plus ouverte.

Ceux qui veulent imposer le principe d'égalité plutôt que la règle de parité doivent tout de même savoir qu'il faudra aller plus loin et, au-delà de la lettre de la Constitution révisée, assurer aux femmes plus de responsabilités politiques, mais aussi économiques, sociales, culturelles, syndicales.

Il appartiendra au Gouvernement et aux parlementaires d'éliminer tout risque d'application restrictive de la Constitution. Les régimes électoraux appellent donc des aménagements auxquels nous devons réfléchir pour promouvoir la participation équilibrée des femmes et des hommes aux décisions.

La démocratie moderne n'est pas achevée, il reste encore plus d'une réforme à opérer ici, et dans les partis politiques.

Aujourd'hui, nous franchissons une étape supplémentaire dans la construction d'un Etat de droit. C'est pourquoi nous voterons ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

Mme Nicole Ameline - L'organisation de la société dépend très directement de la décision politique et maintenir les femmes hors du champ politique, c'est priver notre société des idées de la moitié de l'humanité.

La politique doit proposer un projet de société. Celle-ci étant duale, comment peut-on, en 1999, en décider les choix de façon aussi univoque ?

La loi est donc ici pleinement dans son rôle de transformation de la société. Il s'agit d'une démarche solennelle, nullement infamante, bien au contraire, qui donnera une traduction juridique au principe d'égalité contenu dans le préambule de la Constitution.

La loi doit-elle "déterminer" ou bien "favoriser" l'égal accès aux mandats électoraux ? La question fondamentale n'est pas là, l'important est d'être d'accord sur les objectifs, les méthodes et les procédures. Or le Sénat et l'Assemblée se retrouvent aujourd'hui sur l'essentiel. Certes la formulation retenue par l'Assemblée avait l'avantage de préciser la portée de l'intervention législative, mais la modification adoptée par le Sénat n'en altère pas le sens.

C'est là l'aboutissement d'un combat de près de vingt ans qui a traversé nos rangs au-delà des clivages partisans.

Je ne sous-estime pas les critiques qui ont visé ce texte. Mais le principe de l'indivisibilité de la souveraineté conduit à un paradoxe, celui de freiner l'égalité réelle au nom de l'égalité juridique. Cette thèse de l'universalité aboutit à une discrimination négative de fait.

Or, si politiquement le débat est récurrent, constitutionnellement, il a été clos en 1982 par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui a condamné toute évolution réelle vers l'égalité.

Je me réjouis donc que cet obstacle soit surmonté et que nous n'acceptions plus le statu quo, une exception française qui constitue une véritable régression, au moment où nous avons rendez-vous avec l'Europe. Il est pour le moins paradoxal qu'aujourd'hui certains régimes monarchiques paraissent plus ouverts aux femmes que notre démocratie française.

Je souhaiterais que ce débat éclaire la portée juridique du terme ambigu retenu -"favoriser"- afin qu'il n'introduise pas une nouvelle insécurité, comme Claude Goasguen en avait souligné le risque en première lecture. La proposition de notre groupe allait dans le sens d'une plus grande clarté.

En ce qui concerne la modification apportée par le Sénat à l'article 4 de la Constitution, il faut bien reconnaître que le rôle des partis en la matière est essentiel. Mais ils ne peuvent porter seuls la responsabilité. Le débat a du reste favorisé une prise de conscience : qui imaginerait désormais une liste européenne où les femmes seraient absentes ou reléguées en place marginale ?

L'adaptation des modalités de financement en fonction de la place faite aux femmes, malgré les réserves qu'elle peut susciter, s'inscrit bien dans ce dispositif. Serait-il plus infamant de faire progresser la démocratie en s'appuyant sur la loi que de pérenniser un système partial ?

Dans ce domaine comme en d'autres, nous avons toujours beaucoup de mal à sortir de nos schémas de pensée classiques pour nous ouvrir à la modernité. Mais je n'ai perçu dans les critiques faites à ce texte aucune ébauche de solution et je me réjouis que le Sénat ait surmonté ses premières réserves.

Nous approuvons ce texte. La disposition relative aux partis doit dépasser la simple composition des listes électorales, pour inclure aussi toutes les actions concernant l'information et la formation ; c'est un chantier immense, compte tenu du poids de la culture de résignation, voire de renoncement chez les femmes. Ce texte doit agir comme un signal fort à leur égard.

J'ai conscience que l'ouverture politique et juridique ainsi réalisée ne peut modifier en un instant ce que les siècles ont forgé. Pour autant, rien ne pouvait justifier que nous acceptions cette stagnation politique, le droit doit précéder les faits. D'autres freins existent, liés à l'organisation sociale et familiale, et il faut réexaminer la politique familiale, réfléchir à l'aménagement du temps de travail, afin de permettre aux femmes de s'impliquer davantage.

Plus de 80 % des Français adhèrent à cette réforme. Le groupe DL, quant à lui, a pris acte de vos engagements, et des éclaircissements du Premier ministre sur le mode de scrutin : mais il y a longtemps qu'il préconisait cette réforme dans le principe.

M. Pierre Forgues - Il n'existait pas !

Mme Nicole Ameline - Il y avait le président Giscard d'Estaing ! Cette réforme est le résultat du combat de toutes les associations qui ont milité pour la parité. Le siècle s'est ouvert sur le courage des femmes, obligées par la guerre d'assumer d'énormes responsabilités, il se termine sur un progrès qui les fera entrer fièrement dans le troisième millénaire (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

Mme Huguette Bello - Nous touchons au terme d'un processus longtemps incertain et d'un combat qui paraissait interminable. Voici que ce qui paraissait une utopie, la parité favorisant l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives, va figurer comme une obligation sacrée dans la loi fondamentale.

Certes, il restera ensuite à conquérir l'égalité dans la vie professionnelle. Si la bataille de la parité est en passe d'être gagnée en droit, elle ne l'est pas tout à fait dans les esprits. Il faudra laisser du temps au temps, mais en nous adossant au fait établi que sera désormais notre présence en plus grand nombre dans les instances de décision politique.

Pourtant l'évolution des esprits avait pu sembler parfois désespérante. Puis le mouvement s'est accéléré. Maintenant tout semble devenu simple, la barre est franchie.

Fallait-il, pour en arriver à la parité, passer par la loi et la Constitution ? Cela n'est pas douteux, car dans la conservation des privilèges, l'affirmation de principes n'est que le commencement d'une évolution, elle ne suffit pas à imposer une réforme décisive. Ainsi, les Lumières ont-elles régné un siècle sur la pensée avant que survienne la Révolution de 1789. Ce n'est que par cet acte créateur du changement qu'a été donné un contenu concret à de belles abstractions.

De même pour l'esclavage, il a fallu une seconde révolution, celle de 1848.

Pour l'égalité des droits de la femme, il a fallu que la Constitution de 1946 consacre dans son préambule "l'égalité des droits entre les hommes et les femmes dans tous les domaines". Et, pour imposer le droit de vote des femmes, dont l'Assemblée consultative d'Alger avait adopté le principe, il a fallu l'ordonnance d'avril 1944 promulguée par le général de Gaulle. Rien ne dit que, si la Constitution n'en avait deux ans plus tard proclamé le caractère obligatoire, on n'aurait pas été tenté un jour de revenir en arrière.

C'est pourquoi, pour mettre fin pour toujours à la quasi-exclusion des femmes des fonctions de responsabilités politiques, il faut que la Constitution en fasse commandement de manière solennelle.

Certains commentateurs observent que les femmes, les premières intéressées, ne trouvent pas vraiment d'intérêt aux chances de promotion que la parité leur offre. Suivant un sondage, 17 % des femmes françaises envisagent de s'engager dans la vie politique. 17 % seulement, nous dit-on. Moi, je vois au contraire dans ce chiffre la marque d'un grand enthousiasme, comme si les femmes étaient impatientes de rattraper le retard, et décidées à saisir l'occasion offerte. Il y a 22 millions de femmes de plus de 18 ans : 17 %, cela fait 3 800 000 candidates potentielles aux divers scrutins ! Une femme sur six se dit prête à entrer dans cette nouvelle bataille. Qu'en est-il du côté des hommes ?

Alors, disons plutôt bravo aux femmes françaises ! Cette parité, vous la vouliez, vous l'avez et vous ne cachez pas que vous êtes décidées à en faire un bel instrument pour le rééquilibrage d'une société qui n'en finissait pas d'aller en boitillant.

Je voudrais pour terminer, en tant que dirigeante depuis plus de vingt-cinq ans d'une organisation féminine, l'Union des femmes de la Réunion, qui a fêté l'an dernier son quarantième anniversaire, dire le bonheur que je ressens à voir aboutir cette réforme.

Qu'on me permette de saluer d'abord les femmes de mon île, de rendre hommage à toutes les femmes de France, dont la volonté a permis une véritable révolution culturelle dans ce pays (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Pierre-Christophe Baguet - C'est avec un plaisir tout particulier que je m'adresse à vous aujourd'hui pour la troisième lecture de ce projet. Ce débat, que nous avons commencé dans la sérénité le 15 décembre, va pouvoir, après bien des vicissitudes, se terminer dans la sérénité. Je me réjouis en pensant à toutes ces femmes qui bénéficieront enfin d'un signe fort du monde politique, et à ce débat qui fera peut-être avancer leur situation en général.

C'est aussi un succès pour notre démocratie qui sort grandie de ces échanges d'idées qui ont passionné notre société, même si quelques excès ont pu dénaturer le fond.

Nous sommes tous d'accord sur le constat : il est urgent d'avancer et les atermoiements ne sont plus possibles. "L'exception française" en la matière n'est pas glorieuse : les femmes sont sous-représentées non seulement en politique mais aussi dans la classe dirigeante publique et privée, comme l'a confirmé le rapport d'Anne-Marie Colmou sur les femmes dans la haute fonction publique. Plus largement, c'est à l'ensemble de notre société, y compris l'économie -contrairement aux certitudes anciennes- que les femmes peuvent apporter. Ainsi Béatrice Majnoni d'Intignano, dans un rapport récent du Conseil d'analyse économique, déclare que, loin d'aggraver le chômage, elles sont une source de dynamisme économique et contribuent largement à l'enrichissement du pays. Dès lors, ajoute-t-elle, que la garde des enfants est adaptée à leur situation personnelle, non seulement elles en ont le nombre qu'elles souhaitent, mais en outre elles sont particulièrement performantes. Voici bien des poncifs qui s'effondrent.

Les opinions des Français ne sont pas moins contrastées que nos débats. D'après le sondage réalisé début mars par BVA-La Croix, 74 % des Français approuvent le principe d'une loi sur l'égalité entre les femmes et les hommes ; ils sont 80 % à l'approuver dans le sondage CSA-La Tribune. Mais en même temps ils sont 76 % à considérer que "c'est à la société de faire évoluer spontanément l'égalité des sexes". De fait il aurait été normal que la seule évolution de la société réalise l'égalité des chances entre les femmes et les hommes. Mais devant l'extrême lenteur, ou parfois la régression observée, il devenait indispensable de s'engager pour créer une dynamique. Les sondages traduisent un doute envers la capacité de la classe politique à faire avancer elle-même la situation des femmes qui n'est pas très flatteur et nous appelle à nous interroger loyalement sur notre propre fonctionnement. Aussi faut-il rendre hommage au Président de la République et au Premier ministre d'avoir initié cette démarche volontariste.

Je tiens à souligner le sérieux du travail des sénateurs et leur sens de l'ouverture. Ils ont permis au débat de s'enrichir en laissant s'exprimer des opinions divergentes, ce qui est tout de même un des fondements de la démocratie. Aujourd'hui il faut clore cette phase du débat et avancer. Le groupe UDF-Alliance propose de reprendre le texte voté par le Sénat en deuxième lecture, qui offre une avancée significative et une issue digne pour les deux assemblées. Certes ce texte est moins volontaire que celui qu'avait adopté l'Assemblée. Il inscrit à l'article 3 de la Constitution que "la loi favorise" et non "détermine" l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. Modifier l'article 3 de la Constitution de 1958 n'en demeurait pas moins indispensable pour rendre constitutionnellement possibles des mesures concrètes.

En première lecture les sénateurs avaient préféré modifier l'article 4 relatif aux partis politiques. Ils furent alors l'objet d'attaques injustes et excessives. Leur sagesse prouve aujourd'hui que les détracteurs d'hier ont été par trop impulsifs. Toutefois, fidèles à leur analyse, qui n'est pas entièrement fausse, selon laquelle les partis politiques sont largement responsables de la sous-représentation politique des femmes, les sénateurs ont conservé en deuxième lecture cette modification de l'article 4, et c'est une bonne proposition. Le texte a, par ailleurs, supprimé toute référence au financement public des partis politiques : une telle référence dans la Constitution n'était ni indispensable, ni cohérente.

Mais pour que vive l'égalité des chances entre les femmes et les hommes d'accéder à la vie politique, des solutions contraignantes de principe devront être trouvées. Le groupe UDF-Alliance, par une proposition de loi d'Alain Ferry et de Pierre Albertini visant à modifier la loi de 1988 relative à la transparence de la vie politique, a donc fait des propositions en ce sens.

A ce stade, il est temps d'ouvrir le débat suivant. Et il serait opportun que le Gouvernement nous fasse connaître ses projets pour favoriser activement l'augmentation des femmes dans la vie politique. Je rappelle, d'autre part, les inquiétudes de notre groupe quant à l'intention éventuelle de certains de modifier à cette occasion les modes de scrutin (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Les propos récents du premier secrétaire du parti socialiste ne sont pas pour nous rassurer. Même si le Premier ministre s'est efforcé il y a quelques instants, un peu difficilement, de nous expliquer que lui c'était lui, et que le premier secrétaire, c'est le premier secrétaire, il subsiste un manque de clarté préoccupant.

Je veux, enfin, relier ce débat à celui de la politique familiale en regrettant l'absence de Mme Aubry, partie présenter la couverture maladie universelle à la commission des affaires sociales. Une véritable politique familiale, cohérente, stable et ambitieuse reste le moyen le plus efficace de permettre aux femmes, non pas de retourner à la maison, ce débat est terminé, mais de réaliser l'ensemble de leurs souhaits : s'épanouir comme femmes et comme mères tout en trouvant leur véritable place dans notre société (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). C'est en aidant les femmes à organiser leur quotidien en allégeant leurs tâches matérielles, grâce à des aides fiscales judicieuses, que l'on pourra avancer (Mêmes mouvements). Quand on pense qu'au-delà de ses six ans il n'est plus possible de déduire de son impôt les frais de garde occasionnés par un élève, cela laisse rêveur, alors qu'il ne va à l'école que 27 heures par semaine et 32 semaines par an.

Sous ces réserves le groupe UDF-Alliance votera le texte du Sénat. L'égal accès à la vie politique n'est pas tout, mais c'est un début significatif. Aujourd'hui le monde politique de bonne volonté, que nous représentons tous, entend donner au pays un signal fort, pour que demain nos enfants et nos filles n'aient pas à rougir de nos actes.

Mme Yvette Roudy - Je remercie tous ceux et celles qui ont réussi à nourrir un tel débat sur la parité qu'aujourd'hui nul n'ignore que la France est la dernière de la classe européenne pour la représentation politique des femmes, même si, paradoxalement, le mot "parité" ne figure pas dans le projet. Mais il faut s'interroger sur les causes de cette honteuse exception française. J'en distinguerai six, sans être exhaustive. Mentionnons tout d'abord la loi salique, chère à Clovis, qui excluait les femmes de toute succession au trône. Le comte de Paris y est très attaché (Sourires). J'évoquerai ensuite l'action des hommes de la Révolution qui interdirent aux femmes l'accès à la sphère politique. Un rapport adopté en novembre 1793 par les conventionnels refusait aux femmes l'exercice des droits politiques, l'activité gouvernementale et même le droit d'association. Il y a eu un vote, soit dit pour ceux qui s'étonnent que nous demandions aujourd'hui une loi. En mythifiant la Révolution française, nous avons fini par glorifier cette injustice.

Troisième élément : le code Napoléon a instauré un véritable apartheid et réduit la femme à un statut semblable à celui des fous et des enfants. Notre empereur disait élégamment que la femme avait été donné à l'homme comme l'arbre à fruits au jardinier...

Il faut aussi évoquer la faiblesse et la division du mouvement des femmes en France, et l'attitude des partis français. Dans les pays scandinaves, protestants, les associations féminines et féministes sont puissantes, les femmes ont largement dépassé 40 % de la représentation politique, et les partis respectent le mouvement des femmes. Nos partis, en revanche, ont si peur du féminisme qu'ils écrasent tout embryon d'organisation des femmes par la dérision, par la mise à l'écart des personnalités les plus fortes et la promotion de celles dont on sait bien qu'elles ne bousculeront pas l'ordre établi.

Un autre frein est constitué par l'Eglise catholique romaine, qui se manifeste chaque fois qu'il est question de laisser la femme libre de choisir le moment de ses naissances. La culture protestante des pays nordiques, à cet égard, est beaucoup plus libérale et il y a dans le Nord des femmes pasteurs. J'évoquerai, enfin, la culture dans laquelle nous baignons.

Sait-on quel rôle exact joue l'exaltation de la virilité dans les violences qui frappent les femmes ?

Ce projet autorisera des mesures positives en faveur des femmes. Reste à définir les grandes lignes de la loi future d'application et le calendrier. J'ai déjà évoqué la possibilité de sanctions financières à l'encontre des partis qui ne feraient pas d'effort significatif de féminisation. On peut imaginer en même temps l'application immédiate de la parité pour les prochaines élections à la proportionnelle, élections municipales comprises. Pour les élections législatives, cantonales et surtout sénatoriales, c'est plus difficile car on a dit qu'on ne modifiait pas les modes de scrutin. Les partis devront donc jouer le jeu, et leur subvention être calculée en fonction des élus et non pas seulement des candidats.

Mais l'arbre de la parité politique ne doit pas cacher la forêt encore dense des handicaps en matière d'orientation, de formation, de métier, d'emploi, de salaire sans oublier les charges familiales mal partagées ou les violences domestiques. Il reste donc beaucoup à faire, à commencer par la création d'un ministère à part entière, regroupant tous ces services éclatés au point qu'on ne sait auquel s'adresser quand on a une question à poser (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

M. Yves Cochet - Pour les Verts, qui pratiquent la parité depuis longtemps, ce texte est un pas. Mais il ne sera qu'un affichage proclamatoire s'il n'est pas suivi rapidement de lois électorales proportionnalistes, déterminant pour chaque scrutin les conditions d'une parité, non des seuls candidats, mais des élus. Certains états d'âme philosophiques autour de ce débat m'ont donc paru parfois déplacés. Ceux qui ont prôné une vision universaliste de la République affirment que la parité volontaire assimilerait la moitié de l'humanité à une communauté. Mais en présupposant cette universalité radicale, ils excluent les moyens d'abolir les injustices faites aux femmes. Le discours achoppe sur son paradoxe fondamental. En projetant un universalisme plat et conceptuel sur une montagne d'injustice, il perpétue l'exclusion des femmes et condamne toute évolution. Il est évident que l'injustice faite à une moitié de l'humanité la concerne tout entière. La parité est l'instrument de l'égalité. Il faut la systématiser, tant sur le plan linguistique que dans les lois électorales et par un encadrement législatif plus strict des pratiques, par exemple, d'embauche à temps partiel.

Mais l'issue se trouve aussi dans l'évolution des mentalités. Là encore, beaucoup reste à faire contre la domination masculine, dont la plus caricaturale manifestation a récemment concerné une ministre qui cumulait les handicaps de représenter une nouvelle formation politique, d'être une femme et de s'attaquer à un puissant lobby (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Comme Pierre Bourdieu l'a bien montré, les formes et la domination masculine s'exercent pour l'essentiel par des voies symboliques, par des modes de pensée, par des structures historiques héritées de l'ordre masculin. Seule une action politique peut contrer cet ordre social androcentrique et mettre fin à la complicité des grandes institutions. Reste aussi à articuler le public et le privé. Tant qu'il restera normal que 93 % des hommes échappent au repassage, il faudra relier le travail politique à un travail sur les représentations mentales collectives. La parité est bien, au bout du compte, une question très masculine !

Madame la rapporteur, Mesdames les ministres, les députés verts voteront ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Dominique Gillot - Nous avions espéré que le Congrès se réunisse pour adopter cette réforme constitutionnelle le 8 mars, journée internationale de la femme. C'eut été un beau symbole et la preuve de la capacité politique à maîtriser le mouvement de l'histoire, mais il a fallu composer avec le conservatisme du Sénat. Finalement, c'est heureux : tirons-en les enseignements.

C'est d'abord la preuve que seule la volonté politique, fut-elle partagée par le Gouvernement, le Président de la République, presque tous les députés et la gauche du Sénat -ainsi que quelques autres sénateurs sages- ne suffit pas à surmonter les résistances institutionnelles. On avait entendu pourtant que celles-ci tomberaient d'elles-mêmes, à force de conviction. Mais non, en France comme ailleurs, les inégalités ne se résorbent pas spontanément. Les parcours individuels d'exception ne changent rien à l'affaire. Au contraire, ils lui servent d'alibi. Le Sénat en est heureusement convenu le 4 mars.

Ces allées et venues entre les assemblées auront aussi permis à un riche débat public de se tenir, tellement plein de rebondissements que plus personne ne peut soutenir qu'il serait acceptable que l'universalisme républicain soit incarné par un citoyen essentiellement masculin. Il aura posé la nécessité de l'égal accès à la représentation nationale, locale et européenne.

Après s'être caricaturalement discréditée le 26 janvier, la deuxième assemblée a enfin entendu la voix du peuple et des sénatrices et sénateurs de gauche. Les convaincus ont résisté à la méprisante ambiance misogyne et phallocrate qui s'exprimait avec cette certitude véhémente, encouragée par certaines signatures prestigieuses et ponctuée de plaisanteries lourdes comme on ne les aime pas.

La calme détermination de notre rapporteuse a permis de maintenir le cap sur l'article 3 pour lequel le Sénat nous a finalement rejoint sur le texte initial.

La conviction exprimée sans relâche par notre groupe et par les ministres, Mmes Guigou et Péry, a été indéfectiblement soutenue par le Gouvernement et le Premier ministre. En acceptant de voter le texte tel qu'il revient du Sénat, nous aurons le geste attendu par nos concitoyens qui marquera l'évolution des mentalités et des comportements et nous engagera dans la modernisation de notre société (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle - Je me réjouis du ton consensuel de cette troisième lecture. Même si le Congrès du 8 mars n'a pas eu lieu, nous sommes fort heureux aujourd'hui. Mais vous avez raison de regarder déjà vers l'avenir, car la parole reviendra au législateur, comme sur la question du financement public des partis politiques qu'a soulevée Mme Jambu.

Au-delà, il reste bien des inégalités : orientation des filles, formation, inégalité des salaires... Il reste beaucoup de travail à faire, tant par voie législative que sur nos comportements. Ces questions, ces sujets de société comme le problème des violences physiques faites aux femmes, sont d'une telle ampleur qu'ils nécessitent, au-delà d'un secrétariat d'Etat aux droits des femmes, une action conjuguée de l'ensemble des ministres. J'ai proposé le 8 mars au Premier ministre un partenariat suivi, dont le bilan serait tiré tous les 8 mars.

Merci une nouvelle fois pour le ton de ce débat, qui constitue un moment important de notre histoire (Applaudissements sur tous les bancs).

M. le Président - En application de l'article 91, alinéa 9, du Règlement, j'appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles du projet de loi constitutionnelle sur lesquels les deux Assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.

ARTICLE PREMIER

M. le Président - Je vous en donne lecture : "L'article 3 de la Constitution du 4 octobre 1958 est complété par un alinéa ainsi rédigé : "La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives".

L'article premier, mis aux voix, est adopté à l'unanimité.

ART. 2

M. le Président - Je vous donne lecture de cet article : "L'article 4 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé : "Ils contribuent à la mise en oeuvre du principe énoncé au dernier alinéa de l'article 3 dans les conditions déterminées par la loi".

L'article 2, mis aux voix, est adopté à l'unanimité.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté à l'unanimité (Applaudissements sur tous les bancs).

Mme la Garde des Sceaux - Je voudrais remercier tous les groupes de cette assemblée qui à chaque étape ont unanimement soutenu cette réforme et leur dire combien je suis heureuse d'avoir pu mener cette grande réforme. Maintenant il faut une application concrète, mais c'est pour Mme Péry et moi un grand bonheur (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe RCV et sur plusieurs bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

La séance, suspendue à 17 heures 45, est reprise à 18 heures, sous la présidence de M. Ollier.

PRÉSIDENCE DE M. Patrick OLLIER

vice-président


Top Of Page

ÉPARGNE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité financière.

ART. 5

M. Aloyse Warhouver - Je regrette de voir disparaître des conseils d'orientation et de surveillance les représentants des communes. Limiter à 3 le nombre des représentants des collectivités n'est pas de nature à soutenir le financement des projets d'économie sociale et locale. Sans doute l'article 6 oblige-t-il les caisses d'épargne à affecter les sommes disponibles au financement de tels projets, mais entre l'obligation légale et le choix des opérations, il y a une marge.

Les 3 représentants des collectivités territoriales devront s'assurer que les caisses s'intéressent davantage à l'économie sociale.

C'est ainsi que la plus ancienne coopérative ouvrière de production de France, la cristallerie de Hartzviller en Moselle, qui date de 1931, recherche vainement des garanties financières auprès des caisses, au risque de disparaître.

Je souhaite donc que le projet donne aux caisses un peu plus de courage pour intervenir en faveur de l'emploi et des zones rurales en difficulté.

M. Raymond Douyère, rapporteur de la commission des finances - L'amendement 17 tend à limiter le nombre des membres du COS à 17, avec 3 représentants des salariés et 3 des collectivités territoriales.

M. Jean-Pierre Brard - Notre amendement 254, identique, tend à éviter que le COS soit pléthorique, ce qui nuirait à son bon fonctionnement. 17 membres constituent à nos yeux un maximum.

M. Jean-Louis Dumont - L'amendement 284, identique, est défendu.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Avis favorable.

Les amendements 17, 254 et 284, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Rapporteur - Par l'amendement 18, la commission a voulu préciser que les salariés seront bien des sociétaires.

M. le Ministre - Avis favorable.

L'amendement 18, mis aux voix, est adopté.

Les amendements 135 et 212 corrigé tombent.

M. Yves Cochet - Notre amendement 203 tend à donner toute leur portée aux pétitions de principe inscrites hier à l'article 1er. Les COS sont composés de représentants des sociétaires, des salariés et des collectivités territoriales. Nous proposons d'y ajouter des représentants des associations s'occupant d'économie sociale et de développement durable. Si les sociétaires représentent 11 membres sur 17, chacune des trois autres composantes pourrait avoir deux représentants. Voilà qui permettrait de dynamiser le sociétariat.

M. le Rapporteur - Cet amendement, retiré en commission, et redéposé dans le cadre de l'article 88, a été repoussé par la commission. Les associations qui relèvent de l'économie sociale, et qui sont éventuellement personnalités morales, peuvent constituer un GLE de 10 personnes et ainsi envoyer des représentants au COS. Créer une sorte de quatrième collège ne paraît pas opportun.

M. le Ministre - L'Assemblée, hier, a voulu faire figurer le développement local et durable au nombre des missions d'intérêt général. L'amendement de M. Cochet donne suite à cette intention. Cependant il paraît difficile de morceler ainsi le conseil. Nous avons déjà retenu un système dérogatoire par rapport au statut coopératif de 1947. N'allons pas trop loin dans cette voie.

De plus, nous risquons de créer une inégalité entre les associations visées par l'amendement et d'autres. La lutte contre l'exclusion bancaire fait partie elle aussi des missions d'intérêt général. Les associations qui s'y consacrent pourraient vouloir être représentées elles aussi, constituant un collège supplémentaire.

La vitalité des associations qui s'attachent à développer l'économie locale devrait leur permettre d'être représentées.

Retenons que les associations porteuses des préoccupations que vous exprimez doivent être représentées sans qu'il faille recourir à des quotas. Prenons garde à ne pas entrer dans un engrenage. C'est pourquoi je vous demande de retirer votre amendement.

M. Yves Cochet - Je retiens que la commission et le Gouvernement reconnaissent le rôle éminent joué par les associations qui, à la différence des trois collèges actuels, sont seules porteuses de projets. Il est vrai qu'elles peuvent constituer un GLE.

L'amendement 203 est retiré.

M. Jean-Pierre Brard - Il est important que le nombre des membres élus par l'assemblée générale des sociétaires soit le même que celui des membres élus par les collectivités territoriales. Le COS comporterait ainsi 6 sièges pour les sociétaires, 6 pour les collectivités territoriales et 5 pour les salariés, ce qui permet aux déposants du livret A et aux collectivités de détenir ensemble la majorité, tandis que les salariés obtiennent une représentation supérieure à celle initialement fixée dans le projet. Tel est l'objet de notre amendement 268.

M. le Rapporteur - M. Brard a satisfaction, puisque les représentants des déposants et ceux des collectivités territoriales ont déjà ensemble la majorité. Rejet.

M. le Ministre - Cet amendement a l'avantage de permettre une représentation plus proche du terrain, mais l'inconvénient de nous éloigner de la pureté du système coopératif, qui ne doit comporter en principe que des sociétaires. La majorité, et en particulier le groupe auquel vous êtes apparenté, ont souligné la nécessité de s'éloigner le moins possible de la coopération. Tout bien pesé, nous avons choisi le meilleur équilibre possible. Je ne voudrais pas que, pour finir, une représentation insuffisante des sociétaires conduise à mettre en cause le caractère coopératif des caisses d'épargne, ce que personne ici ne souhaite.

M. Jean-Pierre Brard - Vous fonctionnez, Monsieur le ministre, selon le principe du tiers exclu. Vous voulez être au plus près du terrain, or le terrain est habité par les sociétaires, mais aussi par les représentants des collectivités qui mieux que personne représentent l'intérêt général. Je propose de conjuguer deux vertus : celle de sociétaire et celle de représentant de la collectivité territoriale. "Tout bien pesé", avez-vous dit. Nous ne devons pas avoir la même conception de la balance de Roberval. Je mets, moi, autant de représentants sur chaque plateau, ce qui crée un parfait équilibre. Avec vous, cela penche. Je maintiens donc mon amendement.

M. le Ministre - Si, Monsieur le député, nous utilisons la même balance ! Pour autant, je tiens à préserver les principes qui fondent ce texte et qui excluent un déséquilibre trop prononcé. Or, si vous faites la somme des sièges actuellement prévus pour les représentants des collectivités territoriales, vous constaterez que s'il existe un déséquilibre, il s'exerce très largement en leur faveur.

L'amendement 268, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Brard - S'il est quelque chose que l'on ne peut mesurer en pourcentages, c'est bien l'autorité morale des élus. C'est pourquoi l'amendement 255 demande que les membres élus par l'assemblée générale des sociétaires restent majoritaires, et que les représentants des collectivités territoriales occupent cinq sièges au lieu de trois. Je remercie M. Gengenwin de joindre sa voix à la mienne !

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement, auquel je m'oppose à titre personnel.

L'amendement 255, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Je constate que l'amendement 256 est défendu.

L'amendement 256, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 5, modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 6

M. Jean-Louis Dumont - Vous avez dit hier, Monsieur le ministre, votre attachement aux valeurs coopératives. Après avoir, pour notre part, plaidé en faveur de la valorisation des réserves des caisses d'épargne, qui doivent disposer de fonds propres suffisants pour assurer la politique d'économie solidaire locale qui doit être la leur, nous avons le sentiment d'avoir été entendus, puisque vous nous avez indiqué que l'article 37 pourrait faire l'objet d'une nouvelle rédaction. Dans ces conditions, la cohérence impose de revoir l'article 6, en supprimant les deux dernières phrases du premier alinéa. Dans sa version actuelle, cet article remet en effet en cause l'une des valeurs fondamentales de l'économie sociale, qui est l'impartageabilité des réserves. La nécessité de développer l'économie sociale peut se concilier avec la nécessité de moderniser la loi du 10 septembre 1947, et il n'y a pas un grand écart entre les propositions faites par le Gouvernement et ce que les élus veulent, à ce sujet, sur tous les bancs, me semble-t-il. Je souhaite donc que le rapporteur veuille bien accepter l'amendement 299.

L'Europe entière s'interroge sur l'économie sociale et le statut de la coopération, comme en témoigne la tenue du congrès de Manchester. Une concertation est donc engagée ; pourquoi la France devrait-elle anticiper ses conclusions au lieu de défendre jusqu'au bout ses spécificités et de faire en sorte que les banques mutualisées participent au développement du pays ?

M. Jean-Pierre Brard - Il ne faut pas faire table rase du passé des caisses d'épargne. C'est pourquoi l'amendement 251 tend à affirmer avec vigueur leur caractère non lucratif. Il s'agit là, je le sais, d'une différence entre nous et d'autres formations de la majorité plurielle, mais cette majorité doit trouver les moyens de concilier ses différences...

Les missions d'intérêt général des caisses d'épargne sont énumérées à l'article premier du projet, et elles doivent disposer de tous les moyens nécessaires pour les remplir. D'autre part, on imagine aisément que les épargnants qui décideront d'acquérir des parts sociales des caisses le feront pour des raisons d'ordre affectif bien davantage que dans un but spéculatif. Aussi proposons-nous de ne pas servir d'intérêt aux parts sociales. Adopter l'amendement, c'est faire confiance à la qualité des relations entre les caisses et les déposants, c'est aussi miser sur l'altruisme des sociétaires, valeurs que vous remettez en cause en leur servant un intérêt.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement, qui déroge fortement aux principes de la coopération. J'indique par ailleurs à M. Dumont que les dispositions de l'article 6 du projet ne prévoient pas un encadrement plus strict des sommes pouvant être mises en réserve par les caisses d'épargne que ne le fait l'article 16 de la loi qui régit la coopération. L'augmentation des réserves ainsi rendue possible répond à un principe coopératif. Les caisses d'épargne seront des sociétés de personnes répondant à un objectif commun -en l'espèce, bancaire, selon le principe "un homme, une voix" et leur apport constituera un prêt permanent à l'entreprise commune qui devra donc être rémunéré comme le serait une obligation. Quant aux surplus, sans lesquels il n'y aurait pas de développement possible, ils peuvent être affectés aux réserves, lesquelles fondent la responsabilité solidaire des associés, la sécurité des épargnants et le développement de l'établissement. Le dispositif est tel qu'il n'y a pas de conflit possible entre associés et clients, qui sont les mêmes personnes. Cet amendement doit donc être repoussé.

M. le Ministre - Je m'oppose à l'adoption de l'amendement non seulement parce qu'il contrevient aux principes mêmes de la coopération qui commande la juste rémunération des coopérateurs, mais aussi pour une raison plus ennuyeuse. Comme vous l'avez dit, il est vraisemblable que les sociétaires ne seront pas principalement attirés par le rendement des parts qu'ils vont acquérir. Il y aurait toutefois une grande injustice à refuser que le petit épargnant qui accepterait de distraire 1 000 F des 30 000 F qu'il conserve sur un compte pour devenir coopérateur voie cette somme rémunérée. Alors même que la Bourse progresse comme on le sait, je ne peux concevoir que l'on prive les épargnants modestes de toute rémunération.

M. Jean-Jacques Jegou - Chaque fois qu'il en a l'occasion, M. Brard cherche à dénaturer le projet. Nous avons dit notre accord sur le statut coopératif conféré aux caisses d'épargne, et il n'y a pas lieu d'y revenir. Il n'est pas question de lucre ; mais pourquoi vouloir priver les sociétaires des bénéfices que pourraient leur procurer une bonne gestion et le travail des salariés ?

On ne peut pas demander aux caisses d'épargne de financer des projets d'intérêt général si elles ne dégagent pas de bénéfices.

Vos amendements ne correspondent pas à la philosophie de ce texte et nous y sommes opposés.

L'amendement 251, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet - Mes amendements 204, 205 et 207 visent à compléter l'expression "projets d'économie locale et sociale" par les mots ", de protection de l'environnement et de développement durable du territoire", comme nous l'avons fait hier à l'article premier. Le texte doit être homogène.

M. le Rapporteur - La commission ne les a pas examinés. A titre personnel je n'y suis pas opposé.

M. le Ministre - Sur le fond, je n'ai pas d'objection, mais sur la forme cela va rendre le texte lourd et répétitif. Sagesse.

L'amendement 204, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 19 tend à supprimer la référence au "ressort territorial de la caisse". En effet, les caisses d'épargne participent déjà, au travers de fondations et associations, à des actions nationales, notamment dans la lutte contre l'exclusion et la gestion de maisons de retraite.

M. Marc Laffineur - L'amendement 198 a le même objet : permettre aux caisses de participer à des actions nationales.

M. le Ministre - Avis favorable.

Les amendements identiques 19 et 198, mis aux voix, sont adoptés.

M. Jean-Louis Dumont - L'amendement 299 tend à supprimer les deux dernières phrases du premier alinéa de l'article.

Les lois de 1947 et de 1992 ont permis de respecter le principe coopératif "un homme, une voix, une part sociale", tout en autorisant le recours à des capitaux extérieurs, apportés par des personnes morales dont les pouvoirs au sein du conseil d'administration et de l'assemblée générale restent strictement limités.

En outre, les ristournes sont calculées, non pas en fonction du nombre de parts sociales, mais de l'activité des coopérateurs.

Il faut maintenir cet esprit propre à l'économie sociale.

M. le Rapporteur - La commission a rejeté l'amendement pour les motifs déjà exposés précédemment.

M. le Ministre - Honnêtement, Monsieur Dumont, j'ai du mal à comprendre votre position. Les phrases que vous incriminez ne visent pas à organiser un partage des réserves, mais au contraire à les alimenter en faisant passer le minimum affecté aux réserves de 3 à 7 vingtièmes des sommes disponibles. C'est une amélioration, d'autant que les caisses restent libres de décider de réserves encore plus importantes. Je demande donc le retrait ou, à défaut, le rejet de l'amendement.

M. Jean-Louis Dumont - J'entends bien votre argumentation et je retire mon amendement. Mais nous serons très vigilants quant à la suite des débats. Je voudrais être sûr qu'il n'y a pas d'arrière-pensées du côté de Bercy !

M. Yves Deniaud - Nous, nous croyons essentiel de garantir la solidité financière des caisses et c'est pourquoi notre amendement 213 tend à porter le montant minimum des sommes mises en réserve à 50 % des sommes disponibles.

M. le Rapporteur - Je rappelle que, dans la rédaction actuelle, les sommes mises en réserve doivent représenter au minimum le tiers des sommes disponibles, mais l'organe central peut à tout moment porter cette proportion à 50 %. Votre amendement est donc satisfait.

M. le Ministre - Même avis.

L'amendement 213, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 168 tend à ce qu'après la constitution des réserves, les sommes disponibles soient affectées pour moitié aux projets d'intérêt général et pour moitié aux sociétaires.

M. le Ministre - Comment répartir les résultats des caisses ? Le principe de la mise en réserve d'un tiers, au minimum, a été adopté. Que faire du reste ? Moi, je pense que nous devrions trouver un moyen de satisfaire les deux objectifs. L'amendement Douyère est peut-être un peu trop rigide -mais je vois que d'autres propositions sont faites, le mieux serait peut-être de les examiner ensemble.

M. le Président - J'accède volontiers à ce souhait.

M. Yves Cochet - Moi, je ne crois pas à la théorie des trois tiers. Ce que je dis, c'est qu'il y a un tiers pour la réserve, et je propose de partager le reste en deux. Or, avec le texte du projet, les missions d'intérêt général risquent de se rapprocher d'epsilon : en écrivant qu'elles "ne peuvent être inférieures", on les préserverait. Reste à savoir s'il faut écrire cela au premier alinéa, comme le propose le rapporteur, ou au second comme je le suggère.

M. Jean-Jacques Jegou - Contre ces amendements, qui restreignent singulièrement le droit de la coopération. Restons-en à la loi de 1947 ! Pour partager des bénéfices, il ne faut pas les empêcher, laissez les caisses gagner un peu d'argent. Je vois M. Brard qui sourit, mais il sait que je n'ai pas tort.

M. Jean-Pierre Brard - Ce serait bien la première fois !

M. Jean-Jacques Jegou - Nous voulons, nous aussi, qu'une partie des bénéfices serve pour des missions d'intérêt général...

M. Yves Cochet - Pourquoi ne pas l'écrire ?

M. Jean-Jacques Jegou - C'est écrit à tous les articles ! Mais il faut un peu de liberté. Contre les amendements.

M. Jean-Pierre Brard - L'amendement 269 est de cohérence. Quant à l'amendement 270, il va dans le même sens que les amendements du rapporteur et de M. Cochet. Notre collègue Jegou a le mérite de clarifier le débat. Mais quand il parle "droit de la coopération", il s'agit en réalité de réduire les mesures d'intérêt général comme peau de chagrin. Et quand il dit "intérêt général", il faut comprendre intérêt minimal. M. Jegou, et là passe la ligne qui nous sépare, voudrait banaliser les caisses d'épargne (M. Gengenwin s'exclame). Mais comme cette position n'est pas vendable à l'opinion publique, il veut faire sauter le verrou et laisser les dirigeants des caisses définir les modalités de fonctionnement.

Nous, nous ne voulons pas leur laisser la bride sur le cou, s'agissant d'établissement aussi importants pour l'aménagement du territoire.

Le raisonnement que M. le ministre a tenu tout à l'heure m'a paru un peu casuiste -ce qui m'étonne de lui. En réalité, plus vous rémunérez les parts, et moins vous aurez de fonds pour des missions d'intérêt général. On ne peut avoir un discours à l'article premier, et des modalités qui le contredisent à l'article 6. La cohérence voudrait -et je ne doute ni de votre cohérence ni de votre bonne foi, Monsieur le ministre- que l'on place des taquets dans la loi, afin de réserver l'essentiel des surplus aux missions d'intérêt général, n'en déplaise à l'esprit de lucre qui veut promouvoir M. Jegou (Quelques exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Yves Cochet - Je ne vais pas aussi loin que M. Brard avec mon amendement 206...

M. Jean-Pierre Brard - C'est un social démocrate vert !

M. Yves Cochet - Ce que je propose, c'est que, s'il reste quelque chose après la mise en réserve, on le partage en deux.

Puisque nous avons globalisé le débat sur les alinéas 1 et 2, il va falloir décider auquel des deux nous rattachons la modification. L'amendement de M. Douyère porte sur le premier alinéa ; sans vouloir lui demander de le retirer, je crois cependant plus logique d'adopter le mien au deuxième alinéa.

M. le Rapporteur - Les amendements sont différemment placés, mais de même esprit. La commission a adopté le 168 à l'alinéa 1. J'accorde à M. Cochet que dans ce cas il faudra supprimer la deuxième phrase du deuxième alinéa. Les autres amendements n'ont pas tous été examinés. Je dirais qu'ils devraient être acceptés par l'Assemblée.

M. le Ministre - Le Gouvernement est favorable à l'amendement 269. Quant aux autres, 168, 270 et 206 corrigé, j'ai bien entendu les arguments des orateurs sur la nécessité de garantir un minimum de crédits pour les missions d'intérêt général, et d'éviter qu'après la mise en réserve et la rémunération des sociétaires il ne reste rien pour les projets locaux. Ce serait en effet contraire à l'esprit de l'article premier. Mais mon souci est de laisser assez de souplesse pour faire face à l'imprévu. En allant trop loin dans la fixation des seuils, on risquerait de bloquer tout le système. Autant dire alors qu'on prévoit d'avance la structure de l'affectation des résultats. Mais ce n'est pas souhaitable, car une certaine souplesse est nécessaire.

Je propose donc un compromis. Il prend pour point de départ l'amendement 168 de M. Douyère, mais en écrivant, après "ne peuvent être inférieures", les mots "au tiers des sommes disponibles après mise en réserve" au lieu de "à l'intérêt servi aux parts sociales". Un partage moitié-moitié est trop rigide en tant que règle générale. Le tiers garanti que je propose ne l'interdit d'ailleurs pas, mais préserve la souplesse.

M. le Rapporteur - J'accepte de rectifier ainsi le 168. Il faut en outre supprimer par cohérence la deuxième phrase du dernier alinéa de l'article.

M. le Président - L'amendement 168 est donc rectifié, d'une part conformément à ce que propose M. le ministre, d'autre part, l'adjonction d'un alinéa ainsi rédigé : "En conséquence, supprimer la deuxième phrase du dernier alinéa de cet article".

M. Jean-Pierre Brard - Même si nous aurions souhaité garantir un niveau plus élevé pour les missions d'intérêt général, la proposition de M. le ministre a l'intérêt de poser un taquet garantissant qu'une partie des sommes sera clairement réservée aux missions d'intérêt général, ce qui bloque la dérive libérale de notre collègue Jegou (Murmures sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR). Elle présente en outre un avantage du point de vue de la démocratie : elle laisse une marge qui permettra aux assemblées générales de discuter. A cet égard elle rejoint notre volonté de démocratiser le fonctionnement des caisses d'épargne, et donc de faire reculer l'opacité.

Les amendements 168 rectifié et 269, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président - Les amendements 205, 270 et 206 corrigé tombent en conséquence.

M. le Rapporteur - L'amendement 20 corrigé de la commission tend à rédiger ainsi la dernière phrase du dernier alinéa de cet article : "Chaque caisse d'épargne et de prévoyance tient compte des orientations définies par la Fédération nationale des caisses d'épargne et de prévoyance pour le choix des projets d'économie locale et sociale sur son ressort territorial ou pour apporter sa contribution à des actions régionales ou nationales entreprises par le réseau". Nous avons en effet souhaité mettre en place une fédération qui devra notamment veiller à la mission des caisses d'épargne et au respect de l'article premier.

M. Yves Cochet - Je retire mon sous-amendement 207 au profit de l'amendement 271 de M. Brard, de même objet.

M. le Ministre - Favorable au 20 corrigé.

M. Jean-Jacques Jegou - J'en comprends l'intention. Mais ne risque-t-on pas une redondance avec l'article 15 qui définit les fonctions de la Fédération ? Il me semble que cet article 15 purge largement ce que propose M. le rapporteur.

L'amendement 20 corrigé, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L'amendement 271 tombe, Monsieur Cochet...

L'article 6 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 7

M. Germain Gengenwin - Cet article, le plus court du texte, n'a que trois lignes, mais de quel poids ! L'enjeu est capital pour l'Alsace-Moselle, où existe depuis 1895 un régime de libre emploi d'une partie de la collecte du livret A. On ne saurait le remettre en cause aujourd'hui, sans aucune concertation avec ces caisses. Ce serait inacceptable pour les élus de voir ainsi remis en cause le droit local, auquel nous sommes attachés. L'Alsace-Moselle a aujourd'hui un secteur bancaire équilibré. La suppression du libre emploi, et ses conséquences pour les résultats financiers des caisses d'épargne, menaceraient gravement cet équilibre. C'est donc notre intérêt de le préserver.

L'amendement 285 recueille un consensus général parmi les parlementaires. C'est un véritable intergroupe, dont la cohésion est très forte, qui le présente.

M. Bernard Schreiner - Les caisses d'épargne ont un rôle social éminent tant pour le financement des constructions et l'accession au logement que par leur intervention au profit des collectivités locales. Le libre emploi est donc très important. L'Alsace-Moselle en bénéficie depuis une loi allemande de 1895 reconduite depuis. On a dit que la Commission de Bruxelles ne l'accepterait peut-être pas, mais l'incidence financière est si faible que c'est peu probable. Du reste, les Spaarkassen allemandes pratiquent aussi le libre emploi.

Monsieur le ministre, dans un souci de véritable décentralisation, vous pourriez laisser aux caisses d'épargne d'Alsace-Moselle les moyens d'une intervention efficace dans des missions d'intérêt général. J'ai ainsi défendu l'amendement 285.

M. Armand Jung - Cet amendement émane de l'ensemble des parlementaires d'Alsace-Moselle, ce qui n'est pas rien ! Je ne voudrais pas, après les interventions d'hier soir, que cela paraisse comme du harcèlement, mais c'est une publicité dont nous nous serions bien passés. Il n'était pas utile de toucher à un système qui marche depuis un siècle.

Il s'agit là de 50 % des dépôts qui sont consacrés à des missions d'intérêt général : hôpitaux publics, logement social, maisons de retraite, centres d'aide au travail, exclusion, transports, assainissement...

On nous dit qu'il y a là une attaque indirecte contre le livret A, qu'on fausse la concurrence, que c'est une aide déguisée de l'Etat... C'est prêter aux caisses et au libre emploi une importance qu'ils n'ont pas. En outre, ce n'est pas une opération blanche : des calculs vérifiés prévoient un déficit de 100 millions de francs pour les prochaines années, malgré l'augmentation du taux de commissionnement. Enfin, le libre emploi ne représente que 0,8 % des 1 000 milliards de dépôt collectés par les caisses d'épargne et La Poste.

Je ne suis pas un intégriste du droit local alsacien mosellan, mais à chaque fois qu'il fonctionne bien, je le défends. Notre assemblée s'en est d'ailleurs inspirée, comme pour l'échevinage, l'endettement ou le régime d'assurance maladie. Il ne doit pas y avoir de volonté de nivellement et je n'ose pas croire qu'une majorité plurielle mette en cause un des aspects de la France plurielle (Applaudissements sur quelques bancs à droite).

M. Aloyse Warhouver - Je suis très favorable à cet amendement. Les collectivités territoriales allemandes peuvent détenir plus de 10 % du capital. La caisse d'épargne de Bavière draine ainsi des capitaux du monde entier, grâce à la garantie qu'apportent les collectivités. Gardez-nous ce régime local auquel nous sommes très attachés.

M. le Ministre - Je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 19 heures 25, est reprise à 19 heures 30.

M. Jean Proriol - L'amendement 174, comme celui défendu par les orateurs précédents, tend à maintenir, en Alsace-Moselle, le libre emploi des ressources du livret A avec les pourcentages actuels.

Ce circuit de financement, court et décentralisé, favorise grandement le développement de l'économie régionale.

M. Jacquat, rédacteur de l'amendement, m'a indiqué que ce libre emploi à hauteur de 50 % fortifie la position des caisses d'épargne d'Alsace-Moselle face à une vive concurrence, y compris en provenance d'outre-Rhin.

M. le Président - L'amendement 285 corrigé a déjà été largement défendu.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Le régime des caisses alsaciennes est un héritage historique.

M. Jean-Louis Dumont - Et aussi culturel !

M. le Rapporteur - On connaît déjà officieusement la décision que prendra la Commission européenne sur le recours dont fait l'objet le livret bleu du Crédit mutuel. Evitons que le statu quo entraîne un autre recours à l'égard de la collecte réalisée par les caisses d'épargne. D'autant que les conséquences du passage au droit commun devraient être minimes sur les comptes d'exploitation des caisses.

M. le Ministre - Les députés d'Alsace-Moselle ont exprimé une préoccupation liée à l'histoire particulière de leur région. Mais je ne peux pas envisager d'inscrire dans la loi une distorsion de concurrence manifeste. C'est pourquoi je demande aux auteurs des amendements de les retirer, ou à l'Assemblée de les repousser, tout en confirmant que le Gouvernement est décidé à ce que les conséquences du passage au droit commun sur les comptes et sur les moyens d'action des caisses soient compensées, par exemple par une hausse de 0,75 % à 1,2 % du taux de commissionnement. Je suis prêt à examiner toutes les formules possibles, mais ne nous plaçons pas dans une situation qui serait dommageable à l'ensemble de la collectivité nationale.

M. Jean Proriol - Je ne peux pas retirer l'amendement de M. Jacquat.

M. Jean-Louis Dumont - L'amendement 285 corrigé est maintenu.

Les amendements 174 et 285 corrigé, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 7, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 35.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


© Assemblée nationale