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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 74ème jour de séance, 191ème séance

3ème SÉANCE DU MERCREDI 17 MARS 1999

PRÉSIDENCE DE M. Yves COCHET

vice-président

          SOMMAIRE :

PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION (suite) :  FONDS STRUCTURELS NOUVELLES PERSPECTIVES FINANCIÈRES 1

    ARTICLE UNIQUE 1

    ARTICLE UNIQUE 8

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.


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  PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION (suite) : 
FONDS STRUCTURELS
NOUVELLES PERSPECTIVES FINANCIÈRES

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de résolution de M. Alain Barrau sur la réforme des fonds structurels et de la proposition de résolution de M. Gérard Fuchs sur l'établissement de nouvelles perspectives financières pour la période 2000-2006 et sur le projet d'accord interinstitutionnel sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire.


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FONDS STRUCTURELS

ARTICLE UNIQUE

M. Daniel Marsin - Je souhaite aborder les fonds structurels, non en tant que subsides octroyés, notamment aux DOM, mais en tant que traduction politique de l'importance que revêtent les DOM au sein de l'ensemble français et de l'Europe.

Face aux enjeux de l'élargissement, mais aussi aux dysfonctionnements constatés, il fallait recadrer le dispositif des fonds structurels. Concentration géographique des actions en faveur des régions les plus en difficulté, concentration des objectifs ramenés à trois, simplification et décentralisation de la gestion des aides et responsabilisation des partenaires nationaux et locaux : tels sont les principes généraux de cette réforme. Ils vont dans le bon sens.

Encore faudrait-il que ces bonnes intentions ne produisent pas d'effets pervers pour les DOM. Ceux-ci relèvent de l'objectif 1, du fait des contraintes particulières liées à leur ultrapériphéricité et de leur niveau de PIB par habitant largement inférieur à 75 % de la moyenne communautaire actuelle. Afin d'agir sur cette réalité difficile, la Communauté a consenti un effort important au cours de la dernière programmation, de 1994 à 1999, en accordant au titre des fonds structurels un soutien significatif aux DOM. Cet effort doit se maintenir, car l'évolution des principaux indicateurs socio-économiques n'est pas encore à la mesure de nos attentes, qu'il s'agisse du PIB par habitant, de la couverture des échanges ou du taux de chômage. Dans un contexte de forte croissance démographique, il n'est pas douteux que le soutien communautaire a freiné la dégradation de la situation socio-économique, même si, en Guadeloupe par exemple, son impact est beaucoup plus perceptible sur les grands équipements structurants que sur le développement économique durable et l'emploi. Les indicateurs socio-économiques étant ce qu'ils sont et la pression démographique restant forte, l'effort d'équipement et de redynamisation de l'économie doit demeurer un objectif majeur soutenu par la France et la Communauté.

C'est d'ailleurs en ce sens que le Gouvernement français, par la voix du Premier ministre et du ministre de l'outre-mer, a envisagé une loi d'orientation pour l'outre-mer. Cette volonté partagée, que traduisent clairement et la démarche du Gouvernement, et le nouvel article 299-2 du traité d'Amsterdam, ne doit pas être battue en brèche par les éventuelles conséquences de l'élargissement de l'Europe sur les politiques communautaires, qui sont de la toute première importance pour l'avenir des DOM. Ceux-ci, certes, s'inscriront de plein droit dans l'objectif 1 de l'Europe élargie. Mais l'élargissement entraînera une chute brutale du PIB moyen par habitant de la Communauté. Certaines analyses évoquent une diminution de l'ordre de 16 %. Comment se situeront les DOM par rapport à ce futur niveau moyen ? La stricte application du seuil de 75 % du PIB communautaire par habitant ne risquera-t-elle pas d'écarter tel ou tel DOM de l'objectif 1, alors même qu'au regard des indicateurs socio-économiques sa situation n'aurait pas fondamentalement changé ?

La France doit donc obtenir la garantie que les régions ultrapériphériques, au sens de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam, resteront éligibles à l'objectif 1 tant qu'elles n'auront pas atteint les résultats escomptés au regard de la situation actuelle de la communauté avant élargissement.

Par ailleurs, même en supposant cette garantie acquise, il faut pour quelque temps encore, maintenir, voire augmenter dans les DOM le niveau de l'aide communautaire par habitant. Deux considérations le justifient. D'une part, la pression démographique restera forte. D'autre part, les DOM sont aujourd'hui pénalisés par le critère de la prospérité nationale : la France étant un pays riche, la Guadeloupe, pourtant région la plus pauvre d'Europe, perçoit 1 000 euros par habitant contre 2 000 pour d'autres régions de l'objectif 1. Cette situation doit évoluer pour ne pas produire d'effets contraires aux objectifs poursuivis.

C'est pour ces deux raisons impérieuses -garantie d'éligibilité à l'objectif 1 et renforcement de l'aide par habitant dans un contexte de forte croissance démographique- que je vous demanderai, chers collègues, d'écarter le principe de dégressivité du concours communautaire et de voter l'amendement présenté par Mme Bello au nom de l'ensemble des députés des DOM.

Pour le reste, la proposition de résolution, telle que l'a amendée notre commission de la production, est un bon texte, notamment en ce qui concerne les recommandations sur l'initiative communautaire consacrée à la ville -programme URBAN- les conditions d'une meilleure consommation des crédits et d'une efficacité accrue de l'utilisation des fonds structurels, ainsi que des systèmes d'évaluation publique. Je voterai donc, avec le groupe socialiste, ce texte amélioré par la commission, affranchi de l'idée de dégressivité et enrichi de l'amendement des députés des DOM. Je fais confiance au Gouvernement pour faire entendre notre voix lors du prochain Conseil européen, afin que, sous l'effet conjugué du dispositif communautaire rénové, de la loi d'orientation à venir et de choix locaux plus judicieux en matière d'objectifs et de projets économiques et sociaux, nos régions connaissent une véritable prospérité au cours de la prochaine période de programmation (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. René André - Je me limiterai à quelques observations. La première est, je ne dis pas une crainte, mais une interrogation. La proposition de résolution de M. Barrau souligne que l'objectif 1 bénéficie d'une dotation trop élevée. Sans doute ; mais cet objectif concerne les départements et territoires d'outre-mer. Je veux souligner combien il est important, pour mon groupe, que ne soient pas diminués les fonds structurels à destination des DOM-TOM. Notre collège Marsin a parfaitement exprimé ma position sur ce point, et je veux à mon tour exprimer notre interrogation à ce sujet.

Je ferai une deuxième observation à titre tout à fait personnel, au risque de mécontenter nombre de mes collègues sur divers bancs. Je suis de ceux qui considèrent que la République est une et indivisible, et que l'Europe, lorsqu'il est question des fonds structurels, ne doit pas discuter avec les seules régions, mais aussi avec l'Etat ("Très bien !" sur plusieurs bancs), tout en sachant que ce sentiment n'est pas partagé par tous nos partenaires, et en particulier par ceux qui ont des structures étatiques différentes.

Ma troisième observation pourra paraître légèrement contradictoire avec celle que je viens de faire, et rejoint une récente intervention de M. Bocquet dans cet hémicycle - mais si, monsieur Leyzour... (Sourires). Nous autres Français ne tirons pas des fonds structurels tout le bénéfice que nous pourrions en tirer, car l'Etat, c'est-à-dire Bercy, multiplie comme à plaisir les obstacles, les règles nouvelles de financement, de cofinancement, de compensation, qui se surajoutent à celles édictées par Bruxelles. Responsable d'un programme LEADER qui couvre trois départements, je me bats chaque jour pour obtenir des fonds communautaires, et chaque jour je me heurte à la trésorerie générale, qui me reproche de ne pas être en règle avec ses propres prescriptions ! Voilà qui explique pour une large part la sous-consommation des crédits !

Enfin, il semble que circule une carte du nouvel objectif 2, dont aurait disparu, selon la rumeur, une zone rurale de l'ouest que je connais bien, et qui mérite tout autant que d'autres de continuer d'y figurer. J'adjure le Gouvernement de plaider pour une démarche plus positive...

M. Christian Jacob - Très bien !

M. François Guillaume - Je parviens mal à saisir l'équation dans laquelle le Gouvernement veut faire entrer la question du budget communautaire. Si j'ai bien compris, il faudrait augmenter les primes pour compenser les baisses de prix, maintenir les fonds structurels à leur niveau actuel et dégager de l'argent pour favoriser l'adhésion des pays d'Europe centrale et orientale, le tout sans augmenter l'ensemble des dépenses. Cela signifie-t-il que le fonds de cohésion, par exemple, doive être réduit ? Il est vrai que les situations ont évolué, et que si la Grèce accuse toujours un net retard malgré les aides qui lui ont été versées à fonds perdus, l'Irlande et le Portugal ont rattrapé une bonne partie du leur, il est vrai aussi que le rapprochement entre les prix agricoles communautaires et les prix mondiaux permettra, pour peu que les exportations ne progressent pas trop, de réduire le montant des restitutions, mais j'aimerais tout de même que le Gouvernement nous explique comment il compte résoudre cette équation délicate (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. René Leroux - Si les fonds structurels sont un outil essentiel de la politique d'aménagement du territoire, il ne faut pas oublier pour autant les aides spécifiques aux pêches maritimes. Depuis 1993, pour des raisons de souplesse et de subsidiarité, un instrument financier unique, l'IFOP, remplace les deux instruments qui avaient été créés en 1986 et 1989. Ses missions sont au nombre de trois : gérer la ressource, renforcer la compétitivité, valoriser la production. Or, voici que la Commission propose, au bout de cinq ans d'application seulement, et malgré la diminution régulière du budget de la pêche, de revenir sur cette réforme et de confier au FEOGA-garantie une partie des missions de l'IFOP. Ce système, d'une complexité excessive, et qu'une administration réduite sera impuissante à gérer, a été heureusement rejeté par le Conseil. Ma question est simple : vers quelles nouvelles orientations s'oriente la négociation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

Mme Martine Lignières-Cassou - Je tiens à souligner l'importance, pour les femmes européennes, de la politique d'égalité des chances menée par l'Union européenne, et je me réjouis des avancées contenues dans le traité d'Amsterdam, des décisions prises par le Conseil européen de Luxembourg et en particulier de la mise en oeuvre d'une politique transversale en faveur de l'emploi des femmes. Longtemps le FSE a été seul à oeuvrer pour l'égalité des sexes, aujourd'hui le FEDER et le FEOGA mènent également une action positive, mais il est essentiel d'évaluer ce qui est fait et de se doter, pour cela, d'indicateurs quantitatifs et qualitatifs sur le marché du travail et sur la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, en y impliquant davantage les associations et institutions compétentes que ne le propose la Commission.

Si la réduction du nombre des initiatives communautaires peut se justifier par la volonté d'éviter la dispersion des énergies, c'est sans doute aller un peu loin que de les réduire à une seule, surtout lorsque son objet est de "lutter contre les discriminations de toute nature", c'est-à-dire incluant celles fondées sur l'âge, la race ou le handicap : le débat sur la parité n'a-t-il pas montré, pourtant, que les femmes ne sont pas une catégorie ? Cette formulation vague restreint les possibilités d'action. Les acteurs de terrain vantent, en revanche, le programme NOW -New Opportunities for Women- créé en 1990, dont l'objectif explicite est légalité des chances, et dont l'action de longue haleine a déjà produit des résultats concrets dans le domaine de la formation et de l'emploi. Les femmes ont à la fois besoin d'une politique transversale et d'actions positives spécifiques (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Léonce Deprez - Cette réforme des fonds structurels vient à point, au moment où il nous faut construire une communauté européenne plus solidaire en même temps qu'une union économique et monétaire plus compétitive. Les fonds structurels, qui sont l'un des principaux instruments de la cohésion économique et sociale, sont appréciés comme tels par les habitants de nos régions, attachés à la fois à l'exploitation de la terre et à l'exploitation de la mer.

J'insisterai ici sur l'un des impératifs de cette cohésion : la nécessité de renouveler l'outil de travail des artisans pêcheurs.

Nous devons obtenir que le champ d'intervention de l'objectif 3 soit étendu aux régions de l'objectif 2. La commission de la production s'est prononcée unanimement en ce sens. Cependant, il conviendrait aussi de maintenir dans l'objectif 2 élargi l'IFOP, l'Institut de financement et d'orientation de la pêche, qui regroupe depuis 1993 les moyens affectés à la pêche, à l'aquaculture et à la commercialisation de leurs produits. Il faut en effet que nous puissions maintenir une exploitation équilibrée des ressources, renforcer la compétitivité des exploitations et améliorer l'approvisionnement en produits de la pêche. Cela passe par le renouvellement de l'outil de travail. Les chalutiers compris entre 12 et 25 m vieillissent  : leur âge moyen est de 15 ans et ce secteur risque donc de se trouver très rapidement disqualifié. Or sans cette pêche artisanale, le port de Boulogne ne pourrait survivre.

Le projet de réforme des fonds structurels devrait être discuté le 30 mars par le Conseil des ministres de l'agriculture et de la pêche, croyons-nous savoir. Le projet de nouveau règlement qui se substituera à partir de janvier 2000 à l'actuel règlement IFOP est un projet de règlement financier, mais la Commission a mis à profit son élaboration pour mettre au point de façon anticipée un programme d'orientation pluriannuel -POP- qui n'a normalement pas sa place dans un tel règlement. Ce POP5 créerait un mécanisme proche du permis de mise en exploitation des navires, le PME, de 1988. Or, cette année, la Commission préparerait pour 2000 une sorte de PME qui reviendrait à soumettre toute entrée en flotte au retrait d'une puissance de 30 % supérieure, ce qui conduirait tout droit à la création de droits incorporels, les fameux "kilowatts-papier". De la sorte, les jeunes ne pourraient plus devenir marins-pêcheurs. Nous devons donc exiger de la Commission qu'elle maintienne les taux d'intervention actuels de l'IFOP, pour ce qui est des subventions d'investissement, pour assurer un renouvellement minimal de la flotte de pêche artisanale, ce sans augmentation de puissance.

En second lieu, nous devons favoriser l'installation des jeunes artisans pêcheurs et oeuvrer ainsi pour que les régions littorales préservent leur équilibre démographique et social. Ces jeunes ont la volonté de s'équiper, d'être efficaces. Ils placent leur expérience dans l'Union européenne : ne les décevez pas ! ("Très bien !" sur plusieurs bancs)

Mme Martine Lignières-Cassou - Dans le droit fil de mon intervention, mon amendement 5 vise à compléter la politique transversale de "Mainstreaming" en demandant le maintien d'actions positives en faveur des femmes, telles que le programme NOW.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, rapporteur de la commission de la production sur la réforme des fonds structurels - La commission a été convaincue par les arguments de Mme Lignières-Cassou.

L'amendement 5, accepté par le Gouvernement, et mis aux voix, est adopté.

M. Félix Leyzour - Par l'amendement 2, nous demandons au Gouvernement de proposer aux Etats de l'Union qu'ils engagent une réflexion sur la création de nouvelles ressources financières et sur une expansion du crédit, au service de l'emploi et du développement social.

La Commission a pour objectif de réaliser l'élargissement à budget constant : le pacte de stabilité n'a pas d'autre sens. Nous croyons qu'il faudra desserrer ce carcan assez rapidement si l'on tient à développer l'emploi, la formation et la recherche. En commission, on m'a fait observer que cet amendement relevait plutôt de la troisième résolution. Je veux bien en convenir mais j'aimerais à tout le moins savoir comment le Gouvernement et la Commission reçoivent notre message. Je sais en effet qu'on ne pourra régler le problème ce soir mais ce qui importe, c'est la perspective, la trajectoire. Notre souci est de permettre la meilleure utilisation possible des crédits, d'en assurer une gestion transparente. Par cet amendement, nous invitons les représentants de la France à négocier la meilleure politique possible pour les fonds structurels, de sorte que la France ne soit pas perdante dans cette affaire, comme on peut le craindre encore.

Nous souhaitons aussi que, dans les semaines à venir, la DATAR nous fasse une communication sur l'état d'avancement des travaux sur les modalités de répartition de ces fonds. Nous sommes tous engagés à l'heure actuelle dans la préparation des prochains contrats de plan et nous avons besoin d'une connaissance aussi fine que possible de la carte que la DATAR est certainement en train de dessiner. Mieux vaut être informé en amont que subir en aval ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe UDF)

Mme le Rapporteur - Monsieur Leyzour, nous avons accepté un certain nombre de vos amendements de clarification, mais la commission a repoussé celui-ci, considérant qu'il relevait plutôt de la commission des finances et de la résolution sur les perspectives financières. D'autre part, le souci qui est le vôtre en matière d'emploi et de développement social est pris en compte dans l'objectif 3.

M. Alain Barrau, au nom de la Délégation pour l'Union européenne - La commission a en effet refusé cet amendement mais, si nous devons pour l'heure nous en tenir au plafond de 1,27 % du PNB, M. le ministre délégué et M. Hollande, par exemple, ont clairement ouvert la possibilité d'un débat, à venir, sur une réorientation de la construction européenne, réorientation qui ne saurait rester sans effets sur le budget global de l'Union, surtout si l'on veut donner la priorité à l'emploi et à la croissance. Il me semble que c'est dans ce cadre que vous pouvez avoir satisfaction, plutôt que par le vote d'un amendement.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes - Vous avez raison, Monsieur Leyzour, de souligner que viendra un jour l'heure de réfléchir à de nouvelles ressources pour l'Union. Mais vous convenez aussi que cela ne doit pas se faire ce soir, et ressort plutôt de la commission des finances.

En ce qui concerne l'expansion du crédit, la perspective est encore plus intéressante à court terme. Beaucoup a été fait dans ce domaine. Par exemple, le Conseil d'Amsterdam a mis en place un programme d'action spécial qui permet à la BEI d'injecter, entre 1997 et 2000, 10 milliards d'euros de prêts additionnels dans les secteurs créateurs d'emplois, notamment pour les PME innovantes. Les prêts devraient avoir un effet de levier et mobiliser près de 20 milliards d'euros au bénéfice de l'emploi. Ils s'ajoutent à l'action traditionnelle de la BEI, qui a prêté 56 milliards d'euros pour les réseaux de transports, autorisant ainsi 150 milliards d'investissement. L'idée de M. Delors d'un grand emprunt européen continue à être soutenue politiquement par le Gouvernement. Par ailleurs, la réorientation des fonds structurels à travers l'objectif 3 est positive.

La mobilisation des crédits en faveur de l'emploi a donc lieu, comme le Gouvernement l'avait demandé à Amsterdam. Ce qui compte pour moi, comme pour vous, c'est la trajectoire et le mouvement. Je me rallie donc à la position de la commission, mais j'entends bien votre message. J'ajoute que la discussion sur le zonage va commencer et qu'il faudra mener une concertation approfondie avec les élus pour parvenir à la souplesse nécessaire. Je transmettrai vos observations à Mme Voynet, qui aura la charge de les faire appliquer par la DATAR.

M. Félix Leyzour - Ce problème très important est au coeur de ceux de l'Europe.

On sait que la majorité connaît des divergences sur les questions européennes. Il faut donc trouver des terrains d'entente. J'enregistre ce qui a été dit sur la bonne gestion des crédits européens, les projets de cartes de zonage et la réflexion à mener pour l'avenir et suis disposé à retirer cet amendement. Dans ces conditions, j'indique tout de suite que nous voterons cette résolution (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

M. le Président - L'amendement 2 est retiré.

M. René André - Je souhaiterais prendre la parole.

M. le Président - Je ne peux vous la donner sur un amendement qui a été retiré.

Mme Huguette Bello - L'amendement 3 a été signé par l'ensemble des représentants des départements d'Outre-mer à l'Assemblée. Son objectif est simple : maintenir, au moins, le niveau des dotations allouées par an et par habitant au titre de l'objectif 1 aux régions ultrapériphériques. C'est la traduction du traité d'Amsterdam, qui reconnait leur spécificité. Loin de remettre en cause la présente résolution, cet amendement s'inscrit dans la volonté du traité de maintenir comme axe prioritaire la cohésion économique et sociale au sein de l'Union. Après la réforme des fonds structurels, les départements d'outre-mer resteront éligibles à l'objectif 1 : indépendamment du critère du PIB, ils répondent en effet à celui de l'éloignement et de l'insertion dans les ensembles régionaux des pays tiers. Les moyens qui leur seront alloués à ce titre doivent tenir compte de deux facteurs : une programmation étalée sur 7 ans, et non 6, et l'augmentation démographique sur cette période. Cela oblige à considérer non pas le maintien de la dotation globale, soit en fait une diminution des moyens, mais le ratio annuel par habitant. Les sommes allouées à nos régions ne représentent d'ailleurs que 3 % des fonds de l'objectif 1. Les représentants des départements d'outre-mer, unanimes, ne pourraient donc accepter que le Parlement aille à la fois à l'encontre des priorités exprimées par l'Union européenne et des intérêts des départements d'outre-mer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. René André - Très bien !

Mme le Rapporteur - Je partage votre souci de ne pas voir l'enveloppe des fonds structurels destinés aux départements d'outre-mer diminuer. La commission avait initialement rejeté cet amendement, pour ne pas figer les montants par habitant au niveau arrêté en 1999. Elle jugeait préférable une dégressivité des aides en fonction du PIB, plus avantageuse pour les DOM, qui restaient de toute façon éligibles à l'objectif 1 et au fonds social européen. Mais après avoir entendu les avocats brillants de cette cause et à titre personnel, je deviens favorable à cet amendement. Je propose toutefois une modification purement formelle : il serait plus précis de parler du 2 de l'article 299 du traité instituant la communauté européenne tel que modifié par le traité d'Amsterdam.

Mme Huguette Bello - J'en suis d'accord.

M. le Ministre délégué - Le Gouvernement s'est félicité de la reconnaissance claire par le traité d'Amsterdam du statut spécifique de l'outre-mer, qui permettra de renforcer l'action communautaire en sa faveur. Il comprend le souci de cet amendement, mais on peut s'interroger sur l'opportunité d'invoquer cet article 299 dans le cadre de l'Agenda 2000. Les régions concernées -les DOM français, les îles portugaises des Açores et de Madère et espagnoles des Canaries- répondent en effet déjà aux critères d'éligibilité à l'objectif 1. Elles sont toutes en-deçà de 75 % du PIB moyen communautaire. Les DOM se situent à 50 %. Même dans le cadre d'un élargissement, qui ferait baisser le PIB communautaire, ils resteraient donc éligibles.

La position de la France est que le montant de l'enveloppe de l'objectif 1 ne doit pas être basé sur l'année 1999, année d'intensité maximale, pour ne pas faire exploser cette enveloppe -qui ne concerne pas, loin s'en faut, que les régions d'outre-mer. Notre souci en effet est, tout en conservant l'objectif 1, d'avoir le maximum en termes d'objectif 2. Cet amendement risquerait de donner lieu à toute une série de demandes inconventionnelles de la part de régions européennes, qui gonfleraient l'objectif 1 et donc réduirait de beaucoup l'objectif 2.

En outre, la France a proposé de concentrer et d'étager l'aide structurelle en faveur des régions les moins riches. Les régions au PIB inférieur à 65 % de la moyenne communautaire, c'est le cas des DOM, auraient les aides les plus élevées. Cette proposition a un double avantage : elle dirige l'aide là où elle est vraiment nécessaire et permet de stabiliser l'enveloppe de l'objectif 1 et donc la contribution française au budget communautaire. Le résultat pour les DOM devrait être en crédits de l'objectif 1 supérieur à la situation actuelle. Cet amendement ne me paraît donc pas apporter autre chose qu'une garantie illusoire, mais je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

L'amendement 3 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Léonce Deprez - En ce qui concerne les actions structurelles en faveur de la pêche, je regrette que la résolution se contente de rejeter le dispositif proposé. Il faut être constructif. C'est pourquoi je propose par mon amendement 1 d'ajouter un point 3 : "Demande la révision de la politique de soutien à la pêche artisanale en vue de favoriser le financement d'une nouvelle génération de chalutiers". C'est modeste mais efficace...

M. François Sauvadet - Très bien !

M. René Leroux - Mon amendement 4 a le même objet. Il ne demande pas une révision de la politique de la pêche mais qu'"à l'occasion de la réforme des instruments d'aide à la pêche, une priorité soit accordée à la modernisation et au renouvellement de la flottille de pêche artisanale". C'est une nécessité absolue pour la sécurité des marins, souvent engagés sur des navires anciens.

Mme le Rapporteur - La commission a préféré la rédaction de M. Leroux, non dans un esprit d'ostracisme mais parce que sa rédaction lui a semblé plus large que celle de M. Deprez. Ils traduisent tous deux le souci de moderniser la flotte artisanale et de favoriser l'installation des jeunes pêcheurs.

M. le Ministre délégué - Je partage cette analyse : il convient de favoriser l'apparition d'une nouvelle génération de chalutiers et de navires de pêche en général.

Afin de ne pas donner à la pêche industrielle le sentiment d'être oubliée, je propose toutefois de demander qu'à l'occasion de la réforme "soient assurés la modernisation et le renouvellement de la flottille de pêche française, en particulier de la flottille de pêche artisanale".

M. René Leroux - D'accord. Cette rédaction est encore plus complète.

M. Léonce Deprez - Mon objectif étant atteint, je retire l'amendement 1 au profit du 4, ainsi rectifié.

L'amendement 4 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Nous en venons aux explications de vote.

M. Christian Bataille - Les fonds structurels sont l'expression d'une solidarité entre Etats. Ils doivent permettre aux plus démunis d'atteindre les mêmes standards que les autres.

L'amendement sur les DOM qui vient d'être adopté marque aussi notre volonté de voir nos régions les plus démunies rejoindre le peloton de tête. J'invite à ce propos le Gouvernement à ne pas oublier le Hainaut français et ses 900 000 habitants, à 2 heures de Paris, qui avait retenu l'attention des Communautés européennes sur l'objectif 1.

Plutôt que de risquer la dilution de moyens limités, très en deçà du 2 % du PIB français, mieux vaut viser des cibles précises, comme l'indique la résolution.

La politique d'aménagement du territoire doit éviter d'empiler les dispositifs, et l'argent de l'Europe doit aller en priorité vers les territoires et les populations qui en ont besoin plutôt qu'aux entreprises qui ont engrangé de façon parfois étonnante les aides européennes.

N'oublions pas enfin que ces réformes ne peuvent être détachées de la perspective de l'élargissement.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera la proposition de résolution amendée.

M. Jacques Rebillard - Le groupe RCV est favorable à cette résolution.

Les fonds structurels n'ont pas vocation à être éternels.

Qu'une région en sorte montre qu'elle a comblé ses handicaps.

M. René André - Vision bien angélique...

M. Jacques Rebillard - La politique d'aménagement du territoire voulue par Mme Voynet et fondée sur une logique de projet et non de guichet va tout à fait dans ce sens. Oui, les projets de pays, d'agglomération, contribuent à rattraper les retards.

Cela vaut aussi entre les nations. Les politiques structurelles ne doivent pas favoriser la concurrence déloyale mais le développement interne. C'est pourquoi la commission a insisté sur la nécessaire convergence des législations sociales, j'ajouterai fiscales et environnementales.

Nous nous réjouissons aussi, avec nos amis des DOM, de l'adoption de l'amendement 3.

Le vote de cette résolution confèrera une responsabilité plus lourde aux ministres, mais aussi au Président de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV).

Mme Nicole Ameline - Nous redoutons pour notre espace rural les effets négatifs des fonds structurels combinés à ceux de la récente loi d'aménagement du territoire. Chercher à résoudre les difficultés des villes en bouleversant l'équilibre entre urbain et rural n'est pas une bonne solution.

Puisqu'on vient de parler de l'ultrapériphéricité, j'insiste pour que l'on n'oublie pas les régions éloignées du centre de gravité européen comme celles de l'arc Atlantique ou de la Méditerranée.

Enfin, à la suite de M. Leyzour, je déplore que l'administration française nous donne aussi peu d'informations sur la carte des fonds structurels. On parle souvent du déficit démocratique en Europe mais il y a là aussi, chez nous, un manque de transparence.

M. René André - Nous nous réjouissons que l'Assemblée ait adopté l'amendement relatif aux DOM-TOM, dont le sort nous préoccupait beaucoup.

Nous sommes également très attachés aux fonds structurels, qui permettent de mener au sein de l'Europe une véritable politique sociale et de l'emploi. Rappelons-le, c'est le Président de la République qui le premier, à Lille, a souligné que la politique européenne devait prendre en compte cette double dimension.

Quant à la carte des zones éligibles, qui se trouve entre les mains du ministre de l'environnement et de la DATAR, nous sommes inquiets. Il n'est pas normal en démocratie que nous ne connaissions toujours pas ce que sera cette carte, que nous ignorions quelles régions bénéficieront des fonds structurels. Nous partageons les observations formulées par M. Leyzour, auxquelles vous n'avez pas répondu précisément. Quand la découvrirons-nous ?

Je rejoins les remarques présentées par Mme Ameline sur les régions rurales et les zones périphériques. Il est indispensable de compenser l'éloignement de certains de nos territoires avec le centre de l'Europe.

Enfin la politique des fonds structurels est étroitement liée au processus d'élargissement de l'Union européenne. Cet élargissement, indispensable, suscitera des difficultés, mais sera pour finir source d'enrichissement pour toute l'Europe, en particulier pour notre pays, comme l'a montré le rapport du Commissariat général du plan.

M. Alain Cacheux - Au total, comment allez-vous voter ?

M. René André - Suspense !

M. François Sauvadet - Nous aussi sommes attachés aux fonds structurels, et je me réjouis de l'effort de solidarité décidé en faveur des DOM.

Au niveau européen, tout ce qui peut améliorer la gestion des fonds structurels est bienvenu, surtout quand on sait qu'ils sont parfois sous-consommés. Mais la contraction des territoires éligibles nous inquiète.

La répartition des aides à l'intérieur du territoire national nous préoccupe, surtout pour les zones rurales fragiles. Nous ne pouvons pas ne pas faire le rapprochement entre cette répartition et la discussion du projet de loi d'orientation et de développement du territoire, au cours de laquelle le Gouvernement a parlé d'un rééquilibrage au profit des villes et des quartiers sensibles. Nous ne sous-estimons pas ce problème, d'autant que 80 % des Français vivent en zone urbaine, mais il faut précisément s'occuper des 20 % demeurant en zone rurale si l'on veut éviter que davantage de gens encore aillent gonfler nos villes.

Enfin, vous avez déclaré vouloir vous faire le fidèle intercesseur auprès de vos collègues en faveur d'une lisibilité accrue des zonages. Or, quand nous apprenons en même temps que des cartes circulent sous le manteau, nous en tirons la conclusion que nous n'avons pas la même conception que vous de la transparence.

Nous avons l'impression que Mme Voynet et la DATAR cachent leur jeu, et sortiront au dernier moment une carte que la majorité plurielle devra bien accepter telle quelle.

Pour toutes ces raisons nous voterons contre la proposition.

L'article unique de la proposition de résolution, mis aux voix, est adopté.


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NOUVELLES PERSPECTIVES FINANCIÈRES

M. le Président - Nous en venons à l'examen de la proposition de résolution sur l'établissement de nouvelles perspectives financières pour la période 2000-2006 et le projet d'accord inter-institutionnel sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire.

ARTICLE UNIQUE

M. le Président - J'appelle dans les conditions prévues à l'article 91 alinéa 9, du Règlement, l'article unique de la proposition de résolution dans le texte de la commission.

M. François Guillaume - Le problème le plus délicat est celui de la demande allemande de réduction de sa contribution budgétaire. Sur ce sujet, vous avez commis trois erreurs de stratégie.

D'abord, vous n'avez pas réagi vigoureusement face à une demande dont le fondement me paraît mal assuré. Peut-être aurait-il fallu rappeler que dès l'origine de la Communauté européenne un accord entre de Gaulle et Adenauer avait consacré l'avantage pour la France de la réalisation d'un marché commun agricole, et pour l'Allemagne d'un marché commun industriel. De plus l'Europe a apporté une contribution substantielle à la réunification allemande, tant par des crédits que, par exemple, par l'attribution de quotas laitiers à l'Allemagne de l'Est très supérieurs à sa capacité de production, qui ont été ensuite répartis sur l'ensemble du territoire allemand.

On pourrait aussi rappeler aux Allemands que les avantages reçus ne se mesurent pas en termes strictement comptables. Ainsi l'Allemagne est bien placée pour profiter en premier chef de l'adhésion des pays de l'Est, qui réalisent avec elle les deux tiers de leur sous-traitance et la moitié de leurs flux commerciaux.

En second lieu, vous avez cru pouvoir profiter de la nouvelle répartition des aides pour pratiquer une politique des revenus en agriculture et financer les fameux CTE dont personne ne sait bien ce qu'ils seront. Les Allemands ont répondu par le cofinancement.

Enfin vous avez considéré que l'Allemagne avait raison de demander une réduction de sa contribution budgétaire. Vous l'avez déclaré en septembre devant des militants socialistes, en expliquant que la France ne pouvait pas toujours prétendre faire financer son développement agricole par l'Allemagne. M. Gérard Fuchs a confirmé dans son rapport que la demande des Allemands était incontournable. Ces derniers se sont sentis encouragés.

Il faudrait neutraliser les recettes des droits de douanes. Comme l'a souligné M. Fuchs, l'effet Anvers-Rotterdam permet aux Pays-Bas et à la Belgique de financer une partie de leur contribution par des prélèvements sur des biens qui ne font que transiter par leurs ports. On se souvient que Mme Thatcher a tiré parti en son temps d'une situation analogue. Elle estimait qu'elle payait trop, à cause des droits de douane sur les importations en provenance du Commonwealth.

Aujourd'hui, puisque vous considérez que la demande allemande est incontournable, comment allez-vous la satisfaire ? La PAC et les fonds structurels, ensemble, représentent 85 % des dépenses de la Communauté. C'est dans l'un de ces deux postes qu'il va falloir puiser. Lequel ? Vous refusez le cofinancement, et vous avez raison. Est-ce à dire qu'on puisera dans les fonds structurels ? J'ai posé la question ; vous n'avez pas répondu. Et si on veut vous imposer le cofinancement, utiliserez-vous le compromis de Luxembourg ? Ce serait un test, et de votre volonté politique, et de la validité de ce compromis dont on nous dit, selon les circonstances, tantôt qu'il est valable, tantôt qu'il ne l'est plus.

M. le Ministre délégué - Ma position est simple : on ne peut pas ignorer la demande allemande. J'ai présenté les chiffres, non pas devant les militants socialistes, mais devant cette catégorie particulière de militants que constitue le groupe socialiste de l'Assemblée, ainsi que devant la délégation pour l'Union européenne. Ces chiffres sont clairs : la participation allemande est trente-sept fois supérieure à celle de la France. On peut comprendre que ce pays souhaite un rééquilibrage. Nous n'avons pas pour autant adopté la logique du juste retour, et je pense que le rabais britannique devra être remis en cause à Berlin. Mais, par souci politique, nous voulons répondre en partie à l'Allemagne. Cela passe par une stabilisation des dépenses sous toutes les rubriques. Concernant la PAC, je ne vous ai pas bien compris. Il me semblait que, moins on baissait les prix -et telle est l'optique de la délégation française-, plus on faisait d'économies, donc plus on allait vers la stabilisation. En outre la France a fait des propositions sur la dégressivité des aides, recyclées vers le développement rural qui est une de nos priorités. Si les propositions de notre ministre de l'agriculture sont retenues, nous aurons un paquet plus économe. Même chose pour les fonds structurels à 200 milliards d'euros. Tout cela devrait permettre une gestion plus rigoureuse, et une baisse de la contribution allemande. Si nous avons la capacité de conforter les ressources propres et de remettre en cause partiellement le rabais britannique, on aura de fait un rééquilibrage, ce qui ne veut pas dire un "juste retour".

Pour le reste, je m'étonne de votre invocation du compromis de Luxembourg. Je participe à cette négociation depuis des mois, et je sais bien quelle est la méthode suivie : à toutes les étapes, la position de la délégation française s'est définie autour du Président de la République. C'est lui qui, la semaine prochaine, conduira cette délégation. C'est pourquoi j'aurais aimé un vote plus large, voire unanime, sur les fonds structurels, car nous avons besoin du soutien de la représentation nationale. Votre invocation perpétuelle de la France seule, comme si c'était possible dans le monde actuel, vos critiques s'adressent par avance à tous les membres de la délégation française, et je suis sûr que chacun d'eux y sera sensible (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Jean-Claude Lefort - Notre amendement 3 a un double objet : l'association des parlements nationaux à la définition des politiques européennes -la croissance, l'emploi, et les ressources nouvelles nécessaires à leur financement. Je concentrerai mon propos sur le premier point, car le second fait aussi l'objet de notre amendement 2.

Le point 2 du projet de résolution déplore la logique de reconduction qu'a privilégiée la Commission, et demande que le Conseil mette en place un groupe de travail chargé de lui soumettre avant la fin 1999 des propositions pour la mise en oeuvre de politiques "nouvelles", et la création de "nouvelles" ressources propres pour le financement de l'Union. Si j'insiste sur le mot "nouvelles", c'est qu'on a objecté à notre amendement que l'implication des parlements nationaux est déjà prévue par les traités. Mais il s'agit ici de l'avenir. Il serait sage de ne pas confier la définition des politiques nouvelles à un vague groupe de travail. Je souhaite que ces perspectives nouvelles ne soient pas dégagées sans implication des parlements nationaux.

Un mot enfin sur l'ensemble de la proposition de résolution. Si elle contient des choses avec lesquelles nous sommes d'accord, elle est pleine d'incertitudes et de silences, et son message pour l'avenir est dépourvu de clarté. Elle est en outre enserrée dans une méthode contre-productive qui consiste à partir des moyens dont on dispose pour définir les politiques qu'on va mener. La bonne méthode serait au contraire de dire d'abord ce qu'on veut faire en Europe, et ensuite d'en chercher les moyens. Ainsi on ne sait toujours pas pourquoi 1,27 % du PIB, plutôt que 1,15 ou 2 %. On pose arbitrairement des principes, sur lesquels on cale des politiques. Il faudrait au contraire définir des politiques, à partir desquelles on calerait des moyens financiers, en fonction bien sûr des contraintes. Ce projet contient trop de flou pour nous satisfaire vraiment. Nos votes précédents étaient clairs. Cette fois-ci, nous sommes vraiment circonspects. Il faut associer les parlements nationaux à l'avenir de l'Union, et non un simple groupe de travail.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances - La commission a entendu le raisonnement de M. Lefort. Elle a estimé que l'amendement tel qu'il est rédigé, abordant plusieurs sujets, risquait d'affaiblir la portée de cet alinéa, qui n'est pas flou comme le dit notre collègue. Il n'y a pas lieu de s'opposer à ce que le Conseil crée un groupe de travail. Les parlements nationaux, grâce aux procédures qui sont prévues, pourront s'associer aux propositions qui émergeront dans ce groupe de travail. Quant à la croissance et à l'emploi en tant que priorités communautaires, leur rappel n'est pas inutile, même si, depuis le Conseil extraordinaire de Luxembourg en 1997, l'Union s'est clairement orientée vers l'emploi. Mais comme vous reprenez la question de l'emploi dans votre amendement 2, il m'apparaît plus pertinent de retenir ce dernier et de repousser le 3, s'il est maintenu.

M. Gérard Fuchs, rapporteur au nom de la délégation pour l'Union européenne - le Conseil européen va se réunir dans une dizaine de jours. Le rapport a retenu l'idée de rester pour l'instant dans le cadre de 1,27 % du PNB, mais nous offrons au Conseil la possibilité d'aller plus loin, pour autant qu'il s'agisse de politiques nouvelles et que la charge pesant sur les citoyens européens n'en soit pas accrue ; ce qui signifie qu'il devra s'agir d'un transfert de ressources nationales et non d'un alourdissement de la pression fiscale. D'ici à la fin mars, nous restons à 1,27 %, mais nous entrouvrons la porte pour que puisse prévaloir ensuite la logique que vous défendez, Monsieur Lefort : définir des politiques nouvelles, et voir ensuite comment les financer.

M. le Ministre délégué - Je fais mienne la position du rapporteur et du rapporteur général. Le Gouvernement rendra compte à la délégation, ainsi qu'à la commission des affaires culturelles, de l'élaboration des lignes directrices et du plan national d'action pour l'emploi ; il n'est pas nécessaire de prévoir un rapport de plus.

M. Jean-Claude Lefort - Pour faire la preuve de mon esprit constructif, je retire l'amendement, mais je ne suis guère convaincu... (Sourires)

Les amendements 3 et 4 sont retirés.

M. Jean-Claude Lefort - Mon amendement 1 vise à remédier à une situation hautement paradoxale : des fonds sont dégagés sans être utilisés, alors que nous entendons les besoins qui montent des profondeurs du pays, DOM et TOM inclus. Parmi les raisons de cette sous-consommation des crédits figurent, certes, la lenteur insupportable de la bureaucratie, mais aussi la mauvaise volonté de tel ou tel gouvernement, peu empressé de favoriser des projets qu'il devra cofinancer.

M. François Sauvadet - L'attaque est directe !

M. Jean-Claude Lefort - J'ai bien dit : tel ou tel gouvernement... (Sourires) Je ne prétends pas que la solution que je propose soit la meilleure, mais il faut faire quelque chose pour que les crédits inscrits soient utilisés.

M. le Rapporteur général - Le problème serait encore aggravé par le report systématique des montants non utilisés. Au contraire, on peut penser que la nouvelle règle permettra une meilleure adéquation entre crédits inscrits et crédits utilisés, et évitera que ne se renouvelle le scénario, peu satisfaisant, de l'élaboration du budget communautaire pour 1999. L'adoption de l'amendement serait une formidable incitation au laxisme. On peut reprocher bien des choses à la technocratie, mais c'est au politique qu'il appartient de faire en sorte que les montants inscrits soient exécutés : le délai est de deux ans, des reports sont même possibles, mais leur systématisation serait pire que tout, et irait, qui plus est, à l'encontre de votre volonté de restaurer la primauté du politique.

M. Gérard Fuchs, rapporteur au nom de la délégation pour l'Union européenne - Un autre passage du texte de la résolution prévoit que les crédits non consommés pourront, éventuellement, être utilisés à des fins de relance contracyclique. En aucun cas, en revanche, le report ne doit être la règle.

M. le Ministre délégué - Je m'interroge sur cet amendement, car il me paraît contradictoire avec le souci, qu'a exprimé par deux fois M. Leyzour, de mieux gérer les crédits. C'est ce que permet, me semble-t-il, la nouvelle règle, qui évitera l'accumulation de crédits non utilisés en fin de période et incitera les gestionnaires des programmes à exécuter ceux-ci dans des délais normaux, la bisannualité permettant toutefois une souplesse plus grande qu'en droit budgétaire français.

L'amendement 1, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gérard Fuchs, rapporteur au nom de la délégation pour l'Union européenne - Je ne puis que défendre l'amendement 5...

M. le Ministre délégué - Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

M. le Président - J'observe que son adoption ferait tomber l'amendement 2 de M. Lefort, dont il a été longuement question tout à l'heure.

M. Jean-Claude Lefort - En ce cas, ne pourrait-on sous-amender l'amendement 5 pour y intégrer le contenu de l'amendement 2 ?

M. le Rapporteur général - Volontiers.

Le sous-amendement, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté, de même que l'amendement 5, ainsi modifié.

M. Léonce Deprez - Etant donné qu'il faut trouver des ressources nouvelles pour sortir de l'impasse, l'amendement 6 de MM. de Courson et Jegou et de Mme Idrac tend ingénieusement à affecter une partie du produit de l'impôt sur les sociétés au financement de l'Union, ce qui concourt en outre, à terme, à l'harmonisation de la fiscalité et à l'égalisation de la concurrence, sans aggraver le niveau global des prélèvements.

M. le Rapporteur général - La délégation a considéré, et la commission des finances l'a suivie, qu'il n'y avait pas encore lieu d'entrer dans le détail des futures ressources propres.

M. Gérard Fuchs, rapporteur au nom de la délégation pour l'Union européenne - Même avis. La délégation a déjà fourni une volumineuse contribution à ce débat à venir, en proposant une taxe sur l'énergie, une taxe sur le CO2, une taxe additionnelle à l'impôt sur le revenu, une taxe sur les télécommunications, sans parler de la taxe Tobin... Nous disposons donc d'une panoplie assez large de solutions, qui présentent l'avantage de ne pas nécessiter un transit par les caisses des Etats. Il paraît donc prématuré de trancher la question.

M. le Ministre délégué - La création de ressources nouvelles n'est pas à l'ordre du jour des négociations, suffisamment complexes comme cela, d'Agenda 2000. La priorité est au réaménagement du système actuel de ressources propres.

Dans son rapport, M. Fuchs a ouvert avec talent nombre de perspectives : on peut peut-être y ajouter celle-ci ! En tout cas, le Gouvernement s'engage à ouvrir le moment venu un débat approfondi sur cette question mais l'amendement ne lui paraît pas opportun compte tenu de ce qu'est l'Agenda 2000.

M. François Sauvadet - Très attachée à la construction européenne, l'UDF a tenu à contribuer au débat sur les prospectives financières de l'Union européenne afin de conjurer le risque que nous voyons se dessiner aujourd'hui, avec les propositions de renationalisation aussi bien qu'avec les demandes de "juste retour" présentées par l'Allemagne. La seule solution pour écarter tout danger est de doter l'Union européenne de ressources propres, à notre avis. Cela étant, nous prenons acte de votre volonté d'engager la réflexion.

L'amendement 6, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Nous en venons aux explications de vote sur l'article unique.

Mme Christiane Taubira-Delannon - J'ai bien conscience de ce que peut avoir de pénible une explication de vote présentée à une heure aussi tardive, après un débat où tant de voix intelligentes et autorisées ont exposé tant d'arguments et de contre-arguments, souvent de bonne foi, mais où, aussi, nous avons entendu tant de contre-vérités, proférées parfois de mauvaise foi... Au surplus, on ne tombe jamais amoureux d'une courbe de croissance ou d'un ratio financier. Mais peut-être faut-il vous punir de ne pas profiter des programmes culturels de la ville de Paris ! (Sourires)

Nous vivons dans une civilisation de l'urgence, qui rend les esprits paresseux : nous avons pris l'habitude de confondre l'Union européenne et l'Europe. Fort salutairement, deux événements sont venus nous rappeler que cette Union était une construction humaine qui, comme telle, exige qu'on trace des voies et suppose des antagonismes à surmonter et des divergences à estomper. Ce fut d'abord la résurgence de guerres, qui nous rappellent à la justification première de la CECA, de l'AELE et de la CEE : créer un espace d'échanges et de rencontres pour faire échec aux tentations belliqueuses. Ce fut ensuite l'élargissement de la Communauté, de six à huit, puis à quinze et qui pourrait, pourquoi pas, se poursuivre jusqu'à l'Oural, aux confins de notre continent.

Cet élargissement aux PECO va peut-être exercer une pression très forte en faveur de la politique étrangère de sécurité commune, qui se précise aujourd'hui grâce à une diplomatie revigorée et à l'appui que lui prête un arsenal juridique international de plus en plus substantiel, en dépit du chaos et des secousses. Tout cela va peut-être précipiter la formation d'une identité européenne.

Faire plus et mieux avec les mêmes moyens est un principe de bonne gestion, mais ce n'est pas un commandement divin. Nous savons bien sûr qu'il faut limiter les dépenses des plus gros contributeurs, mais il faut aussi préserver la solidarité interne dont les fonds structurels sont les meilleurs instruments. Il convient également de soutenir les efforts des pays candidats en cette période de pré-adhésion. Les réalités sont têtues : les écarts de développement rappellent la nécessité de maintenir notre action à un certain niveau. Nous sommes des élus et nos responsabilités sont politiques. Nous sommes enclins à accepter les méthodes qui consistent à définir une enveloppe globale -en l'occurrence 1,27 % du PNB- pour y faire tenir tous les besoins. La rigueur est de fait nécessaire en ces temps d'inégalités croissantes, et nous devons poser la primauté des objectifs et des nécessités. Nous croyons que, tout en gardant vif le souci de maîtriser les dépenses, nous pouvons continuer à utiliser la méthode qui a servi pour définir les "paquets Delors", I et II.

Le budget est la traduction financière de choix politiques, c'est un instrument de redistribution et un outil d'intervention pour corriger les désordres. C'est aussi le moyen d'exprimer une identité, par la part qu'on fait par exemple à la solidarité, singulièrement envers les pays en voie de développement. Connaissant les défis, il faut continuer à oeuvrer pour la cohésion économique et sociale ; il faut parvenir à rassembler les moyens qui correspondent à nos ambitions et améliorer nos performances démocratiques. A cet égard, l'esquisse de réforme des institutions de l'Union, si insuffisante soit-elle, est prometteuse.

Il reste à restaurer la confiance des citoyens, à mobiliser les peuples, à rendre les orientations communautaires compatibles avec les priorités nationales. Il faut aussi forger un avenir solidaire et alléchant. Les résolutions ne peuvent y suffire mais nous voulons prendre date : l'élargissement ne doit pas servir de prétexte à fragiliser les autres pays, notamment les pays ACP. Les régions ultrapériphériques doivent voir se concrétiser les dispositions de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam, qui reconnaît sans ambiguïté leurs particularismes. Cette aide ne sera d'ailleurs pas sans retour : l'outre-mer a des atouts qui ajouteront au poids de l'Union.

Enfin, n'inventons pas de faux antagonismes entre les régions, n'attisons pas des compétitions malsaines entre les démunis : il s'agit en effet d'assurer à chacun le mieux-vivre.

Face aux renonciations imposées et aux arbitrages, nous ne pouvons tous éprouver que frustration, mais c'est le lot des oeuvres communes et nous continuons à penser que mieux vaut faire un pas à cent que cent pas tout seul -on peut bien appeler Mao à la rescousse à presque minuit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Léonce Deprez - Il est positif que se soit imposée l'idée qu'on ne pouvait continuer à dégager des crédits sans jamais les consommer et, de ce point de vue, la règle des deux ans est un progrès apprécié par des élus du Nord-Pas-de-Calais qui auraient tant besoin de cette aide pour revitaliser leur région.

Il est évident que le financement de la PAC doit être le combat primordial. Nous devons défendre envers et contre tout une politique du juste prix : moins on baissera ces prix, moins il faudra faire appel à des subventions et mieux la Communauté s'en trouvera financièrement.

D'autre part, nous sommes tous d'accord sur la nécessité de ne pas alourdir les prélèvements sur les citoyens. La proposition consistant à mêler ressources propres traditionnelles et ressources PNB apparaît de bon sens.

L'objectif doit être de communautariser à terme ces ressources propres, c'est-à-dire d'en arriver à des ressources fédérales. Il n'y a pas d'autre solution si l'on veut faire prévaloir l'esprit européen !

L'Allemagne refuse de continuer à payer 37 fois plus que la France. Cependant, ne nous plaçons pas à cet égard en position de faiblesse : nous avons supporté pendant des années le coût de la réunification. Cette solidarité doit nous inciter à tenir bon et à réclamer de notre voisin le même comportement envers l'Europe.

Enfin, j'insisterai pour que nous laissions une marge de manoeuvre aux négociateurs -notamment au Président de la République- pour le dernier "round" des négociations. C'est pourquoi l'UDF s'abstiendra sur cette résolution, espérant que le chef d'Etat parviendra au meilleur résultat.

Mme Nicole Ameline - Nous nous abstiendrons de même.

Derrière le "message" sur les recettes transparaît de plus en plus clairement une logique de la dépense publique. Or le groupe libéral est totalement opposé à toute idée de ressources fiscales propres à l'Union. A commencer par des ressources à prélèvement constant, on ne s'expose pas moins à en venir un jour à un impôt européen que nous avons toujours refusé. Ne transposons pas à l'Europe des modèles nationaux aussi contestables : cela ne peut conduire qu'à un super-Etat et à une superfiscalité.

Nous connaissons les enjeux : le maintien des politiques traditionnelles, l'évolution vers des compétences nouvelles et surtout l'élargissement. Pour y faire face, il faut se centrer sur l'emploi le plus efficace et le plus économe des fonds européens, faire en sorte que les nouvelles actions soient financées d'abord par des redéploiements et éviter d'entrer dans une logique de dépense publique et de prélèvements obligatoires.

M. Henry Chabert - Nous avons déjà dit combien ces perspectives financières manquaient de rigueur et d'ambition et nous paraissaient donc inquiétantes. Mais comme la résolution souligne elle-même certains de ces manquements et faiblesses, nous nous abstiendrons.

L'article unique de la proposition de résolution, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance demain matin, jeudi 18 mars, à 9 heures.

La séance est levée à 23 heures 45.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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