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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 75ème jour de séance, 193ème séance

2ème SÉANCE DU JEUDI 18 MARS 1999

PRÉSIDENCE DE M. Yves COCHET

vice-président

          SOMMAIRE :

ARTS MARTIAUX (procédure d'examen simplifiée) 1

CHÈQUES-VACANCES 7

La séance est ouverte à quinze heures.


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ARTS MARTIAUX (procédure d'examen simplifiée)

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Patrick Leroy et de plusieurs de ses collègues relative à la délivrance des grades dans les disciplines relevant des arts martiaux.

M. le Président - La Conférence des présidents a décidé que ce texte ferait l'objet d'un examen simplifié.

M. Patrick Leroy, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - On pourrait s'étonner de ce que l'Assemblée délibère aussi rapidement de la proposition déposée par le groupe communiste, relative à la délivrance des titres dans les arts martiaux, mais il ne faut méconnaître ni la popularité de ces disciplines sportives ni la nécessité de leur donner un encadrement juridique strict.

En France, le judo est, de tous les arts martiaux, de loin le plus populaire et la Fédération française de judo compte plus de 500 000 licenciés répartis en 5 400 clubs. On compte 7 300 professeurs diplômés d'Etat et 40 000 dirigeants de clubs bénévoles. Les autres disciplines relevant des arts martiaux, notamment l'aïkido, le karaté ou le taekwondo sont moins pratiquées pour l'instant, mais elles le sont toujours davantage.

Pourquoi cette proposition ? La délivrance des titres établis par la gradation des ceintures et des "dans" ne sanctionne pas seulement le résultat de compétitions individuelles : elle tient compte, aussi, d'épreuves techniques ou d'exercices collectifs accomplis dans les clubs.

Or l'article 17 de la loi du 16 juillet 1984, relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, exclut explicitement que des titres soient délivrés de la sorte. Cet article dispose que les fédérations reçoivent délégation pour organiser les compétitions sportives et procéder aux sélections correspondantes et que c'est à l'issue de ces compétitions, et seulement dans ce cas, que sont délivrés les titres.

Or l'article premier du décret du 2 août 1993 fixant les conditions de délivrance de certains titres dans les disciplines sportives relevant des arts martiaux prévoit que les titres fédéraux que constituent les grades "sanctionnent la valeur sportive des pratiquants au regard de l'éthique et de la technique" des disciplines en cause. Il existe donc une distorsion entre le texte de la loi et celui du décret. Saisi par un syndicat de professeurs, le Conseil d'Etat a annulé ce décret.

Mais sur la base de ce texte, ce sont environ 60 000 grades ou "dans" qui ont été délivrés depuis 1993.

Il est donc indispensable que le législateur intervienne vite, d'une part, pour prendre acte de la décision du Conseil d'Etat, d'autre part, pour réaffirmer la place des fédérations dans la délivrance de titres. Tel est l'objet, limité mais indispensable, de la présente proposition.

L'article premier prévoit les conditions, dérogatoires au droit commun, de la délivrance des grades et "dans" par les fédérations agréées dans les disciplines et arts martiaux. Il prévoit également la possibilité de sanctionner par la délivrance d'un grade ou "dan" non seulement les performances obtenues après compétition mais aussi les qualités sportives et la connaissance technique de la discipline concernée. S'agissant en particulier du judo, il constitue une mise en conformité du droit avec le fait, en retenant une seule fédération délégataire par discipline ou, à défaut, une fédération agréée compétente pour délivrer les titres.

On sait que dans toute discipline sportive, la fédération agréée dispose d'un monopole : c'est le point essentiel de l'organisation du sport en France, et la loi sur le dopage, non encore promulguée, retient le principe que seules ces fédérations disposent d'un pouvoir disciplinaire encadré par la loi. Le droit de délivrer les titres qui leur sont conférés est parfaitement logique puisqu'elles disposent du pouvoir d'organiser les compétitions et de sanctionner les manquements. Elles ont un pouvoir général d'organisation, de contrôle et de discipline.

Les fédérations sont, en matière sportive, associées à la gestion du service public et les lois les plus récentes tendent à renforcer encore cette association. Le monopole de délivrance des grades est logique car il évite que des personnes n'ayant pas la qualification requise puissent enseigner et délivrer des titres. Il évite aussi que certains ne viennent encadrer de jeunes sportifs pour le seul profit qu'ils pourraient en tirer. Il évite encore que n'importe qui puisse s'intituler "moniteur", surtout dans des activités qui présentent un aspect intellectuel -ce qui est le cas du judo. Il permet de réglementer les activités lucratives des clubs. Le monopole est donc indispensable.

Le quatrième alinéa de l'article premier prévoit, en conséquence, que les commissions spécialisées soumettent les conditions de délivrance des grades à l'autorité ministérielle compétente. Le cinquième alinéa crée une commission consultative des arts martiaux. Ce dispositif qui ne paraît pas relever du domaine de la loi, apporte toutefois une précision utile au texte.

L'article 2 tend à valider les titres délivrés par les fédérations d'arts martiaux, dépourvus de fondement juridique depuis l'annulation par le Conseil d'Etat du décret du 2 août 1993. La jurisprudence du Conseil constitutionnel a posé diverses exigences de constitutionnalité des validations. En premier lieu, celle-ci doit poursuivre un but d'intérêt général, qui est ici manifeste puisque, plus de 60 000 grades ou "dans" ont été délivrés sans base juridique. On voit mal la totalité des clubs être contraints de recommencer la procédure de délivrance des titres en cause et d'organiser à nouveau examens et compétitions !

La validation doit, d'autre part, respecter explicitement l'autorité de chose jugée, ce qui est le cas ici, ainsi que la non-rétroactivité des peines et des sanctions, qui ne sont pas en cause. Son objet doit être défini avec une précision suffisante, ce qui résulte clairement du texte, lequel fixe la liste des disciplines concernées, la nature des titres en cause et la période pendant laquelle ils ont été acquis. On peut donc conclure que cette validation nécessaire est conforme aux exigences constitutionnelles.

La commission des affaires culturelles a adopté ce texte sans l'amender au-delà de son aspect technique, il pose la question du rôle des fédérations, qu'il convient de réaffirmer ici en les opposant aux intérêts mercantiles. C'est ce que la commission vous demande de faire en adoptant cette proposition (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports - Le Gouvernement approuve sans réserve cette proposition. Les arts martiaux connaissent un développement considérable et l'enthousiasme qu'ils suscitent au sein de la jeunesse a pour conséquence la multiplication des disciplines, dont plus de 180 sont recensées à ce jour. Cette évolution s'inscrit dans la diversification bienvenue des pratiques sportives.

Au-delà de certaines dérives, sectaires notamment, heureusement peu nombreuses mais qui doivent être prises très au sérieux, il est de notre responsabilité commune d'empêcher que la pratique de ces sports hors de tout cadre réglementaire ne mette en jeu la sécurité de ceux qui s'y livrent. Les services du ministère ont donc défini un plan d'action en plusieurs étapes qui vise à garantir à tous les pratiquants en encadrement qualifié.

La proposition de loi s'inscrit dans le même cadre. On sait que le "dan" sanctionne, en France, valeurs morales, technique et attitude corporelle. Sa délivrance doit être confiée à des structures assurant une mission de service public sous la tutelle de l'Etat. La proposition permet d'éviter ses dérives commerciales ou sectaires et elle donne au titre conféré une plus grande crédibilité en confiant sa délivrance à une structure unique dans chaque discipline. Ce faisant, elle légalise le mode d'attribution qui existe depuis 1976 et c'est pourquoi l'article 2 prévoit de valider les 60 000 grades "dans" délivrés depuis 1993.

La proposition favorise aussi l'égalité des chances dans l'accès aux grades, et elle assure un large partenariat entre les diverses instances concernées, sous la tutelle de l'Etat. Enfin, la commission consultative que vous proposez de créer garantira un dialogue permanent entre partenaires.

Cette proposition répond aux préoccupations et aux attentes des pratiquants et des pratiquantes, des professeurs et des dirigeants de ces disciplines (Applaudissements sur de nombreux bancs).

M. Daniel Feurtet - La commission des affaires culturelles a fait un excellent travail sur cette proposition déposée par le groupe communiste.

Vous savez, que dans votre circonscription, Madame la ministre, particulièrement à Blanc-Mesnil, ville dont je suis le maire, les arts martiaux sont très appréciés, notamment chez les jeunes. Le judo est l'un des emblèmes de la ville, grâce à un tournoi international de première importance. Vous connaissez bien le Blanc-Mesnil Sports Judo 93, club de l'élite nationale, qui a su associer le haut niveau à une dimension éducative remarquable.

L'article 17 de la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives exclut toute possibilité de délivrer des grades et "dans" en dehors des compétitions. Afin de remédier à cette situation, le précédent gouvernement, par un décret du 2 août 1993, a prévu cette délivrance par les fédérations délégataires ou à défaut par la fédération agréée qui organise la discipline, à l'issue des compétitions et lors d'épreuves techniques ou d'exercices collectifs accomplis dans les clubs.

Le Conseil d'Etat a annulé ce décret, par un arrêt du 28 janvier 1998. Le résultat de cette annulation est la remise en vigueur du décret du 4 novembre 1976 relatif à l'enseignement de ces arts martiaux, qui prévoit que le Comité national des grades a le monopole de délivrance des grades et dans. Ce décret, d'une légalité douteuse, est lui aussi susceptible d'annulation.

Mais, entre 1993 et 1998, près de 60 000 grades et dans, nécessaires pour l'inscription aux brevets d'Etat d'éducateur sportif et aux concours de professeur de sport dans les disciplines de judo, karaté, taekwondo et aïkido, ont été délivrés sans base juridique.

Le Conseil constitutionnel ayant rappelé, dans sa décision du 24 octobre 1969, que seule une loi à portée rétroactive peut valider la rétroactivité d'un acte administratif, il est donc indispensable que le législateur intervienne, d'une part, pour valider les titres délivrés entre 1993 et 1998, d'autre part, pour préciser l'étendue des prérogatives accordées aux fédérations.

Le développement des pratiques sportives et le risque pour la sécurité physique et morale des licenciés justifient l'existence d'une réglementation propre à ces disciplines.

L'article premier de la proposition accorde le pouvoir de délivrance des grades et dans aux fédérations sportives délégataires ou à défaut aux fédérations sportives agréées. L'Etat déterminera par arrêté la liste de ces fédérations. Il approuvera également les conditions de délivrance des grades, sur proposition de commissions spécialisées dont la composition sera fixée par arrêté ministériel. Pourraient siéger dans ces commissions des représentants de la fédération délégataire, des fédérations affinitaires, des organisations professionnelles ainsi que des représentants syndicaux.

Dans un souci d'harmonisation entre disciplines, sera également créée une commission consultative des arts martiaux comprenant des représentants des fédérations sportives concernées et de l'Etat, dont la composition sera arrêtée par le ministère chargé des sports. Cette commission aura une mission de conseil et d'expertise auprès de ce ministère, en particulier sur toutes les questions techniques, déontologiques, administratives et de sécurité.

L'article 2 valide les titres délivrés par les fédérations d'arts martiaux, qui sont dépourvus de tout fondement juridique depuis l'annulation par le Conseil d'Etat du décret du 2 août 1993. Cette validation, parfaitement nécessaire et logique, est en tout point conforme aux exigences constitutionnelles. On ne peut en outre obliger la totalité des clubs à recommencer la procédure de délivrance des titres en cause et organiser de nouveaux examens et compétitions.

J'invite donc l'Assemblée à voter cette proposition (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Patrick Ollier - La décision du Conseil d'Etat du 28 janvier 1998, annulant le décret du 2 août 1993, relatif à l'attribution des grades et dans, a mis votre administration, Madame la ministre, dans une situation inextricable. D'un côté, un décret sans base légale et la loi du 16 juillet 1984, de l'autre près de 60 000 gradés ceinture noire, 1er et 2ème dans, niveau nécessaire pour accéder à l'enseignement d'un art martial, par le biais du brevet d'Etat d'éducation sportif du 1er degré.

Les grades, dans et brevets délivrés depuis cette date se trouvent ainsi privés de toute base légale et c'est ce qui motive notre discussion.

Bien que l'on retrouve dans la rédaction du texte de la proposition la technicité de votre administration, nous sommes surpris qu'il soit présenté par le groupe dont vous êtes issue...

M. Maxime Gremetz - Oh !

M. Patrick Ollier - ...alors que l'arrêt cassé l'a été à l'initiative d'une fédération affinitaire agréée, proche, elle aussi, de la gauche plurielle...

Je salue le sens de l'opportunité et cette nouvelle spécialisation du groupe communiste... (Sourires)

Je m'étonne toutefois que l'on nous présente ainsi, dans l'urgence, un embryon de texte, alors que cette mesure aurait dû trouver place dans votre loi-santé, véritable tapisserie de Pénélope sans cesse remise sur le métier qui devrait, à l'issue d'une large concertation, promouvoir le sport du troisième millénaire.

D'un côté, il y a des situations individuelles à résoudre, des emplois à préserver, et notre sens de la responsabilité nous incite à voter ces dispositions. De l'autre, nous craignons de délivrer un chèque en blanc ; cette commission consultative est bien floue -les syndicats des professeurs, les fédérations affinitaires, proches de la gauche plurielle qui ont fait invalider votre décret, y seront-ils représentés ?

Loin de nous l'idée de ne pas reconnaître la prééminence des fédérations délégataires dont les athlètes et les maîtres s'illustrent sur tous les dojos du monde. Mais, le moment n'est-il pas venu de permettre aux fédérations agréées de mieux être représentées ? Les syndicats professionnels doivent avoir leur mot à dire, eux qui forment les grands bataillons de licenciés ? Ayant moi-même pratiqué le judo en compétition pendant plus de 20 ans, je sais de quoi je parle, sans compter que j'ai reçu de nombreuses lettres en ce sens.

Si une ouverture est nécessaire, notre groupe refuse la brèche et il est hors de question de reconnaître les groupes, les groupuscules dont les pratiques sont plus proches des sectes que du sport !

M. le Rapporteur - Tout à fait !

M. Patrick Ollier - De vos réponses, Madame la ministre, dépendra notre position.

S'il est vrai que le sport rassemble, encore faudrait-il que cela s'opérât dans la transparence et dans le progrès.

M. Georges Hage - Bel imparfait du subjonctif (Sourires).

M. Patrick Ollier - Nous n'y sommes pas encore, Madame la ministre, et le groupe RPR regrette de ne pas retrouver dans les textes que vous proposez les valeurs auxquelles il est attaché.

Cela dit, et dans l'intérêt de ceux qui pratiquent les arts martiaux, si vous nous confirmez vouloir éviter la dérive sectaire, le groupe RPR votera ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Michel Dasseux - Le sport français est en pleine évolution et je veux rendre hommage à Marie-George Buffet pour le travail remarquable qu'elle effectue notamment pour la compréhension de la psychologie du sportif et pour sa protection physique et morale, on l'a vu avec la loi contre le dopage.

Mme Yvette Benayoun-Nakache - Très bien !

M. Michel Dasseux - Dans le cadre de la protection des sportifs, surtout des plus jeunes, il est indispensable que les enseignants d'arts martiaux soient très sérieusement recrutés puis très sérieusement suivis par des fédérations, qui ont des comptes à rendre au ministère de tutelle. La délivrance des titres à l'occasion des compétitions doit être l'apanage des fédérations agréées ou ayant délégation de pouvoir.

Jusqu'en 1993, l'Etat a réglementé l'attribution des grades et dans. Sur la base de la loi du 16 juillet 1984 relative à la promotion des activités physiques et sportives a été pris le décret du 2 août 1993 qui prévoit la délivrance des grades et dans par les fédérations délégataires ou agréées. Un arrêt du Conseil d'Etat du 28 janvier 1998 a annulé ce décret au motif que "les grades et dans ne constituent pas de titres délivrés à l'issue de compétitions sportives".

Arrêtons-nous un instant sur la spécificité des arts martiaux, en particulier du judo qui compte 550 000 licenciés.

Un dan de judo atteste à la fois le SHIN, valeur morale du pratiquant, le GHI, sa technique, le TAI, sa capacité de compétiteur, sa valeur physique. Son obtention nécessite un certain nombre de points obtenus au cours de compétitions officielles.

Les fédérations délégataires doivent délivrer les grades par l'intermédiaire des commissions spécialisées qui comprendront des représentants de toutes les parties prenantes y compris les professeurs. Ainsi, nul ne pourra se prévaloir d'un grade obtenu par une autre voie. Il convient de maintenir une unité dans la délivrance des grades, donc dans le contenu des formations, afin d'assurer une meilleure sécurité aux pratiquants. En outre, les grades sont nécessaires pour l'obtention d'un diplôme d'Etat de professeur d'arts martiaux. S'ils ne sont accessibles qu'après plusieurs années de pratique, c'est pour garantir la maturité du pratiquant. Il en est ainsi au Japon, pays d'origine de ces arts martiaux.

L'Etat fixe les conditions pour se présenter au brevet d'Etat, au nombre desquelles peut figurer un niveau technique minimum reconnu par une fédération qui a délégation de service public. Il n'y a pas là atteinte à la liberté du travail : pas plus que lorsque l'Education nationale délivre des diplômes ! D'autre part, rien n'empêchera les enseignants d'exercer leur profession de manière indépendante.

Les commissions spécialisées et la commission consultative seront composées de représentants des fédérations et des enseignants, ce qui garantit au ministre des avis motivés sur toutes les questions techniques, déontologiques ou administratives.

A ceux qui crient à la mort des arts martiaux, je répondrai qu'au contraire cette clarification évitera tout débordement, toute dérive. En effet, la connotation orientale ou exotique, voire le mystère, attachés à ces arts peuvent susciter certaines manipulations préjudiciables à l'intégrité physique ou morale de leurs pratiquants.

A l'évidence, la sécurité des enseignements dispensés et la continuité de l'action reposent avant tout sur les fédérations. C'est pourquoi les missions de service public qui leur sont confiées doivent faire l'objet de directives claires. Le groupe socialiste vous invite donc à voter cette proposition sans restrictions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Denis Jacquat - La popularité des arts martiaux, en particulier du judo qui compte plus de 500 000 licenciés répartis en 5 400 clubs, ainsi que les excellents résultats obtenus par nos équipes nationales méritent que l'on comble l'inquiétant vide juridique dû à l'annulation par le Conseil d'Etat, le 28 janvier 1998, du décret du 2 août 1993 qui prévoyait que la délivrance des grades et "dans" incomberait exclusivement aux fédérations délégataires ou, à défaut, à la fédération agréée qui organise la discipline. Pour prendre cette décision, le Conseil s'était fondé sur l'article 17 de la loi du 16 juillet 1984, selon lequel c'est uniquement à l'issue des compétitions que sont délivrés les titres. En ce sens, le décret de 1993, en précisant que cette délivrance pouvait aussi s'appuyer sur des épreuves techniques ou exercices collectifs en clubs, était bien contraire à la loi.

Dès lors qu'il ne pouvait plus s'appliquer, il fallait en revenir à la loi du 16 juillet 1984, qui ne confie pas aux fédérations délégataires le monopole de délivrance des grades et "dans". Cette situation est dangereuse, car les "dans" sont quelquefois malheureusement utilisés par des structures mercantiles à des fins plus commerciales que pédagogiques. Il existe donc un risque d'arbitraire d'autant moins acceptable que les grades et "dans" sont indispensables pour accéder aux diplômes d'enseignement. Les galvauder, les brader nuirait à leur crédibilité et désorienterait le monde des arts martiaux.

Il est donc indispensable que le législateur intervienne pour réaffirmer la place exclusive des fédérations dans la délivrance de titres, même s'ils ne sanctionnent pas exclusivement une compétition.

C'est précisément l'objet de cette proposition de loi qui tend, d'une part, à valider les grades et "dans" délivrés par les fédérations qui avaient reçu cette attribution par le décret du 2 août 1993 ; d'autre part, à déroger à l'article 17 de la loi de 1984, en raison de la spécificité de ces disciplines.

Pour les arts martiaux, les grades et "dans" sanctionnent les qualités sportives, les connaissances techniques et, le cas échéant, les performances en compétition. Ils seront délivrés par la commission spécialisée au sein de la fédération délégataire ou, à défaut, de la fédération agréée compétente. Ce monopole complète celui qu'a prévu le projet de loi sur le dopage en matière disciplinaire. Le rôle des fédérations est ainsi réaffirmé.

Comme l'importance donnée à la lutte contre le dopage, cette proposition témoigne que l'heure est désormais au respect de l'éthique dans le monde du sport. Le groupe DL le votera donc (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Léonce Deprez - Au milieu de toutes les perturbations, le sport doit conserver ce qui fait son attrait et sa beauté. Il faut donc le mettre en état de résister à l'assaut des forces occultes et à tout ce qui pourrait le détourner de son objet : favoriser l'épanouissement de la joie de vivre. Pour cela, il faut qu'il obéisse à des règles précises, reconnues de tous.

La proposition de loi déposée par nos collègues communistes tend à définir les autorités habilitées à délivrer les grades dans les différentes disciplines des arts martiaux. Reconnaissant le rôle des fédérations à cet égard, elle mérite d'être soutenue et le groupe UDF la votera donc.

En même temps qu'il satisfait un besoin de clarification, ce texte a une valeur symbolique, au moment où nous découvrons les pratiques contestables qui se sont développées dans l'organisation des jeux olympiques et dans le choix des villes candidates -pour ne pas parler des libertés prises par tel commissaire européen avec les règles administratives. Le sport demande qu'on respecte les règles du jeu : encore faut-il que celles-ci soient clairement définies. Les élus du Nord-Pas-de-Calais, par exemple, sont aujourd'hui en droit de s'interroger sur les chances réelles qu'avait Lille d'accueillir les JO. Cependant, même si nous avons perdu, nous avons eu raison de mener une campagne modeste...

Ce matin, j'ai entendu notre collègue Guy Drut annoncer que le CIO allait créer un comité d'éthique et j'avoue que j'ai été choqué : le CIO n'aurait-il pas dû par lui-même être le comité d'éthique par excellence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) Il est indispensable que, face à ses compétiteurs, aucun sportif ne puisse ressentir le sentiment que nous éprouvons aujourd'hui devant les dérives auxquelles donne lieu le choix de la ville qui aura l'honneur d'accueillir la flamme olympique. Nous ne pouvons donc qu'approuver cette proposition, qui dissipera tout doute quant au niveau : la ceinture noire obtenue à Lille et celle décernée à Perpignan auront la même valeur. Nous regrettons que cette clarification ne soit pas intervenue plus tôt, mais saluons ceux qui en ont pris l'initiative et félicitons-nous qu'une fois de plus, le sport suscite le consensus (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe DL).

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles - Je veux souligner la qualité du travail fourni par M. Leroy dont je rappelle qu'il n'a été mû que par le désir de répondre aux sollicitations de fédérations qui s'inquiétaient de voir 60 000 grades en suspens après l'annulation du décret. Je me réjouis aussi de l'initiative du groupe communiste et je vous salue, Madame la ministre, pour la qualité du dialogue que vous avez noué avec la commission des affaires sociales, familiales et culturelles -j'aimerais ajouter : sportives !

Monsieur Ollier, ce texte était vraiment nécessaire. Quant à la santé des sportifs, nous nous en sommes préoccupés : n'avons-nous pas voté récemment une loi "relative à la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage" ? Je vous annonce d'ailleurs que, la semaine prochaine, notre commission publiera, comme pour les grands textes, une brochure consacrée à celui-ci, afin d'en faire largement connaître les dispositions.

La présente proposition était très attendue, dans le Nord-Pas-de-Calais autant qu'au Blanc-Mesnil. (Sourires). A quoi tend-elle ? A placer les fédérations au centre d'un dispositif qui vise d'abord à moraliser l'attribution des grades, car nous savons que celle-ci n'était parfois par conforme à l'éthique du mouvement sportif.

Cela devrait être fait de façon urgente. Pour autant, ce texte est mûrement réfléchi et je pense que Mme la ministre vous rassurera, Monsieur Ollier, sur la composition des commissions et sur les conditions de leur mise en place. Rien ne devrait donc s'opposer à un vote unanime (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme la Ministre - Soyez certain, Monsieur le président Ollier, que je serai toujours aux côtés de ceux qui agissent pour préserver de toute dérive les valeurs dont le sport est porteur. Cela a déjà été le cas pour le dopage, qui pose les questions de la santé des sportifs et de la tricherie. C'est le cas aujourd'hui encore avec cette proposition, qui renforce les garanties déontologiques. Vous avez raison les enquêtes réalisées par nos services déconcentrés ont montré que certaines des 180 disciplines concernées étaient touchées par des pratiques sectaires.

J'appelle les élus locaux à manifester beaucoup de vigilance sur ce qui se passe dans certains quartiers. On croit parfois assurer le calme, alors que s'installent des sectes ou même des groupes intégristes. Nous surveillons de très près ces pratiques et nous avons déjà refusé des agréments lorsque l'intégrité morale ou physique des pratiquants ne nous semblait pas garantie.

La loi sur le sport, à laquelle nous allons travailler au dernier trimestre, permettra de s'attaquer à d'autres dérives, celles notamment qui traduisent l'influence de l'argent sur le sport.

En ce qui concerne les commissions spécialisées, nous avons intérêt à y associer tous les acteurs, fédérations délégataires, associés et affinitaires, représentants des professeurs et des structures professionnelles. Ce sera également le cas dans la commission consultative à laquelle je souhaite associer aussi des représentants des élus.

Je remercie à nouveau le rapporteur et la commission pour le travail accompli (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

L'ensemble de la proposition, mis aux voix, est adopté.


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CHÈQUES-VACANCES

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, modifiant l'ordonnance du 26 mars 1982 portant création des chèques-vacances.

Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme - J'ai d'autant plus de plaisir à vous présenter ce projet qui élargit l'accès aux chèques-vacances que votre commission a rétabli le sens premier de ce projet, modifié par le Sénat.

Il s'inscrit dans la politique d'ensemble que je mène depuis mon arrivée au ministère, à partir de trois réalités : le tourisme est un secteur économique important créateur d'emplois ; nos concitoyens aspirent à accéder aux vacances et aux loisirs ; le tourisme développe les valeurs d'amitié, de solidarité, d'échange qui ont besoin d'être revivifiés, il est facteur de tolérance et de paix.

En 1998, nous avons accueilli 70 millions de touristes et dégagé 70 milliards d'excédents pour la balance des paiements. On ne saurait se réjouir de ces excellents résultats sans agir en même temps pour qu'un plus grand nombre de Français accèdent aux vacances.

40 % ne partent pas ou peu. 35 % des foyers disposant d'un revenu mensuel inférieur à 6 000 F ne partent jamais. La moitié de ceux qui ne partent pas vivent dans un foyer dont les revenus mensuels ne dépassent pas 10 000 F par mois.

C'est pourquoi j'ai voulu relancer la politique sociale du tourisme par différentes actions. J'ai doublé le budget affecté à la rénovation du patrimoine social. J'ai fait inscrire le droit aux vacances pour tous dans la loi de lutte contre l'exclusion et crée une "bourse solidarité vacances". J'ai impulsé une redéfinition des missions du tourisme social. Ainsi se tiendront en mai prochain à Paris les premiers états généraux du tourisme social et associatif.

Un moyen moderne et bien adapté existe depuis 1982, le chèque-vacances.

Un million de salariés, quatre millions de personnes en bénéficient. Il repose sur l'épargne du salaire et sur une contribution de l'employeur. Il a été émis pour 3,7 milliards de chèques-vacances en 1998.

En bénéficient actuellement les salariés des grandes entreprises grâce aux comités d'entreprise et les agents de la Fonction publique. 67 % des bénéficiaires ont un revenu inférieur à 15 000 F par mois et un tiers d'entre eux ne prendraient pas de vacances sans ce système.

Mais 55 % des salariés du secteur privé en sont exclus, ceux des PME de moins de 50 salariés, dans lesquelles en outre les salaires sont modestes et où il n'existe guère d'activités sociales.

Ce projet entend rétablir un peu de justice entre les salariés.

Il s'inscrit pleinement dans la continuité de l'ordonnance de 1982, portant création du chèque-vacances, dont le préambule rappelait que "le droit aux vacances reconnu aux travailleurs en 1936 n'a pu s'inscrire, dans les faits, que parce qu'étaient mis en place certains moyens permettant de l'exercer".

Dans cet esprit, je vous propose d'ouvrir le bénéfice des chèques-vacances à plus de 7,5 millions de salariés en levant les obstacles à sa diffusion, dans les 1 400 000 entreprises concernées.

Aujourd'hui, 95 % des chèques-vacances sont diffusés par les comités d'entreprise, sur leur budget d'activités sociales, en application de l'article 6 de l'ordonnance. De ce fait, ils ne sont pas soumis aux cotisations sociales.

Les PME n'ayant pas obligation de créer un comité d'entreprise, la participation de l'employeur est assimilée à une rémunération et donc soumise à cotisations sociales, aux termes de l'article 2 de l'ordonnance. J'entends lever ces obstacles grâce à quatre mesures nouvelles.

D'abord, dans les entreprises de moins de 50 salariés, la contribution employeur sera exonérée des charges sociales. Cette exonération s'assortit de l'obligation de conclure un accord d'entreprise entre celle-ci et les délégués syndicaux ou en leur absence un salarié mandaté. Dans le cadre de la loi sur la réduction du temps de travail, 42 % des accords signés le sont par des mandatés.

Ensuite, il sera créé une voie collective de délivrance du chèque-vacances. Elle nécessitera un accord collectif de branche ou territorial conclu entre partenaires sociaux.

Comme vous le constatez, ce projet renforce le dialogue social. C'est, j'en suis persuadée, le meilleur moyen de développer le chèque-vacances.

En troisième lieu, sera pris comme référence non plus l'impôt payé mais le revenu fiscal de référence du foyer, lequel a été fixé, pour 1999, à 87 680 F pour une part, et majoré de 19 990 F par demi-part supplémentaire. C'est favoriser légèrement les familles.

Enfin, le chèque-vacances sera étendu aux dockers et marins-pêcheurs, oubliés en 1982.

Le dispositif du chèque-vacances est géré par l'Agence nationale pour le chèque-vacances, organisme sous tutelle de l'Etat, dont le conseil d'administration est composé des partenaires sociaux et d'acteurs du tourisme. Les excédents de gestion sont essentiellement utilisés pour aider les familles en difficulté à partir : en 5 ans, 60 000 bourses-vacances ont été attribuées par l'intermédiaire des associations caritatives. Ils servent aussi à la rénovation du patrimoine social : en 1998, 100 projets de réhabilitation ont été subventionnés, pour un montant total de 26 millions.

Les 3,7 milliards émis en chèques-vacances en 1998 ont généré 10 milliards de consommation touristique chez les 130 000 prestataires agréés. Le système est donc très profitable à l'économie touristique, comme au développement local.

Le Sénat a profondément modifié le projet, en dénaturant l'objet social du chèque-vacances. Il a élargi les conditions fiscales d'accès, étendu l'exonération à toutes les entreprises, porté atteinte à la volonté du Gouvernement de développer le dialogue social, fragilisé le statut de l'Agence nationale.

Je dois vous féliciter, Monsieur le président de la commission et Monsieur le rapporteur pour la qualité du travail que vous avez réalisé. Vous avez redonné à ce texte son objectif premier qui est de permettre au plus grand nombre, en particulier, aux plus démunis, de partir en vacances. Les réflexions que vous avez menées sur l'accès au chèque-vacances des salariés précaires et des bénéficiaires d'emplois-jeunes relèvent d'un souci légitime.

Je partage votre volonté de donner toute sa place au dialogue social. C'est la raison pour laquelle le projet qui ouvre deux voies, celle de l'accord de branche ou territorial pour la mise en place d'organismes paritaires et celle de l'accord d'entreprise.

En 1982, l'institution du chèque-vacances était destinée à réduire les inégalités devant le droit aux vacances : cet objectif est plus que jamais d'actualité. Mon ambition est de doubler en six ans, le nombre des bénéficiaires. Il y aurait ainsi 150 000 nouveaux bénéficiaires par an.

Tout le monde, en effet, aspire à se retrouver en famille, à découvrir d'autres cultures, d'autres paysages, à nouer de nouveaux liens. 82 % des salariés des PME utiliseraient le chèque-vacances s'ils le pouvaient et les trois quarts estiment que cela les aiderait à partir en vacances plus souvent, selon un sondage dont la presse s'est fait l'écho ce matin ; 71 % des salariés et 59 % des employeurs sont favorables au projet d'extension du chèque-vacances ; près de la moitié des employeurs de PME/PMI seraient prêts à consacrer de 0,1 à 0,5 % de leur masse salariale pour abonder le système au profit de leurs salariés.

A ma demande, l'ANCV va donc s'employer à mobiliser tous les acteurs, organisations professionnelles et consulaires et partenaires sociaux, et à convaincre les entreprises éligibles -1,4 million.

L'Italie, l'Espagne, le Portugal se préparent à mettre en place un dispositif de chèque-vacances et le Bureau international du tourisme social réfléchit à l'extension du système au niveau européen : c'est une bonne chose pour la construction d'une Europe sociale.

Depuis 1936, le progrès social passe par le développement du droit aux vacances. La réduction du temps de travail va libérer du temps libre : il nous appartient d'agir pour que cette avancée sociale ne se traduise pas par une accentuation des inégalités, mais offre un espace de liberté, de fraternité. Plus de deux siècles après la Révolution française, le bonheur reste une idée neuve en Europe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Gérard Terrier, rapporteur de la commission des affaires culturelles - Votre promesse est tenue, madame la ministre : il y a moins d'un an, vous vous étiez engagée à nous présenter un projet de loi étendant le champ d'application des chèques-vacances. Je me félicite que vous ayez conservé à ce projet l'orientation sociale qu'avaient voulue les initiateurs de l'ordonnance, en particulier le président Le Garrec. Je me réjouis de l'excellent travail que j'ai pu accomplir avec vous-même et votre cabinet.

Créé par l'ordonnance du 26 mars 1982, le système des chèques-vacances a pour but de développer une aide à la personne pour permettre le départ en vacances des salariés les plus défavorisés grâce à une contribution de l'employeur abondant leur participation, afin de réduire les inégalités devant le droit aux vacances.

Ce système a connu un réel succès comme l'atteste la constante progression du chiffre d'affaires de l'Agence nationale de chèques-vacances créée par l'ordonnance pour émettre et gérer les chèques-vacances. Le montant de chèques émis en 1983 atteignait à peine 4,6 millions pour dépasser les 3,6 milliards en 1998.

Le chèque-vacances a pleinement rempli sa mission sociale puisque 67 % des porteurs de chéquiers ont un revenu inférieur à 15 000 F et que le tiers de ses bénéficiaires ne prendrait pas de vacances sans ce système.

Le chèque-vacances qui bénéficie à un million de salariés aux revenus modestes, permet aussi de soutenir le développement d'équipements de tourisme à vocation sociale, y compris la petite hôtellerie familiale et les campings -70 millions redistribués pour ce secteur de 1994 à 1998.

Il constitue ainsi un vecteur de structuration du territoire : 80 000 professionnels du tourisme et des loisirs représentant 150 000 points d'accueil bénéficient de l'agrément chèque-vacances.

De même, il contribue à l'organisation des vacances et de loisirs en faveur de populations défavorisées, en coopération avec des organismes sociaux ou des associations caritatives -42 millions reversés depuis 1987, dont 7,9 en 1997 pour ce public.

Enfin, il contribue largement au développement économique, puisque les 3,6 milliards représentant le montant des chèques émis en 1998, ont induit une consommation trois fois supérieure.

Reste que 40 % des Français, dont plus de la moitié pour des raisons financières, ne partent pas en vacances.

Le rôle social du chèque-vacances doit donc être renforcé, par l'élargissement de son champ d'application. En effet, l'absence de comité d'entreprise dans les entreprises de moins de 50 salariés conduit, de fait, à exclure quelque 7,5 millions de salariés du bénéfice de cet instrument de promotion de vacances populaires. Il convenait de remédier à cette situation dénoncée par l'ensemble des organisations syndicales, patronales et de tourisme social.

Le présent projet a donc pour objet d'étendre le bénéfice du chèque-vacances à tous les salariés des petites et moyennes entreprises de moins de 50 salariés, en préservant le caractère social et redistributif du dispositif et en favorisant l'intervention des partenaires sociaux.

Le chèque-vacances pourrait être valable en Europe, sous condition de réciprocité, des décrets pourraient y pourvoir.

Le Sénat, au cours de sa première lecture, a amendé de façon importante le projet, tourné désormais vers l'économie de profit.

La portée sociale voulue initialement s'en trouve réduite, notamment du fait de l'élargissement de l'exonération des charges sociales à toutes les entreprises et du relèvement important du plafond de ressources donnant accès aux chèques-vacances.

Le Sénat a également tenu à limiter le dialogue entre les partenaires sociaux à une simple consultation et non plus à un accord d'entreprise, et a modifié les missions de l'ANCV.

Il me paraît donc utile de revenir pour une grande partie au texte initial, en lui apportant des améliorations inspirées par l'audition des représentations patronales des PME PMI, qui accueillent très favorablement ce projet, ainsi que des syndicats salariaux qui nous ont fait part de quelques observations.

Le projet s'articule autour de cinq articles ; le texte voté par le Sénat comporte cinq articles nouveaux. L'article premier met à jour des références obsolètes du code du travail, et élargit l'accès des salariés au système des chèques-vacances : dockers, marins-pécheurs... Je vous proposerai un amendement précisant l'ouverture des chèques-vacances aux emplois jeunes et aux titulaires d'un contrat d'emploi consolidé, suivi d'un article additionnel en faveur des non titulaires de la fonction publique et d'un autre ouvrant les chèques-vacances à la zone Euro.

Le deuxième article récrit l'intégralité de l'article 2 de l'ordonnance définissant les conditions auxquelles doivent répondre les salariés pour bénéficier du chèque-vacances, et reprend le contenu du premier alinéa de l'article 3 de l'ordonnance, relatif à la procédure de concertation avec les institutions représentant le personnel. Le projet, au 1 de cet article, substitue un critère de revenu au critère d'imposition retenu par l'ordonnance, pour déterminer les bénéficiaires. C'est une mesure de justice sociale, car un montant identique d'impôt peut recouvrir des situations économiques bien différentes, en raison notamment des exonérations et crédits d'impôts divers.

L'article 3 constitue le coeur de ce projet : il introduit, dans l'ordonnance, un nouvel article qui prévoit une exonération de charges dans les entreprises de moins de cinquante salariés, pour les sommes consacrées par l'employeur à l'abondement de l'épargne des salariés.

L'article 5, également très novateur, ouvre une voie nouvelle d'attribution des chèques vacances par le biais des organismes paritaires chargés de la gestion d'activités sociales, lesquels relèvent du même régime que les organismes sociaux visés à l'article 6 de l'ordonnance. Or 95,3 % des chèques émis le sont par le biais de cet article dont 37,8 % par les comités d'entreprise, 33,3 % par la fonction publique d'Etat au travers la MFP, 14,9 % par La Poste et France Télécom et 9,4 % par la fonction publique territoriale et hospitalière.

Outre les amendements de retour au texte initial, je vous proposerai d'abaisser de 4 à 2 % l'épargne minimale ; un autre amendement demandera au ministre du tourisme de faire annuellement à la représentation nationale un compte rendu économique et social de ce dispositif.

Je vous propose donc de voter ce projet de loi tel qu'il a été amendé par la commission, afin que les 7,5 millions de salariés des PME-PMI, puissent, dans les meilleurs délais, bénéficier de ce merveilleux outil, et pour que le droit aux vacances, reconnu en 1936 aux travailleurs, s'inscrive dans les faits. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Léonce Deprez - Le chèque-vacances n'est encore qu'une goutte d'eau dans la mer montante du chiffre d'affaires des communes touristiques, qui approche les 650 milliards et dépasse de plus d'un tiers celui de l'agriculture. Vous devez, Madame le ministre, le faire comprendre à vos collègues du Gouvernement : vous pesez déjà 650 milliards ! Et vous pesez près de deux millions d'emplois, dont 800 000 dans l'hôtellerie. Il y a un an je vous faisais valoir qu'un tel gisement d'emplois justifiait une actualisation législative ; je vous proposais de mettre à jour certaines dispositions qui ne sont plus adaptées, et dont certaines datent d'avant votre naissance... Avec une progression de 3 % de ses effectifs salariés, contre 1,2 % pour l'ensemble de l'économie française, l'économie touristique pourrait créer cent mille emplois d'ici 2002, date de la future élection présidentielle, si le Gouvernement suivait la proposition que j'ai présentée, avec M. Couve et d'autres collègues. Elle tend à faire de l'économie touristique, à partir de 1 500 à 2 000 pôles territoriaux déjà répartis sur notre territoire, un thème majeur de développement de l'économie nationale.

L'effort doit partir de la volonté de mettre en valeur notre territoire à partir de ces pôles à vocation touristique. Il doit naître aussi d'une volonté d'aménager le temps de vie des Français, pour que le temps libre des uns génère le temps de travail des autres. Il doit naître, enfin, d'une volonté d'ouvrir l'accès de ces espaces à une clientèle plus large, sur le plan international, mais surtout sur le plan social. Ce qui nous ramène au présent projet. Le taux de départ en vacances des Français avoisine les 60 % pour les vacances dites d'été, et 25 à 30 % pour celles dites d'hiver. Comme nos textes législatifs et réglementaires, les statistiques de l'INSEE, dans leur vocabulaire, sont en retard d'une époque, j'allais dire d'une guerre économique -mais je préfère dire d'une paix, et celle-ci doit être de plus en plus une paix sociale. Elles oublient en effet qu'entre l'été et l'hiver il y a la merveilleuse saison du printemps, où l'on est heureux de respirer la vie à travers les parfums de la nature, et l'automne, plein de poésie, qui jadis inspirait dans nos écoles les plus belles rédactions... Rappelez-vous, Madame la ministre, "Les feuilles dorées jonchent le sol", d'André Theuriet !

A travers le projet de loi de votre prédécesseur Bernard Pons, et de votre propre projet, notre objectif doit être triple. Tout d'abord, organiser une économie touristique plurisaisonnière, que je propose d'appeler le tourisme des quatre saisons. Ensuite, développer les capacités d'accueil et d'animation de cette économie touristique, à partir des 1 500 à 2 000 pôles déjà répartis dans tout le pays -stations thermales, stations de montagne, stations littorales, villes d'art et d'histoire, villes de congrès, pays d'attrait rural intercommunal- qu'il faut reconnaître et labelliser. Enfin, ouvrir à de nouvelles couches sociales l'accès aux vacances et à l'évasion touristique, qui permettra de plus en plus un meilleur aménagement du temps de vie en fin de semaine et de trimestre. Depuis les congés payés de 1936 jusqu'aux Trente glorieuses et même ensuite, malgré la crise, la progression du niveau de vie et de l'accès à des temps de vacances a été réelle.

Mais en attendant 2010, où l'on peut espérer, d'après le commissariat du Plan, l'accès aux vacances de 90 à 95 % de la population française, il faut organiser une meilleure solidarité nationale pour que la justice sociale inclue aussi le tourisme pour tous.

Il faut donc une politique plus ample et plus ambitieuse des chèques-vacances. Réduit à 3,7 milliards pour 1998, sur les 650 milliards de chiffre d'affaires de l'économie touristique, le volume actuel des chèques-vacances révèle le champ immense que nous avons à labourer pour les Français qui vivent mal. Cette ambition est partagée sur tous nos bancs, et je me retrouve en accord sur ce point aussi bien avec l'élu nordiste qu'est Alain Bocquet, président du groupe communiste, qu'avec mes collègues UDF, RPR ou DL, dont nous avons aujourd'hui quelques représentants particulièrement qualifiés en matière de tourisme.

M. Michel Bouvard - Merci !

M. Léonce Deprez - C'est une volonté commune de créer des activités nouvelles, génératrices d'emploi et de valeur ajoutée à la vie, qui nous anime. C'est aussi une volonté de justice sociale : le temps des privilèges de classe est fini. Les familles modestes ne doivent pas être exclues du temps des vacances et de ces espaces de liberté et de beauté que sont nos pôles d'économie touristique. Ceux-ci, géographiquement, sont accessibles à tous, étant répartis sur tout le territoire. Le malheur est que tous n'ont pas les moyens d'y accéder. C'est aussi que cet accès est limité à nos saisons d'été ou d'hiver. Ce qui interdit une vraie rentabilité des lieux et des équipements. Une entreprise qui travaille quatre mois par an ne saurait être durable, ni créer d'emplois autres que précaires.

M. Couve développera l'argumentation qui a conduit la précédente majorité et actuelle opposition à développer les chèques-vacances, à soutenir le projet puis la proposition de M. Pons, dont votre projet -rendons à Bernard ce qui est à Bernard- s'inspire pour une bonne part. Mais je poserai quelques questions au Gouvernement ; de ses réponses dépendra le vote du groupe UDF. Pourquoi ne pourrait-on s'inspirer pour les chèques-vacances de la réussite des tickets restaurant, des tickets services, des chèques d'accompagnement professionnalisé ? Pourquoi ne pas favoriser, à partir de l'ANCV ou avec son concours, la commercialisation des chèques-vacances, dans le respect rigoureux de leur finalité sociale ? Pourquoi encore ne pas alléger, dans le strict respect du critère de revenus, les modalités de négociation avec les entreprises, et donner à celles-ci, grandes, petites ou moyennes, les mêmes possibilités que celles reconnues aux comités d'entreprise, aux CAF ou aux caisses de retraite ?

Un seul chiffre, Madame la ministre, pourrait vous y faire réfléchir : les entreprises hôtelières spécialisées dans l'émission de titres restaurants à but social ont réalisé un chiffre d'affaires de 16 milliards en 1998. Accor, Sodexo, la Banque Populaire, d'autres encore, sont prêts à coopérer avec l'ANCV pour favoriser le développement du tourisme tout au long de l'année. Prélever un pourcentage sur l'émission de tout titre de chèque vacances en faveur des équipements de tourisme social permettrait d'accentuer les efforts de l'Etat. Le chiffre d'affaires, qui était de 3,3 milliards en 1998, passerait alors à 10 milliards, et l'Etat récupérerait en emplois créés, en recettes de TVA et en cotisations sociales l'effort qu'il consentirait pour l'allégement des charges sociales sur la contribution des entreprises.

On estime en général que 1 F de chèque-vacances induit 3 F de dépenses touristiques. Le tourisme associatif et la petite hôtellerie familiale connaîtraient donc un essor considérable.

Depuis quelques années, le chèque-vacances est utilisé à d'autres fins que l'hébergement, la restauration et le transport dans le cadre des vacances et on le voit dépensé pour payer des activités culturelles et de loisirs en général. Ces utilisations, qui ne sont pas conformes aux objectifs initiaux, concurrencent les chèques d'accompagnement personnalisé et de nombreux titres de service à caractère social. De plus, par d'habiles substitutions certains chèques-vacances servent à des séjours à l'étranger.

Il est donc nécessaire de faire davantage que le Gouvernement ne le propose, et d'établir les nouvelles règles d'un partenariat plus ambitieux pour que l'initiative heureuse des chèques-vacances devienne un succès social et économique à l'échelle des ambitions d'une France qui veut donner l'exemple à l'Europe.

A ce sujet, ne convient-il pas de proposer aux pays de l'Union européenne la réciprocité ? Ne pourrait-on ainsi, dans une double ambition de justice sociale et de progrès de l'économie touristique, créer une politique européenne des chèques-vacances ?

Madame le ministre, vous êtes un des ministres féminins les plus discrets de ce gouvernement. Mais vous devriez être la plus entourée, la plus soutenue, car vous savez écouter et sourire même à ceux qui ne pensent pas comme vous. Répondez à notre attente, et à celle des Français qui vivent très modestement. Vous serez alors la femme de ce gouvernement la plus sensible aux problèmes d'avenir.

M. Denis Jacquat - Il est paradoxal que dans le pays du tourisme par excellence, des millions de Français n'aient pas accès aux vacances, faute de moyens financiers. C'est d'autant moins acceptable que les vacances participent pleinement à l'épanouissement de la personne.

Permettre au plus grand nombre de partir en vacances, tel est précisément l'objectif dévolu au chèque-vacances, créé en 1982 et qui a connu un succès réel. Actuellement, plus d'un million de salariés à revenus modestes en bénéficient, ce qui porte le nombre total de bénéficiaires -porteurs, conjoints et enfants- à plus de quatre millions de personnes. Cette aide représente de 15 à 35 % du budget vacances des bénéficiaires.

Le succès de la formule tient à ce qu'elle présente des avantages pour l'organisme prescripteur, par le biais d'une exonération de tout ou partie des charges sociales sur sa contribution. Mais le dispositif est surtout appliqué dans les grandes entreprises et les organismes publics, et le projet vise à ouvrir aux 7,5 millions de salariés des PME de moins de 50 salariés la possibilité d'accéder aux chèques-vacances. S'ils ne peuvent en bénéficier pour l'instant, c'est pour deux raisons : l'absence de comité d'entreprise et la non-exonération des charges sociales sur la contribution de l'employeur.

Deux mesures sont donc proposées : l'ouverture d'un nouveau mode de distribution des chèques-vacances, par les organismes paritaires de gestion d'activité sociale, et l'exonération des charges sociales sur la contribution de l'employeur en faveur des PME.

Il semble souhaitable de maintenir l'une des modifications sénatoriales, qui vise à diminuer le montant minimal des versements mensuels des salariés de 4 % à 2 % pour permettre aux plus modestes de se constituer une "épargne vacances".

Une telle réforme autorise à la fois plus de justice sociale, puisque l'Agence nationale des chèques-vacances -ANCV- participe à des actions de solidarité en faveur des publics en difficulté, et une efficacité économique accrue. Le chèque-vacances a en effet des retombées non négligeables sur le secteur touristique et, par là-même, sur l'emploi. Le chèque-vacances aurait ainsi induit, en 1997, une dépense touristique trois fois supérieure au volume des chèques émis, soit 10 milliards. Il contribue aussi à l'équipement et à la rénovation du patrimoine touristique à vocation sociale.

Je ne saurais toutefois conclure sans avoir souligné les limites du dispositif : si les marins pêcheurs et les ouvriers dockers occasionnels peuvent désormais accéder au chèque-vacances, et si la commission a voté un amendement au profit des retraités, ce n'est le cas ni pour les artisans, ni pour les commerçants, ni pour les demandeurs d'emplois. Par ailleurs, le sort du personnel non statutaire des fonctions publiques n'est toujours pas réglé.

Malgré ces insuffisances, l'élargissement de l'attribution du chèque vacances contribuera à l'instauration du droit au vacances pour tous. Le chèque-vacances c'est, enfin, l'illustration que l'économique et le social, au lieu de s'opposer, tendent à se rejoindre.

Madame le ministre, le groupe Démocratie Libérale, que j'ai l'honneur de représenter, vous a posé quelques questions précises. Nous serons très attentifs à vos réponses (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Jean-Pierre Dufau - "Tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit..." : admirable principe qu'il reste à appliquer quotidiennement. Ayons toujours présente à l'esprit la pensée de Jaurès : "Aller à l'idéal et comprendre le réel". Car comprendre le réel, c'est faire progresser la société. Le droit au travail pour tous reste l'objectif prioritaire qui doit mobiliser tous nos efforts et avec lui, son corollaire, le droit aux vacances. En cela, le projet constitue un incontestable progrès social aux retombées économiques importantes. Sans remonter aux temps odieux de l'esclavage, force est de constater que le droit au repos hebdomadaire est encore très récent. Quant aux congés payés, c'était hier ! Chacun sait qu'il aura fallu attendre le gouvernement du Front populaire de 1936 pour que les travailleurs bénéficient de deux semaines de congés payés. Les luttes syndicales avaient enfin conquis, grâce à la volonté politique du gouvernement de l'époque, ce qui paraissait impossible au patronat. Et c'est encore avec l'appui des forces syndicales que les gouvernements de progrès successifs institueront les cinq semaines légales de congés payés aujourd'hui en vigueur.

Dans cet esprit, l'ordonnance de 1982, créant le chèque-vacances a constitué un progrès social supplémentaire indéniable. Il faut aller plus loin. Non pas sur les bases de la proposition de loi Pons-Séguin, rejetée par notre Assemblée : c'était le "Canada Dry" du chèque-vacances et elle risquait d'en faire un complément de salaire exonéré de charges sociales pour l'employeur. De plus, sa distribution se serait effectuée en dehors du contrôle des salariés, selon des modalités décidées par l'employeur, ce qui était inacceptable.

Fort heureusement, comme elle s'y était engagée, Madame la ministre propose une loi qui respecte l'esprit et la lettre de l'ordonnance de 1982, tout en élargissant le champ des bénéficiaires. C'est un bon projet, qui concerne quelque 7,5 millions de salariés.

Il comporte deux mesures principales : une exonération de charges sociales sur la contribution de l'employeur pour les entreprises de moins de 50 salariés dépourvues de comité d'entreprise ou ne relevant pas d'un organisme paritaire. L'accord d'entreprise rendu obligatoire incitera à favoriser les salariés dont les rémunérations sont les plus faibles et les chèques-vacances ne pourront se substituer à des rémunérations prévues ou en vigueur.

D'autre part, le projet ouvre un mode d'accès nouveau au chèque-vacances au travers d'organismes paritaires à créer.

Le Gouvernement va dans le bon sens, mais il importe que le Parlement joue son rôle. Je ne m'attarderai pas sur le vote du Sénat, qui dénature le projet. En revanche, je salue le mérite du rapporteur qui propose de nouvelles avancées. La commission a elle aussi contribué à améliorer la loi en étendant le bénéfice du chèque-vacances aux agents non titulaires de la fonction publique, aux emplois-jeunes, aux CEC, aux préretraités et même aux retraités. L'abaissement du montant mensuel des cotisations salariales à 2 % du SMIC est conforme à l'intérêt des bas salaires. La hiérarchie des modalités de concertation des partenaires renforce la volonté de dialogue social. Quant à la possibilité d'utiliser le chèque-vacances dans les pays de la zone Euro, cela va dans le sens de l'Histoire et c'est une amorce à la réciprocité.

Enfin, la décision de placer l'Agence nationale du chèque vacances sous la tutelle du ministère du tourisme témoigne de l'importance accordée par le Gouvernement à ce secteur d'activité. Mieux qu'un symbole c'est donc une reconnaissance.

Cette loi n'a pas seulement un impact social, elle est aussi un facteur de développement économique, donc de création d'emplois. A ce jour, 80 000 professionnels du tourisme bénéficient de l'agrément chèque-vacances. On estime à 10 milliards les retombées de celui-ci. Malgré une importante accélération ces dix dernières années, un million de personnes seulement en bénéficient. Un fort développement est donc possible, d'où l'intérêt de mieux faire connaître ce dispositif.

Le groupe socialiste attend du Gouvernement une attitude ouverte sur les amendements qu'il a déposés. Ils améliorent le projet, tout en lui restant fidèle, comme à l'esprit de l'ordonnance de 1982.

C'est surtout faute de moyens que 37 % de nos concitoyens ne partent pas en vacances. Espérons que cette loi améliorera la situation. Pour autant, j'attends du Gouvernement qu'il mette en oeuvre une politique touristique ambitieuse, créatrice d'emplois et gage de cohésion sociale.

Nous devons aussi penser aux exclus et, en liaison avec la loi Aubry, trouver les modalités adaptées pour qu'ils aient accès aux loisirs et aux vacances. C'est aussi cela la solidarité au quotidien.

Le tourisme démocratique accessible à tous a un puissant effet multiplicateur sur l'économie. Il est urgent de s'intéresser au tourisme social en pleine mutation. Ne conviendrait-il pas d'étudier sérieusement l'abaissement de la TVA pour la restauration...

M. Michel Bouvard - Ah !

M. Jean-Pierre Dufau - ...sous réserve de contreparties en matière de créations d'emplois, de prix à la consommation, de conventions collectives et de formation ? Il nous reste tellement de pistes à explorer. Il faut donc organiser les assises du tourisme de l'an 2000, pour renforcer les dimensions sociale et économique de ce secteur.

Pour l'heure, c'est avec conviction et enthousiasme que le groupe socialiste soutiendra votre projet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jean-Michel Couve - Etendre le bénéfice des chèques-vacances aux marins pêcheurs, aux ouvriers dockers occasionnels et aux salariés des PME-PMI est certainement une bonne idée. Mais je crains que ce texte ne réponde pas à notre attente que traduisait la proposition que nous avions déposée en mai 1998 et que, à votre demande, Madame la ministre, la majorité n'avait pas hésité à rejeter sans même en débattre.

Le présent projet a été largement et justement remanié par le Sénat dans un sens plus équitable et plus solidaire.

M. Maxime Gremetz - Oh !

M. Jean-Michel Couve - Mais votre majorité rétablira sans doute ses orientations initiales au prix d'une limitation regrettable de l'extension du chèque-vacances.

A la lecture de l'ordonnance de 1982 de votre projet et des amendements proposés par la commission on a bien du mal à savoir qui seront, au bout du compte, les bénéficiaires effectifs du chèque-vacances. Entretenir ainsi la confusion n'est guère loyal.

Il y aura, d'abord, tous ceux qui en seront exclus, en premier lieu les non-salariés. Vous vous fondez sur le principe que "l'organisme abondeur ne peut se confondre avec le bénéficiaire". Mais nombreux sont les artisans, commerçants, professionnels libéraux constitués en société. On ne peut juridiquement confondre ces personnes physiques avec leurs sociétés personnes morales. Dans leur cas, l'abondeur ne serait pas le bénéficiaire.

MM. Bernard Pons et Michel Bouvard - Très bien !

M. Jean-Michel Couve - Avec les agriculteurs, deux millions de Français seront ainsi interdits de chèques-vacances.

Pourtant, les artisans et les commerçants ont rarement un train de vie de grands patrons. Ils n'ont pas droit, eux, à cinq semaines de vacances. Et si leur revenu moyen est estimé à 120 000 F par an, nombreux sont ceux qui ne gagnent pas plus que le SMIC.

Exclus aussi, alors qu'ils bénéficiaient jusqu'à présent du chèque vacances, les 40 à 50 000 salariés dont le revenu fiscal dépassera la plafond que vous voulez imposer. Notre rapporteur a parlé de "mesure de justice sociale". Je laisse juges les personnes concernées...

Même parmi ceux qui, en vertu du texte, devraient en bénéficier, il faut distinguer ceux qui en jouiront vraiment parce qu'ils y seront aidés, les fonctionnaires et les salariés des grandes entreprises -mais ils le sont déjà- de ceux qui auront plus de mal à y accéder en raison des conditions trop contraignantes que vous imposez. Ainsi, vous prétendez ouvrir généreusement cette possibilité aux salariés des PME-PMI, tout en abaissant à l'excès le plafond de ressources et en imposant aux dirigeants responsables de ces entreprises des contraintes rédhibitoires.

Alors que vous prétendez que ces nouvelles mesures s'adresseront aux 7,5 millions de salariés des PME-PMI, vous ne misez que sur 150 000 salariés concernés de plus, soit 2 % du total. On est bien loin du compte ! Quel dommage au regard des retombées des chèques-vacances sur la consommation et la création d'emplois. En effet, le million d'attributaires actuel utilise les 3,7 milliards de coupons, ce qui équivaut à une dépense globale de plus de 10 milliards. En outre, selon une étude réalisée en 1996 par l'OFCE, un déplacement de 9 milliards de la consommation des ménages vers les services peut entraîner la création de 8 000 emplois nouveaux en deux ans. Aussi, en favorisant le doublement du nombre d'attributaires, vous permettriez au secteur du tourisme de créer ces 8 000 emplois. Je ne peux m'empêcher de comparer ce chiffre aux 6 000 emplois-jeunes que vous voulez créer d'ici au 31 décembre 1999, au prix d'une contribution de l'Etat de 562 millions par an soit une fois et demi le budget de votre ministère. Quel manque de cohérence !

Vous prétendez aussi que les retraités figureront parmi les bénéficiaires, mais vous ne donnez aucun moyen nouveau aux caisses de retraites pour assumer cette charge.

Voilà pourtant une population nombreuse, le plus souvent à faible pouvoir d'achat et qui mériterait des vacances.

Bref, il y aura loin de votre effet d'annonce aux réalités du terrain que vivront ces salariés, ces non-salariés, ces retraités, ces responsables de PME-PMI qui ne manqueront pas d'être déçus comme nous.

En ce qui concerne les conditions de ressources, instituer un revenu fiscal de référence, pourquoi pas ? Mais vous limitez les revenus des foyers fiscaux à 86 840 F pour la première part de quotient familial dans le but de réserver la solidarité aux plus modestes. Pourtant, lors de la présentation du projet d'extension des chèques-vacances par Bernard Pons au conseil d'administration de l'Agence, le 19 novembre 1996, l'administrateur de la CGT, regrettant que le plafond d'imposition soit maintenu, avait souhaité qu'il soit au moins fortement relevé, car, à défaut, de nombreux fonctionnaires n'auraient plus accès aux chèques-vacances. Le sentiment que le plafond fiscal constituait un véritable blocage était alors partage par toutes les organisations syndicales. Par ailleurs, c'est Pierre Bérégovoy et non la droite qui l'a porté de 3 000 à 10 000 F et les syndicats demandent, sans cesse, son relèvement. Il faudrait le doubler aujourd'hui pour ne pas laisser des foyers à revenus modestes au bord de la route.

Le plafond de la contribution de l'employeur donnant droit à l'exonération fiscale reste fixé à 1 610 F par an et par salarié. Il aurait fallu aussi le relever et tenir plus largement compte du nombre d'enfants à charge.

La CSG et la CRDS sont exclues des allégements de charges sociales au bénéfice de l'employeur. L'exonération est limitée à 2 030 F par salarié et par an. Comment un allégement aussi minime pourrait-il servir d'incitation à des petites et très petites entreprises lourdement handicapées par les charges qui pèsent sur elles ?

Votre projet ne concrétise ni l'ambition que vous affichez ni l'avancée sociale que vous promettez. Il n'est qu'une modeste retouche à l'ordonnance de 1982. A la différence de notre proposition de l'an dernier, il ne va pas vers plus de solidarité et d'équité. Il est même discriminatoire puisque vous imposez aux circuits de distribution des entreprises des conditions d'attribution trop contraignantes et un régime fiscal et social bien peu incitatif, alors que le circuit des organismes sociaux ne se voit imposer aucune condition de ressources et qu'il est largement exonéré de charges sociales, y compris la CSG et la CRDS.

Vous aggravez encore cette injustice en prévoyant pour les PME un nouveau circuit de distribution totalement inadapté.

Oubliant que la charge des vacances augmente avec le nombre d'enfants, vous ne prenez pas assez en compte les familles.

De façon quasi dogmatique, vous excluez du dispositif les classes moyennes modestes.

Mme la Secrétaire d'Etat - Qu'est-ce que c'est ?

M. Jean-Michel Couve - Les Français concernés se reconnaîtront ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

Seule explication possible : l'intervention de Bercy.

Je regrette, enfin, que vous n'ayez pas profité de ce texte pour redéfinir le fonctionnement de l'Agence nationale du chèque-vacances en lui ouvrant, par exemple, la possibilité de sous-traiter la distribution des chèques qui auraient pu être ainsi plus largement diffusés.

Nous avons donc perdu une année et, en dépit des amendements de votre majorité, ce texte ne fera en rien profiter les Français de la croissance du pays. Il est donc, pour nous, le texte des occasions perdues (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Patrick Malavieille - Il aura fallu des décennies de lutte pour que le droit aux vacances soit enfin reconnu aux salariés.

Il est devenu effectif parce que, grâce à la persévérance du monde du travail, des moyens économiques et sociaux ont permis de l'exercer, tels les congés payés et les billets de train à tarif réduit.

Par la suite, la création des comités d'entreprise a permis d'engager dans l'entreprise une politique sociale qui implique employeurs et salariés. Les comités d'entreprise, les syndicats, les associations se sont alors emparé de la dimension sociale du droit aux vacances et l'ont fait vivre.

Ces progrès, qui ont permis de pallier de trop faibles rémunérations, furent une étape dans la conquête du temps libre et, tout en marquant profondément les conditions de vie, elles ont stimulé l'économie du pays. Aujourd'hui, l'industrie du tourisme emploie 7 % de la population active et représente 12 % de la consommation. Comme toujours dans l'histoire du mouvement ouvrier, l'octroi de droits nouveaux était source de progrès social et économique.

La France, première destination touristique au monde, accueille 70 millions de personnes de sorte que ce poste est le premier poste excédentaire, de plus de 70 milliards. Cependant, dans notre pays même, les inégalités devant le droit aux vacances restent préoccupantes. Déjà en 1982, un Français sur deux ne partait pas en vacances et c'étaient ceux dont les conditions de travail et de vie étaient les plus difficiles qui étaient le plus défavorisés à cet égard aussi.

L'ordonnance de la même année s'attaquera au problème en créant les chèques-vacances. Nous franchissions alors une nouvelle étape dans l'histoire du droit aux vacances, grâce à cette initiative qui renouvelait la façon de concevoir l'organisation de ses vacances. Ainsi la souplesse du chèque-vacances autorise des séjours de longue ou de courte durée, en hôtel, en camping, en gîte rural ou en club, des sorties au restaurant, le paiement des péages d'autoroute, des activités sportives, etc. Il a relancé le tourisme social et associatif qui représente 75 000 emplois et offre 60 000 places d'hébergement.

En outre, il a une deuxième vie sociale grâce à l'utilisation qu'on peut faire des chèques périmés au profit du patrimoine touristique ou d'autres catégories de personnes défavorisées. Grâce à l'établissement public, l'ANCV, les excédents d'exercice ont été distribués sous forme de subventions aux équipements de tourisme et de loisirs à vocation sociale, pour 22,8 millions en 1996, tandis qu'1,2 million allait aux actions de solidarité. En 1997, c'est une dotation de 7,9 millions qui a été consacrée à des bourses vacances, permettant à 60 000 personnes de plus de partir en vacances.

Le chèque-vacances a donc permis à nombre d'exclus d'avoir accès aux vacances. Il n'en demeure pas moins que, dans ce pays qui figure au rang des plus grandes puissances mondiales, 40 % des gens ne partent toujours pas en vacances, dont la moitié pour des raisons financières. Dix-sept ans après l'ordonnance de 1982, cette situation est d'autant plus inadmissible que les salariés luttent pour un véritable droit aux vacances depuis déjà soixante ans.

Le présent projet s'attaque donc à son tour au problème, tendant à mettre en valeur notre patrimoine, à satisfaire une aspiration des citoyens et à développer l'industrie du tourisme. Rappelons qu'un franc de chèque-vacances induit trois francs de consommation dans le secteur touristique.

Le dispositif en vigueur étant applicable dans les grandes entreprises et les organismes publics, l'objet de ce projet est de permettre aux 7,5 millions de salariés des entreprises employant moins de 50 personnes d'en bénéficier aussi. Pour privilégier les titulaires de revenus modestes, il maintient le principe d'un plafond et prend en compte le revenu fiscal de référence, non l'impôt payé. Il reste également fidèle à l'esprit de l'ordonnance, qui demande une épargne du salarié accompagnée d'une contribution de l'employeur variant de 20 à 80 % et d'autant plus élevée que le salaire est plus faible.

Le texte ouvre une voie nouvelle pour la distribution des chèques-vacances, recourant pour cela aux organismes paritaires de gestion d'activité sociale. D'autre part, il exonère de cotisations salariales la contribution de l'employeur, dans la limite de 30 % du SMIC, soit le double du montant actuel. L'incitation est donc réelle, en faveur des PME.

En aucun cas, le chèque-vacances ne saurait être un complément de salaire, ce qui justifie le plafonnement de l'exonération. Sa mise en place est l'occasion d'une négociation entre salariés et employeur et, en ce sens, il devrait favoriser le dialogue social dans ce secteur où il est peu développé. D'où le rôle attribué aux institutions représentatives du personnel et le recours au mandatement, tel qu'il a été défini dans la loi sur les 35 heures.

Cependant, les amendements votés par la Haute assemblée ont bouleversé l'économie générale du projet initial. Le texte du Sénat ne réduit pas les inégalités devant les vacances : il fait du chèque-vacances un produit commercial ! Les députés communistes ont donc travaillé à restaurer la version originelle, tout en cherchant à l'enrichir sans en modifier l'esprit.

Tout d'abord, nous avons amendé le texte pour appeler l'attention du Gouvernement sur certaines catégories de salariés -emplois-jeunes, CEC, préretraités- et sur les salariés privés d'emplois. M. Gremetz y reviendra dans son intervention sur l'article premier.

Un second amendement, accepté par la commission, tend à permettre une large diffusion de ces dispositions au sein des entreprises : il s'agirait de faire obligation à l'employeur d'informer les salariés, ce qui aurait l'avantage de pousser à l'ouverture de négociations pour la mise en place de chèques-vacances.

D'autre pays européens envisagent de se doter d'un système équivalent. Le chèque-vacances s'inscrit donc tout à fait dans la construction d'une Europe sociale. Notre troisième amendement vise donc à une ouverture plus large à l'Europe.

Les députés communistes et partenaires partagent pleinement votre souci, Madame la secrétaire d'Etat, de combattre l'inégalité devant le droit aux vacances. Nous entrons, de ce point de vue aussi, dans une ère nouvelle où il faut donner aux salariés la chance d'établir une harmonie entre travail, formation et temps libre (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Jacques Blanc - Ce débat aurait dû être passionnant et nous fournir l'occasion de nous rassembler. Or il apparaît un peu "court" tant la disproportion est grande entre ce que nous pouvions attendre et ce qu'on nous propose (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Il aurait dû nous rassembler, disais-je : nous avons tous, à un moment ou à un autre, proposé des mesures visant à réduire l'inégalité devant les vacances. En janvier 1977, le Président de la République de l'époque, M. Giscard d'Estaing, m'avait ainsi confié la présidence d'une commission chargée de faire des propositions. Le rapport que j'ai remis le 10 août suivant tendait à instituer un titre vacances !

M. Maxime Gremetz - Eh bien, il vous a fallu du temps !

M. Jacques Blanc - Le principe était exactement celui du chèque-vacances : il s'agissait d'associer l'effort des bénéficiaires, invités à constituer une épargne volontaire, à celui des employeurs ou des organismes sociaux -caisses de retraite, comités d'entreprise-, chargés de bonifier cette épargne, et à celui de l'Etat, exonérant de charges l'effort des précédents.

Dans mon esprit, il s'agissait bien sûr de favoriser le départ de ceux qui ne pouvaient sinon s'offrir des vacances, mais aussi de leur permettre de choisir leur lieu de vacances, d'exercer leur liberté. Il existait en effet d'autres dispositifs tendant à peu près au même objet, mais qui obligeaient à aller dans tel VVF ou dans tel village de vacances de son comité d'entreprise. En donnant le choix de la destination, je pensais faciliter le développement des gîtes ruraux, des hôtels de campagne : bref, donner un essor au tourisme rural. Je regrette que cet aspect des choses soit absent du présent projet qui, au fond, n'aborde pas l'ensemble des problèmes du tourisme social et de l'aide à la personne -laquelle ne condamne nullement l'aide à la pierre.

Je regrette aussi que l'on n'ait pas essayé de moduler l'aide en fonction de la période d'utilisation, et que l'on n'ait pas voulu considérer le tourisme comme un phénomène d'ensemble.

Je rends hommage à Paul Blanc, rapporteur du Sénat. Que le ministre, contrôlé par Bercy, bloque sur ses propositions, on en a l'habitude. Mais les parlementaires ont plus de liberté. Ainsi, Monsieur le rapporteur, comment écrire que le Sénat a "dénaturé" le texte en étendant l'exonération de charges sociales à toutes les entreprises !

M. le Rapporteur - Cela enlève au chèque-vacances son objet social.

M. Jacques Blanc - Pas du tout. Ainsi tous les salariés seront bénéficiaires. Ce n'est pas une dénaturation.

Mme la Secrétaire d'Etat - Si !

M. Jacques Blanc - Ensuite, doubler le plafond de ressources serait aussi une dénaturation.

M. le Rapporteur - Le Sénat pense aux couches moyennes.

M. Jacques Blanc - Justement, il existe des couches moyennes modestes, l'idéologie vous empêche de le reconnaître. Là, nos conceptions diffèrent.

De nombreux députés socialistes et communistes - Tout à fait !

M. Jacques Blanc - Ce que je veux, c'est renforcer la liberté de choix. Vous proposez un recul par rapport au texte du Sénat.

L'extension aux non-salariés était aussi une formidable chance. Leurs caisses de retraite et organismes sociaux pouvaient se substituer aux comités d'entreprise.

Mme la Secrétaire d'Etat - Ils peuvent le faire, l'ordonnance le prévoit.

M. Jacques Blanc - Enfin, le Sénat a modifié les procédures de concertation avec les institutions représentatives du personnel. C'était une usine à gaz.

M. Maxime Gremetz - Une usine à gaz, vous savez ce que c'est ! Avec le Front national dans votre région...

M. Jacques Blanc - J'ai été élu au premier tour sans l'aide de personne (Exclamations sur les bancs du groupe communiste). Pour la majorité, on sait ce qu'il en est. Alors, ne donnez pas de leçon !

M. Patrick Malavieille - Vous avez trompé les électeurs.

M. Jacques Blanc - M. Pons avait préparé un texte puis déposé une proposition dans le même sens. Vous vous inscrivez dans cette démarche. Soit. Mais avec hypocrisie. Si vous nous disiez que vos moyens sont trop limités pour suivre le Sénat, on pourrait comprendre. Mais vous dites qu'il "dénature" le texte.

J'espère que vous apporterez des réponses positives à nos questions. Nous voulons aussi agir dans le domaine social. Vous n'avez pas le monopole du coeur.

M. Maxime Gremetz - Les valeurs et vous, ça fait deux !

M. Jacques Blanc - Je le répète, nous voulons plus de liberté, avec un étalement dans le temps et un plus grand nombre de bénéficiaires. Nous voulons agir en faveur des loisirs comme des vacances. Je proposerai d'ailleurs aussi un chèque culture.

Mais l'occasion est manquée. Tout n'est pas mauvais dans ce texte. Le Sénat l'avait amélioré. Je souhaite que l'Assemblée fasse de même afin de donner plus de chances à ceux qui ont réellement besoin de profiter des loisirs et des vacances et de s'ouvrir à l'Europe.

M. André Capet - Le Gouvernement a affirmé clairement que l'accès de tous aux vacances constitue un objectif national auquel doivent contribuer l'Etat, le monde associatif, les collectivités territoriales et les entreprises.

Ce projet s'inscrit dans cette politique globale visant à assurer le droit aux vacances pour tous. Déjà dans le budget pour 1999, plusieurs millions supplémentaires sont consacrés au tourisme associatif.

Dans le même esprit, vous avez créé la "bourse solidarité vacances" en faveur des plus défavorisés. Enfin, la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, votée en juillet dernier, dit que "l'accès de tous aux vacances est un objectif national".

Ce projet s'inscrit dans la ligne de la politique sociale de 1936, symbolisée par le droit aux congés payés. Il contribue à élargir cet accès aux vacances pour tous.

Les vacances et les loisirs constituent un facteur décisif de l'équilibre social, de reconstruction de la vie sociale et familiale, un facteur d'épanouissement, et parfois d'insertion. Surtout, les vacances doivent être un droit pour tous les travailleurs.

Aujourd'hui, plus de 40 % des Français ne partent pas en vacances et 17 % y renoncent uniquement pour des raisons financières. Dans ces conditions, le droit aux vacances, conquis en 1936, est loin d'être une réalité pour tous !

L'ANCV, créée en 1982, est un véritable outil de service public pour favoriser le départ des salariés les plus modestes. En 1998, un million de salariés, quatre millions de personnes en ont bénéficié.

Il faut absolument soutenir cette action qui touche des publics particulièrement précarisés et contribue souvent à financer le premier départ en vacances de familles, ainsi que de jeunes en difficulté ou de personnes handicapées.

Ainsi l'Agence soutient des actions sociales très ciblées sur un fonds spécifique grâce à la contre-valeur des chèques-vacances périmés ou non utilisés. Elle attribue des bourses-vacances à de nombreux organismes caritatifs.

Etendre le nombre de bénéficiaires favorisera aussi le développement d'équipement de tourisme à vocation sociale, y compris la petite hôtellerie familiale et rurale et les campings. L'impact sur l'économie et sur l'emploi est évident.

Depuis 1982, les chèques-vacances ont favorisé le tourisme, permis de mieux utiliser les équipements et ouvert l'éventail des prestations accessibles.

Les trois milliards de chèques-vacances utilisés en 1997 ont induit dix milliards de consommation. 3,7 milliards de chèques-vacances ont été émis en 1998 ; avec un réseau de près de 11 000 organismes prescripteurs et plus de 35 000 prestataires agréés soit 130 000 points d'accueil dans tous les secteurs d'activités.

Le projet ouvre, d'autre part, une voie nouvelle de distribution des chèques-vacances, via les organismes paritaires de gestion d'activités sociales, et accorde aux entreprises de moins de 50 salariés une exonération de charges sur la contribution de l'employeur aux chèques-vacances.

Ce progrès social pourra être transposé à l'échelon européen dans le cadre de la construction de l'Europe sociale. L'utilisation du chèque-vacances au sein de l'Union européenne, et en particulier de la zone Euro, serait un élément de cohésion sociale en favorisant le sentiment de citoyenneté européenne.

Les vacances pour tous constituent un enjeu fondamental pour l'équilibre de notre société. Il convient de redonner à ce texte, dont l'économie a été profondément bouleversée par le Sénat, sa dimension sociale. Il conviendrait aussi d'étendre le bénéfice des chèques-vacances aux agents non titulaires de la fonction publique, ainsi qu'aux CES, CEC et emplois-jeunes. Par ailleurs, la CNAF considérant que le mode d'attribution des bons-vacances n'est plus adapté, je vous suggère, Madame la ministre, de lancer avec elle, après le vote de ce texte une expérience au niveau d'une région ou d'un département -ce pourrait être le Nord ou le Pas-de-Calais tendant à abonder l'épargne des familles les plus défavorisées (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Michel Bouvard - Les professionnels du tourisme et les élus partagent le souci d'accroître la clientèle française ; un tiers des Français ne partant pas en vacances, dont la moitié pour des raisons économiques. Le chèque-vacances, depuis sa création en 1982, a connu un grand succès ; cependant beaucoup de nos concitoyens ne peuvent en bénéficier. C'est pour remédier à cette situation que les organisations syndicales et patronales comme les organisations du tourisme social réclamaient l'exonération des charges sociales de la contribution de l'employeur aux chèques-vacances, sur le modèle du titre restaurant.

Il y a un an, avec Bernard Pons, qui avait pris l'initiative d'un projet de loi lorsqu'il était ministre en charge du tourisme, nous avons déposé une proposition de loi. La majorité n'a pas souhaité en discuter. C'est dommage : c'eût été faire preuve de considération pour l'opposition et concrétiser les discours sur la revalorisation du rôle du Parlement. Notre objectif était d'étendre le bénéfice du chèque-vacances au plus grand nombre de nos concitoyens à revenu modeste ou moyen et de dynamiser l'économie touristique.

Le présent texte est restrictif.

L'article 2, en substituant le revenu fiscal de référence au critère actuel d'impôt sur le revenu, est présenté comme un élément de justice. En réalité, telle famille qui emploie une personne à domicile pour garder les enfants et qui de ce fait bénéficie d'une réduction d'impôt se verra privée du bénéfice du chèque-vacances. Il en va de même pour les ménages qui ont contracté des emprunts importants pour accéder à la propriété. Les déductions fiscales ne sont pas toutes liées à des placements boursiers ou à des assurances vie...

Tout en comprenant le souci du Gouvernement de ne pas dénaturer l'objet du chèque-vacances, j'appelle l'attention sur les effets pervers de cet article, qui ne prend pas en compte les effets bénéfiques de la mesure pour l'Etat. Il est singulier que l'étude d'impact ne fasse mention que des pertes de recettes pour la Sécurité sociale ou l'Etat, et nullement des recettes de TVA induites par le départ d'un plus grand nombre de personnes en vacances.

S'agissant du champ d'application, les agents non titulaires de la fonction publique sont exclus ; j'ai constaté avec plaisir que le rapporteur était favorable à une extension à cette catégorie. En ce qui concerne les salariés du secteur privé, il aurait été souhaitable, sans peut-être aller aussi loin que le Sénat, d'élargir quelque peu le dispositif en direction des classes moyennes dont une partie est rendue fragile par les difficultés d'insertion professionnelle des jeunes. Par ailleurs, à la différence de la proposition de Bernard Pons, ce texte ne prévoit rien pour les commerçants et artisans les plus modestes. Permettez-moi, enfin, comme élu montagnard, de souhaiter qu'une réflexion soit menée sur la possibilité d'étendre le chèque-vacances aux pluriactifs.

Il est donc possible d'améliorer ce texte, dont nous attendons aussi qu'il contribue à l'aménagement du territoire en développant le tourisme dans les régions les moins fréquentées. Ce texte procède d'une bonne intention mais force est de constater que son impact sur notre économie touristique sera limité. Je souhaite donc, Madame la ministre, que vous puissiez accepter des amendements (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Marc Dumoulin - Je voudrais, tout d'abord, exprimer le regret qu'il n'ait pas été possible de discuter de la proposition de loi déposée par M. Bernard Pons, dont la portée sociale et économique n'était pas négligeable.

Il ne devrait pas, sur un tel sujet, y avoir de clivage gauche-droite. C'est en effet dans des termes voisins que M. Pons en 1998 et Mme la ministre au Sénat constataient, d'une part, l'efficacité des chèques-vacances, et de l'autre, l'existence d'obstacles qui freinent en pratique leur généralisation. Nous sommes donc d'accord sur les motivations.

M. le Rapporteur - Non : sur les constats.

M. Marc Dumoulin - Un motif de satisfaction : la promesse faite par Mme la ministre est tenue. Nous sommes devant un texte qui constitue une avancée sociale incontestable, permettant aux plus défavorisés de partir en vacances. Quelques observations, toutefois. Tout d'abord, ce texte s'adresse bien sûr aux plus défavorisés. Mais il devrait s'adresser aussi au plus grand nombre, sans pour cela modifier l'objet social du chèque vacances. Or les conditions de ressources que pose le projet sont trop restrictives, au point qu'elles risquent d'exclure 5 % des bénéficiaires actuels, soit près de cinquante mille personnes, et limitent considérablement le développement des chèques-vacances. Ensuite, cette mesure doit être génératrice d'emplois et contribuer à l'aménagement du territoire. Pour cela, elle doit injecter des moyens financiers importants dans l'économie touristique, ce qui implique une augmentation significative du volume des chèques. On peut dans ce but étendre le dispositif aux emplois-jeunes, et je suis d'accord sur ce point avec M. le rapporteur ; mais on pourrait aussi penser aux artisans et aux agriculteurs les plus défavorisés.

Troisième remarque : la décision de l'employeur reste facultative, ce qui est bien ; mais alors il faut des mesures vraiment incitatives. On devrait étendre l'exonération à d'autres taxes.

M. le Rapporteur - Lesquelles ?

M. Marc Dumoulin - La CSG et le CRDS. Une autre incitation serait la simplification administrative de l'accès aux chèques-vacances, dont la complexité actuelle risque de dissuader certains chefs de petites entreprises.

Je conclurai par quelques propositions, qui ne sont pas nécessairement d'ordre législatif. Il semble, tout d'abord, indispensable de revoir les critères d'agrément des prestations aux chèques-vacances ; je pense à une extension de cet agrément à l'hébergement chez l'habitant ayant fait l'objet d'une procédure de classement. L'agence nationale des chèques-vacances devrait, d'autre part, être exonérée de l'impôt sur les sociétés ; les sommes dégagées pourraient ainsi être réinjectées dans le tourisme social (Murmures sur les bancs du groupe communiste).

Mme Muguette Jacquaint - Elles ne le seraient pas !

M. Marc Dumoulin - Alors c'est qu'on contrôle mal l'agence. Ma troisième proposition est précisément que ses bénéfices soient réinvestis dans la réhabilitation des hébergements du tourisme social, mais aussi dans le soutien à l'hôtellerie familiale et indépendante.

Bref, nous examinons un texte sur lequel les clivages droite-gauche n'ont pas lieu d'être. Si vous acceptiez un relèvement du plafond de ressources, une extension du chèque-vacances aux artisans et agriculteurs défavorisés et une incitation plus forte pour les entreprises, nous devrions obtenir un consensus, souhaitable sur un texte d'intérêt général (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Léonce Deprez - S'il y avait tout cela dans le texte, nous pourrions le voter. Dommage que ce n'y soit pas...

Mme Nicole Bricq - Je ne suis pas sûre que nous ayons mesuré toute la portée de l'ordonnance du 26 mars 1982 qui créait le chèque-vacances. Dix-sept ans plus tard, nous pouvons en dresser un bilan très positif. En premier lieu, il permet à des salariés aux revenus faibles de partir en vacances pour un coût relativement modeste. C'est en quelque sorte le prolongement d'une politique sociale et familiale amorcée en 1936 avec les premiers congés payés. En effet, 67 % des ménages qui bénéficient du chèque-vacances ont un revenu inférieur à 15 000 francs et un tiers d'entre eux ne seraient pas partis en vacances sans ce dispositif.

L'effet second, mais non secondaire, du chèque-vacances est son rôle dans l'activité économique. Les activités touristiques comme l'hôtellerie ou la restauration sont fortement créatrices d'emplois. Favoriser la consommation des ménages les plus modestes grâce aux chèques-vacances contribue donc à soutenir la croissance et l'emploi. On estime qu'un franc de chèque-vacances génère plus de 3 francs d'activité. Avec plus de 3 milliards émis en 1997 et autant en 1998, l'agence nationale pour les chèques-vacances induit plus de 10 milliards de consommation touristique intérieure, donc de l'emploi, de l'activité et des recettes fiscales supplémentaires. C'est aussi un levier économique qui contribue au développement touristique à la campagne, et donc à l'aménagement du territoire. Nous avons eu lors de la dernière discussion budgétaire un débat sur les baisses ciblées de TVA. Avec l'ouverture faite par la Commission européenne sur des baisses en faveur des produits et services qui utilisent une forte main-d'oeuvre, ce débat n'est pas clos, et nous le reprendrons à propos de la prochaine loi de finances.

Troisième vertu du projet : un accord d'entreprise est nécessaire pour fixer la part de l'employeur, ce qui renforcera le dialogue social dans l'entreprise. C'est une des raisons pour amender le texte du Sénat, puisque celui-ci a supprimé la nécessité de ce dialogue social.

Le projet entend élargir le dispositif. Il est souhaitable d'ouvrir les chèques-vacances aux PME et aux très petites entreprises car elles n'ont pas de dispositifs d'aides aux loisirs comme les grandes. La question se pose également d'étendre le bénéfice du chèque-vacances aux salariés de la fonction publique qui ne sont pas agents de l'Etat ou des collectivités territoriales. La commission propose des amendements en ce sens.

Le Sénat, en modifiant profondément l'esprit du projet, dévoie le dispositif du chèque-vacances. L'orientation qu'il a retenue s'inspire de la proposition de MM. Pons et Séguin, repoussée par notre assemblée le 15 mai 1998 et fait ainsi d'un projet social et économique, un projet libéral. Il s'agit de transformer les chèques-vacances en un complément de salaire exonéré de charges sociales. C'est en fait un moyen de rendre le travail salarié plus flexible et de diminuer les charges des entreprises.

Nous devons donc aujourd'hui choisir entre deux conceptions. L'une se situe dans la continuité de l'ordonnance de 1982 ; l'autre traduit une approche libérale, voire paternaliste, de l'accès au loisir (Exclamations sur les bancs du groupe UDF).

Pour nous qui sommes les héritiers des grandes conquêtes populaires pour le droit au loisir et à la culture, c'est le choix de la justice sociale et de l'efficacité économique par une relance contrôlée de l'activité que nous ferons en soutenant ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme la Secrétaire d'Etat - De nombreux orateurs ont rappelé que le droit aux vacances était lié au mouvement social, et les rappels historiques de MM. Capet et Malavieille ont montré que cette évolution n'était pas écrite d'avance. M. le rapporteur a exprimé la volonté de la commission de revenir aux valeurs sociales du projet. Son ambition est en effet, comme l'a dit avec raison M. Dufau, d'aller vers plus de justice sociale. On comprend donc que des orateurs comme M. Malavieille souhaitent que plus de salariés aient accès au dispositif, et le Gouvernement partage cette préoccupation. Il convient notamment, en raison des interrogations que peut susciter la différence de statut entre les emplois jeunes de la police et les autres, que la loi rappelle que les emplois-jeunes ont accès aux chèques-vacances. Je souhaite par ailleurs que, sans attendre l'adoption du projet, les caisses de retraite puissent ouvrir plus largement le dispositif aux retraités, comme le fait déjà la CNRACL. La question est plus complexe pour les préretraités : ils ne sont plus liés par un contrat de travail, mais ne dépendent pas encore d'une caisse de retraite. Quant aux contractuels de la fonction publique, ils y ont accès dans les mêmes conditions que les fonctionnaires. L'ouverture du dispositif des CES et des CEC sera discutée entre les syndicats de fonctionnaires et le ministre de la fonction publique : ce problème sera donc traité dans le cadre du dialogue social.

M. Dumoulin et d'autres orateurs de l'opposition s'inquiètent des limites qu'impose à l'accès aux chèques-vacances le niveau de revenu pris pour référence, et craignent de voir écarter les classes moyennes modestes -notion nouvelle que nous découvrons. Mais d'après nos projections ces nouvelles dispositions couvrent quinze des vingt millions de salariés ayant un emploi, soit 75 %, ce qui devrait apaiser vos inquiétudes. Si ce projet ne vient en discussion qu'aujourd'hui, Monsieur Bouvard, ce n'est pas pour une question de droits d'auteur : c'est pour des raisons de fond que, le 15 mai, votre commission n'a pas approuvé la proposition de M. Pons. Nous n'avons pas la même vision des finalités du chèque-vacances. Son objet va bien au-delà de sa dimension économique, que du reste je ne néglige pas plus que Mme Bricq : c'est avant tout un moyen d'égalité sociale au regard du droit aux vacances. Le chèque-vacances n'est pas une fin en soi : il remplit des missions sociales qu'il faut préserver.

A Monsieur Jacquat, qui souhaite étendre le bénéfice des chèques-vacances aux artisans et aux commerçants, je ferai observer qu'il s'agirait alors de modifier en profondeur un dispositif fondé sur la relation entre employeur et salarié. Qui, dans les cas cités, abonderait ? Pour les commerçants et artisans retraités, la question peut être résolue, dans le cadre de l'article 6 du projet, par les caisses de retraite.

Pour ce qui est des chômeurs, dois-je faire valoir qu'ils n'ont pas vocation à le rester ? Et ce n'est pas un hasard si la loi relative à la lutte contre l'exclusion a créé la bourse de solidarité vacance. Le Gouvernement va, de surcroît, engager une réflexion sur la place des vacances dans la politique familiale et sur les diverses aides, ce qui devrait répondre aux préoccupations exprimées par M. Capet.

La négociation sur l'extension des chèques-vacances à l'Union européenne est encore balbutiante, mais la discussion montre déjà la complexité de l'opération.

Vos compliments m'ont touchée, Monsieur Deprez, mais il n'en reste pas moins que nos visions de la société diffèrent. Vous nous avez fait état des nombreux sujets qui vous agitent. Sachez que la loi d'organisation du tourisme est en chantier, ce qui devrait vous satisfaire, et que je souhaite, comme vous, voir se développer le tourisme "des quatre saisons".

Vous avez fait état de dérives dans l'utilisation des chèques-vacances. Le projet de loi limite strictement leur usage et 8 % seulement de ces titres servent au loisir et au sport. Si dérives il y a, elles seront sanctionnées, mais je ne pense pas qu'elles touchent de manière significative le secteur culturel.

La surenchère qui fondait l'intervention de M. Couve était telle qu'une seule question s'impose : pourquoi ne pas avoir mis en vigueur le dispositif que vous préconisez avec une telle conviction lorsque vous étiez au pouvoir ?

M. Jean-Michel Couve - Parce que nous n'en avons pas eu le temps !

Mme la Secrétaire d'Etat - Pour ce qui est, enfin, du tourisme social et associatif, auquel j'attache une grande importance, je rappelle que se tiendra prochainement une assemblée générale qui réunira un millier de participants, dont les conclusions seront écoutées avec le plus grand intérêt.

Je remercie à nouveau le rapporteur, ainsi que le président de la commission, que ce débat a dû rajeunir, puisqu'il a été l'un des instigateurs de l'ordonnance de 1982 (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

La discussion générale est close.

M. le Président - J'appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles du projet de loi modifiant l'ordonnance du 26 mars 1982 portant création des chèques-vacances.

ARTICLE PREMIER

M. Maxime Gremetz - Cet article énumère les bénéficiaires des chèques vacances, et je ne peux que constater certaines exclusions anormales : préretraités, titulaires de contrats emploi-solidarité, emplois-jeunes. Nous approuvons sans réserve l'objectif du texte, qui est d'élargir le champ des bénéficiaires de ces titres. Mais je ne peux me satisfaire que le rapporteur ait, article 40 aidant, décidé de retirer, sans nous en avertir, un amendement que nous avions cosigné et qui visait à ajouter à la liste fixée dans le projet les CES.

Si je reviens sur cette question précise, c'est que la position du Gouvernement est indéfendable. Les CES ont-ils, oui ou non, un contrat de travail ? Ils en ont un, bien sûr ! Vous nous dites que la loi relative à la lutte contre l'exclusion dispose que ces contrats ne seront plus renouvelables ; mais l'article 7 de cette loi fixe à ces contrats une durée comprise entre 6 et 24 mois ! Il est donc inconcevable de prétendre exclure quelque 600 000 personnes du bénéfice de cette mesure. Y consentir serait contrevenir au code du travail, et rendrait dérisoires les prétentions à une politique sociale. On ne s'étonnera donc pas que nous ayons déposé un sous-amendement à ce sujet.

Le sort réservé aux préretraités est tout aussi bizarre, alors que les bénéficiaires de l'ARPE continuent de cotiser à l'UNEDIC ; et les préretraités n'utilisent-ils plus les services des comités d'entreprise ? Comment nier leurs liens avec l'entreprise ? Comment, donc, les écarter du bénéfice de ce dispositif ?

M. d'Aubert, remplace M. Cochet au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE DE M. François d'AUBERT

vice-président

Mme la Secrétaire d'Etat - L'amendement 19 vise à compléter l'article premier par l'alinéa suivant : "Les salariés soumis aux dispositions de l'article L 322-4-18 du code du travail, leur conjoint ainsi que les personnes à leur charge, telles qu'elles sont définies aux articles 6 et 196 du code général des impôts, peuvent acquérir, dans les conditions fixées à l'article 6, des titres nominatifs appelés chèque-vacances".

Il vise à permettre aux "emplois-jeunes" de bénéficier des chèques-vacances.

M. le Rapporteur - La commission n'est pas hostile à l'amendement, mais elle l'estime incomplet. Elle a donc déposé le sous-amendement 36 qui vise à inclure dans le dispositif les personnes titulaires d'un contrat emploi consolidé.

M. Maxime Gremetz - Le sous-amendement 43 vise quant à lui à inclure dans le dispositif les titulaires d'un CES.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné ce sous-amendement, auquel je suis défavorable à titre personnel. Sur le plan strictement législatif, les CES sont, en effet, des contrats de travail. Cependant, l'objectif que nous poursuivons tous est qu'ils durent le moins longtemps possible, même si la loi de lutte contre l'exclusion a prévu, pour certains cas très particuliers, une possibilité d'extension à 24 mois. Il faut tout faire pour décourager la pérennisation de ces contrats.

Mme la Secrétaire d'Etat - Je comprends les préoccupations que vous avez exprimées, mais il revient aux partenaires sociaux de définir un abondement éventuel, dans le cadre de l'article 6 du projet. De nombreuses collectivités territoriales le font déjà. Pour ce qui est des préretraités tout dépend de leur statut : qui financerait ? L'Etat ou l'UNEDIC ?

Je suis défavorable aux deux sous-amendements.

M. Léonce Deprez - Je suis choqué par certaines expressions. La volonté de justice sociale et de progrès social est ici partagée par tous. Simplement, nous divergeons sur le chemin à prendre mais tous nous voulons que s'améliorer le sort des Français qui vivent mal.

Avec ce projet, vous n'allez pas assez loin, vous ne visez pas un assez grand nombre de Français.

Ainsi, pour les CES, nous soutenons la proposition de M. Gremetz car, à l'évidence, il s'agit bien d'un contrat de travail, fort utile pour les collectivités locales. C'est une solution provisoire mais digne. Les communes embauchent des CES non pour quelques mois mais pour un an, parfois pour deux. Les CES bénéficient d'une formation dans le cadre de leur contrat et ils n'auraient pas droit aux vacances ? C'est incohérent !

Mme Nicole Bricq - Donnez-leur un vrai contrat de travail !

M. Léonce Deprez - De même, nous considérons que les préretraités doivent avoir accès aux vacances.

M. Jean-Pierre Dufau - Si chacun s'accorde sur l'extension des chèques vacances aux emplois-jeunes et aux contrats-emplois consolidés, la discussion porte surtout sur les CES et sur les préretraités.

Après les explications du rapporteur et de la ministre, je comprends que l'on ne peut étendre le dispositif aux CES parce que leur nombre est maintenant réduit, parce qu'ils concernent des publics très particuliers, parce qu'ils sont visés par la loi contre les exclusions.

Monsieur Deprez, quand une commune constate au bout de six mois qu'un CES fait bien son travail, elle ne le laisse pas en CES pendant deux ans, elle le fait passer en CEC. Ainsi, il pourra désormais bénéficier des chèques-vacances.

M. André Capet - Tout à fait.

M. Jean-Pierre Dufau - Tout en comprenant l'esprit de la proposition de M. Gremetz, le groupe socialiste ne pourra donc voter son sous-amendement.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Je n'aime pas donner de leçons, mais je n'aime pas non plus qu'on m'en donne... Je suis de ceux qui ont participé sous la risée à la mise en place des chèques-vacances quand personne n'y croyait. Or ce dispositif a depuis prouvé son efficacité ; c'était bien une grande avancée sociale ! Dans la loi contre l'exclusion, nous avons eu la volonté forte d'introduire le sport, la culture, les vacances.

Quant à ce texte, un rapport de suivi sera préparé et nous pourrons remettre en chantier le dispositif s'il ne répond pas à l'objectif recherché.

Il est clair, Monsieur Gremetz, que nous avons voulu sous-amender l'amendement du Gouvernement parce que nous le trouvions trop restrictif. Ainsi les emplois-jeunes seront désormais visés, c'est important.

Je ne puis pour autant vous suivre sur les CES, non parce que nous serions en désaccord sur la dimension sociale mais parce que je considère qu'il faut revenir à la vocation initiale de ces contrats, qui doivent être de courte durée et favoriser l'insertion sur le marché du travail. Or, dès lors que leur durée est effectivement inférieure à 24 mois, il est fort difficile de gérer l'épargne et le montant de cotisation dans le cadre du dispositif des chèques-vacances. C'est pourquoi je soutiens la position du rapporteur.

On ne saurait toutefois en rester là et je vous demande donc, Madame la ministre, d'organiser sur ce point une réunion de travail avec votre collègue de la Fonction publique. Je m'engage à ce que nous reprenions ce débat avant le vote définitif.

M. Maxime Gremetz - Je ne puis me satisfaire de cette proposition, tout simplement parce que je n'accepterai jamais que l'on distingue plusieurs catégories au sein des salariés de ce pays.

En outre on ne peut à la fois dire que les chèques-vacances concernent tous ceux qui ont un contrat de travail et qui sont dans les entreprises et exclure les CES. C'est juridiquement inacceptable.

Je maintiens donc mon sous-amendement et je demande un scrutin public.

A la majorité de 25 voix contre 16 sur 42 votants et 41 suffrages exprimés, le sous-amendement 43 n'est pas adopté.

Le sous-amendement 36, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 19 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 2 précise que les agents contractuels de la Fonction publique relèvent de ce dispositif, notamment au titre de l'article 6 de l'ordonnance, c'est-à-dire par l'intermédiaire des organismes sociaux habilités à attribuer une aide aux vacances.

L'amendement étend en outre le bénéfice des chèques-vacances -et au même titre- aux préretraités qui conservent un lien juridique avec leur employeur.

Ce projet visant à étendre le champ du chèque-vacances, on comprendrait mal que ces catégories en soient écartées.

Mme la Secrétaire d'Etat - Selon la jurisprudence du Conseil d'Etat, ces contractuels relèvent des circulaires en vigueur sur l'attribution des chèques-vacances dans la Fonction publique. Avis défavorable, par conséquent.

M. Michel Bouvard - Les députés de l'opposition voteront cet amendement. J'avoue ne pas très bien comprendre la position du Gouvernement : en quoi cette disposition peut-elle gêner, même si elle redouble la jurisprudence ? Par ailleurs, elle serait utile, compte tenu de certains précédents.

J'indique que, d'une manière générale, conformément à la position que nous avons défendue à la tribune, nous voterons tous les amendements visant à étendre le dispositif à de nouveaux bénéficiaires. Et, au passage, je souhaiterais un peu de cohérence à cet égard. Nous nous réjouissons que Mme le secrétaire d'Etat ait déclaré les commerçants et artisans retraités éligibles aux chèques-vacances, par l'intermédiaire de leur caisse de retraite, mais n'y a-t-il pas injustice à ce qu'ils ne le soient pas tant qu'ils restent en activité ? Tous ne sont pas Fauchon !

M. Jean-Pierre Dufau - Ce qui va sans dire va encore mieux en le disant, Madame la secrétaire d'Etat ! Même si le Gouvernement est défavorable à l'amendement, le groupe socialiste le votera.

M. Maxime Gremetz - De même que le groupe communiste, bien sûr, puisque nous figurons parmi les signataires.

M. Léonce Deprez - Pour les raisons qu'a déjà exposées M. Bouvard, l'UDF aussi approuvera les amendements d'extension, car ils contribueront à plus de justice sociale et favoriseront un accroissement des chiffres d'affaires, donc des emplois et des recettes de l'Etat.

L'amendement 2, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Michel Couve - Notre amendement 29 ouvre aux retraités, dont les revenus sont souvent modestes, le bénéfice des chèques-vacances. En disposer ainsi dans l'article premier donnera un caractère concret à ce droit aux vacances.

M. Léonce Deprez - Notre amendement 25 vise au même résultat, pour le même motif.

M. le Rapporteur - La commission n'a pu examiner ces amendements de l'opposition, soumis trop tardivement. Cet afflux est d'ailleurs d'autant plus surprenant, Messieurs, qu'un seul d'entre vous a participé à la réunion de la commission...

M. Jean-Michel Couve - Considération secondaire !

M. le Rapporteur - ...Et que vous n'êtes guère nombreux en séance ce soir.

Cela étant, vos deux amendements sont satisfaits par le 12 de la commission.

Mme la Secrétaire d'Etat - Même position.

M. Léonce Deprez - Monsieur le rapporteur, tous les députés ici présents ne sont pas membres de la commission des affaires sociales. A ce propos, je regrette que les textes concernant le tourisme ne soient pas systématiquement soumis à la commission de la production également. Si tel avait été le cas, nous aurions mieux pu défendre nos amendements.

M. le Président de la commission - Notre commission est ouverte aux membres des autres commissions et vous auriez parfaitement pu vous y exprimer, Monsieur Deprez.

Pour le reste, je suis heureux que vous voliez au secours de la victoire -j'entends la victoire du chèque-vacances-, mais, comme l'a démontré le rapporteur, vos deux amendements sont inutiles.

Les amendements 29 et 25, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Michel Couve - L'amendement 30 vise à étendre le bénéfice des chèques-vacances, cette fois aux agriculteurs, à leurs conjoints et aux personnes à leur charge. Toute discrimination entre Français serait insupportable.

M. Léonce Deprez - Notre amendement 27 est inspiré du même souci de ne pas oublier les agriculteurs et le monde rural. Je propose en outre de limiter l'avantage à ceux qui acquittent un impôt d'un montant inférieur au quintuple du quotient familial : cela correspond à un revenu de 110 000 F, ce qui est modeste.

M. le Rapporteur - La commission n'a pu examiner ces amendements non plus, donc mon avis défavorable n'est que personnel.

Les agriculteurs qui relèvent de la MSA peuvent avoir accès aux chèques-vacances au titre de l'article 6. Vous oubliez ce que j'ai dit tout à l'heure, à savoir que 92 % des gens ont déjà droit à cette aide. Plutôt que de présenter des amendements sans rapport avec la réalité, attachez-vous à ce qui importe : inciter les PME à développer l'usage des chèques-vacances.

Enfin, n'avez-vous pas commis une erreur, Monsieur Deprez, en écrivant dans votre amendement : "au quintuple du plafond du quotient familial" ?

Mme la Secrétaire d'Etat - Nous sommes là dans un faux débat : les agriculteurs peuvent avoir accès aux chèques-vacances au titre de l'article 6, par l'intermédiaire des organismes paritaires. Quelle autre voie suggérez-vous donc ? Ce ne peut être celle de l'article 2, qui suppose l'existence d'un employeur.

Bien sûr, le dispositif actuel suppose d'effectuer une démarche auprès de l'organisme paritaire, mais je puis vous indiquer la voie à suivre. Quant aux salariés agricoles, la loi agricole comporte des dispositions en leur faveur.

M. Jean-Michel Couve - Les organismes paritaires n'entreront dans le dispositif que si on les y aide. A l'heure actuelle, il n'y a que la CNRACL qui participe, mais comment voulez-vous que les caisses de retraite l'imitent spontanément ? Au reste, vous connaissez la situation de la CNRACL...

Les amendements 30 et 27, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Michel Couve - L'amendement 31 est encore un amendement d'extension, cette fois au bénéfice des artisans et commerçants.

Plusieurs députés communistes - Démagogie !

M. Léonce Deprez - Toutes les catégories de Français, dès lors que leurs revenus sont insuffisants, doivent avoir accès aux chèques-vacances : telle est la conviction qui doit s'imposer et tel est le sens de notre amendement 37.

D'autre part, le projet est parvenu mercredi à 16 heures à mon bureau. Il était difficile pour les collègues de la commission de participer à une réunion le lendemain matin. Nous sommes prêts au dialogue et nous l'avons déjà démontré. Reconnaissez notre bonne foi.

M. le Rapporteur - Je reconnais en effet que l'exercice n'était pas facile. On peut accéder au dispositif par l'article 1 ou par l'article 6 de l'ordonnance. Ce dernier offre beaucoup de possibilités par exemple aux agriculteurs, par l'intermédiaire de la MSA. Pourquoi ne les ont-ils pas utilisées ?

Ce que vous demandez par ces amendements n'est pas recevable. Ce n'est que par l'article 6 que les non-salariés peuvent bénéficier de cette aide. Mais ils n'en sont pas exclus.

Mme la Secrétaire d'Etat - Défavorable.

L'amendement 31, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 39.

M. Jean-Michel Couve - Je poursuis. Avec l'amendement 32 nous souhaitons une extension aux professions libérales.

M. Léonce Deprez - Il en va de même pour l'amendement 38. On serait surpris si on connaissait le niveau de revenus de certains professionnels libéraux. A Paris, beaucoup de jeunes juristes vivent avec moins que le SMIC. Eux aussi ont droit aux vacances.

M. le Rapporteur - Même argumentation avec une nuance. On ne peut confondre, comme dans ce cas, l'organisme qui abonde et le bénéficiaire. Rejet.

Mme la Secrétaire d'Etat - Défavorable.

M. Michel Bouvard - C'est un sujet dont nous ne discutons pas souvent. Puisque l'occasion s'offre, il faut parvenir à une solution. L'article 6 s'applique dans différents cas, dites-vous. En théorie. Mais pourquoi ne s'applique-t-il pas plus en pratique ?

M. le Président de la commission - C'est la question.

M. Michel Bouvard - Ces catégories ont aussi droit aux vacances. Si nos amendements ne sont pas la meilleure solution, proposez-en une autre, peut-être un groupe de travail. Mais cherchons une solution à cette situation injuste, qui engendre des rancoeurs.

M. le Président de la commission - D'abord, je reconnais qu'il a fallu examiner le texte rapidement.

M. Léonce Deprez - Merci.

M. le Président de la commission - Apparemment, il faut mieux faire connaître l'article 6 de l'ordonnance de 1982. Mais en 17 ans comment se fait-il que certaines professions n'aient pas engagé de négociations.

Ce que je propose, c'est que le rapporteur se mette à votre disposition, et organise une réunion de travail pour faire le point sur les problèmes afin d'y revenir en deuxième lecture si c'est indispensable. Mais je pense qu'il y a un faux problème.

M. Jean-Michel Couve - Je suis tout à fait ravi que vous reconnaissiez qu'il y a un problème réel. A-t-il fallu que nous répétions inlassablement nos arguments sur diverses catégories pour vous le faire découvrir !

M. le Président de la commission - C'est un faux problème.

M. Jean-Michel Couve - Le problème vient de ce que vous vous contentez de toiletter l'ordonnance de 1982 qui ne prend en compte que les salariés. Notre proposition de loi de décembre 1998 et la position du Sénat sont plus ouvertes.

M. Patrick Malavieille - 7,5 millions de bénéficiaires en plus, ce n'est pas une ouverture ?

M. Jean-Michel Couve - L'objectif du ministre n'est que de 150 000 bénéficiaires en plus par an.

Mme Muguette Jacquaint - C'est scandaleux ! Il y a des gens qui ne partent pas en vacances !

M. Jean-Michel Couve - Mais si nous pouvons discuter en revoyant complètement le dispositif, nous aurons satisfaction.

M. Léonce Deprez - Je suis heureux que M. Le Garrec se rende compte que le problème mérite d'être étudié plus en profondeur, avec plus d'ambition sociale. C'est pourquoi nous avons déposé nos amendements. Mais nous sommes prêts à répondre à l'invitation.

M. le Rapporteur - Alors retirez vos amendements.

M. le Président de la commission - Et cessez de nous donner des leçons. Depuis dix-sept ans, rien n'empêchait les organisations agricoles de négocier dans le cadre de l'article 6 de l'ordonnance de 1982. Mais cette ordonnance, Monsieur Couve, vous ne la connaissez pas. C'est regrettable pour un maire de commune touristique.

M. Jean-Michel Couve - Ce n'est pas acceptable !

M. le Président de la commission - Je vous propose de revoir les choses attentivement. Mais évitez de dire que nous ne voyons pas le problème. Il peut être réglé grâce à l'article 6. En tout cas, si vous êtes cohérent, retirez le reste de vos amendements.

M. Jean-Michel Couve - D'accord, si vous vous engagez à la concertation.

M. Jean-Pierre Dufau - Il y aura quand même 7,5 millions de bénéficiaires supplémentaires. La proposition Pons-Séguin de 1998 prévoyait un complément de salaire sans contrôle de l'attribution des chèques par les partenaires sociaux. Elle était trop libérale. Mieux vaux, comme M. Le Garrec le propose, affiner les choses pour la deuxième lecture et essayer d'aboutir que d'avoir une approche politicienne.

M. Léonce Deprez - J'accepte la proposition. La société a beaucoup évolué depuis 1982. Il faut une concertation. Nous pouvons retirer nos amendements suivants.

L'amendement 32, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 38.

M. Jean-Michel Couve - Je retire également nos amendements au nom de mon groupe à condition que nous ayons un véritable débat pour que les non-salariés accèdent vraiment à ce dispositif.

M. le Rapporteur - L'amendement 3 tend à permettre l'utilisation des chèques-vacances dans les Etats membres de l'Union européenne, les conditions d'agrément des prestataires étant fixées par décret ; le souhait de votre commission vise particulièrement la zone euro. La difficulté vient de la nécessité d'une réciprocité.

M. Jean-Michel Couve - Il n'y a pas de raison de se limiter à la zone euro. Par mon sous-amendement 42, je propose de viser également, sous réserve de réciprocité, la Confédération helvétique, qui a lancé le chèque-vacances bien avant nous.

M. Jacques Blanc - Mon sous-amendement 18 tend à substituer aux mots "dont les conditions d'agrément sont fixées par décret" les mots "sous réserve de réciprocité, dans les conditions d'agrément et de conventionnement fixées par décret".

Mme la Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement réfléchit actuellement aux conditions et aux conséquences d'une extension aux pays membres de l'Union européenne. A ce jour, la France est le seul à avoir mis en place ce système, même si des initiatives sont en cours en Italie, en Espagne et au Portugal. Il faut avoir à l'esprit tant l'intérêt que présenterait une telle extension pour la construction d'une Europe de la fraternité, offrant aux salariés modestes la possibilité de découvrir les pays voisins, que la nécessité de ne pas déséquilibrer l'industrie touristique nationale.

Le Gouvernement indiquera en deuxième lecture les dispositions qu'il entend prendre ; il souhaite donc le retrait de cet amendement. Il veut également analyser avec précision le problème de la réciprocité, soulevé par le sous-amendement 18.

M. le Rapporteur - Monsieur Couve, nous parlons de la zone euro parce que, s'agissant d'utiliser un chèque, il est plus simple détendre le système à des pays qui ont la même monnaie. Monsieur Blanc, un pays ne peut pas imposer la réciprocité à un autre...

Puisque vous prenez l'engagement de nous faire des propositions en seconde lecture, Madame la ministre, je suis d'accord pour retirer cet amendement.

M. Maxime Gremetz - J'en suis cosignataire mais je reconnais qu'il faut pousser plus loin l'analyse ; j'accepte donc qu'il soit retiré. Je retire également l'amendement 16.

M. le Président - Je vais donc mettre aux voix l'article premier.

M. Léonce Deprez - Nous attendons que le Gouvernement nous donne ses conclusions en deuxième lecture.

M. Jacques Blanc - J'aurais voulu reprendre l'amendement...

M. le Président - C'est trop tard !

L'article premier, mis aux voix, est adopté.

ART. 2

M. le Rapporteur - L'amendement 4 tend à revenir au texte initial, que le Sénat a dénaturé. La justice sociale veut que l'on se fonde sur le revenu fiscal de référence, et non sur la cotisation d'impôts car celle-ci, à montant égal, peut correspondre à des situations économiques fort différentes.

Entre 2 et 4 % de personnes qui aujourd'hui répondent aux critères de l'article 1 de l'ordonnance pourraient être exclues. En revanche, 75 % des 7,5 millions de salariés des PME-PMI pourront accéder au chèque-vacances. Les 25 % restants pourront aussi y accéder, par le biais de l'article 6 de l'ordonnance dès l'instant que des conditions auront été négociées avec des organismes sociaux -qui sont à créer.

Mme la Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement est favorable à l'amendement 4 mais a déposé un sous-amendement 21 pour actualiser le plafond de revenus des bénéficiaires potentiels, en prenant compte du barème de l'impôt sur le revenu.

Le sous-amendement 21, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 4 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté et l'article 2 est ainsi rédigé.

ART. 3

M. Maxime Gremetz - Le Gouvernement avait proposé à cet article, pour les entreprises de moins de 50 salariés dépourvues de comité d'entreprise, une exonération de cotisations sociales, hors CSG et CRDS. Le Sénat a proposé d'étendre l'exonération à la CSG, ce qui paraît excessif ; une telle exonération se justifie pour les comités d'entreprise parce qu'ils ont des responsabilités nombreuses, mais l'extension du système serait un encouragement à se passer de comité d'entreprise.

Le Sénat a proposé de porter de 30 à 40 % du SMIC le plafond de l'avantage ouvrant droit à exonération. Les 30 % donnent une marge suffisante, puisqu'ils représentent le double des abondements constatés aujourd'hui. En faisant le calcul sur la base du SMIC actuel, l'exonération atteint 2 309 francs, ce qui n'est pas négligeable. L'objectif du chèque-vacances est de donner un avantage social aux salariés modestes. Gardons cet objectif, et ne permettons pas qu'il soit détourné en avantage fiscal pour les employeurs.

Le projet fait référence, pour définir la notion de salarié, à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, et l'ajout de la notion de salarié est inutile. Quant à la proposition de supprimer l'obligation d'un accord d'entreprise pour bénéficier de l'exonération, elle a plusieurs inconvénients. Tout d'abord, il faut distinguer les prérogatives des organisations syndicales et celles des comités d'entreprise. Les premières ont vocation à négocier et à signer des accords. S'il n'existe pas de syndicat, le projet reprend le dispositif du mandatement de la loi du 13 juin 1998 sur la réduction du temps de travail, qui a montré dans ce cadre son efficacité. 43 % des accords sur la réduction du temps de travail ont été conclus par ce biais. Quant aux délégués du personnel, leur mission est de défendre les intérêts individuels et collectifs des salariés. Evitons une confusion des rôles qui serait préjudiciable au dialogue social.

J'ajoute qu'un accord collectif obéit à des règles précises de négociation, de révision et de dénonciation. Si l'employeur met en place les chèques-vacances sans accord collectif, il s'agit d'une décision unilatérale qui s'entoure de bien moindres garanties juridiques. En particulier l'employeur peut décider seul d'y mettre fin, sous réserve de règles beaucoup moins contraignantes. Pour conforter le dialogue social, pour de meilleures garanties juridiques, l'employeur qui veut bénéficier de l'exonération doit passer un accord collectif. Ainsi le chèque-vacances, outre son but de justice sociale et son rôle pour l'activité touristique, sera une incitation au dialogue social. La négociation à son sujet sera vraisemblablement, dans beaucoup de PME, l'occasion d'une ouverture à d'autres négociations. Ne remettons pas en cause cette opportunité d'améliorer le dialogue social dans les PME.

M. le Rapporteur - M. Gremetz vient d'argumenter assez l'amendement 5 de la commission, qui rétablit le texte initial, en hiérarchisant les accords collectifs et en rappelant que le mandatement n'est qu'un recours ultime s'il n'y a aucune représentation du personnel.

Mme la Secrétaire d'Etat - N'étant pas totalement convaincue par cet amendement, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée. Je retire le sous-amendement 22.

L'amendement 5, mis aux voix, est adopté.

L'article 3 est ainsi rédigé.

ART. 4

M. le Rapporteur - L'amendement 6 rétablit le texte initial.

L'amendement 6, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 4 est ainsi rédigé.

ART. 4 bis

M. le Rapporteur - Nous avons pensé qu'une épargne minimale de 4 % du SMIC, soit 270 F, était peut-être un montant un peu lourd. L'amendement 7 tend à ramener ce taux à 2 %.

L'amendement 7, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 4 bis est ainsi rédigé.

ART. 4 ter

M. le Rapporteur - L'amendement 8 rétablit le texte initial en supprimant cet article.

L'amendement 8, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 4 ter est ainsi supprimé.

ART. 4 quater

M. le Rapporteur - L'amendement 9 de la commission confie la tutelle de l'Agence nationale des chèques-vacances au ministre chargé du tourisme (Approbation sur de nombreux bancs).

Mme la Secrétaire d'Etat - Je prends acte de l'hommage ainsi rendu au secrétariat d'Etat au tourism. (Sourires). Mais l'ANCV est un établissement public industriel et commercial, soumis en principe au contrôle financier de l'Etat. En outre, l'agence doit émettre un titre de paiement, et cette mission implique que le ministère de l'économie et des finances exerce une co-tutelle avec celui du tourisme. Je propose de confirmer la tutelle du ministère des finances, mais de remplacer "ministre du temps libre" par "ministre chargé du tourisme" pour actualiser l'ordonnance.

M. Jean-Pierre Dufau - Au-delà du symbole, il s'agit par cet amendement de traduire la reconnaissance qui est due au ministère du tourisme, et d'exprimer notre volonté de souligner que le chèque vacances est lié au tourisme. Que, pour l'aspect comptable et financier, le ministère des finances exerce ses prérogatives administratives, cela peut se comprendre. Mais, en termes politiques, il est important que le ministère du tourisme exerce la tutelle de l'agence.

L'amendement 9, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Il importe, compte tenu des masses énormes émises par l'ANCV, que le ministre du tourisme établisse et publie chaque année un rapport établissant le bilan économique et social de l'utilisation du chèque-vacances. C'est l'objet de l'amendement 10.

Mme la Secrétaire d'Etat - Favorable.

M. Michel Bouvard - Je comprends le souci de nos collègues, mais les documents que l'Agence établit chaque année sont déjà de bonne qualité, et l'on peut y trouver les informations voulues ; c'est d'ailleurs ce que font le rapporteur spécial et le rapporteur pour avis du budget du tourisme. Sans être donc hostile au rapport proposé, je me demande s'il n'est pas redondant.

M. Jean-Pierre Dufau - Je soutiens l'amendement, car il permettra de savoir pourquoi, malgré ce dispositif, certains salariés ne partent pas.

M. Maxime Gremetz - Je le soutiens aussi. Puisque les chiffres font parfois l'objet de contestation, il faut être informés. Cela conduira sans doute à corriger certaines choses, notamment le cas des CES.

M. Léonce Deprez - Nous approuvons l'idée de ce rapport, car il montrera certainement la nécessité d'ouvrir plus encore le dispositif. Nous le disons aujourd'hui, mais il sera bon que le rapport le démontre chaque année.

L'amendement 10, mis aux voix, est adopté.

L'article 4 quater modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 5

M. le Rapporteur - L'amendement 11 rectifié est de précision.

L'amendement 11 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 12 a pour objet de donner aux retraités accès aux chèques-vacances. Cette mesure a une justification sociale, mais aussi économique, car les retraités sont une clientèle importante pour le tourisme.

Mme la Secrétaire d'Etat - Je partage le souci de la commission. Mais on ne peut imposer à des caisses de retraite relevant de l'article 6 de l'ordonnance une obligation que n'ont pas les autres organismes sociaux visés au même article. De même, prévoir pour ces caisses une convention que ne mettent pas en oeuvre les autres organismes déséquilibrerait l'article 6. J'ai engagé le dialogue avec les caisses de retraite dans l'espoir que, comme le fait la CNRACL, elles assureront aux retraités modestes un plus large accès aux vacances ; à mes yeux cela ne passe pas par la loi, mais par le dialogue. C'est pourquoi je souhaite que vous puissiez retirer l'amendement 12.

En revanche, le Gouvernement propose par l'amendement 20 rectifié d'ajouter les mots "en particulier aux retraités" au premier alinéa de l'article 6 de l'ordonnance. Il est bon que le législateur oriente la réflexion des acteurs sociaux, et conforte le Gouvernement dans sa volonté de les convaincre.

M. Jean-Pierre Dufau - J'étais à l'initiative de l'amendement 12 ; n'étant pas membre de la commission des affaires sociales, je n'ai pu le cosigner comme ma collègue Mme Génisson. Mais, parlant au nom de cette dernière, je suis prêt, compte tenu des explications du Gouvernement, à retirer le 12 et à voter le 20 rectifié, sachant que nous demanderons de nouveau des comptes à ce sujet en deuxième lecture, en nous réservant le cas échéant de redéposer notre amendement.

M. le Rapporteur - Sur le plan de la forme, il me semble gênant de retirer un amendement adopté par la commission, et de voter celui du Gouvernement, qu'elle a repoussé. Je propose d'adopter le 12 dans l'immédiat, mais de revenir sur ce problème en deuxième lecture.

M. Jean-Michel Couve - J'ai le sentiment que ce projet est inachevé. Il est assez surprenant de vous voir réintroduire à l'article 6 ce qui ne l'a pas été à l'article premier, et de faire en sorte maintenant que les retraités soient les bénéficiaires potentiels des chèques-vacances. Après quoi, la ministre s'inquiète de ce que l'on imposerait de la sorte aux caisses de retraite des charges qui ne pèsent pas sur d'autres organismes sociaux. Or ce n'est pas de cela qu'il s'agit, mais de définir comment elles procéderont ! La deuxième lecture sera particulièrement bienvenue !

M. Jean-Pierre Dufau - L'amendement dit bien qu'il s'agit seulement d'une possibilité offerte aux retraités. Je me rallie à la proposition du rapporteur : puisqu'il y a un problème de forme, nous reverrons la question en deuxième lecture.

L'amendement 12, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L'amendement 20 rectifié tombe donc.

L'article 5 modifié, mis aux voix, est adopté.

L'article 6, mis aux voix, est adopté.

ART. 7

M. le Rapporteur - L'amendement 13 est de suppression, pour un retour au texte initial.

Mme la Secrétaire d'Etat - Avis favorable.

L'amendement 13, mis aux voix, est adopté et l'article 7 est ainsi supprimé.

M. Léonce Deprez - L'amendement 35 corrigé visait à instaurer un partenariat entre l'ANCV et des organismes de droit privé. Mais l'amendement de suppression ayant été adopté, il n'a plus lieu d'être.

APRÈS L'ART. 7

M. le Rapporteur - La commission a adopté l'amendement 14 rectifié, identique à l'amendement 17 de M. Gremetz, et qui vise à diffuser le plus largement possible les chèques-vacances auprès des salariés. Je ne suis pas certain qu'il ait sa place dans un texte législatif.

M. Maxime Gremetz - Je retire l'amendement 17 au profit de l'amendement 14 rectifié.

Mme la Secrétaire d'Etat - Sagesse.

L'amendement 14 rectifié, mis aux voix, est adopté.

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Léonce Deprez - Je me félicite d'un débat positif qui nous a permis d'aboutir à une meilleure appréhension de la nécessité d'étendre l'accès aux chèques-vacances, pour des raisons à la fois économiques et sociales, au plus grand nombre de Français possible. Je remercie le président Le Garrec de l'esprit d'ouverture dont il a fait preuve en promettant de constituer un groupe de travail au sein duquel le dialogue pourra se nouer.

Cependant, à ce stade de la discussion, nous voterons contre le projet.

M. Maxime Gremetz - Quel esprit d'ouverture !

M. Léonce Deprez - Nous espérons que les travaux du groupe de travail nous permettront d'inverser notre vote après la deuxième lecture.

M. Jean-Pierre Dufau - Je regrette que l'esprit d'ouverture tant vanté ne pousse pas M. Deprez à plus de logique et j'espère qu'il reviendra sur ce vote. Je remercie Mme la ministre de nous avoir présenté un texte qui constitue une avancée sociale indéniable et le président de notre commission qui, en créant un groupe de travail, a montré sa volonté de faire des chèques-vacances un dispositif social, dont personne ne doit être exclu a priori. Je remercie aussi le rapporteur et les membres de la commission, qui ont accompli, dans l'ombre, un travail considérable pour faire du chèque-vacances un élément de poids du dispositif des vacances sociales.

M. Maxime Gremetz - Au nom du groupe communiste, je remercie Mme la ministre, dont le texte sait répondre à des besoins réels, puisque 40 % des Français ne peuvent, actuellement, partir en vacances. Je lui demande avec insistance de réfléchir au sort des CES, et je maintiens qu'en droit français il est impossible qu'au sein d'une même entreprise coexistent deux catégories de salariés dont les droits seraient différents.

M. Léonce Deprez - C'est exact.

M. Maxime Gremetz - Sur un autre plan, je m'étonne de la réaction de l'opposition, qui refuse de voter ce texte, tout en estimant qu'il constitue un progrès, au motif que ce progrès n'est pas suffisant. Nous estimons, pour notre part, que c'est une grande avancée que d'octroyer un droit supplémentaire à quelque 7 millions et demi de salariés et de favoriser le dialogue social dans les PME où il fait gravement défaut. Et lorsque, de plus, un récent sondage montre que les dirigeants de PME sont, pour 80 % d'entre eux, favorables à ce projet de loi, tout comme le sont leurs salariés, on peut s'attendre à ce qu'ils n'apprécient pas tous la position prise par l'opposition lors de ce vote.

M. Jean-Michel Couve - Nous nous déterminerons lors de la deuxième lecture, car il est vrai que le projet a apporté un éclairage intéressant sur divers aspects de cette question.

Cela ne doit pas vous conduire à raconter des histoires : ce n'est pas parce qu'il font connaître leur accord de principe que les dirigeants des PME savent tout du texte présenté. Et quand ils en prendront connaissance, peut-être n'y seront-ils pas aussi largement favorables.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance ce soir, à 21 heures 15.

La séance est levée à 19 heures 45.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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