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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 75ème jour de séance, 194ème séance

3ème SÉANCE DU JEUDI 18 MARS 1999

PRÉSIDENCE DE M. Yves COCHET

vice-président

          SOMMAIRE :

POLICES MUNICIPALES (CMP) 1

La séance est ouverte à vingt et une heures quinze.


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POLICES MUNICIPALES (CMP)

M. le Président - J'ai reçu du Premier ministre une lettre soumettant à l'approbation de l'Assemblée le texte de la CMP sur les dispositions restant en discussion du projet relatif aux polices municipales.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la CMP.

M. René Dosière, suppléant M. Jacky Darne, rapporteur de la CMP - Suppléant M. Darne retenu à Lyon, je dois faire part de mes scrupules à exposer le résultat positif de la CMP, alors que ce résultat est dû pour beaucoup au travail rigoureux accompli par M. Darne. L'accord de la CMP a porté sur les points suivants.

A l'article 2, la rédaction du Sénat a été retenue : le préfet ne pourra donc pas imposer de conventions de coordination. Mais en l'absence de convention, la police municipale ne pourra intervenir qu'entre 6 heures et 23 heures et ne pourra pas être armée. Voilà qui devrait pousser les élus à conclure des conventions.

A l'article 3, conformément au souhait du Sénat, la CMP n'a pas mentionné que les maires des communes seraient désignés par les associations représentatives d'élus locaux. En revanche, elle a retenu la rédaction de l'Assemblée laissant aux organisations syndicales le soin de désigner les représentants des agents de police municipale.

A l'article 4, la CMP n'a pas accepté que la demande de vérification puisse émaner de la commission consultative, mais elle a permis que cette vérification soit effectuée par les services d'inspection générale de l'Etat, donc éventuellement par ceux de la gendarmerie nationale.

La CMP a supprimé l'article 5 bis introduit par le Sénat et relatif aux gardes champêtres recrutés en commun par plusieurs collectivités. Cependant les deux rapporteurs se sont engagés à demander au ministre sur ce sujet des explications précises.

A l'article 6, qui porte sur l'agrément des agents de polices municipales, la commission a retenu, conformément au texte de l'Assemblée, le principe du double agrément par le procureur de la République et par le représentant de l'Etat. Une longue discussion s'est ouverte sur les délais de délivrance des agréments qui devraient être les plus brefs possibles.

A l'article 7, relatif à l'armement des agents, la commission a retenu la rédaction du Sénat permettant un armement sous des conditions qui ont été renforcées.

A l'article 8, les modalités d'harmonisation des tenues et des équipements ont été renvoyées à un décret en Conseil d'Etat.

A l'article 11 a été retenue la rédaction du Sénat, qui a refusé d'abroger l'article du code des communes autorisant l'agrément temporaire d'agents non armés. A cette occasion, nous avons évoqué le problème de l'intégration des polices municipales dans le cadre de l'intercommunalité. Nous souhaitons que vos services avancent dans le règlement de cette difficulté.

La commission a adopté l'article 15 sur la formation des policiers municipaux dans le texte du Sénat, comportant le versement au Centre national de la fonction publique territoriale d'une redevance pour prestations de services, étant entendu que cette démarche ne doit pas faire jurisprudence. Nous espérons que le nouveau président du CNFPT pourra résoudre les difficultés qui se posent à lui.

Nous avons supprimé l'article 16 bis, qui comportait une bonification d'ancienneté pour la liquidation de la retraite des agents de police municipale et des gardes champêtres. Nous ne sommes pas insensibles à leurs préoccupations, mais, cette disposition risquerait de susciter d'autres demandes, alors que l'on connaît la situation des régimes de retraite.

Nous avons adopté les articles 18 A, relatif au contrôle d'alcoolémie par les policiers municipaux, 18 et 19. Nous avons également retenu l'article 20 dans la rédaction de l'Assemblée, sous réserve de préciser que le reclassement des agents non agréés ne serait pas subordonné à leur demande.

Nous avons, enfin, adopté l'article 21 accepté par le Sénat, autorisant le recrutement comme volontaires dans la gendarmerie nationale des femmes nées avant le 31 décembre 1982, même si cette disposition a peu à voir avec le projet.

Nous vous soumettons donc un texte unique, attendu depuis plus de dix ans par les policiers municipaux, qui sont au nombre 13 000. Un texte sur lequel semblait peser une malédiction, puisqu'aucun des projets précédents n'avait pu aboutir. Cette malédiction est aujourd'hui levée, et cela dans les meilleures conditions, puisque nous sommes parvenus à un accord en CMP. Il est réjouissant que des élus de bonne volonté puissent s'entendre ainsi sur un texte touchant à la sécurité publique. Nous le devons cependant pour beaucoup au rôle modérateur joué par le sénateur Delevoye, président de l'association des maires de France, dont l'attitude réaliste tranche heureusement avec la démagogie qui s'est parfois déployée -et se déploiera peut-être encore ce soir ici.

Mais cet accord a aussi été facilité par le caractère pragmatique du texte initial : celui-ci visait à répondre aux préoccupations de nos concitoyens et, pour tout dire, c'était un texte républicain, ce dont il faut vous rendre hommage, Monsieur le ministre.

Enfin, le rapporteur de la loi sur la sécurité routière que je suis ne peut que se féliciter que les policiers municipaux aient reçu compétence de constater les infractions routières : je ne doute pas que cela se traduise par des améliorations sensibles là où ils seront présents. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Ainsi la CMP est parvenue à un accord et je tiens à remercier MM. Darne et Dosière pour leur contribution à cette heureuse issue, d'autant que les tentatives précédentes avaient toutes échoué, qu'il s'agisse de celle de M. Quilès ou de celle de M. Pasqua, reprise par M. Debré. La malédiction est donc levée et, sauf cataclysme de dernière heure, nous allons faire mentir l'adage "jamais deux sans trois" ! Comme vous l'avez dit, c'est un texte républicain : il fait reculer la superstition. (Sourires)

Ce succès va couronner un travail législatif bien mené, en vue de concilier deux objectifs : encadrer par la loi l'action des agents de police municipale et la coordonner avec celle de la police nationale, dans le respect du principe de libre administration des collectivités.

Il reste que la création d'une police municipale est une faculté, non une obligation. La procédure des contrats locaux de sécurité permet aux maires d'être associés à la politique de sûreté sous quelque forme que leur commune y contribue : création d'une police municipale, recrutement d'agents locaux de médiation sociale...

Le projet que je vous ai présenté voici un an de cela visait à clarifier les prérogatives et les attributions des agents de police municipale, à garantir la complémentarité de leur intervention avec celle de la police et de la gendarmerie nationales, à assurer une certaine harmonisation des équipements et un réel contrôle sur le fonctionnement, enfin à améliorer la formation, la carrière et le statut de ces agents.

En première lecture, vous avez appuyé ce projet en l'enrichissant utilement. Le Sénat l'a, quant à lui, sensiblement modifié sur plusieurs points, essentiellement au nom de la libre administration des collectivités. Comme il n'était pas dans l'intention du Gouvernement ni de l'Assemblée de porter atteinte à ce principe vous avez en seconde lecture pris en compte le souci du Sénat chaque fois que le différend ne portait que sur un détail ou une formulation. Saluant cet effort, la Haute assemblée n'a pas repris tous ses amendements de première lecture. Dès lors, les conditions d'un accord en commission mixte paritaire étaient réunies.

Le texte auquel a abouti cette CMP est conforme aux objectifs fixés par le Gouvernement, tout en tenant compte des soucis manifestés par les parlementaires. On le doit pour beaucoup au travail et à l'opiniâtreté de M. Darne, ainsi qu'à l'attention donnée par Mme Tasca et par M. Dosière à ces dispositions. Que tous trois en soient remerciés.

Au fond, il ne restait que deux grands sujets de désaccord : à l'article 2, la possibilité d'un règlement de coordination en l'absence de convention d'une part et, à l'article 6, l'obligation d'un double agrément par le procureur et le préfet. Telle le roi Salomon, la CMP a sagement pensé que le compromis pouvait être trouvé en reprenant le texte du Sénat dans le premier cas, celui de l'Assemblée dans le second. Ce n'était bien sûr pas mon souhait initial mais je pense que c'est un bon compromis. En effet, dès lors que l'absence de convention de coordination interdit le travail de nuit et l'armement des agents, l'incitation à conclure une telle convention reste forte, notamment quand la police municipale est nombreuse et qu'elle concourt réellement à la lutte contre l'insécurité.

Pour le double agrément, il se justifie d'autant plus que les agents de police municipale ont des fonctions de police administrative et de police judiciaire. C'est en outre le moyen de conforter l'autorité des agents, dans la mesure où il constitue une reconnaissance de leur rectitude et de leur moralité.

Ces deux questions réglées, la CMP a pu, sans grande difficulté, trouver les compromis nécessaires pour trancher des divergences mineures.

La question du recrutement des gardes champêtres sortant du champ de cette loi, il n'y avait pas lieu d'en traiter ici. Le Gouvernement est très attentif aux besoins des élus communaux dans ce domaine, besoins auxquels l'article 37 de la loi du 2 février 1995 a tenté d'apporter réponse. Des difficultés sérieuses ont cependant fait obstacle jusqu'ici à l'édiction d'un décret : en premier lieu, la contradiction entre la compétence ainsi conférée à ces catégories de collectivités et les pouvoirs de police reconnus aux seuls maires par l'article L. 2212-1 du code général des collectivités.

Le droit de la fonction publique territoriale offre, selon moi, certaines possibilités de mettre en commun des moyens, par le biais de nominations dans des emplois permanents à temps non complet. Ainsi, le premier alinéa de l'article L.2213-17 du code des collectivités autorisant plusieurs communes à partager un ou plusieurs gardes champêtres. De même les centres départementaux de gestion permettent de mettre des fonctionnaires à la disposition d'une ou plusieurs collectivités, en vue de les affecter à des missions permanentes dans le cadre de services à temps non complet.

Si ces dispositions ne suffisaient pas, le Gouvernement modifiera sans doute l'article 37 de la loi de février 1995 pour limiter la compétence des groupements, compte tenu des pouvoirs de police du maire.

L'application de cette loi requerra les efforts de tous, à commencer par le ministre. Croyez-bien que je prendrai les mesures nécessaires dans les meilleurs délais. Nous aurons alors les moyens de contribuer encore mieux à la constitution de cette police de proximité qu'attendent nos concitoyens, grâce à la coopération organisée entre police nationale et police municipale. Je vous remercie donc tous de votre travail fécond, qui crée les conditions d'une politique de sécurité efficace (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Laurent Dominati - S'il y a un accord entre le Sénat et l'Assemblée, la poire ayant parfois été coupée en deux, il pourrait y avoir de même accord entre nous, ne serait-ce que pour reconnaître que nous avons enfin un texte sur la police municipale. Mais il ne saurait y avoir d'accord, dans le pays, sur le fond : sur ce que doit être une politique de sécurité.

L'opposition est favorable à une police de proximité et elle l'a prouvé en étant la première à déposer une proposition de loi pour donner un statut aux policiers municipaux. A l'époque, vous n'en aviez pas voulu, témoignant une certaine méfiance à l'égard de ces polices municipales. Je constate qu'à force d'enfoncer le clou, nous vous avons convaincu, Monsieur le ministre -à moins que vous n'ayez écouté le Sénat. Ainsi vous avez renoncé à donner tout pouvoir au préfet, s'agissant du règlement de ces polices municipales : vous avez opté là pour la convention. Mais, pour ce qui est de l'agrément, c'est une double tutelle que vous avez imposée. Procureur et préfet : vous avez mis bretelle et ceinture ! De la même façon, si vous n'avez pas suivi votre majorité qui voulait interdire l'armement des agents, vous avez prévu un décret en Conseil d'Etat, de sorte qu'il faudra s'en remettre à votre avis. Si nous avions confiance dans la politique de sécurité du Gouvernement, je dirais : pourquoi pas ? Mais nous n'avons pas confiance.

M. le Rapporteur suppléant - Incrédule !

M. Laurent Dominati - Car, au-delà de vos déclarations, de celles du Premier ministre à Villepinte, de l'annonce d'effectifs supplémentaires -par redéploiement-, subsiste un sentiment d'insécurité justifié. Pour nous, il faut y répondre par une nouvelle politique de sécurité.

Contrairement à vous, nous pensons que la délinquance a changé de nature. Finalement, la ministre de la justice le pense aussi. Mais vous faisiez de l'ironie en première lecture lorsque nous le disions. Les faits de délinquance dans les transports publics sont passés de 1 500 à 2 900 en 1997, les faits de violence urbaine de 11 000 à 15 000. Et la situation s'est aggravée en 1998. Pour vous, il ne s'agissait que d'une petite hausse, et il ne fallait pas faire peur aux citoyens. Maintenant la ministre de la justice a estimé elle-même qu'il y a un changement de nature notamment de la délinquance des mineurs. Face à ce problème de société, nous pensons qu'il faut décréter la mobilisation générale des éducateurs sociaux, des enseignants, de la police, de la justice, des maires et aussi des polices municipales.

Je vous ferai plusieurs propositions.

Dernièrement, vous avez jugé que le manifeste des jeunes contre l'insécurité était une bonne chose et vous avez donné instruction aux préfets de recevoir des délégations. Pourquoi ne pas le faire à Paris, où votre rôle est double ? Recevez avec le préfet de police et devant les élus une délégation non seulement de jeunes, mais de citoyens parisiens pour discuter de la délinquance et de la présence policière dans les quartiers. Ce serait une démarche vraiment républicaine.

En second lieu, il faudrait créer une mission d'information ou une commission pour examiner ce qui est fait sur le terrain pour lutter contre la délinquance. Selon un rapport récent, sur 113 000 fonctionnaires du ministère de l'intérieur, seuls 5 025 sont chaque jour sur le terrain. Il faut aborder le problème de front et voir avec nous comment réorganiser la police de façon efficace sur le terrain.

Enfin, le groupe DL a déjà proposé de revoir l'ordonnance de 1945 et l'opposition a déposé une proposition de loi. Nous attendons des réponses. Il faut remettre en cause certains tabous, car il existe désormais une délinquance nouvelle.

Pour ces raisons de fond et parce que votre action suscite notre méfiance, le groupe DL votera contre ce texte en attendant que vos actes correspondent mieux à ce que nos citoyens attendent (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. le Rapporteur suppléant - C'est pourtant le texte de vos amis du Sénat.

M. Christian Estrosi - Ce débat s'achève dans un climat de montée de la violence et de la délinquance quotidienne.

M. le Rapporteur suppléant - ...ainsi que de la responsabilité au Sénat.

M. Christian Estrosi - Or l'image que vous donnez aux jeunes des banlieues, par exemple en déposant ce projet restrictif, est celle d'un Etat laxiste dans la lutte contre la violence. Elle ne peut que les encourager.

Vous-même, effrayé par cet engrenage, avez inventé il y a quelques semaines la théorie des sauvageons. Le discours sécuritaire que vous utilisez pour la première fois nous a quelque peu étonnés, puis séduits. Il y avait là des propositions fortes que l'on n'avait jamais entendues à gauche. Il fallait créer des centres d'internement, renforcer le dispositif pénal. Puis le Premier ministre a arbitré entre ces positions que nous étions disposés à soutenir et ceux qui, à gauche, s'affolaient : ce n'était pas leur philosophie de la prévention, on tombait dans un travers sécuritaire. L'arbitrage ne fut pas en votre faveur.

M. le Rapporteur suppléant - Revenez au sujet.

M. Christian Estrosi - C'est regrettable. Il y a deux jours à Marseille un multirécidiviste condamné une vingtaine de fois a foncé sur un policier. Celui-ci a tiré, en état de légitime défense. Or une fois de plus on a eu ce spectacle d'un policier passant la nuit en garde à vue, traîné dans la boue, qui ne peut que conforter la délinquance.

Votre projet, si restrictif, ne peut que donner le même sentiment aux policiers municipaux. Ils attendent ce texte depuis dix ans, a dit le rapporteur. Non, ce qu'ils attendaient, c'est un texte renforçant leurs prérogatives en leur donnant un statut égal à celui de la gendarmerie et de la police nationale.

M. le Rapporteur suppléant - Il fallait le faire voter quand vous étiez 500 !

M. Christian Estrosi - Ce n'est pas ce texte qu'ils attendaient.

M. Daniel Marcovitch - Qu'avez-vous fait de 1993 à 1997. ?

M. Christian Estrosi - A l'origine, il était question de désarmer ces policiers, de leur interdire d'être dans la rue de 23 heures à 6 heures, de les placer sous tutelle du préfet.

M. Jean-Pierre Dufau - La CMP a tranché.

M. Christian Estrosi - Grâce à l'action décidée de l'opposition, vous avez reculé. La CMP a fait quelques avancées. Mais nous ne pouvons nous sentir totalement satisfaits. Déjà des policiers municipaux nous ont manifesté leur inquiétude devant le laxisme de la CMP.

M. le Rapporteur suppléant - Les sénateurs RPR sont laxistes ?

M. Christian Estrosi - Au nom du groupe RPR de l'Assemblée j'ai voté contre en CMP, fidèle à l'attitude que les trois groupes de l'opposition ont toujours défendue ici.

Sur l'article 2, les sénateurs vous ont forcé à reculer en rétablissant l'égalité du préfet et du maire pour négocier la convention de coordination et en refusant qu'un règlement soit imposé aux maires. Nous ne pouvons accepter le principe du double agrément, du procureur et du préfet. L'agrément par le procureur apportait toutes les garanties nécessaires ; le système du double agrément ne peut qu'aboutir à des conflits.

Quant au fait de renvoyer à un décret en Conseil d'Etat la décision de confier ou non une arme de telle ou telle catégorie aux policiers municipaux, il revient à prendre les municipalités en otage.

Enfin, je regrette que des dispositions qui auraient constitué de réelles avancées n'aient pas été retenues. Le Sénat avait souhaité ouvrir la possibilité de recruter des policiers municipaux dans un cadre intercommunal : cela aurait permis, dans mon département, de faire travailler les agents dans les stations du littoral l'été et dans les stations de montagne l'hiver, sans surcharger les finances communales. Par ailleurs, les policiers municipaux réclamaient depuis plus de dix ans un véritable statut : vous avez refusé de leur donner satisfaction.

Dans ces conditions, le groupe RPR votera contre ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean-Antoine Léonetti - Le climat d'insécurité qui règne dans notre pays rend difficile un débat serein sur les polices municipales. Le Gouvernement n'a reconnu que récemment la réalité des faits ; parler d'incivilités au lieu de délits ne suffit pas à la gommer. Lorsqu'on minimise la violence qu'ils subissent au quotidien, nos concitoyens ont le sentiment d'être bafoués.

Par ailleurs, une méfiance profonde, pour ne pas parler de suspicion, s'est manifestée à l'égard des maires. Combien de fois a-t-on entendu citer la ville de Vitrolles...

M. le Rapporteur suppléant - Vous êtes le premier à en parler ce soir !

M. Jean-Antoine Léonetti - A en croire certains, les polices municipales de certaines villes du sud étaient des milices armées ou des gardes prétoriennes à la solde des maires. En réalité, elles ont été créées en raison de la carence de la police nationale ; comme vous l'avez dit, Monsieur le ministre, c'est une police de proximité.

Enfin, les syndicats de police ont craint que la reconnaissance des polices municipales empêche de satisfaire leurs revendications en matière d'effectifs.

Le véritable problème est de trouver le point d'équilibre entre les prérogatives de l'Etat et celles du maire. A cet égard, nous sommes pleinement d'accord avec le Président de la République lorsqu'il affirme que "l'insécurité ne sera combattue avec succès que si les maires se voient reconnaître de nouveaux pouvoirs".

Nous ne pouvons pas nier que ce texte comble un vide juridique et que des avancées ont été obtenues sous la pression de l'opposition et du Sénat, peut-être aussi de l'opinion publique. Sans doute est-ce aussi l'effet de votre attitude, Monsieur le ministre, car vous êtes resté sourd aux sirènes du tout-Etat et de l'interdiction d'interdire. L'équilibre entre l'autorité du maire et celle du préfet passera par l'élaboration d'une convention de coordination.

L'armement est érigé en principe. L'uniforme est décidé par une commission composée pour les deux tiers des représentants des polices municipales et des maires. On peut se féliciter que les policiers municipaux puissent désormais relever l'identité, sanctionner les infractions au code de la route et contrôler l'alcoolémie des conducteurs. On ne peut aussi qu'accueillir favorablement le délai de deux exercices budgétaires fixé pour mettre en place ces mesures.

M. le Rapporteur suppléant - Dites-le à M. Estrosi !

M. Jean-Antoine Léonetti - Il reste malheureusement des points de désaccord.

En revanche, le double agrément par le préfet et le procureur sans limite de délai risque de nuire à l'efficacité de la police municipale ; l'armement reste tributaire de décrets d'applications et l'article 7 pose une double condition, le "et" ayant remplacé le "ou"... L'armement ne sera donc pas la règle, mais l'exception. La catégorie d'armes autorisées dont les normes vont être réglementées sur le plan européen reste imprécise ; nous ne sommes pas sûrs que les policiers municipaux pourront garder leur armement actuel.

Le plus grand reproche que l'on puisse faire à ce texte, c'est la réticence à reconnaître aux maires un pouvoir en matière de sécurité et la volonté de contrôler une police qui est payée sur le budget des communes. Le groupe UDF ne pourra donc pas émettre un vote favorable ; pourtant les points de vue s'étaient déjà bien rapprochés : il ne restait plus beaucoup de chemin à parcourir pour parvenir à un accord (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Jérôme Lambert - Il est difficile de rester serein face à des propos aussi caricaturaux. Nous savons tous que la sécurité de nos concitoyens est une priorité. La politique du Gouvernement s'appuie sur des orientations clairement précisées, que ce soit à Villepinte, à La Villette ou à Montpellier. Des orientations, des textes, des moyens pour la police et la justice. Ce projet offre un cadre juridique adéquat à la complémentarité entre les missions des polices municipales et celles des services de l'Etat. Il apporte une nécessaire clarification, demandée par les élus locaux et les policiers municipaux. Il précise les moyens dont doivent disposer les policiers municipaux, et qui doivent être proportionnés à leurs missions. Il prévoit un contrôle de leurs activités.

Les discussions des deux assemblées ont permis d'améliorer ce texte, dont les députés socialistes partagent tous les objectifs. Attendu par des milliers de policiers municipaux et de nombreux maires, il offre un cadre nécessaire aux polices municipales, qui doivent contribuer à une police de proximité en complément de la police nationale et de la gendarmerie. L'accord obtenu en CMP doit être souligné, même si certains députés de l'opposition semblent ne pas avoir évolué. Les députés socialistes ont accepté de faire évoluer le texte en CMP, et nous le voterons malgré l'opposition stérile de quelques-uns (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Rapporteur suppléant - Je rappelle qu'une commission mixte paritaire est, par définition, paritaire entre Assemblée et Sénat, donc entre majorité et opposition. Nous sommes parvenus à un accord sur un texte. Or, fait exceptionnel -je n'ose dire sans précédent, n'ayant pas fait les recherches nécessaires tant la chose me paraissait peu convenable- après un accord en CMP, les trois représentants de l'opposition présents dans l'hémicycle ne voteront pas le texte, certains votent même contre.

M. Laurent Dominati - Les trois !

M. le Rapporteur suppléant - Ils sont libres de le faire...

M. Jean-Antoine Léonetti - Merci !

M. le Rapporteur suppléant - ...et je ne ferai pas de commentaires sur leur attitude vis-à-vis de leurs collègues du Sénat qui ont accepté ce texte.

Je voulais seulement souligner le caractère insolite de cette position, à laquelle, dans toute mon existence de parlementaire, je n'ai jamais été confronté (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - N'étant saisi d'aucun amendement, je vais mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance, mardi 23 mars, à 10 heures 30.

La séance est levée à 22 heures 20.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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