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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 77ème jour de séance, 199ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 24 MARS 1999

PRÉSIDENCE DE M. Yves COCHET

vice-président

          SOMMAIRE :

PRÉSOMPTION D'INNOCENCE (suite) 2

    APRÈS L'ARTICLE PREMIER 2

    AVANT L'ART. 2 3

    ART. 2 6

    APRÈS L'ART. 2 11

    ART. 3 13

    APRÈS L'ART. 3 13

    ART. 4 13

    APRÈS L'ART. 4 14

    ART. 5 14

    APRÈS L'ART. 5 14

    ART. 6 15

    ART. 7 15

    APRÈS L'ART. 8 15

    AVANT L'ART. 9 17

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.


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RAPPELS AU RÈGLEMENT

M. André Gerin - Je voudrais dire notre immense mécontentement que le Premier ministre et le Président de la République aient donné leur accord à l'intervention militaire de l'OTAN dans le Kosovo. C'est une décision grave vis-à-vis de la représentation nationale qui pourrait avoir des conséquences importantes sur la légitimité parlementaire. Il est inadmissible que l'Assemblée nationale ne soit réunie à ce sujet que vendredi. D'autre part, l'engrenage est dangereux pour l'Europe. Ce n'était pas à l'OTAN d'intervenir. Quelles que soient les résolutions, il fallait tenir une réunion exceptionnelle de l'ONU. Les possibilités politiques n'étaient pas épuisées. Nous sommes donc très mécontents et nous n'en resterons pas là.

M. Alain Tourret - Très bien !

M. le Président - Ce n'était pas un rappel au Règlement, mais j'enregistre votre déclaration.

M. Jean-Pierre Michel - Le texte dont nous débattrons ce soir sera très long à examiner. Jeudi soir, la séance ne pourra pas se poursuivre très tard puisque le Premier ministre doit venir vendredi à 11 heures parler aux députés. On ne sait plus de quoi d'ailleurs, puisque les frappes ont commencé. Je demande donc qu'une Conférence des présidents soit réunie pour déterminer s'il y a toujours lieu de tenir une séance vendredi à 11 heures. L'intervention de l'OTAN est une grave erreur. Elle ne peut se prévaloir d'un mandat des Nations-Unies. Celui derrière lequel la France s'est retranchée remonte à novembre 1998, beaucoup de choses se sont passées depuis. Il est grave d'enclencher un conflit en Europe, dans un pays souverain qui n'a pas envahi notre pays.

Sur la forme, quelle séance aurons-nous vendredi ? S'il s'agit d'une mascarade de plus, le Parlement peut s'en passer.

M. André Gerin - Très bien !

M. le Président - Il ne m'appartient pas de convoquer la Conférence des présidents, mais je communiquerai votre demande au Président de l'Assemblée nationale.


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PRÉSOMPTION D'INNOCENCE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

APRÈS L'ARTICLE PREMIER

M. Philippe Houillon - L'amendement 5 de M. Devedjian comme l'amendement 179 de M. Goasguen prévoient la motivation des ordonnances de mise en examen et les rendent susceptibles d'appel. Objectera-t-on qu'il s'agirait d'un jugement, finalement préjudiciable à la personne mise en examen ? En vérité, ce système rejoint la préoccupation de retarder la mise en examen à laquelle nous a dit Mme le rapporteur, répond le statut de témoin assisté. Si le projet incite le juge à utiliser ce statut, c'est bien qu'il y a une différence et que le juge ne doit prononcer la mise en examen que s'il a réuni en cours d'instruction des charges suffisantes. Il est normal que la personne concernée connaisse les charges retenues contre elle, et c'est ce qui justifie la motivation

On a voulu remplacer l'inculpation par la mise en examen. Celle-ci n'apparaît pas moins comme une sorte de présomption de culpabilité. Il convient donc de motiver cet acte essentiel. En outre, cet amendement est cohérent avec l'amendement du rapporteur que nous avons voté, selon lequel la personne poursuivie a le droit d'être informée des charges retenues contre elle. L'amendement 180 qui prévoit la motivation, mais sans appel, est de repli.

Mme Christine Lazerges, rapporteur de la commission des lois - Après une longue réflexion sur le sujet, nous avons conclu que la modification de l'article 80-1 du code de procédure pénal répond au problème, en faisant reposer la mise en examen sur des indices précis. Par ailleurs, la requête en nullité existe et peut aboutir si la mise en examen n'est pas suffisamment étayée, comme le montre l'exemple récent d'un ancien Premier ministre. On peut donc dans l'état actuel du droit parvenir au résultat souhaité sans que la présomption d'innocence en pâtisse. Et, si l'ordonnance était motivée, et si une décision en appel la confirmait, il deviendrait difficile de parler ensuite de présomption d'innocence !

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Ces deux dispositions, motivation et appel, bonnes en elles-mêmes, risqueraient de transformer la mise en examen en préjugement, à l'encontre de la présomption d'innocence.

Le juge d'instruction doit déjà donner ses motifs, sous peine de l'annulation de son ordonnance par la chambre d'accusation. Récemment, une mise en examen par lettre insuffisamment motivée a dû être complétée. Si l'on force le juge d'instruction à déterminer les charges qui pèsent sur la personne, l'on tombe dans une procédure accusatoire. Que deviendrait alors le rôle du juge d'instruction ?

M. Philippe Houillon - Je persiste à penser que votre position n'est pas très cohérente. Vous souhaitez inciter le juge d'instruction à utiliser d'abord le statut de témoin assisté et à ne recourir à la mise en examen que lorsque les charges sont suffisantes. Mais quelle sera la différence entre les deux statuts si on ne fait pas état de ces charges ?

Quant à dire que ce serait transformer le juge d'instruction en accusateur, cela ne tient pas. Dans le système actuel, le juge d'instruction, quand il a terminé son enquête, rend soit une ordonnance de non-lieu, soit une ordonnance de renvoi devant un tribunal : celle-ci constitue bien déjà une mise en accusation.

L'amendement 5, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 179 et 180.

Mme le Rapporteur - L'amendement 73 tend à rappeler que le juge d'instruction instruit à la fois à charge et à décharge. On a quelquefois l'impression que certains l'oublient.

Mme la Garde des Sceaux - Avis favorable.

M. Alain Tourret - Je rejoins les propos de Mme le rapporteur. Il est indispensable de fixer les principes par écrit.

Les amendements identiques 73, 212 corrigé et 6 corrigé, mis aux voix, sont adoptés.

Mme le Rapporteur - L'amendement 74 tend à ce que l'ordonnance de règlement spécifie les diligences accomplies par le juge pour instruire à charge et à décharge.

Mme la Garde des Sceaux - Autant je suis favorable à ce qu'on précise que le juge instruit à charge et à décharge, autant il me semble que cet amendement l'obligeant à se justifier peut donner le sentiment qu'on doute de lui. En outre cela représenterait une charge supplémentaire de travail non négligeable. Enfin, quelle serait la sanction de cette obligation ?

Ce qui compte, c'est le résultat des investigations du juge, non le détail des actes qu'il a accomplis, dont il sera d'ailleurs parfois difficiles de dire s'ils visaient à instruire à charge ou à décharge. Mais je m'en remets à votre sagesse.

M. Philippe Houillon - Ce n'est pas le seul article de cette loi où une obligation n'est pas assortie de sanction, dont ce n'est pas un argument recevable.

L'amendement tend à faire rentrer dans le droit positif le principe que nous venons de voter. Il est important que la justice soit rendue dans la transparence.

M. Alain Tourret - Je suis du même avis. Il est important de concrétiser les principes que nous posons. On aura ainsi la possibilité, dans chaque instruction, de savoir ce qui a été fait : les praticiens vous le diront, c'est indispensable.

Mme Frédérique Bredin - Ce n'est pas une question de confiance ou de méfiance à l'égard du juge, mais une garantie supplémentaire pour la procédure pénale.

M. Arnaud Montebourg - Je suis assez défavorable : cet amendement ne peut être interprété que comme un acte de méfiance envers le juge d'instruction. Les parties ont d'autres moyens d'exercer leur contrôle. Pourquoi le juge devrait-il se justifier alors que tout est déjà dans le dossier ? (Murmures sur les bancs du groupe RCV)

L'amendement 74, mis aux voix, est adopté.

M. Philippe Houillon - L'amendement 201 de M. Goasguen est défendu.

Mme le Rapporteur - L'amendement tend à ce que le terme "juge d'instruction" soit remplacé par celui de "juge de l'instruction et des libertés". Mais tous les magistrats sont garants des libertés, pas seulement le juge d'instruction. Avis défavorable.

Mme la Garde des Sceaux - Même avis pour les mêmes raisons.

L'amendement 201, mis aux voix, n'est pas adopté.

AVANT L'ART. 2

Mme le Rapporteur - L'amendement 75 corrigé est de coordination.

Mme la Garde des Sceaux - Avis favorable.

Les amendements identiques 75 corrigé et 213 corrigé, mis aux voix, sont adoptés.

Mme le Rapporteur - L'amendement 76 concerne le contrôle du procureur de la République sur les gardes à vue. Nous demandons qu'il se traduise au minimum par une visite par trimestre des locaux de garde à vue. C'est une mesure de sagesse.

Mme la Garde des Sceaux - Avis favorable.

L'amendement 76, mis aux voix, est adopté.

Mme Frédérique Bredin - L'amendement 77 tend à réserver la garde à vue, procédure humiliante, aux seuls suspects. Il n'y a pas besoin d'y recourir pour les témoins.

M. Philippe Houillon - Le sous-amendement 234 est défendu.

Mme le Rapporteur - Pour l'amendement, contre le sous-amendement.

Mme la Garde des Sceaux - A première vue, c'est un amendement de bon sens. Mais dans la pratique, la distinction du témoin et du suspect n'est pas toujours facile au début de la procédure. La garde à vue du témoin est déjà limitée : elle ne peut excéder le temps nécessaire à son audition, et la différence avec le texte de l'amendement me paraît bien ténue. En outre, la garde à vue s'accompagne de certaines garanties. Certes, l'article 5 de la Convention des droits de l'homme s'oppose à ce qu'on soit privé de liberté si l'on n'est pas soupçonné, mais je ne crois pas que le mécanisme de la commission apporte grand chose, même s'il part d'un bon sentiment. Sagesse, donc.

M. Christophe Caresche - Je suis favorable à l'amendement, mais je comprends les réserves de Mme la Garde des Sceaux. La réflexion devrait continuer.

Mme Frédérique Bredin - Sur 350 000 gardes à vue, on ne sait pas quelle est la part des témoins et des suspects. Or, la Convention des droits de l'homme dispose que les mesures privatives de liberté doivent être strictement justifiées par une présomption de culpabilité reposant sur des indices graves. Faut-il placer les témoins en garde à vue alors que celle-ci signifie une série de mesures qui peuvent être très humiliantes ? Je ne le crois pas. De toute façon, la distinction entre témoin et suspect existe déjà, puisque le témoin ne peut être gardé que le temps nécessaire à son audition. Par ailleurs, il restera possible de contraindre quelqu'un à témoigner sans passer par une garde à vue propice aux dérapages. Pour toutes ces raisons, je pense qu'il faut voter l'amendement.

Mme le Rapporteur - Lorsqu'on réforme le code de procédure pénale, on s'efforce de le rendre plus cohérent. Nous demandons ici l'extension aux enquêtes de flagrance et aux commissions rogatoires de ce qui existe déjà pour les enquêtes préliminaires.

Le sous-amendement 234, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 77, mis aux voix, est adopté.

Mme le Rapporteur - L'amendement 78 est de conséquence.

Mme la Garde des Sceaux - Sagesse.

L'amendement 78, mis aux voix, est adopté.

Mme le Rapporteur - L'amendement 79 rectifié permet à la personne gardée à vue d'être aussitôt informée de la nature de l'affaire ayant motivé sa garde à vue.

M. Philippe Houillon - L'amendement 13 va dans le même sens. Il précise en outre que la personne est informée des indices faisant présumer qu'elle a commis une infraction.

M. Pierre Goldberg - L'amendement 167 a le même objet.

M. Alain Tourret - De même que l'amendement 217.

Mme le Rapporteur - Je préfère celui de la commission.

Mme la Garde des Sceaux - Même position.

L'amendement 79 rectifié, mis aux voix, est adopté.

Mme le Rapporteur - L'amendement 80 ajoute à la liste des droits qui sont indiqués à la personne gardée à vue, le droit de garder le silence.

M. Philippe Houillon - L'amendement 7 a le même objet.

Mme la Garde des Sceaux - La question est délicate.

L'amendement ne paraît pas extraordinaire, puisque l'obligation de déposer n'est prévue expressément que dans le cas de l'instruction et de la juridiction de jugement. Il ne faut toutefois pas que ce droit au silence, parce qu'il serait expressément reconnu, ait pour conséquence, si la personne décide de se taire, d'interdire aux enquêteurs de lui poser des questions ou d'empêcher la continuation de la garde à vue, qui peut être justifiée par d'autres motifs, comme empêcher la fuite de l'intéressé ou préparer une perquisition.

C'est pourquoi je vous propose plutôt, par l'amendement 306, la rédaction suivante : "La personne gardée à vue est également immédiatement informée qu'elle peut ne pas répondre aux questions qui lui seront posées par les enquêteurs."

M. Jean-Pierre Michel - Je préfère l'amendement de la commission. Donner un "droit", c'est autre chose que de dire qu'on "peut". Si le Gouvernement modifiait son amendement en ce sens, nous pourrions le voter.

Mme la Garde des Sceaux - Je ne vois pas d'inconvénient à remplacer les mots "peut ne pas répondre" par "a le droit de ne pas répondre".

Mme Frédérique Bredin - L'amendement du Gouvernement, rectifié dans le sens souhaité par M. Michel, est satisfaisant. Il ne s'agit pas d'interdire aux enquêteurs de poser des questions mais d'informer la personne gardée à vue qu'elle a le droit de ne pas répondre au risque de s'auto-accuser.

Les amendements 80 et 7 sont retirés.

L'amendement 306 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Guy Hascoët - L'amendement 292 de M. Lang tend à renforcer les droits de la personne gardée à vue en lui permettant de prévenir "sans délai" et non pas "dans les meilleurs délais" sa famille ou son employeur.

Mme le Rapporteur - Avis favorable. Cette obligation participe du respect des personnes gardées à vue. Combien de familles ont vécu de folles heures d'inquiétude, attendant l'un des leurs, souvent un jeune, gardé à vue qui n'avait pu les prévenir ?

Mme la Garde des Sceaux - Avis favorable.

L'amendement 292, mis aux voix, est adopté.

M. Jacques Floch - L'article 716 du code de procédure pénale dispose que les personnes en détention provisoire sont placées sous le régime de l'emprisonnement individuel, de jour comme de nuit. Il ne peut être dérogé à ce principe qu'en raison des nécessités de l'organisation du travail si les intéressés ont demandé à travailler, de la distribution intérieure des maisons d'arrêt ou de leur encombrement temporaire.

Avec 58 000 détenus pour 50 000 places dans nos prisons, l'encombrement de ces dernières est permanent, si bien que l'exception de l'emprisonnement collectif est devenue la règle. Il faut revenir à la vraie règle. C'est ce que je propose par mon amendement 256.

Votre projet, Madame la Garde des sceaux, devrait permettre de diminuer le nombre des détenus. Cependant, l'emprisonnement individuel ne pourra être généralisé immédiatement. Il faut laisser le temps à l'administration pénitentiaire de s'adapter, comme le propose d'ailleurs la commission par son amendement 318.

Mme le Rapporteur - Nous avons tous à l'esprit la situation au centre de jeunes détenus de Fleury-Mérogis, rapportée il y a peu par la presse. La détention provisoire qui s'applique, rappelons-le, à des personnes présumées innocentes, ne doit pas les exposer à des risques de viols, de vols et d'atteinte à leur dignité.

Si la commission a repoussé l'amendement de M. Floch, c'est qu'elle n'a pas eu l'idée dans un premier temps de différer l'application de l'emprisonnement individuel. Elle a ensuite proposé un sous-amendement 318 tendant à imposer l'entrée en vigueur de la disposition trois ans après la publication de la loi, ce qui donne à l'administration pénitentiaire le temps de faire face. Mais nombre de maisons d'arrêt peuvent d'ores et déjà offrir une cellule individuelle aux personnes placées en détention provisoire.

Mme la Garde des Sceaux - Je suis défavorable à l'amendement comme au sous-amendement, non que je sois contre l'emprisonnement individuel. Au contraire, toute mon action vise à ce que chaque détenu ait non seulement sa propre cellule mais aussi, comme dans les nouveaux programmes, ses toilettes et sa douche. Dans de nombreux établissements pénitentiaires, les conditions d'incarcération portent atteinte à la dignité des détenus.

Seulement je ne souhaite pas que le principe de l'emprisonnement individuel soit inscrit dans la loi. Je ne suis pas sûre, en dépit de la précaution prise dans le sous-amendement de Mme le rapporteur, et de tous nos efforts, qu'il serait applicable. On pourrait alors arriver à l'institution d'un numerus clausus, comme il en existe dans d'autres pays européens, et je n'y suis pas favorable. Donnons-nous plutôt, budget après budget, les moyens de parvenir à l'objectif que nous nous assignons.

Mme Frédérique Bredin - L'emprisonnement individuel doit être la règle sauf si l'intéressé formule une demande contraire. La suroccupation des prisons est choquante, criminogène, humiliante pour les détenus. Elle conduit également à la dégradation des conditions de travail des surveillants. Aussi le combat de M. Floch est-il un noble combat et la disposition qu'il propose constituerait une sérieuse avancée.

Les maisons d'arrêt et les centres de semi-liberté connaissent un taux d'occupation supérieur à celui des autres établissements de détention -80 % sont en permanence surpeuplés. Il appartient à l'administration pénitentiaire de régler cette situation. En l'espèce, pourquoi l'individu devrait-il payer, très lourdement parfois, la défaillance de l'Etat ? Je souhaite que l'on adopte l'amendement de M. Floch.

M. Alain Tourret - C'est que M. Floch, qui a longtemps rapporté le budget de l'administration pénitentiaire, sait de quoi il parle. La prison ne devrait être qu'un lieu où l'individu perd sa liberté. Or, aujourd'hui, notamment dans les maisons d'arrêt surpeuplés, des détenus subissent des atteintes intolérables à la dignité de la personne. Il serait d'ailleurs intéressant de connaître le nombre de ces atteintes. Il a fallu les cris d'alarme de M. Le Floch-Prigent pour que l'on s'y intéresse...

Le principe général du respect de la dignité de l'individu a été réaffirmé en tête du code de procédure pénale. Comment accepter que les conditions matérielles de l'emprisonnement le battent en brèche ?

M. Jean-Pierre Michel - Je soutiens moi aussi cet amendement, sous-amendé comme le souhaite la commission, et ce pour des raisons pratiques. Pour ma part, je suis favorable au numerus clausus qui existe dans d'autres pays européens. Cela permettrait d'engager la responsabilité des magistrats car il est un peu facile de prononcer la détention provisoire ou une peine de prison sans se préoccuper que l'on empile des gens dans une cellule.

Quand un juge des enfants veut placer un mineur dans un établissement d'éducation surveillée, il doit d'abord s'assurer qu'une place est disponible.

M. Pierre Albertini - Le sujet est très important puisqu'il touche à la dignité des personnes. Les plaidoyers de MM. Floch et Tourret étaient très convaincants. Bien sûr, il faut dénoncer des conditions inhumaines de détention et refuser que la pénitentiaire soit la poubelle de la justice.

Le sous-amendement 318, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 256, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté à l'unanimité.

ART. 2

M. Pierre Goldberg - Le groupe communiste se félicite que le projet modifie l'article 63-4 du code de procédure pénale relatif aux conditions dans lesquelles la personne gardée à vue pourra s'entretenir avec son avocat ; cet entretien étant désormais possible dès le début de la garde à vue.

Notre Assemblée aura à coeur, j'en suis sûr, de réitérer le vote qu'elle avait émis en avril dernier pour adopter l'amendement du groupe communiste en ce sens. Il s'agit en effet d'une proposition que nous faisons depuis des années car pour l'immense majorité des prévenus, cette présence garantira une aide conforme au respect des droits de l'homme et des droits de la défense, conformément à la Convention des droits de l'homme du Conseil de l'Europe. Il est en outre de l'intérêt de la justice comme de la police que les gardes à vue se déroulent dans le respect de la personne humaine.

La présence de l'avocat dans les commissariats a sans doute permis d'empêcher les abus qui ont, hélas, été commis pendant certaines gardes à vue. Il n'est pas là pour défendre puisqu'il n'a pas le dossier, mais pour rassurer, pour informer, pour prévenir et pour rendre la garde à vue transparente. Elle ne bloque en rien la procédure. Elle se limite à un entretien à nos yeux indispensable pour assurer le bon déroulement de la procédure.

Pour toutes ces raisons, nous sommes favorables à cette disposition.

M. Guy Hascoët - En commission, M. Pandraud a justifié les exceptions à la présence de l'avocat par les nécessités de l'efficacité de l'enquête. On nous dit par exemple que l'instruction permet de remonter la trace des réseaux terroristes. Je ne peux le croire : c'est un travail effectué bien en amont. Je suis d'ailleurs persuadé que parmi les personnes concernées par ces exceptions, rares sont celles pour lesquelles elles sont vraiment justifiées.

Ce qui est certain, c'est que l'existence même de ces exceptions comporte une part d'arbitraire et de risques de dérapage. Il faut donc les réduire, d'autant qu'elles remontent à une culture de la période qui a précédé la Libération et n'ont donc plus de raisons d'être. Nos voisins n'en ont pas besoin pour être efficaces.

M. Alain Tourret - Les esprits ont évolué sur la présence de l'avocat dès le début de la garde à vue. Le principe avait été adopté en avril 1998 à la suite d'un amendement de M. Houillon et je me réjouis que le Gouvernement reprenne aujourd'hui cette idée.

Toutefois l'application de ce principe sera autrement difficile. Il faudra mobiliser les barreaux jour et nuit, alors que l'on a déjà du mal à assurer la présence de l'avocat à la vingtième heure...

La Chancellerie souhaite par ailleurs que ce principe souffre des exceptions pour certains crimes de droit commun ou politiques. Cela fait évidemment peser un soupçon sur toute une profession, au nom du pêché de quelques uns.

M. Christophe Caresche - Corporatisme...

M. Alain Tourret - Il ne s'agit pas de corporatisme mais de sanctions contre certains qui ne devraient pas exercer cette profession.

Bien sûr, la sécurité de l'Etat doit être absolue et l'exception doit peut-être perdurer en matière de terrorisme.

Au premier rendez-vous, l'avocat va surtout rappeler quelques principes : "Vous avez le droit de faire appeler un médecin. Vous avez le droit de vous taire mais si vous vous taisez vous risquez d'être mis en prison, à vous de choisir..." Mais comme il n'aura pas communication du dossier, il aura peu à dire sur le fond. C'est donc au deuxième rendez-vous que la discussion pourra vraiment s'engager. L'avocat devrait donc pouvoir venir à plusieurs reprises.

Par ailleurs la mise en oeuvre de cette mesure supposera un renforcement de l'aide juridictionnelle.

Toutefois, la mise en oeuvre de ce principe de liberté l'emporte largement sur tous ces petits inconvénients pour les professionnels.

M. Philippe Houillon - Pour les raisons que vient d'exposer M. Tourret, je me réjouis de la présence de l'avocat dès le début de la garde à vue, même si je regrette qu'il ne puisse dès ce moment jouer son rôle de défenseur.

Des exceptions sont prévues pour les cas les plus graves, pour lesquels je suis favorable à une répression ferme. Toutefois, nous ne sommes pas dans un texte de répression mais dans un texte sur la présomption d'innocence. En cas d'infraction plus grave, la personne serait en quelque sorte moins présumée innocente. C'est pour cela que j'ai parlé de présomption d'innocence à deux vitesses. Or dans ce système, ce n'est la plus la présomption d'innocence qui détermine les droits mais la nature de l'infraction. C'est intenable sur le plan des principes.

Lors d'une garde à vue la personne n'a pas d'autre contact avec l'extérieur que cette rencontre avec son avocat. L'interdire pour les cas les plus graves, au nom de l'efficacité, revient donc bien à jeter le discrédit sur une profession qui, dans tous les pays où les droits de l'homme sont garantis, assume la défense dans de telles conditions. Je souhaite que le pays des droits de l'homme s'aligne sur ce qui se pratique ailleurs.

En commission, Mme la Garde des Sceaux m'a répondu que le but poursuivi était de protéger les avocats. Ceux qui auraient besoin de l'être dans de telles circonstances devraient changer de profession. De toute façon, ils sauraient s'en ouvrir au Garde des Sceaux.

Il faut assurer la répression, mais sur le plan des principes, les exceptions ne sont pas admissibles.

M. Léonce Deprez - Malgré des avancées appréciables ce texte reste un peu choquant. Ce n'est pas un professionnel qui parle, mais un familier du monde judiciaire, dans le Pas-de-Calais, de Béthune à Boulogne. On y constate avec consternation les retards et les désordres de la justice ; on y est choqué par le traitement subi par ceux qui sont mis en examen.

Comme beaucoup, je pense que ce texte nous laisse à mi-chemin. On a mauvaise conscience de laisser seule la personne en garde à vue, et on lui donne un avocat dès le début. C'est un progrès. Mais pourquoi cet entretien de trente minutes qui ne permet pas d'approfondir un dossier ? Pourquoi empêcher l'avocat de revenir si la personne le demande ? Fixer la dixième heure plutôt que la vingtième heure porterait-il préjudice à l'interrogatoire ? Plutôt que d'en rester à une sorte de service humanitaire, il faut aller jusqu'au bout de la logique.

Pourquoi aussi ne pas demander aux avocats de revoir leur code de déontologie de manière à ce qu'ils ne puissent en rien gêner la procédure pénale ? Leur mission prendrait toute sa dignité.

Enfin, nous savons bien comment se passe un interrogatoire. Nous avons donc déposé un amendement pour qu'il soit enregistré. Comprenez l'état d'esprit dans lequel nous intervenons : nous voulons garantir et la dignité de celui qui est mis en examen et le respect de la fonction d'avocat. C'est l'occasion d'aboutir à un consensus.

M. Jérome Lambert - Sans doute peut-on à chaque article rappeler les grands principes. Mais le respect de la présomption d'innocence ne se limite pas à la garde à vue. Sur ce point, le texte améliore considérablement la situation avec la présence de l'avocat, la possibilité d'appeler ses proches, la distinction entre témoin et suspect.

L'objectif est d'assurer l'équilibre entre le droit de la personne et l'efficacité de la justice. Car le texte porte sur la présomption d'innocence, mais aussi sur les droits de la victime. Et le premier de ces droits, c'est qu'on recherche la vérité.

M. Jean-Pierre Michel - L'amendement 293 rectifié est défendu.

Mme le Rapporteur - Défavorable. Il s'agit de supprimer les exceptions à la présence de l'avocat au début de la garde à vue. Dans d'autres pays, y compris la Grande-Bretagne, on peut retarder la présence de l'avocat. Pour certaines infractions, on ne peut appliquer la règle commune.

Mme la Garde des Sceaux - En ce qui concerne les exceptions, je partage l'avis du rapporteur. Je ne veux pas qu'on les supprime lorsqu'il s'agit de terrorisme, de criminalité organisée, de trafic de stupéfiants. Mais il me semble que cet amendement 293 rectifié peut se discuter avec les amendements 71, 8 et 82 qui ont pour but de permettre à l'avocat d'être présent en permanence.

Mme le Rapporteur - C'est l'objet de la première partie de m'amendement. La disposition est peu judicieuse et même impraticable.

M. le Président - Nous discutons d'abord de l'amendement 293 rectifié car il rédige l'article et ferait tomber les suivants.

Mme la Garde des Sceaux - L'avocat ne doit pas pouvoir être présent en permanence. Ce n'est pas qu'on le soupçonne mais, prosaïquement, si la personne en garde à vue peut faire la demande à tout moment, les enquêteurs ne peuvent pas faire leur travail. Je préfère le système prévu par le projet, ou celui de la commission, qui leur permet de s'organiser.

L'amendement 293 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre Albertini - Je défends mes amendements 71, 61 et 62 qui portent tous sur l'intervention de l'avocat pendant la garde à vue. La discussion révèle un vieux fond de méfiance envers les avocats qui me paraît injustifié. Croire que leur présence entraverait la recherche de la vérité, c'est réveiller les plus mauvais souvenirs de notre histoire politique. D'ailleurs, les conseils d'un avocat qui ne connaît pas le dossier ne peuvent être que de bon sens. Les officiers de police judiciaire pourraient eux-mêmes, étant eux aussi des défenseurs de la liberté, faire connaître leurs droits aux personnes placées en garde à vue. La garde à vue est souvent une solution de facilité. Pour lutter contre son abus, la proposition du rapporteur -première et vingtième heures- est plus satisfaisante. Mais attention aux effets pervers de l'automaticité. Il serait plus intéressant de prévoir que l'avocat assiste aux interrogatoires : c'est le point clé de la garde à vue. La pratique française est très en recul par rapport aux autres pays européens, et je ne sache pas que l'efficacité de la police soit moindre ailleurs, au contraire !

A titre de repli, j'ai proposé qu'aucun interrogatoire ne commence moins de deux heures avant que l'avocat n'ait eu le temps matériel de se rendre au service de son client. La présence de l'avocat posera en effet des problèmes pratiques indéniables dans de petits barreaux ou des départements où les communications sont difficiles.

Mme le Rapporteur - Avis défavorable.

Mme la Garde des Sceaux - Même avis. La précision est inutile parce que la notification des droits du gardé à vue est déjà prévue à l'article 63-1.

L'amendement 71, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Devedjian - L'amendement 8 affirme le droit à la présence de l'avocat à tout moment de la garde à vue. Ce droit existe dans presque tous les pays européens, même s'il n'est pas toujours exercé. Si l'avocat ne vient qu'au début de la garde à vue, il connaîtra tout au plus l'accusation, il ne saura pas l'étendue des charges et ne pourra donc pas donner des conseils utiles. Il pourra choisir d'attendre que son client soit déféré devant un magistrat pour avoir connaissance du dossier.

Je voudrais rappeler comment est née la garde à vue. En 1897, après une longue bataille politique, les avocats ont enfin obtenu le droit d'entrer dans le cabinet du juge d'instruction. On a donc inventé la garde à vue pour que la police ou l'autorité judiciaire puisse disposer un moment du suspect en-dehors de la présence de son avocat ! Cent ans après, nous essayons de revenir au principe de 1897 selon lequel tout homme arrêté doit avoir droit au libre conseil de son avocat, tout au long de la période où il est arrêté.

Mme le Rapporteur - Monsieur Devedjian, ne craignez-vous pas que, cent ans après, on invente une avant-garde à vue ?

M. Patrick Devedjian - Nous continuerons alors le combat !

Mme le Rapporteur - Prévoir la présence de l'avocat à trois moments de la garde à vue paraît une meilleure solution.

M. Patrick Devedjian - C'est ce que vous appelez une avancée !

M. Jean-Pierre Michel - La garde à vue est dans 90 % des cas de 24 heures. Mais en fait, depuis que l'avocat intervient à la 20ème heure, on y met fin après 19 heures, pour ne pas voir l'avocat une deuxième fois ! Par le sous-amendement 252, je propose qu'au moins l'avocat revienne à la dixième heure. Il pourra ainsi avoir pris connaissance du dossier et conseiller utilement son client. Voilà une avancée vers ce qui arrivera forcément un jour : la présence pendant toute la garde à vue.

Mme le Rapporteur - La commission a repoussé l'amendement de M. Devedjian et le sous-amendement de M. Michel.

Mme la Garde des Sceaux - Je ne suis pas favorable à la présence de l'avocat à tout moment, elle serait très difficile à gérer. De surcroît, ce serait toujours les mêmes qui auraient leur avocat, et toujours les mêmes qui ne l'auraient pas ! M. Devedjian plaide pour des réformes idéales même si elles ne peuvent être appliquées. Je préfère inscrire dans la loi ce qui pourra sûrement être appliqué. L'amendement de la commission, 1ère, 20ème et 36ème heure, me paraît équilibré, et le sous-amendement 8 ne me semble pas utile.

M. Arnaud Montebourg - Je prenais plaisir, pendant que M. Devedjian déployait son éloquence, à relire la séance du 1er juillet 1993 où la majorité de l'époque décidait de supprimer l'intervention de l'avocat à la première heure. Le président de la commission des lois disait qu'il fallait laisser les policiers, nos policiers, les meilleurs du monde, faire leur travail !

Se défendant de toute présomption défavorable à l'égard des avocats, il considérait qu'il fallait laisser l'enquête établir la vérité. Pierre Mazeaud ajoutait que la présence de l'avocat ne faciliterait pas les choses et le ministre UDF M. Pascal Clément, produisait un argument décisif : la France n'avait jamais été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme au seul et unique motif que l'avocat n'était pas présent lors de la garde à vue !

M. Alain Tourret - L'ancienne majorité aurait-elle évolué dans le bon sens ?

M. Léonce Deprez - Il faut prendre la mesure des formidables avancées technologiques économiques, sociales qui ont eu lieu depuis 1993 !

M. Christophe Caresche - Et politiques ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste)

M. Léonce Deprez - La crise a laissé place à la croissance. L'évolution de la société se traduit par des revendications nouvelles. Celle de la parité par exemple. N'essayons pas de revenir à 1993.

Je m'étonne que la proposition de M. Michel n'ait pas été retenue : la dixième heure, c'est vraiment un minimum !

Enfin, Madame la ministre, vous avez évoqué la question d'argent. Dire que les plus aisés disposeraient de la présence permanente d'un avocat me paraît désobligeant pour la profession. C'est au contraire respecter la mission des avocats que de proposer qu'ils puissent être appelés à tout moment.

L'amendement 8, mis aux voix, n'est pas adopté.

Le sous-amendement 252, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 82, mis aux voix, est adopté.

M. Patrick Devedjian - Mon amendement 9 rectifié visait à rassurer Mme la Garde des Sceaux qui craignait que le droit à une présence permanente de l'avocat ne soit un obstacle au déroulement de l'enquête. Il précise que dès lors que la personne a été mise en mesure d'exercer son droit à l'entretien avec un avocat, l'absence de ce dernier ne saurait créer ni nullité, ni obstacle à l'enquête en cours.

Madame la Garde des Sceaux, je profite de l'occasion pour dire que la question de l'argent, toujours invoquée pour restreindre la présence de l'avocat, est un faux argument. Les délinquants chevronnés ne parlent pas pendant la garde à vue, ils n'ont pas besoin d'un avocat pour savoir qu'il vaut mieux se taire. Ceux qui parlent, ce sont les délinquants occasionnels, les auteurs de crimes passionnels, qu'on poussera, au cours de la garde à vue, à avouer la préméditation alors qu'ils ont agi de façon impulsive.

Monsieur Montebourg, je me moque de ce qu'on a pu dire en 1993. A l'époque vous et vos amis étiez pour les nationalisations, aujourd'hui vous êtes pour les privatisations. Tout le monde a le droit d'évoluer !

Pour ma part, en 1993, j'étais déjà pour la présence de l'avocat ; j'étais minoritaire dans mon parti, aujourd'hui je suis devenu majoritaire et je m'en réjouis. Chez vous non plus, tout le monde n'est pas sur la même ligne. "Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon père".

Mme le Rapporteur - La commission a rejeté cet amendement car il n'a plus de sens dans la mesure où nous n'avons pas retenu la présence permanente de l'avocat pendant la garde à vue.

Mme la Garde des Sceaux - Même avis.

L'amendement 9 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre Albertini - L'amendement 61 a déjà été défendu.

Mme le Rapporteur - La commission l'a rejeté.

Mme la Garde des Sceaux - Avis défavorable.

L'amendement 61, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Philippe Houillon - L'amendement 181 tend à donner aux avocats la possibilité d'assister aux interrogatoires. Mme la Garde des Sceaux a dit, à juste titre : "N'écrivons dans la loi que ce qui peut être appliqué". Or, nous avons écrit à l'article premier que toute personne suspectée a le droit d'être assistée d'un défenseur : il faut donc l'appliquer.

Je me demande ce qui fait peur dans cette disposition. Pourquoi veut-on que les interrogatoires se passent dans le secret ? La présence d'un avocat aurait des avantages aussi pour l'instruction : au lieu de garder le silence, les personnes concernées parleraient puisqu'elles seraient aidées d'un défenseur. En outre, l'expérience montre que dans beaucoup de cas, les personnes qui sont passées aux aveux pendant la garde à vue reviennent sur ces aveux quand elles comparaissent devant le juge parce que ces aveux ont été recueillis dans des conditions discutables. Si elles étaient assistées d'un défenseur, il serait plus périlleux pour elles de revenir sur leurs déclarations.

M. Patrick Devedjian - Même plaidoyer pour mon amendement 10, identique.

Mme le Rapporteur - Le sujet a déjà été débattu. Avis défavorable.

Mme la Garde des Sceaux - Même avis.

Mme Frédérique Bredin - Je voudrais revenir sur l'amendement 61 car il pose le problème des premières heures de la garde à vue. Si la personne manifeste le souhait de rencontrer son avocat dès le début de la garde à vue, que fait-on en attendant la venue de ce dernier, qui peut prendre parfois quelque temps ? Peut-il y avoir un interrogatoire ou non ? Ce serait important à préciser.

M. Arnaud Montebourg - La garde à vue n'est pas un acte de poursuite. Permettre à l'avocat d'être présent en permanence transformerait la garde à vue en phase d'instruction.

Les amendements identiques 181 et 10, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme le Rapporteur - L'amendement 83 est de coordination.

Mme la Garde des Sceaux - Sagesse.

L'amendement 83, mis aux voix, est adopté.

M. Patrick Devedjian - L'amendement 11 était un amendement de conséquence, donc il tombe, je n'insiste pas.

Mais je voudrais rappeler à M. Montebourg que nous avons voté, à l'instigation de Mme le rapporteur, une disposition précisant que toute personne suspectée a le droit d'être assistée d'un défenseur. Deux articles plus tard, Monsieur Montebourg, vous défendez le contraire ! Madame Lazerges, la notion d'assistance inclut plus qu'un simple entretien, elle implique un soutien pendant l'interrogatoire.

M. Pierre Albertini - L'amendement 62 a déjà été défendu.

Mme le Rapporteur - Défavorable. L'amendement 166 propose le retour de l'avocat à la 12ème heure de la seconde journée éventuelle de garde à vue, c'est-à-dire à la 36ème heure.

Mme la Garde des Sceaux - Contre l'amendement 62, pour l'amendement 166.

L'amendement 62, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 166, mis aux voix, est adopté.

M. Pierre Albertini - L'amendement 60 complète ainsi l'article : "Les interrogatoires et les confrontations effectués lors de la garde à vue sont enregistrés. Les bandes sont immédiatement placées sous scellés."

Ce point me semble crucial. Sans vouloir créer de suspicion envers quiconque, il est évident que la façon dont on pose les questions, les formule, les martèle, peut être déterminante. Ce que je propose, ce n'est pas de supprimer le PV, mais de le compléter par un enregistrement, qui sera constaté en cas de contestation, ce qui aiderait non seulement le suspect et son défenseur, mais aussi les policiers et les juges. Cela a d'ailleurs été proposé par la commission Truche, et je crois savoir que les commissaires avaient donné un accord de principe.

On nous dit que ça va coûter cher, qu'il faut protéger les victimes contre des aveux rétractés -mais on peut aussi rétracter des aveux sur PV. En revanche, l'enregistrement permettait de comprendre le contexte de l'interrogatoire. Quant à prétendre qu'il faut protéger la victime contre elle-même, c'est un argument que je ne saurais admettre.

Un tel enregistrement, sonore seulement pour commencer, représenterait une amélioration substantielle des conditions de la garde à vue.

Mme le Rapporteur - C'est une question dont nous avons beaucoup débattu -et ce sera peut-être la prochaine réforme. Mais cette mesure comporte un certain nombre d'inconvénients. Comment saura-t-on que l'enregistrement n'a pas été trafiqué ?

M. Pierre Albertini - Grave accusation !

M. Guy Hascoët - Et les faux PV ?

Mme le Rapporteur - C'est vrai que les syndicats de commissaires n'ont pas été hostiles -mais dans la mesure où c'était une alternative à la présence de l'avocat dès la première heure.

M. Patrick Devedjian - Qui fait la loi ?

Mme le Rapporteur - Nous, bien sûr. Mais cela n'empêche pas de relater nos hésitations. Cette question mérite, à mon sens, d'être soumise à un groupe de travail. Pour l'instant, je donne un avis défavorable.

Mme la Garde des Sceaux - Le Gouvernement est défavorable. L'idée peut sembler séduisante, mais son application soulève quelques difficultés. D'abord, la question des moyens : il faudra disposer d'enregistreurs dans tous les commissariats et toutes les gendarmeries -est-ce la priorité absolue ? Ensuite, il faut pouvoir s'assurer que l'enregistrement sera continu, qu'il n'aura pas été interrompu, même de façon involontaire -il y a là un risque de contentieux supplémentaire.

D'autre part, cette mesure, qui est conçue comme un moyen de protection pour les personnes gardées à vue, risque de se retourner contre elles. Des aveux, même faits sous la pression, auront plus de poids devant le tribunal, si on en diffuse l'enregistrement, que si on lit un PV. C'est pourquoi, tout bien pesé, je suis défavorable.

M. Jérôme Lambert - Si je n'avais été déjà convaincu, je le serai après ces explications. Cette proposition est une fausse excellente idée. Si l'on suspecte les méthodes des policiers -ce que je ne fais pas-, je ne vois pas en quoi l'enregistrement peut rassurer. Or, la force de celui-ci e servira pas forcément les intérêts de la personne devant le tribunal.

M. Patrick Devedjian - Ah ! les bons apôtres ! C'est pour protéger les suspects que vous refusez l'enregistrement des gardes à vue. Vous vous moquez de nous quand tout le but de la garde à vue est précisément, dans votre religion de l'aveu, d'obtenir des aveux !

Le procès-verbal de garde à vue ne présente aucune des garanties de celui établi devant le juge d'instruction, en présence du juge, d'un greffier, tous deux assermentés, et d'un avocat. Il est rédigé par un officier de police qui, contrairement au juge, ne s'efforce pas nécessairement de retranscrire le plus exactement possible les propos de la personne gardée à vue. Il est des procès-verbaux de gardes à vue d'étrangers parlant à peine notre langue rédigés dans un français impeccable ! Comment de tels documents seraient-ils fiables ? Le plus souvent, le juge d'instruction commence par demander à la personne mise en examen s'il confirme exactement les termes de son interrogatoire par la police judiciaire et des divergences sont souvent constatées. L'enregistrement des gardes à vue constituerait une garantie et participerait donc de la protection des droits de la défense.

L'amendement 60, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 2 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 2

M. Philippe Houillon - L'amendement 200 de M. Goasguen tend à exiger que la garde à vue ne puisse être prolongée au-delà de 24 heures que pour 24 heures au plus par autorisation écrite du procureur de la République délivrée à l'issue de la présentation des personnes gardées à vue. Si les principes réaffirmés dans l'article 1 du projet étaient appliqués, cet amendement ne devrait pas poser de difficultés... Ils ne le sont malheureusement pas.

Mme le Rapporteur - Avis défavorable. Cette proposition serait impossible à appliquer ailleurs qu'à Paris.

Mme la Garde des Sceaux - Les procureurs de la République ne peuvent pas se faire présenter toutes les personnes gardées à vue, a fortiori se rendre dans tous les locaux de garde à vue de leur ressort. L'amendement à l'article 63 du code de procédure pénale que nous venons d'adopter, tendant à exiger une plus grande vigilance des procureurs, est plus réaliste. A quoi bon instaurer une obligation que nul ne pourra s'engager à faire respecter ? Cette réforme ne vise pas à dire l'idéal, mais à être applicable.

L'amendement 200, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Devedjian - La personne gardée à vue a le droit de s'entretenir avec un avocat, pas seulement de demander à s'entretenir : tel est le sens de mon amendement 235.

Mme le Rapporteur - La jurisprudence en la matière a toujours été claire : jamais, le droit de s'entretenir avec un avocat n'a été refusé à une personne gardée à vue. Je crains qu'en modifiant le texte actuel on ne fasse surgir quelque difficulté inattendue.

Mme la Garde des Sceaux - Avis défavorable. La question a déjà été tranchée.

L'amendement 235, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme le Rapporteur - L'amendement 84 est de coordination. Il s'agit de remplacer dans la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 77 du code de procédure pénale les mots "dans les meilleurs délais" par les mots "dès le début de la garde à vue".

L'amendement 84, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Patrick Devedjian - Mon amendement 236 vise à permettre aux avocats des parties de communiquer à leur client tout ou partie du dossier de procédure. C'est en effet un droit élémentaire pour tout accusé de connaître de manière détaillée la nature et la cause de l'accusation portée contre lui, conformément d'ailleurs aux prescriptions de l'article 6-3 a de la Convention européenne des droits de l'homme. Il est important de le préciser dans la loi car un avocat a été poursuivi pour avoir transmis à son client le dossier de procédure.

Mme le Rapporteur - Avis défavorable. Cet amendement porterait tort au secret de l'instruction.

Mme la Garde des Sceaux - Le problème soulevé par cet amendement est réglé par les articles 114 et 114-1 du code de procédure pénale, eux-mêmes issus de la loi du 30 décembre 1996. C'est le groupe socialiste qui avait alors, par voie d'amendement, demandé la modification de ces articles afin que l'avocat puisse communiquer à son client les pièces du dossier. Cet amendement est donc inutile.

M. Alain Tourret - Je croyais que cela n'était pas possible avant que l'ordonnance de renvoi ne soit rendue.

M. Louis Mermaz - Si Mme la Garde des sceaux n'avait pas raison, je défendrais l'amendement de M. Devedjian.

M. Patrick Devedjian - Vérification faite, elle a raison.

L'amendement 236 est retiré.

M. Jean-Pierre Michel - Je regrette que l'Assemblée ait repoussé l'amendement de M. Albertini qui prévoyait l'enregistrement des gardes à vue. Mme le rapporteur a souhaité qu'un groupe de travail étudie la faisabilité de la proposition. Quoi de mieux pour cela que d'expérimenter la mesure ? C'est ce que je propose par mon amendement 254 qui tend à instituer cet enregistrement pour les gardes à vue de mineurs.

Cet enregistrement sonore ne vise qu'à servir la manifestation de la vérité. Je signale d'ailleurs que j'ai, pour ma part, déjà été condamné par la commission de discipline du Parquet sur la base d'un enregistrement sonore effectué à la suite d'une émission diffusée sur une radio libre. Sur cette seule base, la commission a prononcé à mon encontre un déplacement d'office. Je ne m'en suis pas trop mal tiré puisque j'ai été élu député (Rires). Je pense donc que la mesure est excellente.

M. Pierre Goldberg - L'amendement 268 est défendu.

Mme le Rapporteur - Si l'on instaure l'enregistrement pour les mineurs, ce sont quand même 5 000 locaux de garde à vue qui devront être équipés.

Je propose vraiment que les personnes que la question intéresse se retrouvent au sein d'un groupe de travail.

Mme la Garde des Sceaux - Mes arguments contre l'enregistrement valent quel que soit l'âge des intéressés.

Par ailleurs, l'article 4 de l'ordonnance du 2 février 1945 prévoit d'ores et déjà que toute mise en rétention d'un mineur de 13 ans s'effectue avec l'accord préalable et sous le contrôle d'un magistrat spécialisé. Pour les mineurs de 16 ans placés en garde à vue, l'avocat est déjà présent dès la première heure.

Les droits des mineurs sont donc déjà largement garantis. Je ne suis donc pas favorable à ces amendements.

M. Louis Mermaz - Plusieurs membres de notre groupe ont soutenu cet amendement en commission parce qu'il pourrait favoriser une évolution ultérieure du droit mais aussi parce que l'enregistrement des mineurs, y compris de leurs balbutiements et de leurs angoisses, pourrait être propice à la manifestation de la vérité.

Je suis donc très favorable à l'amendement de M. Michel.

M. Pierre Albertini - Je serai prudent, de crainte que tout ce que je pourrais dire puisse être utilisé contre moi (Sourires).

Les arguments opposés à cet amendement, qu'ils tiennent au coût de la mesure ou au risque de dérives, me semblent fallacieux. On nous a même dit en commission qu'une personne pourrait se donner une gifle à elle-même pour que l'enregistrement soit manipulé...

La fragilité des mineurs pose des problèmes particuliers. L'enregistrement serait donc utile et permettrait de montrer si le procédé est efficace, auquel cas nous pourrions l'étendre.

Mme Frédérique Bredin - Nous avons déjà innové en prévoyant l'enregistrement des mineurs victimes d'infractions sexuelles. Les locaux devraient, par conséquent, être déjà équipés. Nous pouvons donc lancer l'expérience pour les mineurs gardés à vue, afin que l'on ne puisse tirer profit de leur fragilité.

L'amendement 254, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L'amendement 168 tombe.

ART. 3

M. Patrick Devedjian - Je retire mon amendement 14 qui sera satisfait par le 86 de la commission.

Mme le Rapporteur - Les amendements 85 et 86 sont de précision.

Mme la Garde des Sceaux - Favorable.

L'amendement 85, mis aux voix, est adopté, de même que l'amendement 86.

L'article 3 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 3

Mme le Rapporteur - L'amendement 87 propose une vision allégée de la notion de mise en examen, en exigeant que les indices qui la fondent soient précis.

M. Patrick Devedjian - Très bien !

Mme la Garde des Sceaux - Je suis favorable à ce bon amendement.

L'amendement 87, mis aux voix, est adopté.

ART. 4

M. Philippe Houillon - L'amendement 198 est défendu.

Mme le Rapporteur - Défavorable.

Mme la Garde des Sceaux - Défavorable. La procédure du débat d'orientation est plus lourde et plus complexe que celle du calendrier prévisionnel.

L'amendement 198, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme le Rapporteur - L'amendement 88 déplace un alinéa.

M. Philippe Houillon - L'amendement 196 simplifie la procédure de demande d'acte de procédure en prévoyant une lettre recommandée avec accusé de réception.

Mme le Rapporteur - Avis défavorable. On ne peut supprimer les formalités quand elles apportent des garanties.

Mme la Garde des Sceaux - Avis favorable à l'amendement 88 et défavorable au 196. Le formalisme prévu à l'article 81 du code de procédure pénale garantit la sécurité juridique des procédures.

L'amendement 88, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L'amendement 196 tombe.

L'article 4 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 4

Mme le Rapporteur - L'amendement 311 améliore sensiblement le code de procédure pénale sur un point qui échappe aux théoriciens mais pas aux praticiens en introduisant la possibilité d'appel en cas de rejet par le juge d'instruction d'une exception ou de prescription de l'action publique. Ainsi les parties n'auront plus à attendre le jugement au fond pour invoquer ce motif.

M. Patrick Devedjian - Excellent amendement.

L'amendement 311, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Pierre Goldberg - L'amendement 169 est défendu.

M. Philippe Houillon - Notre amendement 182 prévoit également qu'un certain nombre d'informations, comme le droit de se taire, sont donnés par le juge d'instruction dès la première comparution et figurent au procès-verbal.

Mme le Rapporteur - Avis défavorable. L'article 116 du code de procédure pénale offre déjà toutes garanties à la personne mise en examen quant à ses droits.

Mme la Garde des Sceaux - Cet amendement améliore peut-être la rédaction de l'article mais il n'ajoute rien au troisième alinéa de l'article 116. J'y suis donc plutôt défavorable.

Mme Frédérique Bredin - Ces amendements apportent des garanties supplémentaires qu'il est utile de mentionner clairement.

L'amendement 169, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L'amendement 182 tombe.

M. Pierre Albertini - J'ai proposé en commission un amendement permettant au Procureur et aux avocats de présenter des observations et de poser des questions pendant l'interrogatoire. L'article 120 du code de procédure pénale permet au juge d'instruction de le refuser sans se justifier. Le vote de la commission était très partagé. Dans mon amendement 48 rectifié, j'ajoute que "le juge d'instruction détermine, s'il y a lieu, l'ordre et la durée des interventions." C'est bien lui qui dirige l'interrogatoire.

M. Philippe Houillon - Actuellement, si le juge refuse l'intervention du Parquet ou des avocats, leur question est annexée au procès-verbal. La plupart du temps, si elle n'est pas posée au moment opportun, elle perd toute pertinence. Notre amendement 183 assure ce droit d'intervention.

Mme le Rapporteur - Je préfère la rédaction de l'amendement 312 de la commission à celle des amendements 48 rectifié, 183 et 219. Il précise que le juge d'instruction détermine, s'il y a lieu, l'ordre des interventions et peut y mettre un terme lorsqu'il s'estime suffisamment informé. En outre, il peut s'opposer aux questions de nature à nuire au bon déroulement de l'information ou à la dignité de la personne.

MM. Philippe Houillon et Patrick Devedjian - C'est impossible !

M. Alain Tourret - Je retire mon amendement 219 au profit de celui de la commission, qui est plus complet.

Mme la Garde des Sceaux - D'accord sur le principe. Je préfère la rédaction de la commission.

M. Arnaud Montebourg - L'amendement 312 a l'avantage de laisser au juge d'instruction la maîtrise de la confrontation -parfois entre de nombreuses personnes- qui a lieu pendant l'interrogatoire.

Les amendements 48 rectifié et 183, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'amendement 312, mis aux voix, est adopté.

ART. 5

M. Philippe Houillon - L'amendement 197 est défendu.

L'amendement 197, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme le Rapporteur - L'amendement 89 précise que la notification du rapport d'expertise se fait sur demande de l'avocat.

L'amendement 89, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 5 ainsi amendé, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 5

M. Philippe Houillon - L'amendement 199 est défendu.

L'amendement 199 repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Philippe Houillon - L'amendement 205 est défendu.

Mme le Rapporteur - Il est satisfait par l'amendement 146 après l'article 28. Ces dispositions doivent prendre place dans la partie consacrée aux droits de la victime.

Mme la Garde des Sceaux - Défavorable pour le même motif.

L'amendement 205, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Philippe Houillon - L'amendement 185 est défendu.

L'amendement 185, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 6

M. Patrick Devedjian - L'amendement 15 rectifié rédige ainsi le III de cet article :

"Le premier alinéa de l'article 109 du code de procédure pénale est complété par les mots : "et du principe suivant lequel nul ne saurait être tenu de témoigner contre lui-même".

L'article 105 du code de procédure pénale établit que le juge d'instruction saisi ne peut entendre comme témoin une personne contre laquelle il existe des indices graves et concordants. Il s'agirait effectivement d'un détournement des droits de la défense. Mais cette obligation doit être étendue au-delà du seul juge d'instruction saisi qui, à défaut, pourrait obtenir une audition en qualité de témoin dans le cadre d'une autre procédure.

Mme le Rapporteur - La commission l'a repoussé. D'ailleurs, est-ce bien à l'article 109 qu'il faut en parler ?

M. Patrick Devedjian - Oui, puisqu'il définit les conditions du témoignage.

Mme la Garde des Sceaux - Défavorable.

L'amendement 15 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Devedjian - L'amendement 16 tire les conséquences de la distinction opérée entre témoin et suspect. Le témoin convoqué chez le juge d'instruction ne doit y rester que le temps de son audition. S'il est convoqué chez un officier de police judiciaire agissant sur commission rogatoire, l'obligation doit être la même. Il faut donc pouvoir contrôler que le gardé à vue est un suspect et non un témoin.

Mme le Rapporteur - Nous avons adopté un amendement selon lequel un témoin, quelle que soit la procédure, ne peut pas être gardé à vue, même lorsque la police enquête sur commission rogatoire. Je ne comprends donc pas l'intérêt de votre amendement.

M. Patrick Devedjian - Il faut savoir que l'on est considéré comme témoin.

Mme le Rapporteur - Mais le texte que vous évoquez ne concerne que la garde à vue.

M. Patrick Devedjian - Encore faut-il savoir en quelle qualité on est convoqué.

Mme le Rapporteur - C'est vrai, mais le texte que vous visez n'est pas le bon puisqu'il ne concerne que la garde à vue.

Mme la Garde des Sceaux - Cette précision est inutile parce que les dispositions de l'article 63 sont reprises dans l'article 154.

M. Patrick Devedjian - Je propose de viser précisément l'article 63 pour qu'il n'y ait aucune ambiguïté.

L'amendement 16, mis aux voix, est adopté.

L'article 6, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 7

M. Philippe Houillon - Je retire l'amendement 184, qui sera satisfait par la suite.

Mme le Rapporteur - L'amendement 90 concerne le témoin assisté. Pour que celui-ci bénéficie de tous les droits du mis en examen, il doit être informé de certains actes et le juge d'instruction doit donc connaître son adresse.

L'amendement 90, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme le Rapporteur - L'amendement 91 est un amendement de précision.

L'amendement 91, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 7, modifié, mis aux voix, est adopté.

L'article 8, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 8

M. Patrick Devedjian - L'amendement 17 modifie l'article 92 du code de procédure pénale, qui prévoit que le juge d'instruction peut se transporter sur les lieux pour y effectuer toute constatation utile ou procéder à des perquisitions. Il en donne avis au procureur de la République qui a la faculté de l'accompagner. Je propose qu'il "puisse" en donner avis. Les officiers de police judiciaire dans leur ressort n'ont pas besoin d'avertir ni le juge mandant ni le procureur de la République quand ils se déplacent, seul le juge d'instruction est soumis à cette obligation. C'est d'ailleurs un des moyens d'influence du gouvernement sur la justice que le Parquet soit informé des déplacements du juge d'instruction.

M. Arnaud Montebourg - Comme votre hélicoptère !

M. Patrick Devedjian - Cet hélicoptère, on l'a payé. Il nous a fait perdre les élections, ce qui prouve que lorsque le Parquet est hiérarchisé, le Gouvernement est responsable de ce qu'il fait et en rend compte devant le peuple. La hiérarchisation est donc une bonne chose, nous sommes payés pour le savoir.

Mme le Rapporteur - Avis défavorable. Il faut rendre effectif le droit du procureur de la République à accompagner le juge d'instruction.

Mme la Garde des Sceaux - Avis très défavorable ! Dans le monde auquel continue de se référer M. Devedjian et où on donne des instructions aux procureurs, cet amendement se justifie. Ce n'est pas mon système. J'ajoute qu'on peut être pour la hiérarchisation du Parquet et contre les instructions individuelles à ses membres.

L'avis donné par le juge au procureur est justifié par le fait que le ministère public doit être au courant de ce qui se passe dans son ressort.

C'est la même logique qui justifie que des officiers de police judiciaire qui se déplacent doivent en aviser le Parquet territorialement compétent ou qui fait que le Parquet est avisé si des audiences foraines ont lieu hors du tribunal. Cela n'a donc rien à voir avec la question de l'égalité des armes. D'ailleurs, le projet du Gouvernement permettra à un avocat qui demande une reconstitution d'être présent pendant cette opération. Il n'est pas acceptable de justifier cet amendement par le risque de voir le Parquet responsable de fuites avant le déplacement du juge. Aucun argument ne tient donc pour justifier cet amendement.

L'amendement 17, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Devedjian - L'amendement 18 veut lutter contre les commissions rogatoires à caractère général. Aucune perquisition ne doit pouvoir se tenir sans que le juge ne l'ait spécialement autorisée. Dans la pratique, le juge envoie une commission rogatoire générale et l'officier de police judiciaire perquisitionne chez qui il veut.

Mme le Rapporteur - J'ai toujours cru que les commissions rogatoires devaient être limitées dans le temps et dans l'espace et que la chambre criminelle y veillait fermement.

M. Patrick Devedjian - Est-ce vous qui nous parliez de différence entre pratique et théorie ?

Mme le Rapporteur - Le contrôle de la Cour de cassation est réel !

M. Patrick Devedjian - Trois ans après la perquisition !

Mme la Garde des Sceaux - Avis défavorable, le problème a déjà été tranché.

M. Arnaud Montebourg - Cet amendement, dans la lignée de ceux que s'acharne à présenter l'opposition, oblige des officiers de police judiciaire en pleine investigation à revenir chez le juge d'instruction, ce qui ralentira les enquêtes et obligera le juge à consacrer beaucoup de temps à du formalisme, qui n'apporte aucune garantie puisqu'on se doute bien que la perquisition a déjà été autorisée par le juge. Les officiers de police judiciaire ne sont pas des capricieux errant sur le territoire pour perquisitionner !

L'amendement 18, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre Albertini - L'amendement 65 concerne la dénonciation, acte aux conséquences graves. On peut tous déplorer que les dénonciations anonymes se multiplient, ou qu'on les fabrique -mais je n'ose plus parler des manipulations parce qu'on est immédiatement taxé de vouloir défendre excessivement les droits de la défense.

M. Arnaud Montebourg - Il suffirait de ne pas être excessif.

M. Pierre Albertini - C'est un conseil que vous pourriez vous appliquer. Les dénonciations anonymes sont des pratiques condamnables dans une démocratie respectueuse des droits de la personne. Faute de mentionner l'identité de son auteur, une dénonciation ne doit pas pouvoir être utilisée comme moyen de preuve. C'est déjà ce que la jurisprudence considère, mais il y a des choses qui vont mieux en le disant.

Mme le Rapporteur - Avis défavorable. Sur le principe, la délation fait hurler, mais rendez-vous compte de ce que c'est par exemple pour un jeune de dénoncer des faits délictueux dans un quartier difficile. Si l'anonymat rend sa dénonciation inutile, il ne dénoncera plus rien.

M. Pierre Albertini - Vous n'interprétez pas correctement. L'amendement dit que la dénonciation anonyme ne peut pas servir de preuve.

Mme le Rapporteur - Pour cela nous sommes d'accord, elle n'est pas une preuve.

M. Pierre Albertini - Si nous sommes d'accord, écrivons-le !

Mme la Garde des Sceaux - Je n'aime pas plus que vous les dénonciations anonymes. D'ores et déjà elles ne peuvent en aucun cas constituer un moyen de preuve fondant une condamnation. Mais la rédaction de votre amendement risque de faire penser qu'elles ne peuvent même pas constituer un moyen d'enquête. Or il faut laisser aux magistrats la possibilité de faire des vérifications sur la base de telles dénonciations, quel que soit le jugement moral que l'on porte sur le procédé.

Mme Frédérique Bredin - C'est un sujet tabou dans notre pays car il évoque des souvenirs historiques assez pénibles. Ces pratiques de délation ont perduré et sont beaucoup plus généralisées qu'on ne le croit.

L'amendement a donc une réelle valeur symbolique, mais il n'apporte aucune amélioration concrète car la dénonciation anonyme n'est pas utilisée comme moyen de preuve.

Ma proposition serait qu'on réfléchisse sérieusement à cette question pour élaborer, d'ici la deuxième lecture, une rédaction tenant compte des remarques de Mme la rapporteur et de Mme la Gardes des Sceaux.

M. Alain Tourret - Je suis favorable à cet amendement. Il y a cinquante ans, il y a eu plusieurs millions de dénonciations anonymes. En outre, ce procédé permet de se fabriquer à soi-même des preuves, c'est inacceptable.

Il n'est pas question d'empêcher les enquêtes. Mais compte tenu du caractère infect de certaines dénonciations, je soutiendrai l'amendement.

M. Patrick Devedjian - L'amendement n'interdit pas au Parquet de mener une enquête à partir d'une dénonciation anonyme, il signifie simplement que celle-ci ne peut servir de base à un acte de procédure, comme un réquisitoire introductif ou supplétif ou une commission rogatoire. Or on a déjà vu des procédures démarrer comme cela.

M. Arnaud Montebourg - C'est un dossier difficile, qu'il faut aborder de façon plus globale. Il n'y a pas dans notre pays de protection juridique du dénonciateur, c'est un point faible qui encourage l'anonymat.

Si l'amendement était adopté tel quel, il serait un signal très fort au Parquet et empêcherait l'autorité judiciaire d'engager le moindre début de vérification des éléments ainsi portés à sa connaissance. Ce serait déplacé dans le contexte des "affaires" que nous vivons et constituerait une entrave grave au fonctionnement de l'autorité judiciaire.

Mme le Rapporteur - Ce débat prouve bien que l'amendement n'est pas au point. Je suggère que nous approfondissions la question pour trouver une solution acceptable d'ici la deuxième lecture. En attendant, je propose le rejet de l'amendement.

M. Pierre Albertini - Dire qu'une dénonciation anonyme ne saurait être utilisée comme un moyen de preuve d'une quelconque infraction ne fait pas obstacle à une enquête préliminaire. On peut ajouter des précisions, mais on ne peut pas continuer à cautionner, voire encourager, des pratiques profondément malsaines.

M. Arnaud Montebourg - Je voudrais citer un exemple. Une lettre anonyme dénonçant les pratiques du conseil général d'un département est arrivée sur le bureau du préfet, qui n'a rien pu en faire, et chez le procureur de la République, qui a fait procéder à une première vérification : celle-ci a corroboré les informations transmises dans la lettre et l'affaire s'est terminée par la mise en examen et la condamnation partielle de 72 personnes, allant des élus et fonctionnaires aux entrepreneurs auteurs de fausses factures.

Avec votre amendement déraisonnable, Monsieur Albertini, l'anonymat de la dénonciation deviendrait une cause de nullité de la procédure.

M. Pierre Albertini - Mais pas du tout !

L'amendement 65, mis aux voix, n'est pas adopté.

AVANT L'ART. 9

Mme le Rapporteur - L'amendement 92 permet les questions directes du ministère public et des conseils de l'accusé et de la partie civile dans un procès criminel ("Très bien !" sur les bancs du groupe du RPR).

Mme la Garde des Sceaux - Avis favorable.

L'amendement 92, mis aux voix, est adopté.

Mme Dominique Gillot - Les amendements 263 et 264 visent à appeler l'attention du législateur sur la situation d'une partie de la population qui a du mal à faire reconnaître ses droits, les personnes sourdes.

Ils précisent que si l'accusé ou un témoin est sourd, le président du tribunal nomme d'office un interprète en langue des signes ou autre méthode technique moderne et lui fait prêter serment.

Les questions ou observations du président sont écrites par le greffier et transmises à la personne sourde, qui peut y répondre par écrit.

Ainsi les sourds pourraient utiliser les techniques qui leur permettent de surmonter leur handicap et verraient leurs droits mieux garantis.

Mme le Rapporteur - Excellents amendements !

Mme la Garde des Sceaux - Favorable -sauf à trouver au cours de la navette une notion un peu plus juridique que celle d'"interface".

L'amendement 263, mis aux voix, est adopté, de même que l'amendement 264.

La suite du débat est renvoyée à cet après-midi.

Prochaine séance, ce matin, jeudi 25 mars à 9 heures.

La séance est levée à 1 heure.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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