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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 78ème jour de séance, 202ème séance

3ème SÉANCE DU JEUDI 25 MARS 1999

PRÉSIDENCE DE Mme Nicole CATALA

vice-présidente

          SOMMAIRE :

PRÉSOMPTION D'INNOCENCE (suite) 1

    ART. 19 2

    APRÈS L'ART. 19 3

    AVANT L'ART. 20 5

    ART. 20 5

    ART. 21 7

    APRÈS L'ART. 21 8

    ART. 22 10

    APRÈS L'ART. 22 15

    ART. 23 15

    ART. 24 16

    ART. 25 17

    ART. 26 19

    ART. 27 19

    APRÈS L'ART. 27 19

    APRÈS L'ART. 28 20

    AVANT L'ART. 29 21

    ART. 30 21

    APRÈS L'ART. 31 21

    AVANT L'ART. 32 23

    ART. 32 23

    ART. 33 24

    ART. 34 24

    ART. 40 24

    TITRE 25

    SECONDE DÉLIBÉRATION 25

    ART. 15 25

    ART. 25 25

    ART. 26 25

La séance est ouverte à vingt et une heures.


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PRÉSOMPTION D'INNOCENCE (suite)

L'ordre du jour appelle suite de la discussion du projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

ART. 19

M. Alain Tourret - Cet article, avec les amendements proposés, me donne pleine satisfaction. L'indemnisation des victimes de la détention provisoire est une nécessité absolue. En la prévoyant le projet fait faire un grand pas à notre démocratie.

M. André Gerin - L'amendement 174 tend à mieux définir les conditions de l'indemnisation des détentions provisoires en cas de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenus définitifs. Cette indemnisation doit être décidée collégialement par une commission auprès de la cour d'appel. Ses décisions doivent être motivées, et susceptibles de recours devant une commission nationale.

Mme Christine Lazerges, rapporteur de la commission des lois - Avis défavorable : l'amendement suivant va plus loin.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice - Je ne suis pas favorable en l'état à l'amendement de M. Gerin, parce qu'il est aujourd'hui prématuré ; mais le Gouvernement va poursuivre sa réflexion sur ce point. La solution proposée devra prendre en compte l'augmentation prévisible des demandes d'indemnisation à la suite de la présente réforme ; cette augmentation a déjà été sensible après la réforme de 1996. Elle devra aussi prendre en compte le renforcement du droit des personnes qui résulte de l'existence d'un recours. Au demeurant cette réforme doit être l'objet d'une étude complémentaire. En effet, le projet prévoit déjà l'indemnisation du préjudice moral et exige la motivation des décisions. Il faut donc appliquer quelque temps ces dispositions pour fixer le droit, sans que nous risquions d'avoir des jurisprudences divergentes avant que la commission nationale puisse unifier les pratiques. Nous avons donc besoin d'un temps de réflexion, si louable que soit la préoccupation exprimée.

M. André Gerin - Au bénéfice de ces observations, et compte tenu de l'amendement suivant, je retire le mien.

L'amendement 174 est retiré.

Mme la Rapporteur - L'amendement 109 est très important à nos yeux. Il tend à rédiger ainsi la fin de l'article : "une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, afin de réparer le préjudice moral et matériel qu'elle a subi à cette occasion. Toutefois, aucune indemnisation n'est due lorsque cette décision résulte de la reconnaissance de son irresponsabilité au sens de l'article 122-1 du code pénal, de la prescription ou de l'amnistie, ou lorsque la personne a fait l'objet d'une détention provisoire pour s'être librement et volontairement accusée ou laissé accuser à tort". En somme, nous demandons que l'indemnisation soit systématique, en substituant "est accordée" à "peut être accordée". Nous prévoyons en contrepartie les quelques cas où cette indemnisation ne serait pas justifiée.

Mme la Garde des Sceaux - Il est légitime de poser le principe de la réparation obligatoire d'une détention provisoire saisie d'une relaxe, d'un acquittement ou d'un non-lieu ; et il est souhaitable de prévoir les exceptions. Mais je m'interroge sur la liste qu'en donne l'amendement. N'est-elle pas trop limitée ? Ainsi le cas de l'abrogation d'une loi pénale n'est pas prévu. Si quelqu'un a été détenu pour une infraction abrogée ensuite, on ne peut prétendre qu'il a été détenu à tort. Pas davantage n'est prévue l'annulation d'une procédure pour vice de forme, qui conduit à un non-lieu, alors même que de nouvelles poursuites juridiquement respectueuses de la loi peuvent aboutir à la condamnation de la personne. A l'inverse certaines exceptions prévues par l'amendement sont peut-être trop étendues. Que l'auteur d'un crime, ayant bénéficié d'un non-lieu pour trouble mental, ne soit pas indemnisé, cela peut apparaître justifié. Mais si le non-lieu est aussi motivé par l'absence de charges matérielles, et si l'aliéné n'est pas l'auteur du crime, celui-ci doit être indemnisé.

Compte tenu de ces observations, je me demande si le texte du Gouvernement n'est pas plus simple. Assurément, si l'on pose le principe d'une réparation automatique, il faut prévoir les exceptions, et notamment le cas où une personne se laisse accuser à tort pour couvrir le vrai coupable. En l'état, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée, en espérant que la navette permettra d'aboutir à la meilleure rédaction possible.

M. Patrick Devedjian - Je soutiens l'amendement de Mme Lazerges, qui satisfait le mien. Il faut voir d'où nous venons ! En 1990, le président de la commission nationale d'indemnisation -je ne le nommerai pas, mais il le mériterait- déclarait que la commission indemnisait seulement "si le requérant ne pouvait manifestement pas être le coupable" ! Et il posait deux conditions : qu'on ait trouvé le vrai coupable, et qu'on soit assuré que le requérant n'avait jamais menti... Il ajoutait que les autres étaient des innocents "avec des guillemets"... Voilà donc d'où nous venons. Le texte du projet dit que le détenu "peut" être indemnisé, ce qui laisse encore un large champ au refus. L'intérêt de la rédaction de Mme Lazerges est de rendre l'indemnité obligatoire. Or qui peut douter qu'une personne incarcérée indûment a subi un préjudice ? Cela va de soi, sans qu'il soit besoin de le démontrer. L'article 149 du code de procédure pénale prévoit de l'indemniser "lorsque cette détention lui a causé un préjudice" : c'est se moquer du monde ! Bien sûr, elle lui en a causé un. La rédaction du Gouvernement n'y change rien. Vous envisagez le cas où la procédure serait annulée : mais dans ce cas, l'intéressé est innocent. On ne saurait pas être innocent à moitié, il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée !

Mme Frédérique Bredin - Avec cet amendement de la commission, on franchit un pas très important, puisque l'on passe d'une indemnisation possible à une indemnisation systématique. Or le simple fait d'être en prison à tort représente un préjudice moral et financier évident -je pense à cette personne restée en prison pendant six mois faute de test ADN réalisé à temps. Mais je ne suis pas d'accord sur les exceptions : la prescription, l'amnistie sont de plein droit, elles n'ont pas de rapport avec les cas particuliers. Quant à la réserve "pour s'être librement et volontairement accusée ou laissé accuser à tort", elle paraît bien discutable. Mais l'avancée réalisée est telle que nous la soutiendrons avec force, en attendant de revoir les modalités lors de la seconde lecture.

M. Alain Tourret - Le texte du Gouvernement me paraît tout à fait satisfaisant -tandis que l'amendement, avec toutes ses exceptions, est incompréhensible. La prescription ou l'amnistie acquise, on ne peut plus juger au fond. Il faut retirer l'amendement.

Mme la Rapporteur - Entre le texte du Gouvernement et l'amendement, il y a une différence de verbe : "pouvoir", ce n'est pas "être" !

M. Patrick Devedjian - Bien sûr !

Mme la Rapporteur - Mais je reconnais que la rédaction concernant les exceptions est médiocre. Je suggère donc qu'on adopte l'amendement ce soir, et qu'on revoie sa rédaction au cours des lectures à venir.

M. Patrick Devedjian - Cette humilité est sympathique.

L'amendement 109, mis aux voix, est adopté.

Mme Frédérique Bredin - L'amendement 257 permet à l'intéressé de demander une expertise contradictoire.

Mme la Rapporteur - Favorable.

Mme la Garde des Sceaux - Défavorable. Ce serait alourdir la procédure et la rallonger. Mieux vaut laisser la commission décider elle-même cette expertise.

L'amendement 257, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteur - L'amendement 314 précise que le requérant est entendu par la commission d'indemnisation soit personnellement soit par l'intermédiaire de son conseil -pour le cas où il serait souffrant ou blessé.

Mme la Garde des Sceaux - Favorable.

L'amendement 314, mis aux voix, est adopté.

M. Alain Tourret - L'amendement 110 complète ainsi l'article : "La décision de la commission d'indemnisation allouant une indemnité est communiquée aux magistrats qui ont concouru à la mise ou au maintien en détention provisoire".

Mme la Rapporteur - La commission a adopté cet amendement.

Mme la Garde des Sceaux - Favorable.

L'amendement 110, mis aux voix, est adopté.

M. Patrick Devedjian - Mon amendement 33 corrigé est satisfait en partie par le précédent. Il ajoute aux décisions d'indemnisation les décisions de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement.

L'amendement 33 corrigé, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 19 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 19

Mme la Rapporteur - L'amendement 111 de la commission vise à exiger une enquête sociale pour toutes les personnes placées en détention provisoire dans le cadre d'une information.

Mme la Garde des Sceaux - C'est une bonne idée, même si je préférerais que l'enquête ait lieu avant l'incarcération plutôt qu'après.

Cependant, la mesure proposée coûterait six millions. Ne vaudrait-il pas mieux réserver ces enquêtes aux personnes jugées en comparution immédiate ? Je m'en remets à votre sagesse.

M. Patrick Devedjian - Six millions, ce n'est pas cher. Je suis même surpris que le coût estimé de la mesure soit si bas, compte tenu du nombre des détenus.

Par ailleurs, dans le cas des récidivistes, comptez-vous recommencer l'enquête à chaque comparution ?

Mme Frédérique Bredin - Il me paraît normal que, lorsqu'est prise la grave décision d'incarcérer quelqu'un, on se renseigne sur sa situation matérielle, familiale et sociale.

Etendre l'enquête aux cas de comparution immédiate n'est pas absurde, mais ce n'est pas l'objet de ce texte.

Mme la Rapporteur - Il est proposé que cette enquête soit effectuée dans un délai de deux mois après l'entrée en maison d'arrêt, de manière à disposer d'éléments d'appréciation au moment de décider si la détention doit être prolongée. Cette enquête sociale est différente de l'enquête rapide qui peut déjà avoir lieu en cas de comparution immédiate et qu'il serait bon de rendre systématique.

Le faible coût de la mesure s'explique par le petit nombre de prévenus risquant une prolongation de leur détention provisoire.

M. Alain Tourret - La durée moyenne de la détention provisoire est de 3,9 mois en matière délictuelle et de 17 mois en matière criminelle. Combien de personnes sont-elles concernées par la mesure proposée ? Il faut pour cela qu'elles fassent plus de deux mois en détention provisoire.

Mme la Rapporteur - Nous ne disposons pas de statistiques satisfaisantes. Les moyennes que vous citez mélangent les cas de comparution immédiate et les cas d'instruction préparatoire. On sait simplement que 13 000 personnes, chaque année, font l'objet d'une telle instruction.

M. Pierre Albertini - Si nous ignorons le nombre exact des personnes concernées, on peut estimer qu'elles seront quelques milliers. Le coût de chaque enquête sociale devant se situer entre 1 000 et 2 000 F, on voit que nous serons bien au-dessus du montant annoncé, qui me semble dérisoire.

M. Jérôme Lambert - Prévoir une enquête sociale est une bonne idée, mais nous pourrions la réserver aux personnes qui en font la demande : une telle enquête est en effet inutile pour ceux dont la situation matérielle est satisfaisante ou pour les multirécidivistes ayant déjà fait l'objet d'une enquête. Mieux vaudrait écrire : "Les personnes mises en examen placées en détention provisoire peuvent demander une enquête...".

Mme la Rapporteur - Je préfère ne pas modifier le texte de l'amendement 111.

L'amendement 111, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Frédérique Bredin - L'amendement 112, adopté par la commission, vise à nous aider à réformer encore la procédure pénale, car ce projet n'est certes pas le dernier du genre (Sourires). Il faut en outre renseigner nos concitoyens sur ce qui se passe derrière les barreaux des prisons. Dans ce but, il est proposé de créer une commission de suivi de la détention provisoire, placée sous l'autorité du ministre de la justice.

Composée de deux représentants du Parlement -un député et un sénateur-, d'un magistrat de la Cour de cassation, d'un membre du Conseil d'Etat, d'un professeur de droit pénal, d'un avocat et d'un représentant d'un organisme de recherche judiciaire, elle aurait pour missions d'analyser les données, d'examiner les décisions de la commission d'indemnisation de la détention provisoire et de publier un rapport annuel.

Mme la Rapporteur - Avis favorable.

Mme la Garde des Sceaux - La création d'une telle commission n'est pas du domaine de la loi. Sagesse.

M. Pierre Albertini - Il est vrai que le texte est très détaillé. On sort des limites de l'article 34.

M. Alain Tourret - On l'a vu à propos de l'amendement précédent, la création d'une telle commission est tout de même nécessaire. Comment travailler en l'absence de données précises ? Pour préparer la proposition qui a été adoptée en avril dernier, j'ai demandé des renseignements chiffrés à la Chancellerie, qui n'a pas été capable de me les fournir. Nous avons dû légiférer sur la base de quelques statistiques générales, et il m'a fallu appeler des cabinets d'instruction pour obtenir des renseignements précis, que les procureurs se refusaient à me communiquer.

Je me félicite donc que la commission ait approuvé l'amendement 112.

M. Patrick Devedjian - S'il est vrai que les statistiques sont insuffisantes, les travaux du CESDIP sont intéressants. On pourrait aider cet organisme à se développer.

Mme la Garde des Sceaux - La question des statistiques est douloureuse pour la ministre aussi,  veuillez le croire (Sourires). Alors que d'autres ministères, infiniment plus puissants que le mien, disposent de tous les chiffres possibles, nous sommes très démunis.

Ce n'est qu'en imposant un surcroît de travail aux magistrats que nous pouvons obtenir des chiffres. Si je m'en remets à votre sagesse, c'est que le problème, quoi que vous votiez, est d'abord budgétaire. Je devrai toujours choisir entre collecter des statistiques ou fournir des gommes, des crayons et des ordinateurs à mes services ! Tels sont les termes du débat...

Mme la Rapporteur - S'il faut des gommes et des crayons aux magistrats, nous avons quant à nous besoin de chiffres pour légiférer.

Le CESDIP est un centre de recherche universitaire qui dépend du CNRS : il travaille donc sur les sujets qui plaisent aux chercheurs.

M. Patrick Devedjian - On peut le développer !

Mme la Rapporteur - Même si la création d'une commission de suivi n'est pas du domaine de la loi, elle est indispensable.

L'amendement 112, mis aux voix, est adopté.

AVANT L'ART. 20

Mme la Rapporteur - L'amendement 113 de la commission vise à encadrer la durée de l'enquête préliminaire en précisant que les officiers de police judiciaire doivent rendre compte tous les quatre mois de son état d'avancement. Nous avons déposé un amendement identique dans le projet relatif aux relations entre le Parquet et la Chancellerie. Nous pouvons certes attendre, pour voter cette disposition, cet autre volet de la réforme de la justice. Si nous avons souhaité présenter aujourd'hui cet amendement, c'est pour montrer que nous avions une approche globale de la procédure pénale.

Mme la Garde des Sceaux - Je n'ai pas d'objection de fond à cet amendement qui aborde la question du contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire. Mais il trouverait mieux sa place dans le futur projet de loi relatif à l'action publique en matière pénale. Pour l'heure, j'en demande donc le rejet.

M. Arnaud Montebourg - L'articulation des pouvoirs respectifs du Parquet, de la police judiciaire et du juge d'instruction est une question difficile. Il serait gênant de trancher aujourd'hui alors que nous en débattrons en juin prochain dans le cadre du projet de loi cité par Mme la ministre.

Mme la Rapporteur - Je retire l'amendement 113.

L'amendement 113 est retiré.

ART. 20

M. Pierre Albertini - Le dispositif prévu à l'article 21 pour renforcer le droit à être jugé "dans un délai raisonnable", de même que la déclaration de principe de l'article 20, ne suffiront pas à changer les habitudes prises dans notre pays, ne s'attaquant pas aux véritables causes des retards. La Cour de Strasbourg a condamné la France à plusieurs reprises pour des procédures excessivement longues. Certes chaque instruction est un cas d'espèce. En fonction de la complexité des affaires et du comportement des parties, les délais d'instruction et de jugement peuvent varier. Mais dans notre pays la notion de "délai raisonnable" est toujours interprétée de manière très préjudiciable à l'accusé.

Mme la Rapporteur - L'amendement 114 est de coordination.

L'amendement 114, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteur - L'amendement 115 a pour objet de réduire de huit à six mois le délai au-delà duquel une personne ayant fait l'objet d'une garde à vue qui n'a été suivie d'aucune procédure peut demander au procureur de la République soit de procéder à un classement sans suite soit de poursuivre.

L'amendement 115, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteur - L'amendement 116 est rédactionnel. Il tend à substituer les mots "accusé de réception" aux mots "demande d'avis" dans la dernière phrase du premier alinéa.

L'amendement 116, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteur - L'amendement 117 a pour objet de permettre au procureur de prononcer une mesure alternative aux poursuites à la demande d'une personne n'ayant fait l'objet d'aucune procédure après avoir été gardée à vue. C'est un clin d'oeil au texte de Louis Mermaz. L'amendement 118 est de coordination.

Mme la Garde des Sceaux - Avis favorable aux deux amendements.

Les amendements 117 et 118, mis aux voix, sont adoptés.

Mme Frédérique Bredin - Nous souhaitons tous ouvrir à la publicité les phases clés de la procédure pénale. Le projet de loi propose diverses "fenêtres" mais dans le même temps prévoit une série d'exception à leurs ouvertures.

S'il ne serait pas opportun aujourd'hui de lever totalement le secret de l'instruction, comme le souhaitent certains collègues, de vraies fenêtres sont en revanche nécessaires en cours de procédure. Les exceptions à cette publicité doivent donc être très limitées et les moins subjectives possible. L'amendement 119 a précisément pour objet de réduire le champ des exceptions à l'audience publique des débats devant le président du tribunal de grande instance.

C'est en contrepartie de cette information publique, notamment des médias, que nous demanderons un meilleur respect de la présomption d'innocence, nous efforçant de rechercher le meilleur équilibre.

Trop d'exceptions réduisent la portée de ces fenêtres qui devraient avoir un caractère automatique. Le refus de publicité au motif par exemple "du bon déroulement de l'information", notion par nature floue, subjective et arbitraire, est-il acceptable ?

M. Patrick Devedjian - Je défends le sous-amendement 251 déposé par M. Michel.

Mme la Rapporteur - La commission est favorable à ce sous-amendement.

Mme la Garde des Sceaux - Je m'opposerai à cet amendement, ainsi qu'à d'autres de même nature.

Notre projet instaure des fenêtres de publicité à diverses étapes de la procédure afin de permettre un débat public et contradictoire sur les charges. La première de ces fenêtres est prévue par l'article 77-2 du code de procédure pénale qui donne la possibilité au président du tribunal de grande instance de contrôler la durée d'une enquête préliminaire, après un débat contradictoire demandé par la personne gardée à vue. Ce débat est public sauf dans certains cas où le président du tribunal, ou selon les cas, le juge de la détention ou la chambre d'accusation, pourront le refuser.

Votre commission supprime la possibilité de refuser cette publicité si celle-ci est susceptible de nuire au bon déroulement des investigations. Autant alors supprimer purement et simplement le secret de l'enquête. Est-il imaginable qu'au cours d'un débat organisé à la demande d'un usager de stupéfiants placé en garde à vue au début d'une enquête préliminaire, soient rendues publiques les investigations que compte mener la police pour confondre les trafiquants ?

Notre procédure inquisitoire fait qu'une même personne conduit à la fois l'enquête et l'instruction. Dans la procédure anglo-saxonne, toute l'enquête est soumise au secret absolu. Laissons au moins le droit au magistrat de refuser une fenêtre de publicité s'il estime que les nécessités de l'enquête l'imposent.

Le lui refuser serait aller bien au-delà des possibilités offertes par la procédure anglo-saxonne. Je vous mets donc en garde contre les inconvénients très sérieux présentés par cet amendement.

En revanche, je ne suis pas opposée à ce que le refus du président d'organiser une fenêtre de publicité donne lieu à une ordonnance motivée.

M. Arnaud Montebourg - Il est certainement bon d'ouvrir des fenêtres de publicité lorsqu'il est légitime que le public soit informé. Mais permettre à tous les tiers d'entrer dans les détails d'une enquête préliminaire risque de la désorganiser. Il me paraît inexact d'affirmer qu'il est arbitraire de laisser un juge interpréter la notion de bon déroulement de l'enquête. Il faut laisser une jurisprudence se créer. Le législateur n'a pas à se prononcer en fonction des situations particulières. Chaque juge se déterminera sur la base d'éléments concrets. De plus, c'est un magistrat civil qui décidera, ce qui n'est pas indifférent.

Mme Frédérique Bredin - Je suis prête à beaucoup de rigueur, en particulier à l'égard de la presse, pour faire respecter la présomption d'innocence. Mais nous y parviendrons d'autant mieux que nous organiserons plus de transparence, pour fournir une information plus complète. Je ne propose pas d'aller jusqu'à lever le secret de l'instruction, mais ce dernier est devenu un secret de Polichinelle, il est constamment bafoué, soit par ceux qui mènent l'enquête, soit par les parties, soit par les deux.

Je ne conçois pas que l'on se déclare prêt à se battre pour la liberté de l'information, et qu'on ne veuille pas ouvrir complètement ces fenêtres de publicité.

La publicité, c'est vrai, dérange toujours. Mais, plutôt que le système hypocrite d'aujourd'hui, je préfère une transparence organisée à des moments clés de la procédure.

Mme la Garde des Sceaux - Dans l'ouvrage du professeur Spencer que j'ai cité hier...

M. Patrick Devedjian - Ce n'est qu'un Que sais-je ? !

Mme la Garde des Sceaux - Son auteur fait autorité. C'est un professeur émérite. M. Spencer écrit : "En Grande-Bretagne, la recherche des preuves est secrète, davantage qu'elle ne l'est en France. Même si les médias pouvaient persuader la police de leur divulguer les preuves, ils n'oseraient pas les publier avant l'audience de jugement de peur d'être pénalement poursuivis".

M. Pierre Albertini - Il y a donc du bon en Angleterre !

Mme la Garde des Sceaux - Oui, mais poursuivons jusqu'au bout : "La recherche des preuves est aussi plus secrète qu'en France à l'égard du suspect et de l'accusé". Soyons cohérents. La fenêtre de publicité doit permettre de contrôler la durée de l'enquête préliminaire. Mais si cette fenêtre risque de compromettre l'efficacité de l'enquête, alors je vous demande de rejeter l'amendement et son sous-amendement.

M. Louis Mermaz - La procédure dont nous parlons se déroule après de longs mois d'enquête. Je suis favorable au sous-amendement de M. Jean-Pierre Michel, car je suis hostile au recours à la notion d'ordre public. Comment laisser un magistrat invoquer une notion aussi floue ?

Mme la Rapporteur - Je propose de retirer l'amendement 119 et de le remplacer par un amendement tendant simplement à préciser, à la fin du dernier alinéa de l'article 77-2, que la décision du président doit être motivée.

Mme la Présidente - Cet amendement porte le numéro 320.

Mme la Garde des Sceaux - Je ne vois pas de difficulté à accepter cette proposition.

Mme Frédérique Bredin - Je suis un peu surprise de ce retrait de l'amendement 119, que la commission avait adopté.

M. Patrick Devedjian - Mme Lazerges n'a pas le droit de le retirer !

Mme la Présidente - Si, le rapporteur le peut.

Mme Frédérique Bredin - Dans ce cas, il n'y a plus de discussion possible !

Je ne vois pas comment mettre en place une fenêtre si une série d'exceptions vient aussitôt la refermer.

Je regrette beaucoup le retrait de cet amendement, dont nous reparlerons.

L'amendement 320, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 20 modifié.

ART. 21

Mme la Rapporteur - L'amendement 120 rectifié tend à insérer, après l'article 175-1 du code de procédure pénale, un article 175-2 qui préciserait la durée des procédures.

Le contrat de procédure proposé par le Gouvernement ne manque certes pas d'intérêt, mais il ne peut être compris que des spécialistes. Il s'agit d'une incitation, qui aurait des vertus pédagogiques, mais permettrait aux informations judiciaires de se poursuivre indéfiniment, faute de délais impératifs. Ce que propose la commission, pour n'être pas simple, l'est tout de même davantage. A l'issue d'un délai d'un an en cas de délit, de 18 mois en cas de crime, les parties pourraient demander la clôture de l'information ; le juge d'instruction devrait alors transmettre le dossier à la chambre d'accusation, qui accorderait un délai supplémentaire de six mois ou, saisie par les parties, soit clôturerait l'affaire, soit accorderait un nouveau délai d'un an ou de dix-huit mois, éventuellement renouvelable. La chambre d'accusation exercerait ainsi un contrôle effectif sur la durée des instructions.

Les deux systèmes ne sont pas radicalement différents mais, dans le nôtre, le juge d'instruction resterait maître de son dossier pendant un an, la chambre d'accusation étant, elle, maîtresse d'octroyer ou non des délais complémentaires.

Mme la Présidente - L'amendement 298 n'est pas défendu.

Mme la Garde des Sceaux - Je suis fermement opposée à l'amendement 120 rectifié, totalement étranger à l'esprit du projet du Gouvernement.

Celui-ci permet un dialogue entre le juge et les parties. Le magistrat instructeur peut en effet, s'il l'estime possible, arrêter un calendrier prévisionnel pour la procédure : à l'expiration du délai ainsi fixé ou, à défaut, après un an, les parties peuvent demander la clôture de l'information. Si le juge refuse, les parties peuvent saisir la chambre d'accusation, devant laquelle s'ouvre un nouveau dialogue.

L'amendement de la commission procède d'un a priori infondé, qui voudrait que le juge refuse systématiquement de fixer un délai prévisionnel inférieur à un an. Il peut certes se faire qu'il ne le puisse pas, mais il le fera dans tous les autres cas et le nouveau texte ne peut que l'y inciter. D'autre part, si la durée moyenne d'une instruction est de dix-huit mois et demi, 16 % des procédures durent moins de six mois et 27 % de six mois à un an. Pourquoi dès lors vouloir systématiquement porter cette durée à un an ? Le dispositif de la commission est par ailleurs extrêmement rigide : au bout de cette année de procédure, si elle est saisie, la chambre d'accusation devra obligatoirement fixer des délais impératifs quand bien même elle estimerait que l'instruction doit se poursuivre. Et, à l'issue de ces délais, même si l'amendement ne le dit pas, il ne peut en être autrement : tous les actes accomplis par le juge d'instruction seront frappés de nullité à moins qu'il n'ait demandé une prolongation.

Ce mécanisme lourd et complexe manifeste une défiance réelle envers le magistrat instructeur, placé sous la tutelle de la chambre d'accusation. Je préfère donc le texte initial, qui n'interdit pas à cette dernière de réagir si le juge ne fait pas bien son travail, puisqu'elle peut évoquer l'affaire, instruire elle-même ou saisir un autre juge, mais qui maintient un esprit de dialogue. Faisons donc un acte de confiance envers les juges d'instruction ! Le projet du Gouvernement permet un contrôle de la durée de l'instruction tout aussi efficace et qui ne serait pas cause de nullité : je vous demande donc de lui donner la préférence. En contrepartie, je suis prête à présenter en deuxième lecture un texte de compromis, préservant le dialogue entre juge et parties.

M. Louis Mermaz - Un "tiens" vaut mieux que deux "tu l'auras" ! Je souhaite que Mme Lazerges ne retire pas son amendement. Nous avons pris acte de la proposition du Gouvernement, mais il sera toujours temps d'y réfléchir en deuxième lecture.

M. Arnaud Montebourg - Il est louable de vouloir donner aux parties le moyen de contrôler la durée des informations mais, dans le système judiciaire qui vous a été légué, les magistrats instructeurs n'ont pas la maîtrise du travail d'investigation, effectué par les policiers sur commission rogatoire. Tout avocat sait combien ils ont des difficultés pour obtenir le "retour" de la commission rogatoire : ce sont les policiers qui fixent les priorités ! Instaurer un contrôle des parties sur les délais d'information ne peut que nuire beaucoup aux enquêtes et je prie donc mes collègues de ne pas voter cet amendement.

Mme la Rapporteur - Je rappelle que la commission l'a adopté ! D'autre part, un juge d'instruction est en général dans l'incapacité de fixer une durée à l'instruction, quand celle-ci débute : tout dépend de l'orientation que prendra l'enquête, de la célérité de la PJ... Notre système peut apparaître rigide, mais il est plus simple que celui du Gouvernement. Il faut en outre réhabiliter la chambre d'accusation...

M. Patrick Devedjian - Vaste programme !

Mme la Rapporteur - Je vous l'accorde mais, si ces chambres étaient composées de magistrats plus jeunes et dynamiques, elles rempliraient mieux leur mission. Pour l'heure, je maintiens l'amendement mais je suis disposée à considérer d'ici à la deuxième lecture la proposition du Garde des Sceaux, avec le souci d'en arriver à un compromis intelligent et pragmatique.

L'amendement 120 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 21, mis aux voix, est adopté.

M. Cochet remplace Mme Catala au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE DE M. Yves COCHET

vice-président

APRÈS L'ART. 21

M. Alain Tourret - La prescription doit-elle exister en tant que principe général du droit ? Oui, car c'est un élément de paix publique, exception faite des crimes contre l'humanité. La prescription des contraventions, des délits ou des crimes a fait l'objet de différentes décisions de la chambre criminelle de la Cour de cassation. En matière délictuelle, la jurisprudence a dégagé le principe de délit continu pour ce qui est du recel, et posé que la prescription intervenait, non à compter du jour où le délit a été commis, mais où il a été révélé. On a pu alors parler -certes improprement- d'imprescriptibilité d'un certain nombre de délits. L'abus de biens sociaux entre dans cette catégorie. C'est donc une création de la chambre criminelle, qui peut être modifiée à tout moment, et qui l'a d'ailleurs été.

Or ce n'est pas à la chambre criminelle, à son président, à ses conseillers, qu'il appartient de faire la loi : c'est au Parlement. Il n'est pas question d'amnistie déguisée : il s'agit au contraire de se donner les moyens de réprimer la délinquance économique, qui ne se limite pas à l'abus de biens sociaux. En effet, pourquoi réserver un sort favorable, comme le fait la chambre criminelle, à la corruption, à la prise illicite d'intérêts, à l'escroquerie ? Il serait incompréhensible qu'on refuse de réfléchir sur la prescription applicable à des délits odieux, qui troublent gravement l'ordre social et économique.

Il est nécessaire, face au laxisme législatif actuel, de prévoir une prescription aggravée pour tous les délits économiques, et plus largement pour les délits complexes. Je propose donc, par l'amendement 247, que cette prescription ne soit pas de trois ans, mais de six ans à compter du moment où le délit a été commis, et qu'elle s'applique à l'ensemble des délits économiques et complexes, non au seul abus de biens sociaux. Je propose en outre que cette prescription ne s'applique à aucune infraction commise avant le vote de la loi, c'est-à-dire que celle-ci ne soit pas d'application immédiate pour les affaires en cours.

Je propose, enfin, que la loi puisse prévoir une responsabilité spécifique des commissaires aux comptes et de tous ceux qui ont contribué à permettre la réalisation des délits économiques.

C'est donc à une vaste réforme de la loi de 1966 sur les sociétés commerciales que j'invite le Gouvernement à réfléchir, pour permettre une vraie répression de la délinquance économique, tout en tenant compte des principes généraux du droit.

Mme la Rapporteur - Défavorable.

Mme la Garde des Sceaux - Défavorable. J'ai dit mes raisons dans mon exposé introductif. Mais, outre les arguments juridiques, c'est la question d'opportunité qui est décisive. Je suis certes sensible aux arguments visant l'incohérence, ou du moins l'inégalité des délais de prescription entre délits voisins. Et j'ai dit que si nous devons les harmoniser, ce sera dans le sens d'une plus grande sévérité. Nous devrons en reparler à propos de la loi de 1966 ; mais je suis hostile à l'adoption d'amendements de ce type.

M. Alain Tourret - Je n'espère pas régler le problème de la préscription de l'abus de biens sociaux par le biais de l'adoption d'un tel amendement, dont l'objet est d'ailleurs moins large que l'ensemble des questions que je viens d'évoquer. Ce que je souhaite -et j'entends bien l'annonce de Mme la ministre- c'est qu'il y ait vraiment une réforme de la loi sur les sociétés commerciales, et qu'ainsi l'ensemble de la délinquance économique puisse être poursuivie. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Il suffit que change la composition de la chambre criminelle pour qu'on ne puisse plus poursuivre l'abus de biens sociaux. Sa jurisprudence, comme celle de la chambre sociale, évolue au gré des majorités en leur sein. Il est donc indispensable que le Parlement soit saisi globalement d'une vaste réforme à ce sujet. Compte tenu de ce qu'a dit Mme la Garde des Sceaux, et du fait que nous nous rejoignons sur la nécessité de poursuivre tous les délits économiques, et non le seul abus de biens sociaux, mais aussi du fait que la notion d'imprescribilité est incompatible avec les principes généraux du droit, je retire mon amendement.

L'amendement 274 est retiré.

M. Philippe Houillon - L'amendement 122, adopté par la commission, a pour but d'organiser le calendrier dans les cas où une mission est confiée à un officier de police judiciaire ou à un expert. Il devra dire si le délai imparti lui semble tenable, et, sinon, de quel délai supplémentaire il estime avoir besoin.

Mme la Rapporteur - Favorable.

Mme la Garde des Sceaux - Sagesse.

L'amendement 122, mis aux voix, est adopté.

Mme Frédérique Bredin - L'amendement 121, adopté par la commission, tend à associer les victimes en les informant, tous les six mois, de l'état d'avancement de l'instruction.

L'amendement 121, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteur - L'amendement 123 concerne les délais d'audiencement. Il importe de s'interroger sur cette zone d'ombre qui s'étend entre la fin de l'instruction préparatoire et le moment où la personne est renvoyée en jugement. C'est pourquoi la commission propose d'instituer un délai d'audiencement correctionnel. Actuellement, l'article 179 dispose que la détention provisoire peut être prolongée pour une durée qui ne peut être supérieure à deux mois mais, en pratique, cette mesure n'empêche pas des détentions plus longues correspondant à des mises à disposition de la justice, le tribunal se réunissant une première fois dans le délai de deux mois puis renvoyant l'affaire au fond à une audience ultérieure. Ces pratiques sont graves : l'instruction est close, la personne est toujours en détention, et elle ne sait pas quand elle finira par comparaître. Il est donc proposé que le jugement au fond intervienne dans les deux mois, faute de quoi le prévenu est remis en liberté. Toutefois, pour tenir compte des contraintes pratiques, le tribunal pourrait prolonger cette mesure à deux reprises. De la sorte le délai d'audiencement en matière correctionnelle ne pourrait en aucun cas excéder six mois.

Mme la Garde des Sceaux - Le Gouvernement est favorable à ce bon amendement.

L'amendement 123, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteur - L'amendement 124 est le pendant du précédent, mais en matière criminelle. Nous souhaitons essayer, même si c'est difficile dans certains ressorts, de réduire les délais d'audiencement devant les cours d'assises. C'est pourquoi nous proposons de limiter ces délais à huit mois, prolongeables sous certaines conditions à vingt-quatre mois. Si après ce terme le détenu n'est toujours pas jugé, il sera remis en liberté.

Mme la Garde des Sceaux - Je suis favorable au principe d'un délai d'audiencement en matière criminelle, et le délai global de deux ans me semble opportun. Où j'ai une hésitation, c'est sur le premier délai de huit mois, qui me semble un peu court. Dans des ressorts tels que Paris, Bobigny ou Douai, où les cours d'assises sont surchargées, les délais d'audiencement sont supérieurs à un an, et ces retards ne pourront se résorber immédiatement. On risque donc d'utiliser systématiquement la première prolongation de huit mois, ce qui porterait dans certains cas le délai à seize mois au lieu d'un an.

Je préfère donc un délai d'un an, et deux délais supplémentaires de six mois. Si l'amendement était ainsi modifié, je m'y rallierais pleinement. Sinon, comme il est bon dans son principe, je m'en remettrai à la sagesse de l'Assemblée, en attendant peut-être de la navette une rédaction plus adéquate.

Mme la Rapporteur - Il est sans doute possible de rectifier sur le champ la rédaction, en remplaçant "de huit mois" par "d'un an" à la troisième ligne du premier alinéa, et "huit mois" par "six mois" à la cinquième ligne du second.

L'amendement 124 ainsi rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Philippe Houillon - L'amendement 204 concerne la notion de délai raisonnable. Mme le rapporteur y voit une innovation essentielle dans notre droit pénal. Il faudrait nuancer : cette notion figure déjà à l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme, qui est applicable dans notre droit positif. L'innovation est donc relative, mais je veux bien qu'on inscrive cela dans le code.

Le problème, c'est qu'il n'y a toujours pas de sanction : à quoi sert d'affirmer un principe, si on n'en tire aucune conséquence ? Ce que je propose par l'amendement 204, c'est que le tribunal se prononce sur le délai raisonnable, et en tienne compte éventuellement lorsqu'il fixe la peine.

Mme la Rapporteur - L'article 6-1 a prévu en effet ce délai raisonnable, et nous n'avons rien inventé : nous essayons seulement de le décliner dans différents articles du code. La commission a repoussé l'amendement.

Mme la Garde des Sceaux - Même position.

Mme Nicole Catala - Je regrette qu'il n'y ait pas de sanction pour le dépassement du délai -le seul recours, c'est de s'adresser à Strasbourg. A l'article premier, je voulais proposer qu'en cas de dépassement la chambre d'accusation puisse prononcer la nullité de l'instruction, mais mon amendement est tombé.

L'amendement 204, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Rapporteur - L'amendement 125 crée une commission d'audiencement. On nous a dit, en effet, du côté du Parquet, "c'est la faute du Siège", et du côté du Siège : "tout dépend du Parquet". Nous proposons que tout le monde se concerte pour organiser l'audiencement.

M. Patrick Devedjian - La perspective des 35 heures paraît s'éloigner !

M. le Président - Ne soyez pas si cavalier.

Mme la Garde des Sceaux - Sagesse.

L'amendement 125, mis aux voix, est adopté.

ART. 22

M. Léonce Deprez - Nous abordons ici les dispositions relatives à la communication -à propos desquelles je souhaiterais que l'on renonce à l'expression "fenêtres de publicité", qui me paraît mal choisie. Parlons plutôt de "fenêtres d'information". Nous avons pris note de votre volonté de respecter la liberté de la presse, Madame la ministre. La loi de 1881 est un monument, il n'est pas souhaitable de l'alourdir en instituant des contraintes nouvelles. Vous introduisez deux infractions supplémentaires. Mais, en ajoutant une disposition spécifique pour quelque chose qui est déjà sanctionné par le juge des référés, ne risque-t-on pas de trop entrer dans le détail ? La loi de 1881 fixait des lignes directrices. Dans la pratique, on voit que la presse est de plus en plus attentive aux droits des personnes. Les deux interdictions concernant la photo d'une personne menottée et la publication de sondages, ne sont-elles pas trop inspirées par l'actualité ? Est-il opportun de légiférer ainsi, même si l'intention est bonne ? Le droit à l'image est bien respecté dans la presse, il faut la laisser remplir son rôle sans lui imposer de nouvelles contraintes.

Mme Frédérique Bredin - Je suis flattée de parler après M. Deprez, qui s'exprime au nom d'une entreprise de presse. Le projet a le mérite de ne pas limiter la présomption d'innocence au procès pénal, mais de l'envisager aussi par rapport à l'opinion publique -dans la ligne des observations du rapport Truche. Ce débat est difficile, dans notre pays, il est poussé à la caricature. Pourtant, il est essentiel pour la démocratie et mérite un peu de sérénité.

Trois observations préalables. Il ne s'agit évidemment pas de tenir la presse à l'écart des affaires judiciaires. Ensuite, il est trop facile d'invoquer "la liberté de la presse" de façon abstraite, car il existe plusieurs presses : écrite et audiovisuelle, nationale et régionale, d'information, d'opinion ou à sensation. Il y a une presse qui vit sans publicité, et une presse qui vit de la publicité. Et à côté des journalistes, il y a les annonceurs et les actionnaires -nous avons assisté à une série de restructurations dans l'audiovisuel et dans la presse écrite. N'a-t-on pas vu récemment un grand groupe proposer de distraire les députés qui s'ennuient le soir loin de leurs circonscriptions ?

Pour éviter les préjugements devant l'opinion publique, inspirons-nous des exemples étrangers. De nombreux pays européens ont adopté des lois bien plus restrictives que ce qui est proposé, sans que la liberté de la presse y soit menacée. Au Danemark, toute allusion aux personnes mises en cause est sévèrement sanctionnée et pourtant il s'agit bien d'un pays démocratique. Aux Pays-Bas, en Belgique, en Allemagne, seuls le prénom et l'initiale du nom peuvent être mentionnés. En Grande-Bretagne, puisque Mme la Garde des Sceaux nous a suggéré de lire l'ouvrage de M. Spencer, on s'attache sérieusement à empêcher qu'un accusé comparaisse devant un tribunal influencé par la presse et qui aurait un préjugé contre lui.

M. le Président - Veuillez conclure.

Mme Frédérique Bredin - Pour nos voisins britanniques, il s'agit plus d'éviter l'ingérence de la presse dans la justice que de défendre la présomption d'innocence. Les amendes prévues sont lourdes.

Quant à nous, que devons-nous faire ? Je le préciserai tout à l'heure, Monsieur le Président, quand nous aborderons l'article 23.

M. Patrick Devedjian - L'interdiction des sondages ne me pose aucun problème.. Il n'en est pas de même de l'interdiction de publier des images de personnes entravées ou menottées. Je comprends l'intention et je me souviens de l'intervention de M. Crépeau à ce sujet.

Mais il faut tenir compte de la mondialisation des échanges. Comment empêcher la réception en France de telles images, si elles sont diffusées par des médias étrangers ? Ou bien ne voulez-vous interdire que les menottes made in France ?

Par ailleurs, distinguons les menottes de la démocratie des menottes de la dictature. Quand les combattants de la liberté sont opprimés, il faut pouvoir le montrer. Au contraire, si un jour M. Pinochet est menotté, le public français sera-t-il le seul à ne pas pouvoir l'observer ? Le régime chinois continue d'humilier ses victimes en les entravant (M. Devedjian montre des photographies). Les Français ne pourront-ils plus voir ces images ?

Dans 80 % des cas, les menottes sont inutiles : on ne les passe que par précaution. Il est d'ailleurs de tradition de ne pas menotter les femmes. Il suffirait donc de donner pour consigne de n'utiliser les menottes que pour les prévenus dangereux ou passibles d'une longue peine. Si vous ne voulez plus voir de menottes, le meilleur moyen reste de ne pas les utiliser !

M. Arnaud Montebourg - Je regrette que ce dispositif ne soit pas inséré dans la loi sur la presse de 1881, plutôt que dans le nouveau code pénal. Depuis un siècle en effet, la jurisprudence a toujours interprété cette loi dans un sens favorable à la liberté de la presse. Si elle pénalise certains abus, la loi de 1881 est surtout un instrument de réparation civile devant des juridictions pénales. Le procureur n'est plus que le jouet des parties, car ce n'est pas le Parquet qui poursuit. L'insertion du dispositif dans cette loi serait de nature à en atténuer les éventuels effets pervers. Quant au contenu de l'article, je l'approuve pleinement.

Mme la Garde des Sceaux - J'ai écouté avec intérêt les considérations planétaires de M. Devedjian, à qui je veux cependant rappeler que les procureurs ne poursuivront que si une plainte est déposée. Je n'éprouve pas le besoin de voir M. Pinochet menotté, il me suffit de savoir qu'il ne reste pas impuni.

Vous me conseillez de faire en sorte qu'on ne passe plus les menottes aux prévenus. Telle a été ma première réaction. Mais l'article 803 du code de procédure pénale dispose que "nul ne peut être soumis au port des menottes et des entraves que s'il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de prendre la fuite".

Je me souviens avoir vu dans les médias les images d'un prévenu non seulement menotté, mais tenu en laisse par une escorte hilare. J'ai demandé au directeur de la gendarmerie et à celui de la police judiciaire quelles étaient les consignes : il est toujours écrit que l'utilisation des menottes doit rester exceptionnelle. Ce sont les agents chargés d'escorter le prévenu qui prennent en général des précautions excessives.

Vous voyez que je ne veux pas faire porter toute la responsabilité sur la presse. Ce qui était dans les circulaires, je l'inscris dans la loi. Sachant toutefois qu'on continuera à utiliser des menottes, je demande à ce que les prévenus entrent et sortent du palais de justice par des portes dérobées et, quand cela n'est pas possible, qu'on ne puisse les montrer entravés. Les photographes ont suffisamment de talent pour éviter ce détail humiliant. Au reste, rien ne leur interdit de photographier des personnes mises en examen en train d'être embarquées. Il s'agit de protéger la dignité des personnes, que la liberté de la presse ne consiste pas à violer. S'il avait été possible d'aller plus loin, je l'aurais fait. D'ailleurs, du seul fait que cette question est en débat, les pratiques se font plus sobres. Les gens réfléchissent. Les professionnels que j'ai consultés, trouvent salutaire cette mesure qui ne bride en rien la liberté de la presse.

Mme la Rapporteur - L'amendement 126 de la commission vise à corriger une erreur matérielle.

L'amendement 126, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Nicole Catala - L'amendement 127 rectifié n'est autre que mon amendement 285 corrigé, qu'a adopté la commission. Il vise à préciser que la procédure judiciaire ne doit pas porter atteinte à la réputation, mais aussi à la "dignité" de la personne.

Mme la Rapporteur - La commission a approuvé ces deux amendements identiques, mais ils ont été rendus inutiles par l'approbation d'autres amendements.

Mme la Garde des Sceaux - Avis favorable, sous réserve que le contenu de l'incrimination ne soit pas modifié.

Les amendements identiques 127 rectifié et 128, mis aux voix, sont adoptés.

M. Pierre Albertini - Autant j'approuve l'interdiction de publier des sondages d'opinion sur la culpabilité d'une personne, autant je suis résolument hostile à celle de publier des images de personnes menottées ou entravées. D'une part, il est bien d'autres manières, plus cruelles encore, de porter atteinte à la dignité des personnes. D'autre part, nos concitoyens ont droit à l'image, inhérente au droit à l'information. je suis convaincu que les images, parfois abusives j'en conviens, de personnes menottées, concourent à la prise de conscience par l'opinion que les menottes n'ont pas à être utilisées lorsque les circonstances ne l'imposent pas. La puissance des images est au moins aussi forte que celle du verbe.

Les dispositions du premier alinéa de l'article 22 seraient extrêmement dangereuses. Pourquoi interdire certaines images et pas d'autres ? Pourquoi mettre l'accent sur certaines d'entre elles si ce n'est pour en faire un symbole, au risque de céder à la facilité, sinon à la sensiblerie ?

En outre, la pénalisation en ce domaine est dangereuse. La voie de la responsabilité civile serait préférable. Le caractère attentatoire d'une image à la dignité d'une personne ne peut s'apprécier qu'au cas par cas à un instant donné. Ainsi après la publication des images de l'assassinat du préfet Erignac, la famille a-t-elle rapidement obtenu du juge que sa dignité et son affliction soient respectées. Mais quelques mois plus tard, force était de constater que ces mêmes images avaient convaincu l'opinion de l'atrocité des attentats commis en Corse.

Madame le Garde des Sceaux, faites confiance à la déontologie des hommes de presse, d'édition et de médias, et faites confiance aux juges civils pour réparer les atteintes à la dignité de la personne. Prenez en compte également que notre pays reçoit désormais des images du monde entier. Un arrêt comme celui récent d'une cour d'appel sur la responsabilité des hébergeurs de sites Internet -que notre président de séance a dénoncé à juste titre- est excessivement hexagonal.

Mme la Rapporteur - Cet article du projet de loi ne fait pas doublon avec les dispositions de l'article 9-1 du code civil qui traite, lui, des personnes présentées comme coupables. On ne peut arguer de ce dernier pour défendre la dignité de personnes menottées.

M. Pierre Albertini - On peut le faire sur la base de l'article 9 du code civil.

Mme la Rapporteur - Montrer une personne menottée porte réellement atteinte à sa présomption d'innocence car cela la désigne immanquablement à l'opinion comme coupable. L'interdire dans notre code pénal répond à la triple vocation de la loi pénale : pédagogique, expressive des valeurs de notre société et répressive si nécessaire. Pour ce qui est de l'opportunité de poursuites pénales, le Parquet peut toujours décider de classer sans suite.

Faire en sorte que l'on voie moins d'images de personnes menottées renforcera la présomption d'innocence.

Mme la Garde des Sceaux - Je souscris entièrement aux propos de Mme Lazerges et suis donc défavorable à l'amendement 208.

Mme Frédérique Bredin - Je suis moi aussi d'accord en tous points avec Mme Lazerges.

Encore la semaine dernière, un journal montrait des photos de deux personnes menottées, en dépit des déclarations de principe des rédactions. Beaucoup reste donc à faire pour éviter la publication de telles images choquantes.

Pourquoi la France qui est devenue un modèle en Europe en matière de respect de la vie privée, avec une législation dont elle peut être fière, est-elle si frileuse en matière de présomption d'innocence ? Le poids de sa culture inquisitoriale en matière judiciaire n'y est pas étranger. Un décret de Couthon pris en 1794 supprimait purement et simplement les droits de la défense au motif que les innocents n'en avaient pas besoin et que les coupables n'y avaient pas droit. En 1993, l'Assemblée nationale avait franchi un grand pas pour le droit au respect de la présomption d'innocence, en l'inscrivant dans les premiers articles du titre I du code civil. La commission Truche a proposé d'aller plus loin et, s'appuyant sur les législations européennes, suggéré d'interdire la citation des noms des personnes pouvant être mises en cause dans une affaire, y compris de celles gardées à vue.

Le projet de loi n'a pas retenu cette proposition tout en marquant des avancées concrètes avec l'interdiction des sondages d'opinion sur la culpabilité et des images de personnes menottées ou entravées. J'aurais, pour ma part, préféré que l'on choisisse le terrain civil plutôt que pénal, peu approprié lorsqu'il s'agit de liberté de la presse. Il s'agit bien davantage de permettre la réparation des préjudices éventuellement causés que de sanctionner des coupables.

Ma position a été caricaturée, notamment par tous ceux qui refusaient une quelconque avancée. Je souhaitais seulement que l'on exige des médias une présentation équilibrée tout comme il est exigé de l'instruction qu'elle soit conduite à charge et à décharge.

Nous devons trouver les moyens d'adapter la protection des droits de la personne à l'exercice moderne de la liberté d'informer.

M. le Président - Veuillez conclure !

Mme Frédérique Bredin - Il appartient au législateur de veiller à ce que les droits des uns ne s'exercent pas au détriment de ceux des autres. Le projet de loi va dans ce sens.

M. Patrick Devedjian - Madame la Garde des Sceaux, vous m'avez répondu que ce qui distingue les bonnes menottes des mauvaises, celles qu'on pourrait voir et celles qu'on ne pourrait pas voir, c'est la plainte d'un menotté. Or votre texte ne comporte pas cette distinction. Le procureur de la République peut poursuivre de sa propre autorité, sans plainte de la victime. Là est l'abus. Vous prétendez défendre la victime sans elle, et peut-être même contre elle. Elle dispose, avec l'article 9 du code civil, du moyen d'obtenir une réparation ou une transaction. Même si elle est satisfaite, le procureur de la République pourra poursuivre de son propre chef. Et comme vous ne voulez pas lui donner d'instruction, une véritable menace plane sur la liberté de la presse.

M. Arnaud Montebourg - On en reparlera !

L'amendement 208, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Rapporteur - A l'article 226-30-1, la commission propose, par son amendement 128, de porter le montant de l'amende de 100 000 F à 200 000 F.

M. Pierre Albertini - Ça continue ! Et pourquoi pas 500 000 F ?

Mme la Garde des Sceaux - Rejet. 100 000 F suffisent. Ce montant correspond à un délit puni d'un an d'emprisonnement.

Infliger des amendes trop lourdes risquerait de compromettre la viabilité des entreprises de presse, qui sont déjà soumises à de nombreuses plaintes en diffamation.

M. Léonce Deprez - Tous les députés sont attachés à la liberté de la presse. Le code civil offre des possibilités de réparation. Madame le rapporteur, si vous voulez recourir au droit pénal, du moins n'allez pas au-delà du raisonnable !

L'amendement 128, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Nicole Catala - Comme Mme Bredin, je pense qu'il faut établir un équilibre nouveau entre la liberté de la presse et la protection des personnes. Mon amendement 286 tend ainsi à élargir de façon mesurée le dispositif proposé par le Gouvernement, afin de mieux protéger la dignité des individus, dont certains peuvent être impliqués par hasard dans une procédure pénale, et dont tous sont présumés innocents.

Tous ces citoyens ont droit, comme vous et moi, au respect de leur image.

Outre les menottes et les entraves, certaines images sont tellement humiliantes qu'elles portent une atteinte irrémédiable à la dignité des personnes. Sans doute l'article 9-1 du code civil ouvre-t-il droit à un communiqué. Mais un communiqué n'effacera jamais l'impression que laissent des images dégradantes. Voici un voisin ou un collègue que l'on voit sortant le soir du cabinet du juge d'instruction, alors qu'il obtiendra peut-être un non-lieu. Voici des jeunes gens qui tentent de dissimuler leur visage à l'aide d'un blouson. En quoi ces images contribuent-elles à informer les citoyens ? Ce n'est que du voyeurisme ! Il convient donc d'interdire ce genre d'images. La liberté de la presse n'en souffrira nullement.

On m'a objecté en commission que cet amendement n'était pas assez précis, et qu'il ne respectait donc pas le principe de la légalité des incriminations.

La disposition que je propose ne me paraît pas plus floue que celles relatives à l'atteinte et à la dignité des personnes ou à la vie privée.

Mme la Rapporteur - Rejet. Cette incrimination est en effet trop floue et le Conseil constitutionnel sanctionne parfois ce type de disposition. Interdire l'image de personnes menottées est un appel à réfléchir sur d'autres images, qui seront sanctionnées civilement si elles relèvent des dispositions de l'article 9-1.

Mme la Garde des Sceaux - L'infraction décrite par Mme Catala est insuffisamment définie. Seule l'image d'une personne menottée doit relever du droit pénal. Dans les autres cas, c'est le droit civil qui s'applique.

Mme Frédérique Bredin - En matière pénale, la plus grande précision s'impose. La défense de la dignité des personnes doit être placée sur le terrain civil. Reste que la presse ne peut pas disposer d'une liberté absolue, qui l'emporterait sur toutes les autres. Toute liberté trouve sa limite dans le respect des droits de l'homme, mais il faut bien choisir le terrain sur lequel agir.

L'amendement 286, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Nicole Catala - Mon amendement 287 rectifié procède de la même préoccupation que le précédent, même si l'objectif diffère : il s'agit de sanctionner de façon autonome -et non plus au seul titre de recel de violation du secret de l'instruction- le fait de publier ou de diffuser dans la presse des pièces couvertes par ce secret. Ces documents appartiennent à la justice et ne doivent pas être communiqués ni, a fortiori, reproduits.

Cet amendement ne porte pas atteinte à la liberté de la presse, en tout cas telle que la définit la convention européenne des droits de l'homme dans son article 10, alinéa 2. Celui-ci dispose en effet que l'exercice des libertés de communication et d'expression comporte des devoirs et des obligations et peut être soumis à certaines formalités, conditions ou restrictions prévues par les lois nationales et nécessaires à la protection de la réputation et des droits d'autrui, ainsi que pour empêcher la "divulgation d'informations confidentielles". Dans son arrêt du 24 février 1997 relatif à la Belgique, la Cour européenne a réaffirmé cette limitation ; de même, dans celui du 21 janvier dernier, elle a souligné que la protection assurée par l'article 10 de la convention ne saurait délier les journalistes de leur devoir de respecter la loi pénale de droit commun. Or c'est bien la loi de droit commun qui sanctionne la violation du secret de l'instruction.

J'ajoute qu'une incrimination spécifique peut décourager les acteurs du procès pénal de divulguer ou d'aider à divulguer des pièces, et ainsi mieux garantir le respect de la présomption d'innocence.

Mme la Rapporteur - Tous les articles de ce projet sont inspirés par le souci de concilier au mieux liberté de la presse, secret de l'instruction et présomption d'innocence. Or, si nous adoptions l'amendement, la première serait atteinte et, surtout, on condamnerait le journalisme d'investigation.

M. Patrick Devedjian - On pourrait invoquer d'autres arguments encore.

Mme la Rapporteur - En effet : Mme Catala étend le champ du secret de l'instruction...

M. Patrick Devedjian - Mais l'essentiel, c'est que cette disposition existe déjà : dans la loi du 29 juillet 1881 !

Mme la Garde des Sceaux - L'article 38 de la loi de 1881 réprime en effet ces violations et l'amendement est donc inutile. De surcroît, n'est-il pas excessif de porter l'amende de 25 000 à 100 000 F ?

Mme Nicole Catala - Si la loi de 1881 contient la disposition que je propose, c'est donc que celle-ci ne porte pas atteinte à la liberté de la presse, Madame le rapporteur !

La presse a le droit de porter à la connaissance du public les faits qu'elle découvre, mais ce qui me heurte, c'est qu'on puisse lire dans des journaux des comptes rendus d'interrogatoires ou toutes autres pièces couvertes par le secret de l'instruction. Les auteurs de ces divulgations peuvent être poursuivis pour recel de ce secret mais si on sanctionnait de façon autonome la publication de ces documents, on tarirait à la source la tentation.

Je vois bien que je ne serai pas suivie et je vais donc retirer l'amendement mais, je le répète, il n'y a là nulle atteinte à la liberté de la presse.

L'amendement 287 rectifié est retiré.

L'article 22 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 22

Mme la Rapporteur - L'amendement 129 est un amendement de précision, visant à rappeler que le port des menottes doit rester exceptionnel. Nous demandons que toutes mesures utiles soient prises, "dans les conditions compatibles avec les exigences de sécurité, pour éviter qu'une personne menottée ou entravée soit photographiée" ; le meilleur moyen d'y parvenir, c'est encore de ne pas menotter !

M. Patrick Devedjian - La disposition est d'ordre réglementaire !

L'amendement 129, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté.

ART. 23

M. Patrick Devedjian - Cet article, que mon amendement 27 vise à supprimer, tend à confier au procureur de la République le soin d'exercer le droit de réponse au nom de l'accusé victime d'une violation du secret de l'instruction, lorsque celui-ci le demande. Il est totalement insensé que l'accusé soit ainsi obligé de demander à l'accusateur d'assurer sa défense ! Laissons-lui le bénéfice personnel de l'article 13 de la loi de juillet 1881 !

On invoque souvent l'objectivité des procureurs mais j'en ai entendu un, passablement "médiatique", justifier sa politique de communication par la nécessité d'"affoler la meute". Est-ce à de telles gens qu'on peut s'en remettre pour avoir une information objective ?

M. Léonce Deprez - Mon amendement 69 tend également à supprimer l'article 23. La loi de 1881 a fait la preuve de son efficacité : sauf exception, tous les journaux de France respectent le droit de réponse. Ne la retouchons donc pas !

Mme la Rapporteur - Comme M. Devedjian, je pense que le droit de réponse est un droit personnel et qu'il ne doit donc pas être exercé par le procureur à la place d'un autre. Il convient, par conséquent, de supprimer le I de l'article -mais non l'ensemble, comme il le demande par son amendement 27.

Mme la Garde des Sceaux - J'en suis d'accord, puisque le II, qui porte à trois mois le délai fixé sur l'exercice du droit de réponse, sera maintenu. C'est ce que dispose l'amendement 130 rectifié du rapporteur et je m'y rallierai. En revanche, je ne puis que m'opposer aux amendements de suppression de l'article.

M. Pierre Albertini - Rappel au Règlement. Je viens d'entendre M. Montebourg scander "Hersant, Hersant !" pendant que M. Deprez parlait. C'est inadmissible et, de plus, faux. M. Deprez appartient à un groupe de province indépendant Il est inacceptable d'attaquer ainsi quelqu'un qui s'exprime selon sa conviction. C'est la porte ouverte à tous les abus. Je n'accuse pas M. Montebourg de parler comme l'avocat qu'il est, et j'espère qu'il ne pense pas que je m'exprime en tant qu'universitaire : nous parlons tous en tant qu'élus du peuple. Je souhaite que de tels incidents ne se reproduisent pas.

M. Arnaud Montebourg - M. Albertini manque un peu d'humour ; il en montrait davantage au début de ce débat. Si je devais faire des rappels au Règlement sur tous les noms d'oiseau qu'on me donne dans cet hémicycle -et dans la presse d'ailleurs : ainsi, dans le Nouvel Observateur, j'ai été traité de "flic" et de "Fouquier-Tinville"... Cela, c'est de la diffamation. En revanche, il n'est pas diffamatoire de suggérer une proximité avec un groupe de presse connu pour son libéralisme. Il y a une différence entre diffamation et taquinerie !

M. le Président - Gardons notre calme, ou, si nous devons nous échauffer, que ce soit pour faire avancer le débat.

Mme Frédérique Bredin - Revenons aux amendements. L'idée d'un droit de réponse exercé par le ministère public, dont la fonction est accusatoire, a bien quelque chose d'ubuesque. D'où notre position : ou bien on supprime ce droit de réponse, ou il faut le rendre automatique, et non pas laisser le ministère public en décider.

Les amendements 69 et 27, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme la Rapporteur - J'ai défendu il y a un instant l'amendement 130 rectifié de la commission.

Mme Frédérique Bredin - Le sous-amendement 260 concerne le délai du droit de réponse. Il est très long pour la presse écrite, puisque la loi de 1881 le fixe à un an, et en revanche très court sur l'audiovisuel.

Le projet rallonge ce dernier délai dans des cas précis. Nous proposons, de façon plus générale, de le porter à un mois pour laisser aux gens le temps de réagir. Un exemple : la ville de Fécamp, dont je suis l'élue, a été gravement remise en cause dans l'émission Perdu de vue sur TF1, où elle était comparée à Chicago. Nous avons dû réunir les élus, prendre des conseils juridiques, organiser une pétition : tout cela prend plus de huit jours. Un délai d'un mois semble raisonnable.

Le sous-amendement 260, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 130 rectifié, modifié, mis aux voix, est adopté et l'article 23 est ainsi rédigé.

ART. 24

M. Arnaud Montebourg - Je me félicite qu'il soit désormais possible, avec cet article, d'interrompre les effets d'un référé en matière de presse, et je me réjouis que cette disposition soit introduite dans la loi de 1881. C'est peut-être l'occasion de clarifier ce nouveau dispositif. C'est en effet la première fois que le législateur valide l'introduction du référé en matière de presse. Les juristes s'interrogent depuis des années sur la légalité de ces référés, puisqu'ils ne reposaient que sur un décret ; or la Déclaration des droits de l'homme n'admet d'atteinte à la liberté d'expression que si la loi le prévoit explicitement. L'apport de cet article est donc considérable : il offrira un nouvel appui juridique à tous les praticiens qui contestent la procédure des référés, c'est-à-dire aux défenseurs de la liberté de la presse.

Dans le cadre des travaux préparatoires, qui seront lus attentivement par tous les usagers de cette loi, je tiens cependant à dire que si le référé en matière de presse reçoit aujourd'hui une validité législative, il ne saurait en aucun cas enjamber les dispositions d'ordre public de la loi de 1881, que la jurisprudence des chambres civiles de la Cour de cassation a imposées à tous les plaideurs et à tous les tribunaux. Ainsi, dans une affaire opposant L'événement du jeudi à M. Jean-Christophe Mitterrand, il a été dit clairement que, dans le cadre du référé, il fallait respecter le délai de dix jours, fixé par l'article 35 de la loi de 1881, qui permet à l'organe de presse de produire ses preuves. S'il est impossible de diffamer en disant la vérité, encore faut-il avoir le temps de la prouver. Par conséquent, puisque le présent texte introduit dans la loi la notion de référé, il faut rappeler que les dispositions d'ordre public consacrées par les chambres civiles de la Cour de cassation doivent s'appliquer, qu'il s'agisse de l'offre de preuve et du délai de dix jours, ou de l'audition de témoins maintenant autorisée devant les juridictions civiles, afin que les journalistes et les organes de presse puissent se défendre et faire triompher la vérité.

M. Patrick Devedjian - L'amendement 28 est de précision.

Mme la Rapporteur - Favorable. Cette précision pourra être utile aux étudiants...

Mme la Garde des Sceaux - Favorable. Je remercie M. Montebourg d'avoir souligné l'importance de cet article. En cas de référé, il évitera que les saisies aient des conséquences excessives, compromettant la survie des entreprises de presse.

Mme Frédérique Bredin - Je trouve que l'utilisation des travaux préparatoires que fait mon collègue Montebourg est un peu personnelle (Sourires). Faisons confiance aux juges pour interpréter les textes et apprécier la façon dont ils doivent faire évoluer la jurisprudence. Il me semblait, d'autre part, que le référé était déjà mentionné à l'article 9-1 du code civil.

M. Arnaud Montebourg - Mais pas en matière de diffamation.

L'amendement 28, mis aux voix, est adopté.

L'article 24 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 25

M. Pierre Albertini - La publicité du débat contradictoire est importante. Malheureusement elle est trop verrouillée par des conditions qui permettront finalement au juge de la détention provisoire de s'y opposer. Ces conditions sont d'abord l'atteinte au bon déroulement de l'information, le trouble à l'ordre public, deux notions assez floues. On y ajoute le respect de la dignité de la personne et l'intérêt d'un tiers. Je comprends que ce dernier doive être sauvegardé par un juge indépendant. Mais il appartient au prévenu de juger lui-même de l'atteinte à sa dignité. Il faut alléger ce dispositif pour lui donner une portée réelle, que les exceptions prévues risquent de lui enlever.

M. Philippe Houillon - L'article 25 concerne l'article 11 du code de procédure pénale, c'est-à-dire le secret de l'instruction. C'est un des éléments les plus importants de la présomption d'innocence, souvent mise à mal par les propos des uns et des autres, les pièces qui circulent. Pour la préserver, j'ai cru un temps qu'il fallait renforcer le secret de l'instruction. Mais, à y regarder de plus près, que constate-t-on ? Les faits sont publics, qu'il s'agisse de la mise en examen, de l'arrestation, de la mise en détention. En outre le secret ne saurait être total, puisqu'il ne peut être imposé à la défense. Puis on s'aperçoit que, dans la pratique, il n'est pas respecté -et ne peut pas l'être, ses violations n'étant pas poursuivies. Puisque le constat est celui-là, autant le dire, et supprimer le secret de l'instruction. Ce n'est pas lui qui peut protéger la présomption d'innocence, c'est la responsabilité, et la réparation du préjudice s'il y en a un. A côté du droit d'informer, il y a un droit à l'information, à l'information objective. S'il n'est pas respecté, il y a l'article 9 et l'article 9-1, et aussi l'article 1382 du code civil. Adaptons le droit au fait, et plutôt que de conserver l'alibi du secret de l'instruction, appliquons les sanctions avec réalisme.

M. Patrick Devedjian - L'amendement 29 supprime le I, par cohérence avec ce que nous avons voté tout à l'heure. Le procureur de la République est partie au procès, puisqu'il est l'accusateur : il ne peut donc faire de communication objective. Les fenêtres que vous ouvrez dans ce bunker du secret de l'instruction ne sont que des meurtrières.

Mme la Rapporteur - Les communiqués du Parquet, nous en avons l'habitude : la loi vient aujourd'hui ratifier et encadrer une expérience commencée par circulaire et décret. Contre l'amendement.

Mme la Garde des Sceaux - Défavorable. Il faut conserver la pratique des communiqués du Parquet, en les encadrant -comme le proposera tout à l'heure l'amendement 132.

M. Patrick Devedjian - Si vous donnez cela au procureur, il faut le donner aussi à l'avocat, pour que les armes soient égales -et alors, c'en est fini du secret de l'instruction !

Mme Frédérique Bredin - Je suis sensible à l'argument de M. Devedjian. Le Parquet étant partie au procès, il est en effet difficile qu'il en soit aussi l'attaché de presse ! Il faut donc soit encadrer strictement ces communiqués, soit les confier à un autre magistrat, le juge de la détention ou le juge d'instruction.

L'amendement 29, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Philippe Houillon - Je me suis déjà expliqué sur le sens de l'amendement 202.

Mme la Rapporteur - Défavorable. L'avocat a parfaitement le droit, Monsieur Devedjian, de faire des communiqués pour les besoins de la défense. L'égalité des armes est respectée.

M. Patrick Devedjian - Non !

Mme la Rapporteur - C'est l'article 11 du code de procédure pénale.

M. Patrick Devedjian - Il est strictement encadré.

Mme la Rapporteur - Vous pouvez largement vous exprimer pour les besoins de la défense !

M. Patrick Devedjian - Et je n'y manque jamais !

Mme la Garde des Sceaux - L'article 11 dit bien : "sans préjudice des droits de la défense". Contre l'amendement.

L'amendement 202, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre Albertini - L'article 11 du code de procédure pénale se résume pour l'opinion au "secret de l'instruction", mais il vise aussi le secret de l'enquête et le secret professionnel des différents intervenants. Or ce principe n'est pas respecté dans la pratique, de sorte que vous ouvrez des fenêtres ou des meurtrières dans un mur fictif ! On met en cause les juges d'instruction, mais je crois plutôt que c'est la police qui informe, en général, les journalistes. En tout cas, comment pourrions-nous récuser le principe de transparence ? Le "manifeste de l'écrit", qui a été publié par des gens de presse, dénonce le risque d'une "censure insidieuse" et rappelle que les journalistes et les écrivains doivent être les témoins critiques, voire contestataires, de leur temps -la Cour de Strasbourg l'a d'ailleurs reconnu dans un arrêt. L'amendement 49 tire les conséquences de ces observations.

L'amendement 49, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Rapporteur - Les amendements 132 et 133 visent à encadrer les communiqués du Parquet de façon un peu plus précise, en insérant les mots "afin d'éviter la propagation d'informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l'ordre public", puis "relatifs à la procédure ne comportant aucune mention nominative, sauf accord de l'intéressé".

Mme la Garde des Sceaux - Le Gouvernement est favorable à l'amendement 132, mais défavorable à l'amendement 133, qui interdit au ministère public de faire état d'informations nominatives sans l'accord de l'intéressé. Cette interdiction ne se justifie pas et ne me semble guère applicable.

En cas de violences urbaines qui mettraient une population en état de choc, il est normal que le ministère public puisse indiquer qu'il a été procédé à des arrestations, sans avoir pour autant à communiquer les noms des prévenus. Le dispositif de l'amendement 132 est donc utile.

En revanche, s'agissant d'une personnalité mise en cause, l'opinion ne comprendrait pas qu'on ne puisse pas la nommer.

Au demeurant, ces communiqués étant souvent publiés dans des situations d'urgence, on voit mal comment on s'y prendrait pour recueillir l'accord de l'intéressé -qui, le plus souvent, ne le donnera pas.

Votre commission, en supprimant le rôle du Parquet en matière de droit de réponse, vient d'estimer que le Parquet n'avait pas à devenir le porte-parole d'une personne poursuivie. Or l'amendement 133, s'il était adopté, irait à l'encontre de votre volonté, car l'intéressé ne donnera évidemment son accord que si cela lui est favorable, ce qui fera bien du Parquet son porte-parole.

L'amendement 132 est suffisant pour encadrer les communiqués du Parquet.

M. Patrick Devedjian - Madame Lazerges, je ne résiste pas au plaisir de vous surprendre en flagrant délit de contradiction. Il y a quelques minutes, vous nous avez dit que le droit de communication des procureurs était équilibré par celui des avocats, qui ont le droit, selon vous, de communiquer. Or que lit-on dans l'exposé des motifs de l'amendement 132 ? "La pratique des communiqués du Parquet doit être strictement encadrée afin d'éviter un déséquilibre avec les avocats des parties, qui sont, eux, soumis au secret de l'instruction" (Rires).

Mme la Rapporteur - Sauf besoins de la défense ! C'est un résumé.

M. Christophe Caresche - Les dispositions de l'amendement 133 ne se justifient pas. Elles sont contraires à notre volonté de renforcer le droit de communication, qui vise lui-même à protéger le prévenu en rétablissant les faits.

L'amendement 132, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 133, mis aux voix, est adopté.

M. Philippe Houillon - Mon amendement 193 est identique à l'amendement 30 de M. Devedjian. Ils visent à garantir que la publicité des audiences sera de droit et non facultative.

Les amendements 193 et 30, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Frédérique Bredin - S'il faut protéger la présomption d'innocence, il est aussi normal de laisser les médias accéder à l'information. Je ne comprends pas pourquoi les fenêtres que vous ouvrez doivent se fermer aussi vite. Le juge pourra à tout moment considérer que la publicité le gêne. Mon amendement 134 vise à l'en empêcher.

L'amendement 134, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Philippe Houillon - Ce projet reste en retrait par rapport à la convention européenne des droits de l'homme, qui prévoit que la publicité est de droit quand on la demande. A tout le moins, il faut que le juge, s'il refuse la publicité, explique son refus dans une ordonnance motivée. Tel est le sens de mon amendement 135, adopté par la commission.

L'amendement 135, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteur - L'amendement 136 de la commission est de coordination.

L'amendement 136, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteur - L'amendement 138 de la commission vise à préciser que l'article 199-1 du code de procédure pénale doit être maintenu.

L'amendement 138, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteur - Les amendements 139 et 206, identiques, sont de coordination.

Les amendements 139 et 206, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

L'article 25 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 26

M. Pierre Albertini - La protection de la vie privée, à laquelle la jurisprudence a attaché le droit à l'image, figure dans l'article 9 du code civil. Mon amendement vise à mentionner aussi à cet article "la dignité de la personne". C'est au juge civil qu'il appartient de garantir les droits de la personne.

Mme la Rapporteur - Avis favorable.

Mme la Garde des Sceaux - Défavorable. Cette disposition est sans rapport avec le projet.

L'amendement 207, mis aux voix, est adopté et l'article 26 est ainsi rédigé.

ART. 27

Mme la Rapporteur - L'amendement 142 de la commission vise à préciser que la diffusion d'une image permettant d'identifier le mineur victime d'une infraction doit être sanctionnée.

L'amendement 142, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 27 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 27

Mme la Rapporteur - L'amendement 143 de la commission vise à étendre aux victimes le dispositif de l'enquête prévue à l'article 81 du code de procédure pénale.

M. Alain Tourret - L'amendement 175 de M. Gerin est défendu.

Mme la Rapporteur - Je préfère l'amendement de la commission à l'amendement 175.

Mme la Garde des Sceaux - Je suis favorable à ces amendements sur le fond mais je leur préfère l'amendement 222 de M Tourret que nous allons examiner.

Mme la Rapporteur - L'amendement 143 prévoit, lui, l'accord de la victime, mais enfin...

Les amendements 143 et 175, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Alain Tourret - L'amendement 222 tend à permettre au juge d'instruction de procéder à tous les actes nécessaires pour apprécier la nature et l'importance des préjudices subis par la victime ou recueillir des renseignements sur la personnalité de celle-ci.

L'amendement 222, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteur - L'amendement 141 rectifié tend à transposer dans le code pénal les dispositions de la loi sur la presse interdisant de révéler l'identité des mineurs fugueurs ou qui se sont suicidés.

Une erreur s'est glissée dans le texte de l'amendement où il convient de lire "puni d'une amende de 100 000 F" et non de "200 000 F".

L'amendement 141 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Patrick Devedjian - Sans me faire aucune illusion, je souhaite prendre date. Mon amendement 34 tend à autoriser l'enregistrement par une caméra fixe des séances publiques de toute juridiction. La justice est rendue au nom du peuple français : il n'y a aucune raison de le tenir éloigné de ce qui est accompli en son nom. La publicité des débats aurait un rôle d'exemplarité et de formation civique. Elle influerait sans doute aussi sur le comportement des juges et des parties, qui parfois se tiendraient mieux s'ils se savaient filmés. Aux Etats-Unis, cette publicité existe.

Mon amendement 36 vise le même objectif de manière plus modeste en prévoyant un enregistrement sonore des débats.

Mme la Rapporteur - Avis défavorable. Filmer les audiences causerait du tort aux personnes ensuite relaxées ou acquittées. Quant aux victimes, leur traumatisme en serait accru.

Mme la Garde des Sceaux - Je suis très défavorable à ces amendements. J'ajoute à ce que vient de dire Mme Lazerges que l'autorisation de filmer les audiences aux Etats-Unis influe directement sur le déroulement des procès, voire sur leur issue.

L'amendement 34, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 36.

L'article 28, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 28

M. Pierre Albertini - L'amendement 144 tend à proposer que le conventionnement soit de droit pour les associations d'aide aux victimes, reconnues d'utilité publique.

L'amendement 144, accepté par la commission et par le Gouvernement, est adopté.

Mme la Rapporteur - Il est dommage de n'aborder la question des victimes qu'à une heure du matin.

L'amendement 145 tend à insérer, après l'article 53 du code de procédure pénale, un article 53-1 ainsi rédigé : "Les officiers et les agents de police judiciaire informent les victimes de leur droit d'obtenir réparation du préjudice subi et d'être aidées et assistées par un service ou une association d'aide aux victimes." et à compléter l'article 75 du même code par le texte suivant : "Ils informent les victimes de leur droit d'obtenir réparation du préjudice subi et d'être aidées et assistées par un service ou une association d'aide aux victimes".

Il existe aujourd'hui en France un excellent réseau d'associations d'aide aux victimes auquel malheureusement trop peu d'entre elles recourent.

Mme la Garde des Sceaux - Avis favorable à cet amendement qui permettra aux victimes d'être informées sur leurs droits dès le début de la procédure.

Mme Frédérique Bredin - Toutes les dispositions du projet de loi relatives aux droits des victimes, comme tous les amendements de la commission sur le sujet, sont extrêmement importants. La procédure pénale doit faire toute leur place aux victimes : elles ont droit à être écoutées et doivent être informées des possibilités de réparation des préjudices qu'elles ont subis.

L'amendement 145, mis aux voix, est adopté.

Mme Catherine Picard - Nous nous préoccupons depuis deux législatures du développement des sectes. Mon amendement 265 vise à permettre aux associations de défense de la famille et de l'individu de venir en aide aux victimes en se portant partie civile dans le procès.

Mme la Rapporteur - Il existe une commission d'enquête parlementaire sur les sectes. Attendons plutôt ses conclusions. Dans cette attente, et bien que d'accord sur le fond, la commission a repoussé l'amendement 265.

Mme la Garde des Sceaux - Je suis, pour ma part, très favorable à cet amendement qui aidera les victimes des sectes à faire valoir leurs droits.

M. Pierre Albertini - Il est capital que les associations de lutte contre les sectes puissent se constituer partie civile. Cela étant, il existe plus de trente types d'associations citées dans le code de procédure pénale, le code de l'urbanisme, le code de la famille, le code de la santé publique... habilitées, dans des conditions d'ailleurs très diverses, à exercer une action civile. Une clarification et une remise en ordre s'imposent. Le rapport que je déposerai devant l'office parlementaire d'évaluation de la législation en donnera peut-être l'occasion.

Il est regrettable en effet d'aborder la question des droits des victimes à une heure du matin seulement. Mais les dispositions de ce dernier volet du projet de loi font l'objet d'un large accord.

L'amendement 265, mis aux voix, est adopté.

AVANT L'ART. 29

M. Alain Tourret - Mon amendement 223 tend à renforcer les droits des victimes ; ainsi, lorsqu'une juridiction accorde des dommages et intérêts, elle doit aviser la victime des possibilités de saisine de la commission d'indemnisation. Le délai de saisine ne court alors qu'à compter de l'avis donné par la juridiction. En effet, d'innombrables victimes n'ont pas saisi cette commission et ont ainsi perdu toute chance d'être indemnisées.

Mme la Rapporteur - La commission a adopté l'amendement 146, qui satisfait la première partie de l'amendement de M. Tourret, un amendement ultérieur satisfaisant la deuxième partie. Nous avons voulu améliorer l'information des victimes à tous les stades de la procédure, y compris à celui du jugement. Il existe aujourd'hui quantité de façons d'être indemnisé, au point que même les avocats s'y perdent. L'information leur sera utile à eux aussi.

Mme la Garde des Sceaux - Ces deux amendements sont excellents, mais je préfère la rédaction de la commission.

L'amendement 223, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 146, mis aux voix, est adopté.

L'article 29, mis aux voix, est adopté.

ART. 30

M. Alain Tourret - L'amendement 147 tend à permettre à la victime d'obtenir de plein droit le renvoi de l'audience pour préparer sa défense.

M. Patrick Devedjian - C'est l'égalité des armes !

Mme la Rapporteur - Cet amendement est très pertinent !

Mme la Garde des Sceaux - Avis très favorable.

L'amendement 147, mis aux voix, est adopté.

L'article 30 modifié, mis aux voix, est adopté.

L'article 31, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 31

M. Alain Tourret - L'amendement 310 de M. Gerin est défendu.

Mme la Rapporteur - Avis défavorable.

Mme la Garde des Sceaux - Cet amendement me paraît très utile. Il évitera aux victimes de se heurter à des refus et de devoir multiplier le démarches.

L'amendement 310, mis aux voix, est adopté.

Mme Frédérique Bredin - L'avis de classement doit être motivé et notifié par écrit à la victime. Près de 80 % des affaires aboutissent à un classement. Souvent les victimes n'en sont pas informées, et prennent le silence de la justice pour une indifférence qui les blesse. Il faut leur expliquer pourquoi le classement est décidé.

Mme la Rapporteur - Avis favorable sur le fond. Mais cette disposition trouverait mieux sa place dans le volet de la réforme relatif à l'action publique.

M. Patrick Devedjian - Conservons-la ici, c'est plus sûr !

Mme la Garde des Sceaux - Je suis bien entendu favorable à la motivation des classements. Mais il faut réserver ce dispositif au projet relatif à l'action publique dans le domaine pénal.

M. Arnaud Montebourg - Nous examinerons dans deux mois et demi un texte d'une cohérence remarquable, qui crée une juridiction des poursuites. On peut voter dans tous les textes des dispositions relatives aux rapports du Parquet avec l'extérieur, mais cela fait désordre. Pour des raisons de cohérence politique et intellectuelle, il est sage de s'en remettre à la discussion du prochain texte.

Mme Frédérique Bredin - Je suis sensible aux propos de la Garde des Sceaux. Cependant mon amendement me paraît avoir ici toute sa place, puisque nous traitons du droit des victimes. Nous avons adopté plus haut un amendement comparable. Les Français souhaitent une justice plus proche des citoyens, et tenant compte davantage du sort des victimes.

Lors du texte relatif aux infractions sexuelles sur mineurs, j'avais proposé la même disposition, et le Gouvernement m'avait fait la même réponse. Pourtant ma proposition avait été adoptée, et aujourd'hui les victimes de ces infractions en bénéficient déjà. C'est, pour elles, du temps gagné.

L'amendement 151, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Gérard Gouzes - Parce que l'avocat représente la défense, il doit jouir de protections particulières ; ainsi l'article 138-12 du code de procédure pénale dispose que, lorsqu'un juge d'instruction envisage, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, d'interdire à un avocat d'exercer son activité, il doit saisir le Conseil de l'ordre, seul compétent pour prononcer cette interdiction. Or certains magistrats estiment que cet article n'est pas suffisamment précis.

Mon amendement 250 tend à lever toute interprétation, en disposant que "seul le Conseil de l'ordre, saisi par le juge d'instruction, peut prononcer cette mesure, sous le contrôle de la cour d'appel".

Mme la Rapporteur - Voilà une précision utile.

Mme la Garde des Sceaux - Le droit positif actuel me paraît clair. Le seul Conseil de l'ordre doit-il pouvoir prononcer l'interdiction d'exercer à l'encontre d'un avocat qui fait l'objet de poursuites judiciaires ? Je ne le crois pas.

Pourquoi les avocats seraient-ils la seule profession réglementée à posséder le privilège d'échapper à la compétence de la juridiction d'instruction ? Pourquoi seraient-ils traités différemment des médecins, des notaires, des huissiers ? Je ne suis pas sûre que cette différence soit conforme à la Constitution.

M. Patrick Devedjian - Il s'agit des droits de la défense. L'avocat est confronté au juge d'instruction, qui peut prononcer contre lui une interdiction temporaire d'exercer. Le juge n'est donc pas, face à lui, un arbitre impartial. En appel de la décision du Conseil de l'ordre, les magistrats de la cour d'appel statuent.

M. Gérard Gouzes - Que les choses soient claires : cet amendement n'ajoute rien à ce que nous avons voté en 1993. Il se trouve simplement qu'un juge d'instruction, au mépris de la loi, a suspendu un avocat sans consulter le Conseil de l'ordre. L'amendement ne vise qu'à lever toute ambiguïté sur la volonté de l'Assemblée.

L'amendement 250, mis aux voix, est adopté.

M. Alain Tourret - L'amendement 315 est défendu.

Mme la Rapporteur - La commission ne l'a pas examiné mais il me paraît inutile car le code de procédure pénale prévoit déjà depuis longtemps que les victimes seront informées de la date de l'audience.

Mme la Garde des Sceaux - Avis très favorable : cet amendement fait avancer le droit des victimes.

L'amendement 315, mis aux voix, est adopté.

M. Alain Tourret - L'article 153 du code de procédure pénale est un mauvais article et mon amendement 226, ainsi que le 153 de la commission, identique, vise à le supprimer. L'obligation de se constituer prisonnier avant que la chambre criminelle de la Cour de cassation étudie le pourvoi est une disposition moyenâgeuse, surtout quand on considère qu'il faut plusieurs années pour qu'une affaire soit jugée.

Mme la Rapporteur - La commission a certes adopté l'amendement mais je suis personnellement assez réservée. Cet article ne concerne que les personnes condamnées à une peine privative de liberté de plus de six mois -durée qui sera portée à un an par le projet relatif aux alternatives aux poursuites. En outre, les condamnés peuvent demander à être dispensés de cette obligation par la juridiction qui prononce la peine -10 % obtiennent cette dispense. Enfin, beaucoup de ceux qui forment un pourvoi sont déjà incarcérés. L'amendement risque donc de multiplier pour peu de chose les pouvoirs abusifs, contribuant ainsi à surcharger encore la chambre criminelle.

Mme la Garde des Sceaux - Avis favorable. Nous avons examiné les cas et les chiffres : laisser les personnes concernées en liberté ne ferait pas peser une menace insupportable sur la sécurité. Cela étant, le vote de cet amendement ne saurait remettre en cause la jurisprudence traditionnelle de la Cour de cassation, selon laquelle une personne en fuite lors de la procédure ne peut pas exercer de recours.

M. Gérard Gouzes - J'avouerai une certaine perplexité, d'autant que la question s'est posée lors du procès Papon, je crois. Les intéressés peuvent demander une dérogation, Monsieur Tourret, et celle-ci leur est souvent accordée si leur casier judiciaire est vierge ou qu'ils ont des problèmes de santé. En revanche, s'il y a fuite, le pourvoi est rejeté sans examen : cette disposition est une incitation à se présenter à l'audience de la Cour de cassation quand on a introduit un pourvoi. Je crois qu'il faudrait un supplément de réflexion avant de supprimer ainsi l'article 583 d'un trait de plume;

Mme la Rapporteur - Je ne crois pas que nous devions anticiper sur l'article 14 du projet sur les alternatives aux poursuites qui porte le seuil de la peine de six mois à un an. Ce texte devait être discuté ce mardi, il le sera la semaine prochaine : attendons jusque là de même que nous avons décidé d'attendre le débat sur le texte relatif à l'action publique pour renforcer le droit des victimes -nous éviterions ainsi une incohérence.

Les amendements 153 et 226, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme la Garde des Sceaux - L'amendement 309 reprend un amendement de M. Tourret, écarté par la commission des finances en application de l'article 40 et qui visait à indemniser les personnes relaxées ou acquittées de leurs frais irrépétibles.

L'amendement du Gouvernement codifie cette nouvelle disposition dans le code de procédure pénale, étend l'indemnisation aux cas de non-lieu, substitue à "frais irrépétibles" les termes "frais non payés par l'Etat et exposés par la personne" qui sont ceux de l'article 375 et 475-1 du code de procédure pénale et précise que l'indemnité doit être demandée par l'intéressé et pourra être mise à la charge de la partie civile si celle-ci est à l'origine des poursuites.

Je remercie M. Tourret de nous avoir donné cette bonne idée.

Mme la Rapporteur - Avis très favorable : le progrès sera considérable pour nombre de victimes.

M. Alain Tourret - Je remercie à mon tour la Garde des Sceaux pour avoir accepté de reprendre cet amendement, ce qui supposait d'arracher l'accord du ministre des finances. On parlera longtemps de cet amendement dans le monde judiciaire, je crois.

M. Gérard Gouzes - De cet amendement et de M. Tourret ! (Sourires)

L'amendement 309, mis aux voix, est adopté à l'unanimité.

Mme la Rapporteur - L'amendement 148 tend à ouvrir un chapitre consacré à l'indemnisation des victimes d'infractions pénales, dans lequel nous ne placerons qu'une ou deux dispositions, en attendant le rapport de Mme Lienemann qui nous permettra, je l'espère, de lui donner un contenu plus nourri.

M. Patrick Devedjian - En d'autres termes, nous construisons un temple à Mme Lienemann et nous attendons sa venue ! (Sourires)

L'amendement 148, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteur - L'amendement 149 concerne encore l'information des victimes, cette fois au stade du jugement par un tribunal correctionnel : nous demandons que ces personnes soient averties de la possibilité d'obtenir des dommages-intérêts et de saisir la commission d'indemnisation des victimes d'infractions pénales. Un autre amendement aura le même objet, s'agissant cette fois des cours d'assises.

L'amendement 149, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteur - Par l'amendement 317, nous faisons commencer le délai d'un an accordé pour saisir la commission d'indemnisation, non plus du jugement, mais de l'information donnée par la juridiction quant à la possibilité de saisir la commission. Trop de victimes n'apprennent l'existence de celle-ci que plus d'un an après le jugement !

L'amendement 317, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteur - L'amendement 150 s'inspire de l'excellente circulaire de juillet dernier sur les victimes d'infractions pénales pour demander que le juge d'application des peines tienne compte des efforts faits par le détenu pour indemniser celles-ci, lorsqu'il s'agit d'accorder des réductions de peines ou des permissions de sortie.

L'amendement 150, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté.

AVANT L'ART. 32

M. Alain Tourret - L'amendement 177 est défendu.

L'amendement 177, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 32

Mme la Rapporteur - L'amendement 154 précise la rédaction du II de l'article : il est totalement inutile de laisser subsister le deuxième alinéa de l'article 105 puisque ses dispositions relatives à l'audition des personnes nommément visées par un réquisitoire introductif sont reprises à l'article 113-1.

L'amendement 155 est de coordination.

Mme la Garde des Sceaux - Favorable.

L'amendement 154, mis aux voix, est adopté, ainsi que l'amendement 155.

L'article 32 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 33

Mme la Rapporteur - L'amendement 156 de M. Tourret, adopté par la commission, se fonde sur l'idée que le mandat d'arrêt vaut mandat de dépôt, et en conclut que c'est au juge de la détention provisoire de le décerner. J'en profite pour indiquer à M. Devedjian que le mandat d'amener ne vaut pas mandat de dépôt, comme il le soutenait l'autre jour : il ne permet que de retenir la personne vingt-quatre heures en attendant un mandat de dépôt. Quant à l'amendement 156, je ne le crois pas utile et j'y suis personnellement défavorable.

Mme la Garde des Sceaux - Moi aussi. Je crois qu'il résulte d'un malentendu. Il retire en effet au juge d'instruction la possibilité de décerner des mandats d'arrêt pour la confier au juge de la détention, au motif que le mandat d'arrêt vaut mandat de dépôt. Mais ce n'est pas exact. Depuis la réforme de la détention préventive en 1970, une personne arrêtée en vertu d'un mandat d'arrêt peut être détenue dans une maison d'arrêt, mais pas plus de vingt-quatre heures. Et dans ce délai il doit être statué sur son placement en détention provisoire. C'est aujourd'hui le juge d'instruction qui statue ; avec la réforme, ce sera le juge de la détention. S'il veut placer la personne en détention, il devra délivrer un mandat de dépôt. Le mandat d'arrêt ne remplace donc pas le mandat de dépôt et n'induit pas le placement en détention provisoire. Il est en effet un acte d'enquête, qui permet de rechercher un suspect en fuite. Il appartient donc au juge d'instruction.

L'amendement 156, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Rapporteur - L'amendement 157 supprime la référence à la prise à partie, qui n'existe plus pour les magistrats professionnels.

L'amendement 157, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Alain Tourret - L'amendement 178 est défendu.

L'amendement 178, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Rapporteur - L'amendement 158 tombe en raison des votes précédents. Quant au 159, il corrige une erreur matérielle.

L'amendement 159, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteur - L'amendement 160 est de coordination.

Mme la Garde des Sceaux - Favorable.

L'amendement 160, mis aux voix, est adopté.

Mme la Rapporteur - L'amendement 161 est également de coordination.

Mme la Garde des Sceaux - Mais le Gouvernement est défavorable. Cet amendement résulte d'un nouveau malentendu. En effet, c'est tout à fait volontairement que le projet confie au juge d'instruction, et non au juge de la détention, le souci de maintenir en détention une personne qu'il décide de renvoyer devant le tribunal correctionnel.

M. Patrick Devedjian - C'est l'aveu du caractère fallacieux de la réforme !

L'amendement 161, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Rapporteur - L'amendement 162 corrige une erreur matérielle.

L'amendement 162, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 33 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 34

Mme la Rapporteur - L'amendement 163 de suppression corrige une erreur matérielle.

L'amendement 163, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 34 est ainsi supprimé.

L'article 35, mis aux voix, est adopté.

Les articles 36, 37, 38 et 39 sont successivement adoptés.

ART. 40

Mme la Rapporteur - L'amendement 164 est un amendement de précision qui tient compte du nouveau statut de la Nouvelle-Calédonie.

L'amendement 164, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 40 modifié, mis aux voix, est adopté.

TITRE

M. Pierre Albertini - L'amendement 45 est défendu.

L'amendement 45, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

SECONDE DÉLIBÉRATION

M. le Président - En application de l'article 101 du Règlement, le Gouvernement demande une seconde délibération des articles 15, 25 et 26.

ART. 15

Mme la Garde des Sceaux - L'amendement 1 rétablit la possibilité pour un juge d'utiliser la notion de trouble à l'ordre public pour placer en détention provisoire une personne mise en examen.

L'amendement 1, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

L'article 15 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 25

Mme la Garde des Sceaux - L'amendement 2 rétablit les communiqués du Parquet tels que les proposait le projet, avec l'amendement 132 de la commission, accepté par le Gouvernement.

Mme la Rapporteur - Sagesse.

L'amendement 2, mis aux voix, est adopté.

L'article 25 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 26

Mme la Garde des Sceaux - L'amendement 3 rétablit le texte du Gouvernement et de la commission sur l'incrimination de la diffusion d'images portant atteinte à la dignité des victimes.

Mme la Rapporteur - Favorable.

M. Patrick Devedjian - Contre l'amendement.

M. Albertini l'a dit, la victime a une protection civile. Vous persistez à vouloir incriminer pénalement, même en l'absence de plainte de la victime. Le monde entier publie les photos d'événements importants : cela sera-t-il interdit aux médias français ? Pourrons-nous encore voir l'assassinat de John Kennedy, ou de son frère Bob ? Pourra-t-on continuer de montrer aux négationnistes les empilements de cadavres d'Auschwitz ? Pourrai-je moi-même montrer à M. Védrine, qui est très intéressé par la vente d'hélicoptères, les alignements de cadavres du génocide arménien, pour lui démontrer que cela a existé ?

L'amendement 3, mis aux voix, est adopté.

L'article 26 modifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - La Conférence des présidents a fixé les explications de vote et le vote sur l'ensemble du projet au mardi 30 mars, après les questions au Gouvernement.

Prochaine séance ce matin, vendredi 26 mars, à 11 heures.

La séance est levée à 1 heure 45.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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