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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 84ème jour de séance, 214ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 7 AVRIL 1999

PRÉSIDENCE DE M. François d'AUBERT

vice-président

          SOMMAIRE :

ORIENTATION AGRICOLE -nouvelle lecture- (suite) 1

    MOTION DE RENVOI EN COMMISSION 12

La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.


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ORIENTATION AGRICOLE -nouvelle lecture- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi d'orientation agricole.

M. Félix Leyzour - La CMP n'a pu parvenir à une entente tant le Sénat avait remanié le texte. De ce fait, la loi qu'on attendait pour mars ne sera adoptée qu'en mai ; et les contrats territoriaux d'exploitation seront différés de quelques semaines.

Nous reprenons la discussion après le compromis de Berlin que le Président de la République a jugé raisonnable et le Premier ministre, plus circonspect, "un peu dur". A mes yeux, les négociateurs français ont limité les dégâts mais les points marqués au cours de la négociation ne changent pas le caractère négatif de la réforme en ce qui concerne l'agriculture et l'aménagement du territoire.

Le budget agricole sera bien limité à 40,5 milliards d'euros dans le cadre du pacte de stabilité. Les dépenses, donc les aides, en seront réduites. On aurait pu les rendre dégressives, comme vous l'avez demandé, au profit des exploitations les moins importantes, ou les plafonner. Les prix d'intervention vont subir des baisses importantes sans aides compensatoires en proportion. La Commission vise en fait à aligner les prix européens, à terme, sur ceux des grandes exploitations américaines.

Certes, grâce aux pressions des agriculteurs que vous avez relayées, la baisse est moindre que prévu. Mais la tendance est inquiétante.

Le compromis aboutira à une diminution des revenus agricoles et, si l'on n'y prend garde, à l'élimination des exploitations fragiles. Préparer l'élargissement de l'Union par la régression économique et sociale ne serait pas une bonne chose.

On perçoit aussi combien les négociations sur le commerce mondial seront difficiles. Il faut s'y préparer. Il faut également réorienter la politique européenne vers le social, et rémunérer correctement le travail et les investissements et les différentes missions de l'agriculteur. De même les aides publiques européennes devraient dépendre de critères comme l'emploi, l'équilibre écologique, les handicaps naturels, la qualité des produits.

C'est l'esprit qui anime ce projet. Selon l'opposition, en avoir discuté avant les négociations a affaibli la France. Ce débat venait trop tôt ou trop tard. Fallait-il donc continuer à creuser les inégalités ? ("Très bien !" sur les bancs du groupe socialiste) Personnellement, je pense qu'en avoir débattu avant les négociations a montré que la France présentait une alternative à l'alignement sur l'agriculture européenne et a renforcé la position de nos négociateurs pour limiter les dégâts.

Néanmoins il serait plus aisé d'appliquer la loi si le résultat de la négociation avait été meilleur.

Il faut maintenant reprendre la discussion en intégrant certains points retenus par le Sénat, mais en revenant à l'esprit initial du projet.

Le texte issu de notre première lecture vise à une production qui, sans abandonner la quantité, se préoccupe plus de qualité ; il propose d'agir contre les concentrations excessives, en faveur des plus modestes et de l'installation des jeunes. Il reconnaît la nécessité de promouvoir plus de justice dans la répartition des aides publiques.

Vous avez indiqué que certains dispositifs renforceront les moyens d'action du ministère pour corriger le plus possible les conséquences de la réforme.

Nous sommes prêts à débattre dans le même esprit qu'en première lecture (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Christian Jacob - Vous semblez reprocher au groupe RPR d'avoir bloqué la CMP. Mais si elle n'a pas réussi, c'est que votre majorité n'a pas accepté les avancées faites au Sénat.

Mme Béatrice Marre - Les reculs.

M. Christian Jacob - Aujourd'hui nous vous disons : chiche ! Que la majorité accepte ces avancées et nous vous suivrons. Le texte du Sénat est un compromis qui va moins loin que ce que demandait le groupe RPR de l'Assemblée. Mais c'est ce texte que pour notre part nous défendons. En commission, vous n'avez guère fait preuve d'ouverture. Les quelques amendements adoptés étaient de forme car le texte initial était mal rédigé. Mais sur le fond, rien n'a bougé. Nous espérons quelques éclairs de bon sens de la majorité.

En outre, après l'accord de Berlin ce texte est dépassé comme l'a dit M. Vasseur. Je dirai même qu'il est obsolète. Vous avez évoqué la position unanime du côté français. Mais si nous sommes parvenus à des modifications importantes à Berlin, nous le devons au Président de la République. Vous-même, Monsieur le ministre, n'avez obtenu aucune mesure sur le lait, la viande bovine, les céréales et les oléoprotéagineux. C'est le Président de la République qui a corrigé le tir.

La loi d'orientation a plusieurs objectifs. Le premier m'étonne de la part d'un parlementaire socialiste proche du pays de Jaurès : il a l'ambition de casser, de démanteler les organisations agricoles. Tout pouvoir nécessite son contre-pouvoir. Et quelle est la seule catégorie socioprofessionnelle syndiquée à 65 % ? Les agriculteurs. A quoi est liée cette forte organisation syndicale, sinon au militantisme traditionnel du monde agricole ? A l'article 1 bis, vous refusez le seuil des 15 %, ce ne peut être que pour diviser. Malheureusement pour vous, le syndicat officiel du PS n'arrive pas à passer la barre des 15 % dans tous les départements (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Je regrette que l'on ait supprimé le mardi mensuel. Vous faites entrer les associations de défense de l'environnement : pourquoi pas ? Mais je préférerais que l'agrément soit accordé par vous plutôt que par Mme Voynet ! Avec des CDOF divisées, ce sont les pouvoirs des préfets qui seront renforcés.

J'ai été surpris de votre communiqué, Monsieur le ministre. Vous dites que l'on consultera, outre les associations, "les élus de la majorité". Mais pourquoi seulement eux ? C'est pour le moins maladroit.

J'ai lu aussi l'agenda officiel du ministre pour la période du 22 mars au 2 avril. Vous nous avez dit lors du débat sur la PAC, que si vous n'étiez pas à Berlin, vous restiez néanmoins en liaison constante avec le Premier ministre. Or, le 25 mars à 11 h, tandis que M. Jospin était à Berlin, vous manifestiez à Tarbes avec la CGT à propos du GIAT !

Mais venons-en à la loi. A propos de la politique d'installation, il est visible que nous ne vivons pas dans le même monde. Vous êtes enfermé dans votre doctrine socialiste : pour gagner plus, travaillons moins, c'est comme les 35 heures. Résultat, des systèmes coercitifs en matière de structures. Qu'est-ce que cette autorisation provisoire ? Qui va financer ? Qui voudra s'installer dans la précarité ? Voyez l'exemple de mon exploitation, 100 hectares, transmis de père en fils depuis trois générations sans qu'il y ait eu le moindre agrandissement. Or si je veux la céder à un de mes enfants, comme on sera au-dessus de la surface de référence, il faudra demander une autorisation, et peut-être céder un morceau à quelqu'un d'autre ! Ou bien prenez le cas de deux jeunes qui, se mariant, veulent réunir deux exploitations. Stop, autorisation ! Avant de publier les bans, il faudra la permission du préfet.

M. Daniel Marcovitch - C'est un mariage entre deux jeunes ou entre deux exploitations ?

M. Christian Jacob - Contestez-vous aux femmes le droit d'être agricultrices ?

Prenez le cas d'un propriétaire qui lègue un bien : il faudra voir le préfet avant de tester.

Pour favoriser l'installation, il y a d'autres pistes moins doctrinaires. Par exemple les préretraites-installations de M. Bérégovoy. C'est moi qui les avais négociées au nom du CNJA.

M. Joseph Parrenin - Voilà le coupable, Monsieur Vasseur !

M. Christian Jacob - Cette préretraite, c'est du concret. Elle permettrait un départ en douceur. On pourrait permettre à un agriculteur de plus de 55 ans, et n'ayant pas de successeur, d'embaucher un jeune, pour faciliter la transition.

Il faudrait songer aussi au financement. Un agriculteur qui s'installe et veut acheter un tracteur de 120 CV trouve toujours un financement -mais il n'en trouve pas pour assurer sa trésorerie et son fonds de roulement.

Et l'assiette des cotisations sociales ? Ne serait-il pas légitime d'en exclure la part de revenu qui est réinvestie ? Il existe déjà un outil, la dotation provision-investissement de M. Vasseur. Mais je vois à votre sourire que vous êtes d'accord, Monsieur le ministre ! Vous accepterez sûrement nos amendements...

Quant aux CTE, pourquoi oubliez-vous les agriculteurs des zones de montagne ? (M. Ollier approuve) Il est scandaleux, enfin, de transférer les compensations pour baisse de revenus.

Maintenant, nous allons vous regarder faire, et vous pouvez compter sur notre bonne volonté si vous y mettez du vôtre.

M. Jacques Rebillard - D'ici quelque temps, l'opposition nous aura expliqué que la LOA a été votée grâce au Président de la République !

M. Philippe Vasseur - Vous avez tout compris !

M. Jacques Rebillard - En politique, il y a des décisions de gestion, comme la réduction des déficits, et des décisions d'orientation qui accompagnent l'évolution de la société. C'est le cas de la réduction du temps de travail ou de la LOA. Les Français restent attachés à leur agriculture, dont ils attendent des produits de qualité, la maîtrise de la production et le respect de l'environnement et notamment des nappes phréatiques. Le politique doit répondre à ces exigences, sachant que l'objectif d'autosuffisance alimentaire est atteint et que nos exportations ne se développeront qu'avec des produits à forte valeur ajoutée. Il doit aussi anticiper la négociation sur l'OMC, qui remettra probablement en cause les aides directes au produit au profit des aides au revenu ou à l'exploitant.

La LOA répond à ces évolutions et l'opposition a fait une grave erreur en faisant échouer la CMP (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme Sylvia Bassot - Il ne faudrait pas inverser les rôles !

M. Jacques Rebillard - Les professionnels s'en sont montrés fort déçus...

M. Philippe Vasseur - Vous êtes prisonnier des lobbies ?

M. Jacques Rebillard - C'est vous qui êtes prisonnier de la FNSEA, très proche du RPR. La profession réclame la signature des premiers CTE et, après le sommet de Berlin, aurait été pleinement rassurée par le vote d'une loi qui répond à de nombreuses attentes : elle rémunère la multifonctionnalité des exploitations ; elle évite les contournements par le biais des structures familiales ; elle améliore le statut des femmes d'agriculteurs ; elle améliore les conditions de l'emploi salarié ; elle favorise la qualité des produits ; elle protège les zones agricoles et forestières les plus sensibles ; elle renforce la sécurité face aux organismes génétiquement modifiés et aux anabolisants ; elle conforte la formation et la recherche.

Cette deuxième lecture enrichira encore le texte mais il faut maintenant aller rapidement. Les députés du groupe RCV attendent cette loi et s'investiront pour sa réussite (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jean Proriol - Quel joli parcours ! Cette loi d'orientation agricole pourrait rivaliser avec un bon film de suspense ! L'affaire était entendue : une lecture dans chaque chambre et c'en était terminé ! Mais voilà qu'on change un des acteurs principaux : M. Glavany succède au pied levé à M. Le Pensec. Le jeu s'était quelque peu calmé au Sénat et la CMP semblait devoir aboutir... et contre toute attente, elle échoue. Mais contre toute attente de l'opposition, parce que la majorité était bien décidée à éviter le compromis ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Nous voilà donc en nouvelle lecture où rien n'est sûr que le rôle de figurant dans lequel est confinée l'opposition.

Le décor planté par le Sénat est tout à fait satisfaisant : il a redonné un peu de souffle au projet et l'a rendu plus crédible.

Le texte ouvre ainsi certains dossiers incontournables : le statut de l'entreprise agricole, la fiscalité ou la sécurité des produits alimentaires.

D'autres points ont été révisés : le CTE n'est plus le seul instrument, celui par lequel tout doit transiter ; les petites et moyennes exploitations sont dispensées de contrôle en cas de transmission familiale ; la délivrance d'une IGP est liée à l'obtention d'un signe de qualité. Nous craignons donc que vous ne reveniez sur ces avancées. Et pourtant, lorsque certains d'entre vous disent que le projet est bien accueilli par les professionnels, ils parlent sans doute du texte du Sénat !

Continuerez-vous donc à vous opposer systématiquement à l'inscription dans la loi des critères de représentativité syndicale ; du caractère autonome des indemnités compensatrices de handicaps naturels ; des dispositions favorables à la transmission des exploitations ; de l'extension de la préretraite à 55 ans aux agriculteurs qui transmettent leur exploitation à un jeune ; de l'assouplissement du contrôle des structures ; de la revalorisation des retraites ; de la réduction de la cotisation des jeunes agriculteurs ; de l'extension du TESA aux coopératives de moins de 11 salariés ; de la création d'un conseil de surveillance de la MSA et de la suppression du commissaire du Gouvernement auprès de la Caisse centrale ; de la suppression de l'IGP de la liste des signes de qualité et d'identification ; de l'introduction de la réciprocité ; des dispositions sur la biovigilance ; de l'égalité d'accès aux formations supérieures de l'enseignement agricole, et plus généralement de la place de l'agriculture de montagne...

Ce n'est pas en bureaucratisant toujours plus que l'agriculture pourra s'adapter à l'ouverture des marchés.

Pour nous, la première fonction de l'agriculture reste de produire pour nourrir les hommes. Je citerai Claude Michelet : "Mais après demain qui peut jurer que nos petits-enfants n'auront pas faim, comme ont faim ceux, et ils sont légion, qui vivent en des pays où l'agriculture en est encore au stade de la cueillette ?".

Votre loi avait été améliorée par le Sénat. Si vous ne retenez pas davantage ses amendements, le groupe DL ne la votera pas (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Joseph Parrenin - Il y a trois mois, après une première lecture qui fut riche, nous avons voté une loi saluée par les professionnels comme par l'opinion. Le Sénat y a introduit des amendements dont certains seront repris et dont d'autres sont inacceptables. C'est notre différence politique et il faut l'admettre.

Mais lors de la CMP, d'emblée, le président de la commission du Sénat nous a demandé : "Comment on échoue ?" (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Il n'était pas question que la CMP aboutisse ! Nous avons été surpris du ton qui était employé mais avons pris acte de cette volonté : vous vouliez essayer d'agiter le monde agricole à la veille des négociations de Berlin ! Vous ne vouliez pas faire apparaître un accord entre majorité et opposition : aussi avez-vous décidé de faire échouer la CMP. Il n'y a pas de honte à cela, mais il faut avoir le courage de ses actes !

Sur la difficile négociation de la PAC, il faut rendre hommage à l'ensemble de la délégation française, et d'abord à M. Glavany. Bien sûr, nous n'avons pas obtenu tout ce que nous souhaitions. Bien sûr, cet accord est trop orienté vers la baisse des prix et leur alignement sur les cours mondiaux. Et nous aurons à l'automne une négociation très difficile à l'OMC ; dans cette perspective nous avons intérêt à ce que l'Europe soit aussi unie que possible. Il y a cependant plusieurs points positifs. Nous avons limité la baisse des prix. Bien qu'il soit insuffisamment budgeté, le pilier développement rural est acté, et c'est très important pour l'avenir. Nous examinons une loi d'orientation qui va définir un projet pour dix ou vingt ans, et l'important est d'avoir dès aujourd'hui une orientation courageuse.

Cette loi répond à une demande du monde rural, à la demande des consommateurs en produits de qualité, ainsi qu'à la sauvegarde de l'emploi rural et de l'environnement. J'ai entendu des choses étonnantes. C'est le préfet qui va signer, dit M. Jacob. Mais pendant trente ans c'était la DDA qui signait, et souvent son crayon était guidé par le président de la chambre d'agriculture ou par la FDSEA ! (Exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

Vous dites que vous refusez le contrôle des structures, alors que le CNJA lui-même en réclame le renforcement...

M. Christian Jacob - C'est que je ne suis pas en proie aux lobbies !

M. Joseph Parrenin - ...sachant que sinon il n'y aura pas d'installations !

Nous avons besoin d'une vraie politique agricole sur l'ensemble du territoire, et je veux répondre ici à M. Proriol. Je viens de lire le dernier livre de Claude Michelet. Si nous laissons boiser tout le Massif Central, nous n'y ferons pas de production agricole dans vingt ans. C'est donc dès aujourd'hui qu'il faut une vraie politique agricole territoriale, qui maintienne des agriculteurs sur tout le territoire, y compris en montagne. C'est plus important que de faire du productivisme à tout-va pour vendre de moins en moins cher, alors que depuis dix ans, nous le savons bien, l'excédent commercial dans le domaine agroalimentaire est de plus en plus le fait de produits élaborés, et de moins en moins des matières premières (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Germain Gengenwin - Cette nouvelle lecture, qui retarde de plusieurs mois l'adoption de ce texte, aurait pu être évitée. Toutes les organisations professionnelles nous demandaient de conclure rapidement sur la base du texte du Sénat. Mais la commission mixte paritaire a échoué à cause de l'intransigeance...

M. François Patriat, rapporteur de la commission de la production - ...des sénateurs !

M. Germain Gengenwin - ...de certains de nos collègues de la majorité et notamment du rapporteur sur deux points sensibles : les conditions de représentativité des syndicats agricoles et l'enseignement privé.

Hormis une divergence sur le logo des produits d'appellation d'origine contrôlée, le groupe UDF soutient le texte du Sénat car il comporte de nombreuses avancées, notamment sur le plan fiscal. A la demande du rapporteur, la commission de la production a remis en cause nombre de ces avancées, ce que nous ne pouvons accepter. Ainsi le retour au texte de l'Assemblée pour l'article premier bis, qui rend obligatoire la représentation des principales organisations syndicales dans la quasi-totalité des organisations agricoles, spécifiques et générales, est pour nous un casus belli. Votre dispositif, inapplicable dans la pratique, est en outre contraire au principe de l'autonomie syndicale. Au nom de quoi, des organisations peu ou pas représentatives siégeraient-elles dans ces structures ? Nous proposerons plusieurs amendements sur ce point, afin d'exclure notamment les interprofessions, ou les productions d'appellation d'origine contrôlée.

Le contrat territorial d'exploitation, que vous présentez comme l'épine dorsale de votre réforme, fera beaucoup de déçus ; sur le terrain, les agriculteurs comprennent déjà que vous leur vendez une coquille vide, et que vous les incitez à sous-produire, perspective peu encourageante à l'heure de la mondialisation. Les moyens dévolus au fonds de financement des CTE ne sont pas à la hauteur des besoins. Lors de la présentation du projet, vous aviez annoncé que des aides européennes viendraient compléter ces 300 millions péniblement dégagés par le Gouvernement. Or nous savons aujourd'hui qu'il ne faudra pas y compter. Comment dès lors comptez-vous abonder le fonds, sachant qu'il y faudra au moins 1,2 milliard ? Il ne suffit pas de donner de faux espoirs aux agriculteurs : il faut assumer les conséquences de vos effets d'annonce. Il y a certes la modulation des aides et primes, mais elle risque d'être un facteur de division plutôt que de cohésion. Vous avez annoncé un débat, mais il faudrait dire dès aujourd'hui quels critères de modulation vous envisagez.

Sur les aspects fiscaux, votre texte initial, présenté comme une grande loi d'orientation, faisait l'impasse totale. Le Sénat a repris et adopté les propositions que le groupe UDF avait formulées en première lecture à l'Assemblée. La question est trop grave pour être renvoyée aux calendes grecques. Face à la mondialisation, il est urgent de se donner les moyens, en particulier fiscaux, de rendre nos exploitations plus compétitives. Comment pouvez-faire une loi d'orientation sans volet fiscal ? Les jeunes qui veulent s'installer doivent savoir dans quelle entreprise ils s'engagent. La précédente réforme de la PAC, en 1992, a conduit à de nombreuses cessations d'activité. L'Agenda 2000 risque de produire les mêmes effets si on n'indique pas clairement aux agriculteurs dans quelle direction on veut les mener.

L'article 30 bis, qui rend les parts de coopératives agricoles éligibles à la dotation pour investissement, doit être maintenu dans la version du Sénat, qui reprend la formulation proposée en première lecture par le groupe UDF. Le rapporteur et les commissaires de la production le souhaitent également et je les en remercie. Je demande au Gouvernement d'accepter cette demande.

Quant à la pluriactivité, votre réponse initiale n'était pas bonne ; sur proposition du groupe UDF, des avancées significatives avaient été apportées en première lecture. Là encore, le traitement de ce dossier très sensible est renvoyé à plus tard, alors qu'il faudrait régler au plus vite les problèmes de distorsions de concurrence entre deux secteurs importants de notre économie.

Nous déplorons le durcissement du contrôle des structures, et nous proposerons des amendements pour relever le seuil de déclenchement. Le groupe UDF s'opposera aux amendements de la commission qui remettent en question les améliorations sénatoriales concernant les transmissions familiales.

Au volet "qualité", nous prenons acte de votre renoncement à faire de l'IGP un cinquième signe de qualité. Quant à l'article 40 ter, adopté par le Sénat avec avis favorable du Gouvernement, il nous pose un vrai problème. Il ne saurait être question d'imposer l'usage d'un logo AOC au secteur viticole. La commission a reconnu qu'il fallait supprimer cette disposition, et je la remercie d'avoir accepté l'amendement de M. Sauvadet.

La suppression de l'article 42 bis doit être confirmée. Rien ne justifie la création d'un nouvel organisme chargé de la promotion des produits agricoles et alimentaires ; la SOPEXA et le CFCE ont vocation à remplir cette mission, à condition qu'on leur en donne les moyens. Le problème est bien là, car le Gouvernement se désengage du financement de la SOPEXA, dont la dotation budgétaire a sérieusement diminué. Si vous créez un nouveau fonds, comment allez-vous le financer ?

L'article 44 quinquies concerne la rédhibition à la vente des bovins présentant une réaction positive à la rhino-trachéite infectieuse. La profession considère que l'accord collectif serait ici plus approprié que la voie législative, et je proposerai un amendement de suppression.

Votre projet apporte une réforme a minima qui ne répond absolument pas aux défis que doit relever l'agriculture française. Il a reçu des améliorations, notamment sur le plan fiscal : leur confirmation est indispensable. Enfin, il aurait été bon d'achever la réforme de l'assiette des cotisations sociales. Le groupe UDF présentera une proposition tendant à extraire de cette assiette les revenus fonciers, assurant ainsi une égalité de traitement entre les exploitants qui sont en fermage et ceux qui sont propriétaires de leurs terres. C'est en fonction des réponses que vous apporterez à ces problèmes que notre groupe déterminera sa position (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

Mme Marie-Hélène Aubert - Cette deuxième lecture a lieu après l'adoption de la réforme de la PAC. Or les députés Verts sont loin de partager l'idée, si généreusement et si complaisamment répandue, que le sommet de Berlin a été une réussite, même si, c'est vrai, quelques avancées sont perceptibles. On peut d'ailleurs s'interroger sur la pertinence de la stratégie française qui réclamait en même temps une stricte limitation des dépenses européennes et le maintien de la PAC, sinon son développement.

Quelles mesures allez-vous prendre, Monsieur le ministre, pour permettre aux petites exploitations, particulièrement menacées -comme elles l'ont déjà été en 1992- de s'adapter ? Comment utiliserez-vous, à cette fin, les possibilités de modulation des aides qui demeurent ? Vous en servirez-vous pour assurer davantage d'équité, et une réorientation de l'agriculture française vers la qualité, au service de la préservation de l'environnement et de l'aménagement du territoire ? Sinon, la logique néo-libérale toujours à l'oeuvre continuera à tirer la qualité de notre agriculture -et de l'agriculture mondiale vers le bas-, avec son cortège de dégâts sociaux et environnementaux, en particulier dans les pays les plus pauvres.

Le gouvernement français et nous le soutenions se proposait pourtant de promouvoir un changement de cap pour la PAC, dans le droit-fil de la philosophie de la LOA. Cela n'a pas eu lieu. Il est vrai qu'un vent libéral souffle sur beaucoup de nos partenaires, mais aussi sur le Président de la République et ses amis et peut-être même sur quelques membres de la majorité plurielle. On ne peut à la fois prêcher la compétitivité à tout prix et réclamer les filets de sécurité sous forme de fonds publics ! Il faut choisir ! Nous l'avons fait depuis longtemps.

L'orientation générale de cette loi telle qu'elle transparaît dans l'article introductif, nous avait pourtant rassurés. Réorienter l'agriculture française en prenant en compte sa multifonctionnalité était un bon début. Nous avions alors exprimé notre appréciation mais aussi un certain scepticisme sur les moyens de financement de son principal outil, le CTE. Nos inquiétudes sont hélas confirmées, et même amplifiées, sur ce sujet et sur d'autres, et nous aimerions avoir quelques éclaircissements. Le CTE pourra-t-il réorienter durablement l'agriculture française et permettra-t-il d'en finir avec un productivisme sans issue ? Le doute est permis et nous souhaitons savoir comment seront financées les mesures proposées.

De quels moyens disposera le CTE alors que le dépenses de développement rural ne seront pas augmentées dans l'Agenda 2000 ?

De plus, emploi et protection de l'environnement devront tous deux être pris en compte dans la conclusion des CTE et non pas l'un des deux seulement.

Nous avons à nouveau déposé des amendements sur ces différents points. Le CTE doit ainsi, selon nous, avoir comme fondement l'article L. 200-1 du code rural. Le respect de l'environnement ne sera qu'un slogan incantatoire si cette simple définition n'est pas mentionnée dans la loi.

Et puis d'autres agriculteurs attendent votre aide, les agriculteurs "biologiques" qui ont fait la démarche d'une agriculture respectueuse de la terre et de la santé depuis de nombreuses années avec beaucoup de difficultés et qui voient leurs voisins, nouveaux convertis, bénéficier d'aides, à leur détriment parfois.

La question des OGM nous inquiète beaucoup et nous attendons de vous un accord pour un moratoire de cinq ans sur les autorisations de commercialisation des plantes transgéniques. Cela montrerait une attitude responsable vis-à-vis des générations futures et l'application du principe de précaution dans un domaine où, visiblement, on n'en sait pas assez, et c'est ce que les Français attendent de vous.

D'autre part, les associations de consommateurs et celles qui travaillent dans le domaine de l'environnement doivent être représentées dans des instances telles que les CDOA.

Nous vous demandons, enfin, d'examiner avec attention notre proposition de créer un Institut de l'agriculture durable qui démontrerait une réelle volonté d'autonomie de la recherche en agriculture.

Monsieur le ministre, je vous remercie de répondre, autant que vous le pouvez, à nos interrogations et de faire bon accueil aux quelques amendements essentiels à un projet dont nous approuvons la philosophie générale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Sylvia Bassot - Il y a trois ans, le Président de la République demandait à Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de préparer un projet de loi permettant à l'agriculture française de relever les grands défis du XXIème siècle. Le Gouvernement de Lionel Jospin a repris ce projet en le modifiant.

Le texte qui nous a été présenté à l'automne comportait des avancées intéressantes, comme le principe de contractualisation ou le nouveau statut de collaborateur d'exploitation. Toutefois, de nombreux points appelaient la critique. En particulier, l'aspect économique de l'agriculture était éludé.

Les sénateurs, ne souhaitant pas voir le "syndrome de Perrette" gagner la profession ont, dans leur très grande sagesse, rendu le texte plus cohérent et plus adapté aux attentes du monde agricole, afin de préserver la responsabilité et la liberté des agriculteurs et de renforcer leur rôle économique.

Pour préserver la liberté et la responsabilité des agriculteurs, le Sénat a introduit certaines dispositions fiscales d'application immédiate, visant à encourager les transmissions d'exploitation à des jeunes. Et, pour laisser la liberté de choix en matière d'enseignement agricole, le Sénat a permis l'égalité d'accès aux formations supérieures de l'enseignement agricole public et privé.

La Haute assemblée a aussi souhaité insister sur la qualité et modifier le CTE.

Plutôt que de reprendre l'IGP voulue par les députés et le Gouvernement, les sénateurs ont préféré préserver le dispositif existant tout en renforçant le rôle de l'INAO. Le camembert au lait cru -malmené par un principe de précaution poussé jusqu'à l'absurde-, le boudin noir de Mortagne cher à mon ami Jean-Claude Lenoir, le Calvados cher à M. Mexandeau... (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) Mais moi aussi j'aime le calva...

M. Daniel Marcovitch - Je n'en doute pas... (Murmures sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF)

Mme Sylvia Bassot - ...comme j'aime le poiré, le cidre... Autant de produits du terroir normand que le consommateur reconnaît comme sains et goûteux.

Pour renforcer le rôle économique des agriculteurs, les sénateurs ont aussi amélioré le CTE. Mais ce dispositif ne sera un progrès que s'il devient un outil de développement d'une agriculture de qualité, associant plus étroitement logiques économique, environnementale, territoriale et sociale.

Les sénateurs ont amélioré la lisibilité du texte en clarifiant le CTE, en revoyant les critères d'attribution des aides et en créant un fonds spécifique de financement, afin de supprimer les redéploiements de crédits.

Mme Béatrice Marre - Ce ne sont pas eux qui payent !

Mme Sylvia Bassot - Pour finir, je ferai remarquer, comme MM. Vasseur et Sauvadet, qu'il est paradoxal que ce texte ait été rédigé sans tenir compte de la réforme de la PAC, qui bouleverse totalement la donne en matière d'aides...

M. le Rapporteur - J'ai déjà répondu sur ce point.

Mme Sylvia Bassot - Et ce, malgré un accord plutôt moins désavantageux que ce que nous craignions, obtenu grâce à l'opiniâtreté du Président Chirac et du Premier ministre.

De même, je regrette vivement que la commission n'ait pas davantage suivi le Sénat et que l'on se soit entêté à privilégier une vision par trop jacobine et idéologique de notre agriculture. Un agriculteur, Monsieur le ministre, est avant tout un producteur, et la noblesse de son métier est de valoriser sa production et nourrir ses semblables. Il n'a pas vocation à devenir le jardinier de la nation.

L'agriculture ne sera présente sur nos territoires que si elle est d'abord présente sur nos marchés et dans nos petites épiceries de village, pour continuer à proposer les produits du terroir : la crème fraîche crue, les oeufs non calibrés, le lait cru, le beurre à la baratte et la viande de nos herbages...

Le projet, tel que la commission l'a amendé, concourt à une suradministration, voire à la bureaucratisation de la profession, ce qui est tout à fait préjudiciable pour l'avenir.

Il est à craindre que les agriculteurs, contraints de se préoccuper d'abord des relations avec leur sponsor principal, à savoir l'Etat, ne passent plus de temps à remplir des paperasses qu'à faire marcher leur exploitation.

Ce projet manque d'ambition et cède au passéisme. Il pourrait être comparé à une araire dont le guide, le Gouvernement, tracerait des sillons ni assez droits ni assez profonds pour que la récolte soit bonne. L'opposition aurait souhaité un texte plus moderne, plus dynamique, réellement porteur d'avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

Mme Béatrice Marre - Le Sénat a enrichi le projet de loi d'orientation agricole sur de nombreux points mais, a aussi tenté de l'altérer profondément, d'où d'ailleurs l'échec de la CMP. Depuis l'examen du texte en première lecture est aussi intervenue la réforme de la PAC. Je souhaiterais dire au début de cette deuxième lecture en quoi ce texte est encore plus nécessaire et plus pertinent qu'à l'automne dernier.

Au regard de la PAC tout d'abord. Si nous pouvons féliciter le ministre de l'agriculture, le Premier ministre et le Président de la République des avancées considérables obtenues à Berlin par rapport aux propositions Fischler sur les OCM, force est de constater l'échec relatif de l'accord de Berlin quant à une véritable réorientation de la PAC. Cette loi d'orientation agricole doit être l'occasion de dire notre volonté que soient pris en compte les territoires, l'emploi et l'environnement. Les conclusions du Sommet de Berlin nous offrent deux ouvertures, même modestes. Tout d'abord, le développement rural a été reconnu comme second pilier de la PAC, ce qui n'était pas acquis d'avance. Même si ce volet de la PAC n'a pas obtenu les moyens que nous aurions souhaités, son principe est accepté : à nous de lui donner un contenu. En second lieu, la maîtrise par les Etats membres qui le souhaiteront de la modulation des aides directes, avalisée par un accord, nous ouvre la possibilité de réorienter les aides sur le plan national. A nous d'en trouver les moyens. C'est l'objet de l'article 4 du projet de loi.

Ce dernier, nécessaire au regard de la PAC, l'est également au regard des négociations à l'OMC. L'accord de Berlin, que je qualifierai plutôt de révision que de réforme de la PAC, nous permettra de faire face en bon ordre aux Etats-Unis et aux pays du groupe de Cairns. La France doit toutefois faire un pas de plus, d'ailleurs attendu par les pays agricoles candidats à l'adhésion à l'Union européenne, la Pologne et la Hongrie notamment. Il faut aller vers un plus grand découplage des aides : cette loi d'orientation agricole avec son pilier, le CTE, le permet. Elle constituera en outre un instrument comparable au Fair Act dont se prévalent les Etats-Unis.

Enfin, cette loi d'orientation est très attendue de nos concitoyens comme des agriculteurs eux-mêmes, des jeunes en particuliers. Le CTE, les mesures proposées notamment en matière d'emploi, de politique des structures, de qualité, d'identification et de sécurité des produits répondent à leurs attentes.

L'article 65 constitue un engagement du Gouvernement auquel le groupe socialiste s'associe : il convient en effet d'adapter la fiscalité agricole, en cohérence avec celle des autres professions rurales, même si bien entendu cette réforme ne pouvait entrer dans le cadre de cette loi.

Six mois se sont écoulés depuis l'examen de ce texte en première lecture : ils n'auront pas été inutiles. Avec les améliorations apportées par le Sénat et les amendements aujourd'hui proposés par votre commission, ce texte fera date. A nous de l'améliorer encore (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Charles de Courson - Peut-on voter une loi d'orientation agricole sans qu'y figure un volet sur les charges sociales et fiscales des exploitations ? Non. En effet la discrimination qui frappe l'agriculteur, en particulier les exploitants individuels, est considérable, tant à l'égard de ceux qui ont choisi la forme sociétaire qu'à l'égard des entreprises des autres pays de l'Union européenne.

Cette carence du projet de loi est d'autant plus grave que les décisions prises à Berlin se traduiront pour les producteurs de céréales, d'oléoprotéagineux et même de viande, par des chutes de revenu importantes, par la relance de la course à l'agrandissement et par l'aggravation des disparités géographiques.

Des simulations de l'accord de Berlin montrent que dans mon département, les revenus des exploitations de la Champagne crayeuse devraient diminuer de 14 %, ceux des exploitations de la Brie champenoise de 27 %.

M. le Rapporteur - Non.

M. Charles de Courson - Et en cas de modulation, les baisses seraient encore plus importantes.

C'est bien pourquoi la baisse des charges fiscales et sociales est un impératif, comme le soutient l'UDF et d'une manière plus générale, l'opposition. L'avenir de l'agriculture française est à l'exportation : il faut donc améliorer sa compétitivité européenne et internationale.

Il faut tout d'abord favoriser le développement des entreprises agricoles et viticoles en encourageant l'autofinancement et la transformation des produits.

Il convient pour cela de poursuivre la réforme de l'assiette des cotisations sociales.

Les exploitants individuels paient des impôts et des cotisations sociales sur une assiette non représentative de leur revenu réellement disponible. Il faut achever l'éclatement du revenu agricole entre ses trois composantes : le revenu du capital foncier, le revenu du capital non foncier, et le revenu du travail, afin de ne faire payer des cotisations sociales que sur les seuls revenus du travail.

La loi de modernisation agricole de 1994 avait amorcé la réforme en sortant le revenu foncier du revenu imposable. Cependant, seule la réforme de l'assiette du foncier non bâti parachevait cette réforme. Vous y avez renoncé. Il ne reste donc plus qu'à conforter par la loi la récente jurisprudence qui tend à reconnaître la déductibilité du loyer fictif de l'exploitant au propriétaire foncier lorsqu'il s'agit d'une même personne.

La seconde réforme consiste à sortir de l'assiette des cotisations et de l'impôt sur le revenu, le revenu du capital non foncier. Mais comment distinguer le revenu du travail de celui du capital non foncier ?

J'avais proposé en première lecture d'instaurer une réserve spéciale d'autofinancement permettant à chaque exploitant individuel de déduire de son revenu une somme consacrée aux investissements. Cette provision, qui interviendrait en sortie de la dotation aux investissements, serait taxée au taux des plus-values à long terme, soit 19 %, dans la limite d'un plafond. Ainsi l'exploitant individuel bénéficierait du même dispositif que les PME, qui ne supportent qu'un taux réduit d'impôt sur les sociétés sur les 200 000 premiers francs de bénéfices. En cas de retrait de ces sommes immobilisées en réserves, l'exploitant supporterait une taxation à l'impôt sur le revenu et des cotisations sociales aux taux normaux. On pourrait m'objecter que pour lever toutes ces difficultés, il suffirait que toutes les exploitations se constituent en sociétés. Mais les petites et les moyennes n'y ont pas intérêt, notamment pour des raisons patrimoniales.

Les syndicats agricoles sont favorables à un tel dispositif, comme en témoigne le dernier congrès de la FNSEA à Versailles.

Pour faciliter le développement des exploitations agricoles, il conviendrait aussi de favoriser l'investissement des exploitations dans la transformation de leurs produits en aval. A défaut, l'agroindustrie captera une part croissante de la valeur du produit fini, et leur imposera des prix qui réduiront peu à peu leurs revenus.

En première lecture, un amendement permettant l'éligibilité à la dotation pour investissement de l'achat de parts sociales des sociétés coopératives agricoles a été adopté à la quasi-unanimité. Nous continuerons à nous battre pour que l'achat de parts sociales d'organismes mutualistes, d'actions ou de parts de société assurant la transformation ou la commercialisation de matières premières agricoles soit éligible à la dotation pour investissement.

Enfin, il faut faciliter la transmission des exploitations agricoles, vous le reconnaissez vous-même. Nous proposons un dispositif qui évite la double taxation "plus-values/droits de succession", et qui favorise la reprise de l'exploitation agricole par les jeunes agriculteurs. C'est le schéma qu'avait retenu le Sénat et qui a malheureusement été écarté en CMP.

L'absence de volet fiscal et social constitue l'une des plus graves carences de ce texte... Ecoutez l'opposition et une partie de vos amis, Monsieur le ministre, qui, en privé et parfois même en public, reconnaissent le bien-fondé de nos propositions, et acceptez des amendements qui ont pour seul objet de rétablir la compétitivité des exploitations agricoles et viticoles, et l'égalité entre les différentes formes d'exploitation.

Si vous le faites, cette loi ne sera plus une petite loi vite oubliée mais une grande loi qui fera date (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Aloyse Warhouver - L'accord de Berlin donne apparemment satisfaction aux agriculteurs puisque le calme est revenu dans nos campagnes. Il est pourtant regrettable que le plafonnement des aides n'y ait pas été retenu et que certaines des ambitions de cette loi d'orientation agricole n'y aient pas été prises en compte. La course à la productivité risque de se poursuivre, de même que celle à l'agrandissement des surfaces. Les petites exploitations subiront d'importantes pertes de revenus non compensées. Le modèle agricole français souffrira sans nul doute des conséquences d'une PAC qui, même revue et corrigée, aura fait fi du développement rural.

Reste pourtant une possibilité tout à fait novatrice : le CTE. Certes les agriculteurs n'aiment pas les formalités. Mais le CTE est vital pour que les agriculteurs rénovent le lien ancien avec leur village. Grâce aux aides à l'installation les bâtiments d'exploitation ont quitté le village. Puis les habitations ont suivi. Le dernier paragraphe du CTE relatif aux prestations aux collectivités locales permettra de rétablir ce cordon. Par exemple, en hiver les entreprises spécialisées ne peuvent venir déneiger dans toutes les communes -il y en a 242 dans ma circonscription. Les agriculteurs peuvent le faire. J'en ai fait l'expérience.

Faites tout pour la mise en place de CTE. Nous vous soutiendrons. C'est une solution appropriée aux problèmes du monde rural.

J'en viens à la gestion du foncier rural. La réduction au taux zéro des droits payés par les SAFER lors de l'acquisition de propriétés ne garantit pas leur volume de transactions. Il faudrait étendre ce taux à toutes les opérations des SAFER dans le cadre de leurs missions de service public, par exemple pour les forêts et la revitalisation. Il faudrait aussi accorder une incitation complémentaire aux agriculteurs s'adressant aux SAFER. Enfin, l'Etat ne prend plus en charge qu'à 12 % et non à 50 % le coût de fonctionnement des SAFER. Or elles ne peuvent s'autofinancer. Il faut donc revaloriser cette dotation. Les contrats d'objectif devraient apporter les assurances nécessaires à ces opérateurs indispensables que sont les SAFER.

Ce projet doit nous permettre d'affirmer le triple rôle de notre agriculture : assurer une production de qualité et une revalorisation des terroirs ; prendre en compte l'environnement ; pratiquer des actions d'intérêt général au profit de tous les usagers du monde rural dans une coopération intelligente où la discussion l'emporte sur une violence visant à imposer des points de vue corporatistes (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

La discussion générale est close.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - J'ai été sensible à vos propos amicaux, Monsieur Leyzour, et je partage votre analyse de l'accord de Berlin. Il fallait limiter les dégâts et nous y sommes à peu près parvenus. Vous avez raison, la baisse des prix n'est pas une fin en soi et se rapprocher des prix du marché mondial n'est pas une politique. Cela ne veut pas dire grand-chose quand le prix de la viande bovine d'Argentine est 70 % inférieur au prix européen ou quand un marché est essentiellement intracommunautaire. Nous avons essayé de combattre l'idée qu'un marché mondial abstrait devait guider nos choix. Enfin, vous avez observé avec pertinence que pour ceux qui ne veulent pas de cette loi la discussion vient toujours trop tôt ou trop tard.

Monsieur Jacob, vous prétendez vous borner à défendre le texte du Sénat. C'est une curieuse conception de la démocratie que de défendre le choix de la minorité politique. Je conçois qu'on envie au Sénat son mandat de neuf ans, le fait qu'il ne puisse être dissous (Protestations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL). Je les envie comme vous. Mais je m'étonne que dans une assemblée élue au suffrage universel direct on fasse sienne la position de la chambre haute et élue au suffrage censitaire. Le général de Gaulle a voulu, dans la Constitution de 1958, que l'Assemblée ait toujours le dernier mot. Vous, vous voulez que ce soit le Sénat.

D'autre part, je ne jouerai pas avec vous à savoir ce que le ministre a obtenu -c'est un minable- et ce que le Président a obtenu -c'est un dieu. Vous aurez du mal à expliquer à l'opinion qu'on est passé de la nuit à la lumière par une sorte de miracle. Sur la réforme du lait, j'ai obtenu trois ans de délai. Le Président de la République a obtenu deux ans supplémentaires. Est-ce que je vais dire que cela fait trois à deux en ma faveur ? Je me réjouis seulement pour le secteur laitier. Sur la viande bovine j'ai obtenu que la baisse passe de -30 % à -10 %. Sur les céréales le Président a obtenu de passer de -20 % à -5 %. Est-ce que cela fait 10 à 5 ? Je me réjouis simplement pour ce secteur. Alors arrêtons ce petit jeu. Essayez de comprendre -je sais que vous êtes batailleur, mais prenez sur vous- que les responsables de l'exécutif peuvent s'entendre pour défendre l'intérêt général.

M. Charles de Courson - C'est très centriste.

M. le Ministre - Non, c'est responsable.

Vous dites aussi que je veux casser les organisations professionnelles. Mais qu'y a-t-il dans la loi qui aille dans ce sens ? La démocratie c'est à la fois la reconnaissance du droit de la minorité et du fait majoritaire. Ce qui vaut à l'Assemblée vaut pour les organisations professionnelles et d'autres structures. Ces organisations disent elles-mêmes qu'elle ont adopté le pluralisme.

Mme Sylvia Bassot - Faites-en autant avec le Sénat !

M. le Ministre - Je passe, Monsieur Jacob, sur votre capacité non à fouiller dans les poubelles mais à tourner à votre façon les faits. Vous avez cité ce qui n'était pas un communiqué du ministère, vous avez épluché mon emploi du temps, feignant de trouver scandaleux qu'un ministre reste en contact avec le terrain.

A propos des structures, vous dites que nous ne vivons pas dans le même monde. C'est possible. Vous avez une exploitation de 100 hectares que vous souhaitez transmettre à vos enfants. Rien dans la loi ne la menace. Mais vous n'avez pas dit que cette exploitation a un quota de 600 000 litres de lait. Effectivement nous ne vivons pas dans le même monde, car dans ma circonscription avec un quota de 100 000 litres on assure l'avenir d'une famille.

Comme M. Rebillard je crois que le vote de cette loi est un choix politique, celui d'une société qui accepte que les aides publiques à l'agriculture soient élevées mais exige qu'elles soient légitimes. Rien ne menace plus l'agriculture que l'idée qu'elle coûte de plus en plus cher, pollue de plus en plus, pour une qualité moindre. Aussi faut-il maîtriser le coût, la qualité, l'environnement.

Non, Monsieur Proriol, je n'ai jamais cru que le CTE était une solution miracle. C'est un outil, encore abstrait, qu'il nous faut faire vivre et financer. Selon vous, nous ne proposons aux agriculteurs que la bureaucratie paperassière. Bien sûr, quand un agriculteur ira signer un contrat à la préfecture, ce sera une épouvantable bureaucratie. Mais quand il va à la DDA chercher 500 000 francs, et un ou deux millions d'aides PAC, ça ce serait le libéralisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Thierry Mariani - Il n'y en a pas beaucoup à deux millions.

M. le Ministre - Plus que vous ne croyez.

M. Patrick Ollier - Pas chez nous.

M. le Ministre - Non, ni chez moi.

Mme Sylvia Bassot - Ni chez moi !

M. le Ministre - Monsieur Parrenin, la création d'un deuxième pilier de la PAC pour le développement rural est une novation, même timide. J'ai expliqué qu'en 1996 on aurait pu être moins timoré.

J'ai expliqué aussi comment nous pouvions, au niveau français, renforcer le second pilier de la PAC et entraîner un mouvement européen.

M. Gengenwin a parlé de pluralisme. Mais il n'est pas question que des organismes non représentatifs ne puissent siéger dans telle ou telle structure, seulement que toutes les organisations, représentatives puissent siéger. Quant au volet fiscal, je ne le renvoie pas aux calendes grecques. Le mieux serait qu'un parlementaire se saisisse du dossier.

Je n'ai pas poussé de cocorico, Madame Aubert, à propos de l'accord de Berlin, j'ai dit que nous avions limité les dégâts par rapport à la proposition initiale de la Commission et obtenu un accord plus présentable. Mais il me reste deux regrets pour les oléoprotéagineux et le développement rural. Cependant, la nouvelle PAC offre un instrument permettant de plafonner les aides et de les réorienter. Je compte le mettre en oeuvre, et les autres ministres sont nombreux à le vouloir aussi.

Mme Bassot a fait un plaidoyer pour la qualité et l'ancrage dans le terroir. Le texte va dans ce sens. Vous avez dit que c'était une araire, mais il est des araires qui ont tracé de beaux sillons !

Mme Marre a estimé que la faible ambition de la réforme de la PAC rendait plus exigeante l'attente suscitée par la LOA. C'est vrai, nous avons à combler un vide de réformes, car nous avons plutôt révisé le PAC de 1992 que procédé à une vraie réforme.

Un mot des simulations, Monsieur de Courson. Elles fleurissent déjà, certains organismes prennent plaisir à effrayer les agriculteurs. Déjà, en 1992, on avait annoncé des pertes de revenus très importantes, pouvant atteindre 50 ou 60 % -mais les faits ont démenti ce genre de prédiction. Alors, prenons un peu de recul par rapport à cet "agit-prop". De telles simulations n'intègrent en effet ni la dynamique des marchés ni les gains de productivité, et elles imaginent le pire pour tous les paramètres.

Pour le reste, j'ai retrouvé votre imagination fiscale débordante, mais je ne crois pas aux solutions miracles.

Je veux rassurer M. Warhouver, la modulation des aides permettra le plafonnement et la réorientation. Sur quels critères modulera-t-on ? On pourrait tenir compte du montant total des aides -car est-il normal que tel grand avionneur touche 1 million de francs de la PAC ? Mais aussi du revenu brut d'exploitation, du nombre d'actifs. Je souhaite vivement que nous puissions convaincre un grand nombre de gouvernements européens. C'est ainsi que nous donnerons tous ensemble le signal attendu. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. Patrick Ollier - Je ne vous connaissais pas comme ça, Monsieur le ministre. Vous m'aviez habitué à plus de bonhomie ! Pourquoi vous être placé sur un terrain personnel à l'égard de M. Jacob ?

Ce projet ne fera pas date. Je sais que vous ne l'avez pas rédigé, et que vous vous bornez à l'assumer. Mais pourquoi faire échouer le dialogue en CMP, comme déjà pour la loi relative à l'aménagement durable du territoire ? Est-ce à cause de l'attitude du Premier ministre envers le Sénat que le dialogue est interrompu avec celui-ci ? Ce n'est pas l'opposition qui a fait échouer la CMP, Monsieur Parrenin.

M. Joseph Parrenin - Si !

M. Patrick Ollier - Vous avez été désobligeant envers le Sénat, Monsieur le ministre, en parlant de "suffrage censitaire"...

M. le Ministre - C'est un fait.

M. Patrick Ollier - Est-ce parce que vous y êtes minoritaire que vous refusez le dialogue ?

Ce projet de loi répond à une visée idéologique, il s'agit de déstructurer ce qui a été fait auparavant, et notamment par M. Vasseur. Il n'est pas adapté à l'économie agricole de demain. Certes, j'ai entendu des propos que j'approuve, quant aux exigences de la consommation. Mais en commission, il n'y a plus personne ! Votre attitude ne correspond plus aux intentions que vous affichiez. Nous avons donc l'impression que ce texte n'est pas achevé.

Depuis 1958, l'agriculture française a toujours eu l'Etat à ses côtés. Aujourd'hui, vous vous éloignez de ses intérêts, et d'ailleurs le soutien des professionnels n'est pas aussi fort que vous voulez bien le dire ! Les agriculteurs de montagne se sentent particulièrement en danger.

Les conditions d'examen du texte ont en outre été insatisfaisantes. Une loi d'orientation pour le troisième millénaire, qui doit tenir compte de la nouvelle PAC, est déposée en urgence ! Avez-vous vraiment l'impression que le débat en commission a été constructif ?

M. Félix Leyzour - Vous n'y étiez pas !

M. Patrick Ollier - J'ai tout suivi. Je peux même vous assurer que vous avez dit des choses intéressantes, ainsi que M. Patriat sur la montagne. Mais la déclaration d'urgence nous prive réellement d'avancées. Le rapporteur, que j'ai senti se rapprocher parfois de la position du Sénat, est resté bloqué par la majorité et la confrontation d'arguments n'a pas eu le temps de se développer.

270 amendements en nouvelle lecture, c'est beaucoup ! Peut-être est-ce parce que le texte laisse à désirer et que des représentants de chacun des groupes souhaitent y apporter des propositions concrètes.

Vous imposez à l'Assemblée les choix défendus par la majorité et seulement eux. Pour une loi d'orientation, c'est une erreur. Je défends le renvoi en commission parce que les propos du rapporteur me laissent penser que nous aurions pu trouver un accord. Nous ne sommes pas systématiquement contre ce que vous proposez, et nous l'avons prouvé ! Pourquoi n'acceptez-vous pas un dialogue constructif ? Vous ne nous avez pas habitués à ce genre d'attitude, surtout pas vous, Monsieur le ministre. Qui bloque le système ? Revenir brutalement au texte de l'Assemblée sans tenir compte du tout des modifications du Sénat, c'est inadmissible pour la démocratie.

L'échec de la CMP intervient alors que plusieurs dispositions du Sénat étaient très bien accueillies par les professionnels. On aurait pu penser que vous en tiendriez compte ! Mais c'est la preuve de votre obstination politique. Le débat est refusé et on revient à la case départ. Dès lors, on est confronté à un texte idéologique.

Creusons l'idée du CTE : c'est un contrat entre agriculteur et préfet.

Malgré vos dénégations, c'est la mécanique même du CTE qui fait que le préfet aura toujours la décision définitive et qui mène à la bureaucratisation. La multiplication des représentations et la confusion des genres empêcheront toute décision sérieuse. Nous souhaitons que tout se passe au mieux, mais nous sommes convaincus que cette usine à gaz ne peut pas bien fonctionner.

Les CTE devraient s'intégrer dans un dispositif complexe : d'un côté des directives au niveau national et de l'autre des plans au niveau régional, avec en prime l'élaboration d'une liste de CTE-types. Que proposera-t-on aux agriculteurs ? Soit de rechercher la création de valeur ajoutée -valorisation des produits, diversification des activités,... soit de participer à la gestion du territoire -qualité de l'eau, paysage, préservation des risques naturels... Nous ne pouvons que souscrire à toutes ces bonnes intentions. Le problème est que c'est une gigantesque opération de réintroduction des consignes administratives et politiques dans l'agriculture. Vous voulez planifier l'agriculture. Ne pensez-vous pas qu'elle est déjà suffisamment encadrée ?

Vous prétendez aussi faire des agriculteurs des jardiniers paysagers ou de nouveaux artisans... Mais ce sont avant tout des producteurs ! Croyez-vous qu'ils ont attendu ce texte pour savoir quoi produire et à qui le vendre, pour savoir affecter les ressources et les valoriser ? Notre balance des paiements atteste que non. Mais la LOA engendre une fonctionnarisation et une suradministration de l'agriculture. On devrait mieux discuter de ses conséquences en commission. Nous voudrions être convaincus que la LOA ne mènera pas à cette bureaucratisation, mais ce sera difficile.

Nous ne sommes pas contre le principe du contrat, M. Vasseur est le premier à le dire, quand il s'agit de partenariat librement décidé avec des collectivités territoriales. Mais lorsqu'il s'agit d'un document qui impose à son signataire des orientations qu'il n'aura pas décidées, c'est dur à admettre.

Nous ne sommes pas des fanatiques de l'opposition. Dans l'intérêt des agriculteurs, nous sommes prêts à soutenir une loi proposée par la majorité plurielle. Nous ne mettons pas en doute vos intentions, et nous espérons que vous faites de même, mais nous sommes convaincus que ce dispositif n'est pas le bon. Voilà pourquoi il faut retourner en commission pour mieux structurer le CTE.

De chef d'entreprise innovant, l'agriculteur va donc devenir un contractuel de l'administration. Le Sénat s'y est opposé et nous ferons de même.

Les CTE risquent par ailleurs, en réorientant à l'excès le métier d'agriculteur vers des activités certes importantes, mais qui ne font pas partie de sa vocation initiale, d'avoir des effets pervers sur les territoires. Chez moi, dans les Hautes-Alpes, il y a une telle proximité qu'on connaît parfaitement les interactions entre agriculteurs, commerçants, artisans et autres acteurs, qui tous sont inévitablement impliqués dans l'entretien du territoire. Les CTE risquent de dissuader certaines productions, au détriment des filières et de l'exportation. Or la perspective des filières de qualité est la base de toute réflexion sur les bonnes manières de produire, de répartir et de consommer. Le dispositif risque d'entrer en contradiction avec des activités locales, destructurant ainsi des filières de production. Vous parlez qualité, consommateur : je réponds filières. Et je ne pense pas que vos dispositions permettront de conforter ces filières.

Enfin, vous allez susciter une concurrence déloyale des agriculteurs partiellement reconvertis à l'égard des artisans et commerçants des zones rurales. C'est cette vision schizophrénique qu'a le Gouvernement du tissu économique rural, et qu'on retrouve dans d'autres débats, notamment avec Mme Voynet. Vous êtes parvenus à vous convaincre que les CTE ne concurrenceront pas les revenus des autres actifs et pourront réunir des activités qui, sur le terrain, sont concurrentielles : c'est une grave erreur. Nous avions pris des dispositions comparables dans le FGER, mais M. Vasseur avait bien bordé le système, pour ce qui est notamment de la contribution des agriculteurs à l'entretien du paysage : c'était suffisant, c'était même un peu limite, et il ne fallait pas aller plus loin. Vous, vous faites exploser le système : je crains de graves effets sur les autres acteurs du monde rural. Croyez-vous sérieusement échapper y compris dans vos Pyrénées, Monsieur le ministre, à ces difficultés, qui suscitent déjà les protestations des organisations artisanales ?

Autre problème : vous avez du mal, il faut bien le constater, à imposer à la profession les redéploiements qui seront nécessaires pour financer les CTE. Ces transferts toucheront forcément d'autres crédits nationaux, difficilement préservés jusqu'à présent ; vous allez déshabiller Pierre pour habiller Paul.

M. Joseph Parrenin - Pierre a trop chaud !

M. Patrick Ollier - Pas dans mon pays ! Il est étonnant que vous n'ayez pas prévu ces inconvénients. Pour ma part, je suis inquiet pour l'ICHN. Et quant M. Le Pensec, pressé de questions, a avoué ici, en première lecture, que la DJA serait intégrée dans les CTE, les représentants agricoles présents dans les tribunes ont réagi assez violemment. C'est qu'ils étaient stupéfaits de ce qu'ils entendaient ! Le point est grave : l'essentiel du financement des CTE se fera par redéploiements. Ceux-ci toucheront notamment le FGER. Quand je pense à tous les efforts que nous avons faits, avec M. Vasseur, dans le cadre de ce fonds, à toute l'organisation du travail avec les agriculteurs, il m'apparaît que sa suppression brutale n'est pas de bonne méthode. Qu'il s'agisse des fonds d'installation, des crédits qualité ou de ceux des offices, tout cela va aller financer les CTE. Vous direz que je suis de mauvaise foi ("Non !" et sourires sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste). Merci, Monsieur Leyzour, de reconnaître ma bonne foi. Mais M. Jacob a démontré en première lecture, en brandissant des notes du ministère des finances, que votre budget pour 1999 était en baisse de 6 %. Il n'a jamais été démenti.

M. le Ministre - Bien sûr que si.

M. Patrick Ollier - En ce cas, expliquez-vous avec M. Strauss-Kahn ! Nous sommes prêts à vous soutenir pour que vous obteniez 6 % de plus... Mais vous ne les avez pas. Vous allez donc redéployer des crédits au sein d'une enveloppe globale en baisse. M. Jacob a montré que les zones défavorisées paieraient la note et l'élu montagnard que je suis est inquiet. Pour cette raison, je souhaite que nous reprenions le travail en commission. Vous avez refusé tous nos amendements sur ce problème, obnubilés par la volonté de sortir un texte qui soit seulement le vôtre, ce qui est politiquement ridicule. En acceptant certains amendements de l'opposition, vous pourriez nous rassurer.

Le projet du Gouvernement manque également d'ambition économique. Il est vrai que nous sommes libéraux, et mon groupe n'a cessé de vouloir insérer dans cette loi un volet relatif à la baisse des charges et à la fiscalité. Je ne comprends pas votre obstination sur ce point important, que M. de Courson a analysé avec talent. Comment peut-on faire une loi d'orientation agricole sans ce volet ? Sa seule absence justifie le renvoi en commission. Mme Marre objectait cet après-midi que ce serait une autre loi. Pourquoi ne serait-ce pas cette loi-ci ? Pourquoi cette loi ne ferait-elle pas le pas indispensable sur la baisse des charges et la fiscalité agricole ? Le Sénat a fait des propositions concrètes : vous avez refusé de les entendre. Si, au moins sur ce point, vous faisiez l'effort d'accepter les amendements du Sénat, vous permettriez un consensus sur cette partie du texte, indispensable à une loi d'orientation qui se veut porteuse d'avenir ; car les prochaines générations d'agriculteurs ne s'en sortiront pas sans de semblables mesures.

Vous ignorez superbement ces propositions, mais aussi celles que nous faisons pour des mesures d'incitation à l'installation des jeunes. Ces mesures figuraient déjà dans la charte de l'installation due à Philippe Vasseur.

M. Philippe Vasseur - Le 6 novembre 1995 !

M. Patrick Ollier - Le gouvernement d'Alain Juppé avait en effet de grandes ambitions pour l'installation. Pourquoi refusez-vous d'aller au bout de cette logique ? Sourds à nos arguments comme à ceux du Sénat, vous manifestez votre volonté de rétablir votre texte de première lecture. Non seulement vous refusez le volet fiscal et les incitations à l'installation, mais vous supprimez un article intéressant qui prévoyait un régime fiscal particulier pour les stocks et une déduction pour investissement des exploitations soumises à l'impôt sur les sociétés. Vous supprimez l'exonération des plus-values réalisées lors de la transmission de l'exploitation à un jeune agriculteur. Autant de raisons supplémentaires pour revenir en commission !

Partout vous campez sur vos positions initiales. Si vous n'êtes pas responsable, Monsieur le ministre, de ce qui s'est décidé en commission, vous avez clairement affirmé vos positions au Sénat. Nous verrons ce qu'il en sera ici ; je crains le pire, compte tenu des positions prises par le rapporteur, en rupture avec son attitude habituelle. Nous serions peu étonnés d'apprendre qu'il y a des problèmes au sein de la majorité plurielle, voire, sur certains amendements, avec M. le ministre...

Le texte du Sénat aurait pu constituer un bon compromis. Ainsi, face à l'un des effets pervers possibles du CTE, il mentionne clairement la nécessité d'une concurrence loyale entre les différentes catégories d'actifs ruraux. Mais la CMP, en constatant l'impossibilité de parvenir à un texte commun, a d'emblée mis en évidence vos intentions politiques. Le texte du Sénat explicitait en effet les conditions de représentativité requises pour que les syndicats agricoles siègent dans certains organismes. Ne nous dites pas que votre refus de cette disposition n'est pas une position politique !

M. le Ministre - Alors que la vôtre ne l'est pas... (Rires sur les bancs du groupe socialiste)

M. Patrick Ollier - Non, c'est une position logique : seuls ceux qui sont représentatifs peuvent représenter. Autre chose : le Sénat souhaitait limiter le nombre des syndicats représentés au sein des organisations professionnelles, en ne retenant que les seules organisations syndicales réellement représentatives. Vous décidez, vous, de les considérer, toutes, comme représentatives, au risque de susciter la paralysie des organismes considérés ! Vous n'écoutez ni l'opposition, ni les sénateurs. C'est votre droit ; mais, au moins, écoutez les organisations agricoles ! Ou doit on croire, comme cela a déjà été suggéré, à une volonté de soutenir une organisation que vous savez n'être pas réellement représentative, mais qui se trouve être proche de l'une des composantes de votre majorité ? C'est, alors, une manière de bafouer la démocratie représentative (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Pour des raisons purement politiciennes, vous franchissez un cap qui ne l'avait jamais été ; soyez certains que les réactions ne tarderont pas à se manifester !

La même attitude éminemment politique se manifeste pour l'enseignement agricole. Mais, enfin, la société évolue, acceptez d'évoluer avec elle, et de reconnaître que les établissements d'enseignement peuvent être aidés même s'ils sont privés !

M. François Sauvadet - Très bien !

M. Patrick Ollier - Je comprends que mon propos puisse irriter le rapporteur et le ministre, mais il est de fait que les organisations professionnelles agricoles ont formulé des remarques précises sur de très nombreux articles du texte. M. Parrenin devrait en convenir, puisqu'il l'a dit, lui-même, en commission !

M. Joseph Parrenin - Ces organisations ont demandé que l'on en revienne au texte initial de l'Assemblée !

M. Patrick Ollier - Voilà encore une raison de revenir en commission : pour élaborer un texte consensuel, sur lequel chacun pourra se dire d'accord ! Et puis, élu montagnard que je suis, je me garderai d'oublier les zones défavorisées. Or, Monsieur le rapporteur, Monsieur le ministre, les ICHN sont-ils ou ne sont-ils pas comptabilisés dans les CTE ? Il nous faut une réponse claire !

M. le Rapporteur - Elle viendra !

M. Patrick Ollier - Que de fluctuations sur ce sujet !

"Jamais !" avait dit M. Le Pensec. Mais vous ? Nous vous ferons confiance, mais donnez-nous une réponse précise !

Je remercie par ailleurs Monsieur le rapporteur d'avoir admis le principe d'une organisation interprofessionnelle spécifique "montagne". Il faudra faire aussi bien pour les ICHN, car la menace d'intégration dans les CTE est réelle, on le sait : Bercy ne lâchera pas ! Nous sommes prêts à vous aider, mais encore le texte doit-il être clair !

Il faut, aussi, revoir la question de la pluriactivité et définir sinon un statut au moins des dispositions assez précises pour résoudre les problèmes que vivent, année après année, 42 départements français. A quand la caisse-pivot ?

M. le Rapporteur - C'est fait !

M. Patrick Ollier - Elles ne sont que facultatives et aussi longtemps qu'elles le demeureront, le système ne fonctionnera pas. Il faut faire preuve d'autorité !

Et puis le vide économique de votre texte se traduit aussi par la disparition de l'idée de libre-entreprise. Le Sénat avait pourtant souhaité soutenir les entreprises agricoles et, pour cela, il avait complété le texte avec diverses dispositions fiscales ciblées. Tout cela, vous l'avez fait disparaître. Dans ces conditions, l'avenir des CTE paraît très compromis, et celui de nos agriculteurs, très difficile. Mais vous avez encore le temps d'accepter nos propositions...

Enfin, votre texte n'est pas encore voté qu'il est déjà dépassé. Quoi qu'en ait dit Mme Marre, il n'est pas adapté à la nouvelle PAC. Un dispositif d'aide constitue-t-il une LOA à lui seul ? Permettez-moi d'en douter. En revanche, cette loi est, par bien des aspects, liée à la définition de la politique européenne. Il n'est donc pas sérieux de la faire voter avant l'adoption définitive de la PAC révisée. Mon collègue Vasseur n'a eu d'autre réponse à sa remarque sur ce point qu'une démonstration d'équilibrisme de Mme Marre, dont on ne peut se satisfaire.

Pour toutes ces raisons, je demande à notre Assemblée de voter le renvoi en commission. Je sais la qualité du travail des commissaires, M. Leyzour compris. Nous avons cru, un moment, être d'accord, et je salue l'excellent travail du rapporteur. Mais il ne pouvait se battre, seul, contre sa majorité et le ministre...

M. le Rapporteur - Ils veulent ma peau !

M. Patrick Ollier - Mais non, nous voulons vous sauver !

L'intransigeance du Gouvernement est manifeste. Ce n'est pas le ministre que je mets en cause : je suis certain que s'il avait été mieux préparé, ce texte serait meilleur (Sourires). Mais vous avez hérité d'un projet qui n'était pas bon. Pourquoi, alors, ne pas nous accorder les 3 ou 4 semaines qui nous seraient nécessaires pour l'améliorer ? En l'état, il se caractérise par une volonté de sur-administration et l'on ne peut prétendre qu'il ait franchi avec succès les filtres de l'analyse parlementaire en commission.

Ce manque de vision d'avenir n'a d'égal que le manque de préparation -dont vous n'êtes pas davantage responsable- de la négociation de la nouvelle PAC. J'ai entendu des choses stupéfiantes ! Mais je suis honnête, et je rends hommage à votre pugnacité : vous vous êtes battus, mais il vous aurait fallu un an, sinon deux, pour préparer cette révision comme il convenait et pour gagner un tel combat ! Il est heureux que le Président de la République ait été là pour vous faire passer l'obstacle de Berlin ! Il n'est pas choquant de reconnaître ici que c'est le Président de la République qui a permis de sauver l'essentiel à Berlin. Je rends hommage à l'action du Gouvernement mais je souhaiterais que vous reconnaissiez, à votre tour, que le pire a été évité grâce à Jacques Chirac.

S'agissant de ce projet de loi d'orientation, l'opposition considère que, pour éviter là aussi le pire, il convient de poursuivre le débat et de revoir le texte, notamment pour l'adapter à la nouvelle donne européenne et éviter que notre agriculture ne glisse de manière irréversible vers une sur-administration inacceptable. Pour toutes ces raisons, je vous invite à voter le renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. le Ministre - Monsieur Ollier, j'ai beaucoup apprécié votre intervention qui m'a fait rire. J'ai notamment apprécié votre numéro de vierge effarouchée et de Sainte-Nitouche... Comme si le dogmatisme était de notre côté et l'ouverture d'esprit du vôtre, vous, qui seriez les victimes expiatoires du sectarisme de la majorité et du Gouvernement.

Vous avez approuvé des amendements du rapporteur. Je m'en félicite. J'ai approuvé des dizaines d'amendements du Sénat. Preuve, s'il en était besoin, que l'ouverture d'esprit n'est pas seulement de votre côté. Quant au débat, il se poursuit et se poursuivra le temps qu'il faudra pour examiner chaque article de façon approfondie. Vous n'en serez pas frustré, rassurez-vous.

Vous n'avez pas rechigné devant la caricature, Monsieur Ollier. D'un côté, les défenseurs de la production, vous ; de l'autre, des bureaucrates qui voudraient instituer des jardiniers de l'espace, nous. Mais telle n'est pas la réalité. Nous considérons nous aussi que l'agriculteur est et doit rester un producteur. Nous cherchons simplement à faire reconnaître dans ce texte la multifonctionnalité de l'agriculture qui doit être rémunérée à son juste prix pour son utilité sociale.

Pour ce qui est du CTE, il s'agira bien d'un contrat, forme moderne de l'expression de la responsabilité. Pourquoi craindre qu'on force les agriculteurs à signer un CTE ? Ils resteront libres de contracter ou non. Je pense, pour ma part, qu'ils seront nombreux à en signer, surtout si nous avons su rendre le dispositif attractif.

Vous fondez votre raisonnement sur l'entreprise. Comme si au fond de nos campagnes, les agriculteurs cherchaient seulement à être reconnus en tant qu'entrepreneurs ! Plaisanterie ! Et si je vous disais Chiche ! Il faudrait en tirer toutes les conséquences en matière fiscale et l'égalité de traitement, si chère à M. de Courson, imposerait d'assujettir les exploitations à l'impôt sur les sociétés ou à la taxe professionnelle. Ne jouons donc pas avec le feu ! Cela risquerait de se retourner contre ceux-mêmes que vous souhaitez défendre.

Permettez-moi de terminer par une anecdote. En 1984, alors que la production laitière était en crise, le Président de la République de l'époque a accepté l'instauration de quotas laitiers. Tous alors, M. Jacob le premier à la tête de son syndicat, avez hurlé au loup et dénoncé une prétendue "fonctionnarisation" de l'agriculture. Que de protestations les élus de la majorité n'ont-ils pas alors entendues ? Or, quinze ans après, ce sont les mêmes qui nous disent : "Touche pas à mes quotas". Monsieur Ollier, je prends le pari que ceux qui dénoncent aujourd'hui le CTE nous diront dans quinze ans : "Touche pas à mon CTE" (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Rapporteur - J'ai écouté tous les orateurs sans les interrompre. C'est un principe chez moi. Or j'ai le sentiment que certains ont interprété ma capacité d'écoute comme une compromission qui me créerait des difficultés avec la majorité. Ce n'est pas parce que je suis sensible à certains arguments comme la nécessité d'adjoindre un volet social à la loi d'orientation agricole ou de prendre en compte la spécificité de la montagne que je suis en désaccord avec la philosophie de ce texte et les outils qu'il propose.

Il semble qu'il y ait trois catégories d'opposants à ce texte. Tout d'abord, ceux qui, comme M. Jacob, sont farouchement opposés à ce texte depuis le départ, comme ils n'ont cessé de le répéter... mais qui viennent ici nous dire qu'ils auraient pu le voter si nous avions suivi le Sénat ou adopté leurs amendements. Ensuite, ceux qui, comme M. Vasseur, considèrent que c'est une bonne loi -dont ils apprécient plusieurs mesures- mais que ce n'est pas celle qu'ils voulaient, d'autant qu'ils avaient pu à un moment en proposer une autre qui avait fait croire tout et son contraire à l'opinion. Enfin, ceux qui, comme M. Sauvadet, pensent dans leur for intérieur que c'est une bonne loi mais qui par souci d'alliance ou par crainte des futures échéances électorales, se voient contraints d'en rajouter. Monsieur Sauvadet, n'écriviez-vous pas dans un grand quotidien de Bourgogne de 1984 que le député de la 5ème circonscription de Côte-d'Or se trompait et qu'il fallait laisser aux agriculteurs le droit de produire ? Or vous invoquez aujourd'hui la maîtrise de la production. Nous, nous sommes plus cohérents. Quinze ans après, nous sommes toujours pour la maîtrise de la production qui, seule, permet aux agriculteurs de vendre leur production à un prix convenable.

Le rapporteur que je suis continuera de vous écouter. Rassurez-vous, il est en cohésion avec sa majorité. Jaurès disait : "Quand l'opposition m'applaudit, je me demande quelle bêtise j'ai pu dire". Permettez-moi de m'en inspirer et de m'attacher à réparer les bêtises que j'ai pu dire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Michel Grégoire - Nous sommes surpris par ces trois motions de procédure en deuxième lecture. Que de cinéma ! Les arguments manqueraient-ils et chercheriez-vous à faire durer un débat où vous ne faites d'ailleurs que réaffirmer votre ultralibéralisme ?

Vous reprochez à ce texte d'être idéologique. Pourquoi ne le serait-il pas ? Débattre de l'avenir de l'agriculture et du monde rural, c'est une forme d'idéologie.

Vous criez à la bureaucratie. Mais un contrôle minimal est tout à fait légitime dès lors qu'il s'agit de fonds publics.

Vous avez parlé des charges. Dois-je rappeler que dans les départements et les régions, ce sont les socialistes qui ont proposé l'exonération de la taxe sur le foncier non bâti ?

Nous n'avons pas tout obtenu à Berlin. Cette loi peut encore servir de levier pour convaincre nos partenaires européens.

Cette loi peut aussi être utile pour convaincre nos partenaires européens qu'il est possible d'aller vers le développement rural. Mais on n'obtient rien sans conviction.

Je ne comprends pas l'intérêt politique à s'opposer à un texte novateur. Il mérite le consensus sur l'essentiel. Les agriculteurs espèrent beaucoup du CTE. Nous le finançons. Ce texte aborde aussi les retraites, le pluralisme, la transparence, la revitalisation de l'espace rural. Il parle d'avenir. Que le ministre reste calme, sûr de lui et tourné vers le dialogue. Ainsi nous ferons avancer notre agriculture (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. François Sauvadet - Je suis vraiment étonné du numéro auquel nous venons d'assister. Le rapporteur se sent obligé de donner des gages à la majorité simplement parce que nous avons reconnu son pragmatisme. C'est une grande vertu que nous vous recommandons, Monsieur le ministre. Je comprends les difficultés de M. Patriat car il est proche du terrain, il en sait les espérances et aussi les inquiétudes, surtout après un budget de l'agriculture qui, d'après les documents, -baisse de 6 %. Vous démentez souvent mais les faits sont têtus.

Il faut que nous abordions ce débat sans anathème ni procès d'intention. Nous avons exprimé des inquiétudes. Depuis le début du débat, vous avez démenti, tenté de rassurer, mais vous n'avez pas répondu à nos questions pour éviter qu'une formidable espérance ne tourne à la déception. D'ailleurs, qu'on ne joue pas trop avec cette espérance car il n'y a pas de miracle à attendre du CTE. Le contexte financier est délicat. Avec le deuxième pilier il y a une sorte de renationalisation de l'aide européenne, Mme Marre l'a évoqué. Elle sera chargée d'une mission sur le volet fiscal qui manque à cette loi. Attendez son rapport, et rencontrez d'autres partenaires. Pour nous en laisser le temps, nous voterons le renvoi en commission. J'espère en tout cas que vous répondrez clairement à nos questions, qui sont celles que se posent les agriculteurs (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. André Angot - M. Ollier a souligné les carences de ce texte, le refus d'entendre l'opposition en commission, le mépris pour ses arguments. Il a dit les risques de bureaucratisation. Bientôt on fera plus d'agriculture dans les DDA que dans les campagnes. Les agriculteurs feront concurrence aux commerçants et artisans dont nos zones rurales ont besoin. Il manque à ce texte un volet fiscal et social. Mais par parti-pris idéologique, vous sanctionnez l'enseignement agricole privé. On ne trouve ici aucune vision sur les retraites agricoles. Votre prédécesseur, qui s'est réfugié au Sénat avait promis qu'il exigerait qu'elles soient à 75 % du SMIC en fin de législature. Mais il avait refusé mes amendements en ce sens.

On ne sait trop que sur le financement des CTE et il y a un risque de transfert de crédits.

Les agriculteurs n'ont pas confiance dans votre politique agricole, comme le montre la baisse du nombre d'installations en 1998. Ce texte est incomplet, inadapté, dangereux même et avant tout idéologique, n'en déplaise au rapporteur qui a été rattrapé par son parti.

Il n'a aucune ambition pour le monde agricole. Avec plus de dialogue, il pourrait être amélioré. Pour y parvenir, le groupe RPR votera le renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF).

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin jeudi 8 avril, à 9 heures.

La séance est levée à 0 heure 55.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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