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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 91ème jour de séance, 229ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 5 MAI 1999

PRÉSIDENCE DE M. Arthur PAECHT

vice-président

          SOMMAIRE :

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE (nouvelle lecture) 1

    EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 5

    QUESTION PRÉALABLE 9

La séance est ouverte à neuf heures trente.


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AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE (nouvelle lecture)

M. le Président - M. le Premier ministre m'informe que la commission mixte paritaire n'ayant pu parvenir à l'adoption d'un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, le Gouvernement demande à l'Assemblée nationale de procéder, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, à une nouvelle lecture du texte.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de ce projet de loi.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - Après un débat riche, l'Assemblée avait adopté en première lecture un texte dont je m'étais félicitée.

Les sénateurs l'ont profondément modifié sans retenir les arguments que j'ai développés pour en défendre la cohérence, et malgré une grande disponibilité à écouter leurs propositions.

Bien entendu, je ne rejette pas tout ce qu'ont fait les sénateurs. Ils ont insisté sur la finalité humaniste de la politique d'aménagement du territoire ; je partage complètement cette philosophie. Ils ont aussi précisé les modalités d'association des départements à l'élaboration et à la mise en oeuvre de cette politique, les conditions d'intervention du Parlement dans sa définition et son contrôle et les modalités de prise en compte des politiques européennes. Ce fut aussi l'occasion de débattre largement sur les pays et les agglomérations ainsi que sur l'évolution des services dans les territoires les plus en difficulté.

Mais au-delà de ces contributions utiles, le Sénat a bouleversé l'esprit du texte, en contradiction avec la volonté que vous avez exprimée.

Ainsi, il a remplacé les schémas de services collectifs par des "schémas directeurs d'équipements et de services", qui sont une version à peine revue des schémas sectoriels de la loi du 5 février 1995. Or il s'agit là d'une vision trop exclusivement "équipementière", à laquelle nous avons préféré une planification territoriale moderne pour répondre aux besoins des populations en services collectifs;

Ainsi, dans la version du Sénat, le schéma de l'enseignement supérieur et de la recherche concerne les seuls établissements avec pour seuls objectifs l'emploi et le développement économique. Celui de la culture n'évoque plus l'égal accès aux biens et services culturels et à la diversité de l'art et de la culture. Celui de la communication s'apparente à un schéma d'équipement. Ceux des transports reviennent à une logique de l'offre. Celui des espaces naturels et ruraux supprime les références à la protection de l'environnement et à la préservation des ressources naturelles.

Le Sénat a réduit les pays à une institution intercommunale en les dépouillant de toute capacité d'organisation et d'animation propre. Vous aviez, vous, imaginé une constitution progressive, autour des chartes de pays.

Le Sénat a affaibli la cohérence entre les dispositions relatives aux agglomérations et le "projet de loi sur le renforcement de l'organisation urbaine et la simplification de l'intercommunalité", en supprimant le seuil de population, les conseils de développement. Disparaît aussi l'engagement de se constituer en communautés urbaines et communautés d'agglomérations dotées des compétences et de solidarité fiscale à l'échéance des contrats de plan ou des délais prévus par le projet de loi intercommunalité, comme est remis en cause le principe de libre administration des communes et le caractère contractuel de leur relation avec la région et le département.

De même les dispositions financières en faveur des milieux naturels ou des zones de revitalisation rurales ont été bouleversées, celles relatives aux fonds régionaux pour l'emploi et le développement supprimées.

Enfin, concernant les collectivités chefs de file ou l'intervention économique des collectivités locales, le Sénat a avancé des propositions certes intéressantes mais difficiles à intégrer. Comment en effet priver les régions de compétences majeures dans la contractualisation avec l'Etat ?

Tout en prenant en compte le cas échéant les précisions ou améliorations qu'a pu formuler le Sénat, je souhaite donc revenir à un texte proche de celui que vous avez adopté en première lecture.

Il s'agit de réviser la loi de 1995 pour inscrire l'aménagement du territoire dans une perspective de développement durable, donnant la priorité à l'emploi et au renforcement de la solidarité nationale et territoriale, conformément à l'engagement du Premier ministre.

Un ensemble de textes y concourent, le projet de loi d'orientation agricole, le projet relatif au renforcement de l'organisation urbaine et de simplification de l'intercommunalité, qui vous sont soumis, celui de M. Zuccarelli sur l'intervention économique des collectivités locales et de Mme Le Branchu pour les petites et moyennes entreprises que vous examinerez en fin d'année.

Rappelons brièvement les grands axes de ce projet.

L'aménagement du territoire doit être placé dans une perspective de développement durable.

Le développement durable, c'est d'abord une conception patrimoniale du monde, celle d'un patrimoine collectif à utiliser sans nuire aux générations futures. C'est vrai pour l'eau, l'air, les sols, les paysages, ce l'est aussi pour les modes de développement. Une croissance économique qui ne permettrait pas de réduire les phénomènes d'exclusion sociale, la concentration des richesses et des activités peut-elle réellement être considérée comme durable ?

Le développement durable garantit à la fois le progrès économique, social et la préservation de l'environnement. Ainsi dans la négociation des prochains contrats de plan Etat-régions, faut-il adopter une méthode commune permettant de ne pas retenir les projets d'investissement, la création de telle ou telle infrastructure sans un examen de toutes les solutions alternatives, examen a priori, car trop souvent la concertation revient à demander l'avis à la population après que les décisions ont été prises.

Il faut aussi recourir plus qu'on ne le fait aujourd'hui à des experts indépendants qui donneront un avis contradictoire afin d'éclairer les décideurs. De même, c'est au moment où l'on arrête des décisions qu'il faut définir des indicateurs pertinents d'évaluation et de suivi afin de s'assurer du respect des principes de précaution, de prévention et de responsabilité. Cette méthode et ces principes seront d'autant plus efficaces que, dans les régions, on associera les citoyens, sous des formes adaptées, aux prises de décisions.

L'emploi est désormais un des critères d'appréciation majeur dans le choix des investissements publics. La politique d'aménagement du territoire y contribuera en encourageant la création d'emplois sur tout le territoire, et en évitant la concentration et la spécialisation excessive.

Pour ne condamner aucun espace, il faut non seulement recourir aux discriminations positives dans le zonage, mais aussi veiller à ce que les financements croisés ne profitent pas en priorité aux collectivités les plus riches. Enfin, il convient d'attirer les investissements étrangers.

L'aménagement du territoire doit aussi favoriser une société plus juste et plus solidaire. N'ajoutons pas les injustices territoriales à l'injustice sociale.

Compenser les handicaps ne suffit pas. Chaque territoire doit pouvoir utiliser toutes ses potentialités. Il faut pour cela définir et soutenir les actions structurelles propres à améliorer le dynamisme des régions. Si les écarts de revenu semblent se réduire, en fait les écarts de richesse réelle et de pouvoir de décision s'accroissent. Je pense en particulier à la nécessité de poursuivre le rééquilibrage entre l'Ile-de-France et les autres régions. Si l'Ile-de-France perd des emplois industriels, il serait abusif d'en conclure à sa désindustrialisation : la valeur ajoutée industrielle de l'Ile-de-France croît plus vite qu'en moyenne nationale. Le phénomène pose des problèmes d'emplois aux moins qualifiés, voire de chômage dans certains secteurs, mais cela ne justifie aucunement de ralentir l'effort de rééquilibrage.

Le développement durable doit valoriser les ressources. Une politique d'aménagement du territoire doit privilégier les "zonages" de projet que sont les agglomérations, les pays, les parcs naturels, sans se contenter des discriminations fiscales ou budgétaires traditionnelles. Ces zonages doivent en outre être considérés à l'échelle nationale et européenne. Le meilleur moyen de freiner la concentration de la population et de l'activité est de permettre aux territoires ruraux et urbains de moyenne importance de se doter d'un projet reconnu fondé sur les ressources, les expériences et les initiatives locales et de créer des réseaux susceptibles d'offrir une meilleure qualité de service et de vie. A cet égard, "désenclaver" un territoire avant qu'il n'ait un tel projet a souvent pour effet de renforcer l'attraction des pôles les plus importants.

Il s'agit aussi de favoriser l'intégration de la France à une Europe élargie.

La construction européenne est riche d'opportunités, mais aussi de menaces pour notre pays. L'opportunité de participer à l'un des ensembles économiques et politiques les plus puissants et les plus stables du monde constitue une chance appréciable. Mais le centre de gravité de cet ensemble se déplace vers l'Europe médiane, et notre pays doit veiller à ne pas être marginalisé. Nos régions atlantiques et méditerranéennes doivent être des atouts dans une stratégie de croissance française pensée à l'échelle internationale.

Ce projet offre l'occasion d'affirmer nos ambitions dans ce domaine, à quelques jours du conseil informel des ministres de l'aménagement du territoire de l'Union, qui devrait adopter le schéma de développement des espaces communautaires. L'aménagement du territoire n'étant pas une compétence communautaire, ce schéma ne sera qu'un cadre de référence, mais son adoption devrait être suivie de rencontres régulières des ministres concernés.

Il ne suffit pas de fixer des objectifs, il faut aussi en indiquer les moyens. Je propose une démarche pragmatique, qui n'implique pas de bouleverser l'organisation administrative du pays, de supprimer des collectivités locales ou de redéfinir leurs compétences. Certains le regretteront, d'autres trouveront que nous allons trop loin.

La méthode que je vous propose se fonde sur le triptyque : un projet, un territoire, un contrat. Un projet partagé doit être à l'origine de tout, car l'aménagement du territoire ne se décrète pas, le développement local n'existe pas sans volonté locale, et tout ne saurait être organisé par une autorité centrale. Autour de ce projet, traduit dans une charte de pays ou d'agglomération, s'organiseront les nouveaux espaces de l'action locale et se développeront les dynamiques territoriales. Je préfère l'incitation à la proclamation ou aux démarches technocratiques. Les pays et les agglomérations naîtront des projets élaborés par des acteurs locaux ayant envie de travailler ensemble, du contrat qu'ils passeront entre eux et avec l'Etat, et non de découpages administratifs établis sur des bases statiques. Enfin, un contrat, signé dans le cadre des contrats de plan Etat-régions, coordonnera l'action des partenaires et définira les moyens à mettre en oeuvre.

Le texte que vous avez adopté en première lecture traduisait cette vision de la politique d'aménagement du territoire : il faut y revenir. C'est ce que propose pour l'essentiel votre commission. Elle a pris en compte quelques évolutions qu'a apportées la discussion au Sénat, et que le Gouvernement est prêt à examiner attentivement. Je citerai la publicité des débats du CNADT, la valorisation du bénévolat des acteurs associatifs, la possibilité pour les collectivités locales de mettre en place des réseaux de télécommunication à haut débit, ou la reconnaissance des comités d'expansion et agences de développement.

Plus significativement, votre commission reprend l'idée d'un nouveau schéma de service collectif du sport, qui rencontre l'intérêt du Gouvernement. Elle propose l'adoption des schémas de services collectifs par un décret unique, dont il faut mesurer l'intérêt mais aussi les inconvénients. Elle renforce les dispositions relatives à l'implantation territoriale des services publics en secteur rural ou urbain défavorisé. Elle rétablit l'évaluation de la faisabilité de fonds régionaux pour l'emploi et le développement. Elle récrit enfin les dispositions relatives aux pays et aux agglomérations conçus comme des territoires de projets.

Votre commission propose de supprimer les dispositions introduites par le Sénat qui dénaturent le projet, notamment sur le contenu des schémas de services collectifs, et spécialement ceux des transports. Elle rejette également les articles relatifs au code de l'urbanisme ou aux interventions économiques des collectivités locales, qui font l'objet de textes en préparation par le Gouvernement, ainsi que les dispositions relatives aux zonages, qui feront l'objet d'un examen d'ensemble à la fin de cette année, dans un cadre européen désormais connu dans ses grandes lignes.

Sur cette base, je crois possible de définir une politique d'aménagement du territoire qui privilégie le projet et le contrat sur la réglementation, et qui trace le chemin d'un développement économique plus conscient de ses responsabilités et dont les fruits soient mieux partagés. (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Philippe Duron, rapporteur de la commission de la production - La CMP, réunie le 6 avril au Sénat, a dû constater un désaccord sur des dispositions essentielles, voire sur l'esprit même du projet. Le Sénat n'a adopté sans modification que sept articles de notre texte ; il en a supprimé neuf, et profondément modifié beaucoup d'autres. Il a en outre adopté quarante-deux articles nouveaux. Globalement, il a de l'aménagement une approche défensive, centrée sur les seules zones en difficulté, ce qui traduit un retour à l'esprit de la loi du 4 février 1995 que le projet entend précisément modifier. Alors que la majorité de l'Assemblée a soutenu une approche novatrice de l'aménagement, le Sénat est revenu à une logique de zonage et d'offre équipementière dont le passé a pourtant montré les limites.

Il a toutefois apporté quelques améliorations réelles. Ainsi la reconnaissance législative des agences de développement et des comités d'expansion économique, auxquels votre commission proposera d'ajouter les comités de bassin d'emploi. Par ailleurs, l'introduction d'un schéma directeur des équipements et services sportifs est une avancée, qui complète utilement les huit schémas de services collectifs créés par le projet. Mais la rédaction du Sénat n'est pas satisfaisante : calquée sur le schéma des équipements culturels de la loi de 1995, elle n'est pas compatible avec la logique des schémas de services collectifs. Votre commission proposera une autre rédaction, plus orientée vers la participation des activités sportives à la cohésion sociale et à la structuration du territoire.

Malgré ces points positifs, les conceptions de l'aménagement du territoire des deux assemblées restent fort éloignées. Le Sénat a ainsi remis en cause les instruments essentiels qu'introduit le projet : les schémas de services collectifs, qu'il a rebaptisés schémas directeurs d'équipements et de services. L'effort de synthèse entre la loi de 1995 et le présent projet peut paraître louable ; mais à la lecture il apparaît que les services s'effacent derrière les équipements. On le voit bien en matière de transports, où le Sénat revient à des schémas unimodaux d'infrastructures. Enfin le Sénat a retenu le principe de la validation de ces schémas par une loi portant schéma de synthèse : voilà qui ressemble fort au schéma national dont on a souligné, en première lecture, les difficultés de mise en oeuvre par l'ancienne majorité. Votre commission vous proposera donc sur ce sujet de revenir à notre texte de première lecture.

L'architecture des territoires d'action que dessine le projet doit permettre une véritable recomposition de notre pays. Cette approche, aspect essentiel du projet, a été considérablement affaiblie par le Sénat. Pour ce qui est des pays, il a supprimé tous les éléments de souplesse introduits, presque à l'unanimité, par l'Assemblée. Ainsi supprime-t-il la distinction entre périmètre d'étude et périmètre définitif, le conseil de développement, ou encore la possibilité pour le pays de constituer un GIP de développement local. Sur cet article 19, la commission proposera donc de rétablir, en le précisant, le texte de l'Assemblée.

Pour les agglomérations, le Sénat a porté le seuil de population à 20 000 habitants, alors que la cohérence avec le projet Chevènement commande qu'on le maintienne à 5 000. Il a également supprimé le conseil de développement de l'agglomération, et l'obligation pour celle-ci de se constituer en OPCI à taxe professionnelle unique à l'échéance de son premier contrat avec l'Etat, autre convergence avec le projet sur l'intercommunalité. Ici encore votre commission proposera, tout en apportant quelques précisions, de rétablir le texte de l'Assemblée.

Le renforcement de la démocratie participative, autre nouveauté introduite par le projet du Gouvernement, et une présence plus forte des acteurs économiques, sociaux, associatifs, doit permettre aux Français de mieux s'approprier les territoires de leurs projets, en renforçant la légitimité. Le Sénat a supprimé ces dispositions, de même que certaines mesures relatives au maintien des services publics : je pense à l'introduction du service universel postal avec la transposition de la directive, défendue par M. Pierret, et aux Maisons de services publics que nous a présentées M. Zuccarelli. Tout ceci conduira votre commission, sur de nombreux articles, à proposer le retour au texte de l'Assemblée, sous réserve d'améliorations rédactionnelles.

Un point introduit par le Sénat devrait susciter un débat, comme ce fut le cas en commission : c'est la possibilité pour les collectivités locales d'intervenir dans le secteur des télécommunications. Le droit actuel étant incertain sur ce point, il importe d'adopter des dispositions claires. Un amendement de la commission tend à préciser et encadrer l'intervention des collectivités dans ce domaine.

Par ailleurs le Sénat a repris, à travers dix amendements, l'intégralité d'une proposition de loi tendant à favoriser la création et le développement d'entreprises sur le territoire. Si chacun est convaincu qu'il faut doter les collectivités locales d'outils économiques efficaces, la méthode choisie n'a pas paru opportune à votre commission. Il est nécessaire en revanche que le Parlement soit rapidement saisi du projet de loi sur les interventions économiques des collectivités territoriales.

Ce projet constitue une chance réelle pour nos territoires face aux enjeux de l'avenir. Il nous appartient d'en rétablir l'esprit, tout en continuant à l'enrichir, comme en première lecture (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. Philippe Douste-Blazy et des membres du groupe UDF une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. François Sauvadet - Si nous avons choisi à nouveau, pour cette seconde lecture, de déposer des motions de procédure, je vais en préciser le sens. Pour l'UDF et l'opposition, c'est d'abord l'occasion de redire notre inquiétude sur ce projet de loi et sur la méthode que vous avez adoptée pour sa préparation. Un regret d'abord : que le rapporteur ait affiché d'emblée en commission la volonté d'en revenir au texte initial, en balayant les apports du Sénat et ceux de l'opposition, qui s'inscriraient selon lui dans une logique défensive.

En première lecture, Madame le ministre, vous aviez critiqué l'utilisation de moyens de procédure ; or précisément, nous reprochons au Gouvernement d'abuser de la procédure d'urgence. Il l'a appliquée à deux textes pourtant marqués par la durée : le projet de loi d'orientation agricole, puis ce projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, destiné à fixer la direction à prendre pour les vingt ans à venir, et sur lequel le Parlement n'aura disposé que de trois mois. Je déplore qu'il n'ait pas fait l'objet d'une concertation suffisante, d'un vrai débat dans le pays et avec les élus locaux qui, placés devant un maquis inextricable de responsabilités, attendent de nous une simplification en même temps qu'une véritable ambition pour le territoire.

De même, nous regrettons que le Gouvernement ait été conduit à déposer des amendements d'importance au cours de la première lecture : le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation est venu évoquer les maisons de services publics, le secrétaire d'Etat à l'industrie a proposé la transposition de la directive européenne sur les services postaux... La commission supérieure du service public des postes et télécommunications a elle-même dénoncé la méthode. C'est à juste titre que le Sénat avait proposé qu'une loi d'orientation postale intervienne dans un délai de six mois, d'autant que le problème ne concerne pas seulement la distribution du courrier ; il s'agit, au-delà, de l'organisation des services rendus au public.

Nous avons également souligné à plusieurs reprises le risque d'incohérence des trois textes concernant l'aménagement du territoire que nous sommes appelés à examiner : outre celui-ci, celui, déposé par le ministre de l'intérieur, relatif au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale et celui que défendra M. Zuccarelli sur les interventions économiques des collectivités territoriales, prévu à l'automne. D'ailleurs, le rapporteur a lui-même considéré que ce dernier devrait être présenté au plus tôt. D'ores et déjà, il a dû mettre l'article 20 en cohérence avec la définition de l'agglomération retenue dans le projet relatif à la coopération intercommunale. Tout cela ne donne pas une idée claire de l'action du Gouvernement en matière d'aménagement du territoire.

En outre, ce projet est examiné au moment où les contrats de plan sont renégociés et où les négociations difficiles avec nos partenaires européens sur l'agenda 2000 viennent d'aboutir. Comment comptez-vous appliquer l'accord de Berlin ? Qui sera éligible aux trois nouveaux objectifs des fonds structurels ? Qu'adviendra-t-il des zones PAT ? Où et comment se déroule la concertation ? Nous avons besoin de précisions, car ce n'est pas de matière grise que nous manquons dans nos territoires, mais de moyens pour conduire nos projets. Le taux de consommation des crédits européens ne prouve rien car il résulte surtout de lourdeurs administratives.

Vous avez déclaré devant nous que la politique du Gouvernement en matière d'aménagement du territoire ne se juge pas à l'aune des crédits accordés au travers du FNADT ou des primes d'aménagement du territoire. Nous ne sommes pas de cet avis : des moyens financiers suffisants sont nécessaires pour accompagner les projets de développement, en particulier dans les zones rurales et dans les quartiers les plus fragiles.

S'agissant du volet structurel de l'agenda 2000, il faut rappeler que les fonds structurels représentent neuf fois le budget de l'aménagement du territoire. Entre 1994 et 1999, la France a bénéficié de 16,5 milliards de francs par an. Qu'en sera-t-il à l'avenir ? Nous sommes attachés, en la matière, tant au rôle du Parlement qu'au dialogue avec les collectivités territoriales ; comment préparer des contrats de plan sans savoir quelles seront les zones retenues, quels seront les projets éligibles ?

Autre problème de méthode : avant même que la loi soit votée, nous avons vu arriver sur nos bureaux des schémas de services collectifs... C'est dire la limite de l'exercice parlementaire que vous nous proposez. Nous aurions d'ailleurs souhaité que ces schémas soient soumis au Parlement, auquel vous refusez des droits que vous revendiquez pour les associations dans les territoires, sans même vous assurer de leur représentativité.

Sur le fond, si la CMP a échoué, c'est qu'il y a des divergences profondes entre nous ; mais pourquoi revenir au texte initial sans prendre en compte les arguments que nous avons développés ?

Ils s'articulent autour de plusieurs idées forces, à commencer par la nécessité de simplifier et de clarifier les compétences. Nous n'avons absolument pas avancé dans cette voie ; ce texte risque au contraire d'ajouter à la complexité.

Votre majorité a refusé en commission les amendements qu'Yves Coussain, au nom de l'UDF, avait déposés, précisant qu'une loi devrait intervenir avant le 1er janvier 2001 pour clarifier les compétences des collectivités territoriales. Elle a repoussé également l'amendement du Sénat sur la notion de chef de file.

Nous avions par ailleurs demandé un droit à l'expérimentation, et insisté sur la nécessité de renforcer la souplesse dans la définition des espaces de projets, de continuer à équiper le pays, en évitant d'opposer équipements nouveaux et services.

La commission a rejeté également l'idée du Sénat d'un schéma de synthèse, qui aurait permis de mettre en cohérence les actions d'aménagement sur notre espace national.

En outre, la commission a renvoyé à un prochain projet de loi l'aspect économique, sur lequel a travaillé le Sénat. Pourtant nous aurions pu trouver un accord sur la notion de schémas de services et d'équipements, tels que proposés par le Sénat. Mais vous avez souhaité rester sur une logique que nous ne partageons pas, sur au moins deux points : d'une part, la priorité n'est pas mise sur la poursuite de l'effort d'équipement dont la nation a besoin, d'autre part, ces schémas ne seront pas soumis au Parlement.

Ce n'est pas en utilisant les équipements existants qu'on règlera le problème de l'avenir de nos territoires, mais en réfléchissant à des offres nouvelles de service.

Je pense bien sûr aux transports, aux autoroutes, aux trains à grande vitesse, à la voie d'eau, qu'il faut, bien sûr, combiner et qui sont des facteurs importants d'aménagement, au même titre que les services de proximités ou l'accès aux technologies nouvelles. La proposition du Sénat d'adopter des schémas directeurs d'équipement et de services pouvait répondre à cette préoccupation. On peut équiper tout en restant très attentif aux questions environnementales. Et recourir au décret pour l'adoption des schémas de services revient de fait à exclure le Parlement des choix d'aménagement du territoire.

Tous les amendements que nous avons déposés et que le Sénat a repris et enrichis, vous les avez balayés en affichant une vision de l'aménagement du territoire qui oppose services et équipements, ville et campagne, en qualifiant de ruralo-ruraliste la loi de 1995, en manifestant la volonté de réorienter la politique d'aménagement du territoire vers les villes, en parlant de vision défensive quand on vous dit qu'il faut renforcer les territoires fragiles. Comme si la France était aujourd'hui suffisamment équipée et comme si ce n'était pas d'abord à ces territoires fragiles qu'il fallait consacrer des moyens !

M. Patrick Ollier - Très bien !

M. François Sauvadet - On ne fera pas une bonne politique d'aménagement du territoire sans un traitement équilibré : nous avons des quartiers urbains fragiles et des zones rurales qui le sont tout autant, des espaces à protéger, mais aussi à équiper. Votre conception de l'aménagement tend à confiner villes et campagnes dans des rôles distincts : aux uns l'activité, aux autres les milieux à préserver (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). La loi de 1995 avait au moins un mérite, c'est de considérer que les territoires ont un avenir pour peu qu'on mette des outils à leur disposition : fiscalité dérogatoire, zones de revitalisation rurale et zones franches, pacte de relance de la ville et moratoire, schéma d'équipement.

Mais depuis deux ans vous n'avez pas utilisé la palette qui vous était offerte et, sur de nombreux aspects, votre loi remet à demain ce que vous auriez dû entreprendre hier.

Le rapporteur, suivant en cela le Gouvernement, a d'ailleurs renvoyé à une prochaine loi le volet économique proposé par le Sénat, c'est-à-dire les dispositions visant à renforcer l'activité et l'emploi : création de fonds communs de placement de proximité pour drainer l'épargne locale vers les entreprises et les artisans des zones rurales fragiles, incitation à une mise en réseau des entreprises, allégement des droits sur les transmissions d'entreprises, prorogation des exonérations fiscales prévues par la loi de 1995.

C'est là pourtant un point essentiel parce que les entreprises ne s'implanteront là où elles ne s'installent pas spontanément que si nous les y aidons.

Nous sommes convaincus que la reconquête du territoire par l'économie, par l'emploi, par les services, est une véritable alternative pour parvenir à un nouvel équilibre dans notre société devenue trop urbaine, avec toutes les difficultés, pertes de racines et risques de ghetto que cela entraîne. Mais cela suppose des moyens. Or vous avez renvoyé à des textes ultérieurs tout ce qui touche à la fiscalité et à la péréquation : la question des ressources locales est pourtant fondamentale.

Enfin, nous avons insisté sur la nécessité de reconnaître la diversité des territoires comme une chance, ce qui suppose des procédures souples, notamment pour les pays, espaces de projets qui ne peuvent reposer que sur une volonté locale, fondement du contrat. Nous demandons la souplesse également pour ces conseils de développement que vous souhaitez créer. Laissez le territoire organiser leurs procédures de consultation, au lieu de vouloir tout formaliser et d'imposer la présence des associations.

Nous revendiquons un droit à la reconnaissance des différences territoriales, indissociable d'un droit à l'équité des services garantis par l'Etat. Cela ne veut pas dire spécialisation des territoires, mais prise en compte des spécificités.

Votre loi n'est pas de nature à répondre à cette ambition. Parce que nous réprouvons la méthode, parce que nous ne partageons pas, Madame la ministre, votre conception étatique et votre vision éclatée de l'aménagement du territoire, l'UDF a déposé cette exception d'irrecevabilité. Nous estimons que votre texte est irrecevable au sens littéral du terme, c'est-à-dire selon la définition du Larousse, qu'il n'est pas acceptable et ne peut être accepté (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

Mme la Ministre - Je n'ai pas entendu beaucoup d'arguments nouveaux par rapport à la première lecture.

En ce qui concerne les fonds structurels européens, le sommet de Berlin a fixé les règles du jeu fin mars. La concertation promise sur leur application en France aura lieu. Mais je tiens à préciser que les positions prises par la France l'ont été par les deux têtes de l'exécutif, qui avaient la même approche.

M. François Sauvadet - Ce n'est pas le problème !

M. Jean-Pierre Balligand - Monsieur Sauvadet, vous nous avez surtout tenu un discours sur la méthode.

Vous reprochez au Gouvernement une utilisation abusive de la déclaration d'urgence : mais une bonne partie des élus en étaient demandeurs, car ils souhaitent connaître l'architecture juridique de la contractualisation intra-régionale.

M. Patrick Ollier - Cela fait deux ans que vous êtes au pouvoir.

M. Jean-Pierre Balligand - Vous avez critiqué le fait qu'il y ait trois textes, présentés par trois ministres différents. Nous ne sommes pas non plus, au groupe socialiste, enthousiasmés par cette division...

M. François Sauvadet - C'est bien de le reconnaître !

M. Jean-Pierre Balligand - ...mais il faut donner acte au Gouvernement que l'examen de ces textes a été très rapproché dans le temps : quatre jours après avoir discuté en première lecture la loi d'orientation pour l'aménagement du territoire, le projet de M. Chevènement sur l'intercommunalité était à notre ordre du jour.

Troisième reproche que vous nous faites : il faudrait plus de moyens pour les zones les plus pauvres. Oui, mais il faut aussi des porteurs de dossiers ! Je rappellerai à ceux qui ont créé les zones de revitalisation rurale qu'il ne suffit pas de créer un zonage pour faire naître des activités : beaucoup de crédits ne sont pas consommés, faute de projets.

Vous parlez de simplifier les compétences des collectivités locales. C'est un peu hardi de votre part ! Dans la loi Pasqua, on trouvait tout, c'était le supermarché, les Galeries Lafayette de l'aménagement du territoire ! Mais aucune des mesures annoncées n'a été réalisée, alors que la loi Chevènement existe.

Bien entendu, il n'y a aucune raison de voter cette exception d'irrecevabilité. Mais j'insisterai, Madame la ministre, pour que M. Zuccarelli présente très prochainement son texte. La question des interventions économiques est décisive. Je pense en particulier au capital de proximité qui doit permettre la constitution d'une PME. Mme la secrétaire d'Etat chargée des PME y est d'ailleurs aussi très attachée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Serge Poignant - Le RPR partage les considérations exprimées par M. Sauvadet. Le débat est escamoté. Vous recourez à la procédure d'urgence, alors que vous disposiez de deux ans, que vous pouviez poursuivre l'application de la loi Pasqua. M. Balligand se rallie tout en admettant qu'un seul texte aurait été préférable. Nous non : le carambolage entre les textes fait courir un risque d'incohérence.

Ainsi vous a-t-il fallu introduire certaines dispositions à la hâte, comme celles sur la transposition de la directive européenne sur les services fiscaux.

Le groupe RPR votera donc l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean-Michel Marchand - M. Sauvadet s'interroge sur les contrats de plan. C'est vrai, nous sommes pressés par le temps ! Oui, il faut légiférer au plus vite !

M. Sauvadet, qui vous reproche d'opposer la ville à la campagne, a-t-il bien lu le texte ? Celui-ci recherche la complémentarité et la solidarité, il prévoit la création d'emplois sur l'ensemble du territoire pour éviter toute concentration... Vision étatique et éclatée ? Toutes les dispositions du texte vont à l'inverse d'une politique éclatée. Et parler d'étatisme, c'est oublier la volonté bien marquée d'associer tous les acteurs locaux. Nous voterons donc contre cette exception d'irrecevabilité.

M. Félix Leyzour - M. Sauvadet a terminé par une référence au Larousse : est irrecevable ce qui ne peut être reçu, ou accepté. Je me référerai, moi, au Règlement de l'Assemblée, selon lequel l'exception d'irrecevabilité concerne un texte contraire à une disposition constitutionnelle. Je n'ai pas bien saisi en quoi ce pourrait être le cas ici. M. Sauvadet a en fait développé les raisons politiques de l'opposition à l'encontre du projet, c'est de bonne guerre, mais ce n'est certes pas une raison suffisante pour ne pas engager la discussion. D'autant que la discussion permettra d'éclaircir certains points sur lesquels il a insisté. Notre groupe votera donc contre l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Jean Proriol - M. Sauvadet a posé beaucoup de questions, nous n'avons pas entendu beaucoup de réponses. Rien sur les fonds structurels, sur les contrats de plan, ni sur votre vision éclatée...

Le groupe Démocratie libérale a apprécié le travail du Sénat, dont notre rapporteur lui-même a reconnu la qualité dans le journal La Tribune. Mais ses propos dans cet hémicycle ont été différents. Le groupe DL votera donc l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe RPR une question préalable déposée en application de l'article 91 alinéa 4 du Règlement.

M. Patrick Ollier - Je vais, hélas, devoir répéter les excellents arguments développés par M. Sauvadet. A M. Leyzour, fin connaisseur du Règlement, je dirai que, selon l'article 91-4, la question préalable tend à faire décider qu'il n'y a pas lieu à délibérer. Or, entre les lectures de l'Assemblée et du Sénat, il n'y a aucun argument nouveau. Vous avez simplement refusé les améliorations du Sénat.

Ce projet, d'ailleurs, n'était pas nécessaire : la loi d'orientation sur l'aménagement et le développement du territoire de 1995 suffirait pour mettre en oeuvre une politique imaginative et volontariste. Comment ceux qui ont travaillé sur tous les bancs à ce texte fondateur pourraient-ils accepter qu'il soit passé par pertes et profits ? Le temps perdu pour l'aménagement du territoire est considérable ("Très bien !" sur les bancs du groupe UDF). Pourquoi ne pas avoir poursuivi l'application d'une loi dont vous dites accepter les orientations générales ? Vous avez trouvé un texte fondamental voté à peine deux ans auparavant et pour vingt ans, vous l'écartez sans autre forme de procès. Vous auriez pu respecter les étapes prévues, faire fonctionner les instruments créés, dégager les moyens nécessaires, préparer les textes envisagés. Vous avez préféré une démarche politicienne. Cela nous étonne de votre part.

Mme la Ministre - C'est vrai que ce n'est pas mon genre ! (Sourires).

M. Patrick Ollier - On le croyait, mais vous avez des défauts cachés ! (Sourires)

Nous nous attendions à ce que vous adhériez à une démarche consensuelle et acceptiez qu'un débat démocratique permette d'améliorer ce qui existait. Or vous avez préféré avoir votre texte à vous, comme c'est malheureusement le cas pour les gouvernements qui se succèdent ; aussi veillerons-nous, après l'alternance prochaine, à ce qu'il en aille autrement. Pour que la gauche plurielle ait sa loi d'aménagement du territoire, vous avez gelé l'application de la loi Pasqua, faisant perdre ainsi deux années au pays.

La gauche passe son temps à pousser des cris d'orfraie comme quoi la loi Pasqua ne serait pas efficace...

M. Jean-Louis Idiard - Même M. Pasqua est de cet avis !

M. Patrick Ollier - Or en commission j'ai entendu une députée siégeant de votre côté déclarer qu'elle avait cru à l'élan créé par la loi Pasqua, à la possibilité de changer les choses par volonté politique, que cette loi avait fait naître chez elle un véritable espoir, et qu'elle avait été déçue par la suite.

Je veux donc vous convaincre qu'il existe une autre voie que la vôtre.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont - Vous aurez du mal !

M. Patrick Ollier - C'est de vous que je parlais à l'instant, Madame ! M. Balligand a essayé... Moi je constate qu'il est parti !

M. Pierre Ducout - Il reviendra !

M. Patrick Ollier - J'ai compris que beaucoup d'entre vous n'étaient venus que pour voter.

Vous répétez depuis un an que la loi Pasqua n'est pas appliquée.

Mme la Ministre - Pas applicable !

M. Patrick Ollier - Non, pas appliquée. Vous êtes pourtant, depuis deux ans, responsable de la politique d'aménagement du territoire. Mais pendant tout ce temps vous avez refusé d'appliquer les dispositions essentielles de la loi Pasqua. Or il est impossible, et nous allons le dire et le redire, de faire comme si rien ne s'était passé en 1995, comme si nous n'avions pas travaillé utilement pour notre pays. Vous devrez accepter de nous entendre énumérer tous les points qui nous séparent de vous.

La France et son développement sont victimes de votre médiocre attitude politicienne, de votre obstination. Ce ne sont pas seulement les petites communes rurales qui pâtissent de vos choix, c'est l'ensemble des populations, qui attendaient une politique créatrice d'activités et de richesses. Ne dites pas que la loi Pasqua est purement ruralo-rurale. Elle tendait simplement à résorber des retards accumulés (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), à rétablir un parfait équilibre entre les territoires. Vous vous engagez dans une autre démarche, qui n'est pas bonne, et c'est pourquoi il n'est pas utile d'examiner votre projet.

Une loi a été votée pour 20 ans en 1995, dont vous prétendez qu'aucune mesure n'a été prise pour l'appliquer. Cet argument est faux, votre procédé n'est pas honnête.

Je préférerais que vous nous démontriez, en considérant l'un après l'autre lois, décrets et arrêtés, en quoi nous nous sommes trompés, que vous opposiez un vrai projet à notre loi. Dès mars 1996, un an après la promulgation de la loi, 42 textes d'application avaient déjà paru. Pourquoi ne les avez-vous pas mis en oeuvre ? Des expérimentations, déjà, avaient été lancées localement, par exemple 42 contrats de pays. En 1997, à votre arrivée, le nombre de textes d'application s'élevait à 102. Pouvez-vous citer une loi d'une importance comparable dont tant de textes d'application ont paru si vite ? Certaines dispositions de la loi montagne, adoptée en 1985, ne sont toujours pas mises en oeuvre !

De ces 46 décrets, de ces 13 arrêtés, de ces deux lois, de cette ordonnance, qu'avez-vous fait depuis deux ans ? Vous vous êtes bornée à répéter que la loi Pasqua n'étant pas appliquée, il fallait la changer.

L'histoire devra se souvenir de ce qu'il advint de ce grand espoir brisé...

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont - Ce fut une grande déception !

M. Patrick Ollier - Ce mot d'espoir, Madame, c'est vous qui l'avez prononcé !

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont - Mais la démonstration a été faite de l'inapplicabilité.

M. Patrick Ollier - Le Gouvernement a purement et simplement gelé l'application de la loi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Comment, dans ces conditions, oser affirmer qu'elle n'était pas opérationnelle ? Certains ont argué qu'elle n'était pas financée. Mais, depuis 1997, c'est vous qui élaborez et faites voter les lois de finances ! Or vous n'avez pas pris les moyens financiers d'appliquer la loi Pasqua, préparant ainsi le terrain pour votre texte.

Voilà pourquoi nous opposons la question préalable.

Le Gouvernement dispose de tous les instruments propres à conduire une grande politique d'aménagement du territoire. Qu'il le fasse et il trouvera ici, sur tous les bancs, des députés soucieux d'améliorer les dispositions qui auraient déjà dû être mises en oeuvre, prêts à travailler comme l'a fait le Sénat. En effet les sénateurs ont eu le grand mérite de vouloir reconstruire le texte selon la ligne même que vous aviez indiquée. Or, même cela, vous ne l'avez pas accepté !

Le rapporteur a raison, il existe, face à la logique du Gouvernement Jospin-Voynet, une logique de l'opposition, qui ont du mal à se concilier. Nous l'avons constaté en CMP, nous le voyons à présent avec votre manie, Monsieur le rapporteur, de revenir systématiquement à la rédaction adoptée en première lecture. Vous prétendez ne modifier que 20 articles de la loi Pasqua, comme si vous n'aviez pas le courage de vos opinions. Dites plutôt la vérité, et admettez que vous bouleversez les fondements de la loi Pasqua ! Vous ne proposez pas une modification, mais une rupture et nous ne pouvons l'accepter.

Une politique d'aménagement du territoire doit certes être ambitieuse et déterminée, mais elle doit aussi, pour réussir être consensuelle. Ce consensus, vous ne l'obtiendrez pas par une démarche sectaire et dogmatique.

Une loi d'aménagement, durable, bien sûr, du territoire devrait se donner pour première ambition de rétablir les équilibres et de compenser les handicapes. Au-delà des déclarations d'intention, c'est ce que nous cherchons dans le texte. Elle devrait créer les conditions de développement local et mettre en place les moyens d'une péréquation nécessaire pour assurer la justice entre les territoires. Elle devrait enfin permettre une nouvelle organisation du territoire. Tels étaient bien les fondements de la politique définie en 1995, à laquelle nous restons foncièrement attachés.

Peut-être nous montrons-nous trop cartésiens ? Vaut-il mieux comme la gauche plurielle être fantaisistes ? Nous préférons une politique logique et volontariste. Nous avions fixé des objectifs ambitieux à la politique du territoire et après une longue concertation -qui aujourd'hui n'existe plus... (Applaudissements sur quelques bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme Nicole Feidt - Pourquoi avez-vous été battus en 1997 ?

M. Patrick Ollier - ...préparé un schéma national dans lequel aurait dû s'inscrire les schémas sectoriels d'équipements et de services.

Cette méthode est simple et logique. Elle était efficace pour organiser le maillage de ce territoire qui nous est si cher. Nous souhaitions que le Parlement décide de ce schéma national. Il est inconcevable qu'il soit exclu des décisions fondamentales qui engagent notre pays pour vingt ans ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. François Sauvadet - Vous avez raison.

M. Patrick Ollier - Monsieur Sauvadet, je sais que nous sommes d'accord sur ce point. Et sur bien d'autres (Rires sur les bancs du groupe socialiste).

Riez, mais je sais que nous sommes aussi d'accord avec beaucoup d'entre vous quand nous n'acceptons pas qu'une majorité qui dit reconnaître le rôle du Parlement vote en commission un dispositif qui le remet en question. Cette majorité a renié ses engagements, en séance publique elle a "avalé son chapeau" et renonce à intervenir sur la mise en oeuvre des schémas de services collectifs.

Nous avons souhaité aussi mettre en place une péréquation entre région, et prévoir les équipements structurant dont notre pays a besoin, notamment pour les transports. A ce propos, comment imaginer une politique d'aménagement du territoire qui oppose équipements et services ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Vous reprochiez au Sénat, Madame, une politique "équipementière". Mais il n'y a pas à choisir entre équipements et services ; il y a à mettre en place des équipements qui permettent aux services de fonctionner. C'est ce que nous voulons faire, notamment pour sauvegarder le service public.

La loi de 1995 proposait aussi une nouvelle organisation territoriale à partir du pays. Vous l'avez retenue, mais complètement transformée.

Nous avions également prévu un ensemble de lois pour compléter celle relative à l'aménagement du territoire. Le projet concernant l'avenir du monde rural était rédigé quand vous êtes arrivée. Il a disparu. Il est aberrant de ne pas proposer une loi sur la clarification des compétences. Réformer la fiscalité locale s'impose. Le chantier est colossal, mais nous l'avions préparé. Vous n'en tenez pas compte.

Un tel sujet ne mérite pas de devenir le champ d'une confrontation politicienne. Croyez-vous que les élus locaux, les acteurs de terrain se soucient de savoir qu'ils appliquent une loi Pasqua ou une loi Voynet ? Non. Ce qu'ils veulent, ce sont de actes, des moyens. Ils veulent surtout ne pas perdre de temps. Aussi regrettent-ils amèrement les deux années perdues. Et je prends le pari que vous en perdrez une autre encore à faire sortir les décrets d'application.

Vous allez aussi, Madame la ministre, comme vous l'avez déjà fait, obliger votre majorité à revenir sur les initiatives de la commission qui nous auraient permis de nous retrouver. Avant la première lecture, après le vote d'amendements en commission, nous avions cru que la majorité avait compris que ce texte n'était pas bon et avait décidé de l'améliorer avec l'opposition.

M. François Sauvadet - M. Balligand l'a dit.

M. Patrick Ollier - Le rapporteur également, en commission. Mais le Gouvernement est passé par là et a gommé toutes les idées positives et consensuelles. Aussi ne vous étonnez pas que nous parlions de sectarisme et de dogmatisme. En première lecture, vous avez opposé à tous nos arguments un silence inquiétant ou un simple rejet. Nous dénonçons cette attitude ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Que dire aussi de cette déclaration du rapporteur en CMP avant même que ne s'ouvrent les travaux, prévenant qu'il ne pouvait y avoir d'accord et que la CMP allait échouer ! Comprenez donc que nous puissions juger cette attitude dogmatique et sectaire.

M. François Brottes - Fermée !

M. Patrick Ollier - Si vous voulez, "fermée", c'est moins définitif : ce qui est fermé peut être ouvert, et nous n'y manquerons pas lorsque l'alternance jouera dans deux ans... (Sourires)

Mme la Ministre - Gardez les pieds sur terre, Monsieur Ollier !

M. Patrick Ollier - Nous ne pouvons accepter, Monsieur le rapporteur, la façon dont vous avez traité la CMP. On peut comprendre que vous ne souhaitiez pas sortir du schéma que vous impose le Gouvernement, sans pour autant l'accepter. Quand on veut convaincre, on dialogue : on n'annonce pas d'emblée que le dialogue échouera !

Puisque vous dites vouloir le consensus, pourquoi n'avoir pas pris en compte l'excellent travail du Sénat ? Il a enrichi le texte, sans en changer l'économie générale. Combien avez-vous accepté d'amendements sénatoriaux ? Neuf ! On voit l'indigence des concessions que vous consentez.

M. le Rapporteur - Et combien le Sénat a-t-il conservé d'articles de l'Assemblée ?

M. Patrick Ollier - On connaît votre obstination à dévaloriser la Haute assemblée : souffrez que nous ne la partagions pas, et que nous préférions souligner le rôle essentiel du Sénat dans nos institutions républicaines.

M. Jean-Louis Idiart - Point que les gaullistes ont toujours soutenu... (Sourires)

M. Patrick Ollier - Vous avez refusé cette logique consensuelle et nous le regrettons. MM. Sauvadet, Lenoir, Poignant vous le diront : nous étions prêts à dire "chiche !" -travaillons avec le Sénat et sortons des ornières tracées par le Gouvernement. Votre refus de cette démarche est aussi une motivation de cette question préalable, car vous faites fi du processus démocratique.

M. Patrick Rimbert - Il n'y a plus qu'à supprimer l'Assemblée !

M. Patrick Ollier - C'est bien ce que vous faites, s'agissant de l'aménagement du territoire ; j'y reviendrai.

Vous voulez rétablir systématiquement le texte de l'Assemblée, acceptant quelques amendements du Sénat, mais aucun qui touche à l'essentiel. Or si notre refus est aussi catégorique, c'est que vos dispositions touchent à l'essentiel, et je vais le montrer. Oui, il y a bien deux logiques différentes, voire inconciliables. Celle de l'opposition repose sur la concertation, le rôle des élus, la cohérence nationale, le dynamisme économique, le rôle du Parlement, la solidarité et la justice territoriales. Et il y a, en jeu, la politique de la gauche plurielle, dont les acteurs locaux verront vite les faiblesses.

Le premier point inacceptable est la suppression du schéma national d'aménagement et de développement du territoire. C'est une décision grave, qui privera vos dispositions de la nécessaire cohérence nationale. Or le Conseil économique et social, les syndicats, même la CGT (Protestations sur les bancs du groupe communiste), les chambres consulaires, les élus locaux, les conseillers généraux à travers l'APCG, les présidents de région, tous ont condamné la suppression du schéma national. Votre argument pour le supprimer, c'est que vous ne savez pas le faire... Etrange conception du pouvoir. Je ne veux pas passer mon temps à brandir l'avant-projet, mais enfin il existe ; c'est donc qu'il était réalisable.

Mais un point doit être clair, Madame la ministre. Quand M. Balladur et M. Pasqua ont imposé le schéma national, ils avaient contre eux tous les responsables des différents ministères, toute la technocratie, de Bercy au ministère de l'équipement -en passant par celui de l'aménagement du territoire, qui disaient : surtout pas de schéma national ! Ce serait un élément de référence trop durable, qui nous obligerait à faire pendant des années ce qui a été décidé... Il a fallu toute l'autorité de MM. Balladur et Pasqua pour faire taire ces voix et rendre au politique son autorité, en imposant le schéma national contre la technocratie. Et voilà que vous voulez le supprimer, au motif que vous ne savez pas le faire ! Notre opposition sur ce point est fondamentale. Le Sénat avait imaginé une solution qui pouvait nous rassembler : vous l'écartez. J'ai évoqué l'avant-projet. Il pouvait être transformé, discuté au Parlement. Pourquoi y avoir renoncé ?

Dans une politique marquée par la décentralisation et la déconcentration, le schéma national était le seul élément de cohésion. Pourquoi supprimer cette colonne vertébrale ? L'Etat doit garder les moyens de corriger les déséquilibres territoriaux ; c'est une responsabilité du pouvoir politique. La suppression de schéma national comporte de nombreux dangers. Le premier est celui d'une absence de cohérence entre les schémas de services collectifs : ils seront comme des voies ferrées parallèles entre lesquels il n'y aurait pas d'aiguillages... Autre danger : les régions se développeront sans souci de solidarité. On peut s'étonner que la gauche ne soit pas au rendez-vous de la solidarité entre les territoires ! En outre l'absence de référence nationale nous desservira au niveau européen. Il faudra bien un jour s'attaquer à une politique européenne d'aménagement du territoire : ce jour-là, où sera la France, si elle n'a pas, avec le schéma national, un élément de référence pour ce débat européen ? Vous vous dites européenne, Madame la ministre, et je le crois ; mais c'est la région que vous préférerez situer dans le cadre européen, plutôt que la nation. Je comprends ce choix ; mais je ne l'approuve pas. N'étant pas d'accord avec cette démarche, nous ne pouvons pas accepter un texte qui en relève. Je comprends que l'idée d'un schéma national vous gêne car votre choix n'est pas le nôtre : nous, nous sommes pour l'Europe des Etats.

Nous ne pouvons pas davantage vous suivre quand vous ôtez au Parlement la possibilité d'intervenir. Le schéma national devait être voté par le Parlement et révisé par lui tous les cinq ans ; vous faites décider des schémas de services collectifs par la technocratie, laquelle, sans que j'entende la dénigrer, s'oppose au pouvoir politique. Les membres de votre cabinet, les responsables de l'administration centrale vont décider. Sur ce sujet, le rapporteur et la majorité, qui ont changé d'avis depuis nos débats en commission, ont fini par accepter la position du Gouvernement ; l'opposition, pour sa part, la dénonce : on ne peut pas engager une politique d'aménagement du territoire sans demander au Parlement d'en décider (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Notre rapporteur a fait des efforts énormes...

M. François Sauvadet - Au début !

M. Patrick Ollier - Ne peut-il s'affranchir de contraintes fixées par le Gouvernement ? Les parlementaires ont la liberté de vote... Que ne s'est-il engagé à nos côtés ! Pour notre part, combien de fois avions-nous dit non à M. Pasqua, en séance publique ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste)

M. Daniel Marcovitch - Décidément, vous n'êtes pas d'accord avec lui sur grand-chose !

M. Patrick Ollier - En disant dans l'hémicycle le contraire de ce qu'elle déclare en commission, la majorité prouve son manque de courage politique (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

Quant à la compensation que constitueront la création de délégations, l'une à l'Assemblée, l'autre au Sénat, de qui se moque-t-on ?

M. le Rapporteur - Le Parlement aura aussi à voter une loi...

M. Patrick Ollier - J'y venais, Monsieur le rapporteur : oui, deux ans avant la fin de la mise en oeuvre des schémas, on demandera au Parlement de voter une loi : quel cadeau somptueux !

Le rôle du Parlement, ce n'est pas cela ; c'est de décider, souverainement.

Je veux insister sur le rôle excessif donné à l'administration en ce qui concerne le pays. Je vous remercie, Madame la ministre, d'avoir conservé cette notion, mais le pays ne peut exister que s'il est constaté et reconnu par ceux qui y vivent ; il ne peut résulter d'une décision administrative. Nous voulons, nous, que les élus concernés se donnent les moyens de décider ; vous, vous donnez au préfet de région le pouvoir de décider in fine : nous ne pouvons pas l'accepter. Quand on se veut les chantres de la décentralisation -M. Defferre était des vôtres...

M. Pierre Ducout - Vous étiez contre, à l'époque.

M. Patrick Ollier - ...on fait confiance aux élus locaux ! Que craignez-vous d'eux pour les traiter ainsi ? Vous ne faites pas confiance au Parlement, vous ne faites pas confiance aux élus de terrain : cela fait beaucoup ! D'ailleurs, les élus locaux, lorsqu'ils se rendent compte de l'effet des dispositions que vous avez prévues, ont des réactions semblables aux nôtres.

Autre argument : on veut par ce texte contribuer à rééquilibrer l'aménagement du territoire au profit des zones urbaines ; comme si l'on en faisait trop pour le monde rural ! En la matière, la loi Pasqua n'avait pour objectif que de rattraper le temps perdu. D'ailleurs, une loi d'aménagement du territoire doit créer les conditions d'un développement harmonieux ; les zones urbaines fragiles comme les zones rurales méritent d'être soutenues.

Nous avons entendu votre opposition aux politiques différenciées, aux aides spécifiques pour les zones défavorisées -vous pouvez faire la grimace, Madame la ministre, mais c'est la vérité !

Pourtant les banlieues qui brûlent, les villes où s'engouffrent hommes et moyens comme dans le tonneau des Danaïdes, les zones rurales dont la substance se réduit comme peau de chagrin témoignent toutes du même mal : l'absence de politique volontariste d'aménagement du territoire (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF). Il faut aider autant la ville et le monde rural, fantastique gisement d'activités et d'emplois, qui ne saurait se consacrer uniquement à la protection de la nature. Nous ne pouvons accepter le choix du Gouvernement, essentiellement tourné vers les villes.

Comme le Président de la République, nous voulons empêcher que la fracture territoriale se rajoute à la fracture sociale. Or votre texte s'écarte de cet objectif.

Enfin, il n'y a pas à discuter de ce projet parce qu'il est celui des rendez-vous manqués. Une grande loi d'orientation aurait dû apporter des réponses à des questions essentielles. Or, malgré le travail de la commission, il y manque des pans entiers. Il ne suffit pas d'annoncer une loi Chevènement, une loi Zuccarelli : quand on fait une loi d'orientation pour les vingt ans à venir, on ne laisse pas à d'autres, avec tous les aléas que comporte la discussion parlementaire, le soin de mettre en place des dispositions aussi essentielles que la clarification des compétences territoriales -problème qui se pose tous les jours aux collectivités locales- ou la péréquation fiscale. Vous pouvez sourire des dispositions de la loi Pasqua, de la fourchette de 20 %, mais comment peut-on envisager un texte aussi fondamental sans aborder la question de la péréquation ? C'est ahurissant ! Comprenez que nous déposions des motions de procédure !

Pas de dispositions non plus sur la fiscalité locale, ni sur les incitations à la création d'activités économiques : là aussi, vous nous dites : "Attendez le prochain train, le prochain texte". Non, Madame ! Une loi d'orientation pour l'aménagement du territoire doit mettre en place ces instruments indispensables. L'égalité des chances passe par l'inégalité de traitement.

Vous auriez dû également prévoir des dispositions pour compenser les conséquences catastrophiques de la réforme des fonds structurels même si les dégâts ont été limités par l'action du Président de la République et du Premier ministre, la réduction des crédits et des territoires concernés exigeait qu'on mette en place un dispositif compensatoire.

Rien non plus, dans ce projet, sur l'évolution des zonages et des primes qui y sont liées. Pourquoi ne fixe-t-on pas la règle du jeu ? Peut-être sommes-nous trop jacobins, mais nous n'avons pas confiance dans la manière dont la Commission européenne réorganise les fonds structurels (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR). Les conséquences vont être dramatiques pour les territoires ruraux. Qu'on ne nous raconte pas d'histoires ! La tempête est devant nous et la loi d'orientation aurait dû nous préparer à l'affronter.

Vous supprimez les principales dispositions de la loi Pasqua, vous ne décidez rien sur des points essentiels et vous voulez nous convaincre que ce projet va être le ferment d'une politique nouvelle d'aménagement du territoire !

Je crois important de répéter ces arguments car la majorité a trop pris l'habitude de les écarter d'un revers de main. Messieurs les députés de la majorité, votre obsession est de revenir au texte du Gouvernement sans ouvrir le débat. On voit aujourd'hui où sont les "godillots". M. Rimbert avait dit un jour en commission "nous ne sommes pas des godillots, le Parlement doit jouer tout son rôle !" Le lendemain, en séance publique, c'en était fait du Parlement et M. Rimbert devait probablement s'acheter une nouvelle paire de godillots...

Plusieurs députés socialistes - Caricature !

M. Patrick Ollier - Pas du tout ! Relisez les comptes rendus de la commission ! En commission vous êtes contre, en séance publique vous êtes pour ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Je sais que vous êtes lassés de nous entendre répéter nos arguments. Mais il le faut ! Car ce sont deux conceptions de la politique d'aménagement du territoire qui s'opposent. Malgré vos efforts en première lecture, Monsieur le rapporteur, et malgré nos mains tendues, nous n'avons pas pu nous rapprocher. Notre politique est soucieuse de la cohérence nationale et respectueuse de la démocratie ; elle fait confiance aux élus et acteurs sociaux ; elle est ambitieuse et volontariste, comme Jacques Chirac l'avait annoncé en 1993.

La majorité plurielle, elle, s'obstine à défendre des positions idéologiques inacceptables. Votre politique manque d'ambition, de perspectives ; elle affaiblit le Parlement, écarte les élus et acteurs locaux des décisions essentielles, contrairement aux intentions annoncées.

Vous mettez en place des systèmes aux effets pervers, comme l'a démontré M. Sauvadet. Vous oubliez l'homme ! Le territoire n'est pas un sujet de droit. Il s'agit d'hommes et de femmes qui veulent savoir ce que sera la France du XXIème siècle. Le RPR souhaite que ce soit une communauté de valeurs et d'intérêts, sans différences inconciliables. Or votre texte conduit à la fracture territoriale. C'est pourquoi l'opposition votera cette question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme la Ministre - Il m'arrive souvent d'admirer votre éloquence et même parfois d'envier votre habileté. Aujourd'hui je déplore que vous mettiez ces talents au service d'une mauvaise cause.

A propos de la loi Pasqua tout d'abord, et malgré les mots blessants qui annulent vos protestations de bonne foi, je dois vous dire qu'elle a été mise en oeuvre pour ce qui était réalisable. Les textes, quand ils existaient, ont été appliqués, et le travail se poursuit, tant pour les dispositions sur la montagne que pour le fonds national de développement des entreprises, ou pour les directives territoriales d'aménagement... Ces mesures sont intéressantes, mais leur complexité justifie des délais importants. Nous avons aussi élaboré les cahiers des charges des schémas de services collectifs, pour nourrir la réflexion des élus lors de l'élaboration des contrats de plan et celle des services de l'Etat sur les contributions des régions. Au demeurant, bien des dispositifs mis en application n'ont guère montré leur efficacité pour l'emploi. Certains ont généré des effets d'aubaine ou de frontières. Pourtant avant de les supprimer nous avons procédé à leur évaluation. Comment, Monsieur Ollier, osez-vous insister sur les moyens financiers alors que le budget de l'aménagement du territoire a été divisé par deux quelques semaines après le vote de la loi et que vous avez signé des contrats de plan dont vous saviez que vous ne pouviez pas les financer ? (Protestations sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR) C'était là une législation à crédit ! Vous aviez annoncé de nombreuses lois.

M. Patrick Ollier - Sur vingt ans !

Mme la Ministre - Pour la plupart d'entre elles, vous vous étiez donné 12 à 18 mois ! Vous avez été incapable de les faire avancer. Depuis, nous y travaillons. M. Chevènement défend en ce moment même devant le Sénat une loi sur l'intercommunalité.

Quant à la clarification des compétences, pouvez-vous prétendre que la loi Pasqua s'y attelait ? Vous avez collé un post-it pour songer à vous en occuper plus tard !

L'aménagement du territoire est une politique transversale. La plus grande partie de mon travail est de convaincre mes collègues, les administrations, les collectivités territoriales d'aller dans le même sens et de retisser des liens car c'est bien un point sur lequel nous sommes d'accord : les inégalités sociales et territoriales s'accentuent.

Je préfère la pratique et le réalisme à l'affirmation de principes. Ainsi si je n'ai pas souhaité modifier les dispositions de la loi Pasqua concernant la péréquation, je pense que la redistribution est mieux assurée par notre exigence de transparence et d'objectivité dans la fixation des critères de répartition, de zonage, en matière de prime d'aménagement du territoire et de fonds structurels. Nous avons souhaité éclairer notre méthode et ces critères, ce qui n'était pas le cas du gouvernement d'alors.

Peut-on vraiment qualifier de concertation la tournée préélectorale (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL) qui avait suscité tant d'espoirs avant la présentation de la loi Pasqua ?

M. Patrick Ollier - J'y ai participé. Il y avait là une vraie concertation.

Mme la Ministre - Ce grand débat a accouché d'une grenouille, devenue boeuf à l'issue des débats au Parlement. Il restera comme la marque d'une volonté d'opérer une mobilisation électorale plus que de réformer l'aménagement du territoire. C'est la même chose pour la PAC et les zonages. J'entends changer de méthode.

Monsieur Ollier, il n'a pas fallu toute l'autorité du Premier ministre et de M. Pasqua pour imposer un schéma national. Votre commission spéciale l'a imposée à M. Pasqua, qui avait d'ailleurs usé de précautions de langage ! Quand on réécrit l'histoire, c'est pour mieux supporter les blessures du passé (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). Cela n'autorise pas à dire des choses fausses. Le schéma national n'a jamais été autre chose qu'un chapeau pour faire oublier le manque de cohérence des schémas modaux et sectoriels.

J'ai réellement cherché à comprendre votre point de vue. Le Gouvernement a accepté 100 des 135 amendements de votre commission et 70 des 320 du Sénat. Celui-ci n'a pas accepté un seul amendement du Gouvernement, malgré des formulations parfois proches. Mais décidément je ne crois pas que ce soit en démantelant les compétences des régions ou en alourdissant à l'extrême les dispositifs qu'on pourra avancer. La suppression par le Sénat des conseils de développement de pays et agglomérations est aussi désastreuse. Qui peut aujourd'hui prétendre que seuls les élus sont efficaces et qu'on peut se passer des associations ? (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

M. Christian Estrosi - Que faites-vous des électeurs ?

Mme la Ministre - Ils n'ont pas forcément les idées que vous leur prêtez. Selon un sondage IFOP, 70 % des Français estiment qu'il faut supprimer le département !

M. Patrick Ollier - On ne gouverne pas avec les sondages !

Mme la Ministre - Si l'opposition nous annonce que sa politique ne dépendra plus des sondages, j'apprécie cette nouvelle à sa valeur.

Il y a bien deux conceptions de l'aménagement du territoire. L'une, virtuelle, faite de bavardages, n'est ambitieuse que dans ses effets d'annonce. L'autre, lucide, modeste, préfère la transparence et la concertation. C'est celle que j'entends faire valoir et vous aurez noté que cela m'aura pris moins de temps qu'à M. Ollier (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. le Rapporteur - Les motions de procédure poussent à la radicalisation, voire au manichéisme. J'accepte ces règles et répondrai à quelques points du réquisitoire de M. Ollier, qui aurait été un beau moment d'éloquence s'il avait été plus bref.

En ce qui concerne le déroulement de la CMP, on peut dire que vous m'avez habillé pour l'hiver ! J'avais été sensible en première lecture à vos compliments sur mon ouverture à la discussion.

Quand le projet est venu devant le Sénat, j'étais dans les mêmes dispositions, et j'ai même trouvé que la discussion s'engageait bien. Mais j'ai changé de sentiment à mesure qu'elle se poursuivait. En effet, le Sénat a progressivement supprimé tous les enrichissements apportés par l'Assemblée ; il n'a conservé que sept articles sans les modifier, il en a supprimé neuf, et il a transformé la plupart des autres.

M. Patrick Ollier - Il les a améliorés !

M. le Rapporteur - En alourdissant le texte de 42 articles, le Sénat lui a rendu le même mauvais service qu'à la loi Pasqua, qu'il avait fait passer de 35 à 88 articles. Dans ces conditions, j'ai cru pouvoir dire en CMP qu'il me paraissait impossible d'aboutir à un texte commun. Vous affirmez, Monsieur Ollier, que le projet présenté par Mme Voynet est en rupture avec la loi Pasqua. Non ! Sur les 88 articles que compte cette loi, Mme Voynet propose d'en modifier à peine 20.

M. Patrick Ollier - Ce sont les articles essentiels !

M. le Rapporteur - Le Gouvernement a donc reconnu quelques mérites à la loi Pasqua, et l'a jugée opérationnelle sur de nombreux points. Il n'a pas pris une attitude sectaire, retenant de la loi de 1995 ce qui était compatible avec sa propre conception de l'aménagement du territoire. Mais cette conception, c'est vrai, n'est pas la même que la vôtre. La position du Sénat, celle de la loi Pasqua, présentent, je l'ai dit, un aspect défensif. Cette appréciation, dans ma bouche, n'est nullement péjorative.

Longtemps l'aménagement du territoire a été conçu comme une démarche de rééquilibrage. La loi Pasqua a eu ce grand mérite de relancer la notion d'aménagement du territoire, tombée en désuétude depuis une quinzaine d'années. Mme Perol-Dumont nous a dit en commission y avoir été sensible. De nombreux élus de l'opposition d'alors ont participé au débat à travers le pays.

Reste que la loi de 1995 n'a pas tenu complètement ses promesses. Ainsi convient-il à présent d'élargir les valeurs sur lesquelles doit reposer une politique d'aménagement du territoire. Le projet d'aujourd'hui est, à cet égard, refondateur. A côté du nécessaire rééquilibrage entre nos territoires, il faut tenir compte de l'insertion de ces derniers dans l'ensemble du territoire européen. Le texte de Mme Voynet a également le mérite de partir des besoins des Français ; d'où la définition des schémas de services collectifs. Vous le caricaturez, en prétendant qu'ils se substituent aux équipements. Pas du tout ! Nous évaluons les besoins, et nous vérifions quels sont les équipements nécessaires pour les satisfaire. A cette méthode, le Sénat a opposé une logique inverse.

Sur le principe du développement durable, j'ai senti que l'opposition n'était pas complètement hostile. Nombre de ses membres en commission ont présenté des propositions allant dans ce sens.

Nous devons mesurer l'impact sur 20 ans de nos décisions. Faute de l'avoir fait dans son domaine il y a 30 ans, la politique de la ville rencontre aujourd'hui bien des difficultés.

Nous avons aussi la volonté de valoriser la démocratie participative, en associant les Français à l'aménagement du territoire, à travers les associations et les acteurs socio-économiques. Pour qu'un territoire vive, il lui faut des projets et des hommes pour les porter. Telle était la loi adoptée ici en première lecture.

Le Sénat a réduit toute notre construction à néant en supprimant les conseils de développement. Or je reçois des lettres d'associations professionnelles, qui parfois sont proches de vous, demandant le rétablissement de ces conseils.

Nous ne sommes pas opposés au rééquilibrage. L'article 2 fait toute sa place à cet objectif stratégique, mais qui ne peut pas à lui seul fonder la politique d'aménagement du territoire.

Nous ne sommes pas non plus hostiles à ce que le Parlement valide les schémas de services collectifs. Mais les contrats de plan étant en cours d'élaboration, il faut que les schémas soient opérationnels au début de l'an 2000, ce qu'une procédure de validation législative aurait empêché. Aussi la commission a-t-elle décidé de créer une délégation parlementaire destinée à valider les schémas, et nous avons obtenu du Gouvernement qu'il dépose un projet de loi deux ans avant l'expiration des contrats de plan, afin de réexaminer les cahiers des charges des schémas de services collectifs.

J'en viens à l'article 19, pour lequel je croyais qu'après trois heures et demi de discussion en commission et autant ici nous étions parvenus à une rédaction équilibrée. Quelle ne fut pas ma surprise de constater que les sénateurs avaient démantelé les articles 19 et 20 !

Vous nous reprochez de donner au préfet le pouvoir de délimiter le périmètre des pays. Ne caricaturez pas ! Nous avons enrichi le texte du Gouvernement en faisant toute sa place au département, avec la commission départementale de coopération intercommunale. J'avais entendu vos objections en commission, et nous avions trouvé un équilibre entre la région et le département. Mais il nous est apparu que le préfet avait assez de recul pour définir les ultimes ajustements lorsque les points de vue ne paraissaient pas compatibles. Au reste, le préfet n'agit qu'après avis conforme de la CRADT.

Je demeure donc ouvert aux enrichissements s'ils ne modifient pas la philosophie du texte. Vous invoquez l'opinion d'élus locaux. Beaucoup des gens que je rencontre comprennent la nécessité d'élargir le champ d'application de l'aménagement du territoire, et sont d'accord avec les dispositions de l'article 19.

Il fallait, me semble-t-il, nuancer quelque peu votre discours de combat, Monsieur Ollier (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. le Président - Nous en arrivons aux explications de vote.

M. Jean-Claude Daniel - Il n'y a pas lieu à délibérer selon M. Ollier. Mais des affirmations appuyées, véhémentes, ironiques ne constituent pas une démonstration...

Trois logiques nous sont proposées. Celle de l'opposition à l'Assemblée est de centralisation par le schéma national et de retour, simplement, au texte de 1995. Mais pourquoi la loi Pasqua aurait-elle toutes les vertus ? Citer les 102 textes complémentaires ne suffit pas à faire oublier qu'elle n'a pu être appliquée.

La seconde logique, défensive, est celle de la majorité du Sénat. Elle oppose rural et urbain, substitue au schéma national les schémas directeurs d'équipements et de services, et l'unimodalité à la plurimodalité.

Enfin, ce texte propose une logique de projet. Il ne s'agit pas de simplifier de façon abusive une situation territoriale complexe mais d'organiser cette complexité.

Puisque trois logiques s'affrontent, il faut délibérer.

Sur la méthode, vous reprochez au Gouvernement d'aller trop vite en demandant l'urgence et de ne pas aller assez vite depuis 18 mois. C'est contradictoire. La préparation des contrats de plan et des schémas régionaux nourrit la réflexion, et le travail du législateur. Cette méthode est la bonne.

L'opposition est quelque peu schizophrène (Protestations sur les bancs du groupe du RPR) : les objectifs qu'elle fournit à l'Assemblée et au Sénat sont contradictoires. Je sais le talent de M. Ollier, je comprends aussi la frustration du rapporteur de la loi de 1995 qui ne veut pas abandonner son bébé. Cela ne justifie pas que l'on ne délibère pas.

Oui, Monsieur Sauvadet, nous défendons le droit à la diversité dans l'équité territoriale. J'ai confiance en l'avenir. Les acteurs du développement local sont à l'oeuvre, dans leur diversité politique. Le groupe socialiste repoussera cette question préalable qui se réduit à une rhétorique politicienne (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. François Sauvadet - Madame la ministre, j'ai été choqué par vos propos. Qualifier le grand débat qui a précédé la loi de 1995 de tournée pré-électorale est insultant pour ceux qui y ont participé et témoigne de votre conception de dialogue. Nous regrettons qu'il n'ait pas eu lieu cette fois. Le débat a été très riche en 1995. Il a abouti à proposer une palette d'outils que vous vous êtes refusée à utiliser pendant deux ans. Vous avez perdu du temps, et les déséquilibres se sont accentués. Si vous pouvez faire aujourd'hui du pays un outil fondamental, c'est grâce au travail que nous avons effectué en 1995.

Patrick Ollier a eu raison de rappeler le dogmatisme de votre démarche, par exemple sur l'opposition entre équipements et services.

Les élus locaux attendent des actes et des moyens. Mais nous ne savons toujours pas comment vous allez aborder la difficile question du zonage des fonds structurels européens. Ne nous parlez donc pas de transparence. Le groupe UDF votera la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Jean Proriol - Le groupe DL votera la question préalable que Patrick Ollier a défendue avec énergie, talent, conviction et la force de son verbe imagé, grâce à sa très grande connaissance du sujet -tout le monde ne peut en dire autant.

Cette motion a eu le mérite d'obliger le ministre à répondre aux questions de Patrick Ollier, comme de François Sauvadet. Elle a obligé également le rapporteur à donner quelques explications. Si le fonds social européen, les contrats de plan, les zones de la PAT ou des fonds européens, les interventions économiques que définira la loi Zuccarelli ne relèvent pas de l'aménagement du territoire, le débat est vidé d'une grande partie de sa substance.

Or le texte qu'on nous propose n'en traite pas. Par exemple on nous demande, pour les contrats de plan et les schémas régionaux d'aménagement du territoire, de tenir compte des schémas de services collectifs. Mais nous ne trouvons pas dans la loi les éléments à ce sujet. Le rapporteur a aussi reconnu que ce texte ne corrige pas les inégalités territoriales. L'aveu est important. Enfin, vous privilégiez la notion de service plutôt que d'équipement.

Vous court-circuitez le rôle du Parlement. La gauche plurielle avait pourtant eu un bon mouvement en commission en le rétablissant par amendement. La création d'une délégation parlementaire ne compense pas sa suppression. Nous voterons donc cette question préalable. La gauche plurielle a tort de critiquer urbi et orbi le Sénat qui avait incontestablement enrichi ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Félix Leyzour - J'écoute toujours avec attention et intérêt M. Ollier (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR). Contrairement à d'autres, je suis convaincu que sa passion n'est pas feinte et qu'elle n'est pas politicienne, surtout lorsqu'il s'agit d'aménagement du territoire.

S'appuyant sur le Règlement, il nous demande d'affirmer qu'il n'y a pas lieu à délibérer. Non que la question ne se pose pas. Simplement, elle est résolue par la loi Pasqua. Celle-ci a peut-être tous les mérites, mais elle n'a pu être appliquée par ceux-là mêmes qui l'ont votée.

Je note tout de même une contradiction dans le propos de notre collègue. D'un ton patelin et consensuel, il nous demande : pourquoi voter une nouvelle loi, puisqu'il y en a déjà une ? Donnons-nous la main pour l'appliquer. Mais deux minutes plus tard, sur un ton plus batailleur et presque menaçant (Protestations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL), il annonce : quand l'alternance jouera, nous deferons votre loi ! C'est admettre qu'un problème se pose, non de forme, mais bien de fond, sur l'aménagement du territoire : il faut donc en débattre. D'autant que nous sommes en deuxième lecture, et que le chantier est déjà ouvert. Il faut donc rejeter la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Serge Poignant - M. Ollier a tenté de convaincre chacun, et avec son talent il aurait pu y parvenir. Toutefois Mme la ministre n'a visiblement pas été convaincue. C'est sans doute que notre collègue a visé juste en parlant d'une attitude dogmatique. Elle se traduit dans le refus du schéma national, comme dans celui d'une politique des équipements, dans le refus du volet économique, ou encore dans votre approche des zones rurales. Elle se manifeste aussi dans votre conception du rôle du Parlement. Elle est confirmée par votre refus de prendre en considération l'apport du Sénat, comme par l'attitude adoptée en CMP par M. le rapporteur, qui était pourtant ouvert au dialogue en commission de la production. Vous balayez dans la hâte la loi Pasqua, mais pour parvenir à un texte qui manque d'ambition. Le groupe RPR votera la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean-Michel Marchand - Cette question préalable a donné à M. Ollier l'occasion d'un exercice de style, parfois remarquable. Si je suis d'accord avec M. Leyzour pour estimer que son enthousiasme et sa passion n'étaient pas feints, j'ai pourtant perçu dans son propos quelques connotations politiciennes. J'y sens aussi la nostalgie du texte de 1995, auquel il a travaillé, mais que lui et ses amis n'ont pas su faire vivre. Ce texte était d'ailleurs trop ruraliste ; il faisant le choix des territoires, plutôt que des hommes et des femmes qui y vivent. Il y a d'autre part quelque démagogie à critiquer le fait que les décrets ne sortent pas assez vite, et à s'étonner que les cahiers des charges des schémas de services collectifs soient déjà connus. Ce dernier trait manifeste la volonté qu'a le Gouvernement de nous informer sur ce qui sera décrété quand la loi sera votée. Je réaffirme enfin que le Parlement aura toute sa place dans ce débat, qui ne fait que commencer. Nous voterons bien entendu contre la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. le Président - Je vais mettre aux voix la question préalable.

M. André Lajoinie, président de la commission de la production - Je demande une suspension de séance. (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. le Président - Elle est de droit. (Mêmes mouvements)

La séance, suspendue à 12 heures 50, est reprise à 12 heures 55.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, la question préalable, mise aux voix par assis et levés, n'est pas adoptée.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER

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ERRATUM

au compte rendu analytique de la première séance du mardi 4 mai 1999 :

Page 21, au dernier paragraphe de la question de M. Jacques Brunhes, lire :

"la boucle nord des Hauts-de-Seine n'est pas un lieu criminogène permanent et irréversible".


© Assemblée nationale


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