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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 93ème jour de séance, 236ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 11 MAI 1999

PRÉSIDENCE DE M. Laurent FABIUS

          SOMMAIRE :

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 1

    LUTTE CONTRE LE DOPAGE 1

    KOSOVO 2

    CORSE 3

    CORSE 4

    CORSE 5

    CORSE 6

    KOSOVO 7

    AVENIR DU THERMALISME 8

    KOSOVO 8

    RETRAITES 9

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE (nouvelle lecture) 9

    EXPLICATIONS DE VOTE 12

La séance est ouverte à quinze heures.


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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

LUTTE CONTRE LE DOPAGE

M. Alain Néri - Le nouveau développement des affaires de dopage confirme tout l'intérêt de la loi relative à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage, adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale comme au Sénat il y a quelques semaines. Cette loi vise à éradiquer le dopage, problème de société et de santé publique à la fois, qui porte aussi atteinte à l'éthique sportive. Ce fléau n'est pas circonscrit à quelques disciplines non plus qu'à la seule pratique professionnelle : il frappe à tous les niveaux, y compris parmi les jeunes et les adolescents.

Il est temps d'en finir avec le dopage : les pourvoyeurs, véritables trafiquants de drogue, doivent être placés hors d'état de nuire et les sportifs dopés mis hors jeu. Il faut agir vite, et je connais, Madame la ministre des sports, votre détermination.

Dans quels délais seront publiés les circulaires et les décrets d'application de la loi ? Quand sera mis en place le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage ? Quand seront opérationnels les laboratoires de contrôle et les antennes médicales destinés à assurer le suivi médical des sportifs dans les régions ? Enfin, quelles initiatives comptez-vous prendre afin d'harmoniser les législations sur le plan européen, et même mondial puisque son universalité fait aussi la grandeur du sport. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports - Monsieur le député, soyez assuré de ma détermination à lutter sans état d'âme contre le fléau du dopage. Nous avons reçu 15 000 appels au numéro spécial Dopage, la moitié émanant de mineurs et 74 disciplines étant concernées.

Les décrets d'application de la loi, qui ont été préparés sans retard seront examinés dès la fin du mois par le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage, si bien que tout sera bouclé à la fin juin. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

S'agissant du suivi longitudinal des sportifs, la demande des fédérations a été telle que l'unité médicale mobile n'a pu y faire face. C'est pourquoi, en collaboration avec M. Kouchner, nous avons établi un cahier des charges visant à agréer les laboratoires qui pourront assurer ce suivi. Dès septembre, le laboratoire national de Châtenay-Malabry, en liaison avec des antennes mobiles, sera en mesure de prendre le relais.

Au niveau européen, le vote unanime de résolutions contre le dopage ne suffit pas : les actes doivent suivre. Or, force est de constater que seule une minorité de pays de l'Union a fait suivre d'effets la décision du Conseil de décembre dernier et la résolution votée à l'unanimité par les quinze ministres des sports. C'est pourquoi j'ai souhaité que le sujet soit de nouveau abordé lors de la réunion des ministres des sports des 1er et 2 juin prochains. Seule en effet une action concertée sur le plan européen pourra être efficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

Nous ne pouvons pas non plus attendre indéfiniment que les décisions prises par le Comité international olympique se traduisent dans les faits. J'ai donc suggéré que le CIO examine sans délai les propositions de l'Union européenne relatives à l'Agence internationale du dopage. Notre combat perdrait autrement toute crédibilité.

Pour ce qui est des affaires récentes, je vois une grande avancée dans l'étroite collaboration entre le ministère de l'intérieur, le ministère de la justice, le secrétariat d'Etat à la santé et mon propre ministère, qui aura permis, enfin, après des années d'inertie, d'inquiéter ceux qui font de l'argent au mépris de l'intégrité physique et morale des sportifs, les pourvoyeurs de substances dopantes. Et je souhaite que cette lutte soit poursuivie. En effet, si la prévention est indispensable pour faire reculer le dopage, la répression la plus ferme à l'encontre des pourvoyeurs est nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste)

KOSOVO

M. Bernard Roman - Depuis sept semaines, la communauté alliée s'efforce d'empêcher l'irréparable au Kosovo. Contrainte par la froide résolution d'un dirigeant qui n'a pas hésité à jeter des centaines de milliers de personnes sur les routes, la France a dû faire face à la tragédie, insolite en Europe, du peuple kosovar chassé, dans les pires conditions, de sa terre.

Sommes-nous aujourd'hui à la veille d'un tournant ? Va-t-on retrouver la voie de la diplomatie et du Conseil de sécurité des Nations Unies ? Les opérations militaires de l'OTAN sont-elles sur le point d'atteindre leur objectif et de ramener le gouvernement yougoslave à la table des négociations ? Autant de questions légitimes à l'heure où les initiatives se succèdent. Le G8 a publié la semaine dernière un communiqué pouvant ouvrir la voie à un compromis. La Russie et l'Allemagne oeuvrent quotidiennement sur le pont diplomatique. La Finlande, très sollicitée, paraît devoir jouer un rôle important dans la définition d'une force de sécurité acceptée par tous. La Serbie a annoncé hier un retrait des forces, qui reste à confirmer et à préciser. La Chine, en dépit du bombardement, inexplicable et profondément choquant, de son ambassade, regretté par la France et les Alliés, étudierait en ce moment même le communiqué du G8.

Monsieur le Premier ministre, l'ensemble de ces signes peut-il être interprété comme le prélude d'une nouvelle étape dans le conflit qui verrait la fin des opérations militaires et l'ouverture d'un processus de paix respectueux des accords de Rambouillet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, sur quelques bancs du groupe RCV et du groupe communiste)

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Sommes-nous à la veille d'une nouvelle étape dans ce conflit ? Je ne saurais le pronostiquer. Mais en tout état de cause, nous y travaillons. J'en veux pour preuve la détermination que l'Alliance continue de manifester dans ses frappes contre les forces militaires et de répression serbes ; la réaffirmation de notre objectif, à savoir le retour des réfugiés au Kosovo, où ils doivent pouvoir vivre en sécurité et en démocratie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe UDF) ; la volonté de ne négliger aucune piste diplomatique.

Je recevrai demain, à nouveau, à Matignon les présidents des groupes parlementaires de l'Assemblée nationale et du Sénat ainsi que les présidents des commissions des affaires étrangères et de la défense des deux assemblées. Mais je puis, dès aujourd'hui, donner à la représentation nationale quelques éléments.

Je souhaite tout d'abord m'associer aux regrets que le Président de la République a exprimés hier en Finlande aux autorités chinoises à la suite du bombardement par erreur de leur ambassade. Le ministre des affaires étrangères leur a d'ailleurs adressé un message de condoléances au nom des autorités françaises. J'espère très sincèrement que cet accident malheureux ne remettra pas en question les progrès substantiels enregistrés ces huit derniers jours dans le champ diplomatique.

Les ministres des affaires étrangères du G8 ont adopté, la semaine dernière, une déclaration commune énumérant sept principes considérés comme nécessaires à la solution du conflit : cessation immédiate et vérifiable des violences et de la répression au Kosovo ; retrait des forces militaires, para-militaires et de police ; déploiement dans la province d'une présence internationale civile et de sécurité, sous l'égide des Nations Unies, établissement d'une administration intérimaire au Kosovo décidée par le Conseil de sécurité ; liberté et sécurité de retour pour l'ensemble des déportés et réfugiés ; processus politique pour parvenir à un accord cadre sur une autonomie substantielle pour le Kosovo ; approche globale du développement économique et social pour la stabilisation de la région.

Hubert Védrine se trouve aujourd'hui à Moscou pour s'entretenir avec son collègue russe. Le 13 mai, le Président de la République rencontrera dans la capitale russe le président Eltsine. Moi-même, les 24 et 25 mai, dans le cadre de la rencontre entre les deux Premiers ministres et les deux commissions, j'aurai l'occasion de parler du processus de paix dans lequel la Russie jouera un rôle essentiel. Les directeurs politiques des huit travaillent à un projet de résolution qui pourrait être déposé conjointement devant le Conseil de sécurité pour fournir la base d'une solution politique, si les autorités serbes et M. Milosevic veulent bien accepter, à moins que nous les y conduisions par la force, les bases raisonnables d'un compromis.

Le secrétaire général des Nations Unies s'est mobilisé, il a désigné deux hauts représentants. Nous souhaitons que les démarches entreprises par la diplomatie russe se poursuivent et que la Russie exerce pleinement son rôle de partenaire.

Dans cette dynamique diplomatique, dans laquelle la présence libre de M. Rugova en Europe peut être un élément positif, nous apprenons que les autorités serbes annonçaient un début de retrait au Kosovo. Nous avons écouté avec attention et avec prudence, parce qu'aucun retrait n'est jusqu'à présent confirmé, ensuite parce que nous savons d'expérience que M. Milosevic n'est pas avare de promesses non tenues. Nous nous souvenons encore du siège de Sarajevo. Enfin, ne serait ainsi remplie que l'une des conditions que la communauté internationale a mises à la solution du problème du Kosovo. Rien n'a de sens si ce n'est pas au bénéfice des Kosovars en Albanie, au Monténégro et ailleurs.

Je renouvelle l'engagement solennel que nous les reconduirons chez eux, dans des conditions dignes et humaines. La France demeure au premier rang dans l'action humanitaire, et, comme les ministres de la défense et des affaires étrangères l'ont dit au procureur du Tribunal pénal international Mme Arbour, je confirme que la France soutiendra résolument le tribunal pour que justice soit rendue aux victimes de cette tragédie et pour que ses auteurs soient châtiés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et quelques bancs du groupe UDF).

CORSE

M. François Fillon - L'affaire de l'incendie du restaurant "Chez Francis" (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) n'est pas un fait divers (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)...

M. le Président - Que la majorité écoute M. Fillon dans le silence, de la même façon que l'opposition écoutera la réponse !

M. François Fillon - ...dont on pourrait attendre tranquillement que la justice l'élucide. Cette affaire est une affaire d'Etat parce qu'elle met en cause l'Etat et le droit, comme la place de la Corse dans la République. La justice nous dira peut-être qui est responsable de cet acte pathétique. Mais elle ne répondra pas à la question essentielle : comment, après l'assassinat d'un préfet, le premier dans l'histoire de la République, après l'incarcération d'un préfet, la première dans l'histoire de la République, l'autorité de l'Etat peut être rétablie en Corse. Seul le Gouvernement peut répondre à cette question, parce qu'elle est politique.

Vous affirmez que vous n'êtes pas coupable d'avoir ordonné ou couvert des actes illégaux. J'ai envie de vous croire. Mais je ne peux pas accepter que vous refusiez d'assumer vos responsabilités politiques. Vous avez choisi le préfet Bonnet, vous lui avez donné des pouvoirs exceptionnels, vous lui avez accordé un soutien exceptionnel. Vous ne pouvez pas vous en tenir à la thèse de sa seule responsabilité et encore moins à celle de ses désordres mentaux, d'autant que cette thèse est la quatrième que vous défendez : après "les gendarmes n'y sont pour rien", après "les gendarmes sont tombés dans un traquenard", après "les gendarmes sont seuls responsables", vous ne résoudrez pas la crise politique avec "le préfet Bonnet est responsable de tout".

Nous ne demandons la démission de personne ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Nous demandons seulement la vérité. Vous avez ici une dernière occasion d'assumer votre responsabilité politique en disant au pays toute la vérité (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. le Président - La parole est à M. le ministre de l'intérieur (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - Dans aucune démocratie on ne peut exclure un dysfonctionnement. Simplement, on peut exiger qu'il soit rapidement détecté et sanctionné. De fait, cet acte aberrant était imprévisible, car il ne correspondait en aucune manière à la politique de rétablissement de l'Etat de droit ; il en était même la négation.

Je vous appelle à une certaine circonspection, car la justice n'a pas encore procédé aux confrontations nécessaires. Avant de prononcer un jugement définitif, j'aimerais que vous observiez le souci d'une élémentaire justice. J'aimerais que l'opposition ne s'oppose pas au mépris du respect de certains principes et sur les décombres de l'Etat de droit (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Ce dysfonctionnement a été rapidement mis en lumière et sanctionné. Le Gouvernement n'a jamais cherché à dissimuler la réalité. Il a eu le souci de tirer aussi vite que possible toutes les conséquences de ce que l'on savait, après les aveux des trois gendarmes, puis la garde à vue du préfet.

J'aimerais que l'opposition garde une certaine mesure (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). L'opposition insulaire s'est mise à la remorque des nationalistes, au moins en partie. M. le député Francisci a d'ailleurs fermement condamné la stratégie d'alliance de M. Rossi avec les nationalistes pour porter à la tête de la commission Europe de l'Assemblée de Corse M. Talamoni, tête de la liste "Corsica Nazione" (Protestations sur les bancs du groupe DL), qui n'a pas condamné le recours à l'action clandestine et à la violence (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; exclamations sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF). La situation en Corse ne date pas d'hier. Il me serait facile de faire un retour en arrière. Vous n'avez pas le droit de vous solidariser avec ceux qui manient le revolver et le bâton de dynamite, qui font régner la peur, le chantage et le racket (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). La droite républicaine et continentale s'honorerait en se désolidarisant de ceux qui ont refusé de condamner la violence nationaliste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

CORSE

M. Jean-Luc Warsmann - A l'origine de la très grave affaire corse (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), se trouve votre décision de créer en Corse un service spécial, le GPS ; cette décision, nous venons de l'apprendre, a été prise dans une réunion interministérielle du 14 mai 1998 (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

M. Christian Bataille - Hélicoptère ! Himalaya !

M. Jean-Luc Warsmann - Dans un souci de transparence, je vous demande de rendre public le compte rendu intégral de cette réunion, qui a eu de si funestes conséquences. (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. le Président - La parole est à M. le ministre de la défense. (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Alain Richard, ministre de la défense - Vous souhaitez être mieux informé sur les raisons de la création d'une unité supplémentaire s'ajoutant aux 1 500 gendarmes en service en Corse. Cette décision est la conséquence directe des efforts supplémentaires d'engagements de moyens pour rétablir l'Etat de droit en Corse (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), qui ont paru indispensables au Gouvernement après l'assassinat du préfet Erignac.

Ce renforcement était demandé ici sur tous les bancs et a été approuvé par la commission ad hoc créée par l'Assemblée.

Les missions confiées à cette unité sont celles qui incombent normalement à la gendarmerie, à l'exception de la protection des autorités de l'Etat contre les risques d'attentats.

Un député RPR - Le compte rendu !

M. Alain Richard, ministre de la défense - En 1996, en Corse, 400 tentatives d'attentat ont été constatées contre des services ou des personnalités de l'Etat. Cette mission de protection persiste. Ainsi, après délibération du Gouvernement, j'ai décidé que les missions imparties au GPS seraient maintenues, mais la suppression de cette unité permettra d'éviter les risques d'un défaut de contrôle, ses autres missions étant réattribuées à des unités permanentes de la gendarmerie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

CORSE

M. Hervé de Charette - Je voudrais à mon tour parler des conséquences des événements de Corse. Jusqu'à présent la majorité n'aimait pas qu'on en parle, peut-être va-t-elle accepter qu'on en parle avec mesure, mais aussi avec gravité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

Monsieur le Premier ministre, vous avez déclaré récemment : "Chacun est responsable de ses actes". Je crains que derrière ces mots se cachent les efforts du Gouvernement pour dégager sa propre responsabilité.

Or la responsabilité individuelle est une chose, la responsabilité gouvernementale en est une autre. Quand on regarde les résultats des événements récents, on constate que deux corps essentiels au bon fonctionnement de notre République ont été ébranlés ; leur autorité et par conséquent leur capacité d'agir sont désormais en cause. Les attentats ont repris, le débat sur l'indépendance de la Corse est à nouveau ouvert, bref nous sommes devant un champ de ruines (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). S'y ajoute l'affaiblissement subi par votre gouvernement.

J'ai donc deux questions à vous poser.

Quand les plus hauts fonctionnaires de l'Etat commettent des fautes dans l'exercice de leurs fonctions, est-il dont établi, dans notre République, que les hommes politiques qui les nomment et ceux qui ont la charge de les diriger n'ont aucune responsabilité, en aucune circonstance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL ; exclamations et interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

Plusieurs députés socialistes - Ouvéa ! Ouvéa !

M. Hervé de Charette - Deuxième question, le Gouvernement est-il prêt à accepter que se tienne, dans cette assemblée, le débat nécessaire sur l'avenir de la Corse, où l'incertitude a désormais remplacé la fermeté ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Quand un Premier ministre, un ministre de la défense, un ministre de l'intérieur, un Gouvernement, à la suite d'un acte grave et illégal, s'expriment devant l'Assemblée nationale, répondant aux questions et critiques, quand la presse, établissant des faits ou montant des spéculations, interpelle et débat, quand le Premier ministre, jugeant nécessaire de s'adresser en direct à ses concitoyens, le fait à la télévision devant 10 millions de personnes ("Et alors ?, c'est normal !" sur les bancs du groupe du RPR), ce Premier ministre et ce gouvernement sont en plein dans l'exercice de leur responsabilité politique (Exclamations sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR) et je souhaite que toute personne détentrice d'une autorité soit prête à en assumer, devant l'opinion, la responsabilité politique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). C'est ce que j'ai fait, c'est ce que le Gouvernement a fait (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UDF et du groupe du RPR). Vous semblez davantage gênés...

En ce qui concerne la nomination du préfet Bonnet, je vous rappelle qu'elle a eu lieu le 7 février 1998, quelques heures après l'assassinat du préfet de Corse : nous estimions nécessaire que l'Etat marque symboliquement sa continuité. La décision a été prise sur proposition du ministre de l'intérieur, acceptée par le Premier ministre et par le Président de la République en conseil des ministres (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV ; huées sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). Eh oui, Messieurs ! La responsabilité est partagée par ceux qui prennent les décisions.

Pour le reste, le Gouvernement a laissé la justice exercer son action et elle établit la vérité. Les Corses peuvent eux-mêmes se convaincre que désormais la loi s'applique pour tous ; si un préfet peut se trouver sous mandat de dépôt et des gendarmes également, alors ils savent que la loi est la même pour tous et nous serons d'autant plus fondés à demander qu'elle soit respectée par tous (Interruptions sur les bancs du groupe DL).

C'est ainsi que le Gouvernement fonctionne et je pense que l'opinion le comprend ainsi. C'est elle que je veux pour juger en matière de responsabilité politique et je n'ai pas peur de son jugement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

CORSE

M. Laurent Dominati - (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Monsieur le Premier ministre, que signifie pour vous assumer une responsabilité politique ?

Parler devant les caméras de télévision, répondre à l'Assemblée nationale, c'est une chose ; mais assumer une responsabilité politique, cela veut dire, dans une démocratie normale, tirer les conséquences de ses échecs. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

Vous avez considéré que le dossier corse était une priorité qui devait relever de vous-même et de votre cabinet. Vous avez décidé un certain nombre de mesures d'exception en Corse. Et après l'assassinat du préfet Erignac, vous avez bénéficié d'un certain consensus, notamment en Corse, pour restaurer l'état de droit.

Aujourd'hui, jamais les thèses indépendantistes n'ont été aussi en faveur. Jamais l'Etat n'a été ridiculisé à ce point. Jamais un ministre de l'intérieur n'a été aussi mal informé de ce que faisait son préfet (Huées sur les bancs du groupe socialiste) -quand on est ministre de l'intérieur, on contrôle son administration.

Il n'y a même pas dix jours, le ministre de l'intérieur se portait personnellement garant du préfet Bonnet ; aujourd'hui il explique qu'il est malade. Qui est malade ? Le Gouvernement ou le préfet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL, protestations sur les bancs du groupe socialiste) On ne peut pas affirmer à l'Assemblée nationale qu'il n'y a pas d'enquête parallèle en Corse quand on découvre ensuite qu'il y a bien des enquêtes parallèles et des écoutes parallèles. Monsieur le Premier ministre, vous dites "je n'étais pas informé". Etait-ce un dossier prioritaire ou non ? (Huées sur les bancs du groupe socialiste) Etes-vous mieux informé aujourd'hui ? (Mêmes mouvements) Y avait-il, oui ou non, un plan d'ensemble d'actions illégales menées par des autorités de l'Etat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR) Qu'a dit le colonel quand il est venu à Paris ?

La Commission de Bruxelles a donné sa démission pour beaucoup moins que cela ! Vous dites qu'il faut continuer à restaurer l'état de droit en Corse : mais comment vous croire ? (Huées sur les bancs du groupe socialiste) Que signifie pour vous assumer une responsabilité politique, en dehors de parler ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et du groupe du RPR)

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur - L'Assemblée nationale est naturellement le lieu où peut s'affirmer une responsabilité politique et il vous appartient, Mesdames et Messieurs de l'opposition, de faire jouer les procédures prévues à cet effet. (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR ; sourires sur les bancs du groupe socialiste)

Si j'ai proposé le préfet Bonnet pour prendre la suite du préfet Erignac, dans des circonstances tragiques, c'est d'abord qu'il n'y avait pas beaucoup de volontaires (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR), c'est qu'il était le plus déterminé, c'est qu'il avait l'expérience de la police et connaissait la Corse.

Vous n'avez pas le droit, alors même que le préfet Bonnet n'a pas avoué ce dont on l'accuse, de faire comme si là était la seule origine d'un acte aberrant, totalement contradictoire avec les orientations données par le Gouvernement et qui, dans d'autres domaines, ont porté leurs fruits. A preuve, le chiffre des attentats et actions violentes (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL) est passé de 449 en 1996 à 361 en 1997 et à 132 en 1998. (Protestations sur les bancs du groupe DL et du groupe du RPR) Cette politique, dont on peut constater les effets positifs dans beaucoup d'autres domaines, devra être poursuivie.

Depuis plus de vingt-cinq ans, la Corse passe de période de répression en période de négociation et de compromission ; il est temps de tenir une ligne ferme. Or cette affaire de paillote, démesurément gonflée par certains d'entre vous (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR) donne à tous les contempteurs de la légalité républicaine, à tous ceux qui ont fait du racket, du chantage et de la peur la loi de l'île, l'occasion de pavoiser. Le Gouvernement ne fléchira pas : il a la volonté, relayée par le nouveau préfet, de faire prévaloir la loi de la République, comme s'y était engagé le Premier ministre le 19 juin 1997 dans sa déclaration de politique générale.

Continuité dans l'application de la loi, souci du développement de l'île, dialogue avec les élus, dont je souhaite qu'ils manifestent un esprit de responsabilité devant les défis à relever : tels sont les axes de notre politique (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, sur plusieurs bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe RCV)

KOSOVO

M. Jean-Claude Sandrier - Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.

La guerre du Kosovo arrive à un tournant : une issue paraît possible, à condition de donner toute sa place au processus politique. Chaque jour qui passe accroît les risques de dérapage ; le bombardement de l'ambassade de Chine le confirme.

L'accord intervenu il y a quelques jours au sommet du G8 laissait espérer des avancées significatives vers une solution politique ; il ne lâche rien quant aux respect des droits de l'homme, au retour des réfugiés et au déploiement d'une force civile et de sécurité sous l'égide de l'ONU, et il propose une porte de sortie à la partie serbe. Fort du soutien de la communauté internationale, validé juridiquement par les Nations Unies, il pourrait permettre, dans le cas où les autorités de Belgrade auraient une attitude d'obstruction, d'isoler Milosevic, y compris dans son propre pays.

L'annonce d'un retrait partiel des forces armées yougoslaves du Kosovo, le soutien de la Chine au plan proposé par le G8 si l'OTAN arrête ses bombardements nous donnent l'occasion d'aller plus loin. Nous avons le devoir politique de prendre au mot les auteurs de ces déclarations. Il convient donc, comme l'a d'ailleurs demandé le Président de la République italienne, de suspendre les frappes de l'OTAN, ce qui permettrait à la Chine de soutenir le plan de paix et placerait Milosevic dans l'impossibilité de renier sa parole, sauf à se déconsidérer.

Un député UDF - Vous êtes naïf !

M. Jean-Claude Sandrier - Comme le souhaite une majorité de nos concitoyens, la France doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour que s'ouvrent enfin des négociations sous l'égide de l'ONU ; quelles initiatives concrètes entend-elle prendre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes - Le bombardement de l'ambassade de Chine à Belgrade est une erreur tragique, une faute. Après le Président de la République et le Premier ministre, j'exprime nos très profonds regrets. Le chancelier Schhröder, qui préside actuellement l'Union européenne, est à Pékin pour faire part des siens à la Chine et pour lui dire que nous comptons sur elle dans la recherche d'une solution politique.

L'activité diplomatique, très intense, marque des progrès. Le 6 mai, à la réunion du G8 à Bonn, les alliés, mais aussi les Russes, ont repris les cinq conditions proposées par la France et consacrées par le secrétaire général de l'ONU. De nombreux émissaires -M. Bildt, M. Kukan, M. Tchernomyrdine, le président finlandais M. Ahtisaari, auquel le Président de la République vient de rendre visite- travaillent pour aboutir à une résolution, dans le cadre du conseil de sécurité de l'ONU.

Cependant, on ne saurait prendre au mot M. Milosevic, qui nous a appris à nous défier de ses propos. L'annonce du retrait de certaines troupes doit être prise avec circonspection ; en toute hypothèse, ce retrait serait insuffisant.

Nous devons donc poursuivre avec détermination tant l'action militaire, en renforçant la vigilance quant à la précision des cibles, que la recherche d'une solution politique, à laquelle travaille la France : Hubert Védrine est aujourd'hui à Moscou, le Président de la République s'y rendra le 13 mai et le Premier ministre les 24 et 25 mai (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste).

AVENIR DU THERMALISME

M. François Liberti - M. Alain Bocquet se joint à moi pour appeler l'attention du Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur les mesures proposées en matière de thermalisme dans le plan stratégique de la CNAM. Sur proposition du directeur de celle-ci, le conseil d'administration s'est en effet prononcé pour le non-remboursement des cures thermales, à l'exception de trois indications. Une telle mesure si elle était retenue entraînerait la disparition de cette activité, étant donné l'équilibre fragile des stations thermales ; dans ma circonscription, la ville de Balaruc-les-Bains, troisième station nationale, gère deux structures, emploie 450 salariés et vient d'investir 25 millions.

Depuis 1997, des mesures ont été prises pour rationaliser les dépenses. D'ailleurs, le thermalisme ne représente que 2,5 % des coûts de l'assurance-maladie ; en outre, on ne peut faire l'impasse sur les cotisations sociales que génèrent cette activité, non plus que sur les recettes induites par la TVA, la taxe professionnelle et l'impôt sur le revenu des salariés.

Les propositions de la CNAM vont à l'encontre des objectifs de croissance et d'emploi que le Gouvernement s'est fixés ; je vous demande, Madame la ministre, de les refuser et de pérenniser l'activité des stations thermales, au profit de la santé publique et de notre économie (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale - Je sais que vos préoccupations sont partagées sur d'autres bancs. Mais il est tout à fait normal que la CNAM délibère sur chacune des dépenses remboursées ; son avis constitue pour le Gouvernement un point de départ en vue d'engager la discussion avec les intéressés. Nous souhaitons que les indications de cures soient modernisées, mais rien n'est décidé et nous savons le rôle économique que jouent les stations thermales (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

KOSOVO

M. Pierre Carassus - Parce que les moyens ne paraissent pas en adéquation avec les objectifs officiellement poursuivis par l'OTAN, les députés du Mouvement des citoyens vous ont fait part, Monsieur le Premier ministre, de leur opposition à la décision de bombarder la Serbie. Ces frappes, présentées comme sans risque pour les populations, devaient en quelques jours anéantir l'appareil militaire de Milosevic ; nous savons, hélas, ce qu'il en est. Rien ne peut justifier la mort de civils -qui sont doublement victimes, de la dictature de Milosevic et des bombardements de l'OTAN. Aujourd'hui, le pays est à genoux, l'exode et les crimes s'intensifient au Kosovo, Milosevic est renforcé politiquement ; en outre, une agression contre un pays non engagé dans le conflit, la Chine, est considérée comme un acte de guerre...

Deux logiques s'opposent : le processus de guerre, avec tous les dangers et toutes les incertitudes qu'il comporte, et les processus diplomatique qui doit prendre en compte tous les signes d'ouverture, même minimes, donnés par Belgrade.

La France ne doit-elle pas avoir le courage de faire entendre sa propre voix, pour faire prévaloir une solution négociée ? Il est impératif de suspendre les bombardements, pour mettre Milosevic au pied du mur ? Quelle initiative notre pays compte-t-il prendre pour en finir avec ce conflit ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RCV et du groupe communiste)

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes - Sachez que nous nous sentons très concernés par le bombardement de l'ambassade de Chine à Belgrade et que nous soutenons pleinement les efforts déployés par l'Union européenne pour réintroduire la Chine, membre du Conseil de sécurité, dans le jeu diplomatique.

Nous ne pensons pas, d'autre part, qu'il faille opposer ce qui serait une logique de guerre à ce qui serait une logique politique. On voit bien que la logique militaire commence à faire plier M. Milosevic, comme en témoignent aussi bien l'arrivée à Rome de M. Rugova que l'annonce d'un début de retrait des forces serbes du Kosovo. D'une manière générale, la France ne ménage aucun effort diplomatique pour faire aboutir la paix dans le cadre du Conseil de sécurité de l'ONU. C'est le sens des visites que vont faire à Moscou, dans les tout prochains jours, les autorités françaises les plus éminentes ; c'est aussi le sens des engagements souscrits par la France dans le cadre du G8. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

RETRAITES

M. Gilles Carrez - En 1993, dès sa prise de fonction, le gouvernement Balladur a eu le courage politique de réformer le régime des retraites des salariés du secteur privé en augmentant la durée des cotisations.

En 1995, le gouvernement Juppé, conscient qu'il fallait rétablir l'équité, a évoqué, sans moins de courage, la nécessaire réforme du régime de retraite des fonctionnaires.

Aujourd'hui, alors que chacun convient que la France va connaître, en 2005, un choc démographique -le nombre des cotisants diminuant alors que, simultanément, celui des retraités augmentera très sensiblement- vous vous bornez, Monsieur le Premier ministre, à demander un énième rapport dans lequel sont recensées des pistes déjà largement explorées et à conclure qu'il est urgent d'attendre, car vous savez que les mesures à prendre risquent d'être impopulaires.

Les Français sauront donc que, de notre côté, on trouve courage et responsabilité, du vôtre légèreté et attentisme. Votre décision de ne rien faire ne tient-elle pas à ce que, plus que par la crainte du choc démographique de 2005, vous êtes animés par la peur du choc électoral de 2002 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF)

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - J'ignore quelle sera l'ampleur du choc démographique de 2005, mais je sais que le choc électoral de 1997 ne nous a pas été trop désagréable... (Sourires sur les bancs du groupe socialiste) M. Charpin, le commissaire au Plan, nous a remis un rapport qui reflète un consensus sur le bilan, et c'est par là qu'il fallait commencer. L'accord s'est fait, donc, sur un bilan en deux parties, dont il ne faut escamoter aucune. La première est que le système de répartition, créé il y a 50 ans, a rempli sa mission. La seconde est que, progressivement -et non pas soudainement, le 1er janvier 2005-, entre 2005 et 2020, la situation démographique évoluera de telle manière que des problèmes se poseront inéluctablement. Il faut donc entreprendre de les résoudre.

C'est pourquoi, après que ce rapport lui a été remis, le Gouvernement a décidé d'engager une phase de concertation, qui permettra à Mme Aubry d'entendre représentants des syndicats, des organisations patronales et des associations. Ainsi seront rassemblés les éléments qui permettront que la réforme se fasse et aboutisse.

Est-ce de l'attentisme que procéder de la sorte ? Quant M. Juppé jetait, fin 1995, la moitié des Français dans la rue, sans aucun résultat, était-il plus efficace ? Depuis deux ans, ce gouvernement a montré qu'il parvenait, en associant les Français aux discussions, à trouver les solutions nécessaires. Il en ira de même cette fois et je suis certain que vous participerez au débat qui nous permettra de trouver, ensemble, d'autres solutions que celles qui n'ont pas abouti en 1995 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Paecht remplace M. Fabius au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE DE M. Arthur PAECHT

vice-président


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AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE (nouvelle lecture)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire.

M. le Président - Jeudi soir, l'Assemblée a terminé l'examen des articles.

M. Philippe Duron, rapporteur de la commission de la production - Nous voici donc parvenus à la fin de la nouvelle lecture de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire.

Je tiens à remercier Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, qui a su tenir compte des préoccupations des parlementaires. Mes remerciements s'adressent aussi au président de notre commission, M. André Lajoinie, et plus largement à l'ensemble des députés, qui nous ont permis de préciser et d'enrichir ce projet au terme d'un débat intéressant et constructif.

Je me félicite que nous soyons arrivés à un texte qui, tout en intégrant les améliorations apportées par le Sénat, telles que l'introduction d'un schéma sur le sport, revient largement à la version que nous avions adoptée en première lecture, le 9 février.

En effet, le Sénat, en choisissant de rester fidèle à la philosophie de la loi du 4 février 1995, fondée essentiellement sur l'aide à apporter aux territoires en difficulté, et donc sur une logique de zonages, avait profondément appauvri l'esprit du projet.

L'aménagement du territoire ne saurait se réduire à compenser les handicaps. Votre texte, Madame la ministre, propose donc une nouvelle démarche, que vous avez fort bien su résumer : un projet, un territoire, un contrat.

L'élaboration de projets, qui se traduiront dans des chartes de pays ou d'agglomérations, permettra de mobiliser toutes les énergies locales. C'est autour de ces projets que s'organiseront les nouveaux territoires pertinents, les pays et les agglomérations. Il s'agit là de prolonger la profonde évolution amorcée avec les contrats de plan Etat-régions en l'étendant aux nouveaux territoires, qui répondent à l'organisation et aux pratiques économiques et sociales de notre temps.

La possibilité donnée aux pays et aux agglomérations de contractualiser directement avec l'Etat offre à ces territoires des perspectives fortes.

Aux pays et aux agglomérations s'ajoutent, dans la nouvelle architecture territoriale les pôles de taille européenne, et les territoires en difficulté, ce qui prouve bien que la majorité est loin d'être opposée au rééquilibrage, comme on a pu le lui reprocher. Elle considère simplement qu'il ne peut, à lui seul, fonder la politique d'aménagement du territoire.

Les dispositions relatives aux pays et aux agglomérations, que l'Assemblée avait enrichies de manière significative lors de la première lecture, et que le Sénat avait beaucoup appauvries, ont été rétablies et clarifiées.

Autre disposition essentielle : le projet de loi prend comme point de départ les besoins des Français. Les neuf schémas de services collectifs, qui fixent au plan national les objectifs de l'Etat en matière d'aménagement du territoire, obéissent à cette logique, en se fondant sur les besoins de services et d'équipements, et non plus sur la seule offre exprimée. Le Sénat avait rétabli la logique inverse, et il importait donc de revenir, ici aussi, à la version adoptée par notre assemblée.

Outre la recomposition territoriale qu'elle propose, et les nouveaux instruments qu'elle crée, la loi que nous allons adopter vise aussi à renforcer la démocratie participative, en prévoyant la représentation des citoyens au sein des différentes instances de l'aménagement du territoire par le biais des associations. Il nous fallait rétablir cette importante disposition supprimée par le Sénat. C'est maintenant chose faite.

L'égal accès aux services publiques en tout point du territoire constitue un des aspects essentiels de l'aménagement du territoire. Les députés avaient eu à coeur, lors de la première lecture, d'enrichir le texte du Gouvernement, qui, vous l'avez vous-même reconnu, Madame la ministre, présentait quelques lacunes à ce sujet. Vous nous aviez entendus, et vous aviez complété le projet de loi par deux amendements, l'un instaurant le service postal universel, l'autre les maisons de services publics. Le Sénat les avait supprimés, notre Assemblée les a, avec raison, rétablis.

Approche novatrice fondée sur l'initiative et les potentialités des acteurs locaux, nouvelle architecture territoriale mieux adaptée à la vie économique et sociale de nos concitoyens, meilleure prise en compte de leurs aspirations et de leurs besoins, introduction de la notion de développement durable : votre projet de loi, Madame la ministre, refonde la politique d'aménagement du territoire. Notre Assemblée une première fois avait contribué à l'améliorer et à l'enrichir. Nous avons su, lors de cette nouvelle lecture, rétablir, en les précisant, les principales dispositions de ce texte transformé par le Sénat. C'est pourquoi, je suis convaincu qu'il recevra le large soutien d'une majorité de notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV)

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - La première lecture du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire par votre assemblée avait déjà permis, au terme d'un vrai débat, de préciser les intentions du Gouvernement et de prendre en compte vos préoccupations. Elle avait débouché sur un texte dont je m'étais félicitée.

Les bouleversements que le Sénat lui a apportés nous ont conduit à examiner en nouvelle lecture un texte profondément modifié. La Haute assemblée avait en effet réécrit très largement le texte sans prendre en compte les arguments et les propositions que j'avais formulés au nom du Gouvernement en dépit de ma grande réceptivité aux propositions des sénateurs.

C'est donc avec le souhait de rebâtir un texte proche de celui que vous aviez voté le 9 février que j'ai repris cette discussion, en tenant compte, quand il le fallait, des précisions ou des améliorations qu'avait formulées le Sénat.

Est-il besoin de rappeler les grands axes de ce texte ?

En premier lieu, un aménagement du territoire vu dans une perspective de développement durable, attachée à répondre aux besoins de court terme et à prendre en compte les enjeux de long terme. Cette approche ne peut se confondre avec le seul souci de préserver l'environnement : au contraire, elle intègre étroitement performance économique globale, cohésion sociale, qualité de l'environnement et méthode d'élaboration et de mise en oeuvre associant les partenaires intéressés.

Ensuite, la priorité donnée à l'emploi par la prise en compte de l'efficacité de politiques publiques dans la lutte contre le chômage.

La recherche, aussi, d'une société plus juste et plus solidaire, à laquelle l'aménagement du territoire doit contribuer -sans pour autant prétendre tout résoudre à elle seule-, en veillant à réduire les déséquilibres entre les territoires et à renforcer la cohésion sociale et territoriale à tous les niveaux : local, régional, national et européen.

Enfin, la valorisation des ressources, qui doit fonder le développement, en privilégiant les territoires de projet que sont les agglomérations, les pays, les parcs naturels...

Ces axes sont conformes au processus d'intégration de la France à une Europe élargie comme à notre organisation décentralisée.

L'adoption du Schéma de développement de l'espace communautaire par le Conseil des ministres de l'aménagement du territoire hier à Potsdam, donne à ce processus un cadre de référence avec lequel ce texte est totalement cohérent.

C'est pour s'en tenir à cette approche partagée par votre Assemblée et par le Gouvernement qu'il importait de revenir au texte voté en première lecture.

La nouvelle lecture a toutefois permis de prendre en compte quelques évolutions résultant de la discussion au Sénat : publicité des débats du CNADT, valorisation du bénévolat, possibilité pour les collectivités locales de mettre en place des réseaux de télécommunication à haut débit, reconnaissance des comités d'expansion et des agences de développement.

Plus significativement, elle a permis de rétablir la cohérence d'ensemble du dispositif et l'évaluation de la faisabilité de fonds régionaux pour l'emploi et le développement. Vous avez réécrit les dispositions relatives à la mise en place des pays et à la constitution d'agglomération comme territoires de projet. Vous avez confirmé la création d'un nouveau schéma de service collectif du sport.

Dans le même temps, vous avez supprimé des adjonctions du Sénat qui dénaturaient le projet et sa logique, en particulier sur le contenu des schémas de services, sur les articles relatifs au code de l'urbanisme ou aux interventions économiques des collectivités locales, qui font l'objet de textes en préparation par le Gouvernement, ainsi que sur les zonages. Vous avez également rétabli la transposition de la directive postale. Vous avez enfin rétabli l'équilibre auquel nous étions parvenus sur les modalités d'association du Parlement à l'élaboration des schémas de services collectifs.

Le texte issu de cette nouvelle lecture privilégie le projet et le contrat sur la réglementation, il propose une approche active et vertueuse d'un développement mieux partagé, plus ouvert, plus décentralisé, plus proche des populations et de leurs préoccupations.

L'Assemblée a ainsi défini, sur la proposition du Gouvernement, les orientations et le cadre d'élaboration de la politique partagée, par contrat, d'aménagement et de développement durable du territoire de notre pays.

Ainsi avez-vous défini le cadre d'une politique partagée d'aménagement et de développement durable du territoire, en précisant le rôle de l'Etat dans les neuf schémas de services collectifs, les territoires de projet, les objectifs et les procédures pour la présence des services publics. Mais cette politique est aussi contractuelle et les règles que vous avez fixées sont nécessaires à la négociation qui va s'engager cet été avec les collectivités territoriales, et à laquelle participeront aussi les partenaires économiques, sociaux et associatifs.

Je remercie tous les parlementaires, en particulier le rapporteur et le président de la commission, qui ont pris une part active au travail que nous avons effectué ensemble pour concrétiser l'engagement du Premier ministre de donner un cadre nouveau à la politique d'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste)

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Félix Leyzour - Le groupe communiste et apparenté avait voté le texte en première lecture, après une discussion riche, ouverte, au cours de laquelle le projet avait été complété sur de nombreux points.

Le texte a été, non pas amendé, mais profondément dénaturé par le Sénat, et la CMP n'a pu aboutir.

M. Germain Gengenwin - Vous détruisez le travail du Sénat !

M. Félix Leyzour - Cette deuxième lecture a pour l'essentiel permis le retour aux dispositions précédemment adoptées.

Nous voulons un aménagement et un développement équilibré qui prenne appui sur la diversité de nos territoires, qui en valorise les atouts, qui réponde aux besoins sociaux.

Une réelle politique d'aménagement du territoire doit donc conjuguer action contre les inégalités territoriales et la lutte contre les inégalités sociales et va à l'opposé de la vague libérale qui déréglemente, qui met en compétition les territoires et les travailleurs.

En deuxième lecture, notre objectif était d'arriver à un texte qui prenne en compte les préoccupations de la population, de ses élus.

Notre groupe, soucieux d'aller vers plus de démocratie, de justice, d'égalité entre les territoires et les gens qui y vivent et qui y travaillent, se réjouit du rétablissement de la disposition, qui avait été adoptée à son initiative, créant des fonds régionaux regroupant divers financements et pouvant faire appel à l'épargne régionale de façon à favoriser le développement local à travers les PME et les PMI.

A côté de la région, véritable pivot des politiques d'aménagement, le pays est confirmé comme territoire pertinent et les agglomérations sont aussi vues comme un espace d'aménagement. Le département, qui joue un rôle essentiel dans les politiques sociales, sportives, culturelles, d'aménagement rural et d'intervention économique est également retenu comme partenaire des contrats de plan.

La notion de région chef de file n'a pas été retenue afin d'éviter la tutelle d'une collectivité sur les autres. La concertation, l'élaboration en commun de projets, la coopération sont les meilleures voies.

Nous avons exprimé les plus expresses réserves sur la tentation, de plus en plus fréquente, d'introduire dans la loi de manière subreptice, des amendements sur des questions aussi importantes et aussi complexes que la directive postale ou l'avenir des télécommunications, qui doivent faire l'objet de débats spécifiques. Nous nous sommes donc abstenus sur l'amendement du Gouvernement repris par la commission. Pourquoi dissimuler les divergences d'appréciation sur ces points au sein de la majorité. D'autant que celle-ci ne nous conduit pas à modifier notre vote d'ensemble en faveur de ce projet car nous sommes conscients que les meilleurs textes sont ceux qui trouvent ensuite la meilleure application (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Pierre Hellier - Cette nouvelle lecture a été plutôt rapide, au regard du marathon de la première lecture, qui avait duré trois semaines et épuisé près de 1 200 amendements. Il est vrai que le débat a été tronqué, les améliorations apportées par les sénateurs étant balayées d'un revers de manche, le dialogue en CMP ayant été refusé. Pourtant, le texte du Sénat était bon.

Quelles sont les grandes mesures de votre texte, Madame la ministre ? L'article 19, qui se borne à confirmer les pays créés par la loi de février 1995. Certes, l'intervention du préfet a été rétablie pour affirmer le rôle de l'Etat dans le processus de constitution des pays, ce qui nous fait craindre qu'ils deviennent un échelon administratif supplémentaire.

L'article 20, relatif aux agglomérations, aurait plus sa place dans le projet Chevènement sur l'intercommunalité. Vous avez ainsi réintroduit le seuil de 50 000 habitants avec une commune-centre de 15 000 habitants, alors que les sénateurs avaient assoupli ce dispositif et l'avaient renvoyé à la discussion sur la coopération intercommunale.

Quant aux schémas de services collectifs, la suppression du schéma national les prive de toute cohérence.

Le schéma des transports présente d'importantes lacunes sur des points aussi importants que les infrastructures, les fournitures de services, les plates-formes multimodales, l'amélioration de la qualité des services, l'impact prévisible des nouvelles directives européennes, l'Europe des transports.

Vous transposez à la va-vite la directive européenne sur le service postal qui aurait pourtant mérité un projet spécifique.

La Délégation parlementaire à l'aménagement du territoire ne voit le jour que parce que vous refusez de soumettre au vote du Parlement les schémas de services collectifs. Cela montre bien que le Gouvernement n'entend pas vraiment décentraliser sa politique d'aménagement du territoire.

Ce projet, prétendument d'aménagement du territoire, ne concerne en fait que les zones urbaines. Aucune mesure sérieuse n'est envisagée en faveur de la montagne ou pour lutter contre la désertification du monde rural. Pourtant, l'urbanisation mal maîtrisée est à l'origine de problèmes sociaux de plus en plus graves. Vous nous imposez la création de maisons de services publics pour maintenir ces derniers dans les petites communes. Mais vous vouliez également les faire participer à leur financement, alors qu'ils sont gratuits dans les villes. Fort heureusement, l'Assemblée ne vous a pas suivie.

Il manque enfin à votre texte un réel volet économique. Au Sénat, Jean-Pierre Raffarin avait fait adopter des dispositions fort intéressantes pour le développement économique des territoires, notamment en faveur des PME. Il s'agissait notamment de créer un fonds commun de placement de proximité pour drainer l'épargne de proximité des particuliers vers les entreprises des zones fragiles ; d'inciter à la mise en réseau des entreprises au sein des territoires, par le biais du Fonds national de développement des entreprises ; d'alléger les droits sur les transmissions anticipées d'entreprises en milieu rural et urbain sensible, pour y maintenir l'activité ; de proroger les exonérations fiscales pour les entreprises qui s'implantent dans les zones fragiles. Voilà qui serait vraiment propice au développement durable. Pourtant votre Gouvernement, dont la priorité affichée est l'emploi, n'a pas voulu de ces mesures.

Pour toutes ces raisons, le groupe Démocratie libérale, comme en première lecture, votera contre ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Yves Coussain - Un récent sondage révèle que 44 % des Français préféreraient vivre à la campagne et que 48 % d'entre eux estiment que dans dix ans, la vie à la campagne sera la plus moderne. La loi d'orientation sur l'aménagement du territoire aurait dû tenir compte de cette vision prospective et s'assigner pour objectif de donner aux Français la possibilité de choisir leur lieu de vie. En effet, ce choix n'existe pas aujourd'hui, tant en raison de la concentration des emplois et des services que des difficultés à circuler dans certaines zones.

Près de deux siècles d'industrialisation et de concentration urbaine ont déséquilibré nos territoires, vidé nos campagnes et surpeuplé nos métropoles. L'essor de la société de l'information et de la communication peut favoriser un rééquilibrage démographique, à la condition qu'une ferme volonté politique se fasse jour.

Ce projet de loi aurait dû exprimer cette volonté. Le Sénat lui avait donné du corps et de l'ambition. Mais après cet examen en deuxième lecture, on en est quasiment revenu au texte initial, à l'exception d'intéressants progrès en matière d'équipements et de services d'information et de télécommunications. Sur ce point, je tiens à remercier le rapporteur de son esprit d'ouverture.

Outre son manque de vision à long terme, j'adresserai plusieurs reproches à ce projet. Il ne clarifie pas la répartition des compétences et ne dit mot de la péréquation de ressources ; il exclut le Parlement du débat sur l'aménagement du territoire ; il ne fixe aucun objectif précis ni contraignant en matière d'infrastructures de transport. Sur ce point, nous sommes en total désaccord avec vous, Madame la ministre : la bonne circulation des hommes et des marchandises est à la fois le préalable et la condition d'un aménagement harmonieux du territoire. Ce texte risque aussi de compliquer les procédures avec la création de structures nouvelles, les pays. Enfin, il ne comporte aucun volet économique alors même que l'une de ses priorités affichées était de favoriser l'emploi.

Pour ces raisons, entre autres, le groupe UDF ne votera pas ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Serge Poignant - Le Sénat avait travaillé dans un esprit constructif, contribuant à améliorer le texte que nous avions adopté en première lecture. Mais la majorité de l'Assemblée souhaitait que la CMP échoue, elle a donc échoué. J'aurais pourtant aimé que certaines des avancées proposées par le Sénat puissent être retenues.

Le schéma de synthèse, qui aurait permis de réunir dans un seul document les différents schémas de services, a été rejeté, de même que la notion de schémas de services et d'équipements, alors même que développement durable et développement des infrastructures vont de pair. De même a été refusée la consultation du Parlement : la représentation nationale sera privée d'un débat sur les grandes orientations fixées à l'horizon 2020, une délégation parlementaire ayant été jugée suffisante. Le volet économique aussi sera absent, alors même que le Gouvernement a fait de l'emploi sa priorité. Pourtant, on a bien su y introduire, subrepticement, un article visant à transposer partiellement la directive postale européenne.

Quatre propositions majeures formulées par le Sénat ont été supprimées, si bien que l'on est quasiment revenu au texte adopté en première lecture que nous continuons de trouver déséquilibré et dépourvu d'ambition.

Bien qu'il donne acte au rapporteur de ses efforts pour parvenir à certaines conciliations de bon sens, le groupe RPR votera contre ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Patrick Rimbert - Au terme de cette deuxième lecture, le projet de loi d'orientation sur l'aménagement et le développement durable du territoire aura été modifié, enrichi, y compris par le Sénat.

Désormais, la notion de développement durable ne sera plus seulement le thème de séminaires et colloques : elle sera inscrite dans la loi et devra être prise en compte, notamment dans les contrats de plan Etat-région. Par ailleurs, le rôle de la région en matière d'aménagement du territoire est réaffirmé : c'est bien à son niveau que seront définies les stratégies, en concertation avec l'Etat, et que seront mobilisés les moyens. Les agglomérations vont devenir des espaces de projets : on ne peut en effet à la fois déplorer le chômage et les violences qui y sévissent et refuser plus longtemps à leurs habitants la capacité de prendre leur destin en mains et d'élaborer un projet d'agglomération. Les pays, quant à eux, associations de collectivités volontaires, élaboreront des chartes de développement.

Certains ont prétendu que les zones rurales sensibles et les territoires en difficulté étaient abandonnés. Dois-je rappeler que ce projet reprend en partie la loi Pasqua de 1995 qui prévoyait des mesures en faveur de ces territoires ? Peut-être les articles concernés sont-ils critiquables, en tout cas ils ne sont pas abrogés. Les députés socialistes sont très vigilants sur les problèmes que rencontrent ces zones et, lorsqu'ils sont élus locaux, ils ne manquent pas, eux, d'abonder les fonds prévus. Ce texte marque aussi la volonté, nouvelle, d'associer toutes les forces vives de la nation, acteurs économiques, sociaux, culturels, associatifs, à l'aménagement du territoire.

Grâce à la création d'une délégation parlementaire, le Parlement pourra en permanence évaluer la politique d'aménagement du territoire et se saisir de problèmes particuliers, ce qui permettra un meilleur suivi qu'aux travers d'un unique débat. Les schémas de transport lui seront, quant à eux, soumis après leur mise en oeuvre et leur évaluation.

Enfin, ce texte réaffirme les engagements de l'Etat au travers des neuf schémas de services collectifs, largement préférables à un simple document de synthèse qui, trop synthétique, n'aurait que peu de contenu. Il garantit aussi que modernisation de l'Etat et aménagement du territoire iront dorénavant de pair, ce qui n'a pas toujours été le cas.

Le groupe socialiste a largement contribué, avec MM. Brottes, Filleul, Nayrou, et bien sûr le rapporteur qui a fait preuve d'une grande capacité d'écoute, à enrichir un texte dont la rédaction actuelle répond totalement à ses attentes.

Cette loi permettra à l'ensemble de nos territoires de se mobiliser, non pour reconstituer des espaces nostalgiques, mais bien pour développer des projets, en associant les habitants et les collectivités qui les représentent. Un territoire, un projet, un contrat : voilà ce à quoi nous sommes conviés. Le groupe socialiste, qui approuve cette démarche, votera ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Michel Marchand - Nous avons bien fait de reprendre le texte voté en première lecture car il aura été substantiellement enrichi et à cet égard, je salue la grande compétence de notre rapporteur.

L'aménagement du territoire est, avec l'emploi et la cohésion sociale, l'une des priorités du Gouvernement. Quelles sont les principales avancées de ce texte ? Tout d'abord, les schémas de services collectifs seront les garants du rôle de régulateur dévolu à l'Etat. Ensuite, la décentralisation aura été renforcée avec la reconnaissance de la compétence de la région en matière d'aménagement du territoire. Enfin, la démocratie participative y aura gagné puisque désormais les acteurs de terrain seront mieux associés, au travers notamment des comités de bassin d'emploi, des agences de développement et des comités d'expansion.

En second lieu, voici notre territoire structuré en pays et en communautés d'agglomération. Au terme de riches débats, nous sommes parvenus à des définitions claires et à une articulation convenable entre les deux types de structure, tout comme entre pays et PNR. Ainsi est assurée la complémentarité entre milieu urbain et milieu rural. Enfin, le projet sert la perspective d'un développement durable, au profit de l'économie et de l'emploi, en application des conclusions du sommet de Rio. Un rôle déterminant est reconnu aux services publics, en particulier pour préserver les ressources naturelles, les espaces, les espèces et les milieux. Qui pourrait ne pas être d'accord ?

Ce texte trace des orientations pour les vingt ans à venir, le Parlement gardant le pouvoir de les rediscuter. Dans l'immédiat, il permettra de donner plus de poids et de cohérence aux contrats de plan en cours d'élaboration.

Au total, nous donnons corps au triptyque que vous aimez rappeler : un projet, un territoire, un contrat.

Je puis vous assurer du vote positif du groupe RCV (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

L'ensemble du projet, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance ce soir à 21 heures.

La séance est levée à 16 heures 50.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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