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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 93ème jour de séance, 237ème séance

3ème SÉANCE DU MARDI 11 MAI 1999

PRÉSIDENCE DE M. Raymond FORNI

vice-président

          SOMMAIRE :

SÉCURITÉ ROUTIÈRE -CMP- (procédure d'examen simplifiée) 1

    EXPLICATION DE VOTE 9

SOINS PALLIATIFS (suite) 9

La séance est ouverte à vingt et une heures.


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RÉUNION DE DEUX COMMISSIONS MIXTES PARITAIRES

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre deux lettres m'informant que, conformément à l'article 45, alinéa 2 de la Constitution, il a décidé de provoquer la réunion de deux CMP sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de 50 ans et de celle relative au pacte civil de solidarité.


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SÉCURITÉ ROUTIÈRE -CMP- (procédure d'examen simplifiée)

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre soumettant à l'approbation de l'Assemblée le texte de la CMP sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière et aux infractions sur les agents des exploitants de réseau de transport public de voyageurs.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la CMP.

Je rappelle que ce texte fait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.

M. René Dosière, rapporteur de la CMP - L'accord de la CMP sur ce texte très controversé est significatif de l'intérêt que porte la représentation nationale à la sécurité routière. L'absence d'accord aurait en effet reporté le vote de ce texte d'encore plusieurs semaines, et le rapporteur du Sénat M. Lanier et moi avons travaillé en bonne entente.

Le résultat de cette CMP constitue une première puisque c'est une feuille blanche que nous soumettons à votre approbation. Deux articles importants restaient en discussion, chacun voté par une assemblée et refusé par l'autre. L'accord était simple : nous avons supprimé les deux.

Sur l'article 7 bis du Sénat, la CMP s'est rendue aux arguments de l'Assemblée nationale, avant d'établir un délit de conduite sous l'emprise de la drogue, il faut mettre au point des techniques fiables de dépistage et bien connaître les effets des drogues. Le dépistage ne doit être obligatoire qu'en cas d'accident mortel. Toutefois il est toujours loisible au procureur de la République de l'ordonner dans les autres cas.

L'article 15, dont j'étais à l'origine, envisageait l'élaboration d'une norme de sécurité pour les infrastructures routières nouvelles. Il a rencontré l'hostilité de l'association des présidents de conseils départementaux et donc du Sénat. Pour ne pas provoquer l'échec de la CMP, j'ai accepté sa suppression. C'est vérifier une nouvelle fois le poids des lobbies et les inconvénients du cumul des mandats.

M. Michel Bouvard - C'est inadmissible ! Certains départements dépensent trois fois la moyenne nationale !

M. le Rapporteur - L'intérêt d'une collectivité, même publique, demeure particulier face à l'intérêt général.

Monsieur le ministre, la suppression de cet article ne vous interdit pas d'entamer une concertation sur ce sujet.

Quant à l'article 14 sur le marquage des vélos, il s'agissait, comme l'ont fait remarquer nos collègues du Sénat, d'une disposition réglementaire. C'est donc à vous, Monsieur le ministre, d'agir.

Le résultat de la CMP contribue à faire reculer deux idées. La première est celle de la fatalité des morts dues aux accidents de la route. La France a déjà montré, depuis les premières mesures de réduction de la vitesse de 1973 et la diminution du nombre de morts, qu'il n'y avait pas de fatalité. Mais d'autres pays comme le Québec ou l'Espagne ont montré avec d'autres dispositifs qu'il était possible d'aller plus loin.

La deuxième idée, c'est qu'on n'est jamais soi-même le responsable d'un accident. On incrimine tantôt la vitesse, tantôt l'alcool, la voiture ou l'infrastructure...

Il faut agir sur l'ensemble des causes. Ce texte a souffert de ses retards, mais il est utile, notamment par ses dispositions sur la formation. Il devra être complété, mais vous pouvez compter sur le soutien de l'Assemblée pour obtenir un meilleur budget à l'avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - Je remercie votre rapporteur pour la qualité de son travail et le souci qu'il a montré de ne pas retarder le vote de ces mesures.

M. Dominique Bussereau - C'est pour cela qu'on en discute depuis plus d'un an !

M. le Ministre - Après des débats très riches en première et deuxième lecture, nous voici dans la phase finale de l'examen de ce projet. Celui-ci, j'y insiste, n'est qu'un des éléments d'une politique d'ensemble de sécurité routière. Elle a été définie lors du comité interministériel de sécurité routière de novembre 1997, et celui du 2 avril dernier s'inscrit dans les mêmes orientations. Avec le présent texte, le dispositif juridique de notre pays sera comparable à celui de nos voisins européens : la priorité n'est pas de l'alourdir, mais d'obtenir que chacun le respecte. Quatre axes principaux ont été arrêtés : faire de la sécurité routière une grande cause d'intérêt national ; renforcer les contrôles ; développer les partenariats pour responsabiliser nos concitoyens ; améliorer les infrastructures. Voyons-en rapidement les principaux éléments.

Premier axe : la sécurité routière sera déclarée grande cause nationale en l'an 2000. Le programme Label Vie, appel de projets de jeunes pour les jeunes, lancé dès cette année, relève de cette volonté. Plusieurs centaines de projets ont déjà été déposés, phénomène très intéressant, comme le souligne Mme Massin, déléguée interministérielle à la sécurité routière. Il faut maintenant faire entrer ces projets dans la vie.

Une grande campagne nationale de communication sera lancée dès cet été. D'autres actions, notamment en direction des jeunes ou sur le thème de l'alcool au volant, se dérouleront d'ici la fin de l'année. Quinze millions de francs ont été redéployés dès cette année à cet effet sur les crédits du ministère de l'équipement.

Des campagnes régulières et d'un ton plus direct accentueront l'effort de communication tout au long de l'année 2000. Une journée nationale de rassemblement et d'échange en sera le point fort.

Le deuxième grand axe est le renforcement des contrôles. Le sentiment de pouvoir être contrôlé à tout moment est un élément fortement dissuasif. La présence des forces de l'ordre doit donc être renforcée surtout dans les endroits les plus dangereux, les week-ends, la nuit et là où les enjeux de sécurité sont les plus forts.

Des décisions importantes ont été prises pour accroître le volume et la pertinence des contrôles. Le nombre d'heures consacrées par les forces de l'ordre aux missions de surveillance du trafic et le nombre de contrôles seront augmentés d'au moins 10 % en 1999. Un plan triennal de renforcement de l'équipement de la police et de la gendarmerie en moyens modernes de contrôle à été décidé. Les effectifs de gendarmes seront renforcés dans ce but. Enfin un plan annuel de contrôles sera établi dans chaque département sous l'autorité du préfet pour mieux les cibler et les coordonner à partir d'une analyse des accidents propres au département.

Troisième axe : mobiliser et responsabiliser nos concitoyens suppose de développer les partenariats avec tous les acteurs de la sécurité routière. A mes yeux, la politique de sécurité routière doit être conduite en concertation étroite et parfois sous le contrôle critique, de ceux qui sont les plus concernés. Je pense aux jeunes, aux motards, aux associations qui oeuvrent pour la sécurité routière, mais aussi aux fédérations sportives ou aux associations spécialisées dans l'insertion sociale et professionnelle. Il s'agit de s'appuyer sur toutes les énergies.

Par ailleurs, le monde du travail doit être impliqué dans l'effort pour la sécurité routière. Plus de 50 % des décès répertoriés comme accidents du travail, sont des accidents de la route. Il importe donc de développer les plans de prévention des risques routiers en entreprises. L'Etat doit donner l'exemple. Une circulaire du Premier ministre demandera aux services centraux et déconcentrés de l'Etat de se doter d'ici trois ans d'un tel plan de prévention pour l'ensemble de leurs personnels. Ce plan sera engagé dès 1999 au ministère de l'équipement.

Quatrième axe, évoqué par votre rapporteur : améliorer la sécurité des infrastructures. L'impact des projets routiers sur la sécurité doit devenir un des critères de sélection prioritaire pour leur inscription aux prochains contrats de plan Etat-régions. Mandat sera donné en ce sens aux préfets de région, qui devront en outre établir des programmes routiers d'aménagements de sécurité cofinancés.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. le Ministre - Sur le réseau de l'Etat, un programme pluriannuel de traitement des obstacles latéraux et un programme pluriannuel d'installation de dispositifs de protection des motards sera élaboré ; une première tranche sera mise en oeuvre dès 2000.

On le voit, la politique de sécurité routière du Gouvernement ne se réduit pas au présent projet de loi, mais il en constitue une pièce importante. Le travail des deux assemblées a permis de l'améliorer. L'accord intervenu en CMP montre qu'un large consensus existe sur ce texte et je m'en réjouis particulièrement.

La commission mixte paritaire propose de retirer les trois dispositions qui restaient en débat. En ce qui concerne la drogue, l'article 7 du projet organise une procédure de dépistage en cas d'accident mortel. Ceci nous permettra de mieux établir les liens entre l'absorption des différents types de stupéfiants et les risques sur la conduite. C'est à partir de ces résultats que nous verrons s'il faut aller plus loin, et comment. Je rappelle toutefois que la prise de stupéfiant est en soi un délit, et que le juge peut en faire une circonstance aggravante lorsqu'il sanctionne un comportement ayant conduit à un accident.

En ce qui concerne le marquage des vélos, je vous l'ai dit : je comprends l'intérêt de cette mesure mais elle relève du domaine réglementaire et doit par ailleurs faire l'objet d'un accord au niveau européen. Comme je m'y étais engagé, une concertation sera engagée avec les professionnels concernés.

En ce qui concerne enfin le contrôle des infrastructures, vous savez qu'il sera systématisé dès l'année prochaine pour les projets neufs de l'Etat. J'avais, lors de la seconde lecture devant votre assemblée, donné un avis favorable à l'extension de ce contrôle aux projets neufs des collectivités locales. Mais les interrogations de ces dernières ont conduit la CMP à proposer d'écarter pour l'instant cette mesure. Néanmoins, j'entends ouvrir une concertation avec les collectivités locales...

M. Michel Bouvard - Très bien !

Mme la Ministre - ...pour voir comment progresser sur ce sujet important, notamment autour d'idées comme la mise en place d'une démarche qualité et sécurité routière dans le processus de conception et d'aménagement routier, ou la constitution d'un volet relatif à la sécurité routière pour toute réalisation soumise à enquête d'utilité publique.

Tout au long des débats, j'ai voulu tenir le plus grand compte des propositions de la représentation nationale. Dans cet esprit, et bien qu'il s'agisse là d'une procédure qui n'est peut-être pas habituelle pour un article qui a été voté conforme, le Gouvernement propose un amendement à l'article 4. Celui-ci étend le système de la responsabilité pécuniaire, en vigueur depuis 1972 pour le stationnement, aux infractions relatives à la vitesse et au non respect des feux rouges et des stops. Un débat parlementaire approfondi a permis d'enrichir sensiblement le texte initial du Gouvernement. Mais des critiques ont été émises, concernant la sauvegarde des droits de la défense et un risque d'inconstitutionnalité. L'amendement du Gouvernement vise à répondre à ces préoccupations. Il laisse inchangé le régime relatif au stationnement ; pour les autres infractions, il précise qu'en plus du vol ou du cas de force majeure, le propriétaire peut être exonéré de sa responsabilité pécuniaire s'il apporte tous éléments permettant d'établir qu'il n'est pas l'auteur véritable de l'infraction.

L'amendement conserve, bien entendu, les garanties complémentaires proposées par le Parlement : le titulaire du certificat d'immatriculation n'est pas responsable pénalement de l'infraction ; la mise en jeu de la responsabilité pécuniaire ne donnera pas lieu à inscription sur le casier judiciaire, ni à un retrait de point, et il n'en sera pas tenu compte pour la récidive.

Après les très mauvais résultats de 1998, les trois premiers mois de 1999 marquent un recul du nombre des tués, mais ce progrès est à la fois insuffisant et fragile. Nous devons poursuivre avec persévérance une politique ambitieuse reposant sur la mobilisation de chacun et qui associe l'éducation, la prévention, l'amélioration des véhicules et des infrastructures, les contrôles et les sanctions. Ce projet est un élément important de cette politique. La qualité de vos débats, le souci qui a été le vôtre et celui de votre rapporteur d'enrichir le texte tout en recherchant le plus large consensus auront servi la grande cause nationale que doit être la sécurité routière. Je vous en remercie (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Dominique Bussereau - Vous avez eu raison, Monsieur le ministre, de rappeler la gravité de l'insécurité routière. Mais pourquoi présenter un texte dont le contenu est réglementaire au printemps 1999, quand vous auriez pu le faire il y a deux ans ? Vous avez commis un délit de "très grande lenteur" : ce projet a traîné treize mois devant les assemblées ! Vous êtes en outre le ministre qui a baissé les moyens de la sécurité routière, qui ne fait pas de campagne télévisuelle. Faut-il prendre des mesures nouvelles quand on n'applique pas celles qui existent, faute de moyens -les gendarmes et les policiers manquent de cinémomètres et de véhicules (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Raymond Douyère - Ils en avaient il y a deux ans ?

M. Dominique Bussereau - Nous voterons contre ce texte et nous le déférerons au Conseil constitutionnel.

M. Raymond Douyère - Quelle incohérence !

M. Dominique Bussereau - L'automaticité va à l'encontre de la notion de responsabilité personnelle. Le délit de TGV n'est pas conforme au principe de nécessité et de proportionnalité des peines. Le retrait automatique de six points porte atteinte de façon excessive à la liberté individuelle.

Je ne mets pas en doute votre sincérité, Monsieur le ministre, mais ce texte vient bien tard, il aurait pu être présenté par voie réglementaire, et en outre, il viole la Constitution (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Ce n'est pas votre amendement "placebo" à l'article 4, contraire à toute la tradition parlementaire, qui me fera changer d'avis !

M. François Rochebloine - Très bien !

M. Gilbert Biessy - Depuis 1998, nous travaillons sur ce projet de loi, attendu et indispensable, car le nombre de tués sur les routes reste beaucoup trop important. Pourtant, les initiatives de sécurité routière se révèlent efficaces : la lutte contre la vitesse et contre l'alcool au volant, le port de la ceinture de sécurité ont permis de diviser le nombre de morts par deux en 25 ans. Et chaque mesure supplémentaire entraîne une baisse des accidents et des morts.

Nous avions annoncé, dès la première lecture, que nous voterions ce projet de loi, car il a su allier éducation, prévention et répression. La répression est nécessaire dans un domaine où la vie humaine est en jeu, mais la prévention est tout aussi indispensable.

A l'issue de deux lectures, seuls trois articles restaient en discussion entre les deux assemblées : les articles 7 bis, 14 et 15. La CMP a décidé de supprimer l'article 7 bis, conformément à nos souhaits, car en l'état actuel de nos connaissances, il aurait été déraisonnable de prévoir des peines d'emprisonnement pour les personnes ayant conduit sous l'emprise de stupéfiants et ayant causé un accident entraînant un dommage corporel, car la science ne permet de faire le lien entre dépistage de drogue et conduite dangereuse. Il faut néanmoins continuer à travailler à ce sujet.

La CMP a supprimé aussi l'article 14, car l'obligation de marquage des véhicules à deux roues non motorisés ne sera sans doute pas adoptée dans les autres pays de la Communauté.

Enfin la CMP a supprimé l'article 15. Mais la question du contrôle de sécurité des infrastructures nouvelles est importante, et il ne faut pas renoncer à l'idée d'une concertation avec les collectivités locales à ce sujet.

Je me réjouis que la CMP ait abouti et le groupe communiste renouvelle son soutien au projet. Certes, celui-ci ne fera pas disparaître les accidents, mais il contribuera à les faire diminuer. Même si on ne peut réduire à zéro le nombre de tués sur les routes, la sécurité routière dépend de chacun d'entre nous, (Mme Boutin approuve) et chaque conducteur est responsable et de sa propre vie et de celle d'autrui. Le projet de loi contribuera à cette responsabilisation (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Jean-Claude Lemoine - Toutes les causes d'accident de la route sont liées à un facteur humain et pour améliorer la sécurité, il faut en priorité agir sur le comportement des chauffeurs. C'est pourquoi, au départ, ce texte nous avait donné de l'espoir : les dispositions relatives à la formation des conducteurs novices, à l'enseignement de la conduite et de la sécurité routière, au dépistage systématique de stupéfiants pouvaient permettre des avancées notables.

Malheureusement, après deux lectures et une CMP, nos espoirs se sont envolés. Vous n'avez accepté aucun de nos amendements...

Mme Christine Boutin - Comme d'habitude !

M. Jean-Claude Lemoine - On continuera de ne pas agir sur la cause principale des accidents : le facteur humain. Pourtant il est prouvé que, sous l'emprise de certains produits illicites, le comportement des chauffeurs est incompatible avec la conduite automobile.

On se contente de sanctionner les vitesses excessives, de façon uniforme : rien de changé pour celui qui roule à 100 Km/h en ville.

M. Dominique Bussereau - Très bien !

M. Jean-Claude Lemoine - On va sanctionner les propriétaires de véhicules, mais non les conducteurs à l'origine des infractions.

Enfin, l'instauration d'un dépistage systématique de stupéfiant aurait pu faire baisser fortement le nombre d'accidents, particulièrement chez les jeunes. Mais le dépistage ne se fera qu'en cas d'accident mortel, puisque l'amendement du Sénat, pourtant très mesuré, a été repoussé. On sait pourtant, aujourd'hui, que le dépistage de substances illicites est à la fois fiable et peu coûteux - l'Académie de médecine l'a confirmé l'an dernier.

Or, 15 % de conducteurs impliqués dans les accidents de la route sont sous l'emprise de stupéfiants et ce taux atteint 35 % la nuit dans des agglomérations. Tout cela a été confirmé par le professeur Auger de Rennes. Un seul joint a les mêmes effets qu'un taux d'alcoolémie de 0,8, et la prise de cannabis multiplie par deux le risque d'accident.

Nous savons, à la suite d'une expérience réalisée en mai 1998, que le prise de cannabis altère sensiblement l'acuité visuelle, surtout la nuit, qu'elle diminue nettement les réflexes. Un tel test, effectué sur simulateur de vol avec des pilotes d'avion, a montré que, 24 heures après l'absorption de cannabis, ils étaient incapables d'aligner leur appareil par rapport à la piste -tout en se déclarant en pleine forme.

Tout cela justifierait qu'on agisse. Or, agir, ce serait équiper les forces de l'ordre et les commissions médicales d'appareils de détection et leur permettre de détecter systématiquement en certaines lieux et à certaines heures. Le refuser c'est refuser de prendre en compte 35 % d'accidents mortels ou corporels touchant particulièrement les jeunes.

Avant d'agir sur ce facteur, vous attendez de nouvelles statistiques : mais en attendant, il y aura encore d'autres morts.

Cela suffit à justifier que nous votions contre le projet, qui ne fera pas reculer l'insécurité routière. Je m'indigne enfin de voir surgir un amendement au texte de la CMP.

M. Dominique Bussereau - Scandaleux !

M. Jean-Pierre Baeumler - Le groupe socialiste se félicite du vote majoritaire intervenu en CMP. Aussi suis-je surpris de voir l'opposition ce soir remettre en cause cet accord -il est vrai qu'elle n'en est plus à une contradiction près !

Certes la CMP n'a pu se mettre d'accord sur trois articles d'initiative parlementaire concernant respectivement la conduite sous l'effet de stupéfiants, le contrôle des infrastructures et le marquage des deux-roues. Mais le débat sur ces trois propositions a été utile et on peut espérer que des décisions concrètes seront bientôt prises dans ces domaines sensibles.

En effet, l'article 7 bis proposé par le Sénat pour sanctionner la conduite sous l'emprise de stupéfiants en cas d'accidents corporels nous semble, à la lumière des données scientifiques et techniques disponibles, prématuré et inadapté. La proposition du Gouvernement, un dépistage systématique des stupéfiants chez les conducteurs impliqués dans un accident mortel, paraît plus réaliste. Ainsi disposerons-nous de données permettant d'imaginer une répression adaptée.

Si l'article 15 n'a pas été retenu par la CMP, il a permis d'engager le débat sur le nécessaire contrôle des infrastructures : on ne peut négliger le risque que certains présentent. Ceux qui demandent, notamment au Sénat, où le lobby des présidents des associations départementales s'exprime avec force (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), un constant abondement des crédits routiers le savent bien. Le débat n'est pas clos et je fais confiance au Gouvernement pour le poursuivre avec tous les élus concernés.

Je regrette que la bicyclette, dont je suis un fervent adepte, n'ait pu trouver place dans ce dispositif. Les arguments développés par MM. Jung et Mangin étaient pourtant convaincants. Leurs propositions devraient se traduire par des mesures réglementaires.

Si un accord a pu se dégager à la CMP, c'est que nous avions tous conscience de la nécessité de légiférer avant la saison estivale, ou on enregistre un nombre considérable de victimes.

M. Dominique Bussereau - Faites des décrets !

M. Jean-Pierre Baeumler - Il nous a paru nécessaire de renforcer le dispositif de lutte contre la vitesse, cause de plus de la moitié des accidents mortels, par l'institution d'un délit en cas de récidive de dépassement de la vitesse autorisée de plus de 50 km/heure et par l'extension de la responsabilité pécuniaire des propriétaires des véhicules.

En 1996, le respect des limitations de vitesse en vigueur aurait permis de sauver 3 300 vies. Mais l'aggravation de l'arsenal répressif ne suffira pas. Le récent sondage auprès des conducteurs français, d'où il ressort qu'ils s'estiment, à la quasi-unanimité, excellents conducteurs, montre bien que l'effort doit porter aussi sur la sensibilisation aux risques et la formation. Le volet pédagogique des mesures arrêtées récemment en conseil interministériel est à ce titre particulièrement d'actualité.

En conclusion, ce texte contribuera à réduire l'insécurité routière. Mais nous n'atteindrons notre objectif que par une mobilisation de tous (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. François Rochebloine - Lors des débats précédents, les différents orateurs et en particulier mon collègue Alain Ferry, ont souligné combien le nombre élevé d'accidents routiers mortels était un sujet d'inquiétude pour tous. Aussi le groupe UDF-Alliance partage pleinement la volonté du Gouvernement de lutter contre ce fléau.

Toutefois, nous continuons à douter de l'opportunité de certaines mesures que vous préconisez. Nous ne voulons pas de fausses bonnes solutions qui nous donneraient bonne conscience !

La CMP a pu parvenir à un accord sur les dispositions encore en discussion. Je voudrais cependant rappeler brièvement les positions de notre groupe.

S'agissant du délit dit "de grande vitesse" je réaffirme notre opposition à cette mesure trop simpliste.

L'arsenal répressif en vigueur est déjà considérable. Il serait préférable de faire appliquer les règles en vigueur, y compris aux parlementaires et aux membres du Gouvernement.

Pourquoi multiplier des règles qui ne sont pas respectées faute de moyens ? Je vois ici la marque de la volonté tenace de votre administration, d'imposer certaines propositions par-delà les changements de gouvernement, plutôt que de procéder à une véritable réflexion.

Nous sommes également hostiles à l'extension de la responsabilité pécuniaire du propriétaire du véhicule à de nouveaux cas d'infractions graves. En effet, seule la personne pénalement responsable doit supporter la sanction. Les aménagements que connaît déjà ce principe ne constituent pas un argument. Le seul cas comparable est la possibilité pour les tribunaux de contraindre un employeur à payer l'amende de son salarié. Mais ce n'est là qu'une faculté alors que vous prévoyez un "transfert de sanction" automatique et aveugle.

Aussi, le propriétaire du véhicule se trouvera devant l'alternative d'être tenu pour responsable de l'infraction ou d'indiquer l'identité du conducteur, ce qui peut constituer une délation.

Il y a également danger d'inégalité des citoyens devant la loi, les entreprises prenant en charge les amendes infligées à leurs salariés alors que les particuliers devront les acquitter.

Enfin, une présomption de culpabilité risque de s'instaurer : comment concrètement démontrer son innocence ?

J'en viens maintenant aux articles qui ont été soumis à la CMP.

Le marquage des véhicules à deux roues non motorisés n'a finalement pas été retenu, car cette disposition semble relever plutôt du domaine réglementaire.

Par ailleurs, nous prenons acte du retrait par les sénateurs de l'article instituant un délit de conduite sous l'empire de stupéfiants. Enfin nous nous félicitons que l'article sur le contrôle de la sécurité des infrastructures routières n'ait pas été retenu par la CMP. Cette réforme pouvait entraîner la responsabilité pénale des élus, sans pour autant améliorer la sécurité des automobilistes.

En conclusion, malgré quelques aspects positifs, ce projet comporte trop d'effets d'annonce et néglige nombre de points décisifs pour l'avenir : formation et éducation des futurs conducteurs dès leur plus jeune âge, harmonisation des politiques de sécurité routière au niveau européen, mesures de prévention, simples mais concrètes, comme la multiplication des contrôles d'alcoolémie à la sortie des discothèques, sur laquelle je vous ai fait des propositions, Monsieur le ministre. En cas de résultat positif, ne pourrait-on pas envisager de retirer les clés du conducteur du véhicule, lui faire regagner son domicile en taxi, à ses frais, et l'inviter à revenir le lendemain récupérer ses papiers et son véhicule au prix d'un avertissement ?

Si vous ne m'avez pas informé des suites de ma demande, j'ai cependant pris acte de votre intervention en deuxième lecture annonçant la mise en place d'un groupe de travail sur ce sujet. Espérons que ses propositions seront prises en compte avant les grandes vacances, nombre de jeunes vies humaines pourraient ainsi être sauvées.

Le groupe UDF votera contre ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

La discussion générale est close.

M. le Ministre - Ce qui vous est proposé ce soir a été adopté par la CMP, où siègent des représentants des divers groupes de l'Assemblée et du Sénat. Pourtant certains de vous ne sont pas d'accord.

Il y a eu au Sénat un vote qui a rassemblé tous les groupes. Mais vous, vous n'êtes pas d'accord.

M. Dominique Bussereau - Nous ne sommes pas des béni-oui-oui !

M. le Ministre - Vous n'êtes surtout pas à la recherche d'un accord, mais au contraire dans une démarche de division et d'opposition.

M. Bussereau dit une contre-vérité quand il affirme que toutes les dispositions de ce projet de loi sont d'ordre réglementaire.

M. Dominique Bussereau - Prouvez-le !

M. le Ministre - Ce qui compte, pour vous, c'est de vous opposer à ce texte et de contribuer à la division (Exclamations sur les bancs du groupe DL et du groupe UDF). Excepté la partie concernant les auto-écoles, que mes prédécesseurs de l'opposition avaient incluse dans leur projet de loi, toutes les dispositions sont d'ordre législatif.

Bien sûr, vous avez le droit de saisir le Conseil constitutionnel ; mais chaque jour qui passe nous fait prendre du retard.

M. Dominique Bussereau - Vous avez déjà perdu deux ans !

M. le Ministre - La loi ne règlera pas tout, mais elle fera progresser la sécurité routière ; n'allez donc pas à l'encontre de cette lutte pour la vie (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Dominique Bussereau - Envoyez les gendarmes sur les routes, pas sur les plages !

M. le Ministre - Je remercie M. Biessy de ses propos. Je suis favorable à sa proposition de faire participer les associations d'élus. Nous avons en France 8 000 km d'autoroutes, 24 000 km de routes nationales, 360 000 km de routes départementales, 480 000 km de routes communales ; il faut faire progresser la sécurité routière sur l'ensemble de ce réseau.

M. François Rochebloine - Nous sommes d'accord !

M. le Ministre - Monsieur Lemoine, à propos de la drogue, vous avez évoqué des statistiques de 1993. Que n'avez-vous agi entre 1993 et 1997 ? Nous, nous instituons un dépistage systématique de l'absorption de drogue dans les cas d'accident mortel. Malheureusement, l'échantillon sera suffisamment large pour que nous puissions en tirer des leçons. En cas d'absorption de produits illicites, le juge pourra prononcer une sanction.

M. Baeumler a apporté son soutien à ce projet, tout en exprimant des regrets, en particulier au sujet du marquage des vélos. Je n'abandonne pas l'idée de prendre des dispositions dans ce domaine, mais cela relève du domaine réglementaire.

Monsieur Rochebloine, vous êtes contre le délit de récidive ; nous, nous avons le souci de la lisibilité et de l'efficacité de la loi. Nous faisons en sorte qu'elle soit appliquée ; pour cela, nous augmentons le nombre de gendarmes.

M. Dominique Bussereau - Ce n'est pas vrai !

M. le Ministre - De plus, en moyens matériels de contrôle, 100 millions ont été affectés à la gendarmerie et 60 à la police.

Mes prédécesseurs, M. Bosson et Mme Idrac, ont fait savoir qu'ils soutiendraient ce projet de loi.

M. Dominique Bussereau - Non !

M. le Ministre - On ne saurait, comme vous l'avez fait, parler d'effet d'annonce, alors que la vie des utilisateurs de la route est en jeu ; ne retardons pas davantage l'application de ce texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste)

M. le Président - Conformément à l'article 113, alinéa 3, du Règlement, je vais appeler l'Assemblée à statuer d'abord sur l'amendement dont je suis saisi.

M. le Ministre - L'amendement 1 rectifié du Gouvernement tend à améliorer l'article 4 sur deux points.

D'une part, il distingue les infractions relatives au stationnement, pour lesquelles les dispositions restent inchangées, et les infractions relatives aux excès de vitesse ou au non respect d'un feu rouge ou d'un stop.

D'autre part, afin de garantir les droits de la défense, il permet au propriétaire de s'exonérer de sa responsabilité s'il apporte des éléments permettant d'établir qu'il n'est pas l'auteur véritable de l'infraction.

Les améliorations précédentes apportées par le Parlement restent inchangées.

M. le Président - Je rappelle que cet amendement s'applique à un article adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées. Dans sa décision du 29 décembre 1986 sur la loi de finances pour 1987, le Conseil constitutionnel a considéré que l'adoption par la CMP d'un texte commun sur les dispositions restant en discussion ne fait pas obstacle à ce que le Gouvernement, en soumettant pour approbation aux deux assemblées le texte élaboré par la CMP, complète celui-ci par les amendements de son choix, ceux-ci pouvant même avoir pour effet d'affecter les dispositions qui ont déjà été votées dans les mêmes termes par les deux assemblées.

Dans ces conditions, la présidence n'a pas estimé devoir s'opposer au dépôt, par le Gouvernement, de son amendement 1 rectifié.

M. le Rapporteur - Cet amendement est, en effet, parfaitement constitutionnel.

Cette rédaction permet de mieux protéger les droits de la défense, et correspond à des remarques formulées au cours de la discussion parlementaire.

M. Dominique Bussereau - La jurisprudence du Conseil constitutionnel est bien celle que vous avez rappelée, Monsieur le président. Le rapporteur l'a confirmée, mais il a oublié de dire que la commission des lois n'avait pas été consultée. L'opposition juge cette façon de procéder contraire aux droits du Parlement. Le ministre vient de se goberger de l'accord réalisé en CMP...

Mme Odette Grzegrzulka - Soyez poli !

M. Dominique Bussereau - ...alors qu'il n'a présenté son amendement ni à la CMP ni à la commission des lois. Sur le fond, cette disposition nous paraît juridiquement très faible. Que signifie "apporter tous éléments permettant d'établir qu'il n'est pas l'auteur véritable de l'infraction" ? Voilà de la piètre législation !

L'adoption de cet amendement nous renforcerait dans notre intention de déférer le projet devant le Conseil constitutionnel. C'est bien parce qu'il redoute la sanction du Conseil que le Gouvernement a déposé son amendement au dernier moment.

M. le Président - Sur l'amendement 1 rectifié, je suis saisi par les groupes DL et UDF d'une demande de scrutin public.

Mme Odette Grzegrzulka - C'est malin !

A la majorité de 61 voix contre 15 sur 76 votants et 76 suffrages exprimés, l'amendement 1 rectifié est adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

EXPLICATION DE VOTE

M. Jean-Claude Lemoine - Voilà plus de 14 mois que ce texte est en discussion. Il épouse bien le cadre de la pensée unique, et n'améliorera pas la lutte contre l'insécurité. Le délit de grande vitesse, surtout la façon dont il est appliqué, puisque les gens qui roulent à 100 km à l'heure en agglomération, devant les écoles, ne seront pas davantage sanctionnés, sont inadmissibles.

Rendre responsables les propriétaires de véhicules et non pas leurs conducteurs n'est pas non plus acceptable même si le désir de ne pas encourager à la délation vous a conduit, après 14 mois, à présenter un amendement de dernière minute. Au reste, ceux qui pourront prouver qu'ils n'étaient pas au volant de leur voiture, et eux seuls, éviteront tout pénalité, y compris financière.

S'agissant de la détection des drogues, vous m'avez répondu que nous avions cité une statistique de 1993. C'est exact, mais j'ai précisé ensuite que nous ne savions que depuis le 25 avril 1998 que les systèmes de détection étaient fiables. Nous ne pouvions pas agir dans le période précédente. Le procureur aura toujours la faculté, dites-vous d'ordonner de faire une recherche ; non, car les forces de l'ordre et les commissions médicales ne disposent pas du matériel nécessaire. Je ne comprends vraiment pas votre position sur ce sujet.

Le groupe RPR votera contre le projet.

L'ensemble du projet, compte tenu du texte de la CMP et de l'adoption de l'amendement 1 rectifié du Gouvernement, mis aux voix, est adopté.


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SOINS PALLIATIFS (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi de Mme Gilberte Marin-Moskovitz et plusieurs de ses collègues tendant à favoriser le développement des soins palliatifs et l'accompagnement des malades en fin de vie.

ARTICLE PREMIER (suite)

M. Jean-Michel Dubernard - L'amendement 10 est défendu.

Mme Gilberte Marin-Moskovitz, rapporteur de la commission des affaires culturelles - Avis défavorable.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale - Avis également défavorable.

L'amendement 10, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg - Afin de mieux consacrer les droits de la personne malade, je propose, par l'amendement 19, de créer une Délégation parlementaire pour les droits des malades, qui élaborera, avant le 30 juin 2000, un rapport d'information, après avoir consulté toutes les personnes intéressées. La délégation proposera au Parlement les dispositions législatives propres à mieux garantir les droits de la personne malade. Elle évaluera l'application de la loi dans le domaine de l'offre de soins palliatifs et de l'accompagnement de fin de vie. Enfin, elle informera le Parlement de la situation des patients incurables en phase terminale que les soins palliatifs ne parviennent plus à soulager et précisera éventuellement les dispositions complémentaires de nature à permettre à ces patients d'exercer librement leur droit à une mort digne.

Mme la Rapporteur - Rejet.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles - M. Schwartzenberg tient beaucoup à ce point.

M. Jean-Michel Dubernard - Il n'est pas le seul !

M. le Président de la commission - C'est vrai, et je comprends son souci d'élargir notre débat au droit des malades. Mais je ne pense pas qu'une délégation parlementaire soit le meilleur moyen de réfléchir au problème. Une mission confiée à un parlementaire serait préférable.

Notre désaccord porte donc sur la méthode, mais celle-ci peut être aussi importante que le fond. Nous avons besoin d'une forme plus souple et moins lourde qu'une délégation. Il reste que nous avons besoin d'un texte sur le droit des malades.

M. le Secrétaire d'Etat - Ce texte est indispensable mais je ne suis pas le Premier ministre et je ne sais pas quand il interviendra. Je suis aussi entièrement d'accord avec M. Schwartzenberg sur le fait qu'il faille poursuivre le débat, mais celui-ci a déjà été bien engagé par la réunion de 50 parlementaires au ministère, qui a été un exemple de liberté et d'écoute. Nous allons continuer.

Lors des états généraux, des dizaines de séances ont porté sur le droit des malades et nous en aurons le compte rendu fin juin. Enfin, dans les droits des malades, il y a l'indemnité thérapeutique, qui n'a rien à voir avec notre sujet : l'accès au dossier, le droit à la vérité... Je ne peux pas engager le Gouvernement dans des dépenses qui seront très importantes. Je demande donc à M. Schwartzenberg de retirer son amendement en m'engageant à poursuivre le débat au ministère.

Mme Christine Boutin - Je comprends la préoccupation de M. Schwartzenberg, mais une délégation sur les droits des malades créée par un texte sur les soins palliatifs serait trop restrictive. Pourquoi d'ailleurs fixer sa fin au 30 juin 2000 ? Nous n'aurons pas le recul suffisant pour évaluer les résultats de la loi. Une réflexion législative spécifique est indispensable, mais je ne suis pas favorable à cet amendement.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg - Cette délégation aurait d'abord l'avantage d'être composée à la fois de députés et de sénateurs.

D'autre part, je ne crois pas anormal de demander que le Parlement réfléchisse à l'élaboration de la loi, même si le Gouvernement conduit une réflexion lui aussi. La délégation ne dessaisirait pas les organismes existants mais elle permettrait au Parlement de mener sa réflexion, comme la délégation sur les problèmes démographiques créée par la loi du 31 décembre 1979.

L'amendement 19, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg - L'amendement 20 est défendu.

Mme la Rapporteur - L'amendement 13 a été accepté par la commission. Réserver les soins palliatifs aux malades atteints d'une "maladie grave" n'est pas satisfaisant. L'hémophilie par exemple ne réclame aucun soin palliatif. Je propose donc de réserver l'accès aux soins palliatifs aux malades "dont l'état le requiert", ce qui reprend les termes de l'article L. 111-4 du code de la santé publique.

Mme Christine Boutin - L'amendement 36, dans le même souci, propose de considérer les maladies "grave, évolutive ou terminale", ce qui est la définition de la Société française d'accompagnement et des soins palliatifs.

M. le Président - Peut-être vaut-il mieux se référer au texte de loi qu'à une société -même savante.

M. le Secrétaire d'Etat - Les trois textes sont très proches, mais le 13 semble plus clair.

Les amendements 36 et 20 sont retirés.

L'amendement 13, mis aux voix, est adopté.

Mme Christine Boutin - L'amendement 37 apporte une précision de langage. Il remplace "pluridisciplinaire" par "interdisciplinaire", qui fait mieux référence à un travail en commun.

Mme la Rapporteur - Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. A titre personnel, j'y suis favorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Sagesse.

L'amendement 37, mis aux voix, est adopté.

Mme Christine Boutin - L'amendement 38 propose que les soins palliatifs ne prennent pas en considération que la souffrance psychique, mais la souffrance psychologique, sociale et spirituelle, selon la rédaction de la Société française d'accompagnement et des soins palliatifs.

Mme la Rapporteur - Cet amendement devrait tomber car l'amendement 10, identique, a été rejeté par la commission. A titre personnel, je suis d'accord pour le terme "psychologique", mais le social et le spirituel relèvent de la sphère privée et il n'est pas opportun de les inscrire dans la loi.

M. le Secrétaire d'Etat - Sagesse.

Mme Christine Boutin - Il s'agit par le terme "spirituel" de s'assurer que les soins palliatifs prendront en compte toutes les religions qui impliquent des formes de respect du corps très variables.

L'amendement 38, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Rapporteur - L'amendement 15 corrigé modifie le dernier alinéa afin d'étendre à tous les malades et non aux seules personnes recevant des soins palliatifs, le droit de s'opposer à toute thérapeutique ou investigation. Certes, le code de déontologie médicale reconnaît le principe du consentement éclairé du malade, mais ce principe manque encore d'une traduction législative.

L'amendement 15 corrigé, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Christine Boutin - Dans la discussion générale, nous avons tous reconnu la valeur du travail des associations telles que la Société française d'accompagnement et des soins palliatifs.

Je propose, en m'en inspirant, de compléter la définition de ces soins afin de la rapprocher du nouveau code de déontologie médicale de septembre 1995 : tel est l'objet de l'amendement 39.

Mme la Rapporteur - La commission ne l'a pas examiné. Cette définition me semble redondante avec celle que la commission a retenue, et que vient de compléter l'amendement 15.

M. le Secrétaire d'Etat - Défavorable.

L'amendement 39, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Christine Boutin - Je suis désolée que certains amendements n'aient pas été vus par la commission, mais nous avons été tenus par des délais très courts. L'amendement 40 a pour but de rappeler l'importance du consentement libre et éclairé de la personne. Ce point avait fait l'objet de vifs débats lors de l'examen des lois bioéthiques en 1992 et 1994, et je crois utile de le préciser à nouveau.

Mme la Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement. Il me semble superfétatoire après l'adoption de l'amendement 15.

M. le Secrétaire d'Etat - Même avis. Je me rappelle avec beaucoup d'intérêt et d'émotion les débats de 1992-1994. Mais nous venons de voter ce que souhaite Mme Boutin.

L'amendement 40, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article premier modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 2

Mme Nicole Bricq - Cet article pose le problème de l'organisation et des moyens. Il étend la mission relative aux soins palliatifs, précédemment confiée au seul service public hospitalier, à tous les établissements de santé et médico-sociaux. Ce dispositif doit poursuivre deux objectifs : couvrir les besoins de toutes les personnes concernées et développer un projet cohérent en assurant la complémentarité des structures tout en s'adaptant aux spécificités locales. Je veux insister sur ce second point, en m'appuyant sur le travail conduit depuis 1998 par un ensemble d'hôpitaux et de cliniques du Nord-Est parisien. La zone concernée regroupe environ un million d'habitants : c'est dire l'importance de ce projet, qui évalue avec précision la couverture des besoins en soins palliatifs. La réflexion menée vise la complémentarité des projets et des équipements, pour définir les besoins et former un réseau ville-hôpital.

Le travail exemplaire de ces équipes illustre bien l'esprit de la présente loi. Celle-ci doit en effet permettre d'associer tous les partenaires concernés et d'assurer une prise en charge interdisciplinaire, concernant à la fois le domicile, l'institution hospitalière et le système de soins privé. Cette réforme exige des moyens. Nous allons examiner un amendement qui permettra de prendre en compte les soins palliatifs dans la carte sanitaire et les schémas d'organisation sanitaire. Il faudra donc que les SROS 1999-2004 intègrent cette exigence, ce qui à ma connaissance n'est pas le cas aujourd'hui dans le schéma de l'Ile-de-France. Voilà pourquoi j'ai fait référence à ce travail de terrain : c'est le seul, en région parisienne, qui vise l'objectif de coordonner l'offre et la demande de soins palliatifs sur un bassin de vie aussi important. Il doit trouver un support dans la présente loi et dans les moyens qui en accompagneront la mise en oeuvre.

M. Bernard Perrut - L'article 2 est important. Chacun a rappelé les retards et les carences dont nous souffrons en matière de soins palliatifs. Leur développement se heurte à des obstacles réglementaires et budgétaires, dus notamment à la planification hospitalière, qui ne les prend pas en compte. D'où la nécessité de cet article 2.

Au Sénat, Monsieur le ministre, vous avez exprimé une certaine inquiétude et une certaine réserve devant l'idée que les SROS pourraient prendre en compte cette approche quantitative. Il faut donc se réjouir qu'aujourd'hui un amendement du Gouvernement nous permette de codifier les objectifs en matière de soins palliatifs. Nous nous rapprocherons ainsi d'expériences conduites à l'étranger, notamment au Royaume-Uni et en Belgique, où l'on a su prévoir des programmes de développement. C'est pourquoi j'insiste sur ce point, car il ne suffit pas d'adopter une loi, si elle n'a pas d'application directe.

En application de la circulaire du 26 mars 1997, les agences régionales de l'hospitalisation ont engagé un dialogue avec les usagers préalablement à l'établissement des SROS. Il ressort, des documents qui retracent ce dialogue, une demande d'humanisation des hôpitaux de meilleure prise en compte du malade, et souvent de développement des soins palliatifs et de l'hospitalisation à domicile.

Je conclurai en établissant un lien avec l'article 3. L'hospitalisation à domicile, bien que reconnue par la loi hospitalière du 31 juillet 1991, ne bénéficie pas d'un régime d'autorisation favorable, puisqu'on ne peut ouvrir des lits d'un côté qu'en en fermant de l'autre. J'espère que les dispositions que nous votons permettront de satisfaire les besoins dans ce domaine.

Mme Nicole Bricq - Très bien !

M. Jean-Michel Dubernard - Rien n'est prévu, dans les textes sur la planification sanitaire, pour aller vers l'individualisation des soins palliatifs, en permettant aux autorités sanitaires de définir les besoins et d'autoriser équipements et moyens. Ainsi les soins palliatifs ne sont pas l'objet d'une autorisation propre, et des projets intéressants peuvent être bloqués parce qu'ils sont présentés en médecine, par exemple, et que la carte sanitaire est saturée dans cette discipline, alors même que les besoins en soins palliatifs ne sont pas satisfaits. Il importe donc que la loi prévoie une reconnaissance autonome des soins palliatifs au sein de la planification hospitalière.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement ne souhaite pas que les soins palliatifs soient encadrés par la carte sanitaire, car ils sont partie intégrante de la prise en charge globale de la personne malade. Les équipes mobiles, dont nous souhaitons privilégier le développement, sont souvent une étape préliminaire à la mise en place d'unités de soins palliatifs. Or la carte sanitaire, qui implique une appréciation quantitative, impose d'échanger, dans certains cas, un lit d'hospitalisation à domicile contre la fermeture de deux lits. Les cartes sanitaires étant généralement saturées, les projets ne peuvent aboutir. Il n'est pas judicieux de demander que les soins palliatifs soient dispensés dans des structures ad hoc : ce serait constituer des ghettos, des "lieux de la mort". L'amendement 31 du Gouvernement propose que les SROS puissent fixer des objectifs de développement régional des soins palliatifs ; y sont annexés des objectifs en matière d'unités de soins palliatifs, d'équipes mobiles et d'hospitalisation à domicile, sans que ces moyens soient inscrits dans la carte sanitaire -ce qui les soumettrait à un régime lourd d'autorisation défavorable à leur développement.

Mme la Rapporteur - Favorable.

L'amendement 31, mis aux voix, est adopté.

L'article 2 est ainsi rédigé.

ART. 3

M. Jean-Michel Dubernard - Les obstacles réglementaires et budgétaires au développement des soins palliatifs demeurent multiples. Ils tiennent notamment à la planification hospitalière qui ne favorise ni le développement des unités de soins palliatifs en établissement, ni l'hospitalisation à domicile.

Cette dernière, reconnue par la loi hospitalière du 31 juillet 1991, ne bénéficie pas d'un régime d'autorisation favorable. L'article L. 712-10 du code de la santé publique prévoit en effet que, lorsqu'un projet d'hospitalisation à domicile se situe dans une zone sanitaire dont les moyens sont excédentaires, l'autorisation n'est accordée que si le projet est assorti d'une réduction des moyens d'hospitalisation dans la discipline concernée. L'article D 712-13-1 précise ce mécanisme d'échange. Si l'excédent de moyens est inférieur à 25 % des besoins théoriques de la zone sanitaire : la création d'une place d'hospitalisation à domicile doit s'accompagner de la fermeture d'un lit d'hospitalisation à temps complet. Si l'excédent est supérieur à 25 % la fermeture de deux lits est nécessaire pour la création d'une place d'hospitalisation à domicile.

Ce système de troc est préjudiciable au développement de structures d'hospitalisation à domicile pour les soins palliatifs : ceux-ci supportent toutes les conséquences de l'excédent global de l'offre hospitalière. Ainsi la capacité d'accueil de l'hospitalisation à domicile est inférieure à 4000 lits, soit moins de 1 % de la capacité hospitalière totale.

L'implantation des services de l'HAD est aussi disparate que celles des structures de soins palliatifs, les deux cartes se recoupent largement. Par ailleurs, selon une enquête du CREDES, les moyens consacrés à l'HAD sont insuffisants, et les résultats de ces structures sont très variables d'un endroit à un autre. De plus, l'HAD est considérée par les libéraux comme par les services de soins relevant du médico-social, comme une structure concurrente.

Pourtant, selon les sondages, plus de 70 % des Français souhaitent pouvoir vivre leurs derniers moments chez eux. Or, c'est l'inverse qui se passe aujourd'hui. Sans obtenir un retournement complet de tendance, le choix doit être offert aux patients en fin de vie ainsi qu'à leurs proches, avec les mêmes critères de cohérence, de continuité de prise en charge, de sécurité, de qualité des soins et de l'accompagnement, et d'égalité devant les charges financières.

M. le Secrétaire d'Etat - Je comprends l'esprit qui vous anime, mais l'amendement 32 introduit précisément une mesure spécifique pour les soins palliatifs, en n'imposant pas le taux usuel de deux pour un. Je souhaite que les lits d'hospitalisation à domicile voient leur nombre doubler d'ici à la fin de l'année.

Mme la Rapporteur - La commission a repoussé l'amendement, car elle ne l'a pas trouvé assez précis.

L'amendement 32, mis aux voix, est adopté, de même que l'article 3 ainsi modifié.

APRÈS L'ART. 3

M. Roger-Gérard Schwartzenberg - La rigueur budgétaire qui leur est imposée, et la faible progression du taux directeur, ne permettent guère aux établissements de santé de disposer des crédits qui leur seraient nécessaires pour faire face à l'ensemble des besoins. Le développement des soins palliatifs a longtemps pâti de ces contraintes budgétaires, obligeant les hôpitaux à des arbitrages difficiles. L'annonce par le secrétaire d'Etat d'un crédit spécifique affecté au développement des soins palliatifs constitue un progrès notable. Il convient de le pérenniser au plan législatif, en décidant que la dotation budgétaire accordée aux structures de soins palliatifs accréditées sera répartie, après avis de la Conférence nationale de santé, entre les agences régionales de l'hospitalisation, puis au niveau régional par celles-ci, dans le cadre d'une enveloppe spécifique. Tel est l'objet de mon amendement 21.

Mme la Rapporteur - La commission l'a repoussé, car il risque de trop rigidifier la procédure budgétaire.

M. le Secrétaire d'Etat - Je suis ennuyé de devoir m'opposer à nouveau à un de vos amendements, mais je partage l'avis de Mme la rapporteur.

L'amendement 21, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Secrétaire d'Etat - L'amendement 33 complète le dispositif : l'organisation des soins palliatifs est prise en compte dans les missions de service public des établissements de santé. L'objectif est, en outre, de permettre la participation des professionnels libéraux à cette mission au sein des structures d'hospitalisation à domicile.

Mme la Rapporteur - La commission l'avait repoussé, mais à titre personnel, je crois que nous pourrions l'adopter.

L'amendement 33, mis aux voix, est adopté.

ART. 4

Mme Hélène Mignon - Il est nécessaire de développer les soins palliatifs à domicile. Combien de Français voudraient finir leur vie chez eux, et en sont empêchés. Cela leur permettrait de passer un dernier message à leurs proches, de laisser l'image d'une mort "démédicalisée". Or, les bénévoles ont là un rôle essentiel à jouer, ils sont neutres et peuvent soutenir le mourant et sa famille. Le mouvement associatif pour les soins palliatifs est confronté à deux défis : éthique, mais aussi économique. Il leur faut en effet une formation psychologique pour assister un enfant de cinq ans atteint d'une tumeur au cerveau, une jeune maman victime d'un cancer métastasé, un jeune atteint du sida, ou une personne âgée en fin de vie. C'est la condition de la réussite des soins palliatifs.

M. Jean-Michel Dubernard - Aucun développement des soins palliatifs ne peut être envisagé sans engagement financier. Jusqu'ici, on a été freiné par le taux annuel des dépenses de santé et par la rigidité de la planification sanitaire. L'annonce d'un crédit spécifique est un premier signe de volonté politique. Mais il faut un investissement massif au départ, assorti d'une levée de toutes les contraintes financières et techniques -à terme, on s'y retrouvera, car un malade hospitalisé dans un service normal coûte entre 3 000 et 5 000 F par jour, alors qu'il coûte 2 200 F en soins palliatifs, et 1 200 F à domicile, en incluant la rémunération des libéraux. On pourrait s'inspirer de ce qui a été fait pour les malades du sida et fixer un prix de journée forfaitaire comprenant l'ensemble des dépenses nécessaires pour la prise en charge médicale, psychologique et sociale, et aussi spirituelle. Cela permettrait de rémunérer correctement le temps passé auprès du malade, sans remise en cause générale du paiement à l'acte, et les familles pourraient envisager plus sereinement le retour à domicile sans avoir à se préoccuper de son coût financier.

M. Bernard Perrut - Tous ceux qui ont approché des personnes en soins palliatifs à domicile savent ce que cela demande de temps et d'écoute. Il faut prendre en compte cette dimension, Il faut aller vers un prix de journée forfaitaire pour les soins palliatifs et l'accompagnement à domicile incluant les actes médicaux et paramédicaux, le soutien psychologique, les aides à la vie quotidienne, le matériel médical et d'hygiène. Un tel forfait permettrait de rémunérer correctement les acteurs de santé, libéraux ou salariés, et les familles pourraient envisager avec plus de sérénité le retour du malade à domicile.

M. le Secrétaire d'Etat - J'ai bien entendu ces remarques pertinentes.

L'amendement 34 vise simplement à remplacer dans l'article 4 le mot "convention" par "contrat", pour éviter toute confusion avec les conventions nationales régulant l'assurance-maladie.

Mme la Rapporteur - Avis favorable.

L'amendement 34, mis aux voix, est adopté et l'article 4 est ainsi rédigé.

ART. 5

M. Jean-Michel Dubernard - De nombreux obstacles techniques et financiers empêchent un développement cohérent des soins palliatifs. Ceux-ci exigent moins des actes techniques sophistiqués que des soins d'hygiène et de confort, une prescription d'antalgiques majeurs et surtout du temps pour le malade et son entourage. Or le PMSI ne codifie pas le temps passé auprès du patient. Une unité de soins palliatifs produit peu d'actes générant des points, mais au contraire pénalise financièrement l'hôpital. Dans ces conditions, les directions financières ne sont guère encouragées à créer ou développer ces unités, d'autant que cela implique un redéploiement et donc la suppression de lits dans d'autres services ("Très juste !" sur les bancs du groupe socialiste).

Il n'est donc pas excessif de dire que le PMSI valorise l'acharnement thérapeutique. Il faut donc le faire évoluer pour prendre en compte les unités de soins palliatifs.

L'article 5, mis aux voix, est adopté.

ART. 6

M. Jean-Michel Dubernard - Cet article étend à l'ensemble des établissements de santé l'obligation de dispenser des soins palliatifs. C'est donc une innovation importante.

M. Bernard Perrut - Je voudrais insister sur l'importance de la formation. Il n'est pas certain que le personnel médical soit bien préparé aux soins palliatifs, qui nécessitent la parfaite maîtrise du traitement de la douleur, mais aussi un suivi psychologique. Depuis le décret du 15 mars 1993, les infirmières reçoivent un enseignement spécifique. Mais les médecins, qui se sentent en situation d'échec, ont des difficultés à accompagner les malades jusqu'à la mort. Les études médicales ont certes été modifiées en 1997, mais il semblerait que beaucoup de facultés n'appliquent pas ces textes. Pourriez-vous nous indiquer les résultats de l'enquête menée à ce sujet par le ministère de l'éducation nationale ?

La formation continue, elle aussi, devrait être développée en direction des médecins, des infirmières, des kinésithérapeutes et aussi des cadres de direction des hôpitaux, qui ne sont pas toujours préparés à accueillir les familles.

De façon générale, il faut regretter qu'il n'y ait aujourd'hui aucune incitation, en termes de carrière, à s'intéresser aux patients en fin de vie.

M. le Secrétaire d'Etat - Je voudrais demander à M. Dubernard de ne pas faire d'acharnement contre le PMSI, d'autant que le Gouvernement s'apprête à le modifier pour mieux prendre en charge les soins palliatifs.

L'amendement 35 vise simplement à assurer le parallélisme entre établissements publics et privés en ce qui concerne l'inscription des moyens nécessaires.

Mme la Rapporteur - La commission ne l'a pas examiné, mais j'y suis favorable.

L'amendement 35, mis aux voix, est adopté.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg - Vous savez l'intérêt que le groupe RCV porte à ce texte, puisqu'il ne serait pas en discussion aujourd'hui si nous ne lui avions consacré notre niche parlementaire. Nous serions donc heureux que le Gouvernement prête attention à nos souhaits.

L'amendement 22 vise à compléter l'alinéa relatif à la formation en précisant d'une part qu'il s'agit non seulement de formation initiale, mais aussi de formation continue, d'autre part qu'elle doit s'adresser non seulement aux médecins, mais aussi aux autres professions de santé concernées par les soins palliatifs.

Mme la Rapporteur - La commission a accepté l'amendement.

M. le Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement est d'accord.

L'amendement 22, mis aux voix, est adopté.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg - L'amendement 16 vise à préciser les dispositions concernant la création d'unités de soins palliatifs et d'équipes mobiles. Fin 1998, notre pays ne comptait encore que 54 unités de soins palliatifs totalisant 576 lits, ce qui permet d'accueillir environ 5 200 patients par an. Or sur 530 000 personnes qui décèdent chaque année, 150 000 auraient impérativement besoin de ces soins -chiffre que les spécialistes de l'accompagnement estiment même trop faibles. Toujours fin 1998, il existait 74 équipes mobiles.

Notre objectif est que chaque CHU ouvre une unité de soins palliatifs de 10 à 15 lits et que chaque département français dispose au moins d'une structure spécialisée en soins palliatifs, soit résidentielle, soit mobile. Actuellement 40 départements en sont dépourvus.

Nous voulons que cette loi ait un contenu très concret.

Mme la Rapporteur - La commission a repoussé l'amendement, car elle considère que la fixation du nombre de lits des unités de soins palliatifs relève du pouvoir réglementaire.

M. le Secrétaire d'Etat - Chaque établissement devra mettre en place les moyens nécessaires, mais je souhaite qu'il y ait surtout des unités mobiles. Il me paraît donc préférable de ne pas fixer le nombre de lits dont devrait disposer un centre hospitalier.

L'amendement 16, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 6 modifié, mis aux voix, est adopté.

L'article 7 est adopté.

ART. 8

M. Jean-Michel Dubernard - Il est indispensable que les structures mises en place respectent un cahier des charges. Il faut définir des normes de qualité impératives, en s'inspirant des exemples étrangers, notamment de celui de la Catalogne.

L'article 8, mis aux voix, est adopté.

ART. 9

M. Bernard Perrut - Cet article concerne les bénévoles, dont le rôle a été reconnu par la circulaire du 26 août 1996. Aujourd'hui ils sont près de 3 000 à travailler au sein de quelque 150 associations. Ce n'est pas beaucoup, au regard de l'immensité de la mission ; le ministère ne pourrait-il pas, en liaison avec la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs, organiser une vaste campagne de sensibilisation ? Je suis certain qu'elle susciterait de nouvelles vocations.

Le rôle des bénévoles est primordial, notamment dans l'accompagnement des malades à domicile. Il exige disponibilité et engagement dans une relation humaine fondée sur la confiance, le respect et l'écoute. Une formation et un encadrement sont nécessaires ; je regrette qu'en commission les amendements déposés sur ce sujet aient été repoussés.

Le 13 octobre dernier, Monsieur le ministre, vous aviez déclaré que les associations de bénévoles seraient soutenues. Qu'en est-il ?

J'insiste sur le fait que les bénévoles doivent continuer à intervenir après le décès du patient, en apportant un soutien psychologique à ceux qui restent.

M. Jean-Jacques Denis - Les bénévoles peuvent jouer un rôle très bénéfique dans l'humanisation des pratiques hospitalières. Bien entendu, ils ne remplacent pas les proches, pas plus qu'ils ne se substituent aux soignants. Par ailleurs, ils doivent respecter les opinions religieuses et philosophiques de ceux qu'ils accompagnent, et s'interdire tout prosélytisme idéologique.

Cet article prévoit que les associations qui organisent leur intervention se dotent d'une charte qui précise leurs droits et devoirs, et doivent conclure avec les établissements une convention conforme à une convention type. Ses dispositions permettront d'écarter les sectes et groupes sectaires.

Le plan triennal affecte une enveloppe de 50 millions à la formation des bénévoles ; cette action est évidement indispensable.

M. Jean-Michel Dubernard - J'ai dit dans mon intervention générale qu'il fallait éviter de professionnaliser l'accompagnement ; la présence de bénévoles est souhaitée tant par les patients que par les équipes soignantes.

En 1998, on recensait 152 associations de bénévoles, fédérées dans la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs. Une circulaire du 26 août 1986 définit précisément le champ d'action des bénévoles, qui ne sauraient être considérés comme d'un personnel d'appoint.

Il convient que les pouvoirs publics favorisent le développement de cette forme exemplaire de solidarité ; c'est la raison pour laquelle je propose dans mon amendement 24, que les dépenses engagées pour la formation et l'encadrement des bénévoles par les associations soient prises en charge par les organismes d'assurance maladie.

Mme la Rapporteur - La commission a rejeté cet amendement car la notion de gratuité est importante ; il faut éviter toute professionnalisation. Les collectivités locales ou les fonds d'action sociale des caisses d'assurance maladie pourront verser des subventions de fonctionnement aux associations.

M. le Secrétaire d'Etat - Rejet, pour les mêmes raisons.

L'amendement 24, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg - Mon amendement 17 tend à modifier la rédaction du premier alinéa car il importe de bien distinguer les soins médicaux et paramédicaux qui ne peuvent relever que de l'équipe soignante, et, l'action des bénévoles qui apportent un soutien psychologique et social à la personne malade et à son entourage.

Mme la Rapporteur - La commission avait repoussé l'amendement. Mais j'y suis personnellement favorable, car il me parait apporter une précision utile.

M. le Secrétaire d'Etat - Avis favorable.

Mme Catherine Génisson - Je voterai cet amendement. Mais il ne faudrait pas faire croire que les équipes médicales et para-médicales ne s'occupent que de soins médicaux, et les bénévoles que de soutien psychologique.

M. Bernard Accoyer - Très juste !

L'amendement 17, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Michel Dubernard - L'amendement 25 est défendu.

L'amendement 25, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 9 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 9

M. Jean-Michel Dubernard - L'amendement 27 est défendu, de même que l'amendement 26.

Les amendements 27 et 26, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

ART. 10

M. Bernard Perrut - L'amour et la veille attentive apportés à un être proche constituent l'aide la plus réconfortante pour une personne en fin de vie.

Aussi devons-nous prendre des mesures concrètes pour lutter contre la solitude et l'angoisse des mourants. La place de la famille doit être davantage reconnue et encouragée, à l'hôpital et à domicile.

Or nombre de contraintes empêchent souvent de prendre le temps nécessaire pour accompagner l'époux, le parent ou l'enfant. J'ai déposé une proposition de loi sur ce sujet, le 27 janvier dernier, un mois avant que le Conseil économique et social ne publie son rapport. Je suis heureux que la commission des affaires sociales du Sénat, puis notre commission des affaires culturelles, aient repris ma proposition, cette dernière en étendant à trois mois la durée du congé à temps partiel ou complet. Les salariés de droit privé et tous les fonctionnaires y auront accès. Il était temps d'agir.

Le docteur Delbecque, en 1993 évoquait déjà l'insuffisance de l'accompagnement des malades. Vous-même, Monsieur le ministre, avez fait part à plusieurs reprises de la nécessité de créer un congé d'accompagnement. "Un nouveau congé !" diront certains. Il existe déjà, en effet, le congé sabbatique, le congé de solidarité internationale, le congé parental d'éducation, le congé pour enfant malade, et beaucoup d'autres. Il ne manquait que ce congé d'accompagnement, tellement justifié ! En outre il ne peut pas conduire à des abus, puisqu'il s'appuie sur une réalité grave constatée par un certificat médical. Il ne coûtera rien à l'Etat ni à l'entreprise, puisqu'il ne sera pas rémunéré. Il nécessite des efforts, qui pourront être partagés à l'intérieur de la famille.

Peut-être faudra-t-il prévoir un jour une prestation compensatoire forfaitaire. Ce congé rendra la mort plus familiale et plus familière.

M. Jean-Jacques Denis - La mort est souvent rejetée dans notre société. 75 % des Français meurent en institution, pour des contingences de toutes sortes, en particulier professionnelles.

Comme l'a recommandé le Conseil économique et social, il importe que les proches prennent en charge une part importante de l'accompagnement des malades. Accompagner un parent jusqu'à sa mort est une épreuve terrible, mais qui peut être irremplaçable. C'est une façon aussi de préparer le travail de deuil. Voilà ce que permettra la congé d'accompagnement.

Le rôle des familles dans la phase de fin de vie sera le thème du prochain colloque de la SFAP.

L'article 10 tend donc à introduire dans le code du travail un congé d'accompagnement des personnes en fin de vie. Tout salarié dont un ascendant, un descendant ou une personne avec laquelle il vit reçoit des soins palliatifs pourra être auprès de lui. Ce congé doit comporter des aménagements possibles d'horaires, pour correspondre à la réalité de la fin de la vie.

La question du financement de ce congé reste posée, car nous devons veiller à maintenir l'égalité de tous devant le décès d'un proche.

M. Roger Meï - Conformément aux recommandations du Conseil économique et social, nous avons proposé d'inscrire dans le code de la Sécurité sociale le droit à un congé d'accompagnement de personne en fin de vie. Sans la sanction de l'article 40, celui-ci aurait pris la forme d'une allocation versée aux salariés lorsqu'ils doivent diminuer la durée de leur activité professionnelle.

La place de la famille auprès du proche souffrant doit être un droit à part entière.

Notre amendement tend à préciser dans le code du travail les modalités pour bénéficier du congé d'accompagnement.

L'article 10 ne nous convient pas, d'abord parce qu'il ne comporte pas d'indemnisation versée par la Sécurité sociale aux salariés concernés, ensuite parce qu'il modifie le code du travail dans la partie "congé non rémunéré".

Notre amendement 3 tend donc à introduire le congé d'accompagnement dans la partie "congé rémunéré", et à en étendre le bénéfice aux salariés de la fonction publique.

Si notre proposition n'est pas retenue, mieux vaudrait organiser une concertation interministérielle plutôt que d'adopter l'article en l'état.

M. Jean-Michel Dubernard - Il est illusoire de songer à développer dans des conditions dignes l'accompagnement des malades en phase terminale à domicile, si les familles ne sont pas déchargées, au moins partiellement, des soucis matériels.

En 1995, la Belgique a instauré un droit au congé pour soins palliatifs. Ce congé à temps plein est peu utilisé faute d'attractivité financière suffisante. En France, faute d'un dispositif national, le salarié cherche à obtenir un certificat médical assorti d'un arrêt de travail. Pourtant certaines entreprises, comme Fleury-Michon, ont intégré dans l'accord d'entreprises une modalité particulière de congé parental pour assister un proche victime d'un accident ou en maladie de longue durée.

Le congé d'accompagnement s'ouvrirait à toute personne devant interrompre son activité professionnelle, avec une durée maximale de deux mois à temps complet ou partiel, sans rupture du contrat de travail, et sur présentation d'un certificat médical. Une prestation compensatrice forfaitaire d'un montant significatif serait financée de façon collective et solidaire.

Ce congé permettrait de réaliser des économies, puisque le maintien d'un malade en servie actif hospitalier revient entre 3 000 F et 5 000 F par jour, tandis que le retour au domicile avec des soins de qualité fait descendre le coût journalier à 1 200 F.

M. le Président - Les amendements 3 et 28 ont été défendus.

Mme la Rapporteur - La commission les a rejetés. Ils sont d'ailleurs devenus sans objet après l'adoption de mon amendement sur le droit au congé d'accompagnement des salariés qui en diffère sur certains points. Ainsi, la durée maximale du congé est fixée à trois mois, ce qui recouvre la quasi totalité des situations. Le délai de prévenance de l'employeur est ramené à 15 jours et supprimé en cas d'urgence. Le congé peut être transformé en travail à temps partiel. La condition d'ancienneté est supprimée, de même que l'attribution de dommages et intérêts en cas d'inobservation du dispositif par l'employeur puisque le juge a déjà le pouvoir de décider d'une indemnisation. Pour le reste, les textes sont convergents. La création de ce congé est un progrès social considérable. Je souhaite donc que l'article 10 ne soit pas modifié.

M. le Secrétaire d'Etat - Rejet.

Les amendements 3 et 28, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Christine Boutin - L'amendement 41 ne mentionne pas le congé d'accompagnement d'une personne "en fin de vie" mais "gravement malade". D'abord, les soins palliatifs ne sont pas réservés, heureusement, à ceux qui vont mourir. Ensuite quelle sera la pratique lorsque le congé aura été pris pour une personne qui, finalement, ne décède pas ?

L'amendement 42 est un amendement de repli.

Mme la Rapporteur - La commission n'a pas examiné ces amendements. En ce qui me concerne, j'y suis plutôt défavorable parce qu'une personne gravement malade n'a pas non plus nécessairement besoin de soins palliatifs. Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

M. le Secrétaire d'Etat - Je comprends le souci de cette formulation pudique, mais elle nous entraîne beaucoup plus loin que ce que prévoyait la proposition de loi. J'y suis donc hostile.

L'amendement 41, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que l'amendement 42.

M. le Secrétaire d'Etat - L'amendement 29 propose qu'un décret d'application de l'article 10 soit pris, dans les quatre mois de la promulgation de la loi. Il y a encore des précisions à apporter qui ne peuvent être inscrites dans la loi.

L'amendement 29, mis aux voix, est adopté.

L'article 10, ainsi amendé, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 10

Mme la Rapporteur - L'amendement 30 transpose le congé d'accompagnement de l'article 10 dans les trois fonctions publiques. Il faut un dispositif spécifique pour les fonctionnaires, mais les modalités seront identiques à celles du secteur privé.

M. le Secrétaire d'Etat - Favorable.

L'amendement 30, mis aux voix, est adopté.

ART. 11

M. Jean-Jacques Denis - Cet article précise qu'un rapport annuel du Haut comité de santé publique suivra l'évolution des soins palliatifs et l'efficacité des mesures adoptées. Sa diffusion avant l'examen de la loi de financement de la Sécurité sociale incitera à dégager les moyens nécessaires. Cet article semble donc indispensable.

L'article 11, mis aux voix, est adopté.

ART. 12

M. le Secrétaire d'Etat - L'amendement 44 lève le gage en supprimant l'article.

Mme la Rapporteur - Avis, bien sûr, favorable.

L'amendement 44, mis aux voix, est adopté.

L'article 12 est ainsi supprimé.

TITRE

M. Roger-Gérard Schwartzenberg - Le titre de cette proposition mentionne les personnes en fin de vie. Or tout notre débat a montré que les soins palliatifs ne s'adressent pas qu'à eux. L'amendement 18 propose donc de parler simplement "d'accompagnement". Par ailleurs, il remplace "favoriser le développement des soins palliatifs" par "garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs". Ceux-ci restent un privilège, qui concerne moins de 1 % des personnes décédées ! Le présent texte doit s'attacher à garantir l'ultime droit des malades : une mort digne. D'autres législations reconnaissent ce droit, comme celles des cantons suisses de Neuchâtel et du Jura.

Mme la Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement mais, à titre personnel, j'y suis favorable.

M. le Secrétaire d'Etat - Je suis plutôt favorable à cette proposition volontariste. Cela étant, j'ai bien dit que les malades nécessitant des soins palliatifs n'étaient pas toujours des personnes âgées, mais même lorsqu'il s'agit d'enfants, hélas, ils sont bien en fin de vie.

Mme Catherine Génisson - Je suis également favorable à l'amendement de M. Schwartzenberg, mais les soins palliatifs, quel que soit l'âge de la personne, sont bien les soins de fin de vie.

En outre, je ne vois pas l'intérêt de rajouter "et à l'accompagnement". Je propose donc un sous-amendement supprimant ce membre de phrase.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg - J'accepte cette modification.

L'amendement 18 corrigé, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Bernard Perrut - Sur un sujet aussi important, qui concerne chacun d'entre nous, notre texte doit non seulement introduire des dispositions techniques mais aussi témoigner d'un engagement personnel des parlementaires de tous les bancs à appuyer son application.

Si le groupe DL votera bien sûr ce texte, qui intègre des propositions de loi issues de divers bancs, c'est que, grâce au débat de ce soir, nous avons perçu votre engagement, Monsieur le ministre, sur les moyens qui seront accordés au développement des soins palliatifs, mais aussi sur le fait qu'ils seront pris en compte par les SROS. A quoi s'ajoute une donnée fondamentale : le congé d'accompagnement, c'est-à-dire la place reconnue à la famille, aux amis, aux proches. Pour toutes ces raisons, nous voterons ce texte, en espérant, Monsieur le ministre, que vous trouverez dans les budgets à venir les moyens nécessaires.

M. Yves Bur - Le groupe UDF votera bien sûr cette proposition, qui constitue un véritable engagement pour que le droit aux soins palliatifs puisse s'exercer aussi vite et complètement que possible. Le droit des malades doit devenir une réalité et se traduire dans les projets des établissements sanitaires, mais aussi médico-sociaux. Je souligne l'importance de l'action des bénévoles, qui doivent poursuivre leur admirable mission, tout en recevant une formation, et sans être entravés par un cadre réglementaire trop contraignant. Il importe d'autre part que les soins palliatifs soient mis en oeuvre dans les établissements médico-sociaux, notamment les maisons de retraite et les longs séjours. Ces établissements devront donc recevoir les moyens nécessaires. Soulignons enfin l'avancée que représente le congé d'accompagnement, qui favorisera l'hospitalisation à domicile.

L'UDF votera ce texte volontariste, en appelant le Gouvernement à concrétiser les objectifs qu'il affirme : il ne faut pas créer de faux espoirs.

M. Jean-Jacques Denis - Au nom du groupe socialiste, je veux dire notre fierté d'avoir participé à ce débat, avec le Sénat et nos collègues de tous les bancs de cette assemblée. La France était en retard. Ce texte doit permettre d'apporter des réponses rapides. Le travail en commission l'a considérablement enrichi, le faisant passer de cinq à onze articles, tous pertinents. Un de ses apports essentiels est le congé d'accompagnement.

Le débat a permis de repérer les freins au développement des soins palliatifs. La proposition a permis de souligner l'importance de la lutte contre la douleur, et le besoin d'une réhumanisation des soins. Le groupe socialiste votera ce texte, convaincu d'apporter ainsi des réponses sur le sujet douloureux et grave qu'est le fin de vie.

M. Jean-Michel Dubernard - Ce texte est important, car il fallait légiférer pour accroître l'offre de soins palliatifs. Il est bon qu'il soit issu d'une initiative parlementaire, et qu'il soit dans le droit fil de la proposition de M. Neuwirth au Sénat, adoptée à l'unanimité par la Haute assemblée. Enrichi par le débat en commission, le texte a intégré le congé d'accompagnement, et l'impératif d'une formation des professionnels de la santé chargés de ce type de patients. Le groupe RPR le votera donc, en exprimant un seul regret : c'est que n'ait pas été retenue la création d'une délégation parlementaire aux droits des malades. Je n'ai pas compris sur ce point les arguments de M. le président de la commission ni de M. le ministre, car cette mesure n'impliquait pas d'engagement financier immédiat. Tel est notre seul regret. Le groupe RPR votera la proposition.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg - J'exprimerai le même regret que M. Dubernard : je n'ai pas compris non plus la position du ministre et du président de la commission sur l'amendement tendant à créer une délégation parlementaire pour les droits du malade. C'était une mesure très souhaitable, et j'avais cru comprendre qu'en leur temps d'autres que moi l'avaient soutenue. Quant au texte lui-même, il a une importance par son contenu, mais aussi par son origine, car il a été permis par une "niche" parlementaire. Il est bon que cette possibilité existe et permette l'adoption de propositions émanant des députés. Celle-ci résulte de la fusion de plusieurs textes, parmi lesquels l'un était de Mme Marin-Moscovitz, députée du Mouvement des citoyens, et un autre des députés radicaux de gauche. C'est dire que le groupe RCV votera naturellement ce texte. Si le Gouvernement a l'initiative des lois, il est bon de se rappeler que les parlementaires l'ont aussi, et que c'est le Parlement qui fait la loi.

M. Roger Meï - "En toute circonstance, le médecin doit s'efforcer de soulager les souffrances de son malade, l'assister moralement et éviter toute obstination déraisonnable dans les investigations ou les thérapeutiques". Le respect de ces principes du code de déontologie médicale sera mieux assuré avec le développement des soins palliatifs.

On peut même dire, que la mission du médecin subit un changement important quand il s'agit d'accompagner des malades à la mort. Pour en avoir discuté, dans la maison de soins palliatifs que ma ville a accueillie non sans difficultés, avec les médecins, les personnels de santé et les bénévoles, je sais que cela donnera un sacré coup de pied dans notre éthique traditionnelle.

De même, la proposition de loi manifeste la volonté d'aider les familles à accompagner leur proche, ce qui est une très lourde charge.

En développant cette pratique médicale, nous comblons le retard pris en ce domaine. Mais nous marquerons aussi notre volonté d'améliorer la prise en charge de la douleur. On ne peut plus l'accepter, dès lors qu'il est possible de la supprimer.

La proposition permettra de reconnaître cette pratique médicale à part entière, en lui donnant un cadre législatif et en favorisant son développement sur tout le territoire. Je crois que nous devrons encore progresser sur ce sujet. J'ai bon espoir.

D'autre part, nous pouvons nous féliciter qu'une alternative à l'hospitalisation ait été établie, puisque le choix du retour à domicile pourra être offert au patient ainsi qu'à ses proches. Il faudra, à cet égard, avoir dans ce cadre les mêmes exigences de cohérence, de continuité des prises en charge, de sécurité, de qualité des soins.

Enfin, nous devrons être attentifs à la formation dispensée aux professionnels de santé mais surtout aux bénévoles associés à l'accompagnement, qui devront respecter les convictions du malade.

Enfin, pour que le concept de soins palliatifs et d'accompagnement de la personne en fin de vie trouve toute son efficacité, nous devons absolument sortir d'une vision comptable des dépenses de santé. En aucun cas le développement des soins palliatifs ne doit être un motif de diminution de ces dépenses pour le futur.

Le travail des deux assemblées a permis d'enrichir le texte initial. Le débat fut riche. Le groupe communiste votera cette proposition de loi.

M. le Secrétaire d'Etat - L'importance d'un texte ne se mesure pas au nombre des présents -du reste assez nombreux et valeureux. Et l'émotion ne se mesure pas à l'heure de la nuit. Je suis ému, car je crois que ce texte va transformer la vie -la fin de vie, donc la vie- de nombre d'entre nous, un jour, et de nos proches. Car c'est là, toujours, une affaire personnelle, qui s'enracine dans une histoire personnelle. J'ai entendu vos arguments. Tous étaient pertinents ; il n'y a pas eu de jeux politiciens dans ce débat, et je vous en remercie. Je crois que nous sommes tous fiers d'y avoir participé. Je remercie Mme Marin-Moskovitz, M. Denis, M. Perrut, M. Schwartzenberg, M. Dubernard -sans oublier M. Neuwirth. La niche parlementaire est une bonne chose, c'est vrai ; et quand elle rencontre le souci du Gouvernement, c'est encore mieux.

Vous dites, Monsieur Perrut, que vous comptez sur moi pour les moyens. Hélas, ce n'est pas moi qui des détermine : c'est le Parlement. Nous veillerons à ce que les moyens soient distribués en fonction des exigences de cette loi, mais sans déroger à la règle habituelle. J'ai moi-même essayé de trouver, par différents moyens, les 150 ou les 200 millions des premiers soins palliatifs.

M. Meï a raison, la douleur est un problème essentiel. Il a fallu des siècles pour qu'on s'y attache dans notre pays, et que la culture médicale se transforme au bénéfice des malades. Vous avez raison, Monsieur Bur, pour les maisons de retraite -mais elles sont concernée par la loi, celle-ci ne vise pas seulement les hôpitaux.

Quant aux soins à domicile, Monsieur Meï, Monsieur Bur, c'est bien notre souci que l'on revienne au domicile et que l'on meure moins à l'hôpital. Nous essaierons de rendre cela possible grâce à des équipes mobiles.

M. Denis a eu un joli mot, "humaniser les soins". Oui, il s'agit bien de cela.

Je suis heureux de voir ici, ce soir, quelques médecins. Mais je regrette que ce débat n'ait pas suscité plus de passions dans la profession. La formation, oui, Monsieur Dubernard, mais on ne changera pas le système de soins, sans revoir les études, la formation initiale et la formation continue.

J'ai bien senti un certain regret que je partage, Monsieur Schwartzenberg, à propos de la délégation. Mais il y a des états généraux en juin, dont nous tirerons les conclusions. Les associations seront à nouveau consultées et nous renouvellerons cette rencontre de 50 parlementaires qui a été si intéressante. Je suis le premier à vouloir avancer dans le sens des droits des malades, ne voyez donc là aucune malice de ma part.

Nous avons légiféré et je vous en remercie, cela permettra de régler 95 % des problèmes. Il restera 5 % des cas et cette question de la liberté personnelle qui intéresse tant M. Schwartzenberg. Il faudra continuer à en discuter.

Nous parlons de ces sujets avec gravité, parce que nous parlons de nous-mêmes -un jour nous y passerons.

M. le Président - Il faut que le dernier mot reste au Parlement puisqu'aussi bien nous examinons une proposition de loi. Permettez-moi donc de me féliciter de la qualité et de la sérénité des débats.

L'ensemble de la proposition de loi, mise aux voix, est adoptée à l'unanimité.

Prochaine séance, ce matin, mercredi 12 mai, à 9 heures.

La séance est levée à 0 heure 35.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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