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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 96ème jour de séance, 245ème séance

3ème SÉANCE DU MERCREDI 19 MAI 1999

PRÉSIDENCE DE M. Yves COCHET

vice-président

          SOMMAIRE :

CORSE 1

    ARTICLE UNIQUE 13

    EXPLICATIONS DE VOTE 13

LIBERTÉ DE COMMUNICATION (suite) 15

    RAPPEL AU RÈGLEMENT 15

    ART. 2 (suite) 16

La séance est ouverte à vingt-deux heures quinze.


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CORSE

L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions de la commission des lois sur la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête présentée par MM. Jean-Louis Debré, Philippe Douste-Blazy et José Rossi.

M. Raymond Forni, rapporteur de la commission des lois - L'incendie volontaire d'une paillote illégalement édifiée sur la rive sud du golfe d'Ajaccio dans la nuit du 19 au 20 avril dernier, que l'on ne peut évidemment que déplorer, a enclenché, sous l'impulsion d'une justice particulièrement rapide, une succession d'événements spectaculaires qui a agité le pays et suscité l'émoi de la classe politique. Mises en examen de plusieurs gendarmes suivies de celle du colonel commandant de la légion de Corse deux jours plus tard, dissolution du GPS, puis mise en examen et placement en détention provisoire du préfet de région et de son directeur de cabinet, telles en ont été les suites.

Les débats et les commentaires, légitimes, bien que parfois démesurés, auxquels a donné lieu cet enchaînement sans précédent de mises en cause de plusieurs responsables locaux de la politique de sécurité publique en Corse ont, sans surprise, trouvé une traduction parlementaire, les membres de l'opposition utilisant successivement les questions d'actualité, la motion de censure, le dépôt de propositions de résolution tendant à la création de commissions d'enquête.

La première, présentée le 5 mai dernier par les trois présidents des groupes de l'opposition, MM. Jean-Louis Debré, Philippe Douste-Blazy et José Rossi, tend à "la création d'une commission d'enquête sur le GPS". C'est celle que nous examinons ce soir. Je cite pour mémoire la seconde, déposée le 6 mai par M. François d'Aubert qui propose d'enquêter "sur les dysfonctionnements des services du Premier ministre en ce qui concerne le traitement du dossier corse".

Enfin, le 11 mai dernier, la commission des lois du Sénat a adopté une proposition de résolution créant une commission d'enquête sur "la conduite de la politique de sécurité menée par l'Etat en Corse", vaste champ et vaste période...

Quelle que soit l'émotion soulevée par les agissements prêtés au GPS et par le rôle des différents protagonistes de cette "lamentable affaire", la commission des lois doit respecter l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 et les articles 140 et 141 de notre Règlement, qui la conduisent à examiner la recevabilité de la proposition de résolution puis à se prononcer sur son opportunité.

Je le dis d'emblée, nous ne nous opposerons pas à la création de cette commission d'enquête car toute la lumière doit être faite sur les dysfonctionnements qui ont pu conduire à ces événements.

Pour être recevable, la proposition de résolution doit déterminer avec précision les faits donnant lieu à enquête.

Sans même faire référence à l'affaire de Cala d'Orzu qui fait l'objet de poursuites judiciaires, il est évident que la constitution du GPS, ses modalités de fonctionnement et ses activités constituent un ensemble de faits clairement identifiés susceptibles de donner lieu à enquête. Les auteurs de la proposition peuvent également invoquer le contrôle du service public qu'est le GPS. Sur ce point la recevabilité de la proposition de résolution semble donc acquise.

Mais, deuxième condition, le travail de la commission d'enquête ne doit pas empiéter sur celui de la justice. Nous avons donc interrogé à ce propos Mme la Garde des Sceaux, qui nous a répondu le 18 mai que "l'information judiciaire, actuellement suivie au tribunal de grande instance d'Ajaccio, à la suite de l'incendie criminel ayant détruit, le 20 avril 1999, sur la plage de Cala d'Orzu à Coti-Chiavari, la paillote "Chez Francis", a conduit à ce jour, à la mise en examen et au placement en détention provisoire de quatre officiers et un sous-officier de cette unité de la Gendarmerie nationale, ainsi que de l'ancien préfet de la région Corse, et s'est donc, à cet égard, attachée au fonctionnement et aux activités de celle-ci", tout en reconnaissant explicitement qu'"aucune poursuite pénale ne porte d'une façon générique sur le GPS aujourd'hui dissout". Voilà qui conforte notre interprétation favorable quant à la recevabilité de la proposition, même si nous devons prendre quelques précautions dans la rédaction de l'intitulé.

Nous pouvons donc nous demander à présent si cette proposition est opportune. Elle l'est selon nous, pour peu que son champ d'application soit remodelé.

Le GPS n'a été créé que le ler juin 1998. Il semble dès lors difficile de juger son efficacité et d'analyser ses dysfonctionnements et ses relations avec les pouvoirs locaux sur une aussi courte période.

Les rapports administratifs remis au Gouvernement et rendus publics montrent que n'est pas seulement en cause le rôle prépondérant du commandant de légion mais aussi le contrôle exercé par un préfet "particulièrement exigeant".

Il est à craindre que, compte tenu des poursuites judiciaires en cours et des éléments déjà disponibles, les travaux d'une commission d'enquête focalisée sur le seul GPS soient de peu d'intérêt. C'est pourquoi nous proposons que les investigations portent sur l'ensemble des services de sécurité agissant en Corse. Les querelles entre services de gendarmerie et de police ne datent pas d'aujourd'hui. Il serait injuste de focaliser l'attention sur la première uniquement, même si elle a été prise en défaut à un moment donné.

Sous réserve de cette modification, cette proposition de résolution nous paraît donc tout à fait acceptable.

Il nous semble en outre absolument nécessaire de mettre en évidence tous les dysfonctionnements au sein de ces services depuis un certain temps. Analyser la période 1993-1997 permettrait de faire d'utiles comparaisons car aucun des gouvernements, de gauche comme de droite, ne peut se réjouir des résultats obtenus sur le dossier corse.

On aurait pu aussi remonter à 1983, date à laquelle le Gouvernement a jugé nécessaire de nommer un préfet chargé de la sécurité sur le territoire corse, ou à 1975, quand la mort de gendarmes à Aléria a révélé à l'opinion nationale non seulement la revendication indépendantiste mais aussi la violence et les dysfonctionnements des services publics. Nous aurions pu retenir cette période, au risque de ne pas satisfaire les auteurs de la résolution, car, noyé dans une période de vingt-cinq ans, l'examen des huit mois d'exercice du GPS serait apparu bien secondaire. Je ne dis pas que c'est pour mieux mettre en valeur la demande de MM. Debré, Douste-Blazy et Rossi que j'ai proposé de retenir la dixième législature. Mais vingt-cinq ans, c'était trop, et huit mois, trop peu. Ce dernier choix aurait en outre inutilement ravivé certaines tensions. Je ne propose pas de remonter à 1768, date du rattachement de la Corse à la France ; je souhaite trouver un terme de comparaison utile, permettant l'objectivité qu'exige une investigation sereine.

En outre la Corse a besoin de retrouver le calme et de se pencher sur les vrais problèmes qui conditionnent son avenir. Je vous propose donc de retenir la proposition de la commission des lois ; et j'espère que notre future commission d'enquête travaillera avec le sérieux et la sérénité qui siéent à ce type d'institution (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement - La motion de censure qui sera discutée mardi prochain permettra à nouveau au Gouvernement de s'exprimer sur la situation en Corse et la politique de l'Etat dans cette région. Aujourd'hui je veux simplement réaffirmer que le Gouvernement est plus que jamais déterminé à poursuivre son action, pour que personne en Corse ne se sente plus autorisé à s'affranchir des lois républicaines et des décisions de justice qui les traduisent. Il est normal que le Parlement, après les récents événements, souhaite être mieux informé sur le fonctionnement et la coordination des forces de sécurité en Corse. Votre future commission, sans empiéter sur les informations judiciaires en cours, dressera le bilan de l'action conduite ces dernières années et de ses résultats, et suggérera, j'en suis certain, des améliorations. Votre rapporteur l'a très bien démontré et je n'y reviens pas.

Cette proposition a été distribuée le 1er mai. Le Gouvernement l'a inscrite à l'ordre du jour de la séance publique le jour même où la commission des lois a adopté son rapport, pour que l'Assemblée puisse engager ses travaux d'ici la fin de la session. Le travail de la commission d'enquête est en effet nécessaire et urgent. Nécessaire, car, s'il faut poursuivre avec la même détermination la politique engagée, il est légitime d'en examiner les moyens, pour accroître leur efficacité. Urgent, car la réalité de l'action menée doit être établie pour éviter que des défaillances individuelles ne servent la cause de ceux qui, hier, s'accommodaient trop facilement de la démission de l'Etat, et qui craignent aujourd'hui le rétablissement de l'égalité républicaine devant la loi.

Le Gouvernement s'est appuyé dans son action sur le rapport de la commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics en Corse et la gestion des services publics. Je ne doute pas qu'il trouvera également à s'inspirer des conclusions de la commission que vous allez créer aujourd'hui (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Pierre Lellouche - Rarement le terme de "commission d'enquête" aura été aussi approprié, s'agissant des conditions de création et de fonctionnement du GPS, unité de la Gendarmerie nationale qui a opéré en Corse entre juin 1998 et avril 1999. Dans nos institutions, la gendarmerie est partie intégrante des forces armées, placées, comme le veut la tradition républicaine, sous le contrôle de l'autorité politique. La création d'une unité nouvelle n'est donc pas un acte anodin, ni secret. Elle fait l'objet de décisions détaillées, aux plans administratif, opérationnel et budgétaire, et de la publicité nécessaire, notamment auprès des services qui devront travailler avec la nouvelle unité. Dans le même souci de respect de l'Etat de droit, les conditions d'emploi des forces publiques sont étroitement encadrées par des procédures détaillées, qu'il s'agisse du maintien de l'ordre ou des missions conduites sur commission rogatoire dans le cadre d'enquêtes judiciaires. Toutes ces procédures n'ont qu'un but. De même que le citoyen, comme le rappelait le ministre de l'intérieur après le drame de Vauvert, ne doit en aucun cas se faire justice lui-même, de même, en encadrant les missions de la force publique, il s'agit d'empêcher l'arbitraire de l'autorité publique. C'est le fondement de notre système démocratique.

Et pourtant, dans le cas du GPS, créé après l'assassinat du préfet Erignac, aucune de ces règles ne semble avoir été respectée. Parce qu'il fallait frapper fort et vite, et, comble d'ironie, parce qu'il fallait "restaurer l'Etat de droit en Corse", comme le disaient alors MM. Chevènement et Bonnet, une unité spéciale de gendarmerie allait fonctionner neuf mois durant dans des conditions bafouant les règles fondamentales de notre droit, au point d'amener le Gouvernement à la dissoudre.

Il aura fallu la "lamentable affaire", pour citer le Gouvernement, de la paillote d'Ajaccio ; il aura fallu que cinq officiers et sous-officiers du GPS soient incarcérés après avoir avoué être les auteurs de l'incendie ; que le colonel Mazères, puis le préfet de Corse et son directeur de cabinet soient incarcérés, pour que les Français découvrent toute l'ampleur de cette affaire d'Etat !

Ils auront ainsi découvert, tout d'abord, qu'une unité spéciale de Gendarmerie avait été créée en Corse neuf mois plus tôt, ce que semblait ignorer le ministre de l'intérieur. Celui-ci déclarait en effet sur RTL le 4 mai, quatorze jours après l'incendie de la paillote, qu'il n'avait eu connaissance que tout récemment de la création du GPS, par le biais du préfet Bonnet, qui avait demandé le texte au colonel Mazères. Et il affirmait ignorer que le GPS pouvait opérer des écoutes, ce dont il ne pensait pas d'ailleurs que ce soit prouvé. Deux jours plus tôt, le ministre de la défense rappelait incidemment à son collègue que "l'emploi et la mise en oeuvre des forces de l'ordre, qu'elles soient de police ou de gendarmerie, relevaient des préfets sous l'autorité du ministre de l'intérieur".

Les Français ont appris de même que cette unité fantôme travaillait exclusivement, semble-t-il, pour le préfet de Corse et son alter ego le colonel Mazères, hors de tout contrôle administratif, politique ou judiciaire. La justice n'avait pas ordonné l'incendie du restaurant, ni saisi le GPS pour enquêter sur l'assassinat de Claude Erignac. Et pourtant, tous les services de police, régulièrement saisis par les juges, se sont plaints à de multiples reprises d'enquêtes "parallèles", voire d'écoutes, réalisées en toute illégalité par le GPS. Pas plus que la justice, le Premier ministre ne semble avoir été au courant. Il a affirmé que ni lui-même, ni ses ministres, ni ses conseillers n'étaient au courant de ces agissements. Il faut donc en conclure que le GPS servait de milice "privée" pour le compte du seul préfet Bonnet !

En troisième lieu, il aura fallu ce triste déballage pour qu'on apprenne que cette unité spéciale s'était livrée à de multiples investigations parallèles à celles de la police dans le cadre de l'enquête Erignac. Il en a résulté une véritable guerre des polices, les protestations d'autres services, notamment la DNAT, conduisant à un arbitrage public de Matignon, sans oublier la décision d'un juge d'instruction de la division antiterroriste de Paris dessaisissant la gendarmerie de ses responsabilités d'enquête.

D'où ces questions : qu'y a-t-il de vrai dans l'attribution au GPS de multiples écoutes illégales qui ont fait l'objet depuis plusieurs mois de questions de députés de l'opposition ? Est-il même possible que cette unité ait commis d'autres actes délictueux ?

Il n'appartient pas à une commission parlementaire de se substituer à l'enquête judiciaire en cours. La justice dira si tout se limite ou non à un échelon local "pris de folie". Notre devoir en revanche, en tant qu'Assemblée nationale, qui fait la loi et contrôle l'action de l'exécutif, est de comprendre et de dire aux Français le pourquoi de dysfonctionnements aussi énormes au sein d'un appareil d'Etat qui prétendait en Corse recouvrer son autorité et faire respecter "le droit".

Rien ne s'oppose à la recevabilité de notre requête au plan du droit ou de la séparation des pouvoirs et je remercie M. Forni de l'avoir dit. Mme la ministre de la justice vient elle-même de le confirmer dans une lettre à la commission des lois : en l'absence de poursuites pénales sur le GPS, rien ne s'oppose à ce que l'Assemblée s'intéresse aux dysfonctionnements d'ordre politique qui ont caractérisé cette unité.

Sur le fond, les questions que nous posons et que se posent les Français, sont simples. Qui a pris la décision de créer le GPS ? Je l'ai dit, le ministre de l'intérieur en ignorait jusqu'ici l'existence, selon ses déclarations du 4 mai. Or lui-même -mais sans doute était-ce une perte de mémoire temporaire- s'était réjoui le 12 août 1998 à Bordeaux, "de la création prochaine d'une nouvelle unité de la gendarmerie, le GPS". Et d'ajouter : "il faut que les bonnes habitudes se prennent en Corse !" On a vu comment... Le rapport du général d'armée Yves Capdepont, remis au ministre de la défense le 7 mai dernier, évoque une décision du 1er juin 1998 "avalisée" je cite, "par le ministre de la défense, le ministre de l'intérieur -la direction nationale de la police nationale- en ayant été informé". Qui donc est responsable de cette création ?

Deuxième question : pourquoi créer une telle unité composée de 95 gendarmes d'élite et dotée de matériels d'intervention et d'écoute très sophistiqués ? La restauration de l'Etat de droit en Corse nécessite-t-elle vraiment la création d'une section spéciale ? Ce n'est pas l'avis du général Capdepont. Pourquoi le pouvoir politique a-t-il décidé de court-circuiter les unités existantes, au risque de déclencher une guerre des polices ?

Quelles étaient précisément les missions du GPS ? La réponse se trouve sans doute dans la réunion interministérielle du 14 mai 1998, à laquelle le préfet Bonnet aurait participé. Pourquoi ne parvenons-nous pas à en obtenir le compte rendu ?

Surtout, qui contrôlait les différentes missions remplies par le GPS ? Par quel dysfonctionnement cette unité de gendarmerie a-t-elle été soustraite à la chaîne de commandement ordinaire ? Le rapport de Daniel Limodin, inspecteur général de l'administration, remis le 7 mai au ministre de l'intérieur, rappelle que le préfet n'avait aucun lien hiérarchique direct avec le GPS, dont seul le commandant de la région pouvait fixer les missions. Le préfet ne pouvait normalement pas connaître les modalités d'utilisation du GPS.

Comment expliquer que cette unité ait été directement utilisée par le commandant de la légion, le préfet et son directeur de cabinet des mois durant sans que nulle autorité d'aucune sorte ne s'en aperçoive.

M. le Président - Veuillez conclure !

M. Pierre Lellouche - Voilà les questions que les Français se posent face à la lamentable dérive de ce corps d'élite, injustement traumatisé, qu'est la gendarmerie. Une dérive qui aboutit au drame de soldats et de hauts fonctionnaires incarcérés et rejetés par ceux même qui devaient les guider dans leur action.

Qui est responsable de tout cela, à défaut d'être au courant ? Comment une telle unité a-t-elle pu basculer dans l'incendie volontaire, le ridicule de l'Etat, et le triomphe de tous ceux qui bafouent en Corse la loi républicaine ? Il ne suffit pas au Premier ministre de se dire trahi, souillé par des serviteurs de l'Etat encensés hier et aujourd'hui jetés aux chiens. Ces hommes n'étaient pas programmés pour devenir des incendiaires. Quelqu'un a pris la décision de créer cette section spéciale, puis l'a laissé agir en dehors de tout contrôle (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Voilà pourquoi nous demandons la création d'une commission d'enquête sur le GPS, parce que cette unité est au coeur du dysfonctionnement de l'Etat républicain en Corse, et que c'est là que se trouve la cause première de la situation de non droit qui règne en Corse.

Face à notre proposition de résolution qui met directement en cause la responsabilité politique du Gouvernement, la majorité cherche à noyer le poisson (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Dans l'espace, d'abord, en élargissant la compétence de la future commission d'enquête à l'ensemble des différents services de sécurité. Le GPS, a dit le rapporteur, a eu une vie trop brève pour donner lieu à une enquête utile. Mais en élargissant, vous prenez le risque de jeter le soupçon sur l'ensemble des forces de sécurité. Surtout, vous cherchez à vous défausser de cette triste propension, depuis les Irlandais de Vincennes jusqu'aux écoutes de l'Elysée, qu'ont les gouvernements de gauche à recourir à des officines spécialisées échappant aux règles normales du droit (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Personne n'est dupe non plus de votre intention d'élargir la commission d'enquête à la période de 1993-1999, donc de vous défausser de votre responsabilité dans l'affaire de la paillote en soulevant celle de Tralonca. Que je sache, les nationalistes cagoulés de Tralonca n'étaient pas des gendarmes d'une unité spéciale, et la fameuse conférence de presse n'avait pas été organisée par le gouvernement de l'époque ! Au reste, M. Glavany a déjà évoqué cette affaire dans son rapport. En revanche, jamais autant de militants nationalistes n'ont été interpellés et incarcérés que sous le gouvernement Juppé (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Le taux d'élucidation des affaires de droit commun était bien supérieur, et cela sans unité spéciale.

Pourquoi, tant que vous y êtes, ne pas remonter à 1991, quand M. Bonnet était préfet de police en Corse ? Ou à 1975, et au drame d'Aléria ? (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Je vous demande de bien vouloir respecter la loi de notre Assemblée et de conclure au plus vite.

M. Pierre Lellouche - Quelles que soient vos manoeuvres dilatoires, nous mettrons tout en oeuvre pour connaître la vérité dans l'affaire du GPS. Cette commission d'enquête doit être créée et, selon nos usages, nous vous demandons de laisser l'opposition y jouer tout son rôle, en choisissant dans ses rangs soit le président soit le rapporteur (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Roger Franzoni - Député de la première circonscription de Haute-Corse, devais-je intervenir ce soir ? Si je n'ai pas désiré faire partie de la commission d'enquête sur l'utilisation de l'argent public en Corse, c'est parce que je ne voulais pas être juge et partie. La précédente majorité, rappelons-le, a refusé qu'elle soit constituée, alors qu'Emile Zuccarelli la réclamait depuis plus de dix ans (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

Il en va autrement dans cette affaire : il me faut affirmer mon attachement et celui des Corses à la République, une et indivisible.

La Corse, une nouvelle fois, apparaît comme irrémédiablement en marge de la République, au point que les Français se déclareraient disposés à accorder son indépendance à une île et à ses habitants qui ne leur sont présentés que sous des aspects négatifs. L'opposition, depuis trois semaines, tente de déstabiliser le Gouvernement.

Ainsi, le 28 avril, José Rossi interpellait le Premier ministre "avec la détermination de trouver ensemble une solution républicaine au problème corse". Comment ne pas réagir à de tels propos émanant d'un homme qui, comme président de l'Assemblée de Corse, semble s'éloigner de la République, plutôt que de rechercher une solution républicaine. Il a été ministre de la République et aspire certainement à le redevenir. Pourquoi ne fait-il pas de la pédagogie autour de lui, pour expliquer que ne pas condamner la violence et l'assassinat de Claude Erignac, c'est en quelque sorte les approuver ? (Interruptions sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR ; applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste) Je veux croire qu'il n'a pas pesé l'importance de ses actes et de ses déclarations.

Mme Odette Grzegrzulka - Il en est responsable !

M. Roger Franzoni - Certes des événements terribles sont venus troubler notre quiétude : mais l'incendie d'une paillote, appelée à disparaître par la volonté de la justice, devait-il entraîner ce déchaînement de hargne, même si des gendarmes sont les auteurs d'actes délictueux ? De ces actes inadmissibles, je souffre dans mon être de Corse, certainement plus que vous.

Mais fallait-il pour cela subir les diatribes accusatoires de MM. Estrosi et Landrain, l'opposition de MM. Léotard et Rossi à l'exécution du jugement de démolition ? (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste) Comment M. Fillon peut-il demander que toute la vérité soit faite alors que pour la première fois la justice agit en toute célérité et en pleine indépendance ?

Rechercher comment fonctionne la sécurité en Corse depuis 1993, soit, mais ne pourrait-on pas remonter plus loin, ni évoquer les morts d'Aléria, l'assassinat de Pierre Massimi, mon proche collaborateur, du docteur Lafay, du maire de Grosseto Prugna, du président de la chambre d'agriculture de la Corse du Sud, du maire de Soveria et celui de tant de gens ? On pourrait aussi se pencher sur ces 400 attentats annuels dont certains contre des élus tels qu'Emile Zuccarelli, Dominique Bucchini, et moi-même. Combien de ces méfaits ont été élucidés ? Aucun.

Comment demander aux Corses de croire en l'Etat de droit ?

Si le meurtre de Claude Erignac n'est pas encore élucidé, a-t-on le droit d'en faire le reproche au Gouvernement ? J'ai confiance en mon Gouvernement et en la justice de mon pays.

Il faut se féliciter que l'Etat ait démontré depuis 18 mois qu'il ne se laisserait plus intimider par qui que ce soit.

Le choc provoqué par ce drame et le formidable message de la population qui manifestait dans les rues prouvent que la Corse et ses habitants ont soif de sérénité et de paix. Leur sentiment de subir un procès collectif doit être surmonté.

La clarté avec laquelle la justice fonctionne aujourd'hui est sans précédent dans l'histoire corse. La droite joue un jeu dangereux en essayant d'affaiblir le Gouvernement et d'exploiter le malaise actuel à des fins purement électoralistes.

Les députés radicaux de gauche et tous les membres du groupe RCV voteront pour la création de cette commission d'enquête et ils y prendront part.

Ils souhaitent que toute la lumière soit faite, sur les événements récents et passés. Ils souhaitent que l'Etat continue à faire appliquer la loi en Corse, comme partout en France, avec les moyens ordinaires de la République.

A l'issue des travaux, chacun devra prendre ses responsabilités, toutes ses responsabilités (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Michel Vaxès - Un acte grave, détestable, a été commis en Corse dans la nuit du 19 au 20 avril dernier. Il a suscité une indignation légitime, dans l'île et sur le continent, surtout lorsqu'il est apparu que les services de sécurité pouvaient en être responsables.

Dès le lendemain, l'enquête judiciaire était engagée. Des officiers du GPS ont reconnu avoir conduit cette action criminelle. Leurs supérieurs hiérarchiques et le préfet lui-même sont mis en cause.

Toute la lumière doit être faite, toutes les responsabilités doivent être établies.

Le 4 mai dernier, répondant à une question d'actualité que j'avais posée au nom du groupe communiste, le Premier ministre annonçait la nomination, dès le lendemain, d'un nouveau préfet, la décision de dissoudre le GPS, et l'objectif de continuer à travailler avec les Corses eux-mêmes à la résolution des problèmes dont ils souffrent.

La Corse, pour son développement économique, social et culturel, a besoin de l'établissement du droit et l'état de droit ne peut s'imposer que par le droit. Nous continuerons à soutenir toute initiative en ce sens.

Mais est-ce bien cet objectif, Monsieur Muselier, qui motive les multiples interventions des élus de droite autour de cette affaire ? Permettez que nous en doutions ! (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR)

M. Renaud Muselier - On répondra !

M. Michel Vaxès - Et est-ce bien l'utilisation à des fins politiciennes d'une lamentable affaire que souhaite la majorité des Corses et de nos concitoyens aujourd'hui ? Non ! Aujourd'hui comme hier, ils attendent un débat sur la restauration du droit en Corse et sur l'amélioration de la situation économique et sociale dans l'île.

Ce n'est pas sur ce terrain que l'opposition parlementaire veut conduire le débat. Pourquoi ? Pourquoi tant de résistance à accepter de faire toute la clarté sur toutes les affaires qui, depuis de trop nombreuses années, empoisonnent le climat politique et bloquent le développement de l'île ? Pourquoi, de 1993 à 1996, les gouvernements successifs ont-ils refusé de porter à l'ordre du jour du Parlement les trois propositions de résolution déposées par notre groupe tendant à créer une commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics en Corse et sur la situation économique et politique de l'île ?

Il aura fallu attendre fin 1996-début 1997 pour qu'une mission d'information se mette en place et l'assassinat d'un préfet pour qu'une unanimité se dégage, en mars 1998, pour la mise en place de cette commission d'enquête.

L'empressement de la droite aujourd'hui ne relève donc pas de motivations angéliques.

Pour notre part, parce que nous sommes favorables à tout ce qui peut assurer le respect des lois de la République, nous soutenons la proposition faite par le rapporteur de la commission des lois, comme nous continuerons de soutenir les propositions de la dernière commission d'enquête sur la Corse, adoptée unanimement par ses membres.

Compléter aujourd'hui le travail de cette commission pour mieux appréhender les problèmes relatifs au fonctionnement des services de sécurité peut être utile, à condition de ne pas limiter à un seul événement, aussi grave soit-il, ni à une période de quelques mois le champ d'investigation de la commission d'enquête. Les dysfonctionnements constatés, le nombre impressionnant d'affaires non élucidées révèlent des problèmes anciens.

La droite se saisit d'un événement, grave certes, pour tenter de se refaire une virginité politique (Rires sur les bancs du groupe du RPR) mais elle veut le faire sur un terrain qui ne correspond pas aux préoccupations des Français et, parmi eux, des Corses.

Son vote, ce matin, contre la proposition du rapporteur de constituer une commission d'enquête sur une période qui inclut pourtant les derniers événements est on ne peut plus révélateur de ses véritables motivations. Par son attitude, elle contribue à aggraver encore la crise de défiance de l'opinion publique à l'égard du politique.

Pourtant, n'y a-t-il pas urgence à faire de la politique autrement ? A travailler à une meilleure lisibilité de toute l'architecture de l'Etat et des institutions de la Vème République, qui continue de souffrir d'une primauté de l'exécutif sur le législatif et de l'administratif sur le politique ?

Ce n'est sûrement pas une motion de censure sous influence électorale qui permettra d'avancer, au contraire.

L'Etat doit poursuivre l'action engagée pour le respect du droit. Mais rien de décisif ne pourra se réaliser si les Corses eux-mêmes, ceux qui refusent la violence et condamnent les dérives mafieuses, ne sont pas mieux associés à la fois au travail de rétablissement de l'Etat de droit et à l'élaboration d'un projet global de développement de l'île.

Cette nécessaire intervention des Corses dans la gestion de leurs affaires ne dispense pas l'Etat de ses obligations. Elle rend plus impérieuse encore l'affirmation d'une politique forte, claire et juste.

La volonté de l'immense majorité des Corses, c'est que soient respectées leur identité et leur culture, que soient satisfaites leurs aspirations à une vie meilleure et confirmée leur appartenance à la République française, avec tout ce que cela signifie de droits et de responsabilités.

Parce que nous pensons qu'elle pourra contribuer à plus de transparence, nous soutiendrons la proposition du rapporteur (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Michel Herbillon - Rappel au Règlement sur la base de l'article 58-6 !

Je trouve très choquante l'attaque personnelle à laquelle notre collègue Franzoni s'est livré contre M. José Rossi, mettant en cause son action en tant que président de l'assemblée territoriale de Corse et son dévouement dans l'exercice de son mandat (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Dois-je rappeler que le président Rossi a été régulièrement élu et réélu et qu'il a la confiance de ses concitoyens ? ("Où est-il ?" sur les bancs du groupe socialiste)

Je trouve parfaitement incorrect de le mettre en cause pour des propos tenus dans une autre assemblée et sur un sujet sans rapport avec notre réunion de ce soir (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et du groupe du RPR).

M. le Président - Je ne considère pas que les propos de M. Franzoni aient eu le caractère d'attaque personnelle. Dois-je relire l'article 58-6 ?

La parole est maintenant à M. Laurent Dominati.

M. Laurent Dominati - Il s'agit d'une affaire grave. En effet, l'autorité de l'Etat est atteinte en Corse, le Premier ministre a dû le reconnaître. C'est l'honneur et le devoir du Parlement, lorsqu'il y a une affaire d'Etat, d'exercer ses prérogatives et d'utiliser les instruments de contrôle à sa disposition.

Il est donc, évidemment, nécessaire de créer une commission d'enquête sur les événements qui se sont produits en Corse. Vous avez bien voulu l'admettre, même si vous essayez de biaiser en modifiant les termes de notre proposition, ou les dates, ou en voulant faire croire que les dysfonctionnements constatés auraient pour origine l'attitude de M. José Rossi.

Vous avez souligné que la responsabilité de l'Etat est de faire régner l'Etat de droit de Corse et, sur ce point, l'unanimité s'est faite. Seulement, l'objet de notre proposition n'est pas la Corse mais l'Etat, car l'organisation des forces de sécurité relève de l'Etat et touche le sommet de l'Etat. C'est donc l'Etat qui est mis en cause, son fonctionnement administratif et la responsabilité politique de ceux qui le gouvernent, et qui portent la charge symbolique du bon fonctionnement des institutions.

La nécessité de créer cette commission d'enquête est reconnue par l'Assemblée, qui reconnaît aussi qu'un dysfonctionnement avéré ébranle l'Etat de la base au sommet. Nous sommes favorables au rétablissement de l'Etat de droit et au retour à l'ordre en Corse.

Plusieurs députés socialistes - Double langage !

M. Laurent Dominati - Il n'y a aucun double langage ! Et si l'on remonte effectivement à 1993, ou avant, on verra bien qui a choisi et privilégié le parti de la négociation, de l'amnistie, voire des paiements ! J'espère donc que la commission d'enquête pourra parler de tout, et aller au fond des choses.

Quelque chose de grave s'est passé. A qui la responsabilité en incombe-t-elle ? Au ministre de l'intérieur, au ministre de la défense, ou au Premier ministre ? L'opposition avait cru comprendre que le Premier ministre avait décidé, dès son arrivée au pouvoir, de faire du dossier Corse l'une des priorités de son action. Elle avait cru entendre, aussi, le ministre de l'intérieur parler de compétence interministérielle à ce sujet. C'est pourquoi M. François d'Aubert avait déposé une proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête sur les dysfonctionnements des services du Premier ministre en ce qui concerne le traitement du dossier Corse. Voilà pourquoi, Monsieur le rapporteur, il ne s'agit pas "seulement d'une opération politicienne" ! C'est qu'à cette tribune même le Premier ministre a dit avoir pris personnellement le dossier en main -pour le confier, on peut le supposer, à son cabinet- et que M. Chevènement -qui ne donne pas le sentiment d'être parfaitement au courant de la gestion de ces affaires- avait, lui, parlé de responsabilité interministérielle.

La commission a refusé la proposition de M. d'Aubert, mais elle a été contrainte d'accepter qu'une commission d'enquête soit constituée qui entendra ministres, membres des cabinets ministériels et le Premier ministre lui-même si elle l'estime nécessaire à l'établissement de la vérité. Puisqu'il y a carence de l'exécutif, le Parlement doit rechercher et exposer la chaîne des responsabilités.

Il y a, bien sûr, responsabilité pénale. On se rappellera, à cet égard, que le Gouvernement a commencé par parler à la représentation nationale d'actes isolés commis par quelques gendarmes en dehors de leurs heures de service. Est-ce témoigner à l'Assemblée le respect qui lui est dû que lui servir cela ?

Mais, au-delà, il y a la responsabilité administrative, et l'enquêteur nommé par le Gouvernement s'est dit lui-même confondu par les incohérences qu'il a mises à jour dans le fonctionnement des services. Et que dire de la dissolution du GPS, et de la mise en cause du préfet Bonnet alors que le ministre de l'intérieur qui s'en était porté garant, avant d'expliquer que ses agissements s'expliquaient par une certaine fragilité psychologique ! Quel crédit apporter désormais à la parole de ce ministre ?

C'est bien parce que la crédibilité du Gouvernement n'est plus qu'il revient à l'Assemblée de restaurer le prestige de l'Etat. Car, au-delà de cette lamentable affaire, il est impératif de restaurer la confiance en l'Etat, cet Etat qui, pour faire appliquer la loi, doit, avant toute chose, la respecter lui-même. Comment peut-il se faire entendre en Corse, dans les cités, à Paris -à dire vrai, en tous lieux- en ce moment, sans que l'on fasse allusion à un plan général d'incendies de paillotes, voire de mitraillages de gendarmeries ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste)

Le Gouvernement a eu le tort de choisir des méthodes d'exception, et un préfet qu'il a présenté comme un chevalier blanc avant d'oublier de contrôler son action comme celle de la police et celle de la gendarmerie. Il a eu le tort d'énoncer devant la représentation nationale des contre-vérités : qu'il n'y avait pas d'enquête parallèle sur l'assassinat du préfet Erignac, ni d'écoutes illégales... Sachant ce que l'on sait maintenant, la conclusion est simple : ou le Gouvernement n'était au courant de rien de ce qui se passait en Corse, ou il trompait son monde.

Le Gouvernement n'ayant plus d'autorité morale (Mêmes mouvements), l'Assemblée et, peut-être, la majorité, relèveront le défi. L'Assemblée s'honorera en acceptant de créer cette commission ; encore celle-ci devra-t-elle pouvoir agir complètement, et avec sincérité. Il apparaîtrait, sinon, qu'elle a été constituée pour étouffer le scandale de ce qui est bien, n'en déplaise au Premier ministre, une affaire d'Etat (Mêmes mouvements). C'est dire que la transparence doit s'imposer, et qu'il ne saurait être question d'un jeu de ping-pong entre les ministres concernés. Le mieux serait que, comme le veut la coutume dans de nombreux autres parlements, la présidence de la commission d'enquête soit confiée à l'opposition.

Plusieurs députés socialistes - Que ne l'avez-vous fait quand vous étiez au pouvoir !

M. Laurent Dominati - Cette question a été longuement débattue avec M. Fabius, dans le cadre du débat sur le renforcement des droits de l'opposition. Je vois que M. Ayrault le nie : c'est qu'il a la mémoire sélective ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. Christian Paul - Le Parlement est une nouvelle fois invité à exercer son pouvoir de contrôle sur une affaire intéressant la Corse et sur l'action de l'Etat dans cette partie du territoire de la République. Ce n'est pas la première fois dans l'histoire récente, et il s'est toujours agi de moments difficiles, pour la République mais avant tout pour la Corse.

Ainsi, en octobre 1996, au moment où le Gouvernement d'alors amorçait un virage à 180o, dans sa politique en Corse, une mission d'information conduite par notre collègue Henri Cuq avait mené un très méthodique travail d'auditions qui demeure une référence ("Merci !" sur les bancs du groupe du RPR) A cette occasion, l'Assemblée avait su travailler de manière dépassionnée dans l'intérêt de la République.

Au printemps 1998, après l'assassinat du préfet de Corse, Claude Erignac, une commission d'enquête parlementaire a examiné de manière approfondie l'usage des fonds publics dans l'île. Le rapport présenté alors préconisait la poursuite de la politique de retour à l'Etat de droit et de lutte contre la fraude, la corruption et la violence, et ses conclusions ont été adoptées à l'unanimité. Il n'y avait pas et il n'y a toujours pas d'autre voie possible.

A cette occasion, l'Assemblée avait fait preuve d'esprit de responsabilité. Ce fut à son honneur et à celui de la République.

Mais ce qui s'est déroulé ensuite en Corse, puis très récemment au sein de cette assemblée, relève d'une tout autre appréciation.

En Corse, la justice et les enquêtes administratives ont révélé des dérapages graves qui ont un impact moral et politique considérable dans l'île.

Il s'agit de la participation active d'hommes issus de la gendarmerie à un incendie criminel et et de l'implication possible d'un préfet, étant entendu que les intéressés doivent bien sûr à ce jour bénéficier de la présomption d'innocence. Mais la justice travaille dans l'île sans autre objectif que de dire le droit et d'établir la vérité, sans céder aux manipulations toujours possibles.

Ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale en revanche n'a plus grand chose à voir avec le sens de l'Etat que l'ensemble des forces politiques partageaient depuis dix-huit mois sur la question corse.

Si le rôle de l'opposition au Parlement peut être de dire la vérité en cas d'erreur, il n'est pas de prêcher le faux pour cacher le vrai, que de toute façon la justice mettra au jour en cette affaire, quoi qu'il en coûte. S'opposer dans un Parlement, ce n'est pas ajouter à la faute de quelques-uns l'espoir secret du déshonneur de l'Etat non plus que de se nourrir avec délectation d'un scandale en espérant qu'il éclabousse assez la République pour en obtenir quelques improbables profits électoraux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

Sur un sujet qui motive pourtant la deuxième motion de censure de la législature, l'opposition est quasiment absente de ces bancs (Mêmes mouvements). Les Français ne s'y trompent d'ailleurs pas qui observent avec méfiance l'hystérie de quelques-uns et la modération gênée de quelques autres, dont les erreurs passées, autrement graves, sont là pour rappeler qu'en Corse, dans l'histoire récente du mois, le pire est toujours sûr.

La commission d'enquête devra s'intéresser aux motifs de la création du GPS, à ses missions et à ses éventuels dysfonctionnements. Les trois missions qui lui avaient été confiées étaient et demeurent indispensables : protection des personnes menacées, personnalités politiques mais aussi témoins d'affaires sensibles ; surveillance et collecte de renseignements au profit de la justice ou pour prévenir des troubles à l'ordre public ; capacité d'intervention lors d'arrestations difficiles. La situation exceptionnelle née de l'assassinat du 6 février 1998 exigeait un renforcement des services de sécurité dans l'île qui passait par la compétence des hommes appelés à y servir.

M. Henri Cuq - Parlons-en !

M. Christian Paul - L'Etat républicain en Corse ne saurait s'accommoder de police parallèle ou de justice d'exception mais il ne saurait se contenter de moyens ordinaires, étant donné le niveau de violence dans l'île. La commission d'enquête avait unanimement reconnu ce principe et à aucun moment, aucun des censeurs d'aujourd'hui ne s'est élevé pour refuser la création de cette unité.

Ceux à qui ces moyens, nouveaux plus que spéciaux, ont été confiés, n'ont pas su les maîtriser ou les ont employés de façon illégale. Cela appelle un examen sans complaisance, au-delà de la décision de dissolution prise par le Gouvernement.

Pour autant, comme l'a soutenu notre rapporteur, limiter les investigations au seul GPS n'aurait aucun sens. En Corse, comme ailleurs, la sécurité doit s'appréhender dans sa globalité. La commission d'enquête devra s'intéresser au fonctionnement des services de gendarmerie et de police dans toute leur diversité. Allant plus loin encore que la commission d'enquête précédente, elle devra dresser un bilan précis des difficultés qui entravent l'action de ces services en Corse.

Elle confirmera certainement le climat d'intimidation qui règne dans l'île. Depuis vingt ans, sept gendarmes et plusieurs policiers sont morts et le nombre d'attentats visant les forces de l'ordre ou la justice effraie.

Les institutions républicaines résistent mal aux difficultés particulières de la Corse. L'Etat doit les rendre plus efficaces et non les affaiblir. Cette commission devra donc veiller à la consolidation des forces de police et de gendarmerie dans l'île. Elle travaillera aussi pour l'avenir. Elle ne pourrait comprendre la situation, formuler un diagnostic précis et sûr, si elle ne mettait pas en perspective les événements d'aujourd'hui et ceux des années récentes.

Je souscris donc à la proposition du rapporteur de remonter le temps. Cela permettra sans nul doute de trouver les causes de la démotivation de nombreux fonctionnaires de l'Etat, de leur absentéisme et, plus profondément, de la perte de confiance des citoyens.

Je n'exclus pas, pour ma part, que cette commission d'enquête ait à connaître d'affaires importantes et, pourquoi pas, d'affaires d'Etat. Elle aura à tout le moins à s'interroger sur d'étranges complaisances qui ont permis à un sentiment d'impunité de s'installer.

Jacques Coeffé, préfet de Corse à l'époque de la conférence de presse de Tralonca, reconnaissait dans Le Monde du 15 mai que des discussions avaient eu lieu entre le ministère de l'intérieur et des nationalistes, dont il n'avait pas été averti.

Mme Odette Grzegrzulka - Honteux ! Scandale d'Etat !

M. Christian Paul - "Le FLNC devait annoncer une trêve juste avant l'arrivée de Jean-Louis Debré mais les images ont tellement choqué l'opinion que l'effet obtenu a été l'inverse de celui recherché", poursuivait-il.

Pour toutes ces raisons, cette commission d'enquête est souhaitable et le groupe socialiste en approuvera la création.

Cette démarche concourt à établir l'Etat de droit, qui n'est pas seulement l'application à tous de la loi mais aussi l'application à l'Etat lui-même des règles qu'il a édictées.

Avant comme après l'assassinat de Claude Erignac, avant comme après l'affaire des paillotes, le cap fixé par le Gouvernement reste le seul possible : l'Etat de droit est un préalable en Corse. L'histoire rendra justice à Lionel Jospin et à son gouvernement de l'avoir dit et, encore plus, d'avoir traduit ces paroles en acte. Tous les indicateurs significatifs de la sécurité se sont améliorés en 1998.

Ceux qui depuis dix-huit mois se sont méthodiquement opposés à cette action, parce qu'elle dérange les habitudes les moins avouables du système corse, ont fait un choix que les Français jugent déjà détestable ("Très bien !" sur les bancs du groupe socialiste). Ceux qui depuis quelques semaines ont conclu une alliance de plus en plus ouverte avec les mouvements nationalistes les plus durs, empruntent une voie qui ne facilitera pas l'action de l'Etat en Corse.

Notre responsabilité politique, celle que les Français jugeront, est bien de rétablir l'Etat de droit. Puisse cette commission d'enquête y contribuer. Nous sommes bien décidés, pour notre part, comme le Gouvernement, à tenir le cap fixé (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Rudy Salles - Je souhaiterais tout d'abord livrer mes impressions sur ce débat. La gauche s'est érigée en donneuse de leçons pendant les interventions de l'opposition (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Le sujet est pourtant assez grave pour ne pas donner lieu à de telles réactions dignes d'une cour de récréation (Mêmes mouvements). Chacun des orateurs de l'opposition s'est exprimé avec responsabilité et le sens du devoir attaché à notre fonction. Ces gesticulations d'hémicycle n'honorent pas le Parlement et nos concitoyens les jugeront encore plus sévèrement ce soir.

M. Renaud Muselier et M. Henri Cuq - Très bien !

M. Rudy Salles - Le 6 février 1998, le préfet Erignac était lâchement assassiné par balles dans une rue d'Ajaccio. Ce meurtre n'est toujours pas élucidé, après quinze mois d'enquête ou d'enquêtes, devrais-je dire, tant le soupçon pèse sur l'existence d'enquêtes parallèles. Et depuis cet assassinat, le préfet Bonnet a été mis en examen.

Dès lors, comment ne pas s'interroger sur l'organisation et la coordination des services publics de sécurité en Corse, ni sur les conséquences des graves dysfonctionnements apparus dans la conduite de cette enquête ? Comment ne pas douter de l'efficacité de l'action de l'Etat, de sa crédibilité, en un mot de sa dignité ?

Malgré un renforcement des forces de police et de gendarmerie en Corse et la multiplication des mises en examen, le déroulement de l'enquête sur l'assassinat du préfet Erignac pâtit gravement de la rivalité entre ces services, inacceptable, alors qu'il s'agit de découvrir les assassins d'un préfet.

Quelle est la chronologie de la création du GPS ? Dans quel but a-t-il été créé ?

Six jours après l'assassinat du préfet Erignac, le prédécesseur du colonel Henri Mazères, à la tête de la légion de Corse, proposait le renforcement du dispositif de sécurité sur l'île et la création d'une unité spécialisée.

Le général d'armée Yves Capdepont souligne, dans son rapport sur les conditions de la création du GPS, que le préfet Bernard Bonnet avait, dès son arrivée, fait la même demande.

Après une mission de validation, conduite en mai par le major général de la gendarmerie et le chef des opérations et de l'emploi de la gendarmerie, le GPS était créé, début juin 1998 selon certaines sources, fin juillet selon d'autres. Quand donc exactement a-t-il été créé ?

Il devait remplacer l'escadron de gendarmerie mobile d'Ajaccio. Pour quelles raisons : insuffisance des moyens existants, volonté du préfet de disposer d'une unité spécialisée à sa main ?

Officiellement chargé d'assurer le maintien de l'ordre, notamment la protection des personnalités, sur réquisition écrite du préfet, le GPS pouvait aussi servir de force d'appoint aux gendarmes locaux pour les interpellations sensibles, sous contrôle de la justice. Il devait, enfin, effectuer des missions de surveillance et de renseignement.

Le préfet Bonnet a voulu conduire une opération "Mains propres" sur tous les fronts avec le soutien et sous le contrôle étroit du Gouvernement, et notamment des proches collaborateurs du Premier ministre. Depuis un an il s'était attaché à la réorganisation des services d'enquête et des forces de l'ordre dans l'île.

Pourtant, très vite, le style et la méthode musclés du préfet et du GPS, mais aussi le manque de discernement de certaines de leurs actions, ont heurté la population de l'île. Les Corses nourrissent bientôt un sentiment croissant d'hostilité vis-à-vis du préfet et de ses services. La sanction politique ne se fait d'ailleurs pas attendre, les nationalistes progressent aux dernières élections régionales.

Le flou des missions du GPS n'a pas été bien perçu par les policiers eux-mêmes, les dysfonctionnements dans le cadre des enquêtes judiciaires se sont multipliés, le GPS aurait procédé à des écoutes illégales, et, pour finir, le GPS a, dans l'illégalité la plus extrême, incendié une paillote sur la plage de Cala d'Orzu : ce qui a conduit à l'arrestation des officiers commandant le GPS et à la mise en examen du représentant de l'Etat en Corse.

Comment ne pas condamner les dysfonctionnements intervenus dans le contrôle hiérarchique de cette unité qui jettent aujourd'hui un discrédit sur l'Etat, ses représentants, sa méthode et sa philosophie ?

M. Laurent Dominati - Très bien !

M. Rudy Salles - Si le ministre de la défense a indiqué que le GPS avait trois types de missions définies par instruction -interventions, protection et surveillance-, il convient de savoir qui a permis la création de cette unité ? Quelles étaient ses conditions de fonctionnement ? Qui la commandait ? Quelles étaient ses missions ? Et à qui, en dernier ressort, le préfet Bonnet rendait-il compte ? Cette clarification est indispensable pour l'efficacité et la crédibilité de l'Etat, dont les représentant doivent garantir le respect des procédures en vigueur dans un Etat de droit.

Ce maintien de l'Etat de droit et souvent sa restauration, sont une priorité partagée du Président de la République et du Premier ministre. Or le Gouvernement a créé en Corse une force de police spéciale dotée de pouvoirs spéciaux et exorbitants. Il faut par conséquent qu'il assume, parallèlement aux actions judiciaires en cours et à la recherche des responsabilités pénales, la responsabilité politique de ses décisions.

Vous avez créé un instrument politique pour servir une politique de répression parallèle soustraite à la loi : vous devez par conséquent assumer ses dysfonctionnements et ses erreurs en autorisant la création d'une commission d'enquête.

Il n'est pas possible politiquement de laisser au seul juge la responsabilité d'apprécier les dysfonctionnements des services de l'Etat. Il appartient au Parlement, qui assure le contrôle politique du Gouvernement, de se saisir lui-même.

Le groupe UDF est opposé à ce que la mission de la commission d'enquête s'étende à l'ensemble des forces de sécurité. Il ne serait pas juste de mettre en cause indistinctement les forces de police et de gendarmerie qui effectuent un travail de qualité sur le territoire de la République et auxquelles nous réaffirmons notre estime.

M. Henri Plagnol - Très bien !

M. Rudy Salles - Seul le GPS doit être concerné par la commission d'enquête, laquelle devra examiner ses pratiques et des méthodes qui se sont révélées illégales et criminelles. Nous sommes attachés à l'Etat de droit, et nous désirons que soit faite toute la lumière sur une structure particulière qui s'est éloignée de ses règles et de ses principes.

Nous sommes également opposés à l'extension du champ d'investigation de la commission jusqu'au début de la dixième législature. Cela ne pourra que nuire à la clarté du débat. Nous voyons vos arrière-pensées, mais en quoi renvoyer à des événements qui n'ont rien à voir avec les pratiques déviantes d'aujourd'hui serait-il utile ?

Vous êtes la majorité qui soutient un gouvernement dont le préfet a été assassiné. Vous êtes la majorité qui soutient un gouvernement dont le préfet de Corse a été mis en examen. Voilà la réalité politique, brutale, odieuse et triste. La création d'une commission d'enquête est donc nécessaire. La refuser priverait le peule français de réponses auxquelles il a droit. Nous devons à la Corse, pour sa dignité, un débat exigeant et clair (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

La discussion générale est close.

M. le Président - J'appelle maintenant dans les conditions prévues à l'article 91, alinéa 9, du Règlement, l'article unique de la proposition de résolution dans le texte de la commission.

ARTICLE UNIQUE

M. Pierre Lellouche - Mon amendement 1 étend la période d'investigation jusqu'au début de la septième législature.

Jusqu'où faut-il faire aller la machine à remonter le temps ? Le rapporteur propose 1993 au motif que cela permettrait de mieux comparer l'oeuvre accomplie par les différents gouvernements. Cela semble en effet de bonne méthode démocratique, mais pourquoi s'arrêter à cette date ? Sans doute pour mettre en balance la Cala d'Orzu et Tralonca... Mais si l'on veut faire un travail en profondeur remontons donc soit à Aléria soit à 1981 qui marque le début de la septième législature, l'arrivée de François Mitterrand au pouvoir, le commencement des grandes lois sur le nouveau statut de l'île avec Defferre puis Joxe, la modification de l'attitude du Gouvernement à l'égard des nationalistes.

M. Forni nous objecte que cela ferait trop pour six mois d'enquête. Mais le rapport de M. Glavany traite de l'utilisation des fonds publics en Corse sans limitation de date -il remonte parfois jusqu'en 1976.

Pour la clarté du débat, pour donner aux Français les informations qu'ils attendent de nous, voyons donc qui a fait quoi depuis 1981 ou depuis 1975, je vous laisse le choix (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. le Rapporteur - La commission n'a pas examiné cet amendement.

Il nous a semblé que s'intéresser uniquement aux huit mois de fonctionnement du GPS serait une galéjade. En revanche, faire porter nos investigations sur la période 1993-1999 nous permettrait de disposer du recul et de la sérénité nécessaires et de parvenir à un certain équilibre. M. Sarkozy n'a-t-il pas reconnu lui-même que les responsabilités étaient largement partagées entre les gouvernements de gauche et de droite ?

Il n'y a là aucune manoeuvre mais la volonté d'analyser vraiment la réalité d'une île à laquelle nous tenons tous, de comprendre la psychologie, les réactions, de voir pourquoi un fonctionnaire est pris au bout de trois ou quatre mois dans un système sans doute lié à de très vieilles habitudes mais néanmoins inacceptable.

La commission a repoussé un amendement de M. Goasguen supprimant toute date car cela aurait constitué un dessaisissement de l'Assemblée au profit de la commission d'enquête qui aurait choisi la période couvrant ses investigations.

M. Laurent Dominati - C'est vrai.

M. le Rapporteur - Pour toutes ces raisons, il nous paraît préférable que le champ d'investigation couvre la période 1993-1999 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. le Ministre - S'agissant de la création d'une commission d'enquête parlementaire, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

M. Renaud Muselier - Bien joué ! (Sourires)

L'amendement 1, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Conformément aux conclusions de la commission, le titre est ainsi rédigé : "proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête sur le fonctionnement des forces de sécurité en Corse".

EXPLICATIONS DE VOTE

M. François Huwart - Nous sommes éminemment favorables à cette proposition de résolution, d'autant que nous ne pouvons imaginer qu'une telle commission soit le prétexte à des règlements de compte.

La Corse étant la première victime de la situation actuelle, il ne peut être question que la lumière ne soit pas faite dans la sérénité sur des événements graves. C'est pourquoi nous approuvons l'élargissement proposé de la période couverte par l'investigation.

Les orateurs de l'opposition ont beaucoup parlé de l'Etat, mais il y a une légère différence dans la conception que nous en avons. Celui dont il est question sur nos bancs, c'est celui qui a laissé la justice agir rapidement et en toute indépendance. C'est celui où un Gouvernement s'en remet à la sagesse du Parlement pour constituer une commission d'enquête dans des circonstances difficiles. Mais les Français ne sont pas dupes de l'attitude de l'opposition et le pugilat que celle-ci a engagé ne trompe personne. Nous avons besoin de sérénité et de clarté ; aussi voterons-nous sans hésitation la proposition (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Pierre Lellouche - Je ne reviens pas sur le fond et sur ce qui nous sépare. Je rappelle simplement qu'une analyse précise des conditions de création de cette unité spéciale de gendarmerie, qui a opéré hors de tout contrôle administratif, judiciaire, militaire ou politique, était et reste indispensable. Ce cas est en effet symptomatique des dysfonctionnements de l'autorité publique en Corse. Nous voulions donc faire la lumière sur le GPS et lui seul. La majorité décide d'élargir le champ d'investigation à tous les services de sécurité : soit. Nous la suivrons, car nous voulons établir la vérité sur tous les dysfonctionnements, y compris ceux du GPS. Vous avez choisi d'élargir la période considérée : nous vous suivrons, car nous voulons faire la lumière sur ce qui s'est passé en Corse tous ces derniers mois, c'est-à-dire sous votre règne.

Enfin, Monsieur le ministre, je vous réitère ma demande : conformément à l'esprit de notre assemblée dans de telles circonstances, nous revendiquons que l'opposition joue pleinement son rôle et obtienne soit la présidence de la commission d'enquête, soit le rapport (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Laurent Dominati - Il s'agit bien d'une affaire d'Etat, même si vous tentez de la réduire à un cas particulier. Ce que devra étudier la commission, ce sont bien les dysfonctionnements des services de l'Etat, conformément au rôle du Parlement, qui est de contrôler l'exécutif.

On peut avoir un jugement sur la politique menée et sur ceux de ses aspects qui ont conduit à un scandale. Mais on peut aussi juger la réaction des responsables politiques face à ce scandale. Je juge très sévèrement la réaction du Gouvernement qui n'a pas su trancher et désigner les responsables, y compris en son sein. Mais c'est là sa responsabilité. La nôtre sera de faire toute la vérité et de restaurer la confiance dans les institutions de la République, et l'image de l'Etat de droit. C'est là un devoir collectif, dont vous et nous sommes chargés.

Je perçois bien, Monsieur le rapporteur, votre souci d'équilibre entre deux gouvernements et deux périodes. Pour ma part, je préférais l'amendement de M. Goasguen, qui écartait toute limitation de date. Si le Parlement crée une commission, qu'il lui fasse confiance. Et si nous devons interroger des gens qui ont eu des responsabilités avant 1993, je souhaite que nous puissions le faire.

Enfin, si vous voulez montrer votre désir que le Parlement joue pleinement son rôle, et que cette commission n'a pas pour but d'enterrer l'affaire, vous prouverez votre sincérité en y donnant à l'opposition un rôle majeur, avec soit la présidence, soit le rapport. Pour le reste, cela ne nous empêchera pas de dire au Gouvernement ce que nous avons à lui dire, et d'engager sa responsabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Rudy Salles - L'orateur de la majorité a voulu opposer deux conceptions de l'Etat. Nous sommes habitués à ce genre de dialectique, depuis qu'en 1981 vous avez prétendu passer "des ténèbres à la lumière" ; tout cela n'est guère intéressant. Nous allons voter la création de cette commission. Nous souhaitions qu'elle se consacre au GPS. L'élargissement de son objet risque de nuire aux services de l'Etat ; il faudra veiller à ce qu'il n'en soit rien.

Enfin, sur un sujet aussi grave, c'est à juste titre que M. Lellouche a demandé que l'opposition ait, sinon la présidence de la commission, au moins le rapport. Je sais bien que ce ne sont pas vos pratiques. C'étaient les nôtres. Sous la précédente législature, bien que vous fussiez ultra-minoritaires, vous avez eu le poste de rapporteur de la commission d'enquête sur les sectes. Sur les questions graves, nous savons faire la part des choses et répartir les responsabilités. J'espère que vous saurez en faire autant (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Christophe Caresche - Je me réjouis de la création de cette commission, à l'initiative de la majorité (Exclamations et rires sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), ce qui est à son honneur. Elle permettra de faire la lumière sur l'organisation des forces de sécurité en Corse. Elle montrera que tous les gouvernements, tous les ministres de l'intérieur -nous l'avons déjà constaté dans la commission d'enquête dont M. Paul était le rapporteur- ont été confrontés à la question de savoir comment des opérations de police peuvent être menées sur ce territoire. Cette question a donné lieu à des dérapages, mais elle s'est posée à tous les gouvernements, et il faudra l'examiner.

Enfin, je veux rassurer l'opposition : nous examinerons évidemment cette lamentable affaire. A son sujet, il ne faut d'ailleurs pas exclure l'apparition d'éléments nouveaux. J'ai ici une dépêche de l'AFP selon laquelle le préfet Bonnet annonce qu'il met en cause deux anciens ministres dans les affaires de paillotes illégales, et qu'il y aura "du sport national".

C'est dire que nous n'avons pas fini de parler de cette affaire, et nous sommes prêts à faire la lumière jusqu'au bout (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pierre Lellouche - Vous ne vous rendez pas compte du ridicule dans lequel vous tombez !

L'article unique de la proposition de résolution, mis aux voix, est adopté à l'unanimité.

M. le Président - Interpellé par un orateur, M. le ministre demande la parole.

M. le Ministre - M. Lellouche m'a sollicité, comme ministre des relations avec le Parlement, pour savoir si le Gouvernement accepterait ou proposerait telle ou telle répartition des responsabilités au sein de la commission d'enquête. J'étais atterré !

Est-ce à dire que, sous les gouvernements que vous souteniez, les commissions d'enquête étaient en réalité pilotées par l'exécutif ? (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV) J'ai une autre conception. Il s'agit d'une initiative parlementaire : il appartient au Parlement, non au Gouvernement, de décider qui sera président ou rapporteur de la commission (Mêmes mouvements).

M. le Président - Pour permettre la constitution de la commission d'enquête, les présidents des groupes voudront bien faire connaître les noms des candidats, conformément à l'article 25 du Règlement, avant le mardi 25 mai à 17 heures.

La séance, suspendue à 0 heure 15 le jeudi 20 mai, est reprise à 0 heure 20, sous la présidence de M. Forni.

PRÉSIDENCE DE M. Raymond FORNI

vice-président


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LIBERTÉ DE COMMUNICATION (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. Rudy Salles - Depuis 22 heures, nous avons délibéré de la Corse. A 0 heure 20, nous allons reprendre un texte important, relatif à la communication audiovisuelle. Nous interromprons la discussion demain matin, nous la poursuivrons demain après-midi. De telles conditions de travail ne sont pas normales, ni pour la ministre ni pour les députés.

Nous pourrions écouter ce soir la réponse du Gouvernement à l'article 2, et nous en tenir là.

M. le Président - Par expérience, j'ai rarement connu des conditions de travail si favorables, eu égard à la charge introduite par le Gouvernement dans l'ordre du jour prioritaire. Si nous devons consacrer plusieurs séances au projet relatif à la communication audiovisuelle, la raison peut s'en trouver dans les 500 à 600 amendements déposés par l'opposition.

Nous ne dépasserons pas une heure du matin. Demain matin est voué très normalement à la niche parlementaire, et nous reviendrons l'après-midi et le soir au projet actuellement en discussion. Au reste, chacun peut contribuer à améliorer nos conditions de travail, par exemple en étant bref dans ses interventions. Je ferai de mon mieux pour y contribuer là où je suis.

ART. 2 (suite)

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication - Je réponds d'abord aux orateurs qui, à l'article 2, sont intervenus sur la création du groupe. Certains l'ont présenté comme une construction géante, une "super structure parasitaire", ai-je entendu, voire un retour à l'ORTF. En réalité il ne s'agit que de rapprocher trois sociétés au sein d'une structure industrielle et financière ordinaire, bien plus simple par exemple que Matra-Hachette ou Vivendi. Un état-major sera constitué, sans budget propre, les filiales finançant les seuls services communs. Grâce aux contrats d'objectifs, le conseil d'administration aura tout moyen de contrôler le bon fonctionnement de l'ensemble, et d'éviter un gonflement artificiel et les concurrences inutiles.

Actuellement France 2 et France 3 avec leur président commun, représentent 11,1 milliards. Nous leur adjoignons la Sept-Arte-la Cinq, soit 1,8 milliard. On ne peut pas parler d'une inflation.

En second lieu, certains députés se sont prononcés pour l'intégration de RFO dans la holding, d'autres n'y étant pas favorables. Ce clivage ne sépare pas la majorité de l'opposition, ni les élus métropolitains de ceux de l'outre-mer. De même, les personnels de RFO sont partagés. Les arguments contraires ainsi échangés expriment les mêmes préoccupations : obtenir que RFO dispose d'un budget de programme pour acheter et coproduire ; développer des coopérations entre RFO et les chaînes nationales, dans le cadre d'échanges moins inégalitaires ; enfin préparer RFO aux bouleversements technologiques qui s'annoncent. Sur ce point, une période stratégique s'ouvre pour la chaîne. Certains pensent que celle-ci sera en meilleure position au sein du groupe, d'autres qu'elle risque d'y perdre son identité.

Je pense qu'un partenariat entre RFO et France Télévision permettrait d'organiser toutes les coopérations nécessaires, sans fermer la porte à une évolution ultérieure. Nous avons accru les moyens de production de RFO. Le programme RFO-SAT a été lancé, des opérations de numérisation sont en cours, les sièges de Guadeloupe et de Guyane ont été rénovés.

En outre, les contrats d'objectifs et de moyens et la pluriannualité du financement constituent de solides garanties. Au sujet de la convention de partenariat avec France Télévision, le Gouvernement défendra un amendement, qui portera sur les échanges de programmes, les coproductions, les coopérations audiovisuelles externes et les échanges de personnels. Ainsi se noueraient des liens étroits entre RFO et France Télévision. Si le Parlement choisit l'intégration, il faudrait prévoir des adaptations, destinées à préserver les singularités de RFO.

Dans ce cas, le Gouvernement proposera au cours des lectures les correctifs nécessaires.

Les préoccupations étant communes à tous, à nous de trouver ensemble la solution la plus propre à faire passer le cap du développement à RFO dans les meilleures conditions. Et c'est vraiment dans le souci que personne ne se sente obligé à un choix qui bloquerait toute évolution extérieure que nous avons proposé que le débat ait lieu aussi dans cette enceinte. Je pense que notre proposition est raisonnable et permet d'engager le développement de RFO sans attendre que la structure du groupe soit mise en place (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Christian Cuvilliez - L'amendement 308 a déjà été défendu dans mon intervention sur l'article.

M. Didier Mathus, rapporteur de la commission des affaires culturelles - La commission l'a rejeté parce qu'il modifie totalement l'architecture du groupe de télévision publique.

Mme la Ministre - Avis défavorable.

L'amendement 308, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Kert - L'amendement 228 tend à placer la coordination des politiques de programmes sous la responsabilité des directeurs généraux des chaînes, afin de préserver l'indépendance éditoriale de celles-ci.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Cette disposition relève de l'organisation interne des chaînes.

Mme la Ministre - Même avis.

L'amendement 228, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Cuvilliez - L'amendement 309 tend à mentionner expressément la production pour marquer que le pôle public de diffusion doit soutenir la création.

L'amendement 309, repoussé par la commission et le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 65 vise à introduire la notion de pôle industriel dans la loi.

Mme la Ministre - Avis favorable.

L'amendement 65, mis aux voix, est adopté.

M. Laurent Dominati - L'amendement 401 était de coordination avec d'autres amendements concernant la privatisation de France 2. Mais la commission des finances ayant estimé que cette privatisation constituerait une dépense -ce qui n'est pas mon avis- je me vois contraint de retirer aussi l'amendement 401.

Mme Huguette Bello - Les amendements 429 et 165 visent à affirmer l'égalité d'accès à l'image des téléspectateurs d'outre-mer avec ceux de la métropole, anticipant en cela des évolutions techniques inéluctables.

M. le Rapporteur - La commission les a repoussés car ils remettraient en cause les missions de RFO et semblent un peu prématurés.

Mme la Ministre - Même avis.

Les amendements 429 et 165, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Yves Cochet - Notre groupe pense que la télévision publique a une responsabilité nationale et que France 2 doit participer à la lutte contre la dictature de l'audimat en produisant des émissions de référence. C'est pourquoi nous proposons d'inclure cette notion "de référence".

M. le Rapporteur - Avis défavorable. La commission a estimé que la notion de programme "de référence" était trop vague sur le plan juridique.

Mme la Ministre - Sagesse.

L'amendement 545, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Olivier de Chazeaux - J'ai entendu la majorité plurielle fustiger, à juste titre, la course à l'audimat. Or la rédaction proposée, en faisant mention du public "le plus large", tend précisément à favoriser cette course à l'audience. C'est pourquoi l'amendement 184 tend à supprimer cette mention.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Une chaîne généraliste a pour vocation de s'adresser au public le plus large.

Mme la Ministre - Défavorable.

L'amendement 184, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Kert - L'amendement 224 corrigé tend à ce que France 2 favorise la création de productions audiovisuelles originales.

M. le Rapporteur - La commission l'a repoussé. L'idée est sympathique mais évaluer l'originalité d'une création est un exercice difficile au regard de la loi.

Mme la Ministre - Sagesse.

L'amendement 224 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Renaud Muselier - L'amendement 7 tend à inscrire dans la loi la notion de pluralisme, à laquelle le Conseil constitutionnel a reconnu un caractère d'objectif constitutionnel.

M. le Rapporteur - La commission a estimé cet amendement inutile car il est satisfait par l'article premier.

L'amendement 7, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 66 a été présenté par M. Mamère et adopté par la commission contre mon avis personnel. Il précise notamment que France 3 contribue à la promotion des langues et cultures régionales.

M. Christian Cuvilliez - Le sous-amendement 319 tend à rappeler que France 3 a aussi une mission d'information nationale et internationale aux heures de grande écoute.

Les sous-amendements 320 et 321 réaffirment la vocation régionale -et pas seulement locale- de France 3.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé ces sous-amendements, estimant que les missions exposées ne relevaient pas des missions de France 3.

Mme la Ministre - Je suis favorable à l'amendement 66 et opposée au sous-amendement 319. Pour ce qui est des sous-amendements 321 et 320, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

M. Olivier de Chazeaux - L'amendement 363 précise que France 3 a, outre ses missions particulières, une vocation "généraliste". L'omission de cette notion pourrait conduire les autorités de Bruxelles à mettre en cause le financement public de France 3 pour les émissions ne relevant pas spécifiquement des missions attribuées par la loi à cette chaîne.

Les sous-amendement 319, 321 et 320, successivement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'amendement 66, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 363, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Cuvilliez - Je suis surpris que l'amendement 66 n'ait pas été adopté. Quoi qu'il en soit, l'amendement 310 réaffirme que France 3 est une télévision généraliste tout en exprimant une vocation régionale. Ne pas le préciser risquerait de faire remettre en cause par Bruxelles le financement public.

M. le Rapporteur - Nous venons de repousser l'amendement 66 qui avait malheureusement été sous-amendé. La commission propose donc à l'Assemblée d'adopter l'amendement 310.

L'amendement 310, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Olivier de Chazeaux - Quel sectarisme !

M. Renaud Muselier - L'amendement 8 corrigé vise à insérer le mot "pluraliste" après les mots "une information", dans la dernière phrase du troisième alinéa -2o- du I.

L'amendement 8 corrigé, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Renaud Muselier - Les amendements 9 et 223, identiques, visent à élargir l'indépendance éditoriale de France 3.

M. le Rapporteur - La commission est favorable à l'amendement.

Mme la Ministre - Le Gouvernement est d'avis contraire.

Les amendements 9 et 223, identiques, mis aux voix, sont adoptés.

M. Rudy Salles - Je disais craindre la confusion, et mes craintes sont confirmées, puisqu'avec l'adoption de l'amendement 310, nous venons d'être dotés de deux chaînes généralistes !

L'amendement 226, quant à lui, tend à compléter le troisième alinéa du I par la phrase suivante : "Cette société assure également la diffusion d'extraits de programmes de RFO mis à disposition gratuitement par cette société, de façon à permettre le lien entre les Français d'outre-mer et leurs régions d'origine, une meilleure connaissance de l'outre-mer par les métropolitains et le rayonnement des cultures d'outre-mer en métropole".

Ainsi France 3 sera-t-elle amenée à reconnaître que la France ne se limite pas à la métropole.

M. le Rapporteur - M. Salles avait retiré cet amendement en commission. Il n'a donc pas été examiné. Mais, en me référant au déroulement du débat qui avait eu lieu j'y serais plutôt défavorable.

L'amendement 226, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Olivier de Chazeaux - L'amendement 185 est de cohérence.

L'amendement 185, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. Olivier de Chazeaux - L'amendement 497 tend, en changeant la dénomination des chaînes, à regrouper sous une holding cohérente les sociétés concourant à la vocation outre-mer et internationale de la France en matière d'audiovisuel extérieur.

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

Mme la Ministre - Vouloir modifier le nom de la Cinquième-Arte, c'est faire bien peu de cas de nos partenaires allemands et de la crédibilité de nos engagements internationaux. Le Gouvernement est donc contre l'amendement.

L'amendement 497, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Cuvilliez - L'amendement 311 corrigé tend à intégrer la SFP dans le groupe nouvellement constitué.

M. le Rapporteur - La commission, estimant que ce serait contraire aux engagements pris par la France auprès des autorités communautaires, a repoussé l'amendement.

Mme la Ministre - Le Gouvernement partage le point de vue exprimé par votre rapporteur. Intégrer la SFP dans la holding ne serait pas conforme aux engagements pris à Bruxelles et qui ont permis de la sauver et ce ne serait pas une bonne chose pour la SFP elle-même, qui doit pouvoir s'adresser à une clientèle privée aussi bien qu'à la clientèle publique. Je tiens à souligner que le sauvetage de cette entreprise s'est fait avec l'aide de l'Etat bien sûr, mais aussi grâce à la détermination sans faille de son personnel.

L'amendement 311 corrigé, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Les amendements 57, 167 rectifié, 148, 544 et 220 feront l'objet d'une discussion commune.

M. Olivier de Chazeaux - L'amendement 57 est défendu.

Mme Huguette Bello - L'amendement 167 rectifié vise à intégrer RFO à la holding dénommée France Télévision. Ce rattachement est la meilleure façon non seulement de consolider la mission de service public de RFO mais aussi de lui garantir les moyens financiers nécessaires pour remplir, avec des productions de qualité, les missions nouvelles qu'elle devra assurer, à savoir davantage de productions locales et le développement d'une coopération audiovisuelle régionale.

Rien ne s'oppose à ce que cette intégration s'accompagne d'une convention. Ne pas intégrer RFO dans la holding, c'est lui faire courir le risque d'une privatisation larvée. Or rien ne justifie que l'outre-mer n'ait pas une véritable radiotélévision publique. Enfin, le rattachement est ce que souhaite la majorité du personnel.

M. Yves Cochet - Les amendements 148 et 544 tendent à intégrer la société RFO dans la holding France Télévision, afin de la faire bénéficier de la synergie d'ensemble qui va être créée. Cette intégration ne paraît nullement contradictoire avec le mouvement de déconcentration progressive des responsabilités de programmation et de renforcement de la production locale qui a été engagé et qui sera poursuivi.

M. Rudy Salles - L'amendement 220 va dans le même sens. J'ajoute que ne pas procéder à l'intégration de RFO dans la holding, c'est favoriser l'instauration d'un service public "à deux vitesses", avec le risque flagrant de laisser une télévision francophone régionale sans moyens d'affronter la rude concurrence américaine dans la Caraïbe.

M. le Rapporteur - Je relève que les arguments des défenseurs de l'intégration de RFO dans la holding sont les mêmes que ceux des défenseurs de sa mise à l'écart : tous souhaitent en fait que RFO joue son rôle le mieux possible. Le Gouvernement propose une convention de partenariat entre RFO et la holding qui devrait répondre aux préoccupations des uns et des autres, tout en préservant les possibilités d'évolution pour l'avenir. Avis défavorable à ces amendements.

Mme la Ministre - La loi est très explicite sur le statut public de RFO. La non-intégration de cette dernière dans la holding ne constitue en rien un quelconque début de privatisation. Je ne reviens pas sur les garanties apportées. RFO bénéficie du même traitement et de la même considération que les autres entreprises de l'audiovisuel public. Avis défavorable donc à ces amendements.

M. Michel Françaix - Ce serait une erreur que de vouloir intégrer aujourd'hui RFO à la holding. Je note d'ailleurs que certains qui déplorent la complexité de la holding actuelle seraient prêts à l'élargir !

RFO est à la fois une radio et une télévision, médias fort différents. Par ailleurs, le président de la holding risquerait dans un premier temps de ne pas attacher la même importance aux problèmes de RFO qu'à ceux de France Télévision. Mieux vaut pour l'heure une convention entre RFO et la holding qui permettra à celle-là de trouver toute sa place. Il sera toujours temps de l'intégrer ultérieurement.

M. Camille Darsières - Nous avons fait une proposition qui sera examinée si ces amendements sont rejetés. Quelle est-elle ? Nous proposons que RFO "conclue des accords de coopération avec les autres sociétés nationales de programmes ainsi qu'avec la Sept-Arte, notamment en matière d'information, des programmes et de productions". Ainsi seraient maintenus les liens entre RFO et France Télévision et l'avenir sauvegardé.

Pour des raisons peut-être géopolitiques, tenant notamment à l'isolement de la Réunion dans l'Océan indien, la question n'y est pas abordée de la même façon qu'aux Antilles ou en Guyane, situées tout près des Etats-Unis à l'impérialisme culturel desquels elles tentent de résister. Les îles anglophones et hispanophones de la Caraïbe sont d'ailleurs désireuses d'une coopération régionale. On ne pourra pas penser RFO ni ses programmes à partir de Paris. Si elle était maintenant intégrée à la holding, son directeur nécessairement ne ferait pas le poids par rapport à ceux des autres chaînes qui voudront concentrer les moyens financiers à leur profit. Mieux vaut donc pour l'heure simplement renforcer les missions de RFO et lui permettre de conclure des accords de coopération avec France Télévision.

L'amendement 57, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 167 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet - Je retire les amendements 148 et 544.

L'amendement 220, mis aux voix, n'est pas adopté.

La suite du débat est renvoyée à une prochaine séance.


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SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le Président - J'ai reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre m'informant qu'en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, plus de soixante députés ont saisi le Conseil constitutionnel d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi relative à la sécurité routière et aux infractions sur les agents des exploitants de réseau de transport public de voyageurs.

Prochaine séance ce matin, jeudi 20 mai, à 9 heures 15.

La séance est levée à 1 heure 10.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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