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Assemblée nationale

COMPTE RENDU

ANALYTIQUE OFFICIEL

Session ordinaire de 1998-1999 - 97ème jour de séance, 246ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 20 MAI 1999

PRÉSIDENCE DE M. Raymond FORNI

vice-président

          SOMMAIRE :

ACTIONNARIAT DES SALARIÉS 1

    EXPLICATIONS DE VOTE 13

La séance est ouverte à neuf heures quinze.


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ACTIONNARIAT DES SALARIÉS

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Edouard Balladur et plusieurs de ses collègues relative à l'actionnariat des salariés.

M. Jacques Kossowski, rapporteur de la commission des affaires culturelles - Cette proposition de loi s'inscrit dans la continuité des thèses du général de Gaulle et de René Capitant. Elle vise en effet à mieux associer le capital et le travail, à ouvrir une brèche, comme le disait le général de Gaulle, dans le mur qui sépare les classes.

A gauche et dans certains syndicats, on s'inquiète d'une telle collaboration entre des forces qu'on considère comme intrinsèquement antagonistes. A droite ou dans certaines instances patronales, on craint que cela n'affaiblisse l'autorité de la direction. Il convient de dépasser ces conservatismes.

Il existe une vraie demande des salariés pour devenir propriétaires d'une partie de leur société. 700 000 le sont déjà et la commission des opérations de bourse a récemment montré le succès croissant de cette formule. Il faut répondre à cette attente en instituant de nouveaux mécanismes. Le système des stock-options bénéficie principalement aux cadres et à la direction. Cette proposition, elle, s'adresse à l'ensemble des salariés, constituant un progrès à la fois social et économique. Sur le plan social, l'actionnariat des salariés change le contrat de travail en un contrat de société. Le salarié devenant associé, une alliance d'intérêts se crée qui oriente favorablement les relations humaines au sein de l'entreprise, tout en y introduisant davantage de démocratie.

Certes, la proposition ne réserve aux salariés que 5 % des actions émises lors d'une augmentation de capital, mais il ne s'agit que d'une première étape. Le pourcentage pourrait progresser jusqu'au niveau où les salariés actionnaires auraient intérêt à se regrouper pour défendre leur point de vue.

Enfin, cette proposition ouvre la voie vers une épargne de long terme et un complément de retraite. L'introduction d'une part de capitalisation facultative permettrait de dépasser le débat entre retraite par répartition ou par capitalisation.

Que l'intérêt des salariés rejoigne la recherche du meilleur profit possible pour la société, cela va dans le sens de l'efficacité économique. Et le partage du profit est un moteur pour la croissance, donc pour l'emploi. Les actionnaires salariés, naturellement attachés à leur entreprise, peuvent concourir à la stabilité du capital en cas de chute des cours, comme ce fut le cas à l'automne dernier. En outre, un actionnariat salarié important peut conforter le pôle de résistance national à une OPA inamicale provenant d'entreprises étrangères.

Cette proposition est en pleine harmonie avec l'actualité économique, de nombreuses entreprises françaises cherchant actuellement à développer l'actionnariat de leurs salariés. Ainsi, le groupe Suez-Lyonnaise des Eaux a-t-il créé un fonds commun de placement à cet effet, tandis que Vivendi a mis au point, avec une banque, un système de financement à taux zéro qui permet à tous les salariés d'accéder au capital (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Quant au CCF, il a procédé à une augmentation de capital réservée à ses salariés.

Par ailleurs, dans le cadre de la privatisation partielle du futur groupe Aérospatiale-Matra, l'Etat a prévu de donner aux employés de l'entreprise la possibilité de devenir actionnaires : ils pourront acquérir sept millions d'actions à des conditions préférentielles.

Le Crédit Lyonnais, enfin, a annoncé qu'il allait réserver, au moment de sa privatisation, deux milliards et demi de francs de titres à ses salariés.

Dans ce contexte, il serait surprenant que l'Assemblée repousse cette proposition. Je souhaite que la discussion se déroule dans un esprit d'ouverture et de dialogue et j'écouterai les suggestions de tous.

L'Assemblée comme le Gouvernement doivent faire preuve de pragmatisme et non d'idéologie. Monsieur le ministre, je souhaite que vous portiez un regard bienveillant sur ce texte. Il faut amplifier et généraliser l'association du capital et du travail. Adopter ce texte, ce serait réaliser une véritable avancée sociale que les salariés attendent et réclament : ne les décevez pas par des raisons politiciennes. Nous l'avons vu à propos de la parité, il est des mesures qui peuvent recueillir l'assentiment de tous, c'est à mon avis le cas de cette proposition (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Edouard Balladur - Le développement de l'esprit de participation a caractérisé notre histoire depuis un demi-siècle. Comme l'a rappelé le rapporteur, le général de Gaulle avait compris que le capitalisme ne serait pas efficace sans la participation et qu'il n'y aurait pas de cohésion sociale si le produit du travail de tous était monopolisé par quelques-uns.

Cette idée fut féconde. On nous dit souvent que les années 80 ont été marquées par la réconciliation des Français et de l'entreprise. Comment ne pas s'en féliciter ? Le mouvement de privatisations lancé en 1986 fut un succès économique et le secteur concurrentiel en est sorti plus compétitif. Ce fut aussi un succès social, puisque les salariés ont pu devenir actionnaires des sociétés privatisées. Quel que soit le gouvernement qui les ait décidées, les privatisations ont contribué, conformément aux lois de 1986 et de 1993, au développement de l'actionnariat salarié. Je me réjouis que celles qui viennent d'être faites et celles qui vont venir s'inscrivent dans cette logique.

Dès les premiers jours de la Vème République, un système d'intéressement était mis en place par l'ordonnance du 7 janvier 1959, qui accordait des exonérations fiscales aux entreprises et aux salariés liés par un plan d'épargne d'entreprise. Mais l'intéressement présentait l'inconvénient d'être facultatif, ce qui explique son succès limité : seulement dix-huit accords les deux premières années, bénéficiant à 100 000 salariés.

Aussi fut-il décidé, en 1967, de compléter ce dispositif par la participation, quant à elle obligatoire. Il s'agissait de garantir la participation de tous aux fruits de la croissance tout en favorisant la formation d'une épargne nouvelle. On lit aussi, dans l'exposé des motifs de l'ordonnance du 17 août 1967, que "le progrès, oeuvre de tous, doit être pour tous une source d'enrichissement". A chaque salarié était donc attribuée une partie des bénéfices de l'entreprise.

A l'origine limitée aux entreprises de plus de cent salariés, la participation a été étendue en 1986 à celles de 50 à 100 salariés, les entreprises de moins de 50 salariés ayant la faculté de se soumettre volontairement à ce dispositif. La participation, aujourd'hui, concerne cinq millions de personnes.

Les sommes attribuées aux salariés ne sont pas disponibles avant cinq ans, ce qui montre bien que l'épargne salariale a pour vocation de financer l'investissement. On voit l'intérêt de ce dispositif pour remédier à l'insuffisance de l'épargne des ménages. En outre, qui ne voit l'avantage, pour un Gouvernement, de pouvoir réduire la durée de blocage des fonds en cas de ralentissement de la consommation ? C'est ce qui a été décidé en 1993 : la consommation en fut revigorée, alors que notre pays connaissait la récession la plus grave depuis la guerre.

L'ordonnance de 1967 a ouvert un large champ à la négociation dans les entreprises, qui choisissent les modalités de sa mise en oeuvre. C'est un système d'incitation qui conserve toute sa valeur pour revitaliser le dialogue social.

La fin des Trente Glorieuses et la montée du chômage condamnent-elles la participation ? Je pense tout le contraire.

Quelles que soient les difficultés, il faut approfondir l'esprit de participation et développer l'actionnariat salarié. Ce fut d'ailleurs ce que fit le Gouvernement il y a treize ans, quand il décida de fusionner les deux régimes de l'intéressement et de la participation. L'ordonnance de 1986 a aussi remplacé le contrôle administratif préalable par un contrôle a posteriori du juge.

Grâce à cette ordonnance, plus de 700 000 salariés sont devenus actionnaires de leur entreprise.

L'intéressement en 1959, la participation en 1967 et l'actionnariat salarié en 1986 : cet ensemble législatif et réglementaire doit être adapté aux réalités nouvelles. Ainsi, la loi du 25 juillet 1994 a élargi les modalités de conclusion de l'accord de participation en autorisant la conclusion d'accords de groupe ou d'établissement. Elle a aussi créé un conseil supérieur de la participation présidé par le ministre chargé du travail. Malgré ces modifications, l'essentiel demeure : les chefs d'entreprise et les salariés, qui concourent au développement de notre économie, partagent les fruits de leurs efforts.

Tournons-nous vers l'avenir. La participation n'a pas épuisé ses richesses. Elle n'est pas seulement une affaire de morale sociale, mais aussi d'efficacité économique, car elle stimule les salariés, renforce l'épargne et revitalise le dialogue social.

Le progrès aujourd'hui n'est plus seulement affaire de rentabilité financière ou d'investissements matériels : il repose aussi sur la qualité des hommes et leur implication.

C'est pourquoi je vous propose de franchir une étape supplémentaire. A cet égard, je veux remercier les groupes de l'opposition de soutenir ma proposition.

Actuellement, plus de 2,5 millions de salariés bénéficient de l'intéressement et 5 millions de la participation. Sur les 700 000 salariés actionnaires, 450 000 sont regroupés en une quinzaine d'associations qui totalisent 100 milliards de capitalisation boursière.

Alors qu'on parle tant des fonds de pension à l'américaine, ne voit-on pas les possibilités qu'ouvre l'actionnariat salarié ?

La part du capital détenu par les salariés s'élève à 5 % chez Elf et à 8 % à la Société générale, ce qui contribue à stabiliser le capital de ces grandes entreprises. On ne peut à la fois se plaindre de la fragilité du capital de nos entreprises, de la part prise par les fonds de pension américains, et refuser de développer l'actionnariat des salariés (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

La société française se modernise. De 500 000 en 1986, le nombre d'actionnaires est passé à 4 millions.

Dans un monde où la concurrence internationale est sans cesse plus vive, où la succession des crises boursières fait de la stabilité du capital un atout, l'esprit de participation est plus nécessaire que jamais.

Comme l'a souligné le rapporteur, le système des stock-options permet aux cadres dirigeants de devenir actionnaires dans des conditions privilégiées. Ma proposition vise à donner la même possibilité à tous les salariés en cas d'augmentation de capital.

Il s'agit de retrouver l'inspiration de la loi sur les privatisations de 1986 confirmée par celle de 1993, toujours en vigueur, qui réservait aux salariés des entreprises privatisées 10 % des titres mis sur le marché et leur offrait un rabais de 20 %. Le succès des privatisations justifie que l'ensemble des salariés bénéficie d'un système semblable.

Sur les dispositions techniques, je n'insiste pas : nous y viendrons lors de l'examen des articles -car je ne doute pas un instant que cette proposition soit examinée...(murmures sur divers bancs) J'aurais du mal à comprendre qu'elle soit écartée...

A l'occasion de l'ouverture de capital d'Air France et de France Télécom ainsi que de quelques privatisations le Gouvernement s'est efforcé, avec succès, d'offrir aux salariés des conditions privilégiées d'accès au capital. Il déclare vouloir poursuivre dans cette voie, notamment lors de la privatisation du Crédit lyonnais. Je m'en réjouis et je l'en félicite.

M. Patrice Martin-Lalande - Bravo Pierret !

M. Edouard Balladur - Mais il y aura de moins en moins de sociétés à privatiser. Faut-il dès lors accepter qu'il y ait deux catégories de salariés selon qu'ils auront ou non la chance de travailler dans une entreprise privatisée ? Je vois mal comment le justifier au regard de l'équité et de la justice sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Il est temps de franchir une nouvelle étape et de donner à tous les salariés les mêmes droits d'accès à la propriété de leur entreprise en cas d'augmentation de capital.

Au nom de quels principes le Gouvernement s'y opposerait-il ? Il affirme agir dans le seul souci de l'intérêt général et vouloir, chaque fois que c'est possible, rassembler l'ensemble des bonnes volontés. Il peut aujourd'hui traduire ces intentions louables en actes.

Si le Gouvernement et la majorité décidaient d'écarter purement et simplement cette proposition, force nous serait de constater qu'ils obéiraient à des considérations dont l'intérêt général est absent. Je le regretterais vivement.

Sans doute n'est-il pas usuel de se ranger aux propositions de l'opposition. Mais n'avons-nous pas été nombreux, dans l'opposition, à voter le projet sur la parité entre les hommes et les femmes ? (Rires sur les bancs du groupe socialiste) Il n'est pas interdit à la représentation nationale de s'élever de temps à autre au-dessus de certains intérêts, fussent-ils de nature politique.

Je forme le voeu qu'il en aille ainsi, s'agissant des droits de l'ensemble des salariés.

On peut dire que nous n'avons pas la même conception de la société. Il y aurait d'un côté ceux qui croient au dialogue, de l'autre ceux qui privilégient le conflit... En tout cas, il faudra être convaincant pour justifier le refus de ce texte. Le Gouvernement et la majorité n'auraient qu'avantage à apporter leur concours à une réforme sociale qui répond à l'idée que nous nous faisons tous d'une nation rassemblée, ouverte, tolérante et faisant du dialogue, de la négociation et du contrat le moteur du progrès (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF).

M. Daniel Feurtet - Privations, augmentations du capital, participation, intéressement, versements volontaires, les entreprises disposent de multiples possibilités pour développer l'actionnariat salarié.

Cette proposition de loi traite d'une question de société. L'épargne salariale a en effet progressé de 80 % en cinq ans par exemple à Paribas, Saint-Gobain, Elf-Aquitaine, Rhône-Poulenc... Lors de sa privatisation, plus de la moitié des salariés du GAN sont devenus actionnaires.

A Air France la souscription des salariés a avoisiné les 70 %, à France Télécom les deux tiers des salariés ont acheté des actions lors de l'ouverture du capital. Le projet de réforme des caisses d'épargne institue également une possibilité d'actionnariat salarié.

D'après la COB, entreprises et salariés apprécient beaucoup ces mécanismes. Pour les directions l'actionnariat salarié favorise la paix sociale, augmente le revenu des salariés sans nuire à la compétitivité et assure la présence d'un pôle d'actionnaires stables. Les stock-options ne touchent que les cadres dirigeants, l'épargne d'entreprise concerne autant les ouvriers.

Les salariés, surtout ceux ayant plus de 20 ans d'ancienneté y voient un moyen de préparer un projet important mais aussi la retraite. Aujourd'hui, plus de 2,5 millions de salariés bénéficient de l'intéressement, plus de 5 millions des fruits de la participation et 700 000 salariés sont personnellement détenteurs d'actions de leur entreprise.

A l'évidence, chacun trouve son intérêt dans de tels mécanismes. Mais cette proposition de loi est d'essence néo-libérale car elle tente d'instaurer une logique proche des fonds de pension. Elle comporte certaines limites.

D'une part, pour privilégier l'avantage fiscal, elle exonère d'impôt sur le revenu et du prélèvement social de 1 %, les gains nets retirés de la cession des actions, et elle transfère le gage sur la TIPP et sur la taxe sur les alcools.

D'autre part, elle limite la prise de participation des salariés à 5 % de l'augmentation du capital. Ainsi à France Télécom, avec plus de 21 millions d'actions, les salariés ne possèdent que 2,1 % du capital. N'ayons pas d'illusion. Ils n'influeront pas sur les décisions des dirigeants.

Le développement de l'épargne salariale ne doit pas aboutir à de véritables systèmes de prévoyance internes par capitalisation, qui ne sont pas autre chose que des "fonds de pension maison" alimentant les marchés financiers, et dont on connaît les effets pervers sur l'emploi. Certes il faut réfléchir à ces formes de participation des salariés. Mais dans le cadre d'une réflexion globale sur leurs droits.

L'actionnariat salarié doit en effet s'accompagner d'une réforme des critères de gestion. Ainsi, plutôt qu'un recours au marché financier et aux privatisations nous proposons l'octroi d'un crédit nouveau à taux privilégié à moyen et long terme, pour financer les investissements des entreprises les plus favorables à l'emploi et à la formation.

De même, dans le cadre de la réforme des caisses d'épargne nous travaillons à mettre en place un grand pôle financier public chargé d'une mission de service public de l'épargne et du crédit, pour financer l'emploi et la formation.

Les salariés et les organisations syndicales doivent disposer de nouveaux droits d'intervention, de contre-proposition et de contrôle sur les choix de gestion courants et stratégiques de leur entreprise. Dans notre proposition de loi relative aux licenciements économiques, nous proposons donc l'abaissement du seuil pour la mise en place de comités d'entreprise et l'élection de délégués du personnel, l'obligation pour les entreprises lors de difficultés économiques pouvant aboutir à des licenciements de mettre à l'étude les avis et suggestions du personnel.

Nous proposons également qu'un plan social soit obligatoire à partir de deux licenciements sur une période de 30 jours et que dans les entreprises dépourvues de comités d'entreprise, les délégués du personnel et les unions locales de syndicats représentatifs puissent en exercer le pouvoir.

L'épargne salariale ne doit pas être utilisée pour instaurer des fonds de pension déguisés. L'accès à la codécision des salariés doit être plus sérieusement étudié.

L'actionnariat des salariés est un phénomène de société qu'il serait absurde de nier. Mais ce texte est partiel. Il aurait fallu en profiter pour étendre le droit de regard et de propositions de salariés sur le devenir de leur entreprise, leurs possibilités d'intervention dans la gestion directe, dans les choix stratégiques des entreprises. Ainsi le monde du travail aurait mieux rempli sa vocation civique et citoyenne et participé de façon créative au développement. Il est des investissements humains qui n'apparaissent pas immédiatement rentables, mais dont les retombées sont porteuses d'avenir. Ce débat reste à ouvrir dans notre Assemblée (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et plusieurs bancs du groupe socialiste).

Mme Anne-Marie Idrac - Philippe Douste-Blazy a cosigné cette proposition au nom du groupe UDF, Jacques Barrot retenu dans son département ce matin en a été un avocat très convaincu. Nous nous y associons avec d'autant plus de chaleur que la participation fonde aussi notre projet européen et notre conception de la décentralisation.

Par ailleurs, la modification profonde de l'environnement dans lequel les entreprises évoluent exige qu'elles aient une grande faculté d'adaptation et d'innovation ; celle-ci suppose la mobilisation de toutes les énergies, donc la motivation des salariés et l'élargissement des perspectives individuelles. La participation au capital de l'entreprise est un moyen d'encourager les comportements d'entrepreneurs.

Merci, Monsieur Feurtet, d'avoir apporté de l'eau à notre moulin en soulignant que chacun trouvait son intérêt à ces mécanismes ; nous sommes convaincus, en effet, que l'actionnariat des salariés est une forme de valorisation de l'outil de travail qui permet de renforcer les liens entre tous les acteurs et l'entreprise.

Cependant, en France, malgré un accroissement sensible des souscriptions, l'investissement particulier en actions reste faible ; il représente 23 % de la capitalisation boursière, contre 45 % aux Etats-Unis. La place de Paris se trouve ainsi plus dépendante des investisseurs étrangers ; c'est un handicap pour les entreprises françaises. L'actionnariat des particuliers qui manifestent à l'égard d'une entreprise dont ils possèdent les titres, une affection plus fidèle que les investisseurs institutionnels, est un moyen de stabiliser le capital, ce qui peut être important en cas d'OPA inamicale ; et je préférerais que la progression de la capitalisation boursière de la place de Paris ne bénéficie pas seulement à des intervenants étrangers mais profite aux salariés français (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

La faiblesse de l'actionnariat direct des ménages s'explique notamment par le fait que notre régime fiscal a été longtemps beaucoup plus attractif pour les produits d'épargne "administrés".

La proposition de loi d'Edouard Balladur est une nouvelle étape vers la généralisation de l'actionnariat des salariés. Certains pourraient regretter qu'elle ne vise pas les entreprises non cotées en Bourse ; l'évaluation des titres est, dans ce cas, plus complexe, mais la théorie financière moderne admet que la valeur d'une société est égale à la valeur actualisée des flux des revenus attendus au taux du marché. Des mesures fiscales incitatives sont proposées, notamment l'exonération de l'impôt sur le revenu et du prélèvement social de 1 % sur les gains nets retirés de la cession des actions acquises -comme dans le cas des sommes placées dans un plan d'épargne d'entreprise, lequel pourrait d'ailleurs constituer le dispositif central.

L'extension de l'actionnariat populaire a des vertus tant économiques que sociales, pour ne pas dire civiques. Cette proposition de loi peut aussi contribuer à la redéfinition des modalités de constitution des retraites.

Les lois de 1986 et 1987, l'ordonnance d'octobre 1986, faisant des plans d'épargne d'entreprise le cadre privilégié de l'actionnariat des salariés, la loi du 25 juillet 1994 sur le développement de la participation avaient commencé d'offrir aux salariés la possibilité d'acquérir dans des conditions préférentielles des parts de capital. M. le Premier ministre Balladur est donc particulièrement qualifié en ce domaine.

Au-delà de son ambition sociale, cette proposition de loi est particulièrement opportune pour accompagner les privatisations et faciliter une meilleure capitalisation de nos entreprises. On comprendrait mal que le Gouvernement et sa majorité n'y prêtent pas toute l'attention qu'elle mérite. L'orateur précédent, tout en faisant l'éloge de l'actionnariat populaire, a exprimé des inquiétudes, concernant notamment l'évolution des salaires, qui ne sont pas fondées.

Pour sa part, le groupe UDF souhaite très vivement l'adoption de ce texte, au regard de son intérêt tant économique que social (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

Mme Nicole Bricq - L'actionnariat des salariés est un vrai sujet. Cette proposition de loi l'aborde en faisant référence aux dispositifs institués pour l'un par l'ordonnance du 7 janvier 1959, pour l'autre la participation par l'ordonnance du 17 août 1967, -ces deux textes ayant été refondus dans l'ordonnance du 21 octobre 1986.

Cette référence introduit une ambiguïté ; en effet tout le monde pourrait souscrire à l'objet de cette proposition de loi, mais il n'en va pas de même pour son contenu.

M. Michel Herbillon - Alors discutons-en !

Mme Nicole Bricq - Un débat serait nécessaire avec les acteurs sociaux ; on ne saurait se contenter d'une discussion à l'occasion d'une "niche" parlementaire.

M. Hervé Gaymard - Quel mépris de l'opposition et du Parlement !

Mme Nicole Bricq - Les rappels historiques du rapporteur sont sélectifs.

Pour le général de Gaulle, le capital portait en lui-même une "infirmité morale" ; il fallait donc transposer dans l'entreprise les droits et devoirs des citoyens : les moyens trouvés furent l'intéressement d'abord, la participation ensuite. Cette démarche rencontra l'hostilité générale du patronat et des syndicats ; néanmoins ces derniers ont joué un rôle actif dans les accords d'intéressement.

A partir de 1970, l'accent a été mis sur l'actionnariat des salariés, qui conduit à ce que la part des profits reçue par chacun dépend de la quantité d'actions qu'il détient : on n'est plus dans la philosophie originelle.

Ces dispositifs ont été confortés par la gauche. Des fonds salariaux alimentés par les salariés ont été institués par la loi du 9 juillet 1984 sur le développement de l'initiative économique ; le dispositif a été abrogé en 1986. Dans la même loi, a été créé le système du "rachat d'entreprise par les salariés", qui a survécu à l'alternance. La loi du 7 novembre 1990 a rendu obligatoire la participation dans les entreprises de 50 à 100 salariés.

On peut légitimement s'interroger sur la pertinence actuelle de dispositifs conçus à l'époque des "Trente Glorieuses". Il est sans doute nécessaire de les adapter à une économie plus "mobile" dont les salariés, en Europe, ont surtout ressenti jusqu'à présent les conséquences en termes de chômage. A cet égard, cette proposition de loi est beaucoup trop partielle.

Le poids de l'actionnariat salarié demeure bien faible : selon la direction du Trésor, 4 millions de personnes détiennent des actions, mais seulement 3 % des ménages en détiennent de l'entreprise dans laquelle ils travaillent ; selon la COB, 500 000 salariés seraient concernés. Cette proposition de loi serait-elle capable de modifier ce rapport de force ?

Le rapporteur a fait référence aux vertus des privatisations, mais la constitution des noyaux durs en 1986 n'était pas faite pour assurer la fluidité du capital. La majorité actuelle est plutôt fière d'avoir réussi les ouvertures de capital d'entreprises publiques comme France Télécom, Air France ou la Caisse nationale de prévoyance.

Aujourd'hui, pour agir sérieusement, il faudrait se poser quelques questions essentielles, dont certaines d'ailleurs se recoupent. La principale est celle des moyens qu'il conviendrait de se donner pour assurer un rééquilibrage entre capital et travail : les dernières décisions visant à réduire les charges des entreprises vont dans ce sens.

Autre question : plus de 90 % de la population active étant salariée, quelle épargne salariale organiser en vue d'encourager le "bon risque", c'est-à-dire le risque productif, créateur d'emplois et de valeur ajoutée ? Depuis juin 1997, des efforts ont été faits pour créer des produits adaptés, susceptibles d'accroître la fluidité du capital : institution des BSCPE -bons de souscription pour la création des parts d'entreprises-, réforme de l'assurance-vie avec le lancement des contrats "DSK", prolongation et amélioration de la réduction d'impôt liée à la souscription aux fonds communs de placement pour l'innovation, possibilité donnée aux entreprises de racheter jusqu'à 10 % de leur capital pour les attribuer aux salariés au titre de la participation ou pour leur consentir des options d'achat d'actions... On le voit, la modernité n'est pas toujours du côté que l'on croit ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR)

Se posent encore la question du poids pris par les fonds de pension anglo-saxons dans le capital de nos entreprises et celle de la "gouvernance" des entreprises, c'est-à-dire de la place à assurer aux salariés pour accroître la responsabilité des actionnaires...

Tous ces points méritent d'être examinés, afin d'emprunter de nouveaux chemins. Or la présente proposition est loin de répondre à une telle ambition. Elle n'est ni opportune ni propre à faire franchir une étape nouvelle dans le développement de l'actionnariat salarié (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR).

M. Jean-Luc Warsmann - Quel sectarisme !

Mme Nicole Bricq - Je vais essayer de vous le démontrer, par une analyse "technique".

Le caractère uniforme et quelque peu rudimentaire de ces dispositions ignore la diversité de notre tissu économique. De plus, leur automaticité contredit l'esprit même de la participation, auquel les auteurs du texte se réfèrent pourtant. Le mécanisme actuel -une offre réservée aux salariés- a, au contraire, le mérite de laisser l'entreprise maîtresse de décider du moment et des caractéristiques de l'opération, ce qui lui permet d'insérer l'actionnariat des salariés dans sa politique sociale. Rien ne l'empêche au reste d'organiser simultanément une augmentation de capital de droit commun et une autre réservée aux salariés.

L'absence de critères fait en outre douter de l'universalité de la mesure : l'offre sera-t-elle bien ouverte à l'ensemble des salariés ? Les modalités d'achat -délai des plus réduits, plafond élevé et avantage fiscal proportionnel aux revenus- tendraient plutôt à prouver qu'on s'adresse avant tout aux salariés les plus fortunés (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF) et l'absence d'abondement confirme probablement que, si l'emballage est beau, il pourrait bien y avoir tromperie sur la marchandise ! (Mêmes mouvements)

Le dispositif, enfin, ne repose pas sur une logique partenariale, n'étant pas lié à un accord collectif -ce qui semble paradoxal au regard de l'exposé des motifs.

M. Jean-Luc Warsmann - Mais comment procédez-vous vous-mêmes ?

Mme Nicole Bricq - Cette proposition est-elle opportune, voire urgente ? Cette proposition privilégie un support unique : l'augmentation de capital. Or la politique actuelle des entreprises va plutôt dans le sens d'une multiplication des opérations de rachat de leurs actions. Il serait dès lors plus efficace d'opter pour une réforme du régime des stock-options, dénommés désormais "bons de croissance". Outre que cela consoliderait le capital-risque, on accroîtrait la fluidité d'un capital qui, en France, comme l'a montré le rapport Morin, demeure fortement "endogame". Cela supposerait toutefois une plus grande transparence, notamment dans les grands groupes où les bons de croissance sont surtout distribués aux cadres supérieurs, de façon opaque. Enfin, il faudrait adapter la fiscalité, alourdie par M. Juppé, de sorte que les plus-values escomptées soient soumises à des prélèvements équitables. Cette réforme, nécessaire, viendra en son temps, je le souhaite du moins.

Faut-il aller plus loin et, créant des fonds partenariaux pour les retraites, reformuler les objectifs de l'intéressement et de la participation ? La question mériterait réponse.

Une deuxième interrogation porte sur la réforme de l'entreprise. En quarante ans, l'actionnariat des salariés n'a guère affecté la répartition des pouvoirs au sein de l'entreprise et la répartition de la propriété du capital. Le rapport Morin indique par exemple que cet actionnariat se limitait à la fin de 1997 à 2,77 % du capital dans les sociétés importantes. On peut douter que cette proposition puisse changer cet état de choses, sans réforme du droit des sociétés.

Ces constats et interrogations me conduisent à demander à l'Assemblée de s'abstenir d'examiner les articles (Protestations sur les bancs du groupe du RPR). Il faudrait à tout le moins une vraie concertation avec les acteurs sociaux. Vous qui nous opposez systématiquement des arguments de procédure sur les textes importants, vous voudriez nous faire trancher en deux heures un tel sujet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Claude Goasguen - Tout en s'inscrivant dans la continuité d'une politique, cette proposition est novatrice. Continuité : la volonté de développer l'actionnariat salarié s'inspire directement du principe qui a pris corps dès 1967 avec la "participation des salariés aux fruits de l'expansion", avant d'aboutir en 1986 à la création des plans d'épargne d'entreprise. Aujourd'hui, cinq millions de salariés bénéficient de la participation et la loi de 1990 a ouvert ce dispositif à l'ensemble des salariés des entreprises de plus de cinquante personnes.

En revanche, l'actionnariat salarié ne concerne que 700 000 personnes, en dépit des privatisations qui ont permis à 75 % des employés de grands groupes de détenir entre 4 et 5 % du capital de leur entreprise -la proportion passant à 10 % dans le cas du Crédit lyonnais. Il est regrettable que cette formule se soit aussi peu développée, limitée qu'elle est aux cas de transformation de la situation sociale des entreprises.

On a longtemps considéré en France que les intérêts des actionnaires et ceux des salariés étaient divergents et ce discours est encore celui de Mme Bricq, qui se préoccupe surtout de stratégies de pouvoir au sein de l'entreprise. Pour nous, l'entreprise est d'abord le lieu où se créent les richesses, la question du pouvoir ne se posant qu'ensuite. Ce renversement des données est révélateur d'un vrai clivage idéologique.

Cette opposition traditionnelle entre bons salariés et méchants actionnaires a souvent contribué à déstabiliser nos entreprises. Il faut cependant avouer que, dans les pays où l'on a tenté de concilier ce qui nous semblait inconciliable, on y est assez mal parvenu : les anglo-saxons ont ainsi limité le bénéfice de l'actionnariat aux cadres dirigeants... Il ne serait que temps, chez nous, d'adopter une vision, certes libérale, mais plus sociale. Cela supposerait de rompre avec le conformisme politique, et demande donc du courage.

Depuis les années 60, les salariés, bénéficiant d'une conjoncture favorable, ont revendiqué un partage des profits privilégiant davantage la masse salariale. Tout au long des années 70, le faible niveau du chômage, la spirale prix-salaires, la gestion collective des salaires ont pénalisé le versement de dividendes aux actionnaires. Actionnaires et salariés sont donc restés opposés.

L'entreprise s'est vu réduite à une simple oeuvre d'utilité sociale : vocation "sociétale" toujours mise en avant, faveur exclusive donnée aux salariés, profits très bas et endettement record, telle était la situation des entreprises françaises au début des années 80.

Les actionnaires et les salariés ont pourtant un intérêt en commun, toujours passé sous silence : le maintien de la rentabilité de l'entreprise à un bon niveau, les premiers souhaitant voir rentabiliser leur investissement, les seconds souhaitant conserver leur emploi et améliorer leur cadre de vie. La logique du profit reste toujours le moteur de la création de richesse, et donc de la création d'emplois. Mais aujourd'hui, l'heure n'est plus aux théories. Dans un monde de plus en plus concurrentiel, la valorisation du capital investi dans l'entreprise, que ce soit sous forme de dividende, ou sous forme de plus-value, tend à devenir un élément déterminant du développement des entreprises. Dans le contexte actuel, la part belle est faite aux actionnaires, alors que les salaires peinent à augmenter.

Il faut donc réconcilier l'actionnaire et le salarié pour que l'entreprise puisse compter sur toutes ses forces vives. Il faut cesser de considérer l'entreprise comme un théâtre de relations sociales conflictuelles, productrice d'inégalités ou de chômage. Les politiques sociales menées depuis des années, reposant sur la subvention et la fiscalité, ont montré leurs limites. Il faut réhabiliter l'entreprise dans ce combat pour le social, et la placer au centre du débat. Toutes les mesures censées créer de l'emploi ont été imposées aux entreprises, la dernière en date étant la loi sur les 35 heures, avec le succès que nous connaissons.

Les privatisations de 1986, qui réservaient 10 % du capital aux salariés, avec un rabais de 20 %, ont rencontré un vif succès. Les deux ouvertures successives du capital de France Télécom en 1996 et en 1998 ont confirmé cet engouement des salariés pour détenir des actions de leur société.

Pour l'entreprise également, l'actionnariat salarié comporte de nombreux avantages : aujourd'hui, le marché financier français comporte 35 % de capitaux internationaux, contre seulement 8 % pour les marchés financiers anglo-saxons. Mais ces financements, qui font essentiellement appel aux fonds de pensions américains, ont un effet pervers, la forte instabilité des capitaux placés. En effet, les pourvoyeurs de capitaux étrangers demandent à la fois des placements très rémunérateurs et peu risqués. Les entreprises sont donc obligées de dégager une rentabilité toujours accrue pour des capitaux qui émigreront à la moindre difficulté.

Il convient donc de chercher des moyens de stabiliser le capital. Cette stabilité peut être obtenue par un intéressement des salariés. Ceux-ci, de par leur rôle, sauront dépasser la stricte logique spéculative et réaliser des arbitrages entre profit personnel et intérêt de la société.

Rappelons que l'épargne nationale ne peut satisfaire actuellement les besoins de financement des grandes entreprises. Les Français se tournent vers les produits d'épargne réglementés et défiscalisés à tel point qu'on assiste à une décollecte sur les actions et les obligations.

La fiscalité sur les plus-values n'est pas étrangère à cet état de fait. Notre pays cumule la taxation du patrimoine et celle des plus-values, à un taux supérieur à ceux des autres pays européens.

Pour inciter les salariés à détenir une part du capital il faut donc mettre en place un dispositif attractif, inspiré à la fois des stock-options pour réaliser des plus-values intéressantes, et du plan d'épargne entreprises, pour exonérer les gains d'impôt sur le revenu.

Mme Nicole Bricq - Ce n'est pas le contenu du texte !

M. Claude Goasguen - La notion de participation permet ainsi de sortir d'une stricte logique financière et spéculative : l'intérêt de l'entreprise est préservé.

Derrière la notion de participation se profile ainsi la notion d'intéressement permettant aux salariés de faire évoluer leur rémunération en fonction des résultats de l'entreprise. C'est un moyen moderne pour faire bénéficier les salariés de la richesse qu'ils contribuent à créer. En outre, l'intéressement aux résultats de l'entreprise accroît la productivité et la rentabilité des salariés.

Cette mesure permettra d'insuffler un peu de dynamisme dans les grandes structures économiques, touchées par une vague de fusions sans précédent. Souvent, la productivité n'est pas optimale dans ces grandes structures : la parcellisation croissante des tâches encourage des comportements d'éloignement proches de ceux constatés dans les administrations : vacance, motivation en baisse, absence de vision globale, sens de la responsabilité émoussé.

Alors que les actionnaires sont sensibles à la valeur de l'action en Bourse, l'intérêt du manager salarié ou des cadres en général, c'est le chiffre d'affaires, la recherche d'une politique de prestige axée sur l'effet de taille. Des situations d'asymétrie de comportement entre salariés et actionnaires ont ainsi vu le jour.

Certains ont voulu réconcilier ces intérêts différents par les stock-options. Le cadre ou le PDG est alors sensibilisé à la création de valeur de l'entreprise afin d'augmenter sa rémunération, tributaire en partie de la cotation boursière de sa société.

Bénéficiant d'un important rabais à l'acquisition, le cadre peut, après un certain délai, "lever l'option", et obtenir un confortable bénéfice lors de la vente de ses actions.

Les stock-options ont fait leur apparition en France, mais elles souffrent de la fiscalité qui pèse sur elles. Si elles sont levées avant cinq ans, elles sont soumises à l'impôt sur le revenu, à caractère fortement progressif. Après cinq ans, les plus-values sont taxées à 40 %. Ainsi, la taxation pesant sur les stock-options constitue la plus lourde fiscalité sur les plus-values boursières. Au lieu d'avantager l'actionnariat salarié, on le pénalise.

En outre les stock-options ne constituent pas une réponse globale, car elles sont réservées au PDG et aux cadres de très haut niveau. Par ailleurs, les stock-options ne comportent pas de véritable risque. La notion d'intéressement est très évanescente, les options sont surtout le moyen d'accorder une double rémunération aux cadres dirigeants.

Mme Nicole Bricq - Votre proposition ne répond pas à cette question !

M. Claude Goasguen - Pourquoi réserver ces avantages aux seuls dirigeants de l'entreprise ? Une pareille limitation de l'actionnariat salarié ne peut que conforter l'idée que le capitalisme ne profite qu'à quelques-uns.

Bien au contraire, l'actionnariat des salariés, accessible à tous, permet une fidélisation des salariés à l'entreprise et une valorisation du capital humain. Les salariés ne sont pas une simple force de travail, la richesse du capital humain est une des données majeures de l'entreprise.

La présente proposition de loi obligerait, à chaque nouvelle augmentation de capital à réserver aux salariés 5 % des actions émises, et ceci à des conditions privilégiées. Ce plancher des 5 % est le minimum obligatoire mais rien n'empêche une entreprise de prévoir un quota d'actions plus important pour les salariés.

Les groupes de sociétés ne sont pas oubliés.

Le dispositif d'attribution des actions est différent de celui des stock-options et se rapproche de celui des plans d'épargne d'entreprise de 1986.

Il est temps que l'actionnariat des salariés trouve enfin sa place dans le capitalisme français : la participation et l'intéressement des salariés sont les maîtres mots pour valoriser le capital humain de l'entreprise, tout en jouant le jeu des marchés de capitaux.

L'actionnariat des salariés devient un impératif commandé par la mutation internationale du capital.

C'est pourquoi le groupe DL, co-auteur de la proposition, appelle l'attention du Gouvernement sur les avantages économiques, sociaux et politiques de ce texte. Il serait souhaitable que, de temps en temps, dans un monde de confrontation démocratique, il puisse y avoir au sein de notre Assemblée quelques éléments de consensus. Ce texte mérite un examen approfondi car il peut déboucher sur une modernisation de notre économie qui ne serait ni de droite, ni de gauche, mais serait la formule française du libéralisme (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Léonce Deprez - Je tenais à souligner, après Mme Idrac, le profond soutien des députés UDF à cette proposition. Elle a, en effet, une grande signification politique. C'est l'occasion, en soutenant le partenariat dans l'entreprise, de donner une nouvelle image de la France et de traduire un nouvel esprit dans cette Assemblée, qui a trop tendance à se couper en deux sur la base de schémas réducteurs -droite contre gauche, gauche contre droite-, caricature qui ne répond plus à l'attente de l'opinion, en particulier des nouvelles générations.

Nous avons là une chance d'être fidèles à ce que le général de Gaulle a apporté à la France, lui qui n'était ni de droite ni de gauche, qui était au-dessus et au-devant (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL ; protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Edouard Balladur, en 1986, a ouvert les entreprises aux salariés : grande réforme, une de celles qui conduit à une France de partenaires et non plus d'adversaires. Voilà pourquoi je soutiens, au nom de tous ceux qui veulent une démocratie sociale libérale, cette proposition (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

La discussion générale est close.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Je voudrais d'abord remercier tous les orateurs qui ont su aborder ce grand problème de société.

Je ne m'interrogerai pas sur le choix de ce thème. Calcul du RPR pour ressouder l'opposition autour de la "participation", terme fétiche de son fondateur, à l'héritage si souvent malmené notamment par l'un de ses descendants ? Non, je sais que M. Balladur est loin de tout calcul politicien. J'aborde donc le sujet dans le même esprit constructif. Je vous le dis d'entrée : le Gouvernement, favorable à l'actionnariat des salariés, est défavorable à cette proposition de loi.

Dans les années 1980, les offres destinées aux salariés lors des ouvertures de capital ou des privatisations ont fait décoller l'actionnariat salarié, jusqu'alors très marginal. Malgré cela, nous restons à 3 % de salariés actionnaires, soit environ 700 000 foyers fiscaux, contre les 9 % de salariés américains qui capitalisaient 650 milliards de dollars en actions en 1997.

La différence est énorme, même si la part de la capitalisation boursière détenue par les ménages est beaucoup plus importante aux Etats-Unis qu'en France.

L'actionnariat mérite donc d'être développé chez nous. Pour les salariés, il constitue un moyen d'être associés à la stratégie de l'entreprise et de faire valoir leur intérêt spécifique. Pour l'employeur, il représente un bon outil de management qui permet de faire partager au personnel les objectifs de l'entreprise. Enfin, il permet de former un pôle d'actionnaires stable en cas d'action boursière hostile. D'une manière plus générale, il favorise le développement de l'actionnariat populaire, qui contribue au maintien des centres de décision sur notre territoire et donc à notre indépendance économique.

M. Michel Herbillon - Acceptez donc notre proposition !

M. le Secrétaire d'Etat - Ce Gouvernement et cette majorité ont mis en oeuvre plusieurs dispositions pour mieux associer les salariés au partage de la valeur qu'ils créent, M. Feurtet l'a souligné (Murmures sur les bancs du groupe du RPR). Ainsi avons-nous inversé le mouvement qui alourdissait toujours les conditions de l'actionnariat salarié. Mme Bricq a détaillé ces mesures. J'en rappellerai deux. La loi de finances pour 1998 a créé les bons de souscription de parts de créateurs d'entreprises, destinés à associer au succès de leur entreprise les salariés qui en partagent en tant que tels les risques d'échec. La loi sur l'innovation que vous présentera bientôt M. Allègre assouplira encore leurs conditions d'émission.

A chaque fois que le Gouvernement a ouvert le capital des entreprises publiques, il y a associé les salariés. France Télécom compte ainsi 75 % de salariés actionnaires, qui détiennent 3,5 % de son capital. Air France, elle, est l'entreprise cotée dont la part du capital détenu par les salariés sera la plus importante, supérieure à terme à 10 %.

La participation doit donc s'accompagner d'un esprit de négociation et de solidarité. C'est notre Gouvernement qui a étendu la participation des salariés aux cessions de gré à gré, comme pour le CIC ou le GAN. L'échec de la procédure de 1996 est dû à l'absence de consultation des salariés, à laquelle l'opposition s'affirme attachée mais qu'elle est moins portée à mettre en oeuvre lorsqu'elle est au pouvoir. La proposition de M. Balladur procède d'une vision dépassée de l'entreprise (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

L'obligation de réserver une part de chaque augmentation de capital aux salariés serait coûteuse pour les entreprises sans être efficace. Le dispositif ne repose sur aucune logique partenariale, contrairement aux mécanismes existants. Les modalités de répartition des actions entre les salariés seraient fixées par l'assemblée générale des actionnaires et non par négociation entre les partenaires sociaux, ce qui ne va pas dans le sens de l'équité et de la transparence. Le mécanisme obligatoire n'étant pas relié à un accord collectif avec les salariés, le bénéfice serait pour les plus favorisés. On a évoqué le Crédit lyonnais : une concertation préalable à l'ouverture du capital y a été engagée. Le dispositif devrait être inséré dans un accord d'entreprise pour associer réellement les salariés à l'augmentation du capital.

M. Cochet remplace M. Forni au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE DE M. Yves COCHET

vice-président

M. le Secrétaire d'Etat - Automatique et obligatoire, votre dispositif est en contradiction avec votre souhait de développer "l'esprit de participation" (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Le mécanisme actuel de l'offre réservée aux salariés est plus souple et plus efficace, car il permet aux entreprises de décider du moment et des caractéristiques d'une offre spécifique aux salariés. Rien n'empêche, d'ailleurs, d'organiser simultanément une augmentation de capital de droit commun et une augmentation de capital réservée aux salariés.

De plus, une augmentation de capital peut répondre à des objectifs très différents. Une augmentation de capital croisée, entre deux sociétés qui fusionnent ou prennent des participations l'une dans l'autre, doit-elle être soumise au même régime qu'une augmentation de capital "classique" ?

Je m'étonne en outre, compte tenu de vos références historiques, que vous n'ayez pas prévu un mécanisme d'abondement par les entreprises. Votre proposition ne permet pas aux salariés les plus modestes de participer effectivement à l'augmentation de capital (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Le plafond de 100 000 F favoriserait au contraire ceux qui disposent des revenus les plus élevés. D'ailleurs -défaut technique, direz-vous-, la règle du plafond jouant à chaque souscription, elle ne permet pas de fixer une limite supérieure à l'opération. Votre proposition ne ferait qu'avantager les plus favorisés.

M. Jean-Luc Warsmann - C'est faux !

M. le Secrétaire d'Etat - Les principes qui guident l'action du Gouvernement dans ce domaine sont connus. Ils inspirent la réflexion en cours sur les fonds partenariaux de retraite. Votre proposition, en outre, n'est pas cohérente avec les systèmes existants d'épargne salariale.

Ainsi, la décote de 50 % et le blocage des titres pendant trois ans ne sont pas cohérents avec l'augmentation de capital réservée dans le cadre du PEE, dont les avantages sont nettement moindres : une décote de 20 % au maximum, pour une durée de blocage de cinq ans. Un accroissement de la décote doit, logiquement, aller de pair avec un allongement de la période de détention.

Votre dispositif, enfin, risque de déséquilibrer les finances publiques et les comptes sociaux sans atteindre les objectifs affichés. Le régime fiscal et social proposé est totalement dérogatoire aux dispositions des plans d'épargne d'entreprise et de la loi de privatisation, déjà très favorables.

En contradiction avec les dispositifs précédents, le vôtre tend même à exonérer de la CSG et de la CRDS les plus-values de cession d'actions. Cette exonération ne figure certes pas explicitement dans votre texte, mais elle résulterait, de fait, du régime fiscal proposé. Il en résulterait un coût élevé pour les finances publiques, alors même que les souscriptions les plus importantes seraient celles des salariés aisés. De votre part, cela ne m'étonne pas, mais les effets de votre dispositif méritaient d'être soulignés. Vous ne prévoyez d'ailleurs pas de limiter les avantages offerts aux salariés souscrivant un nombre significatif d'actions.

En réalité, le chantier est beaucoup plus vaste.

M. Jean-Luc Warsmann - Bonne raison pour ne rien faire !

M. le Secrétaire d'Etat - La participation aux augmentations de capital n'est qu'une facette de l'actionnariat salarié qui n'est lui-même qu'un aspect de l'association des salariés à la croissance de leur entreprise. Sur ce dernier sujet, M. Migaud a demandé à Mme Bricq d'engager une réflexion, ce dont je me réjouis.

C'est bien une réflexion globale que le Gouvernement entend mener sur l'ensemble des mécanismes de participation et d'association des salariés.

Tout l'intérêt des niches parlementaires est de poser les problèmes économiques et sociaux que nous devrons résoudre. L'opposition, à cet égard, joue un rôle important, et je me félicite de la qualité de ce débat qui nous a permis de nous fixer des objectifs communs. Mais, partisans de la solidarité, nous ne voulons pas d'un dispositif qui aggraverait les inégalités (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Nous souhaitons en outre que l'actionnariat des salariés se développe par la négociation et sans porter atteinte à notre système de protection sociale.

Votre commission n'ayant pas rendu d'avis, j'invite l'Assemblée à repousser cette proposition dans les conditions prévues à l'article 94-3 du Règlement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. le Rapporteur - Monsieur Feurtet, vous trouvez trop faible le taux de 5 % : mais comment aller plus loin si vous refusez cette première avancée ?

Madame Bricq, le général de Gaulle dénonçait l'infirmité morale d'un vieux capitalisme qu'il fallait précisément régénérer par l'association : c'est bien l'objet de cette proposition.

Vous dites que la participation reste faible en France. Mais que faites-vous pour la développer ?

Toutes les grandes initiatives, en la matière, ont été prises par des gouvernements gaullistes et libéraux. En votant ce texte, vous rattraperiez votre retard.

Non, le mécanisme n'est pas automatique, les salariés ont le choix, ils ne souscriront que s'ils le souhaitent. Seules les entreprises ont une obligation : proposer 5 % des actions en cas d'augmentation du capital.

Si, comme vous semblez le redouter, certaines entreprises achètent leurs propres actions, c'est uniquement pour verrouiller leur capital.

La réforme des stock-options n'est pas envisagée. Vous l'aviez souhaitée cependant et le ministre des finances y avait réfléchi ; mais il n'a jamais été question d'étendre le bénéfice de cette possibilité à l'ensemble des salariés. La seule mesure prise par le Gouvernement Jospin a consisté à exonérer les stock-options de prélèvements sociaux, ce que le Gouvernement Juppé avait refusé de faire.

Vous affirmez que cette proposition ne bénéficierait pas aux salariés modestes. Pour ma part, je suis partisan d'une aide incitative de l'Etat.

Monsieur le secrétaire d'Etat, en réponse à vos critiques, je dirai que s'il avait été possible d'examiner les articles en commission, nous aurions pu accepter certains de vos amendements.

Les salariés attendent quelque chose de cette proposition. Ils n'imaginent pas que la gauche puisse la repousser. Vous le faites par idéologie, parce qu'elle a été rédigée par la droite, mais les salariés ont dépassé ce stade (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. le Président - La commission n'ayant pas présenté de conclusions, l'Assemblée, conformément à l'article 4, alinéa 3, du Règlement, est appelée à statuer sur le passage à la discussion des articles du texte initial de la proposition de loi.

Conformément aux dispositions du même article du Règlement, si l'Assemblée vote contre le passage à la discussion des articles, la proposition de loi ne sera pas adoptée.

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Georges Tron - Le groupe RPR soutient, bien entendu, cette proposition.

On nous parle souvent de la "méthode Jospin". Pourtant, le Gouvernement ne veut même pas engager la discussion des articles. Avancer des arguments techniques sans nous donner l'occasion de débattre, quelle incohérence ! Comment peut-on se dire ouvert au dialogue et ne pas accepter la plus élémentaire discussion sur un sujet qui ne prête pas à la polémique politicienne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

La COB l'a dit, la participation de 75 % des salariés aux opérations de privatisation le montre, l'actionnariat intéresse les salariés. Mais, autre incohérence, vous ne voulez pas discuter du principe. On peut bien sûr être en désaccord sur les modalités.

Cette proposition a aussi un objectif social. Il est paradoxal que la majorité qui en appelle à un dialogue social apaisé refuse que l'on discute de ses modalités éventuelles !

Sur le plan économique, face à la globalisation il faut tout faire pour stabiliser l'actionnariat de nos entreprises. Vous dites adhérer à cet objectif noble, et vous refusez qu'on en discute !

Vos raisons sont tout simplement politiciennes. Vous refusez la discussion, au mépris de l'objectif social et du réalisme économique. L'opposition s'en désole si elle n'en est pas surprise. Les salariés jugeront (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Michel Herbillon - Edouard Balladur nous donne une occasion exceptionnelle de développer l'actionnariat salarié, dont le succès n'est plus à démontrer, en favorisant la justice sociale et le progrès économique. Chacun peut y trouver son intérêt, on l'a dit aussi dans la majorité. La participation stabilise les entreprises et renforce leurs liens avec les salariés.

Madame Bricq, je passe sur les leçons de gaullisme, vous n'êtes pas forcément la plus qualifiée à cet égard...

M. Christian Bataille - Et Sarkozy ?

M. Michel Herbillon - Vous vous déclarez favorable à l'actionnariat salarié, mais vous refusez de discuter d'un texte dont c'est l'objet. Vous auriez une ambition plus vaste. Eh bien confrontons nos ambitions, c'est le propre de la discussion parlementaire. Si la niche parlementaire ne convient pas, Monsieur le ministre, inscrivez la proposition à l'ordre du jour.

En vérité, je vous le dis (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste), vous avez beaucoup de mal à cacher votre gêne. Nous proposons de développer le contrat et de promouvoir la justice sociale.

M. Arnaud Montebourg - Ca se saurait !

M. Michel Herbillon - Vous nous opposez des modèles du passé, l'étatisme, la lutte des classes ("Ah !" sur les bancs du groupe socialiste), une vision idéologique et conservatrice. Vous avez un siècle de retard ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. Henri Plagnol - Edouard Balladur propose que tous les salariés puissent devenir actionnaires de leur entreprise. Cette réforme répond à une nécessité économique et sociale.

Plus de 50 ans après la vision géniale du général de Gaulle, la France est en retard sur le capitalisme américain. Les salariés actionnaires d'entreprise sont trois fois moins nombreux qu'aux Etats-Unis, vous l'avez dit.

L'actionnariat des salariés favorise la stabilisation du capital et l'indépendance nationale. Vous refusez d'en discuter comme vous avez refusé de discuter de la proposition de Jacques Barrot et Philippe Douste-Blazy sur les fonds de pension à la française. La majorité fait tout pour que le capitalisme étranger, anglo-saxon, soit plus présent dans le capital de nos entreprises au détriment du travail des salariés français (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

Nécessité économique donc, et plus encore nécessité sociale. Vos objections sont factices. Comment prétendre que la proposition favorise les salariés les plus fortunés ?

Mme Nicole Bricq - L'avez-vous bien lue ?

M. Henri Plagnol - Alors que c'est le cas du système actuel des stock-options. Vous favorisez le conservatisme, relayés par une partie du patronat (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) représentée par M. Seillière. Vous illustrez les blocages de la société française. Aujourd'hui peuvent bénéficier de l'actionnariat les salariés des entreprises publiques, non grâce à vous mais à Edouard Balladur qui l'a prévu lors de la loi de privatisation (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). Ceux qui ne sont pas des cadres dirigeants doivent-ils encore attendre ? L'accord collectif dont vous parlez renvoie au droit de veto des syndicats de salariés et des syndicats patronaux. Vous confortez ainsi cette société bloquée qui freine le capitalisme populaire, qui seul peut réconcilier durablement les Français avec l'entreprise.

La proposition d'Edouard Balladur s'inscrit dans la tradition gaulliste et démocrate-chrétienne, elle permet d'avancer vers la démocratie sociale et libérale que nous appelons de nos voeux. Le groupe UDF votera avec enthousiasme cette proposition de réforme et de justice pour tous (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

Mme Nicole Bricq - Ce débat a montré qu'il y a un accord général pour augmenter la place des salariés dans le capital des entreprises. Mais vous nous accorderez le droit de ne pas vouloir discuter de cette proposition qui ne correspond pas à notre ambition et qui est même une forme de tromperie.

Il y a donc une vraie réflexion à mener, une vraie consultation, un grand chantier à ouvrir (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Le législateur doit préparer la discussion...

M. Michel Herbillon - Vous la refusez !

Mme Nicole Bricq - ...Donner les moyens d'aller vers un projet plus ambitieux. Ce serait tronquer le débat que d'adopter votre proposition qui, de plus, est très orientée (Mêmes mouvements). Elle favorise une toute petite catégorie de salariés (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Il faut reprendre ce chantier. Comme l'a dit M. Goasguen, on a le droit en démocratie d'avoir deux conceptions de la société et de l'entreprise. Il faut en discuter.

Plusieurs députés RPR - Alors discutons !

Mme Nicole Bricq - Vous ne pouvez pas nous en retirer le droit, pour le bien commun et celui des salariés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

L'Assemblée, consultée, décide de ne pas passer à la discussion des articles.

M. le Président - L'Assemblée ayant décidé de ne pas passer à la discussion des articles, la proposition de loi n'est pas adoptée.

Prochaine séance cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 11 heures 30.

          Le Directeur du service
          des comptes rendus analytiques,

          Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale


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